L'homélie du dimanche (prochain)

12 novembre 2011

Décevante est la grâce et vaine la beauté

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Décevante est la grâce et vaine la beauté


Homélie du 32° dimanche ordinaire / Année A / 13/11/2011

« Décevante est la grâce et vaine la beauté » : cet énoncé désabusé de la sagesse proverbiale biblique (Pr 31,30) pourrait nous sembler bien machiste aujourd’hui.

Émane-t-il d’un homme déçu ? d’une cour royale qui se méfie des femmes ? d’une culture sémite qui ne croit pas à l’égalité ?

 

Grâce et beauté dans la Bible

Pourtant, il y a tant de passages bibliques où la grâce féminine et sa beauté sont célébrées comme des dons divins !

Esther, grâce à sa beauté, va libérer son peuple.

Judith, en séduisant Holopherne, va lever le siège de Jérusalem.

Ruth est si belle qu’elle vainc la résistance de Booz à épouser une étrangère, et annonce ainsi l’universalité d’Israël.

Le Cantique des cantiques chante la beauté de la bien-aimée : cette contemplation de la beauté de l’autre qui réjouit l’amant est le signe et l’annonce de la contemplation de la beauté en Dieu lui-même.

La liste est longue donc des femmes mettant leur beauté au service de l’Alliance.

Dans le Nouveau Testament, on ne dit pas grand-chose de l’aspect physique de Marie, signe sans doute que l’essentiel n’est pas là. Elle est « comblée de grâce », mais on n’a aucune indication de sa beauté. Les peintres ensuite ne pourront pas l’imaginer laide : des icônes à Salvador Dali en passant par Fra Angelico, les hommes qui ont peint Marie ou les femmes de l’Évangile ont rivalisé de splendeur pour évoquer cette présence féminine autour de Jésus.

Alors, d’où vient ce scepticisme du livre des Proverbes sur la grâce et la beauté ?

Pour une part de l’expérience.

Ce sont des femmes qui ont amené Salomon à introduire l’idolâtrie en Israël. Parce qu’elles étaient étrangères, et parce que Salomon était sous le pouvoir de leur charme, elles ont fait entrer Baal et Astarté au panthéon des dieux d’Israël (1R 11).

C’est Dalila qui trompe Samson et le trahit en lui extorquant son secret, en le répétant aux Philistins. Pire encore : elle lui enlèvera sa force en lui coupant sa chevelure (Jg 16). Les Samsons ultérieurs pourront avoir des raisons de se méfier…

C’est Ève bien sûr qui se laisse tromper par le serpent, entraînant Adam dans la chute (Gn 3).

C’est Hérodiade ou Salomé unies dans l’adultère et le meurtre (Mc 6).

Le bilan de la grâce et de la beauté est donc pour le moins contrasté dans la Bible ! On pourrait d’ailleurs faire le constat symétrique pour les atouts masculins. Si bien qu’on ne sait rien non plus de la beauté physique de Jésus, sinon qu’il était défiguré et objet de mépris au moment de sa passion (cf. Is 53,1-3).

 

Le beau, le vrai, le bien

Alors, que faire de cette sentence austère : « vaine est la grâce et décevante la beauté » ?

On peut au moins lire l’éloge qui vient juste après : « chanter la louange de la femme qui craint le Seigneur ; reconnaître les fruits de son travail ; faire l’éloge de son activité sur la place publique ». C’est donc qu’il y a des réussites au-delà des apparences, des succès peu reluisants, et des fécondités peu esthétiques.

Ici-bas, le beau et le bien ne coïncident pas. Alliées ou ennemies, la grâce et la vérité doivent apprendre à compter l’une sur l’autre. La Bible aura même une préférence pour tous ceux qui ne sont pas brillants aux yeux des hommes, ceux que la laideur et le peu de charme relégueraient trop facilement aux oubliettes du désir de vivre ensemble.

