L'homélie du dimanche (prochain)

17 août 2013

De l’art du renoncement

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

De l’art du renoncement

Homélie du 20° Dimanche du temps ordinaire / Année C
18/08/2013

 

« Renonçant à la joie qui lui était proposée, Jésus a enduré, sans avoir de honte, l’humiliation de la croix, et, assis à la droite de Dieu, il règne avec lui. »

Chaque mot de cette phrase de la lettre aux Hébreux de ce Dimanche (He 12,1-4)  heurte notre sensibilité occidentale du XXI° siècle. Chaque mot semble prendre le contre-pied des idéologies soft actuelles sur le bien-être personnel, la recherche de l’épanouissement, le désir de ne pas souffrir, l’investissement dans la vie présente…

Prenez le verbe renoncer : qui prêche le renoncement aujourd’hui ? À part quelques écologistes radicaux prônant la décroissance, et donc la réduction de notre train de vie, qui rappelle cette vieille loi pourtant pleine de sagesse : le renoncement peut devenir un chemin de libération ?

Ce à quoi le Christ renonce, c’est à « la joie qui lui était proposée ». Voilà qui est encore plus scandaleux ! Le christianisme semble tomber ici sous les accusations de Nietzsche : religion de sous-hommes ne pouvant accéder à la joie dionysiaque, et érigeant leur impuissance en chemin de sainteté. Ce serait vrai si la phrase de He 12,3 s’arrêtait là, s’il n’y avait le but, la raison pour laquelle le Christ renonce à la joie possible.

La finalité de ce renoncement, c’est d’ « être assis à la droite de Dieu » et de « régner avec lui ». Avec en plus l’ouverture de cette ascension / assomption à tous ceux qui le suivraient.

Pour avoir oublié ce but ultime, certains courants du christianisme se sont transformés en rabats-joie lugubres que Nietzsche a eu raison de fustiger.

Pour avoir chassé ce but ultime de leur horizon, les courants hédonistes actuels ne comprennent pas que le renoncement est un investissement pour une joie future, éternelle. Seule la perspective eschatologique d’un autre monde en Dieu permet de comprendre le sacrifice (encore un autre mot que la modernité méconnaît) du Christ. Sinon il faut être fou pour ne pas rechercher son bonheur personnel, ici et maintenant, par tous les moyens.

 

En écartant la problématique de la joie présente comme non pertinente, Jésus introduit une contestation révolutionnaire : le salut offert aux autres est plus important que son propre épanouissement du moment. La fidélité à soi-même passe par le dessaisissement de soi pour que les humiliés de la terre puissent être élevés au plus haut.

 

Car le renoncement du Christ à ce à quoi il aurait pu prétendre (la gloire, l’admiration De l'art du renoncement dans Communauté spirituelledes foules, le pouvoir politique et religieux, la vénération populaire etc.) est la condition sine qua non pour qu’il épouse la condition des humiliés. « Il a enduré, sans avoir de honte, l’humiliation de la croix ». Notons au passage que la croix, dans cette interprétation des plus anciennes, est signe d’humiliation et non pas de souffrance physique. C’est en effet le supplice des humiliores dans le monde romain : la croix est le supplice des esclaves (cf. Spartacus et ses 6000 révoltés crucifiés avec lui le long des voies romaines), le supplice infamant qui prive tout juif le subissant des promesses faites à Israël, au point de devenir un « maudit de Dieu » (Ga 3,13; Dt 21,23) dont le corps n’est même pas digne d’être enterré.

La volonté du Christ c’est d’aller au bout de celle de son Père, « jusqu’à l’extrême » (Jn 13,1) : faire corps avec les damnés de la terre pour leur ouvrir un chemin de libération et de vie en Dieu.

En allant les rejoindre, il est assimilé à eux. Leur humiliation devient la sienne ; mais il l’assume « sans honte », alors que les puissants ont réussi en dominant les humiliés à leur faire intérioriser la honte d’être dominés. Il y a dans ce « sans honte » le début du retournement de la situation d’humiliation, comme on retourne un gant de l’intérieur. Le Père Joseph Wrésinsky l’a bien compris, qui a commencé à redonner un nom et une histoire au peuple du Quart-Monde pour qu’il retrouve la fierté d’être lui-même. Les grands libérateurs ont fait de même : Gandhi avec les colonisés indiens, Martin Luther King avec les ?nègres’ américains des années 60, Mandela avec les townships souffrant de ségrégation et de misère etc.

Endurer sans honte l’humiliation de ceux qui en sont écrasés est déjà leur ouvrir la possibilité d’une dignité pleinement rétablie.

