L'homélie du dimanche (prochain)

5 novembre 2023

Plus importe le flacon que l’ivresse…

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Plus importe le flacon que l’ivresse…

Homélie pour le 32° Dimanche du temps ordinaire / Année A
12/11/2023

Cf. également :
Elles étaient dix
Éloge de la responsabilité individuelle
L’anti terreur nocturne
Donne-moi la sagesse, assise près de toi

Les bonheurs de Sophie
Manquez, venez, quittez, servez
Épiphanie : la sagesse des nations
L’Apocalypse, version écolo, façon Greta

« Même pas peur »…
Leurre de la cruche…

Attendre après la mort ?
Enquête FLASHS-IFOP pour Plaquedeces.fr
La croyance d’une vie après la mort a de moins en moins la cote en France. Un récent sondage de l’IFOP en septembre chiffrait à 31 % la proportion des Français croyant en une vie post-mortem. Ils étaient 37 % en 1970, et visiblement la pente est descendante. Conséquence logique : seuls 40 % des Français souhaitent encore une cérémonie religieuse à leur décès. Autrefois, c’était 90 % de la nation qui « passait à l’église ». Plus étonnant encore, seulement 69 % des pratiquants pensent toujours qu’il existe une vie après la mort !

Dans ce contexte, la parabole des vierges folles et sages de ce dimanche (Mt 25,1-13) aura bien du mal à être comprise par nos contemporains. Elle parle en effet du retour du Christ à la fin des temps. Or si je n’attends plus rien après la petite fin du monde qui est ma mort personnelle, comment pourrais-je attendre la grande fin du monde que sera le retour du Christ, le Jugement dernier tel que l’évoque le credo : « il (le Christ) reviendra juger les vivants et les morts » ?

La parabole des 10 vierges veut d’abord encourager les communautés chrétiennes du premier siècle à persévérer dans cette attente. Jésus avait annoncé son retour en gloire. Naïvement, les premiers chrétiens – Paul le premier ! – croyaient que ce serait pour demain. Las : le temps passe, la génération des Douze disparaît, et le Christ n’est toujours pas revenu… Alors cette parabole écrite vers 70–80 veut entretenir la flamme – c’est le cas de le dire avec les lampes à huile ! – des baptisés pour continuer à espérer.

Les 10 vierges symbolisent sans doute toute l’Église, cette « vierge pure » que Paul voulait présenter au Christ, immaculée et sainte (2Co 11,2).
Elles sont 10, comme le miniane obligatoire à la synagogue. Il y a parmi elles des folles et des sages, comme dans l’Église de notre temps, de tous les temps.

Le sommeil qui les gagne pendant leur attente évoque la mort : ne parle-t-on pas du cimetière comme d’un dortoir en grec ? ‘S’endormir dans la mort’ est encore une expression utilisée pour le départ d’un proche. Car qui dit sommeil espère réveil ! La parabole affirme clairement que le sommeil de la mort aura une fin, lorsque le Christ viendra. Mais elle privilégie l’image de l’amour à celle du jugement : c’est un époux qui vient et non un juge. C’est d’amour dont il est question : entre le Christ et son Église, entre lui et chacune des 10 vierges, entre lui et moi.

La flamme de l’amour peut-elle durer au-delà de la mort ? Les veuves et les veufs sont taraudés par cette question, comme chacun de nous lors de la mort d’un proche aimé.

Plus importe le flacon que l’ivresse… dans Communauté spirituelleLa seule différence entre les 5 sages et les 5 folles réside dans leur réserve d’huile. Leur virginité témoigne qu’elles ont toutes de leur vivant fait le choix de l’Église, en n’allant pas se prostituer avec des idoles, l’argent, le pouvoir, l’injustice etc. Elles sont toutes égales sur ce plan. Elles ont toutes les 10 une lampe, symbole de leur foi qui éclaire leur route, et de leur espérance qui attend le jour. Les 10 lampes sont remplies d’huile au début, dans laquelle les Pères de l’Église voyaient tour à tour les bonnes œuvres, ou la miséricorde, ou la grâce reçue, ou l’huile du baptême etc. Jusque-là, aucune différence entre les 10. Elles s’endorment toutes, même les sages, ce qui montre bien que ce sommeil n’est pas une faute : c’est le sommeil naturel de la mort des premières générations chrétiennes, qui disparaissent avant que le Christ ne soit revenu en gloire. Ce n’est pas ce sommeil qui leur sera reproché, car il est commun aux 10 : tout le monde mourra avant de voir le jugement dernier (contrairement à ce que pensaient Paul ou Pierre, naïvement, répétons-le) !

