L'homélie du dimanche (prochain)

31 décembre 2023

Hérode, ou le côté obscur de l’Épiphanie

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Hérode, ou le côté obscur de l’Épiphanie

 

Homélie pour la fête de l’Épiphanie / Année B 

07/01/2024

 

Cf. également :
Épiphanie : que peuvent les religions en temps de guerre ?
Signes de reconnaissance épiphaniques
L’Épiphanie du visage
Épiphanie : tirer les rois
Épiphanie : êtes-vous fabophile ?
Épiphanie : l’économie du don
Épiphanie : Pourquoi offrir des cadeaux ?
Le potlatch de Noël
Épiphanie : qu’est-ce que l’universel ?
L’Épiphanie, ou l’éloge de la double culture
L’inquiétude et la curiosité d’Hérode
Éloge de la mobilité épiphanique
La sagesse des nations
Êtes-vous plutôt centripètes ou centrifuges ?


Le massacre des innocents

Hérode, ou le côté obscur de l’Épiphanie dans Communauté spirituelle OTAGES-430x400

Photo d’enfants kidnappés par le Hamas le 07/10/23

7 octobre 2023 : les vidéos et photos publiées après les attaques terroristes du Hamas en Israël montrent des enfants tués devant leurs parents, des parents tués devant leurs enfants, des cadavres profanés au-delà de l’horreur, des femmes enceintes éventrées, des adolescents pris en otage, des femmes violées, des personnes âgées exécutées ou emmenées de force, des maisons brûlées avec leurs habitants : plus de 1400 morts et 240 otages en un jour. Le premier pogrom après la Shoah.
On pourrait lire Péguy au milieu des larmes : 

« Ils avaient fait ceci 

Qu’ils étaient venus au monde. Un point, c’est tout.

Ou si vous préférez,

Ils avaient fait ceci qu’ils étaient des petits nouveau-nés.

C’étaient des espèces de petits nourrissons juifs » 

(Charles Péguy, Cahiers de la Quinzaine, 1912, Le Mystère des saints Innocents)

Les représailles israéliennes ont déjà fait plus de 20 000 morts dans la bande de Gaza, dont une grande partie de civils. Encore tant de larmes, encore tant de souffrances. Comme d’habitude, les innocents payent un lourd tribut à la guerre dans les deux camps. Rappelez-vous les familles massacrées dans le génocide du Rwanda, ou les enfants-soldats du Congo,  criminels de guerre à 8 ans…

 

Nous fêtons aujourd’hui l’Épiphanie, cette fête si familiale qui réjouit les enfants par la galette des rois, la fève, la couronne, le choix d’une reine ou d’un roi. Pourquoi faut-il qu’Épiphanie et Massacre des Innocents aillent toujours ensemble ? Les premiers à attester de la naissance du Christ dans l’Évangile de Matthieu sont les nouveau-nés de Bethléem qu’Hérode élimine avec méthode pour ne pas avoir de rival plus tard. L’apparition de la Lumière des nations suscite le déchaînement des forces obscures. Ce mystère d’iniquité se reproduit sous nos yeux de siècle en siècle, et apparemment nous n’arrivons pas à enrayer ce cercle infernal de violence jalouse.

drapeau-d-israël-les-emirats-arabes-unis-l-eau-avec-la-colombe-de-paix-traité-196412867 Epiphanie dans Communauté spirituelle
C’est par exemple au moment où Israël allait conclure des négociations de paix avec l’Arabie Saoudite, la Jordanie, les pays arabes du Maghreb (les ‘Accords d’Abraham’) que le Hamas a lancé ses attaques : torpiller la paix possible était visiblement un de ses objectifs, appuyé en cela par l’Iran chiite nostalgique de l’empire perse, ou la Turquie nostalgique de l’empire ottoman.


Pour nous rassurer, les historiens nous rappellent que Bethléem était une petite bourgade à l’époque de Jésus, peu peuplée en fait. Tuer tous les nouveau-nés de moins de deux ans ne devait concerner qu’une vingtaine de bébés au maximum, ce qui bien sûr est déjà monstrueux, mais n’atteint pas les proportions des massacres d’innocents des deux derniers siècles. Ce qui explique d’ailleurs que les sources historiques extrabibliques n’en parlent pas. Seul un certain Macrobe, historien et païen au IV° siècle, mentionne une tuerie d’enfants par Hérode en Syrie.


Notre époque s’émeut – à raison – du massacre des innocents en Palestine, Israël, Ukraine, Arménie. Mais elle ferme les yeux sur les enfants sacrifiés du Congo, les enfants kidnappés par Boko Haram, les tout-petits exilés d’Afghanistan, puis du Pakistan, du Tibet, de la  terre des Ouïgours, de l’exploitation humaine, de la prostitution etc.


En Occident, notre conscience morale s’est même obscurcie jusqu’à considérer comme un progrès et un droit fondamental le nombre d’avortements qui pourtant traduit des situations de détresse incommensurable. En France, une grossesse sur 4 se termine par un IVG : 234 000 pour 726 000 naissances en 2022. Au lieu de sonner le tocsin sur cette question de santé publique, afin d’améliorer l’efficacité des politiques de contraception ou d’éducation sexuelle, la Doxa bien-pensante se réjouit d’y voir un signe d’émancipation féminine, et va inscrire la liberté d’avorter dans la Constitution. C’est toujours plus facile de dénoncer la barbarie chez les autres.