 

Ce faisant, il ne faudra pas s’étonner de rencontrer « l’hostilité des pécheurs ». Le combat contre l’hostilité de ses adversaires, Jésus l’a vécu sans aide ni violence. Il a préféré être broyé par la violence adverse plutôt que d’employer contre elle la même logique de puissance, de domination.

Ceux qui veulent défendre les humiliés parmi leurs collègues, leurs salariés, leurs familles même, feront cette expérience au début très amère : prendre le parti des petits suscite l’hostilité, conduit à être méprisé comme eux, et apparemment cette violence semble gagner à court terme. Il faut une sacrée énergie spirituelle pour tenir bon sans « se laisser accabler par le découragement ». Il faut une vision prophétique pour garder « les yeux fixés » sur le long terme, pour surmonter les premières défaites inévitables. Il faut recevoir de Dieu le courage de « résister jusqu’au sang » s’il le faut dans notre lutte contre le mal.

 

Alors les renoncement à opérer nous apparaîtront logiques et efficaces.

Renoncer aux joies immédiates est finalement un bien par rapport à la perspective du règne de Dieu auquel le Christ nous associe. Le bonheur n’est pas un but de la vie présente. La recherche du bonheur personnel pourrait même nous éloigner de notre vrai désir. Le philosophe Alain écrivait : « le bonheur est une récompense qui vient à ceux qui ne l’ont pas cherchée ». Le bonheur est illucide, au sens où c’est en renonçant à lui qu’on peut paradoxalement y demeurer.

 

Quel est notre but ultime ?

Quelles humiliés sommes-nous appelés à défendre ?

À quel renoncement cela nous conduit-il ?

 

 

 

1ère lecture : Le prophète signe de contradiction (Jr 38, 4-6.8-10)

Lecture du livre de Jérémie

Pendant le siège de Jérusalem, les chefs qui tenaient Jérémie en prison dirent au roi Sédécias : « Que cet homme soit mis à mort : en parlant comme il le fait, il démoralise tout ce qui reste de combattant dans la ville, et toute la population. Ce n’est pas le bonheur du peuple qu’il cherche, mais son malheur. »
Le roi répondit : « Il est déjà entre vos mains, et le roi ne peut rien contre vous ! »
Alors ils se saisirent de Jérémie et le jetèrent dans la citerne du prince Melkias, dans la cour de la prison. On le descendit avec des cordes. Dans cette citerne il n’y avait pas d’eau, mais de la boue, et Jérémie s’enfonça dans la boue.
Un officier du palais, l’Éthiopien Ébed-Mélek, vint trouver le roi : « Mon Seigneur le roi, ce qu’ils ont fait au prophète Jérémie, c’est mal ! Ils l’ont jeté dans la citerne, il va y mourir de faim ! »
Alors le roi donna cet ordre à l’Éthiopien Ébed-Mélek : « Prends trois hommes avec toi, et retire de la citerne le prophète Jérémie avant qu’il ne meure. »

Psaume : 39, 2, 3, 4, 18

R/ Seigneur, à mon aide ! Viens à mon secours !

D’un grand espoir 
   j’espérais le Seigneur : 
il s’est penché vers moi 
   pour entendre mon cri. 

Il m’a tiré de l’horreur du gouffre, 
   de la vase et de la boue ; 
il m’a fait reprendre pied sur le roc, 
   il a raffermi mes pas. 

Dans ma bouche il a mis un chant nouveau, 
   une louange à notre Dieu. 
Beaucoup d’hommes verront, ils craindront, 
   ils auront foi dans le Seigneur. 

Je suis pauvre et malheureux, 
   mais le Seigneur pense à moi. 
Tu es mon secours, mon libérateur : 
   mon Dieu, ne tarde pas !

2ème lecture : Le combat dans la foi à l’exemple de Jésus (He 12, 1-4)

Lecture de la lettre aux Hébreux

Frères, ceux qui ont vécu dans la foi, foule immense de témoins, sont là qui nous entoure. Comme eux, débarrassons-nous de tout ce qui nous alourdit, et d’abord du péché qui nous entrave si bien ; alors nous courrons avec endurance l’épreuve qui nous est proposée, les yeux fixés sur Jésus, qui est à l’origine et au terme de la foi. Renonçant à la joie qui lui était proposée, il a enduré, sans avoir de honte, l’humiliation de la croix, et, assis à la droite de Dieu, il règne avec lui.
Méditez l’exemple de celui qui a enduré de la part des pécheurs une telle hostilité, et vous ne serez pas accablés par le découragement. Vous n’avez pas encore résisté jusqu’au sang dans votre lutte contre le péché.

