L'homélie du dimanche (prochain)

18 février 2024

La mère rit, le père lie, la fraternité s’évanouit !

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

La mère rit, le père lie, la fraternité s’évanouit !

 

Homélie pour le 2° Dimanche de Carême / Année B 

25/02/2024

 

Cf. également :
 
Transfiguration : Soukkot au Mont Thabor
En descendant de la montagne…
Compagnons d’éblouissement
Abraham, comme un caillou dans l’eau
Transfiguration : le phare dans la nuit
Transfiguration : la métamorphose anti-kafkaïenne
Leikh leikha : Va vers toi !
Le sacrifice interdit
Dressons trois tentes…
La vraie beauté d’un être humain
Visage exposé, à l’écart, en hauteur
Figurez-vous la figure des figures
Bénir en tout temps en tout lieu
L’icône de la Transfiguration
À l’écart, transfiguré

 

Le « déluge d’Al Aqsa » 

Une femme palestinienne lève les bras pour la première lors de la première prière du vendredi du Ramadan aux abords du Dôme des roches, sur le mont du Temple de Jérusalem, le 26 avril 2021. (Crédit : Ahmad GHARABLI / AFP)On l’a oublié un peu vite : le Hamas avait appelé « déluge d’Al Aqsa » l’opération terroriste faisant 1200 victimes et 200 otages civils juifs le 7 octobre 2023. « Al Aqsa » désigne la mosquée construite sur l’esplanade du Temple juif, à partir de 637. En arabe, c’est « la mosquée la plus lointaine (Al Aqsa) ». Car les musulmans croient y reconnaître la mosquée dont parle la sourate 17 du Coran :

« AL-ISRA (LE VOYAGE NOCTURNE) – Pré-Hégire

 Au nom d’Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux.

« Gloire et Pureté à Celui qui de nuit, fit voyager Son serviteur (Muhammad), de la Mosquée Al-Harm (la mosquée sacrée = la Mecque) à la Mosquée Al-Aqsa (la plus lointaine = Jérusalem) dont Nous avons béni les alentours » (Sourate 17,1).

Petit problème chronologique : Mohamed est mort à Médine en 632. Comment aurait-il pu voyager de son vivant jusqu’à la mosquée de Jérusalem… qui n’avait pas encore été construite !?

On voit que les sourates de ce voyage mythique où Mohamed est censé être monté aux cieux – rivalité avec l’Ascension de Jésus ? – à partir du rocher de l’esplanade du Temple ont été écrites après la mort de Mohamed, sans aucun doute dans un but polémique d’appropriation du lieu… Or pour la Bible, le mont Moriah de notre première lecture (Gn 22,1-18) où a eu lieu l’épisode avec Isaac est bien le lieu du Temple de Salomon : « Salomon commença à bâtir la Maison du Seigneur à Jérusalem, sur le mont Moriah, là où le Seigneur était apparu à David son père… » (2 Ch 3,1).

Le conflit autour de l’esplanade du Temple (pour les juifs) / la Mosquée Al Aqsa (pour les musulmans) est donc au cœur de la rivalité entre juifs et musulmans depuis des siècles. Le Hamas veut renvoyer les juifs à la mer : reconquérir Al Aqsa par un déluge de feu est pour ces terroristes un impératif coranique.

Le mont Moriah est au cœur des conflits entre juifs et musulmans, comme il l’a été au temps des croisades des chrétiens qui voulaient libérer le Saint-Sépulcre. Le célèbre sacrifice d’Isaac - qui est plutôt un non-sacrifice - de notre lecture est le condensé de la rivalité Isaac–Ismaël, qui rejaillit sur les relations juifs–musulmans, empoisonnant le Moyen-Orient depuis des siècles.

Voyons comment.

 

La rivalité Isaac–Ismaël, juifs–musulmans

JUIFS MUSULMANSVous avez dû tiquer en entendant la lecture de Gn 22,2 : « prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes ».
Bizarre… Abraham n’a-t-il pas deux fils ? Ismaël en effet était l’aîné, conçu avec la servante Agar sur ordre de Sara elle-même, désespérée d’être apparemment stérile.

Un midrash fait dialoguer Abraham et Dieu pour illustrer le dilemme d’Abraham :

– Prends ton fils, dit Dieu

– Mais lequel ? J’en ai deux.

– Ton unique

– Chacun est unique à mes yeux

– Celui que tu aimes

– Je les aime tous les deux.

On voit bien que pour Abraham, le choix est déchirant. En fait, Ismaël avait déjà été chassé au désert avec sa mère sur ordre de Sara, jalouse de cette autre mère qui l’a précédée, et jalouse de l’exclusivité de l’héritage pour son seul fils (Gn 21).

Profondément attristé, Abraham avait consenti à laisser partir Agar et son fils Ismaël. Sarah et lui avaient gardé Isaac pour eux, au sens propre comme au sens figuré. Mais la rivalité des deux mères avait déjà pollué la fraternité entre les deux fils d’Abraham : ils sont devenus ennemis malgré eux, à cause d’une jalousie maternelle féroce. Dès qu’Isaac fut sevré (Gn 21,8), Sarah exige de renvoyer Agar et son fils, alors qu’une relation fraternelle Isaac–Ismaël devenait possible à partir de cet âge. Sarah ne voit pas qu’en exigeant le départ d’Ismaël elle prive Isaac de son frère.

Cela ne sera pas sans effet sur la suite des événements. Isaac devra grandir dans une sorte de nostalgie d’un frère qu’il n’aura jamais connu vraiment : en témoignent le choix de sa résidence, sa préférence pour son premier fils (Ésaü) en qui il retrouve quelque chose de son frère aîné, ainsi que le fait qu’Ésaü pensera plaire à son père en épousant sa cousine, une fille d’Ismaël.

De plus, cette jalousie a conduit Isaac à penser toute transmission d’héritage sur le mode de l’exclusivité (Gn 25,5). L’attitude de sa mère l’a en réalité induit en erreur. Elle se paiera à la génération suivante, puisque les relations de Jacob avec Ésaü en seront profondément affectées, de même sans doute que sa vie avec Laban.

 

Le rire de Sara, d’Ismaël et d’Isaac

Le Rire de SaraLe rire de Sara est célèbre (Gn 18,12;21,6) : elle est tellement âgée qu’elle a du mal à croire à l’annonce d’une naissance que lui font les trois visiteurs d’Abraham sous le chêne de Mambré. Son rire exprime son doute, et la folie de la promesse divine hautement improbable.

Isaac va hériter de ce rire, puisque son nom signifie justement : « il rira ». Son rire sera-t-il de même nature que celui de sa mère ?

Il y a un troisième rire, moins connu, celui d’Ismaël [1] :

« Sara vit rire le fils qu’Agar, l’Égyptienne, avait enfanté à Abraham » (Gn 21,9).

Ce rire a été interprété par le Talmud de Babylone comme une moquerie ironique d’Ismaël se vantant d’être plus méritant qu’Isaac :

« Il lui dit : je suis plus grand que toi, à l’aune de l’obéissance aux commandements, car toi, tu as été circoncis à huit jours (cf. Ac 7,8) tandis que moi, je l’ai été à treize ans ! Isaac lui a répondu : Tu veux m’impressionner par un organe (le prépuce) ? Si le Saint béni soit-Il me demandait : Sacrifie-toi tout entier, je le ferais aussitôt ! Aussitôt, Dieu mit Abraham à l’épreuve » (TB, Sanhédrin 89b).

En somme, si la primauté tient au degré de mérite susceptible de justifier l’élection filiale, la surenchère d’Isaac, qui accepte d’être sacrifié « tout entier », met fin à cette prétention. Le midrash met ici le doigt sur un problème majeur qui ressort du récit biblique. Ismaël est le premier-né. Il aurait dû être l’héritier naturel des promesses. En tout cas, le principal. Ce sera pourtant Isaac.

Nous trouvons là un thème qui sera cher au christianisme le plus archaïque. Les diverses substitutions de cadets à aînés que nous offre l’Écriture seront considérées comme des figures de la substitution du peuple chrétien au peuple juif.

Paul pointe le problème : « Tous ceux qui sont la descendance d’Abraham ne sont pas pour autant ses enfants, car il est écrit : C’est par Isaac qu’une descendance portera ton nom » (Rm 9,7). Il développe cette thèse de la filiation spirituelle avec les enfants de Rébecca et Isaac : Ésaü était le premier-né et aurait dû garder son droit d’aînesse. Mais finalement, « l’aîné servira le plus jeune » (Rm 9,2), comme Ismaël s’effacera devant Isaac, car Dieu agit comme il l’entend, et l’homme n’y peut rien.

Hilaire de Poitiers écrira plus tard : « Sara désigne l’Église ; Agar la Synagogue ».