On en revient à une attitude qui n’est pas sans consonance bouddhiste : apprécier la beauté sans s’y attacher, savourer la grâce sans s’y enfermer, conjuguer le beau, le vrai et le bien sans qu’aucun des trois ne se croit autosuffisant.

 

La beauté des damnés de la terre

Si vous avez vu le film sur l’histoire du Père Joseph Wresinski et ATD Quart-monde (récemment diffusé sur France 3), vous avez remarqué ces hommes et ces femmes physiquement marqués par leur galère. Cheveux filasses, dents manquantes, trop grosses ou trop maigres, ces silhouettes des igloos des bidonvilles de Nanterre et d’ailleurs n’ont rien de la grâce et de la beauté des magazines. Mais elles incarnent la dignité due à tout être humain, dont la vraie splendeur ne sera dévoilée qu’au-delà de la mort.

Parfois, de manière fugace, des transfigurations fulgurantes nous font deviner la grâce et la beauté qui nous attendent, qui nous habitent.

Parfois, elles se superposent à la grâce et à la beauté physique ; souvent elles les contestent.

Le tout, c’est d’être assez libre pour goûter les unes en célébrant les autres.

 

Patrick BRAUD

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6 août 2011

Le pur amour : pour qui êtes-vous prêts à aller en enfer ?

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Le pur amour : pour qui êtes-vous prêts à aller en enfer ?

Homélie du 19° dimanche du temps ordinaire / Année A / 7/08/2011

 

·      Paul et son désir d’anathème

« Pour les juifs, je souhaiterais même être maudit (anathème), séparé du Christ » (Rm 9,1-5).

Incroyable déclaration de Paul sur laquelle nous passons trop facilement, comme si elle était naturelle et évidente. Or c’est tout l’inverse. Non seulement Paul tord le cou ici à toute forme d’antisémitisme, puisqu’il affirme que les juifs ont pour eux (encore aujourd’hui : c’est un présent!) « l’adoption, la gloire, les alliances, la loi, les patriarches, le culte, les promesses de Dieu » et même la naissance du Christ, mais en plus, Paul amorce un thème qui a défrayé la chronique de la vie spirituelle pendant des siècles : le pur amour.

C’est-à-dire un amour des juifs qui préfère sa propre condamnation en échange de leur salut.

Paul accepte l’hypothèse extrême d’être « maudit, séparé du Christ », si cela permet à ses frères juifs d’être sauvés.

Et vous, pour qui seriez-vous ainsi prêts à aller en enfer ?

Pas seulement de façon temporaire, le temps d’aller chercher ceux qui étaient perdus (à l’image par exemple des prêtres ouvriers dans le célèbre roman de Gilbert Cesbron : « les saints vont en enfer »), mais l’enfer permanent de la malédiction et de la séparation ?

C’est d’ailleurs le risque suprême qu’a pris le Christ sur la croix, devenant un maudit, un séparé de Dieu, un blasphémateur rayé du peuple de l’Alliance.

Cette déclaration de Paul vient contester la motivation naturelle de la plupart des croyants.

Avouons-le : la majorité d’entre nous veulent bien croire, à condition que cela leur rapporte quelque chose.

Ma prière en échange d’une guérison ; un pèlerinage pour obtenir un succès, un rachat.

Une messe pour aller mieux, une bougie pour une demande particulière… : notre foi est-elle réellement désintéressée ?

Même ceux qui méprisent les avantages matériels classiques (santé, succès, bonheur) espèrent au moins l’avantage suprême : être au ciel avec le Christ, obtenir la vie éternelle. Les martyrs chrétiens sont mûs par cette espérance d’une récompense éternelle, au moins après la mort.

Paul fait voler en éclats cet intéressement : il préfère être damné si cela peut sauver ses frères juifs !

Les auteurs spirituels ont appelé cela : le pur amour. L’amour qui va jusqu’à accepter son propre anéantissement à jamais pour que l’autre vive.

