Une autre gouvernance
Une autre gouvernance
Homélie du 31° dimanche ordinaire / Année A / 30/10/2011
Ce que dit Jésus de l’attitude des responsables de communauté de ses disciples (Mt 23,1?12) vaut également pour l’entreprise, la famille, la politique.
La recherche des honneurs peut gangrener les meilleurs.
La soif de pouvoir peut dénaturer les plus belles intelligences.
Les rapports de domination s’insinuent partout : dans l’Église avec sa hiérarchie comme dans l’entreprise avec ses petits chefs ou dans la famille avec ses tabous indiscutables.
Le retour à l’Évangile est un antidote sûr : le venin de la domination menace toujours la vie ecclésiale. Seule la relecture infatigable de l’attitude de Jésus convertira l’Église à l’Esprit d’humilité qui le caractérisait.
Lui n’a jamais recherché les places d’honneur public, les premiers rangs à des concerts ou à des manifestations prestigieuses, les décorations faussement discrètes arborées au revers de la veste, les titres qui en imposent etc..
Pourtant, son humilité ne l’a jamais empêché de s’affirmer avec force et courage. « Vous m’appelez maître et seigneur, et vous avez raison car vraiment je le suis ». Chez Jésus, cette affirmation de soi ne se fait jamais contre un autre, mais au service de tous : « si donc moi le maître le serviteur je vous ai lavé les pieds, c’est pour que vous fassiez de même… » (Jn 13,14).
L’humilité du Christ est fondamentalement au service de la fraternité, qui exige l’égalité entre tous.
François d’Assise incarne merveilleusement cet état d’esprit d’humilité. Il a refusé d’être ordonné prêtre, il a voulu rester diacre pour ne pas se retrouver dans la position dominante des prêtres à l’époque (12°-13° siècle). Il a aidé l’Église à quitter la logique féodale des relations seigneur-vassal. Il s’est battu pour la fraternité à tous les étages de l’ordre franciscain. Jusqu’à connaître la « joie parfaite » de celui qui est rejeté par sa famille spirituelle et pourtant ne répond pas à l’humiliation par la vengeance où la haine…
Est-ce irréaliste d’espérer que nos Églises se convertissent sans cesse à cet esprit d’humilité ?
Est-ce utopique de croire en entreprise que chacun peut adopter ce style de conduite sans rien renier de sa valeur personnelle ?
Est-ce anarchiste d’inviter nos familles à réviser les relations parents-enfants, frères-soeurs, mari-femme, pour se mettre au service les uns des autres ?
Les grands leaders en entreprise sont rarement ceux qui s’affichent ostensiblement comme tels, ou qui s’appuient sur leur voiture de fonction, leur Blackberry, leurs stock-options ou leur grade hiérarchique pour imposer le respect.
Regardez Bill Gates ou Steve Jobs : patrons nouvelle génération, leur autorité leur venait naturellement, sans artifice, avec une simplicité désarmante.
« Je ne l’ai pas vu tout de suite, mais il apparaît maintenant clairement qu’être viré d’Apple fut la meilleure chose qui me soit arrivé. Le poids de devoir être un facteur de succès pour l’entreprise a été remplacé par la légèreté d’être un petit nouveau, moins sûr de tout savoir. »
« Être l’homme le plus riche du cimetière ne m’intéresse pas… Aller au lit en se disant qu’on a fait quelque chose de magnifique… C’est ce qui m’importe. » (Steve Jobs)
Il existe des managements dits concurrentiels où l’on dresse les salariés les uns contre les autres.
D’autres managements d’inspiration ultralibérale prônent la réussite individuelle à tout prix, en récompensant le parcours des meilleurs dans la recherche de la distinction, comme s’ils étaient isolés des autres.
Rares sont les managements de type coopératif, où l’esprit d’humilité donne à chacun sa chance, porté par le collectif.
Pourtant, montrer du respect pour ses troupes ne signifie pas abdiquer son leadership. Au contraire, c’est ce qui différencie le vrai manager du petit chef
Un auteur connu dans le monde du management, Jim Collins, a repéré dans un ouvrage célèbre : « De la performance à l’excellence » les points communs de 11 entreprises américaines cotées en Bourse, sélectionnées selon les critères suivants : elles ont toutes connu de bons résultats pendant au minimum une quinzaine d’années avant de connaître un changement radical et des performances excellentes (au moins trois fois le marché, en surpassant nettement les entreprises comparables) et ce pendant au moins 15 ans en continu. Ce livre présente le travail méticuleux de plusieurs années de recherche de Jim Collins et sa quinzaine de chercheurs en management.
