L'homélie du dimanche (prochain)

14 mai 2020

Passons aux Samaritains !

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Passons aux Samaritains !

Homélie du 6° Dimanche de Pâques / Année A
17/05/2020

Cf. également :

Le caillou et la barque
L’agilité chrétienne
Le Paraclet, l’Église, Mohammed et nous
Fidélité, identité, ipséité
Soyez toujours prêts à rendre compte de l’espérance qui est en vous

On se souvient de la célèbre formule d’Ozanam : « Passons aux barbares ! »
Elle fait allusion à la chute de l’empire romain sous les coups de boutoir des invasions barbares aux IV°-V° siècles ap. J.-C., qui pour beaucoup équivalait à la fin du monde chrétien. Passer aux barbares était alors, sous l’impulsion notamment de Saint Augustin, l’appel à ne pas confondre fin d’un monde (Rome) avec fin du monde, et à faire confiance dans la capacité de ce nouveau monde – fut-il barbare – à accueillir l’Évangile. Ce que l’Église a finalement opéré avec brio.
Du temps d’Ozanam, la révolution industrielle avait engendré des misères effroyables. La révolution de 1848 éclate avec son cortège de malheurs de toutes sortes. Il faut mettre en œuvre, et de toute urgence, la charité chrétienne.
En février 1848, Ozanam s’écrie: « Passons aux Barbares et suivons Pie IX ! » Ce cri ne fut pas compris et Ozanam dut s’expliquer: « Aller au peuple c’est à l’exemple de Pie IX, s’occuper de ce peuple qui a trop de besoins et pas assez de droits, qui réclame une plus grande part raisonnable dans les affaires publiques, des garanties pour son travail, des assurances contre sa misère… qui, sans doute, suit de mauvais chefs, mais faute de trouver ailleurs de bons… »

« Passons aux Barbares ! » signifiait : faisons corps avec les souffrances et les espérances des ouvriers écrasés de travail dans les usines géantes qui ont couvert le sol français.
Cet accent prophétique sera peu écouté. Mais Ozanam demeure un des pionniers du catholicisme social qui sera confirmé par « Rerum novarum » en 1891. Béatifié lors des JMJ de Paris en 1997, il laisse un témoignage de la vitalité du catholicisme social lorsqu’il se passionne pour les cultures de son temps.

Bien avant la chute de Rome, notre première lecture de ce dimanche nous montre les chrétiens de Jérusalem en train de « passer aux samaritains ». Événement inouï et improbable avant Pentecôte ! Car les samaritains pour les juifs de Jérusalem sont pires que les barbares pour Rome. L’opposition commence par le schisme de 935 av. J.-C. Le peuple hébreu se scinde alors en deux : le Royaume du nord et le Royaume du sud.

Aux yeux du sud, les samaritains sont des hérétiques (ils n’admettent que les seuls cinq livres de la Torah), des schismatiques (ils ont construit un Temple sur le mont Garizim qui rivalise avec celui de Jérusalem et voudrait le supplanter), des traîtres (des samaritains se sont alliés aux Séleucides pour combattre le royaume du Sud lors de la révolte des Macchabées en 166 avant J.-C. : « Apollonius rassembla une troupe importante de Samarie pour faire la guerre à Israël » 1 M 3,10).

L’addition est lourde ! Ajoutez-y un soupçon de racisme, car lors de la prise du royaume du Nord par les Assyriens en 721 avant J.-C., la population restante s’est mélangée avec les envahisseurs, et ce métissage à la fois ethnique et religieux était source d’un grand mépris de la part des habitants de Jérusalem et de tout le sud.

D’où le constat très froid de Jean : « les juifs ne veulent rien avoir en commun avec les samaritains » (Jn 4,9). Ce constat oublie cependant que les samaritains sont juifs eux aussi, à l’égal de ceux de Jérusalem…

Jésus lui-même mettra du temps à se dégager des préjugés de ses compatriotes au sujet des samaritains : « je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël »(Mt 15,24). Il est obligé de traverser la Samarie pour monter à Jérusalem, mais on sent que c’est à son corps défendant, et rapidement. Pourtant il y guérit dix lépreux, dont un seul à son étonnement revient le remercier : un samaritain. Et Jésus le traite alors d’« étranger » (Lc 17,18) avec la connotation péjorative qu’il pouvait y avoir à traiter quelqu’un ainsi. Or rappelons-le, aujourd’hui encore (il en reste toujours une petite centaine) les samaritains sont des juifs à part entière, héritiers d’Abraham, gardiens de la Torah, circoncis et pratiquant les grandes fêtes et rituels de l’Alliance !