Revenons à Hérode. Les exégètes pointent le parallèle voulu par Matthieu entre la naissance de Jésus et celle de Moïse, quand Pharaon ordonnait la mort de tous les nouveau-nés hébreux mâles (Ex 1,16–22) afin de supprimer un rival potentiel. Pour Matthieu, camper  Hérode en nouveau Pharaon permet d’identifier Jésus comme le nouveau Moïse accomplissant la première Alliance, renouvelant la Pâque et conduisant vers la Terre promise.

Reste que les premiers à attester la vocation messianique de Jésus sont des enfants qui témoignent du Christ par leur mise à mort sans paroles (in-fans = ‘qui ne peut pas parler’, en latin) …


Quel mystère qu’il faille payer le prix du sang et subir la tyrannie du mal pour prêcher le salut !

Quel retournement de l’histoire qu’Hérode accomplisse sans le savoir les Écritures alors qu’il croit affermir sa domination !

Quelle accusation terrible que Dieu ait laissé le mal se déchaîner alors qu’il mettait l’amour en terre ! Pourquoi tant de Shoah en Israël et de Nakba en Palestine alors que le Prince de la paix est là, offert à tous ?


Hérode, l’Antéchrist

Herode_le_Grand HérodeEn mettant Hérode en scène, Matthieu veut sans doute ancrer la naissance de Jésus dans l’histoire. Pas de chance, on sait qu’Hérode est mort en 4 av. J.-C. : Jésus est donc né… avant lui-même, puisque Matthieu le fait naître alors qu’Hérode est encore en vie ! Ce que nous appelons l’exactitude historique n’était pas du tout la préoccupation des évangélistes, pour qui les dates importent bien moins que la signification des événements. Mettre  Hérode en scène permet à Matthieu de faire un parallèle antithétique entre les deux « rois des juifs » : Hérode et Jésus, deux manières de gouverner, antagonistes.


Pourtant Hérode fut un grand roi (d’où son nom d’Hérode le Grand), cruel et cynique à la manière des puissants de tous les temps. Il régna de -36 à -4, soit environ 32 ans. Ce qui lui laissa le temps de bâtir des merveilles architecturales aujourd’hui encore admirées par les pèlerins en Terre sainte : le second Temple de Jérusalem, les murailles de la ville, des forteresses grandioses comme Massada ou Hérodion, le magnifique port artificiel de Césarée, des monuments publics à Tyr, Sidon ou Tripoli, des villes nouvelles comme Sébaste, un palais somptueux à Jéricho etc. Même le Talmud le reconnaît : « Qui n’a pas vu de bâtiment du roi Hérode n’a rien vu de beau de sa vie ».


Jésus lui n’a rien bâti. Il n’avait même pas une pierre où reposer sa tête ! La frénésie de bâtisseur d’Hérode relève de la peur de mourir : les « grands » veulent laisser une trace de leur nom derrière eux. Ils croient naïvement que leurs palais, pyramides, monuments ou statues leur apportent l’immortalité. Vanité des vanités…

« Ils croyaient leur maison éternelle, leur demeure établie pour les siècles ; sur des terres ils avaient mis leur nom.  L’homme comblé ne dure pas : il ressemble au bétail qu’on abat » (Ps 49,12–13).

Si vous voulez bâtir (une entreprise, une famille, une œuvre, un monument, une ville…) pour soi-disant survivre dans le souvenir des générations futures, malheureux êtes-vous !
Si vous voulez écrire un livre pour être célèbre et que votre nom vous survive quelques décennies sur Amazon, malheureux êtes-vous !


Jésus n’a rien écrit. Et ce n’est pas parce que nous parlons de lui aujourd’hui qu’il est vivant : c’est parce qu’il est vivant que nous parlons de lui.

Sa royauté – et la nôtre – n’est pas celle d’Hérode, cherchant à graver son nom dans la pierre pour qu’on ne l’oublie pas.


Jésus est d’autant moins Hérode que celui-ci fut cruel, usant de toutes les perfidies pour accéder au pouvoir et s’y maintenir. Machiavélique avant l’heure. Ainsi il fait exécuter 45 opposants politiques entre -36 et -25, noie le frère de sa femme dans une piscine près de Jéricho, élimine son beau-frère et emprisonne sa belle-mère. Il épouse successivement 10 femmes, mais assassine Mariamme la seule qu’il aimait, ainsi que trois de ses propres fils. D’où l’humour noir de Macrobe : « mieux vaut être un cochon d’Hérode que son fils »…

Macrobe fait un jeu de mots (douteux) entre cochon (υἷεϛ, hus) et fils (υιός, huios) pour souligner l’inhumanité d’Hérode, pour qui la vie d’un de ses enfants a moins de prix que celle  d’un animal impur. La décapitation de Jean-Baptiste et le massacre des innocents de Bethléem viennent s’ajouter à la longue liste des crimes d’Hérode, digne des pires régimes totalitaires.