Evangile : Jésus, cause de division entre les hommes (Lc 12, 49-53)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Jésus, le bon Pasteur, connaît ses brebis et ses brebis le connaissent : pour elles il a donné sa vie.Alléluia. (cf. Jn 10, 14-15)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Jésus disait à ses disciples : « Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé !
Je dois recevoir un baptême, et comme il m’en coûte d’attendre qu’il soit accompli !
Pensez-vous que je sois venu mettre la paix dans le monde ? Non, je vous le dis, mais plutôt la division.
Car désormais cinq personnes de la même famille seront divisées : trois contre deux et deux contre trois ;
ils se diviseront : le père contre le fils et le fils contre le père, la mère contre la fille et la fille contre la mère, la belle-mère contre la belle-fille et la belle-fille contre la belle-mère. »
Patrick Braud 

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16 avril 2011

C’est l’outrage et non pas la douleur

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

C’est l’outrage et non pas la douleur

Homélie pour le Dimanche des Rameaux / Année A
17/04/2011

Pourquoi réduire la Passion à la douleur physique ?

La flagellation, les coups, la crucifixion, l’asphyxie de la croix : beaucoup de commentaires de la Passion du Christ ont insisté sur la souffrance qu’il a endurée dans sa chair. Le dolorisme était aux siècles derniers une spiritualité extrémiste s’appuyant sur la contemplation de cette souffrance physique : c’est en proportion de sa douleur que Jésus aurait « mérité » le plus grand salut pour tous.

Le corollaire de cette position doloriste est inquiétant : plus nous souffrons, nous nous serions associés à la Passion du Christ, et donc plus nous contribuerions au salut du monde. D’où des excès insupportables, comme chaque année les crucifiés  des Philippines le Vendredi saint, les pénitents fouettés jusqu’au sang, et tous les vieux discours encore entendus sur le thème : « réjouissez-vous si vous souffrez. Offrez votre souffrance. Le Christ vous associe à sa Passion. »

Il peut arriver à des chrétiens de resservir ce discours doloriste révoltant aux malades ou à leurs familles. Comment offrir à Dieu quelque chose qui est mauvais en soi : la douleur ? « Ce que Dieu aime à recevoir, ce ne sont pas nos souffrances, mais la foi, l’espérance, l’amour que Dieu préserve en nous au coeur de nos souffrances » (Xavier Thévenot).

 

C’est l’outrage et non pas la douleur

Relisons la Passion telle que ce Dimanche des Rameaux nous l’a fait entendre chez Mathieu. C’est essentiellement un drame de la dérision, aboutissant à une solitude extrême. Aucun terme ne traduit une douleur physique exprimée par Jésus, aucun ! Nulle part il est écrit qu’il avait mal, qu’il criait ou pleurait de douleur. Il y a à peine quelques termes évoquant cette dimension : « ils le rouèrent de coups » (Mt 26,67).

Même la crucifixion n’est mentionnée qu’après coup, presque discrètement : « après l’avoir crucifié… » (27,35). On ne peut en faire moins sur cet instant pourtant terriblement douloureux.

Par contre, relevez toutes les expressions qui évoquent la dérision, la moquerie, l’insulte, ou la déréliction (sentiment d’abandon) :

- mon âme est triste à en mourir 26,38
- s’il est possible que cette coupe passe loin de moi 26,42
- livré aux mains des pécheurs 26,45
- trahi 26,46. 50
- suis-je donc un brigand ? 26,55
- il a blasphémé 26,65
- ils lui crachaient au visage 26,68
- ils le giflaient en disant : fais-nous le prophète, Messie ! 26, 68
- la foule lui préfère Barabbas, un criminel 27,22
- on lui impose la nudité, le manteau rouge, la couronne d’épines, le roseau en guise de sceptre, les agenouillements, tout cela pour se moquer de lui 27, 28-31
- vêtements tirés au sort 27,35
- écriteau parodiant une royauté lamentable 27,37
- insultes des passants, des chefs religieux, des brigands en croix avec lui 27,39-44
- cri de déréliction : Eli, Eli, lama sabbachtani 27,46
- grand cri final 27,50

Cette liste est impressionnante car elle fait ressortir que la Passion du Christ est une descente aux enfers en matière d’injures, d’insultes, de mépris, de moquerie, de dérision et de solitude.

Cette liste est également impressionnante car bon nombre de « moins que rien » de nos sociétés peuvent s’y reconnaître, hélas. 