Passons aux Samaritains ! dans Communauté spirituelle 1280px-Samaritains_garizim_2006_2

Dans cette histoire conflictuelle et ce contexte d’ostracisme (réciproque) entre Jérusalem et Samarie, il n’est que plus étonnant et admirable qu’un disciple du Ressuscité se soit aventuré en terre hérétique et schismatique ! Notons bien d’ailleurs que c’est l’un des Sept, Philippe, qui ose ainsi franchir la frontière. Les apôtres, nous dit le texte, « sont restés à Jérusalem », et ne sont pas les premiers à parcourir les routes hors de la ville. Le ministère de Philippe était à l’origine consacré au service des veuves (cf. Ac 6) pour permettre aux apôtres de se consacrer à l’annonce de la Parole. Or par un curieux renversement plein d’enseignements, c’est Philippe qui est le premier à évangéliser la Samarie, et non les Douze ! C’est donc qu’on ne peut pas enfermer un ministère dans une fiche de poste, toujours trop étroite dès que l’Esprit Saint est de la partie… Avec bonheur, les apôtres ne sont pas jaloux en entendant parler du succès de Philippe en Samarie. Peut-être sont-ils penauds, voire un peu honteux, de réaliser tout d’un coup que c’est eux qui aurait dû y aller ! En tout cas, ils réagissent vite et positivement, en déléguant Pierre et Jean pour assister Philippe sur place. Notons là encore que ce n’est pas Pierre qui déciderait seul, ni même Pierre et Jean : non, c’est le collège des Douze qui envoie deux des leurs (et pas les moindres !) voir sur le terrain comment cela se passe, sans suspicion, plutôt dans la joie et la reconnaissance, même si c’est avec étonnement. Pierre refera la même expérience avec le centurion Corneille, stupéfait que l’Esprit Saint soit accordé à cet étranger romain avant même qu’il ne soit baptisé (Ac 10 ; 15) !

Description de cette image, également commentée ci-aprèsEn Samarie c’est l’inverse : les samaritains ont reçu le baptême (« au nom du Seigneur Jésus », signe que le baptême au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit n’était pas encore généralisé), mais pas l’Esprit Saint ! On comprend mal aujourd’hui cette distinction entre baptême et Esprit Saint. Mais il faut se souvenir que depuis Pentecôte, la marque distinctive de la venue de l’Esprit Saint sur quelqu’un était le parler en langues (glossolalie, plus rarement xénolalie) qui se traduisait très simplement par une prière spontanée au-delà des mots, chantée dans une sorte de ‘scat’ (technique vocale du jazz) jubilatoire que les charismatiques ont retrouvé dans leurs groupes de prières au XX° siècle. D’ailleurs, le texte précise que c’est au cours de la prière avec Pierre et Jean que les samaritains reçurent l’Esprit Saint, l’imposition des mains étant le geste déclencheur de la glossolalie (comme dans les cultes noirs de Harlem chaque dimanche !). Ce geste fait ainsi la jonction entre l’approche charismatique (l’Esprit Saint est libre de se communiquer à qui il veut) et l’approche sacramentelle de l’Église. Ce n’est pas le sacrement de confirmation qui est directement visé ici (comme les catholiques ont essayé de récupérer ce texte ensuite). C’est plutôt l’indication que baptême et effusion de l’Esprit sont liés et que personne ne doit les séparer.