Ce qui différencie les 5 folles des 5 sages, c’est la réserve d’huile. Ce qui sera reproché aux 5 folles est leur absence au moment de l’arrivée de l’époux, parties chercher une réserve chez des marchands. Ce ne sont pas les marchands qui sont disqualifiés, car les 5 sages ont dû elles aussi acheter leur huile chez eux. C’est le manque de réserve d’huile dans un flacon. Faute de cette réserve, leurs lampes s’éteignent en cours de route lorsqu’elles se lèvent pour aller à la rencontre de l’époux.

Quelle est donc cette réserve que la traduction liturgique évoque sous la forme de flacon d’huile ?

 

De l’importance du flacon
les noces de cana jarres
Par analogie, on pense à la cruche que la Samaritaine a laissée au bord du puits (Jn 4). Le parallélisme antithétique entre les deux scènes est parlant : 5 vierges sages / une femme aux 5 maris ; un flacon / une cruche ; une rencontre improbable avec le Christ. Folle qu’elle était, la Samaritaine devient sage lorsqu’elle choisit de devenir elle-même une cruche – si l’on pardonne ce jeu de mots – contenant l’eau vive de l’Esprit de Dieu répandu par Jésus (d’où le fait d’abandonner l’autre cruche, inutile depuis que la Samaritaine est devenu elle-même le vase de l’Esprit Saint). Elle attendait le Messie, et son désir égaré en aventures sans lendemain lui a cependant permis d’espérer sans cesse, jusqu’à reconnaître le Messie lorsqu’il vint à sa rencontre.

Le flacon d’huile fait également penser aux grandes jarres de pierre que Jésus a fait remplir aux noces de Cana (Jn 2,1-11). Ici encore il s’agit d’un repas de noces, dont la joie ne doit pas s’éteindre avec le temps. Jésus fait remplir ces vases comme les vierges sages avaient rempli leur flacon, pour que le vin de la noce ne cesse de couler à flots, pour que demeure la joie des convives jusqu’à la fin.

Le parallèle est cependant affaibli par le fait que ce n’est pas le même mot (δρα, hudria) qui désigne la cruche dans ces deux passages et le flacon (γγεον, angeion) des 5 sages.

Regardons donc du côté de ce flacon, décidément décisif.
Flacon huile
Le nom γγεον (flacon) n’est utilisé que 2 fois dans le Nouveau Testament, et dans Matthieu seulement : dans notre parabole, et en Matthieu 13,48 : « Quand il est plein, on tire le filet sur le rivage, on s’assied, on ramasse dans des paniers (γγεον) ce qui est bon, et on rejette ce qui ne vaut rien ». Jésus observe les pêcheurs triant leurs filets une fois la pêche terminée, et il y voit une image du Jugement dernier là encore. Pendant sa vie terrestre, chacun a chaluté, accumulé un tas de choses dans ses filets : des algues, des crabes, de la vase, de la friture, des brochets, des coquillages, des méduses, des perches… Une fois la pêche terminée vient le temps du tri, c’est-à-dire du jugement : chacun pourra par lui-même constater et évaluer le fruit de sa pêche. En triant le bon du mauvais, chacun sera à lui-même son propre juge, découvrant ce qui a de la valeur, à mettre dans des paniers (γγεον), et ce qui n’a aucune valeur, à jeter.

Remplir son panier de pêche est ainsi l’équivalent de porter son flacon d’huile (parce que c’est le même mot). Au-delà du sommeil de la mort, la vraie valeur de nos vies nous apparaîtra en pleine lumière, et seul sera gardé ce qui est dans le panier/flacon ; le reste sera jeté dehors : les algues et la vase du filet comme les vierges folles sans flacon. Le Christ avertissait clairement ses disciples en ce sens : « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, car, je vous le déclare, beaucoup chercheront à entrer et n’y parviendront pas. Lorsque le maître de maison se sera levé pour fermer la porte, si vous, du dehors, vous vous mettez à frapper à la porte, en disant : ‘Seigneur, ouvre-nous’, il vous répondra : ‘Je ne sais pas d’où vous êtes » (Lc 13,24-30).