 

Ismaël veut humilier son cadet en lui montrant qu’il est plus méritant. Son rire est un rire de rivalité. Rabbi Shimon bar Yochaï (II° siècle) explique ce rire d’Isaïe comme une moquerie. Il se rit de son frère. Se croyant l’aîné, il prétend à deux parts d’héritage (l’Arabie et la Palestine, remarque ironiquement le rabbin !). ‘C’est moi l’aîné. Le monde entier et la terre d’Israël me reviennent !’ Mais à la mort de son père, il revient à la maison. Il fait repentir, reconnaissant qu’Israël est chez lui à Hébron, car il a reconnu la religion de son père (avant Mohamed, les Ismaélites étaient des païens).

Le rire d’Ismaël, ce rire de rivalité, trouvera donc un jour sa Rédemption. Pour les juifs religieux, il faudra pour cela que l’Islam reconnaisse que cette terre a été donnée par Dieu à Israël… Le conflit est dès lors inévitable !

Les Arabes musulmans n’ont jamais connu la situation d’exil. Ils ont toujours, dès leur émergence au VII° siècle, été des conquérants par l’épée, partout et toujours. Et voici qu’en Palestine, et pour la première fois, ils connaissent cette situation d’exil. Cela leur est insupportable : être en exil chez les Juifs… à Jérusalem !

La mère rit, le père lie, la fraternité s’évanouit ! dans Communauté spirituelle 69562-abrahams-sons.800w.tn

 

Pourtant la réconciliation est possible. Abraham mort, « Isaac et Ismaël, ses fils, l’enterrèrent dans la grotte de Makhpelah » (Gn 25,9). Alors seulement, Ismaël a le privilège d’être ici désigné comme fils d’Abraham. La préséance du fils de la Promesse, Isaac, est établie et reconnue, puisque Isaac est nommé le premier. Les deux frères à partir de là finirent leur vie en voisins réconciliés, chacun sur sa terre.

On voit que cette rivalité de préséance à propos de la Promesse (descendance incalculable), de l’Héritage (bénédiction pour toutes les nations) et de la Terre (Mont Moriah) envenimera les relations juifs-musulmans pendant longtemps encore, en se transmettant de génération en génération.

Faudra-t-il attendre qu’ils enterrent à nouveau Abraham – leur père commun – ensemble pour vivre un voisinage de paix ? Mais que voudrait dire « enterrer Abraham » aujourd’hui ?…

 

La mère rit, le père lie

9782296049086f Abraham dans Communauté spirituelleTout part du rire de Sara, qui doute de la promesse des trois visiteurs à Mambré, puis fait porter à Isaac le poids de ce rire en le chargeant d’une mission ambiguë : « il rira ». Autrement dit, elle veut que son fils fasse comme elle ! Alors évidemment, lorsque Sarah-qui-rit voir rire le fils Ismaël, le bâtard égyptien qui lui rappelle sa période inféconde, elle enrage de jalousie, et cette rage va empoisonner les relations entre les deux frères.

Ismaël est le premier délié de cet attachement familial trop possessif : il est conduit au désert. Isaac reste seul à la maison, entre ses deux parents, sans son frère. Le père ne veut pas perdre le seul enfant qui lui reste : alors il imagine de le lier, de l’attacher, pour qu’il ne se sauve pas et soit entièrement consacré (consumé) à Dieu tel qu’il l’imagine (par le bois de l’holocauste).

 

Quelle folie destructrice ! Quand un père lie son fils, il l’empêche de vivre, même pour des raisons apparemment très religieuses. Combien d’enfants sont ainsi retenus prisonniers par le désir paternel :

liés par une image paternelle à reproduire,

liés par des injonctions religieuses destructrices (consume-toi pour Dieu, disent tous les fanatiques religieux),

liés par un surmoi parental exorbitant,

liés par une mauvaise interprétation de la Promesse (reste auprès de moi pour que j’ai la descendance promise) etc.

Il faut le couteau pour couper ces liens, et enfin laisser l’enfant partir libre, sans l’ombre paternelle.

« Déliez-le et laissez-le aller » (Jn 11,44), dira Jésus plus tard en parlant de Lazare rescapé de la mort symbolique dans laquelle des liens (famille, village, religion) voulaient le maintenir comme dans un tombeau.

 

sacrificeofisaac IsaacCet acte de lier (Aqéda) et de délier son fils est tellement symbolique que les juifs – à raison – n’appellent pas cet épisode « sacrifice d’Isaac » (puisqu’il en réchappe) mais la « ligature (Aqéda) d’Isaac ». Si le péché de la mère a été de rire et de propager ce rire malsain autour d’elle, le péché du père a été de vouloir posséder le don de Dieu qui lui avait été fait à travers son fils cadet.

Il y aura bien un holocauste, mais de substitution : un animal fourni pour le sacrifice, un bélier, pas un agneau, c’est-à-dire un père et pas un fils. Et si Abraham a bien fait monter (עָלָה ‘alah = élever ; c’est l’autre sens du mot traduit par holocauste dans le texte liturgique) son fils sur la montagne (Gn 22,2), il rentre sans Isaac, le fils est désormais séparé de son père, suivant son propre chemin, une séparation symbolique qui fait d’Isaac une personne ‘élevée’ (עָלָה ‘alah) comme sujet distinct de son père.
Abraham a sacrifié sa fausse de sa paternité (symbolisée par le bélier) trop possessive. Le fils peut alors vivre libre, séparé de son père.

Au lieu de sacrifier son fils, c’est une certaine idée de la paternité qu’Abraham est appelé à mettre à mort – une paternité vue comme toute-puissance, droit de vie et de mort, possession. Il doit apprendre à être père et, partant, à se séparer symboliquement de son fils, à créer une distance – ce serait cela, « élever » son fils – et c’est pourquoi, au dénouement de cette sombre affaire, c’est un « bélier », figure du « géniteur » (et non de l’enfant, comme « l’agneau » initialement prévu) que le patriarche est invité à sacrifier. À la fin de l’épisode, « Isaac, fils dé-possédé, a disparu vers le divin hors du champ sacrificiel de la possession paternelle », écrit Marie Balmary [2].

Abraham, en laissant ses serviteurs pour poursuivre le chemin avec son fils, leur avait dit de les attendre : « nous reviendrons vers vous » (Gn 22,5). Or il est revenu tout seul ! Isaac est d’une certaine manière « perdu » pour Abraham… et c’est heureux !

 

Isaac-and-Abrham-with-wood-on-Isaacs-back IsmaëlBien sûr, les chrétiens verront Jésus dans ce fils lié, attaché au bois du sacrifice. Jean par exemple prend bien soin de préciser par deux fois que Jésus était lié (comme Isaac) lorsqu’il fut arrêté à Gethsémani, puis envoyé au grand prêtre (Jn 18,12.24). L’allusion à Isaac est claire. Comme la Pâque juive est l’anniversaire de l’Aqéda, Jean annonce que le fils lié sera le véritable agneau pascal. Sa superposition est renforcée chez Jean par le détail qui lui est propre : Jésus porte lui-même sa croix (Jn 19,1) et non Simon de Cyrène, comme Isaac portait lui-même le bois pour le sacrifice (Gn 22,6). Certains pensent que l’éviction de Simon de Cyrène en Jean 19,1 veut éviter de laisser penser que Simon aurait été crucifié à la place de Jésus, ce que certains hérétiques (les docètes) soutenaient déjà (et le Coran a sans doute repris cette tradition en prétendant que Jésus n’a pas été crucifié, mais quelqu’un à sa place ; cf. Sourate 4,157-158).

 

Le fils lié puis délié annonce la possibilité d’une vie enfin fraternelle, libérée de ce que l’attachement parental pouvait avoir de nocif pour les deux frères. La ligature d’Isaac à laquelle il échappe annonce la Passion du Christ et son déliement sa Résurrection, car la mort n’a pu retenir en ses liens.

« Grâce à la foi, quand il fut soumis à l’épreuve, Abraham offrit Isaac en sacrifice. Et il offrait le fils unique, alors qu’il avait reçu les promesses et entendu cette parole : C’est par Isaac qu’une descendance portera ton nom. Il pensait en effet que Dieu est capable même de ressusciter les morts ; c’est pourquoi son fils lui fut rendu : il y a là une préfiguration » (He 11,17-19). 

Voilà pourquoi Jésus met une vraie joie spirituelle – pas un rire ironique – sur les lèvres d’Abraham : « Abraham, votre père, a tressailli de joie de ce qu’il verrait mon jour: il l’a vu, et il s’est réjoui » (Jn 8,56).

 

Conclusion

Dieu que c’est dur de s’aimer en famille !

Les mères rivalisent de jalousie pour leurs enfants.

Les pères sont possessifs, jusqu’à lier leur progéniture et les consumer de leurs injonctions.