Revenons à nos barbares.
Pierre et Jean, par leur venue et leur imposition des mains, reconnaissent que Philippe a eu raison de passer en Samarie, et donc que l’Église ne peut rester confinée dans Jérusalem (la Pentecôte était l’amorce de ce déconfinement). Il leur faut se risquer sur les chemins d’autres univers culturels, bientôt d’autres civilisations, s’ils veulent être fidèles à l’envoi du Ressuscité : « vous serez mes témoins, à Jérusalem, dans toute la Judée, la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1,8). C’est le plan géographique du livre des Actes des Apôtres. C’est la dynamique permanente et perpétuelle de l’Église, missionnaire (= envoyée, missa en latin, qui a donné le mot messe) par nature (et non par tactique ou opportunisme). Passer aux barbares est un appel qui nous est constamment adressé. Cet appel nous oblige à ne pas nous installer trop longtemps ni trop confortablement dans une culture quelle qu’elle soit. Car toute civilisation est mortelle (cf. la chute de Rome), et toute culture recèle des trésors de « préparation évangélique », de « semences du Verbe » (pour parler comme les Pères de l’Église) qui attendent d’être fécondés par l’Évangile.

Passer aux samaritains, c’est rejoindre ceux dont les pensées nous semblent confuses (‘hérétiques’), qui sont assez loin de nos Églises (‘schismatiques’), mais qui cherchent avec passion un sens plus profond à leur existence. On pense aux innombrables courants écologiques, flirtant parfois avec d’anciennes pratiques comme le chamanisme ou le panthéisme, suscitant d’étonnantes communautés d’habitat et de modes de vie. On pense également aux multiples propositions de bien-être holistique, de développement personnel, de groupes New Age, de thérapies alternatives etc. qui traduisent une soif d’approche globale et d’harmonie qui pourrait être partagée avec le christianisme. On pourrait même penser aux immenses populations de l’islam qui ne connaissent le Christ qu’à travers le Coran et qui un jour voudraient le découvrir autrement…

Nous avons tous des samaritains en nous et autour de nous.

- En nous, car il y a sûrement dans l’histoire de chacun des métissages quelquefois douteux avec d’autres pensées, des partis pris étroits, des coupures d’avec nos sources profondes. Annoncer l’Évangile à cette part ‘hérétique’ et ‘schismatique’ de nous-mêmes, c’est reconnaître que je suis le premier à avoir besoin d’être évangélisé. C’est par là même renouveler sans cesse en soi la joie des convertis, la fraîcheur de la foi des catéchumènes, l’humilité de ceux qui se savent en chemin et non au but.

- Autour de nous, les samaritains sont nombreux. Collègues de travail apparemment éloignés des questions religieuses, amis et relations mettant leur confort individuel au-dessus de tout, famille plus ou moins unie… Raison de plus pour ne pas les traiter en ‘étrangers’, ou ‘perdus pour la cause’. Au contraire, chacun peut comme Philippe faire le voyage de Jérusalem à Samarie, de sa culture à celle de l’autre, pour découvrir sur place ce qui peut être baptisé des convictions, des valeurs, des pratiques de l’autre. Viendra ensuite le moment où il faudra appeler symboliquement Pierre et Jean pour imposer les mains, c’est-à-dire où il faudra faire la jonction avec l’Église institutionnelle pour qu’elle reconnaisse ce qui se joue dans cet ailleurs, pour que l’Esprit Saint puisse s’y manifester à profusion.

Parfois l’Esprit vient avant le baptême, comme le montre par exemple l’histoire extraordinaire des lettrés de Corée étudiant la Bible par eux-mêmes au XVIII° siècle, sans aucun missionnaire, et en être bouleversés au point de demander à la Chine voisine d’envoyer des prêtres pour baptiser et nourrir par l’eucharistie.
Parfois le baptême vient avant l’Esprit, comme les traditions des revivals pentecôtistes américains l’expérimentent depuis trois siècles.
Peu importe ! L’essentiel est de cultiver l’audace du diacre Philippe pour aller en terre étrangère, et le sens de la communion de Pierre et Jean pour agréger à l’Église ceux que l’Esprit Saint lui donne…

Passons aux samaritains !
Ceux de l’intérieur, ceux de l’extérieur.
Sortons de nos Jérusalem trop confinées pour faire se rencontrer l’Évangile et les cultures environnantes, pour imposer les mains à ceux que l’Esprit Saint nous donne comme compagnons de route.