Le poète et philosophe Fabrice Hadjadj relaie cette interrogation profonde d’Hannah Arendt :

Hérode

Giuseppe Arcimboldo (1527-1593), Tête d’Hérode

« Ô mon Dieu comment, 
Comment se fait-il, 
Comment cela s’est fait que, de ces petits qui ne savent point parler, 
Le massacre soit votre premier témoignage 
Et qu’ainsi le premier témoignage 
Soit aussi la première objection ? »

(Fabrice Hadjadj, Massacre des innocents, Les provinciales, 2006, Paris)

Hannah Arendt rappelle que les systèmes totalitaires se caractérisent par le « refus de la naissance », c’est-à-dire le refus d’une singularité inattendue, réfractaire à tout programme contrôlé par le pouvoir. Hérode le Grand, non-juif auxiliaire de l’Empire, apparaît comme le sbire de ce monde inquiétant : il fait massacrer les enfants de Bethléem parce que le caractère irréductible de la foi juive empêche les croyants de se prosterner devant l’empereur, troublant ainsi l’ordre de la pax romana.

Se sachant haï par le peuple, Hérode avait même prévu de faire exécuter un grand nombre de notables juifs le jour de sa mort, pour être sûr que les foules pleurent lors de ses funérailles… Le Talmud résume son règne avec mépris : « Il a volé le trône comme un renard, a régné comme un tigre et est mort comme un chien ».


Le contraste avec Jésus intronisé roi des juifs sur le gibet de la croix est total. Hérode est l’Antéchrist par excellence, son négatif : si vous voulez savoir comment exercer la royauté baptismale, regardez Hérode, et faites l’inverse !


L’Épiphanie manifeste (c’est le sens étymologique du nom) la royauté de Jésus sur toutes les nations, représentées par les mages.

Le côté brillant de l’étoile de Bethléem est cette réconciliation de tous les peuples célébrée par Paul dans notre 2e lecture (Ep 3,2-6) : « Toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile ».

Le côté sombre de l’Épiphanie se dévoile en la personne d’Hérode, qui nous lance cet avertissement : se prosterner devant le Christ nous attirera toujours les foudres des puissants, eux qui se croient grands et éternels alors qu’ils ne sont que cruels et cyniques. Les nouveau-nés du baptême chrétien courent les mêmes dangers, subissent les mêmes menaces que les innocents de Bethléem.

Fêtons l’Épiphanie en démasquant les Hérode de notre temps, autour de nous (peut-être en nous) et au-delà.



 
LECTURES DE LA MESSE
PREMIÈRE LECTURE

« La gloire du Seigneur s’est levée sur toi » (Is 60, 1-6)

Lecture du livre du prophète Isaïe
Debout, Jérusalem, resplendis ! Elle est venue, ta lumière, et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi. Voici que les ténèbres couvrent la terre, et la nuée obscure couvre les peuples. Mais sur toi se lève le Seigneur, sur toi sa gloire apparaît. Les nations marcheront vers ta lumière, et les rois, vers la clarté de ton aurore. Lève les yeux alentour, et regarde : tous, ils se rassemblent, ils viennent vers toi ; tes fils reviennent de loin, et tes filles sont portées sur la hanche. Alors tu verras, tu seras radieuse, ton cœur frémira et se dilatera. Les trésors d’au-delà des mers afflueront vers toi, vers toi viendront les richesses des nations. En grand nombre, des chameaux t’envahiront, de jeunes chameaux de Madiane et d’Épha. Tous les gens de Saba viendront, apportant l’or et l’encens ; ils annonceront les exploits du Seigneur.
 
PSAUME
(71 (72), 1-2, 7-8, 10-11, 12-13)
R/ Toutes les nations, Seigneur, se prosterneront devant toi. (cf. 71,11)

Dieu, donne au roi tes pouvoirs,
à ce fils de roi ta justice.
Qu’il gouverne ton peuple avec justice,
qu’il fasse droit aux malheureux !


En ces jours-là, fleurira la justice,
grande paix jusqu’à la fin des lunes !
Qu’il domine de la mer à la mer,
et du Fleuve jusqu’au bout de la terre !


Les rois de Tarsis et des Îles apporteront des présents.
Les rois de Saba et de Seba feront leur offrande.
Tous les rois se prosterneront devant lui,
tous les pays le serviront.


Il délivrera le pauvre qui appelle
et le malheureux sans recours.
Il aura souci du faible et du pauvre,
du pauvre dont il sauve la vie.

 
DEUXIÈME LECTURE
« Il est maintenant révélé que les nations sont associées au même héritage, au partage de la même promesse » (Ep 3, 2-3a.5-6)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens
Frères, vous avez appris, je pense, en quoi consiste la grâce que Dieu m’a donnée pour vous : par révélation, il m’a fait connaître le mystère. Ce mystère n’avait pas été porté à la connaissance des hommes des générations passées, comme il a été révélé maintenant à ses saints Apôtres et aux prophètes, dans l’Esprit. Ce mystère, c’est que toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile.
 