Frères et sœurs reproduisent la rivalité parentale, se déchirent sur l’héritage, et ont un mal fou à trouver la juste distance pour vivre en paix entre voisins.

Les juifs et les musulmans se disputent le Temple / Al Aqsa et chacun veut incarner l’enfant de la Promesse…

Et nous-mêmes, nous lions  nos enfants, nous rions les uns des autres…

 

Arrêtons de chasser Ismaël ! Arrêtons de lier Isaac ou Jésus !

Que les parents ne lient plus leurs enfants… Que les frères et sœurs apprennent à partager l’héritage pour vivre en paix, au Moyen-Orient comme ailleurs… !

___________________________

[2]. Cf. Marie Balmary, Le sacrifice interdit, Grasset, 1989.

 

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
Le sacrifice de notre père Abraham (Gn 22, 1-2.9-13.15-18)

Lecture du livre de la Genèse
En ces jours-là, Dieu mit Abraham à l’épreuve. Il lui dit : « Abraham ! » Celui-ci répondit : « Me voici ! » Dieu dit : « Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Isaac, va au pays de Moriah, et là tu l’offriras en holocauste sur la montagne que je t’indiquerai. » Ils arrivèrent à l’endroit que Dieu avait indiqué. Abraham y bâtit l’autel et disposa le bois ; puis il lia son fils Isaac et le mit sur l’autel, par-dessus le bois. Abraham étendit la main et saisit le couteau pour immoler son fils. Mais l’ange du Seigneur l’appela du haut du ciel et dit : « Abraham ! Abraham ! » Il répondit : « Me voici ! » L’ange lui dit : « Ne porte pas la main sur le garçon ! Ne lui fais aucun mal ! Je sais maintenant que tu crains Dieu : tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique. » Abraham leva les yeux et vit un bélier retenu par les cornes dans un buisson. Il alla prendre le bélier et l’offrit en holocauste à la place de son fils.
Du ciel, l’ange du Seigneur appela une seconde fois Abraham. Il déclara : « Je le jure par moi-même, oracle du Seigneur : parce que tu as fait cela, parce que tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique, je te comblerai de bénédictions, je rendrai ta descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel et que le sable au bord de la mer, et ta descendance occupera les places fortes de ses ennemis. Puisque tu as écouté ma voix, toutes les nations de la terre s’adresseront l’une à l’autre la bénédiction par le nom de ta descendance. »
 
PSAUME
(115 (116b), 10.15, 16ac-17, 18-19)
R/ Je marcherai en présence du Seigneur sur la terre des vivants. (114, 9)


Je crois, et je parlerai,

moi qui ai beaucoup souffert.
Il en coûte au Seigneur
de voir mourir les siens !

Ne suis-je pas, Seigneur, ton serviteur,

moi, dont tu brisas les chaînes ?
Je t’offrirai le sacrifice d’action de grâce,
j’invoquerai le nom du Seigneur.

Je tiendrai mes promesses au Seigneur,

oui, devant tout son peuple,
à l’entrée de la maison du Seigneur,
au milieu de Jérusalem !
 
DEUXIÈME LECTURE
Dieu n’a pas épargné son propre Fils » (Rm 8, 31b-34)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Romains
Frères, si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Il n’a pas épargné son propre Fils, mais il l’a livré pour nous tous : comment pourrait-il, avec lui, ne pas nous donner tout ? Qui accusera ceux que Dieu a choisis ? Dieu est celui qui rend juste : alors, qui pourra condamner ? Le Christ Jésus est mort ; bien plus, il est ressuscité, il est à la droite de Dieu, il intercède pour nous.
 
ÉVANGILE
« Celui-ci est mon Fils bien-aimé » (Mc 9, 2-10)
Gloire au Christ, Parole éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur.
De la nuée lumineuse, la voix du Père a retenti : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le ! »
Gloire au Christ, Parole éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur. (cf. Mt 17, 5)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc
En ce temps-là, Jésus prit avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les emmena, eux seuls, à l’écart sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux. Ses vêtements devinrent resplendissants, d’une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille. Élie leur apparut avec Moïse, et tous deux s’entretenaient avec Jésus. Pierre alors prend la parole et dit à Jésus : « Rabbi, il est bon que nous soyons ici ! Dressons donc trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » De fait, Pierre ne savait que dire, tant leur frayeur était grande. Survint une nuée qui les couvrit de son ombre, et de la nuée une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le ! » Soudain, regardant tout autour, ils ne virent plus que Jésus seul avec eux.
Ils descendirent de la montagne, et Jésus leur ordonna de ne raconter à personne ce qu’ils avaient vu, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts. Et ils restèrent fermement attachés à cette parole, tout en se demandant entre eux ce que voulait dire : « ressusciter d’entre les morts ».
Patrick BRAUD

Mots-clés : , , ,

25 décembre 2020

Le vieux couple et l’enfant

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 15 h 00 min

Le vieux couple et l’enfant

Homélie pour la fête de la Sainte Famille/ Année B
27/12/2020

Cf. également :

Honore ton père et ta mère
Qu’as-tu que tu n’aies reçu ?
Aimer nos familles « à partir de la fin »
Une sainte famille « ruminante »
Fêter la famille, multiforme et changeante
La vieillesse est un naufrage ? Honore la !
Une famille réfugiée politique
Familles, je vous aime?

Un tel titre fait penser au ‘vieil homme et la mer’ d’Ernest Hemingway, où un vieux pêcheur tombe sur un poisson énorme, pareil à un cachalot, et lutte pour l’amener à bord de son canot à la force de ses bras.
Dans les textes de notre fête de la Sainte Famille, les pêcheurs s’appelleraient plutôt Abraham et Sara, Syméon et Anne. Quant au poisson, Isaac et Jésus l’incarneraient assez bien, fruit d’une surprise que les découvreurs ne peuvent posséder…

Sarah Abraham.jpgVieux, Abraham et Sara l’étaient certainement lors de l’annonce d’une naissance inespérée. La Bible dit qu’Abraham avait alors environ 100 ans et Sara 80 ! Et voilà qu’Isaac survient, ‘enfant de vieux’ dirait-on aujourd’hui, en tout cas enfant-surprise comme il y en a tant de par le monde encore aujourd’hui malgré la maîtrise moderne de la fécondité !

Vieux, Syméon, prophète au temple de Jérusalem, devait l’être également puisqu’il n’attendait qu’une chose : « s’en aller en paix » après avoir vu le salut, la lumière, la gloire d’Israël, ce qu’il a reconnu en l’enfant Jésus qu’il tenait dans ses bras.

Vieille, Anne l’était assurément : 84 ans à l’époque c’est une performance ! Le chiffre bien sûr est symbolique (7 fois 12, dont 7 ans de veuvage) d’Israël (le peuple est féminin en hébreu, 7 est le chiffre de la création, 12 celui des tribus d’Israël). Le grand âge d’Anne évoque donc la création d’Israël, attendant le huitième jour, celui du Messie. Anne fait penser à la Sagesse, proclamant les louanges de Dieu, « parlant de l’enfant à tous ceux qui attendaient la délivrance ».

La liturgie de la Sainte Famille nous met devant ces deux couples âgés confrontés à un tout-petit qui bouscule tout en surgissant dans leur vie. Comment ont-ils pu accueillir cet enfant ? Et nous qui sommes collectivement chargés de siècles, comment pourrions-nous accueillir la nouveauté de Dieu aujourd’hui ? Si nos cheveux sont blancs, c’est la fécondité de notre vie qui est en jeu. Si nous sommes nés au XXI° siècle, c’est notre capacité à discerner le moment présent qui est en jeu, afin de porter du fruit.

Essayons de repérer ce qui a permis à ces seniors des temps bibliques de tenir dans leurs bras un enfant à nul autre pareil.

 

D’Abram / Saraï à Abraham / Sara

Le vieux couple et l’enfant dans Communauté spirituelle bc-abrahamsons02Avez-vous remarqué le changement d’appellation presque imperceptible entre le début et la fin de notre première lecture (Gn 15, 1-6; 21, 1-3) ? Au début, en Gn 15,1, Dieu parle à Abram. À la fin, Sara enfante un fils à Abraham. Entre les deux, Dieu change son nom : « Tu ne seras plus appelé du nom d’Abram, ton nom sera Abraham, car je fais de toi le père d’une multitude de nations » (Gn 17, 5).

Rajouter une lettre à un prénom n’est pas chose banale ! D’autant qu’ici, c’est la lettre hébreu h, qui évoque le souffle (Ruah). Elle est ajoutée à Abram pour qu’il devienne Abraham. Abram – contraction de Abiyram – signifie père d’Aram, son pays d’origine, « araméen errant… ». Quand Dieu introduit la lettre h dans son nom, il introduit la lettre de la création, du souffle de la création (Ruah YHWH). Abraham est créé de nouveau et il va pouvoir devenir père, et même « père d’une multitude ». Il passe ainsi de « père d’Aram » à « père d’une multitude », du clan à l’humanité, du territoire à l’universel.