 

·      Mme Guyon et Fénelon contre Bossuet

Cela a suscité d’énormes controverses dans l’histoire (du temps où on se passionnait pour les questions spirituelles). La plus célèbre est celle qui opposa Mme Guyon et Fénelon à Bossuet fin XVII° début XVIII° siècle.

L’expérience mystique de Mme Guyon reposait sur la gratuité absolue de l’amour, qui ne recherche rien pour soi dans le mouvement vers l’autre. Jusqu’à accepter de se perdre réellement. Jusqu’à ne pas désirer être sauvé (ni damné), car cela ruinerait la gratuité de la relation.

Fénelon (archevêque de Cambrai) a accompagné Mme Guyon, et a développé les arguments théologiques à l’appui de son expérience spirituelle.

« Le pur amour n’est que dans la seule volonté ; ainsi ce n’est point un amour de sentiment, car l’ima­gination n’y a aucune part ; c’est un amour qui aime sans sentir, comme la pure foi croit sans voir. Il ne faut pas craindre que cet amour soit imaginaire, car rien ne l’est moins que la volonté détachée de toute imagination. Plus les opérations sont purement intel­lectuelles et spirituelles, plus elles ont, non seulement la réalité, mais encore la perfection que Dieu demande : l’opération en est donc plus parfaite ; en même temps la foi s’y exerce, et l’humilité s’y conserve. [XII Sur la prière (à Mme de Maintenon) 610, 44]

Il n’y a point de pénitence plus amère que cet état de pure foi sans soutien sensible ; d’où je conclus que c’est la pénitence la plus effective, la plus crucifiante, et la plus exempte de toute illusion. Étrange tenta­tion ! On cherche impatiemment la consolation sen­sible par la crainte de n’être pas assez pénitent ! Hé ! que ne prend-on pour pénitence le renoncement à la consolation qu’on est si tenté de chercher ? Enfin il faut se ressouvenir de Jésus-Christ, que son Père abandonna sur la croix; Dieu retira tout sentiment et toute réflexion pour se cacher à Jésus-Christ; ce fut le dernier coup de la main de Dieu qui frappait l’homme de douleur ; voilà ce qui consomma le sacrifice. Il ne faut jamais tant s’abandonner à Dieu que quand il nous abandonne. [XII Sur la prière 612, 47]

Le pur amour : pour qui êtes-vous prêts à aller en enfer ? dans Communauté spirituelle 9782266167277FS

Il n’y a point de milieu : il faut rapporter tout à Dieu ou à nous-mêmes. Si nous rapportons tout à nous-mêmes, nous n’avons point d’autre dieu que ce moi dont j’ai tant parlé ; si au contraire nous rappor­tons tout à Dieu, nous sommes dans l’ordre ; et alors, ne nous regardant plus que comme les autres créa­tures, sans intérêt propre et par la seule vue d’ac­complir la volonté de Dieu, nous entrons dans ce renoncement à nous-mêmes que vous souhaitez de bien comprendre. [XIII Sur le renoncement à soi-même (à Mme de Maintenon) 615, 63]

 

Bossuet (« l’aigle de Meaux ») s’est violemment opposé à cette thèse, en rappelant que l’espérance de participer à la nature divine était au coeur du christianisme.

L’Église officielle, par peur du quiétisme, a tranché en faveur de Bossuet, mais n’a pu éteindre la quête du pur amour qui anime les mystiques de toutes les époques.

 

·      Et la question nous reste posée : pour qui sommes prêts à aller en enfer ?

Sommes-nous si intéressés dans notre foi que la demande pour nous-même y occupe toujours la première place ?

 

Croire pour rien, sans rien rechercher pour soi.

Aimer jusqu’à préférer la vie de l’autre, fût-elle au prix de la mienne.

À quelle conversion nous appelle cette mystique du pur amour chère à Paul, Mme Guyon et Fénelon ?