Or cette liste ne parle pas de douleur physique. Jésus n’est pas le champion de la douleur, mais de l’amour offert jusqu’au bout, même à travers la souffrance.

C’est l’outrage, et non pas la douleur, qui est au coeur de la Passion du Christ.

Ce qui caractérise l’attitude du Fils ici, c’est d’aller partager la condition des méprisés, des maudits, des sans-Dieu. Et, pour lui qui est dans l’intimité du Père plus que nul autre, cette séparation est la souffrance la plus haute. Elle est spirituelle. Par amour, le Fils de Dieu va jusqu’au bout de la volonté de son Père : faire corps avec les damnés de la terre pour les ramener à lui ; aller chercher aux enfers et sauver ceux qui étaient perdus, en remontant avec eux.

Pour accomplir cette oeuvre de salut, Jésus va jusqu’à endurer la malédiction juive qui s’attache au crucifié : « maudit soit quiconque pend au bois de la croix » (Ga 3,13 ; Dt 21,23). Les maudits vont ainsi avoir Dieu lui-même comme compagnon de galère?

 

Au plus bas

Voilà le déchirement intérieur qui parcourt Jésus dans sa Passion : lui – le saint – fait corps avec les damnés ; lui – le Fils – est considéré comme un sans-Dieu ; lui - le juste - est assimilé au criminel ; lui - sur qui repose l’Esprit de communion - fait l’expérience de la solitude absolue (« pourquoi m’as-tu abandonné ? »).

En allant ainsi « jusqu’à l’extrême », Jésus va rejoindre les pécheurs, ceux qui se croyaient exclus de toute espérance, de toute considération humaine, de toute bienveillance divine. Avec lui, ils sortiront de leurs tombeaux : de la haine, de l’exclusion, de la dérision, du mépris, de la solitude, parce que le Christ aura eu la force de les rejoindre au plus bas.

 

L’offrande véritable

Arrêtons donc de faire l’éloge de la douleur ! Il n’y a rien à offrir dans la souffrance physique.

Par contre, le désir d’aimer peut traverser la douleur et devenir source de vie. Répétons-le : ce n’est pas par la douleur que le Christ a sauvé le monde, mais par sa solidarité avec les damnés de la terre, jusqu’à devenir l’un d’entre eux, et même le pire (blasphémateur et maudit).

 

Passionnés

Entendre la Passion du Christ, c’est entendre l’appel qu’il nous lance à aller avec lui faire corps avec ceux que l’on considère comme « perdus », ceux dont on se moque, ceux qui sont abandonnés.

Ou bien croire qu’il partage notre condition si nous faisons ces expériences terribles.

Impossible d’avoir ce courage sans la force de l’Esprit en nous ! Supplions donc l’Esprit de nous passionner, en étroite communion avec le Christ outragé, humilié, abandonné, et pourtant en cela vainqueur du mal.

 

 

 

 

Lecture de la Passion selon St Matthieu

  14 Alors l’un des Douze, appelé Judas Iscariote, se rendit auprès des grands prêtres  15 et leur dit: « Que voulez-vous me donner, et moi je vous le livrerai? » Ceux-ci lui versèrent 30 pièces d’argent.  16 Et de ce moment il cherchait une occasion favorable pour le livrer.

Préparatifs du repas pascal

  17 Le premier jour des Azymes, les disciples s’approchèrent de Jésus et lui dirent: « Où veux-tu que nous te préparions de quoi manger la Pâque? »  18 Il dit: « Allez à la ville, chez un tel, et dites-lui: Le Maître te fait dire: Mon temps est proche, c’est chez toi que je vais faire la Pâque avec mes disciples. »  19 Les disciples firent comme Jésus leur avait ordonné et préparèrent la Pâque.

Annonce de la trahison de Judas

  20 Le soir venu, il était à table avec les Douze.  21 Et tandis qu’ils mangeaient, il dit: « En vérité je vous le dis, l’un de vous me livrera. »  22 Fort attristés, ils se mirent chacun à lui dire: « Serait-ce moi, Seigneur? »  23 Il répondit: « Quelqu’un qui a plongé avec moi la main dans le plat, voilà celui qui va me livrer!  24 Le Fils de l’homme s’en va selon qu’il est écrit de lui; mais malheur à cet homme-là par qui le Fils de l’homme est livré! Mieux eût valu pour cet homme-là de ne pas naître! »  25 A son tour, Judas, celui qui allait le livrer, lui demanda: « Serait-ce moi, Rabbi » — « Tu l’as dit », répond Jésus.