Le croupier au casino crie : « les jeux sont faits ! » Trop tard pour refaire le match. Contrairement à toutes les fables autour de la réincarnation, la vie de chacun est unique ; c’est d’ailleurs ce qui en fait sa valeur. Trop tard aussi pour demander de l’aide : la responsabilité personnelle est inaliénable. Personne ne peut répondre de mes actes à ma place. Les vierges sages ne peuvent se substituer à l’irresponsabilité des vierges folles. Ainsi Paul déclarait souffrir de voir ses frères juifs refuser le Christ, sans pouvoir rien faire pour eux, car c’est de leur seule responsabilité de croire ou de ne pas croire : « Pour les Juifs, mes frères de race, je souhaiterais être anathème, séparé du Christ… » (Rm 9,1-5).

Dans la traduction grecque des Septante (LXX), le mot γγεον (flacon) revient 22 fois. Et notamment lorsque Joseph - ministre de Pharaon - ordonne de remplir de blé les sacs (γγεον) de voyage de ses frères pour qu’ils rentrent chercher leur père Jacob en Canaan. Il s’agit donc d’avoir des provisions pour la marche, ce qui rejoint l’idée du flacon d’huile : une provision d’amour pour marcher vers l’époux.

Vierges-4 flacon dans Communauté spirituelleLe contenu amoureux de ce flacon est explicitement évoqué par la sagesse du livre des Proverbes : « Bois de l’eau à ta citerne (γγεον), des eaux vives de ton puits ! Tes sources iraient-elles se répandre au-dehors, couler en ruisseaux sur les places ? Qu’elles soient pour toi, pour toi seul, sans partage ! » (Pr 5,15-17). Dans cet avertissement fait aux maris juifs de ne pas céder aux charmes d’une femme étrangère, l’amour conjugal est comparé à une citerne dont la réserve permet de se désaltérer sans cesse, sans aller voir ailleurs. Et là encore, c’est une responsabilité personnelle inaliénable : « que les sources soient pour toi seul, sans partage ! ».
C’est la cruche de Rébecca qui va signaler à Jacob la femme de son cœur (Gn 24,14-20).
C’est le vase d’huile offert qui va devenir inépuisable grâce à l’hospitalité de la veuve de Sarepta, et lui permettra d’attendre le salut : « ainsi parle le Seigneur, Dieu d’Israël : jarre de farine point ne s’épuisera, vase d’huile point ne se videra, jusqu’au jour où le Seigneur donnera la pluie pour arroser la terre » (1R 17,14).
Ces flacons, ou vases en terre cuite, servent également à conserver les aliments (Jr 40,10), et même la nourriture par excellence qu’est la Torah, dont les rouleaux de parchemin précieusement abrités dans des vases de terre cuite hermétiquement fermés nous ont été transmis à Qumran et ailleurs.

Décidément, le flacon importe plus que l’ivresse du moment…
Puissions-nous accumuler de vrais trésors qui nous ouvriront la porte de la salle des noces.
Puissions-nous nous endormir dans la mort avec la même espérance que la bien-aimée du Cantique des cantiques : « je dors, mais mon cœur veille » (Ct 5,2) …

 

Bach, J.S. : Wachet auf, ruft uns die Stimme (éveillez-vous, nous crie la voix), Choral BWV 140, d’après Mt 25, 1-13


LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« La Sagesse se laisse trouver par ceux qui la cherchent » (Sg 6, 12-16)

Lecture du livre de la Sagesse
La Sagesse est resplendissante, elle ne se flétrit pas. Elle se laisse aisément contempler par ceux qui l’aiment, elle se laisse trouver par ceux qui la cherchent. Elle devance leurs désirs en se faisant connaître la première. Celui qui la cherche dès l’aurore ne se fatiguera pas : il la trouvera assise à sa porte. Penser à elle est la perfection du discernement, et celui qui veille à cause d’elle sera bientôt délivré du souci. Elle va et vient à la recherche de ceux qui sont dignes d’elle ; au détour des sentiers, elle leur apparaît avec un visage souriant ; dans chacune de leurs pensées, elle vient à leur rencontre.
 
PSAUME
(Ps 62 (63), 2, 3-4, 5-6, 7-8)
R/ Mon âme a soif de toi, Seigneur, mon Dieu ! (cf. Ps 62, 2b)

Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube :
mon âme a soif de toi ; après toi languit ma chair,
terre aride, altérée, sans eau.