ÉVANGILE
Nous sommes venus d’Orient adorer le roi (Mt 2, 1-12)
Alléluia. Alléluia. Nous avons vu son étoile à l’orient, et nous sommes venus adorer le Seigneur. Alléluia. (cf. Mt 2, 2)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. Or, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui. » En apprenant cela, le roi Hérode fut bouleversé, et tout Jérusalem avec lui. Il réunit tous les grands prêtres et les scribes du peuple, pour leur demander où devait naître le Christ. Ils lui répondirent : « À Bethléem en Judée, car voici ce qui est écrit par le prophète : Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas le dernier parmi les chefs-lieux de Juda, car de toi sortira un chef, qui sera le berger de mon peuple Israël. » Alors Hérode convoqua les mages en secret pour leur faire préciser à quelle date l’étoile était apparue ; puis il les envoya à Bethléem, en leur disant : « Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant. Et quand vous l’aurez trouvé, venez me l’annoncer pour que j’aille, moi aussi, me prosterner devant lui. » Après avoir entendu le roi, ils partirent. Et voici que l’étoile qu’ils avaient vue à l’orient les précédait, jusqu’à ce qu’elle vienne s’arrêter au-dessus de l’endroit où se trouvait l’enfant. Quand ils virent l’étoile, ils se réjouirent d’une très grande joie. Ils entrèrent dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Mais, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.
Patrick BRAUD

Mots-clés : , , , ,

17 novembre 2019

Christ-Roi : Reconnaître l’innocent

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Christ-Roi : Reconnaître l’innocent

Homélie pour la fête du Christ Roi  / Année C
24/11/2019

Cf. également :

Le Christ-Roi, Barbara et les dinosaures
Faut-il être humble ou jupitérien pour gouverner ?
Les trois tentations du Christ en croix
La violence a besoin du mensonge
Divine surprise
Le Christ Roi fait de nous des huiles
Non-violence : la voie royale
Roi, à plus d’un titre
Un roi pour les pires

Christ-Roi : Reconnaître l’innocent dans Communauté spirituelle Robert_Campin_004On ne le répétera jamais assez : le premier à entrer dans le royaume du Christ ressuscité, ce n’est pas un des douze apôtres, ni même Marie. Non : c’est un bandit condamné à mort pour ses crimes ! À l’époque, la peine de mort paraissait juste pour ces hommes-là. D’ailleurs, il accepte le châtiment qui lui est infligé : « pour nous (les deux crucifiés aux côtés de Jésus) ce n’est que justice. Nous récoltons ce que nous avons semé. » (cf. Lc 23, 35 43) Déjà en cela cet homme est remarquable, car il assume ses actes criminels et leur conséquence : la mort. L’autre condamné veut encore échapper à son sort en suppliant le Christ d’éclabousser la foule de sa puissance : « sauve-toi toi-même, et nous avec ». Mais le point de bascule entre les deux attitudes est le moment où le deuxième bandit atteste devant tous de l’innocence de Jésus crucifié : « lui n’a rien fait de mal ».

Au moment de mourir dans l’opprobre et la dérision, ce malfaiteur prend parti pour Jésus, et dépose une dernière fois à la barre du procès qui lui est fait : il est innocent. Au moment où la logique sacrificielle du bouc émissaire est à son paroxysme (éliminer celui qui compromet la stabilité de la nation : « il vaut mieux qu’un seul homme meure plutôt que tout le peuple » Jn 18,14), le bon larron dénonce le mensonge qui permet à la violence de se déchaîner : non, Jésus n’est pas coupable de blasphème ni de sédition ; il est innocent de tout ce dont on l’accuse.

En dévoilant ainsi l’imposture qui engendre le déchaînement de la violence, ce malfaiteur prend le parti de Jésus, et s’unit à lui jusque dans la mort. C’est pourquoi le Christ constate : « aujourd’hui, tu seras avec moi dans le paradis ».

Dès lors que quelques-uns dénoncent le sort fait aux innocents dans un système violent, que ce système soit religieux (conquêtes musulmanes, Inquisitions chrétiennes, guerres de religion…) ou politiques (URSS de Staline, Cambodge de Pol Pot…), le royaume de Dieu advient !

Reconnaître l’innocent là où tous jettent des pierres ou se moquent, c’est démasquer le mensonge à la racine de cette violence. C’est ce que Jésus a fait avec la femme adultère que tous voulaient lapider. Ce n’est pas sans risques. Jésus savait qu’il exposait sa vie en intervenant pour les exclus injustement stigmatisés dans la société de son temps. Le bon larron n’a plus rien à perdre au seuil de la mort : il est libéré du qu’en-dira-t-on et du jugement des autres désormais. Il a alors ce courage que personne n’avait jusque-là au sommet du Golgotha : reconnaître publiquement l’innocent et prendre son parti. Du coup, il ouvre la voie au courage des autres, pas des disciples (qui ont fui !) mais d’un centurion romain qui proclame lui aussi l’innocence de Jésus après sa mort : « vraiment, cet homme était fils de Dieu » (Mc 15,39). Autrement dit, s’il existe un cycle infernal de la violence s’abattant par mimétisme sur des innocents, il existe également un cercle symétrique, vertueux, qui rompt  cette chaîne de violence par le seul fait de reconnaître publiquement l’innocence des sacrifiés.

Inévitablement, des rapprochements avec les déchaînements contemporains de violence sautent aux yeux. Songez aux 200 000 enfants environ qui chaque année ne naissent pas en France. Pourquoi les éliminer ? Serait-il une chose, capable de troubler l’équilibre de leurs parents potentiels ? En les proclamant innocents, l’Église – sachant qu’elle-même est coupable par ailleurs de bien d’autres crimes – veut être le bon larron attestant devant tous de l’injustice faite à ces non-nés.