Comment s’opère ce changement d’identité ? C’est justement lorsqu’Abraham accepte d’appeler sa femme Sara (princesse) et non plus Saraï (ma princesse). « Dieu dit encore à Abraham : Saraï, ta femme, tu ne l’appelleras plus du nom de Saraï (ma Princesse, car la lettre hébraïque ï indique le possessif); désormais son nom est Sara (c’est-à-dire : Princesse) » (Gn 17, 15). Elle devient Sara libre, non mélangée, capable de quitter la condition de dépendance. À 80 ans, elle qui était stérile va porter un fruit inespéré.

Autrement dit, c’est lorsque Abram renonce au possessif envers sa femme qu’il devient Abraham.

Lorsque sa femme (Saraï) devient libre (Sara) – princesse sans tutelle – alors tous deux engendrent Isaac, dont le prénom rappellera toujours à Sara qu’elle a ri (rire nerveux de doute, ou d’espoir ne voulant pas être déçu ?) lors de l’annonce de sa grossesse. Car Isaac est un dérivé du prénom hébraïque Yitsh’aq. Ce dernier s’inspire du terme tsahaq qui signifie « rire ».

Abraham : père d'une multitude de nations

Suivant les commentaires du grand exégète juif du Moyen Âge Rachi, la psychanalyste Marie Balmary a écrit des pages enthousiastes sur cette redécouverte du passage de Saraï à Sara, lui permettant d’enfanter Isaac [1]. Elle en oublie un peu l’autre transformation, concomitante, nécessaire, d’Abram en Abraham. Avoir du souffle (grâce à la lettre h) et engendrer, recevoir l’Esprit et ne plus posséder : les deux mouvements s’alimentent mutuellement ! Le grand âge de nos deux époux vient souligner le caractère exceptionnel, sur-naturel, de cette transformation : ce n’est pas à la force du poignet qu’Abraham devient le patriarche d’une multitude. C’est vraiment par l’accueil du souffle de Dieu qu’enfin il relâche son emprise sur Saraï, lui rend sa liberté de princesse, tout en étant lui-même changé en Abraham, le père d’une multitude plus nombreuse que les étoiles dans le ciel.

Cette double transformation n’est pas une question d’âge. Les plus jeunes d’entre nous, parfois trop sûrs d’eux, se mettront à l’école d’Abram et Saraï pour apprendre engendrer mieux qu’à la manière humaine. Les plus vieux, parfois résignée, verront en Abraham et Sara leur espérance de porter du fruit pendant des années encore, selon la parole du psaume : « vieillissant, il fructifie encore » (Ps 91,15).

 

Discerner le moment présent

Dans l’évangile de ce dimanche (Lc 2, 22-40), le vieillard Siméon se révèle prophète, en reconnaissant en ce bébé de Nazareth le salut des nations et la gloire d’Israël.
Giotto_-_Scrovegni_-_-19-_-_Presentation_at_the_Temple Abraham dans Communauté spirituelle
À 84 ans, Anne n’a rien perdu de son acuité spirituelle, puisqu’elle chante les louanges de Dieu en croisant cet enfant, et elle parle de lui à tout le monde.
Or, discerner dans ces quelques kilos de chair et de sang – sanglé dans les langes de l’époque – plus qu’un bébé blotti contre sa mère, c’est tout sauf évident !

Présentation de Jésus au Temple : textes de St Luc et Maria ValtortaOn devine que, pour être aussi perspicace, Syméon a dû scruter les Écritures des nuits entières pendant des décennies. On devine également en Anne une grande priante, qui prit  le temps d’habiter le silence et la louange pour attendre le Messie. Elle est l’une des cinq femmes dont l’huile de la prière ne manque jamais pour accueillir l’époux, en pleine nuit devant la salle de noces où ici en plein jour devant le Temple de Jérusalem.
Sinon, comment auraient-ils pu voir tous les deux en filigrane dans cet enfant la marque de l’Esprit de Dieu ?

L’art du discernement spirituel ne porte pas sur le futur, mais bien sur le présent.
De quoi suis-je témoin ?
Quel est le sens de tel événement maintenant ?
Qu’est-ce qui est en jeu dans telle rencontre apparemment anodine ?
Ces questions sont les nôtres devant les irruptions de l’Esprit qui nous bouleversent et nous remettent en cause. Comment faire pour ne pas passer à côté d’un nouveau commencement possible ?
Comment être maintenant dans la louange grâce à telle rencontre ordinaire ?
Comment reconnaître en ces ‘petits’ croisés par hasard le visage du Messie d’Israël ?

Voilà sans doute un enjeu de cet Évangile : discerner dans le moment présent la visite de Dieu lui-même, déchiffrer un visage pour se laisser éblouir par sa profondeur et son mystère.

Notons au passage que c’est en dehors de sa famille que Jésus reçoit tout petit ses  premiers signes de reconnaissance : les bergers, les mages, Anne, Syméon… Comme quoi fêter la Sainte Famille n’est pas enclore nos familles sur elles-mêmes ! Comme Marie et Joseph, nous avons à accepter que nos proches reçoivent une révélation sur eux-mêmes de la part d’étrangers plus que de nous.

Toujours la même chose : renoncer aux possessif, se laisser conduire par l’Esprit…

Êtes-vous Abram ayant besoin de puiser un nouveau souffle pour ne plus posséder vos proches ?
Êtes-vous Saraï ayant besoin d’être libérée de l’emprise de quelqu’un qui vous aime mal ?
Êtes-vous ce vieux couple qui ose attendre et espérer une fécondité nouvelle ?
Ou êtes-vous Syméon pour reconnaître sur le visage d’un tout petit de ce monde la lumière venue d’en haut ?
Ou êtes-vous Anne persévérant dans la prière jusqu’à ce que votre louange éclate après une rencontre ? Jusqu’à parler à tous de celui qui vous a frôlé de sa présence ?

 


[1]. Marie BALMARY, Le Sacrifice interdit, Paris, Grasset, 1986, pp.94-97.

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Ton héritier sera quelqu’un de ton sang » (Gn 15, 1-6 ; 21, 1-3)

Lecture du livre de la Genèse

En ces jours-là, la parole du Seigneur fut adressée à Abram dans une vision : « Ne crains pas, Abram ! Je suis un bouclier pour toi. Ta récompense sera très grande. » Abram répondit : « Mon Seigneur Dieu, que pourrais-tu donc me donner ? Je m’en vais sans enfant, et l’héritier de ma maison, c’est Élièzer de Damas. » Abram dit encore : « Tu ne m’as pas donné de descendance, et c’est un de mes serviteurs qui sera mon héritier. » Alors cette parole du Seigneur fut adressée à Abram : « Ce n’est pas lui qui sera ton héritier, mais quelqu’un de ton sang. » Puis il le fit sortir et lui dit : « Regarde le ciel, et compte les étoiles, si tu le peux… » Et il déclara : « Telle sera ta descendance ! » Abram eut foi dans le Seigneur et le Seigneur estima qu’il était juste. Le Seigneur visita Sara comme il l’avait annoncé ; il agit pour elle comme il l’avait dit. Elle devint enceinte, et elle enfanta un fils pour Abraham dans sa vieillesse, à la date que Dieu avait fixée. Et Abraham donna un nom au fils que Sara lui avait enfanté : il l’appela Isaac.

 

PSAUME
(104 (105), 1-2, 3-4, 5-6, 8-9)
R/ Le Seigneur, c’est lui notre Dieu ;il s’est toujours souvenu de son alliance.(104, 7a.8a)

Rendez grâce au Seigneur, proclamez son nom,
annoncez parmi les peuples ses hauts faits ;
chantez et jouez pour lui,
redites sans fin ses merveilles.

Glorifiez-vous de son nom très saint :
joie pour les cœurs qui cherchent Dieu !
Cherchez le Seigneur et sa puissance,
recherchez sans trêve sa face.

Souvenez-vous des merveilles qu’il a faites,
de ses prodiges, des jugements qu’il prononça,
vous, la race d’Abraham son serviteur,
les fils de Jacob, qu’il a choisis.

Il s’est toujours souvenu de son alliance,
parole édictée pour mille générations :
promesse faite à Abraham,
garantie par serment à Isaac.