Je t’ai contemplé au sanctuaire,
j’ai vu ta force et ta gloire.
Ton amour vaut mieux que la vie :
tu seras la louange de mes lèvres !

Toute ma vie je vais te bénir,
lever les mains en invoquant ton nom.
Comme par un festin je serai rassasié ;
la joie sur les lèvres, je dirai ta louange.

Dans la nuit, je me souviens de toi
et je reste des heures à te parler.
Oui, tu es venu à mon secours :
je crie de joie à l’ombre de tes ailes.

DEUXIÈME LECTURE
« Ceux qui sont endormis, Dieu, par Jésus, les emmènera avec lui » (1 Th 4, 13-18)

Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Thessaloniciens
Frères, nous ne voulons pas vous laisser dans l’ignorance au sujet de ceux qui se sont endormis dans la mort ; il ne faut pas que vous soyez abattus comme les autres, qui n’ont pas d’espérance. Jésus, nous le croyons, est mort et ressuscité ; de même, nous le croyons aussi, ceux qui se sont endormis, Dieu, par Jésus, les emmènera avec lui.
Car, sur la parole du Seigneur, nous vous déclarons ceci : nous les vivants, nous qui sommes encore là pour la venue du Seigneur, nous ne devancerons pas ceux qui se sont endormis. Au signal donné par la voix de l’archange, et par la trompette divine, le Seigneur lui-même descendra du ciel, et ceux qui sont morts dans le Christ ressusciteront d’abord. Ensuite, nous les vivants, nous qui sommes encore là, nous serons emportés sur les nuées du ciel, en même temps qu’eux, à la rencontre du Seigneur. Ainsi, nous serons pour toujours avec le Seigneur. Réconfortez-vous donc les uns les autres avec ce que je viens de dire.

ÉVANGILE
« Voici l’époux, sortez à sa rencontre » (Mt 25, 1-13).
Alléluia. Alléluia. Veillez, tenez-vous prêts : c’est à l’heure où vous n’y pensez pas que le Fils de l’homme viendra. Alléluia. (cf. Mt 24, 42a.44)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples cette parabole :
« Le royaume des Cieux sera comparable à dix jeunes filles invitées à des noces, qui prirent leur lampe pour sortir à la rencontre de l’époux. Cinq d’entre elles étaient insouciantes, et cinq étaient prévoyantes : les insouciantes avaient pris leur lampe sans emporter d’huile, tandis que les prévoyantes avaient pris, avec leurs lampes, des flacons d’huile. Comme l’époux tardait, elles s’assoupirent toutes et s’endormirent. Au milieu de la nuit, il y eut un cri : ‘Voici l’époux ! Sortez à sa rencontre.’ Alors toutes ces jeunes filles se réveillèrent et se mirent à préparer leur lampe. Les insouciantes demandèrent aux prévoyantes : ‘Donnez-nous de votre huile, car nos lampes s’éteignent.’ Les prévoyantes leur répondirent : ‘Jamais cela ne suffira pour nous et pour vous, allez plutôt chez les marchands vous en acheter.’ Pendant qu’elles allaient en acheter, l’époux arriva. Celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des noces, et la porte fut fermée. Plus tard, les autres jeunes filles arrivèrent à leur tour et dirent : ‘Seigneur, Seigneur, ouvre-nous !’ Il leur répondit : ‘Amen, je vous le dis : je ne vous connais pas.’
Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure. »
Patrick BRAUD

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23 novembre 2013

Le Christ Roi fait de nous des huiles

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Le Christ Roi fait de nous des huiles

Homélie du Dimanche 24 Novembre 2013 / Année C
Fête du Christ Roi

Qu’est-ce qui fait roi un homme ?

Le Christ Roi fait de nous des huiles dans Communauté spirituelle david1

Chez nous, ce qui fait un président c’est le soir du résultat des élections, et la cérémonie d’investiture qui suit (rappelez-vous Mitterrand au Panthéon une rose à la main?).

En Israël, ce qui faisait un roi, c’était l’onction, et l’onction d’huile.