Selon eux, la première des raisons principales du passage à l’excellence est le caractère du dirigeant. Outre son talent, son savoir, ses compétences et ses méthodes de travail, il est au service de son entreprise via un savant mélange entre ambition forte pour son entreprise et humilité sur le plan personnel. En cela, ce livre s’oppose à la croyance couramment répandue qu’un patron charismatique est forcément plus performant qu’une personnalité plus effacée.
Rien n’empêche donc de conjuguer humilité et performance, fraternité et émulation, égalité et différence.
Le rôle chacun est différent et il sera d’autant mieux accepté qu’il s’exercera sur fond de service et d’humilité.
Prions l’Esprit du Christ : qu’il nous donne de vivre intégralement cet évangile où les plus grands aux yeux du monde s’agenouillent devant les plus petits…
1ère lecture : Dieu reproche aux prêtres de son Temple leur infidélité (Ml 1, 14b; 2, 2b.8-10)
Lecture du livre de Malachie
Je suis le Grand Roi, dit le Seigneur de l’univers, et mon Nom inspire la crainte parmi les nations.
Maintenant, prêtres, à vous cet avertissement :
Si vous n’écoutez pas, si vous ne prenez pas à c?ur de glorifier mon Nom – déclare le Seigneur de l’univers – j’enverrai sur vous la malédiction, je maudirai les bénédiction que vous prononcerez.
Vous vous êtes écartés de la route, vous avez fait de la Loi une occasion de chute pour la multitude, vous avez perverti mon Alliance avec vous, déclare le Seigneur de l’univers.
A mon tour je vous ai déconsidérés, abaissés devant tout le peuple, puisque vous n’avez pas suivi mes chemins, mais agi avec partialité en accommodant la Loi.
Et nous, le peuple de Dieu, n’avons-nous pas tous un seul Père ? N’est-ce pas un seul Dieu qui nous a créés ? Pourquoi nous trahir les uns les autres, profanant ainsi l’Alliance de nos pères ?
Psaume : 130, 1, 2, 3
R/ Garde mon âme dans la paix près de toi, Seigneur.
Seigneur, je n’ai pas le coeur fier
ni le regard ambitieux ;
je ne poursuis ni grands desseins,
ni merveilles qui me dépassent.
Non, mais je tiens mon âme
égale et silencieuse ;
mon âme est en moi comme un enfant,
comme un petit enfant contre sa mère.
Attends le Seigneur, Israël,
maintenant et à jamais.
2ème lecture : L’Apôtre et la communauté (1 Th 2, 7b-9.13)
Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Thessaloniciens
Frères,
avec vous nous avons été pleins de douceur, comme une mère qui entoure de soins ses nourrissons.
Ayant pour vous une telle affection, nous voudrions vous donner non seulement l’Évangile de Dieu, mais tout ce que nous sommes, car vous nous êtes devenus très chers.
Vous vous rappelez, frères, nos peines et nos fatigues : c’est en travaillant nuit et jour, pour n’être à la charge d’aucun d’entre vous, que nous vous avons annoncé l’Évangile de Dieu.
Et voici pourquoi nous ne cessons de rendre grâce à Dieu. Quand vous avez reçu de notre bouche la parole de Dieu, vous l’avez accueillie pour ce qu’elle est réellement : non pas une parole d’hommes, mais la parole de Dieu qui est à l’oeuvre en vous, les croyants.
Evangile : Reproches de Jésus aux scribes et aux pharisiens (Mt 23, 1-12)
Acclamation : Alléluia. Alléluia. Vous n’avez qu’un seul Père, votre Père au ciel ; vous n’avez qu’un seul maître, c’est le Christ. Alléluia. (cf. Mt 23, 9-10)
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
Jésus déclara à la foule et à ses disciples :
« Les scribes et les pharisiens enseignent dans la chaire de Moïse.
Pratiquez donc et observez tout ce qu’ils peuvent vous dire. Mais n’agissez pas d’après leurs actes, car ils disent et ne font pas.
Ils lient de pesants fardeaux et en chargent les épaules des gens ; mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt.
Ils agissent toujours pour être remarqués des hommes : ils portent sur eux des phylactères très larges et des franges très longues ;
ils aiment les places d’honneur dans les repas, les premiers rangs dans les synagogues,
les salutations sur les places publiques, ils aiment recevoir des gens le titre de Rabbi.
Pour vous, ne vous faites pas donner le titre de Rabbi, car vous n’avez qu’un seul enseignant, et vous êtes tous frères.
Ne donnez à personne sur terre le nom de père, car vous n’avez qu’un seul Père, celui qui est aux cieux.
Ne vous faites pas non plus appeler maîtres, car vous n’avez qu’un seul maître, le Christ.
Le plus grand parmi vous sera votre serviteur.
Qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaissera sera élevé. »
Patrick Braud