DEUXIÈME LECTURE
La foi d’Abraham, de Sara et d’Isaac (He 11, 8.11-12.17-19)

Lecture de la lettre aux Hébreux

Frères, grâce à la foi, Abraham obéit à l’appel de Dieu : il partit vers un pays qu’il devait recevoir en héritage, et il partit sans savoir où il allait.
Grâce à la foi, Sara, elle aussi, malgré son âge, fut rendue capable d’être à l’origine d’une descendance parce qu’elle pensait que Dieu est fidèle à ses promesses. C’est pourquoi, d’un seul homme, déjà marqué par la mort, a pu naître une descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel et que le sable au bord de la mer, une multitude innombrable.
Grâce à la foi, quand il fut soumis à l’épreuve, Abraham offrit Isaac en sacrifice. Et il offrait le fils unique, alors qu’il avait reçu les promesses et entendu cette parole : C’est par Isaac qu’une descendance portera ton nom. Il pensait en effet que Dieu est capable même de ressusciter les morts ; c’est pourquoi son fils lui fut rendu : il y a là une préfiguration.

 

ÉVANGILE
« L’enfant grandissait et se fortifiait, rempli de sagesse » (Lc 2, 22-40)
Alléluia. Alléluia.À bien des reprises, Dieu, dans le passé, a parlé à nos pères par les prophètes ; à la fin, en ces jours où nous sommes, il nous a parlé par son Fils. Alléluia. (cf. He 1, 1-2)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Quand fut accompli le temps prescrit par la loi de Moïse pour la purification, les parents de Jésus l’amenèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur, selon ce qui est écrit dans la Loi : Tout premier-né de sexe masculinsera consacré au Seigneur. Ils venaient aussi offrir le sacrifice prescrit par la loi du Seigneur : un couple de tourterellesou deux petites colombes.
Or, il y avait à Jérusalem un homme appelé Syméon. C’était un homme juste et religieux, qui attendait la Consolation d’Israël, et l’Esprit Saint était sur lui. Il avait reçu de l’Esprit Saint l’annonce qu’il ne verrait pas la mort avant d’avoir vu le Christ, le Messie du Seigneur. Sous l’action de l’Esprit, Syméon vint au Temple. Au moment où les parents présentaient l’enfant Jésus pour se conformer au rite de la Loi qui le concernait, Syméon reçut l’enfant dans ses bras, et il bénit Dieu en disant : « Maintenant, ô Maître souverain, tu peux laisser ton serviteur s’en aller en paix, selon ta parole. Car mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face des peuples : lumière qui se révèle aux nations et donne gloire à ton peuple Israël. » Le père et la mère de l’enfant s’étonnaient de ce qui était dit de lui. Syméon les bénit, puis il dit à Marie sa mère : « Voici que cet enfant provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de contradiction – et toi, ton âme sera traversée d’un glaive – : ainsi seront dévoilées les pensées qui viennent du cœur d’un grand nombre. »
Il y avait aussi une femme prophète, Anne, fille de Phanuel, de la tribu d’Aser. Elle était très avancée en âge ; après sept ans de mariage, demeurée veuve, elle était arrivée à l’âge de quatre-vingt-quatre ans. Elle ne s’éloignait pas du Temple, servant Dieu jour et nuit dans le jeûne et la prière. Survenant à cette heure même, elle proclamait les louanges de Dieu et parlait de l’enfant à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem.
Lorsqu’ils eurent achevé tout ce que prescrivait la loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée, dans leur ville de Nazareth. L’enfant, lui, grandissait et se fortifiait, rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui.
Patrick BRAUDPatrick BRAUD

Mots-clés : , , , ,

14 juillet 2019

Le rire fait chair

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Le rire fait chair

Homélie pour le 16° Dimanche du temps ordinaire / Année C
21/07/2019

Cf. également :

Choisir la meilleure part
Le je de l’ouïe
Bouge-toi : tu as de la visite !

La Trinité, icône de notre humanitéL’icône de la Trinité de Roublev a immortalisé notre première lecture (Gn 18, 1-10a) : nous y voyons l’hospitalité d’Abraham faire merveille auprès de trois visiteurs inconnus qui lui promettent un fils lors de leur prochain passage. L’alternance étrange entre le Je et le Nous dans la bouche de ces trois personnages fait irrésistiblement penser à la Trinité, et les chrétiens ne se sont pas privés de voir dans cette visite à l’improviste l’annonce du Dieu de Jésus-Christ, capable d’unir le singulier et le pluriel en une seule communion d’amour.

Allons un peu plus loin dans le texte et attardons-nous sur le rire de Sarah, qui a fasciné des générations de lecteurs de la Genèse. Car le rire de Sarah (après celui d’Abraham) est la première évocation du rire dans la Bible et Isaac va être l’héritier de ce rire.

À vrai dire, il y a trois rires dans cette histoire, et même un quatrième.

 

Le rire fait chair dans Communauté spirituelle levy-homme-chapeau-rire

Le premier rire

Le premier est celui d’Abraham lorsqu’il entend la promesse de la naissance d’un fils :

Abraham se jeta face contre terre et il rit ; il se dit en lui-même:  » Un enfant naîtrait-il à un homme de cent ans ? Ou Sara avec ses quatre-vingt-dix ans pourrait-elle enfanter ? (Gn 17,17)

On devine un rire nerveux, plein d’interrogation et de perplexité devant le caractère hautement improbable d’une telle annonce. C’est tellement énorme qu’Abraham éclate de rire ! Alors que cette naissance, il en rêve depuis son mariage avec Sarah, belle comme le jour, mais stérile. « À notre âge, tu es fou Seigneur – et cruel – de nous laisser entrevoir un tel bonheur impossible… On a tout essayé, et j’ai même couché avec ma servante Agar sur le conseil de Sarah pour ne pas être privé totalement de descendance. Ismaël n’est pas tout à fait le fils attendu, mais maintenant j’ai fait mon deuil et je m’en contente ».

Nous rions comme Abraham lorsque nous considérons comme impossible ce que Dieu désire pour nous…

 

9782296049086f Abraham dans Communauté spirituelle

Le deuxième rire

Le deuxième rire est celui de Sarah, beaucoup plus ironique et railleur. Pour elle, l’enjeu est le plaisir tout autant que la fécondité :

Abraham et Sara étaient vieux, avancés en âge, et Sara avait cessé d’avoir ce qu’ont les femmes. Sara se mit à rire en elle-même et dit:  » Tout usée comme je suis, pourrais-je encore jouir ? Et mon maître est si vieux!  » (Gn 18, 11-12)

Sans fausse pudeur, Sarah constate devant Dieu que le désir, le plaisir, la jouissance sexuelle ont disparu de sa vie de couple avec les années. Et l’on devine une pointe de regret dans ce constat amer. Son rire sonne comme une défense devant une promesse incroyable qui réveille en elle la nostalgie du plaisir perdu et d’une fécondité que la vie lui a refusée. Dieu sait bien ce qu’il y a de négatif dans ce rire, et le reproche à Sarah via Abraham :

Le Seigneur dit à Abraham:  » Pourquoi ce rire de Sara ? Et cette question:  » Pourrais-je vraiment enfanter, moi qui suis si vieille ?  » Y a-t-il une chose trop prodigieuse pour le Seigneur ? (Gn 18,13)

Elle se justifie en bricolant un mensonge :

Sara nia en disant:  » Je n’ai pas ri « , car elle avait peur (Gn 18,15).

Mais Dieu n’est pas dupe : « Non. Tu as ri ». « Assume ! Assume ce que tu ressens, et je t’exaucerai au-delà de ton désir ».

Nous rions comme Sarah lorsque nous ne voulons pas réveiller nos désirs les plus vrais enfouis en nous…

 

Rire à tout âge

Vieille femme rire avec beaucoup de ridesNotons au passage que cette question de la vie sexuelle pendant le grand âge devient de plus en plus actuelle [1]. Avec l’allongement de l’espérance de vie, le boum des seniors nés après-guerre, la multiplication des habitats collectifs pour les plus de 70 ans (EHPAD, Résidences services, Maisons de retraite, Foyer logements etc.), la promiscuité qui y est plus ou moins bien gérée, le veuvage de la majorité qui les rend à nouveau disponibles pour d’autres relations, le suivi médical, toutes ces conditions créent la possibilité et l’envie de jouir de la vie, dans tous les sens du terme, jusqu’au bout. Et la Bible, qui appelle un chat un chat, semble bien approuver cette revendication des seniors à une sexualité épanouie ! La naissance d’Isaac marquera le retour de ce que Sarah croyait disparu. Le plaisir et la jouissance sexuelle sont ici un don de Dieu lui-même, à tout âge, pour faire réussir la promesse faite à Abraham d’avoir une descendance aussi nombreuse que les étoiles dans le ciel ! On retrouve cette connotation sexuelle du rire dans le terme employé pour décrire les caresses amoureuses d’Isaac envers Rébecca, sa femme, plus tard :

Comme son séjour à Gérare se prolongeait, il arriva qu’Abimélech, roi des Philistins, regardant par la fenêtre, aperçut Isaac qui riait avec sa femme (traduit souvent par : jouait, faisait des caresses à Rebecca) (Gn 26,8).