Institution de l’Eucharistie

  26 Or, tandis qu’ils mangeaient, Jésus prit du pain, le bénit, le rompit et le donna aux disciples en disant: « Prenez, mangez, ceci est mon corps. »  27  Puis, prenant une coupe, il rendit grâces et la leur donna en disant: « Buvez-en tous;  28 car ceci est mon sang, le sang de l’alliance, qui va être répandu pour une multitude en rémission des péchés.  29 Je vous le dis, je ne boirai plus désormais de ce produit de la vigne jusqu’au jour où je le boirai avec vous, nouveau, dans le Royaume de mon Père. »

Prédiction du reniement de Pierre

  30 Après le chant des psaumes, ils partirent pour le mont des Oliviers.  31 Alors Jésus leur dit: « Vous tous, vous allez succomber à cause de moi, cette nuit même. Il est écrit en effet: Je frapperai le pasteur, et les brebis du troupeau seront dispersées.  32 Mais après ma résurrection je vous précéderai en Galilée. »  33 Prenant la parole, Pierre lui dit: « Si tous succombent à cause de toi, moi je ne succomberai jamais. »  34 Jésus lui répliqua: « En vérité je te le dis: cette nuit même, avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois. »  35 Pierre lui dit: « Dussé-je mourir avec toi, non, je ne te renierai pas. » Et tous les disciples en dirent autant.

A Gethsémani

  36 Alors  Jésus parvient avec eux  à un domaine appelé Gethsémani, et il dit aux disciples: « Restez ici, tandis que je m’en irai prier là-bas. »  37 Et prenant avec lui Pierre et les deux fils de Zébédée, il commença à ressentir tristesse et angoisse.  38 Alors il leur dit: « Mon âme est triste à en mourir, demeurez ici et veillez avec moi. »  39 Etant allé un peu plus loin, il tomba face contre terre en faisant cette prière: « Mon Père, s’il est possible, que  cette coupe passe loin de moi! Cependant, non pas comme je veux, mais comme tu veux. »  40 Il vient vers les disciples et les trouve en train de dormir; et il dit à Pierre: « Ainsi, vous n’avez pas eu la force de veiller une heure avec moi!  41 Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation: l’esprit est ardent, mais la chair est faible. »  42 A nouveau, pour la deuxième fois, il s’en alla prier: « Mon Père, dit-il, si cette coupe ne peut passer sans que je la boive, que ta volonté soit faite! »  43 Puis il vint et les trouva à nouveau en train de dormir; car leurs yeux étaient appesantis.  44 Il les laissa et s’en alla de nouveau prier une troisième fois, répétant les mêmes paroles.  45 Alors il vient vers les disciples et leur dit: « Désormais vous pouvez dormir et vous reposer: voici toute proche l’heure où le Fils de l’homme va être livré aux mains des pécheurs.  46 Levez-vous! Allons! Voici tout proche celui qui me livre. »

L’arrestation de Jésus

  47 Comme il parlait encore, voici Judas, l’un des Douze, et avec lui une bande nombreuse  armée de glaives et de bâtons, envoyée par les grands prêtres et les anciens du peuple.  48 Or le traître leur avait donné ce signe: « Celui à qui je donnerai un baiser, c’est lui; arrêtez-le. »  49 Et aussitôt il s’approcha de Jésus en disant: « Salut, Rabbi » , et il lui donna un baiser.  50 Mais Jésus lui dit: « Ami, fais ta besogne. » Alors, s’avançant, ils mirent la main sur Jésus et l’arrêtèrent.  51 Et voilà qu’un des compagnons de Jésus, portant la main à son glaive, le dégaina, frappa le serviteur du Grand Prêtre et lui enleva l’oreille.  52 Alors Jésus lui dit: « Rengaine ton glaive; car tous ceux qui prennent le glaive périront par le glaive.  53 Penses-tu donc que je ne puisse faire appel à mon Père, qui me fournirait sur-le-champ plus de douze légions d’anges?  54 Comment alors s’accompliraient les Ecritures d’après lesquelles il doit en être ainsi? »  55 A ce moment-là Jésus dit aux foules: « Suis-je un brigand, que vous vous soyez mis en campagne avec des glaives et des bâtons pour me saisir? Chaque jour j’étais assis dans le Temple, à enseigner, et vous ne m’avez pas arrêté. »  56 Or tout ceci advint pour que s’accomplissent les Ecritures des prophètes. Alors les disciples l’abandonnèrent tous et prirent la fuite.

Jésus devant le Sanhédrin

  57 Ceux qui avaient arrêté Jésus l’emmenèrent chez Caïphe le Grand Prêtre, où se réunirent les scribes et les anciens.  58 Quant à Pierre, il le suivait de loin, jusqu’au palais du Grand Prêtre; il pénétra à l’intérieur et s’assit avec les valets, pour voir le dénouement.