Songez encore aux centaines de personnes qui chaque année en France meurent dans la rue, sans logement ni entourage (500 à 600 selon les associations). Leur corps rejoignent le ‘carré des indigents’ dans les cimetières, fosse commune recouverte d’oubli. Certains voudraient nous faire croire que la réussite se mérite, et que donc les pauvres ne le doivent qu’à eux-mêmes. Eh bien non ! Des collectifs (chrétiens et aconfessionnels) dénoncent ces morts indignes comme une violence faite à des innocents, car les pauvres ne sont pas coupables de leur misère.

FB_modele_COCO1 innocent dans Communauté spirituelle

De même, criminaliser les migrants qui fuient la pauvreté chronique de leur pays d’origine n’est pas juste. La racine du mal est dans la domination des nations gagnantes de la mondialisation : elles fixent le terme des échanges, répartissent les inégalités, culpabilisent les perdants. Réguler les flux migratoires n’implique pas ces traitements inhumains dans nos ‘jungles’ et autres camps de détention administratifs.

On nous dit qu’il n’y a plus d’idéologie depuis la chute du communisme en 1989 : que nenni ! L’idéologie de la violence sacrificielle qui a éliminé Jésus est toujours là, terriblement efficace : faire passer les innocents pour des coupables, les victimes pour des dommages collatéraux inévitables.

Fêter le Christ-Roi nous engage.

Ils ne savent pas ce qu'ils fontNon pas à brandir des étendards, ni à constituer des mini royaumes à l’écart. Pour fêter le Christ-Roi, le mieux est de suivre la voie du bon larron : reconnaître nos torts et avoir le courage de reconnaître publiquement l’innocence de ceux que l’on a cloués au pilori de la dérision publique. D’ailleurs, Jésus lui-même n’a-t-il pas jusqu’au bout plaidé en faveur de ses bourreaux ? « Ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23,34). S’ils savaient qui ils condamnent, qui ils crucifient, qui ils éliminent aujourd’hui encore, ils ne le feraient pas. Le mensonge est père de la violence. Si le mensonge de la culpabilité des autres était levé, ils reculeraient horrifiés devant l’abomination de leurs actes, les Hutus devant les Tutsis et les Tutsis  devant les Hutus, les djihadistes devant les blessés de leurs attentats, les millionnaires devant les souffrances des pauvres, les abattoirs indignes devant la détresse animale etc.…

Il y a en chacun de nous – même les pires – une part d’innocence qui vient du voile de mensonge manipulant notre liberté à notre insu. C’est pourquoi nous espérons que chacun, jusqu’à son dernier souffle, peut comme le bon larron confesser ses torts, reconnaître l’innocent et prendre son parti.

Que le Christ-Roi nous aide à anticiper son royaume de justice et de paix, où les innocents ne sont plus tournés en dérision puis éliminés par les vainqueurs du moment.

Prenons leur défense avec courage.

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Ils donnèrent l’onction à David pour le faire roi sur Israël » (2 S 5, 1-3)

Lecture du deuxième livre de Samuel

En ces jours-là, toutes les tribus d’Israël vinrent trouver David à Hébron et lui dirent : « Vois ! Nous sommes de tes os et de ta chair. Dans le passé déjà, quand Saül était notre roi, c’est toi qui menais Israël en campagne et le ramenais, et le Seigneur t’a dit : ‘Tu seras le berger d’Israël mon peuple, tu seras le chef d’Israël.’ » Ainsi, tous les anciens d’Israël vinrent trouver le roi à Hébron. Le roi David fit alliance avec eux, à Hébron, devant le Seigneur. Ils donnèrent l’onction à David pour le faire roi sur Israël.

PSAUME
(Ps 121 (122), 1-2, 3-4, 5-6)
R/ Dans la joie, nous irons à la maison du Seigneur. (cf. Ps 121, 1)

Quelle joie quand on m’a dit :
« Nous irons à la maison du Seigneur ! »
Maintenant notre marche prend fin
devant tes portes, Jérusalem !

Jérusalem, te voici dans tes murs :
ville où tout ensemble ne fait qu’un !
C’est là que montent les tribus, les tribus du Seigneur,
là qu’Israël doit rendre grâce au nom du Seigneur.

C’est là le siège du droit,
le siège de la maison de David.
Appelez le bonheur sur Jérusalem :
« Paix à ceux qui t’aiment ! »

DEUXIÈME LECTURE
« Dieu nous a placés dans le Royaume de son Fils bien-aimé » (Col 1, 12-20)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Colossiens

Frères, rendez grâce à Dieu le Père, qui vous a rendus capables d’avoir part à l’héritage des saints, dans la lumière. Nous arrachant au pouvoir des ténèbres, il nous a placés dans le Royaume de son Fils bien-aimé : en lui nous avons la rédemption, le pardon des péchés.  Il est l’image du Dieu invisible, le premier-né, avant toute créature : en lui, tout fut créé, dans le ciel et sur la terre. Les êtres visibles et invisibles, Puissances, Principautés, Souverainetés, Dominations, tout est créé par lui et pour lui. Il est avant toute chose, et tout subsiste en lui. Il est aussi la tête du corps, la tête de l’Église : c’est lui le commencement, le premier-né d’entre les morts, afin qu’il ait en tout la primauté. Car Dieu a jugé bon qu’habite en lui toute plénitude et que tout, par le Christ, lui soit enfin réconcilié, faisant la paix par le sang de sa Croix, la paix pour tous les êtres sur la terre et dans le ciel.