Pour l’hébreu, rire et jouer physiquement avec l’autre sont de la même racine…

 

Le troisième rire

Le troisième rire est celui d’Ismaël. Lors d’un banquet donné pour fêter le sevrage de son demi-frère Isaac, Ismaël rit (Gn 21,9), et Sarah interprète ce rire comme une moquerie vis-à-vis d’Isaac. Elle décide alors de chasser Ismaël avec sa mère Agar. Le rire d’Ismaël a provoqué sa chute en déclenchant la jalousie de Sarah : elle ne supporte plus de voir son ancienne déchéance sans cesse évoquée sous ses yeux par la seule présence d’Ismaël. Quant à lui, s’il a ri, rien ne nous empêche d’y déceler une nuance d’amertume, une souffrance, celle d’un aîné évincé de son droit d’aînesse par un cadet, au destin privilégié et fixé « arbitrairement ». Vu sous cet angle, le comportement d’Ismaël pourrait être rapproché de celui d’Ésaü, le frère du patriarche Jacob….

Nous rions comme Ismaël lorsque nous jalousons ce que l’autre a, ce que l’autre est, qui le transforme à nos yeux en un rival…

moquer_2-2b291 Isaac

 

Le quatrième rire

Ajoutons le quatrième rire que Sarah nous annonce :

Sara s’écria:  » Dieu m’a donné sujet de rire! Quiconque l’apprendra rira à mon sujet (Gn 21,6).

Boule et BillFaut rigoler !Le lecteur est donc impliqué dans le récit, car lui aussi rira en entendant l’histoire de Sarah ! Son rire (mon rire) sera-t-il de perplexité comme Abraham, de raillerie amère comme Sarah, de jalousie comme Ismaël ? Ou sera-t-il l’avant-goût du plaisir à venir comme il l’est devenu pour Sarah dans sa vieillesse, comme il arriva à Isaac (dont le nom signifie : « il rira ») caressant sa femme Rébecca ? À vous de décider !

En tout cas, nous sommes tous concernés : en riant de ce qui arrive à Sarah, nous nous exposons nous-mêmes à ce qu’il nous arrive une belle aventure semblable !

Et comme si Sarah nous disait : ‘vous qui pensez que le plaisir a disparu de votre vie, riez avec moi de bon cœur, car ce qui vous paraît impossible aujourd’hui pour tout un tas de raisons vous sera donné sans que vous sachiez comment’.

 

 

masque rire

Le rire dans la Bible

Les lecteurs de la Bible ont depuis longtemps remarqué que le rire n’y tient pas une grande place ; et quand il est mentionné, c’est souvent sous ce sous un angle négatif. Dans le Nouveau Testament, non seulement on ne dit jamais que Jésus a ri, mais quand il parle du rire, c’est pour dire : « malheur à vous qui riez maintenant, demain vous pleurerez » (Lc 6,25). Pas très réjouissant…

C’est que le rire dans la Bible est toujours une expression contre quelqu’un. Quand Dieu rit, le rire divin surgit explicitement sous forme d’ironie ou même de colère… Les exemples en ce sens, ne sont pas rares. Parmi d’autres :

- Puisque vous avez repoussé tous mes conseils (…) en retour, je rirai moi de votre malheur, je vous raillerai quand éclatera votre épouvante (Pr 1,25-26).
- Si un cataclysme entraîne des morts soudaines, Dieu se rit de l’épreuve des innocents (Job 9,23)

Le rire humain est souvent associé à l’ivresse. Ainsi lors la débauche idolâtre, dans la faute du Veau d’or :

- Le peuple s’assit pour manger et pour boire ; puis ils se levèrent pour rire (Ex 32,6).

Le rire peut également faire allusion à la sexualité de caractère illicite, dans l’épisode de séduction manquée, entre la femme de Putiphar et Joseph :

- II est venu vers moi pour coucher avec moi (…) L’esclave hébreu, que tu nous as amené, est venu vers moi pour rire de (dans) moi (Gn 34,14-17)

Il peut préluder au meurtre, en référence au Livre 2 de Samuel :

- Et Avner dit à Yoav : que les plus jeunes s’avancent, jouent, rient (s’escriment) devant nous (2S 2,14).

Il est la plupart du temps synonyme de moquerie :

- Ainsi parle le Seigneur Dieu: La coupe de ta sœur, tu la boiras; elle est profonde, elle est large. Elle sera l’occasion de rire et de moquerie, à cause de sa grande contenance (Ez 23,32)
- Comment ! il s’est effondré ! hurlez ! Comment ! de honte, Moab tourne le dos ! Moab provoque rire et stupeur chez tous ses voisins (Jr 48,39).
- Tu nous exposes aux outrages de nos voisins, à la moquerie et au rire de notre entourage (Ps 44,14).
- Tu fais de nous la querelle de nos voisins, et nos ennemis ont de quoi rire (Ps 80,7).

La sagesse des Proverbes constate, désabusée, que le rire masque mal le chagrin qui pointe toujours derrière :

- Même dans le rire le cœur s’attriste, et la joie finit en chagrin (Pr 14,13).

Et l’Ecclésiaste en a fait le tour, comme du reste :

- Du rire, j’ai dit : » C’est fou !  » Et de la joie:  » Qu’est-ce que cela fait ?  » (Qo 2,2)
- Mieux vaut le chagrin que le rire, car sous un visage en peine, le cœur peut être heureux (Qo 7,3)

Le rire est éphémère et insignifiant en fin de compte :

- Car, tel le pétillement des broussailles sous la marmite, tel est le rire de l’insensé. Mais cela aussi est vanité (Qo 7,6)

Jésus et Jacques dans le Nouveau Testament sont les héritiers de cette longue tradition qui dénonce le rire comme la domination des puissants sur les faibles :

- Malheureux, vous qui riez maintenant : vous serez dans le deuil et vous pleurerez ! (Lc 6,25)
- Reconnaissez votre misère, prenez le deuil, pleurez; que votre rire se change en deuil et votre joie en abattement ! (Jc 4,9)

Le rire biblique est donc ambivalent, et les quatre rires de Gn 17-18 n’y échappent pas.

 

Notre vieille Église rira !

L’hospitalité d’Abraham peut devenir la nôtre : en accueillant des inconnus de passage, qui sait si un plaisir oublié ou d’une fécondité impossible ne nous sera pas donnée ?

Cette promesse ne vaut pas que pour les individus : elle vaut également pour l’Église en tant que communauté. Surtout dans la vieille Europe, la figure de Sarah peut changer notre regard sur nos communautés vieillissantes, sur une histoire chargée de siècles en clair-obscur. La France qui a engendré autrefois tant de saints et de saintes, tant de missionnaires, tant de théologiens reconnus semblent aujourd’hui à bout de souffle sur le plan spirituel. Pas besoin d’énumérer les statistiques des vocations, des baptêmes, des pratiquants etc. Nos assemblées clairsemées et aux cheveux blancs (sauf dans certains quartiers des métropoles) auraient bien du mal à ne pas rire si on leur promettait un avenir radieux.

Et pourtant…

300px-Communes_du_plateau_de_Millevaches SaraEn 1970, le vicaire général du diocèse de Limoges, Hervé de Bellefon, a écrit un texte remarquable appelant les communautés de la Creuse à l’espérance. Ce message, intitulé : « Pourquoi ris-tu Sarah ? » a rencontré un énorme écho, pas seulement diocésain. Il lisait dans la situation de Sarah celle de son Église en Creuse, apparemment faible et sans descendance, mais promise à un renouveau inespéré. Elle portera des fruits pour tous. Elle saura accueillir le don de Dieu à travers les mutations sociales et économiques du plateau de Millevaches.

Elle était vieille, Sara, vieille et usée.
Abraham accueille les 3 Visiteurs. Sara écoute dans l’embrasure de la porte de la tente, et elle rit quand on prédit qu’elle aura un fils
Elle pensait, Sara, et sans doute avait-elle raison, qu’elle ne pouvait plus donner la vie. C’était trop drôle… elle en riait.
Elle est vieille notre Église de Creuse, vieille et usée.
Elle pense, notre Église de Creuse, et semble avoir raison, que dans ce pays lui-même usé, elle ne peut plus guère donner la vie. Elle se dit : « il n’y a plus qu’à donner l’extrême-onction à ce pays qui meurt ; soyons réalistes, ne rêvons pas : c’est trop risible ! »
Semaine religieuse de Limoges, Octobre 1970

De fait, nombre d’initiatives ecclésiales et associatives sont nées dans la foulée de cette lecture de Gn 18. Et d’autres diocèses s’en sont également largement inspirés.