  59 Or, les grands prêtres  et le Sanhédrin tout entier cherchaient un faux témoignage contre Jésus, en vue de le faire mourir;  60 et ils n’en trouvèrent pas, bien que des faux témoins se fussent présentés en grand nombre. Finalement il s’en présenta deux,  61 qui déclarèrent: « Cet homme a dit: Je puis détruire le Sanctuaire de Dieu et le rebâtir en trois jours. »  62 Se levant alors, le Grand Prêtre lui dit: « Tu ne réponds rien? Qu’est-ce que ces gens attestent contre toi? »  63 Mais Jésus se taisait. Le Grand Prêtre lui dit: « Je t’adjure par le Dieu Vivant de nous dire si tu es le Christ, le Fils de Dieu » –  64  »Tu l’as dit, lui dit Jésus. D’ailleurs je vous le déclare: dorénavant, vous verrez le Fils de l’homme siégeant à droite de la Puissance et venant sur les nuées du ciel. »  65 Alors le Grand Prêtre déchira ses vêtements en disant: « Il a blasphémé! qu’avons-nous encore besoin de témoins? Là, vous venez d’entendre le blasphème!  66 Qu’en pensez-vous? » Ils répondirent: « Il est passible de mort. »

  67 Alors ils lui crachèrent au visage et le giflèrent; d’autres lui donnèrent des coups  68 en disant: « Fais le prophète, Christ, dis-nous qui t’a frappé. »

Reniements de Pierre

  69 Cependant Pierre était assis dehors, dans la cour. Une servante s’approcha de lui en disant: « Toi aussi, tu étais avec Jésus le Galiléen. »  70 Mais lui nia devant tout le monde en disant: « Je ne sais pas ce que tu dis. »  71 Comme il s’était retiré vers le porche, une autre le vit et dit à ceux qui étaient là: « Celui-là était avec Jésus le Nazôréen. »  72 Et de nouveau il nia avec serment: « Je ne connais pas cet homme. »  73 Peu après, ceux qui se tenaient là s’approchèrent et dirent à Pierre: « Sûrement, toi aussi, tu en es: et d’ailleurs ton langage te trahit. »  74 Alors il se mit à jurer avec force imprécations: « Je ne connais pas cet homme. » Et aussitôt un coq chanta.  75 Et Pierre se souvint de la parole que Jésus avait dite: « Avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois. » Et, sortant dehors, il pleura amèrement.

Jésus est livré à Pilate

                27  1 Le matin étant arrivé, tous les grands prêtres et les anciens du peuple tinrent un conseil contre Jésus, en sorte de le faire mourir.  2 Et, après l’avoir ligoté, ils l’emmenèrent et le livrèrent à Pilate le gouverneur.

Mort de Judas

  3 Alors Judas, qui l’avait livré, voyant qu’il avait été condamné, fut pris de remords et rapporta les 30 pièces d’argent aux grands prêtres et aux anciens:  4  »J’ai péché, dit-il, en livrant un sang innocent. » Mais ils dirent: « Que nous importe? A toi de voir. »  5 Jetant alors les pièces dans le sanctuaire, il se retira et s’en alla se pendre.  6 Ayant ramassé l’argent, les grands prêtres dirent: « Il n’est  pas permis de le verser au trésor, puisque c’est le prix du sang. »  7 Après délibération, ils achetèrent avec cet argent le « champ du potier » comme lieu de sépulture pour les étrangers.  8 Voilà pourquoi ce champ-là s’est appelé jusqu’à ce jour le « Champ du Sang. »  9 Alors s’accomplit l’oracle de Jérémie le prophète: Et ils prirent les 30 pièces d’argent, le prix du Précieux qu’ont apprécié des fils d’Israël,  10 et ils les donnèrent pour le champ du potier, ainsi que me l’a ordonné le Seigneur.

Jésus devant Pilate

  11 Jésus fut amené en présence du gouverneur et le gouverneur l’interrogea en disant: « Tu es le Roi des Juifs? » Jésus répliqua: « Tu le dis. »  12 Puis, tandis qu’il était accusé par les grands prêtres et les anciens, il ne répondit rien.  13 Alors Pilate lui dit: « N’entends-tu pas tout ce qu’ils attestent contre toi? »  14 Et il ne lui répondit sur aucun point, si bien que le gouverneur était fort étonné.