ÉVANGILE
« Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume » (Lc 23, 35-43)
Alléluia. Alléluia. Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. Béni soit le Règne qui vient, celui de David notre père. Alléluia. (cf. Mc 11, 9b.10a)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là, on venait de crucifier Jésus, et le peuple restait là à observer. Les chefs tournaient Jésus en dérision et disaient : « Il en a sauvé d’autres : qu’il se sauve lui-même, s’il est le Messie de Dieu, l’Élu ! » Les soldats aussi se moquaient de lui ; s’approchant, ils lui présentaient de la boisson vinaigrée, en disant : « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! »
Il y avait aussi une inscription au-dessus de lui : « Celui-ci est le roi des Juifs. » L’un des malfaiteurs suspendus en croix l’injuriait : « N’es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même, et nous aussi ! » Mais l’autre lui fit de vifs reproches : « Tu ne crains donc pas Dieu ! Tu es pourtant un condamné, toi aussi ! Et puis, pour nous, c’est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n’a rien fait de mal. » Et il disait : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. » Jésus lui déclara : « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. »
Patrick BRAUD

Mots-clés : , , ,

24 février 2016

Le malheur innocent

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Le malheur innocent

Cf. également :

Les multiples interprétations symboliques du buisson ardent

Les résistances de Moïse… et les nôtres

Lire les signes des temps

Pour quoi m’as-tu abandonné ?

Homélie du 3° dimanche de carême / Année C
28/02/2016

 

De l’importance des faits divers

Afficher l'image d'origine

Les Évangiles font rarement place aux faits divers.  Le sensationnalisme et la flatterie du goût pour le morbide ne sont pas les clés du succès littéraire du Nouveau Testament…

Pourtant, notre passage de Luc 13, 1-9 contient de ces faits divers que la presse en tout genre adore et nous sert quotidiennement dans leur « une » de papier ou d’écran. Pourquoi Luc s’intéresse-t-il tout d’un coup aux exactions de Pilate ou aux accidents de chantiers de Siloé ? Serait-il comme Hegel, qui affirmait que « la lecture des journaux est la prière du matin moderne » ?

« Un jour, des gens rapportèrent à Jésus l’affaire des Galiléens que Pilate avait fait massacrer, mêlant leur sang à celui des sacrifices qu’ils offraient. Jésus leur répondit : « Pensez-vous que ces Galiléens étaient de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens, pour avoir subi un tel sort ? Eh bien, je vous dis : pas du tout ! Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. Et ces dix-huit personnes tuées par la chute de la tour de Siloé, pensez-vous qu’elles étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ? Eh bien, je vous dis : pas du tout ! Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. » (Lc 13, 1-5)

Visiblement, il veut montrer comment lire « les signes des temps », c’est-à-dire déchiffrer  dans l’actualité les appels salutaires à nous convertir. Jésus ne méprise pas le bulletin des news quotidiennes de France Info ou BFM TV. Il est au courant des drames qui émeuvent « les gens » (comme dit Luc) ordinaires. Ils posent une vraie question : comment croire en Dieu alors que le malheur innocent frappe des pratiquants (galiléens massacrés par Pilate) et indistinctement des passants (les victimes de la chute de la tour de Siloé) ?

Redoutable question à l’origine de l’athéisme pratique de tant de nos contemporains. Si Dieu existe, pourquoi laisse-t-il arriver tant de souffrances injustes ? Qu’elles viennent des hommes (Pilate) ou des lois de la nature (la tour de Siloé), le mal s’impose contre la puissance d’un Dieu réputé être bon pour l’homme. Mais qu’est-ce que la bonté d’un Dieu s’il est impuissant à nous protéger ? À quoi sert l’amour d’un Dieu qui subit le mal et ne peut rien contre le malheur innocent ?

C’est la vieille question de la théodicée, terme théologique qui désigne le défi de concilier l’amour qu’est Dieu avec la réalité du mal, de la souffrance et du malheur innocent.

 

La non-réponse du Christ

Afficher l'image d'origineVisiblement, Jésus ne se lance pas dans de savantes explications sur l’origine de ce mal  politique ou technologique. Le plus important pour lui n’est pas tant de savoir pourquoi cela arrive que de discerner pour quoi cela nous touche. Le pour quoi est lié ici à une réflexion sur la finalité plus que sur les causes. La lecture qu’en fait Jésus est à la fois très simple et très profonde : ces faits divers vous montrent combien la vie de chacun est fragile et éphémère. Tirez donc parti du temps présent pour réorienter votre existence avant qu’il ne soit trop tard. N’attendez pas demain pour vous convertir, car demain vous pouvez fort bien ne plus être là.

Bien sûr, il faut des analystes politiques pour démonter les mécanismes du totalitarisme façon Pilate qui hier engendraient des massacres au nom de l’orthodoxie romaine, où des massacres de dissidents dans les goulags soviétiques.