Avec Abraham, ouvrons notre table aux inconnus de passage.
Avec Sarah, n’ayons pas peur de rire de nos faiblesses.
Avec Isaac (« il rira »), gardons le rire dans notre programme de vie, et jouons de tous les plaisirs par lequel Dieu comble la descendance d’Abraham.

 


[1]. Cf. par exemple : Du rire de Sarah à l’enfant du rire ou le désir des âges dans la bible, Pierre Gibert, dans Gérontologie et société 2012/1 (vol. 35 / n° 140), pages 171 à 178 accessible ici : https://www.cairn.info/revue-gerontologie-et-societe1-2012-1-page-171.htm

 

 

Lectures de la messe
Première lecture
« Mon seigneur, ne passe pas sans t’arrêter près de ton serviteur » (Gn 18, 1-10a)

Lecture du livre de la Genèse

En ces jours-là, aux chênes de Mambré, le Seigneur apparut à Abraham, qui était assis à l’entrée de la tente. C’était l’heure la plus chaude du jour. Abraham leva les yeux, et il vit trois hommes qui se tenaient debout près de lui. Dès qu’il les vit, il courut à leur rencontre depuis l’entrée de la tente et se prosterna jusqu’à terre. Il dit : « Mon seigneur, si j’ai pu trouver grâce à tes yeux, ne passe pas sans t’arrêter près de ton serviteur. Permettez que l’on vous apporte un peu d’eau, vous vous laverez les pieds, et vous vous étendrez sous cet arbre. Je vais chercher de quoi manger, et vous reprendrez des forces avant d’aller plus loin, puisque vous êtes passés près de votre serviteur ! » Ils répondirent : « Fais comme tu l’as dit. » Abraham se hâta d’aller trouver Sara dans sa tente, et il dit : « Prends vite trois grandes mesures de fleur de farine, pétris la pâte et fais des galettes. » Puis Abraham courut au troupeau, il prit un veau gras et tendre, et le donna à un serviteur, qui se hâta de le préparer. Il prit du fromage blanc, du lait, le veau que l’on avait apprêté, et les déposa devant eux ; il se tenait debout près d’eux, sous l’arbre, pendant qu’ils mangeaient. Ils lui demandèrent : « Où est Sara, ta femme ? » Il répondit : « Elle est à l’intérieur de la tente. » Le voyageur reprit : « Je reviendrai chez toi au temps fixé pour la naissance, et à ce moment-là, Sara, ta femme, aura un fils. »

Psaume
(Ps 14 (15), 2-3a, 3bc-4ab, 4d-5)
R/ Seigneur, qui séjournera sous ta tente ?
(Ps 14, 1a)

Celui qui se conduit parfaitement,
qui agit avec justice
et dit la vérité selon son cœur.

Il met un frein à sa langue.
Il ne fait pas de tort à son frère
et n’outrage pas son prochain.

À ses yeux, le réprouvé est méprisable
mais il honore les fidèles du Seigneur.
Il ne reprend pas sa parole.

Il prête son argent sans intérêt,
n’accepte rien qui nuise à l’innocent.
Qui fait ainsi demeure inébranlable.

Deuxième lecture
« Le mystère qui était caché depuis toujours mais qui maintenant a été manifesté » (Col 1, 24-28)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Colossiens

Frères, maintenant je trouve la joie dans les souffrances que je supporte pour vous ; ce qui reste à souffrir des épreuves du Christ dans ma propre chair, je l’accomplis pour son corps qui est l’Église. De cette Église, je suis devenu ministre, et la mission que Dieu m’a confiée, c’est de mener à bien pour vous l’annonce de sa parole, le mystère qui était caché depuis toujours à toutes les générations, mais qui maintenant a été manifesté à ceux qu’il a sanctifiés. Car Dieu a bien voulu leur faire connaître en quoi consiste la gloire sans prix de ce mystère parmi toutes les nations : le Christ est parmi vous, lui, l’espérance de la gloire !
Ce Christ, nous l’annonçons : nous avertissons tout homme, nous instruisons chacun en toute sagesse, afin de l’amener à sa perfection dans le Christ.

Évangile
« Marthe le reçut. Marie a choisi la meilleure part » (Lc 10, 38-42)
Alléluia. Alléluia.
Heureux ceux qui ont entendu la Parole dans un cœur bon et généreux, qui la retiennent et portent du fruit par leur persévérance. Alléluia. (cf. Lc 8, 15)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là, Jésus entra dans un village. Une femme nommée Marthe le reçut. Elle avait une sœur appelée Marie qui, s’étant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole. Quant à Marthe, elle était accaparée par les multiples occupations du service. Elle intervint et dit : « Seigneur, cela ne te fait rien que ma sœur m’ait laissé faire seule le service ? Dis-lui donc de m’aider. » Le Seigneur lui répondit : « Marthe, Marthe, tu te donnes du souci et tu t’agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée. »
Patrick BRAUD

Mots-clés : , , ,

10 avril 2017

Pâques : les 4 nuits

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Pâques : les 4 nuits


Homélie pour la nuit de Pâques / Année A

15/04/2017

Cf. également :

Conjuguer le « oui » et le « non » de Dieu à notre monde
Pâques : Courir plus vite que Pierre
Les Inukshuks de Pâques
Pâques n’est décidément pas une fête sucrée
Comment annoncer l’espérance de Pâques ?
Incroyable !
La pierre angulaire : bâtir avec les exclus, les rebuts de la société
Les sans-dents, pierre angulaire

·         Pâques : les 4 nuits dans Communauté spirituelle 220px-Kennicott_Bible_fol_21rQuelle est donc cette nuit qui rassemble l’Église et la fait tressaillir de joie ?
Pourquoi cette nuit est-elle la plus grande et la plus forte, avant même celle de Noël pourtant si belle ?
Quelle est donc cette obscurité que la flamme de nos cierges au cierge pascal allumés a fait reculer puis disparaître ?
Cette nuit condense et cristallise les nuits les plus importantes, les 4 nuits dont le peuple juif fait mémoire en fêtant Pâque. Et Jésus n’a pas pu ne pas penser à cette tradition de son peuple, alors qu’il s’enfonçait dans la nuit de sa Passion. Le Targum des 4 nuits dit en effet : « Quatre nuits sont inscrites dans la mémoire ».

 

Nuit de la vie semée

« La première nuit, ce fut quand YHWH se révéla sur le monde pour le créer. Le monde était informe et vide et la ténèbre s’étendait à la face de l’abîme, et la parole de YHWH était Lumière et brillait. Et il l’appela la première Nuit. » 

La terre était informe etvide ; les ténèbresétaient au-dessus del’abîme, et l’Esprit de Dieuplanait au-dessusdes eaux.

Nous l’avons entendu à la première lecture, la nuit de la Genèse du monde trouve dans la nuit de Pâques son accomplissement ; dans la résurrection du Christ, une nouvelle Création est à l’œuvre : le 8ème jour est aujourd’hui. Un monde nouveau émerge du tombeau vide, dans le souffle de l’Esprit. Fêter Pâques, c’est donc d’abord renouveler notre amour de la Création, notre respect de toute vie reçue, la plus humble, la plus insignifiante apparemment. Une certaine écologie spirituelle s’enracine dans cette re-création du monde. Créer et recréer la vie, à la lumière de Pâques.
Les parents savent bien ce que créer la vie signifie : ils n’ont jamais fini d’apprendre ce que re-créer veut dire, à la lumière de Pâques…
Dieu ce soir nous associe à la nouvelle Genèse du monde. Saurons-nous être les gérants de sa Création ?

Nuit de la vie semée…

 

Nuit de la vie offerte

La deuxième nuit qui est présentée ce soir, c’est la nuit de la vie offerte.

« La deuxième nuit, ce fut quand YHWH apparut à Abraham âgé de cent ans et à Sarah âgée de quatre-vingt-dix ans. Isaac avait trente-sept ans quand il fut offert sur l’autel. Les cieux s’abaissèrent et descendirent et Isaac vit leur totalité. Et il l’appela la seconde Nuit. »  

sacrifice d'Isaac Gros Plan.jpg

Dieu arrêta le couteau et interdit à Abraham ce sacrifice sanglant et barbare. Mais Abraham a accepté de perdre ce qu’il avait de plus précieux : son fils, son unique, le fils de la Promesse. Les parents là encore savent bien ce que perdre un enfant veut dire, lorsqu’il s’éloigne pour devenir adulte. Et perdre physiquement un enfant est sans doute la pire des douleurs qu’un père ou une mère puisse éprouver… Ce soir Dieu révèle qu’il est Père, bien plus encore qu’Abraham, en offrant Jésus, son Fils unique, le Fils de la Promesse, et en offrant la vie aux meurtriers de Jésus. Fêter Pâques, c’est donc choisir de vivre et de faire vivre, d’accepter la vie offerte gratuitement au lieu de cultiver les forces de mort et les rites barbares qui nous habitent.
Le désespoir engendre parfois une forme de complicité morbide où nous refusons de vivre : à cause d’une dépression qui s’installe sournoisement, à cause de la recherche d’emploi qui n’aboutit pas, à cause du combat contre la maladie, la solitude, la vieillesse… Choisissons de vivre. Cassons les liens avec les instincts de mort en nous, car ce soir la vie nous est offerte.