  15 A chaque Fête, le gouverneur avait coutume de relâcher à la foule un prisonnier, celui qu’elle voulait.  16 On avait alors un prisonnier fameux, nommé Barabbas.  17 Pilate dit donc aux gens qui se trouvaient rassemblés: « Lequel voulez-vous que je vous relâche, Barabbas, ou Jésus que l’on appelle Christ? »  18 Il savait bien que c’était par jalousie qu’on l’avait livré.

  19 Or, tandis qu’il siégeait au tribunal, sa femme lui fit dire: « Ne te mêle point de l’affaire de ce juste; car aujourd’hui j’ai été très affectée dans un songe à cause de lui. »

  20 Cependant, les grands prêtres et les anciens persuadèrent aux foules de réclamer Barabbas et de perdre Jésus.  21 Prenant la parole, le gouverneur leur dit: « Lequel des deux voulez-vous que je vous relâche? » Ils dirent: « Barabbas. »  22 Pilate leur dit: « Que ferai-je donc de Jésus que l’on appelle Christ? » Ils disent tous: « Qu’il soit crucifié! »  23 Il reprit: « Quel mal a-t-il donc fait? » Mais ils criaient plus fort: « Qu’il soit crucifié! »  24 Voyant alors qu’il n’aboutissait à rien, mais qu’il s’ensuivait plutôt du tumulte, Pilate prit de l’eau et se lava les mains en présence de la foule, en disant: « Je ne suis pas responsable de ce sang; à vous de voir! »  25 Et tout le peuple répondit: « Que son sang soit sur nous et sur nos enfants! »  26 Alors il leur relâcha Barabbas; quant à Jésus, après l’avoir fait flageller, il le livra pour être crucifié.

Le couronnement d’épines

  27 Alors les soldats du gouverneur prirent avec eux Jésus dans le Prétoire et ameutèrent sur lui toute la cohorte.  28 L’ayant dévêtu, ils lui mirent une chlamyde écarlate,  29 puis, ayant tressé une couronne avec des épines, ils la placèrent sur sa tête, avec un roseau dans sa main droite. Et, s’agenouillant devant lui, ils se moquèrent de lui en disant: « Salut, roi des Juifs! »  30 et, crachant sur lui, ils prenaient le roseau et en frappaient sa tête.  31 Puis, quand ils se furent moqués de lui, ils lui ôtèrent la chlamyde, lui remirent ses vêtements et l’emmenèrent pour le crucifier.
Patrick Braud

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19 juin 2010

Prendre sa croix chaque jour

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Prendre sa croix chaque jour

 

Homélie du 12° Dimanche du temps ordinaire / Année C

20/06/2010.

 

 

« Chacun sa croix » : l’expression est passée dans la sagesse populaire. Elle semble désigner l’incontournable part de malheur que tôt ou tard chaque être humain doit affronter et assumer. La « croix » à porter chaque jour prend alors la forme du handicap d’un enfant, d’un problème de santé récurrent, d’une brouille de famille inguérissable, d’un deuil survenu trop tôt etc?

 

Est-ce bien en ce sens que Jésus parle de « prendre sa croix chaque jour » ?

Pas si sûr…

 

La croix dont il parle n’est pas liée aux malheurs de la vie (qui sont dus à notre finitude) mais au « qui-perd-gagne » que lui-même a adopté comme ligne de conduite : « celui qui veut sauver sa vie la perdra ; celui qui perdra sa vie pour moi la sauvera ».

Ce qui-perd-gagne n’a pas grand-chose à voir avec les épreuves qui nous tombent dessus parce que nous sommes limités et imparfaits. La croix de Jésus n’était pas la maladie, le handicap, la mort d’un proche ou l’échec professionnel. Non sa croix à lui, c’était le rejet, l’exclusion, l’abandon, à cause de sa volonté de faire corps avec les rejetés, les exclus, les abandonnés.

 

Comme l’annonce le prophète Zacharie dans la première lecture : « ils lèveront les yeux vers celui qu’ils ont transpercé » (Za 12,10), c’est-à-dire vers celui qui avait disparu de leur regard, celui qu’ils avaient effacé de la compagnie des hommes.

Ce qui « transperce » Jésus sur sa croix, c’est moins les clous dans ses poignets que le rejet de son peuple, voire le rejet de son Père (« mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »).

La croix pour Jésus, c’est descendre aux enfers, dans ces enfers sous-humains où l’homme se croie maudit des autres, maudit de Dieu. La vieille malédiction du Deutéronome pèse sur lui : « maudit soit l’homme qui pend au gibet de la croix » (Ga 3,13; Dt 21,23) ; elle l’assimile aux moins-que-rien : « il a été fait péché pour nous » (2Co 5,21).