 

 

1ère lecture : Le Seigneur se manifeste à Élie (1R 19, 9a.11-13a)

Lecture du premier livre des Rois

Lorsque le prophète Élie fut arrivé à l’Horeb, la montagne de Dieu, il entra dans une caverne et y passa la nuit.
La parole du Seigneur lui fut adressée : « Sors dans la montagne et tiens-toi devant le Seigneur, car il va passer. »
A l’approche du Seigneur, il y eut un ouragan, si fort et si violent qu’il fendait les montagnes et brisait les rochers, mais le Seigneur n’était pas dans l’ouragan ; et après l’ouragan, il y eut un tremblement de terre, mais le Seigneur n’était pas dans le tremblement de terre ; et après ce tremblement de terre, un feu, mais le Seigneur n’était pas dans ce feu ; et après ce feu, le murmure d’une brise légère.
Aussitôt qu’il l’entendit, Élie se couvrit le visage avec son manteau, il sortit et se tint à l’entrée de la caverne.

Psaume : Ps 84, 9ab-10, 11-12, 13-14

R/ Fais-nous voir, Seigneur, ton amour, et donne-nous ton salut

J’écoute : Que dira le Seigneur Dieu ?
Ce qu’il dit, c’est la paix pour son peuple.
Son salut est proche de ceux qui le craignent,
et la gloire habitera notre terre.

Amour et vérité se rencontrent,
justice et paix s’embrassent ;
la vérité germera de la terre
et du ciel se penchera la justice. 

Le Seigneur donnera ses bienfaits,
et notre terre donnera son fruit.
La justice marchera devant lui,
et ses pas traceront le chemin.

2ème lecture : L’attachement de Paul aux privilèges d’Israël (Rm 9, 1-5)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Frères,
j’affirme ceci dans le Christ, car c’est la vérité, je ne mens pas, et ma conscience m’en rend témoignage dans l’Esprit Saint.
J’ai dans le coeur une grande tristesse, une douleur incessante.
Pour les Juifs, mes frères de race, je souhaiterais même être maudit, séparé du Christ : ils sont en effet les fils d’Israël, ayant pour eux l’adoption, la gloire, les alliances, la Loi, le culte, les promesses de Dieu ; ils ont les patriarches, et c’est de leur race que le Christ est né, lui qui est au-dessus de tout, Dieu béni éternellement. Amen.

Evangile : Jésus se manifeste aux Apôtres ; il fait marcher Pierre sur la mer (Mt 14, 22-33)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Dieu seul est mon rocher, mon salut : d’en haut, il tend la main pour me saisir, il me retire du gouffre des eaux. Alléluia. (cf. Ps 61, 3 ; 17, 17)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Aussitôt après avour nourri la foule dans le désert, Jésus obligea ses disciples à monter dans la barque et à le précéder sur l’autre rive, pendant qu’il renverrait les foules.
Quand il les eut renvoyées, il se rendit dans la montagne, à l’écart, pour prier. Le soir venu, il était là, seul.
La barque était déjà à une bonne distance de la terre, elle était battue par les vagues, car le vent était contraire.

Vers la fin de la nuit, Jésus vint vers eux en marchant sur la mer.
En le voyant marcher sur la mer, les disciples furent bouleversés. Ils disaient : « C’est un fantôme », et la peur leur fit pousser des cris.
Mais aussitôt Jésus leur parla : « Confiance ! c’est moi ; n’ayez pas peur ! »
Pierre prit alors la parole : « Seigneur, si c’est bien toi, ordonne-moi de venir vers toi sur l’eau. »
Jésus lui dit : « Viens ! » Pierre descendit de la barque et marcha sur les eaux pour aller vers Jésus.
Mais, voyant qu’il y avait du vent, il eut peur ; et, comme il commençait à enfoncer, il cria : « Seigneur, sauve-moi ! »
Aussitôt Jésus étendit la main, le saisit et lui dit : « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? »
Et quand ils furent montés dans la barque, le vent tomba.
Alors ceux qui étaient dans la barque se prosternèrent devant lui, et ils lui dirent : « Vraiment, tu es le Fils de Dieu ! »
Patrick Braud

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