 

La 1ère lecture décrivait ce rite d’intronisation : « ils donnèrent l’onction à David pour le faire roi sur Israël ». Être oint, recevoir l’onction, en grec, cela s’appelle la chrismation : devenir un Christ ! Appeler Jésus « le Christ », c’est reconnaître en lui un successeur de David, quelqu’un qui a reçu l’onction l’intronisant roi.

 

D’ailleurs par le baptême, par l’onction d’huile du baptême, nous devenons tous des oints, des christs !

À tel point que Cyrille de Jérusalem (4° siècle) avertissait le pouvoir romain qui persécutait les nouveaux baptisés : « ne touchez pas à mes christs ! »c’est-à-dire « ne touchez pas à ceux qui par l’onction d’huile sont devenus comme des christs. »

 

L’onction royale de notre baptême est donc à la fête en ce dimanche du Christ Roi, point d’orgue de l’année liturgique.

Dieu-roi-supr%C3%AAme-d%E2%80%99Isra%C3%ABl-L%E2%80%99onction-d%E2%80%99huile-qui-fait-les-messies baptême dans Communauté spirituelle« Toi qui fais maintenant partie de son peuple, Dieu te marque de l’huile sainte, afin que tu demeures éternellement membre de Jésus-Christ, prêtre, prophète, et roi » : ces paroles au moment où le prêtre/diacre verse l’huile sur le front d’un catéchumène en le signant avec cette huile, ces paroles redisent la grandeur royale de tout homme, de tout être humain. « L’homme, la seule créature que Dieu ait voulue pour elle-même » rappelle le Concile Vatican II (Gaudium et spes)…

Que nous dit cette onction d’huile de notre baptême, par laquelle nous participons à la royauté de David, bien plus encore : à la royauté du Christ ?

Comme un massage, où l’huile pénètre au plus profond de votre peau, la chrismation ouvre la voie à l’Esprit Saint au plus intime de votre coeur.


Comme un
parfum qui se dégage ensuite du corps, la chrismation vous invite à laisser émaner de vous une bonne odeur d’évangile, de sainteté, grâce à l’Esprit Saint qui travaille en vous.


Comme une
marque brillante qui luit sur le front du baptisé, la chrismation vous distingue entre tous, portant la trace de l’appartenance au Christ, comme un diadème royal.


Comme une
pommade qu’on applique sur des plaies pour les désinfecter et les soigner, l’huile vient apaiser vos brûlures intérieures, guérir vos blessures les plus secrètes? (cf. le Samaritain versant de l’huile sur les plaies du blessé?).


Comme une
énergie pour brûler et faire briller la clarté au bout d’une mèche de lampe, l’huile du baptême fait de vous des êtres de lumière pour illuminer le monde.

 

Voilà où s’enracine la dignité royale de tout baptisé : participer à la royauté du Christ sur l’univers.

En le transformant, par la science et les techniques.

En l’aimant, en bon gestionnaire qui sait bien ne pas être propriétaire de la Création, mais son ami, son partenaire.

Dans le travail professionnel tout particulièrement, cette dimension royale est à l’oeuvre. 

Parce que le travail est l’exercice ordinaire de la royauté de l’homme sur le monde, il ne faut pas espérer vivre l’évangile en dehors de cette réalité royale.

Se sanctifier par le travail, sanctifier le travail lui-même, et sanctifier le monde à travers le travail : l’onction d’huile du baptême nous donne une spiritualité très concrète, très ordinaire, très simple.

Mais faire son travail en ayant conscience de participer à la royauté du Christ sur l’univers, cela change tout ?

Car il y a bien un lien entre ces deux royautés que nous fêtons aujourd’hui : celle du Christ et la nôtre. Dans notre évangile de ce Dimanche, comment Jésus manifeste-t-il qu’il est Roi ? Paradoxalement ! En se recevant d’un Autre.  En refusant de se sauver soi-même.

Vous l’avez entendu, cette dernière tentation sur la Croix, qui revient par 3 fois dans le texte : « si tu es le Roi des Juifs, le Messie, l’oint de Dieu sauve-toi toi-même ! » Jésus résiste à cette tentation de l’auto-rédemption ; il a confiance en son Père ; il se reçoit de lui jusqu’au bout.

En cela il est Roi, parce que le rôle du Roi est de renvoyer sans cesse à un Autre que lui-même. Et il associe le « bon larron » à cette formidable aventure : puisque ce criminel accepte de recevoir, d’être sauvé par un Autre, il lui sera beaucoup donné, dès aujourd’hui, en Paradis.