 

Prendre sa croix n’est donc pas se résigner au malheur inévitable ; ce n’est pas non plus glorifier la souffrance (physique ou morale) comme si elle était chemin de salut. Souffrir n’est pas porter sa croix, mais porter sa croix fera passer au travers de la souffrance. Rappelez-vous que c’est à Gethsémani que Jésus sua du sang et de l’eau, alors qu’il n’était pas encore exposé à la souffrance physique.

Car le but n’est pas de souffrir ou de ne pas souffrir. Le but, c’est de donner sa vie avec le Christ et pour lui.

 

Prendre sa croix chaque jour dans Communauté spirituelle image012-9d7f6Chaque jour, nous est alors demandé de re-choisir ce que nous voulons vraiment vivre. Voulons-nous échapper aux problèmes de manière magique ? nous résigner ? nous révolter ? Ou voulons-nous d’abord livrer notre vie aux autres ? Si c’est cela, les conséquences de ce choix fondamental (« renoncer à soi-même ») se feront inévitablement sentir : vous prendrez des risques pour d’autres, vous serez  dénigrés, on cherchera à vous bousculer, à vous abattre ; vous ferez l’expérience du rejet, peut-être de l’abandon… Mais cela n’a rien à voir avec une sciatique chronique ou un chômage persistant !

 

Répétons-le : prendre sa croix, ce n’est pas se résigner devant les malheurs quotidiens, c’est quotidiennement vouloir donner sa vie pour les autres.

Ainsi un enseignant épanoui et reconnu portera sa croix chaque jour en se livrant avec passion à ses élèves

Un salarié en entreprise « prend sa croix » lorsqu’il se bat pour la performance, le respect de ses collègues, le bien commun à partager entre tous dans l’entreprise.

Une personne retraitée se charge de sa croix lorsqu’elle se lève le matin en cherchant comment mettre sa journée au profit de son quartier, sa famille, de ceux pour lesquels elle a enfin du temps à consacrer…

 

Bref : bannissons une conception trop fataliste et doloriste de la croix du Christ !

Prendre sa croix, c’est avec le Christ livrer sa vie par amour, et en chemin affronter avec courage les humiliations, les rejets, la souffrance morale et physique que ce choix va entraîner.

« Celui qui perdra sa vie pour moi la sauvera ».

 

 

 

Première lecture : Lecture du livre de Zacharie (XII 10-11).

Parole du Seigneur. En ce jour-là, je répandrai sur la maison de David et sur les habitants de Jérusalem un esprit qui fera naître en eux bonté et supplication. Ils lèveront les yeux vers celui qu’ils ont transpercé ; ils feront une lamentation sur lui comme sur un fils unique ; ils pleureront sur lui amèrement comme sur un premier-né. En ce jour-là, il y aura grande lamentation dans Jérusalem.

 

Psaume 62

Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube :
mon âme a soif de toi ;
après toi languit ma chair,
terre aride, altérée, sans eau.

Je t’ai contemplé au sanctuaire,
j’ai vu ta force et ta gloire.
Ton amour vaut mieux que la vie :
tu seras la louange de mes lèvres !

Toute ma vie je vais te bénir,
lever les mains en invoquant ton nom.
Comme par un festin je serai rassasié ;
la joie sur les lèvres, je dirai ta louange.

Oui, tu es venu à mon secours :
je crie de joie à l’ombre de tes ailes.
Mon âme s’attache à toi,
ta main droite me soutient.

2° lecture : Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Galates (III 26-29)

Frère, en Jésus Christ, vous êtes tous fils de Dieu par la foi. En effet, vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ ; il n’y a plus ni juif ni païen, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme, car tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus. Et si vous appartenez au Christ, c’est vous qui êtes la descendance d’Abraham ; et l’héritage que Dieu lui a promis, c’est à vous qu’il revient.

 

Evangile de Jésus-Christ selon Saint Luc (IX 18-24).

Un jour, Jésus priait à l’écart. Comme ses disciples étaient là, il les interrogea : « Pour la foule, qui suis-je ? » Ils répondirent : « Jean Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres, un prophète d’autrefois qui serait ressuscité. » Jésus leur dit : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Pierre prit la parole et répondit : « Le Messie de Dieu. » Et Jésus leur défendit vivement de le révéler à personne, en expliquant : « Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les chefs des prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, le troisième jour, il ressuscite. » Il leur disait à tous : « Celui qui veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix chaque jour, et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie pour moi la sauvera. »
Patrick BRAUD

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