Nuit de la vie offerte, dépossédée.  

 

Nuit de la libération

La troisième nuit est celle de la libération, la nuit de l’Exode (cf. lecture de la veillée pascale).

« La troisième nuit, ce fut quand YHWH apparut aux Égyptiens au milieu de la nuit : sa main tuait les premiers-nés des Égyptiens et sa droite protégeait les premiers-nés d’Israël, pour que s’accomplisse ce que dit l’Écriture : « Israël est mon premier-né. » Et il l’appela la troisième Nuit. »

Moïse et l'exode

Dans l’obscurité, les Hébreux ont rassemblé leurs affaires en hâte pour fuir l’esclavage. Et à chaque Pâque juive qui commémore cette première Pâque libératrice de l’Exode, le père de famille dit aux convives :

« Que chacun de nous ce soir se reconnaisse comme personnellement sorti d’Égypte » (Haggadah de Pessah).

La Pâque du Christ devient aussi notre libération, personnelle et collective.

Chacun sent bien dans le fond de son cœur de quel esclavage il a besoin d’être délivré : l’argent, le plaisir, l’indifférence, l’égoïsme, la domination… Demandons ce soir au Christ qu’il nous libère par sa Pâque. Invoquons le aussi pour notre Église : qu’elle soit délivrée de la peur de l’évangélisation, du repli frileux sur nos petits noyaux communautaires, de la tiédeur à laquelle on s’habitue, de la perte du dynamisme évangélique…Invoquons encore cette libération pour notre société : le souffle de Pâque peut la transformer, si nous nous y engageons, en brisant les cercles de solitude et d’injustice, les nouveaux esclavages qui paralysent nos contemporains…

 

Nuit de la vie nouvelle

Nuit de la vie semée, nuit de la vie offerte, nuit de la vie libérée, cette nuit pascale accomplit la quatrième nuit annoncée par la tradition juive :

« La quatrième nuit, ce sera quand le monde arrivera à sa fin pour être dissous. Les jougs de fer seront brisés et les générations perverses, anéanties. Moïse montera du milieu du désert et le roi Messie sortir d’en haut. L’un s’avancera à la tête du troupeau et l’autre s’avancera à la tête du troupeau, et la Parole de YHWH s’avancera entre eux deux et ils marcheront ensemble. »

untitledRetour

C’est la nuit de Pâque, la nuit de la vie nouvelle. C’est la nuit eschatologique, la nuit où l’avenir de Dieu fait déjà irruption dans notre présent pour le transformer, l’illuminer, et l’ouvrir à tous les possibles. Puisque Christ est ressuscité, comment ne pas croire à la force des renouveaux ?

 

·         Nuit de la vie semée, nuit de la vie offerte, nuit de la vie libérée, nuit de la vie nouvelle : cette nuit pascale condense et cristallise toutes nos nuits humaines.

         Ces heures de veille et d’émerveillement devant un ciel étoilé, un feu de camp, le guet de l’aube en silence, au sommet d’une montagne, ou dans le chuintement des vagues d’un bateau naviguant de nuit…

         Ces heures de douleurs et de souffrances nocturnes : et comment oublier ce soir tous ceux qui, à l’hôpital ou chez eux, se tournent et se retournent dans leur lit sans pouvoir trouver la position ou la pensée qui calmerait leur souffrance ?

         Ces heures de solitude et de détresse dans le noir aussi : quand le souci, l’angoisse, le chagrin, la détresse nous empêche de fermer l’œil.

         Il faudrait encore évoquer la nuit de l’étourdissement, des plaisirs faciles et sans lendemain, la nuit célébration de l’intimité et de la tendresse ; la nuit des moines et des moniales, qui en veillant portent ce monde dans la prière… 

·         Oui la nuit pascale rejoint toutes nos nuits humaines, les plus horribles comme les plus belles. Elle les condense et les cristallise, les récapitule pour les faire passer avec le Christ des ténèbres à la lumière, pour les ouvrir à une aurore, à une espérance invincible.

Si Dieu le Père n’a pas abandonné le Fils dans cette nuit-là, c’est donc que son Esprit nous fera traverser nous aussi nos obscurités les plus terribles.

Que l’énergie de Pâques nous ressuscite à notre tour, dès maintenant !

 

MESSE DU JOUR DE PÂQUES

PREMIÈRE LECTURE
« Nous avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts » (Ac 10, 34a.37-43)
Lecture du livre des Actes des Apôtres

En ces jours-là, quand Pierre arriva à Césarée chez un centurion de l’armée romaine, il prit la parole et dit : « Vous savez ce qui s’est passé à travers tout le pays des Juifs, depuis les commencements en Galilée, après le baptême proclamé par Jean : Jésus de Nazareth, Dieu lui a donné l’onction d’Esprit Saint et de puissance. Là où il passait, il faisait le bien et guérissait tous ceux qui étaient sous le pouvoir du diable, car Dieu était avec lui. Et nous, nous sommes témoins de tout ce qu’il a fait dans le pays des Juifs et à Jérusalem. Celui qu’ils ont supprimé en le suspendant au bois du supplice, Dieu l’a ressuscité le troisième jour. Il lui a donné de se manifester, non pas à tout le peuple, mais à des témoins que Dieu avait choisis d’avance, à nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts. Dieu nous a chargés d’annoncer au peuple et de témoigner que lui-même l’a établi Juge des vivants et des morts. C’est à Jésus que tous les prophètes rendent ce témoignage : Quiconque croit en lui reçoit par son nom le pardon de ses péchés. »

PSAUME
(Ps 117 (118), 1.2, 16-17, 22-23)
R/ Voici le jour que fit le Seigneur, qu’il soit pour nous jour de fête et de joie ! (Ps 117, 24)

Rendez grâce au Seigneur : Il est bon !
Éternel est son amour !
Oui, que le dise Israël :
Éternel est son amour !

Le bras du Seigneur se lève,
le bras du Seigneur est fort !
Non, je ne mourrai pas, je vivrai,
pour annoncer les actions du Seigneur.

La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs
est devenue la pierre d’angle :
c’est là l’œuvre du Seigneur,
la merveille devant nos yeux.

 

DEUXIÈME LECTURE
« Recherchez les réalités d’en haut, là où est le Christ » (Col 3, 1-4)
Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Colossiens

Frères, si vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d’en haut : c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu. Pensez aux réalités d’en haut, non à celles de la terre. En effet, vous êtes passés par la mort, et votre vie reste cachée avec le Christ en Dieu. Quand paraîtra le Christ, votre vie, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui dans la gloire.

SÉQUENCE
À la Victime pascale,

chrétiens, offrez le sacrifice de louange.

L’Agneau a racheté les brebis ;
le Christ innocent a réconcilié
l’homme pécheur avec le Père.

La mort et la vie s’affrontèrent
en un duel prodigieux.
Le Maître de la vie mourut ; vivant, il règne.

 « Dis-nous, Marie Madeleine,
qu’as-tu vu en chemin ? »

 « J’ai vu le sépulcre du Christ vivant,
j’ai vu la gloire du Ressuscité.

J’ai vu les anges ses témoins,
le suaire et les vêtements.

Le Christ, mon espérance, est ressuscité !
Il vous précédera en Galilée. »

Nous le savons : le Christ
est vraiment ressuscité des morts.

Roi victorieux,
prends-nous tous en pitié !
Amen.

ÉVANGILE
« Il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts » (Jn 20, 1-9)
Alléluia. Alléluia. Notre Pâque immolée, c’est le Christ ! Célébrons la Fête dans le Seigneur ! Alléluia. (cf. 1 Co 5, 7b-8a)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin ; c’était encore les ténèbres. Elle s’aperçoit que la pierre a été enlevée du tombeau. Elle court donc trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a déposé. » Pierre partit donc avec l’autre disciple pour se rendre au tombeau. Ils couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau. En se penchant, il s’aperçoit que les linges sont posés à plat ; cependant il n’entre pas. Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour. Il entre dans le tombeau ; il aperçoit les linges, posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à part à sa place. C’est alors qu’entra l’autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit, et il crut. Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas compris que, selon l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts.
Patrick BRAUD

Mots-clés : , , , , , ,