Bien sûr, il faut des analyses scientifiques et techniques pour comprendre la chute d’une tour à Siloé ou d’un panneau d’affichage à Paris engendrant des morts absurdes.

Dans les deux cas, expliquer les causes pourra permettre d’éviter que cela se reproduise.

Mais soyons réalistes : malgré la formidable intelligence humaine, cela se reproduit toujours de siècle en siècle. Là comme ailleurs, « il n’y a rien de nouveau sous le soleil », comme l’écrivait l’Ecclésiaste (Si 1,9). Le totalitarisme resurgit, changeant d’habits ou d’idéologie, mais toujours aussi meurtrier. Les catastrophes naturelles ou technologiques font toujours la une des médias. Du tremblement de terre de Lisbonne (Voltaire) à l’Amoco-Cadiz sur les côtes bretonnes ou la fonte des glaces aux pôles, rêver d’une planète sans malheur (innocent ou non) est irréaliste, et largement démenti par l’histoire.
Sans dévaloriser ce combat permanent contre le mal, le Christ refuse d’en rester là : puisque ce mal existe, s’impose concrètement aujourd’hui, qu’allez-vous en faire ?

Allez-vous vous laisser submerger par le désespoir ? Le cynisme ? Où allez-vous y puiser une force pour orienter votre vie autrement, c’est-à-dire vous convertir, vous tourner vers la finalité ultime de vos actes ?

Réfléchissez sur le pour quoi de vos efforts, de vos aspirations les plus vraies, et vous verrez que même le malheur innocent ne pourra plus rien contre vous.

À la façon de St Ignace méditant sur lui-même suite à une fracture de la jambe, ou de Nelson Mandela se transformant dans sa prison en artisan de réconciliation nationale, tirez  profit même de la catastrophe la plus imprévue pour revenir à vous-même, pour redonner sens à ces quelques éclairs fugaces que sont nos parcours sur terre.

Même la Shoah, catastrophe des catastrophes, malheur innocent en quelque sorte personnifié, même la Shoah peut devenir pour le peuple juif un appel à la conversion de  l’intérieur. Qu’au moins ces 6 millions de morts injustes soient à l’origine d’un État d’Israël le plus juste possible, et d’une prise de conscience universelle !

« Des pauvres, vous en aurez toujours au milieu de vous » (Mc 14,7) : le réalisme de Jésus heurte  l’utopie révolutionnaire de Judas de plein fouet. Non pas pour le détourner de la transformation sociale, mais pour l’appeler à donner sens dès maintenant à la présence des pauvres parmi nous : ils ne demandent pas que du pain et du travail, mais également du beau, du vrai, de la relation à Dieu, ce qu’exprime le parfum précieux de l’onction de Béthanie, au grand dam de Judas scandalisé par ce gaspillage (Jn 12, 1-11).

 

Théodicée : les autres réponses

Afficher l'image d'origineLa non-réponse du Christ à la lancinante question de la théodicée est assez unique dans l’histoire.

Les sagesses antiques ont plutôt cherché des explications diverses d’où ont découlé leurs  attitudes spirituelles. Par exemple, l’hindouisme ou le bouddhisme ont localisé dans le désir la source de la souffrance humaine devant le malheur innocent. Et c’est dans l’extinction du désir qu’est alors la solution.

En Occident, Leibnitz penche lui pour l’ignorance humaine : seul Dieu a une vue globale de ce qui arrive, et ce qui est pour nous un mal apparent n’est peut-être que la condition indispensable pour un bien plus grand à l’échelle globale. Nous sommes dans « le meilleur des mondes possibles » et la sagesse consiste alors à vivre avec, humblement.

Les stoïciens ont vu dans la souffrance une école d’humanisation : changer ce qui dépend de nous et supporter le reste. C’est la grandeur stoïcienne.
Les épicuriens ont plutôt interprété le malheur innocent comme une invitation à jouir du présent sans attendre, car demain est incertain.

Les révolutionnaires marxistes ont érigé la révolte contre le mal en principe absolu. Mais en cherchant à éradiquer le mal ils ont engendré un mal plus monstrueux encore.

Les nouveaux révolutionnaires, scientifiques et technologiques, nous promettent un corps humain ‘augmenté’, une vie sociale totalement interconnectée, une maîtrise technologique stupéfiante : mais la question de la douleur ne pourra se résoudre à coups de promesses numériques ou de traitements chimiques.

 

Bref, l’énigme de la théodicée n’en finit pas de travailler l’aventure humaine, et resurgit à chaque époque, multiforme, vieille question en habits neufs.