Faudrait-il être un peu larron pour devenir Roi ? Peut-être?, car « celui à qui on pardonne peu montre peu d’amour »? comme l’affirmait Jésus en contemplant l’amour de la pécheresse qui justement lui versait un parfum précieux sur les pieds.

 

Que cette fête du Christ Roi nous aide à reprendre conscience de ce que l’onction d’huile sur notre front ne cesse d’opérer en nous depuis notre baptême : tu es le roi du monde, pour l’aimer, le chérir, à la manière du Christ, en Christ.

 

1ère lecture : David reçoit l’onction royale (2 S 5, 1-3)

Lecture du second livre de Samuel

Toutes les tribus d’Israël vinrent trouver David à Hébron et lui dirent : « Nous sommes du même sang que toi ! Dans le passé déjà, quand Saül était notre roi, tu dirigeais les mouvements de l’armée d’Israël, et le Seigneur t’a dit : ‘Tu seras le pasteur d’Israël mon peuple, tu seras le chef d’Israël.’ »
C’est ainsi que tous les anciens d’Israël vinrent trouver le roi à Hébron. Le roi David fit alliance avec eux, à Hébron, devant le Seigneur. Ils donnèrent l’onction à David pour le faire roi sur Israël.

Psaume : Ps 121, 1-2, 3-4, 5-6a.7a

R/ Ton règne, Seigneur, est un règne de paix.

Quelle joie quand on m’a dit :
« Nous irons à la maison du Seigneur ! »
Maintenant notre marche prend fin
devant tes portes, Jérusalem !

Jérusalem, te voici dans tes murs : 
ville où tout ensemble ne fait qu’un !
C’est là que montent les tribus, les tribus du Seigneur, 
là qu’Israël doit rendre grâce au nom du Seigneur.

C’est là le siège du droit, 
le siège de la maison de David.
Appelez le bonheur sur Jérusalem : 
« Que la paix règne dans tes murs ! »

2ème lecture : Dieu nous a fait entrer dans le royaume de son Fils (Col 1, 12-20)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Colossiens

Frères,
rendrez grâce à Dieu le Père, qui vous a rendus capables d’avoir part, dans la lumière, à l’héritage du peuple saint.
Il nous a arrachés au pouvoir des ténèbres, il nous a fait entrer dans le royaume de son Fils bien-aimé, par qui nous sommes rachetés et par qui nos péchés sont pardonnés.
Lui, le Fils, Il est l’image du Dieu invisible, le premier-né par rapport à toute créature, car c’est en lui que tout a été créé dans les cieux et sur la terre, les êtres visibles et les puissances invisibles : tout est créé par lui et pour lui.
Il est avant tous les êtres, et tout subsiste en lui. 

Il est aussi la tête du corps, c’est-à-dire de l’Église. Il est le commencement, le premier-né d’entre les morts, puisqu’il devait avoir en tout la primauté.
Car Dieu a voulu que dans le Christ toute chose ait son accomplissement total.
Il a voulu tout réconcilier par lui et pour lui, sur la terre et dans les cieux, en faisant la paix par le sang de sa croix.

Evangile : Le Roi crucifié (Lc 23, 35-43)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Béni soit le règne de David notre Père, le Royaume des temps nouveaux ! Béni soit au nom du Seigneur Celui qui vient ! Alléluia. (cf. Mc 11, 10)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

On venait de crucifier Jésus, et le peuple restait là à regarder. Les chefs ricanaient en disant : « Il en a sauvé d’autres : qu’il se sauve lui-même, s’il est le Messie de Dieu, l’Élu ! »
Les soldats aussi se moquaient de lui. S’approchant pour lui donner de la boisson vinaigrée, ils lui disaient : « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! »
Une inscription était placée au-dessus de sa tête : « Celui-ci est le roi des Juifs. »
L’un des malfaiteurs suspendus à la croix l’injuriait : « N’es-tu pas le Messie ? Sauve-toi toi-même, et nous avec ! »
Mais l’autre lui fit de vifs reproches : « Tu n’as donc aucune crainte de Dieu ! Tu es pourtant un condamné, toi aussi ! Et puis, pour nous, c’est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n’a rien fait de mal. »
Et il disait : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton Règne. »
Jésus lui répondit : « Amen, je te le déclare : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. »
Patrick Braud

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