 

L’originalité du christianisme réside sans doute dans la non-réponse du Christ (qui rejoint et accomplit celle de Job) : ne restez pas fascinés par le scandale du malheur innocent, mais interrogez-vous sur ce qu’il vous révèle du sens de votre existence. Sans négliger le combat contre le mal, investissez dans la recherche du sens. Essayez de trouver le pourquoi du malheur innocent afin de le réduire, et mettez encore plus d’énergie à discerner le pour quoi de ce qui arrive…

 

 

1ère lecture : « Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est : Je-suis » (Ex 3, 1-8a.10.13-15)
Lecture du livre de l’Exode

En ces jours-là, Moïse était berger du troupeau de son beau-père Jéthro, prêtre de Madiane. Il mena le troupeau au-delà du désert et parvint à la montagne de Dieu, à l’Horeb. L’ange du Seigneur lui apparut dans la flamme d’un buisson en feu. Moïse regarda : le buisson brûlait sans se consumer. Moïse se dit alors : « Je vais faire un détour pour voir cette chose extraordinaire : pourquoi le buisson ne se consume-t-il pas ? » Le Seigneur vit qu’il avait fait un détour pour voir, et Dieu l’appela du milieu du buisson : « Moïse ! Moïse ! » Il dit : « Me voici ! » Dieu dit alors : « N’approche pas d’ici ! Retire les sandales de tes pieds, car le lieu où tu te tiens est une terre sainte ! » Et il déclara : « Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob. » Moïse se voila le visage car il craignait de porter son regard sur Dieu. Le Seigneur dit : « J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte, et j’ai entendu ses cris sous les coups des surveillants. Oui, je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens et le faire monter de ce pays vers un beau et vaste pays, vers un pays, ruisselant de lait et de miel. Maintenant donc, va ! Je t’envoie chez Pharaon : tu feras sortir d’Égypte mon peuple, les fils d’Israël. » Moïse répondit à Dieu : « J’irai donc trouver les fils d’Israël, et je leur dirai : ‘Le Dieu de vos pères m’a envoyé vers vous.’ Ils vont me demander quel est son nom ; que leur répondrai-je ? » Dieu dit à Moïse : « Je suis qui je suis. Tu parleras ainsi aux fils d’Israël : ‘Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est : Je-suis’. » Dieu dit encore à Moïse : « Tu parleras ainsi aux fils d’Israël : ‘Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est Le Seigneur, le Dieu de vos pères, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob’. C’est là mon nom pour toujours, c’est par lui que vous ferez mémoire de moi, d’âge en d’âge. »

Psaume : Ps 102 (103), 1-2, 3-4, 6-7, 8.11

R/ Le Seigneur est tendresse et pitié.  (Ps 102, 8a)

Bénis le Seigneur, ô mon âme,
bénis son nom très saint, tout mon être !
Bénis le Seigneur, ô mon âme,
n’oublie aucun de ses bienfaits !

Car il pardonne toutes tes offenses
et te guérit de toute maladie ;
il réclame ta vie à la tombe
et te couronne d’amour et de tendresse.

Le Seigneur fait œuvre de justice,
il défend le droit des opprimés.
Il révèle ses desseins à Moïse,
aux enfants d’Israël ses hauts faits.

Le Seigneur est tendresse et pitié,
lent à la colère et plein d’amour ;
Comme le ciel domine la terre,
fort est son amour pour qui le craint.

2ème lecture : La vie de Moïse avec le peuple au désert, l’Écriture l’a racontée pour nous avertir (1 Co 10, 1-6.10-12)
Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères, je ne voudrais pas vous laisser ignorer que, lors de la sortie d’Égypte, nos pères étaient tous sous la protection de la nuée, et que tous ont passé à travers la mer. Tous, ils ont été unis à Moïse par un baptême dans la nuée et dans la mer ; tous, ils ont mangé la même nourriture spirituelle ; tous, ils ont bu la même boisson spirituelle ; car ils buvaient à un rocher spirituel qui les suivait, et ce rocher, c’était le Christ. Cependant, la plupart n’ont pas su plaire à Dieu : leurs ossements, en effet, jonchèrent le désert. Ces événements devaient nous servir d’exemple, pour nous empêcher de désirer ce qui est mal comme l’ont fait ces gens-là. Cessez de récriminer comme l’ont fait certains d’entre eux : ils ont été exterminés. Ce qui leur est arrivé devait servir d’exemple, et l’Écriture l’a raconté pour nous avertir, nous qui nous trouvons à la fin des temps. Ainsi donc, celui qui se croit solide, qu’il fasse attention à ne pas tomber.

Evangile : « Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même » (Lc 13, 1-9)

Acclamation : Gloire au Christ, Sagesse éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur.
Convertissez-vous, dit le Seigneur, car le royaume des Cieux est tout proche.
Gloire au Christ, Sagesse éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur. 
(Mt 4, 17)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Un jour, des gens rapportèrent à Jésus l’affaire des Galiléens que Pilate avait fait massacrer, mêlant leur sang à celui des sacrifices qu’ils offraient. Jésus leur répondit : « Pensez-vous que ces Galiléens étaient de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens, pour avoir subi un tel sort ? Eh bien, je vous dis : pas du tout ! Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. Et ces dix-huit personnes tuées par la chute de la tour de Siloé, pensez-vous qu’elles étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ? Eh bien, je vous dis : pas du tout ! Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. » Jésus disait encore cette parabole : « Quelqu’un avait un figuier planté dans sa vigne. Il vint chercher du fruit sur ce figuier, et n’en trouva pas. Il dit alors à son vigneron : ‘Voilà trois ans que je viens chercher du fruit sur ce figuier, et je n’en trouve pas. Coupe-le. À quoi bon le laisser épuiser le sol ?’ Mais le vigneron lui répondit : ‘Maître, laisse-le encore cette année, le temps que je bêche autour pour y mettre du fumier. Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir. Sinon, tu le couperas.’ »
Patrick BRAUD

Mots-clés : , , , , ,