 

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE

« Pierre et Jean leur imposèrent les mains, et ils reçurent l’Esprit Saint » (Ac 8, 5-8.14-17)

Lecture du livre des Actes des Apôtres

En ces jours-là, Philippe, l’un des Sept, arriva dans une ville de Samarie, et là il proclamait le Christ. Les foules, d’un même cœur, s’attachaient à ce que disait Philippe, car elles entendaient parler des signes qu’il accomplissait, ou même les voyaient. Beaucoup de possédés étaient délivrés des esprits impurs, qui sortaient en poussant de grands cris. Beaucoup de paralysés et de boiteux furent guéris. Et il y eut dans cette ville une grande joie.
Les Apôtres, restés à Jérusalem, apprirent que la Samarie avait accueilli la parole de Dieu. Alors ils y envoyèrent Pierre et Jean. À leur arrivée, ceux-ci prièrent pour ces Samaritains afin qu’ils reçoivent l’Esprit Saint ; en effet, l’Esprit n’était encore descendu sur aucun d’entre eux : ils étaient seulement baptisés au nom du Seigneur Jésus. Alors Pierre et Jean leur imposèrent les mains, et ils reçurent l’Esprit Saint.

 

PSAUME

(Ps 65 (66), 1-3a, 4-5, 6-7a, 16.20)
R/ Terre entière, acclame Dieu, chante le Seigneur ! ou : Alléluia ! (Ps 65, 1)

Acclamez Dieu, toute la terre ;
fêtez la gloire de son nom,
glorifiez-le en célébrant sa louange.

Dites à Dieu : « Que tes actions sont redoutables ! »
« Toute la terre se prosterne devant toi,
elle chante pour toi, elle chante pour ton nom. »

Venez et voyez les hauts faits de Dieu,
ses exploits redoutables pour les fils des hommes.

Il changea la mer en terre ferme :
ils passèrent le fleuve à pied sec.

De là, cette joie qu’il nous donne.
Il règne à jamais par sa puissance.

Venez, écoutez, vous tous qui craignez Dieu :
je vous dirai ce qu’il a fait pour mon âme ;

Béni soit Dieu qui n’a pas écarté ma prière,
ni détourné de moi son amour !

 

DEUXIÈME LECTURE

« Dans sa chair, il a été mis à mort ; dans l’esprit, il a reçu la vie » (1 P 3, 15-18)

Lecture de la première lettre de saint Pierre apôtre

Bien-aimés, honorez dans vos cœurs la sainteté du Seigneur, le Christ. Soyez prêts à tout moment à présenter une défense devant quiconque vous demande de rendre raison de l’espérance qui est en vous ; mais faites-le avec douceur et respect. Ayez une conscience droite, afin que vos adversaires soient pris de honte sur le point même où ils disent du mal de vous pour la bonne conduite que vous avez dans le Christ. Car mieux vaudrait souffrir en faisant le bien, si c’était la volonté de Dieu, plutôt qu’en faisant le mal. Car le Christ, lui aussi, a souffert pour les péchés, une seule fois, lui, le juste, pour les injustes, afin de vous introduire devant Dieu ; il a été mis à mort dans la chair ; mais vivifié dans l’Esprit.

 

ÉVANGILE

« Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur » (Jn 14, 15-21)
Alléluia. Alléluia.Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, dit le Seigneur ; mon Père l’aimera, et nous viendrons vers lui. Alléluia (Jn 14, 23)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements. Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous : l’Esprit de vérité, lui que le monde ne peut recevoir, car il ne le voit pas et ne le connaît pas ; vous, vous le connaissez, car il demeure auprès de vous, et il sera en vous. Je ne vous laisserai pas orphelins, je reviens vers vous. D’ici peu de temps, le monde ne me verra plus, mais vous, vous me verrez vivant, et vous vivrez aussi. En ce jour-là, vous reconnaîtrez que je suis en mon Père, que vous êtes en moi, et moi en vous. Celui qui reçoit mes commandements et les garde, c’est celui-là qui m’aime ; et celui qui m’aime sera aimé de mon Père ; moi aussi, je l’aimerai, et je me manifesterai à lui. »
Patrick BRAUD

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2 juin 2019

Les langues de Pentecôte

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Les langues de Pentecôte

Homélie pour la fête de Pentecôte / Année C
09/06/2019

Cf. également :

Pentecôte, ou l’accomplissement de Babel
La sobre ivresse de l’Esprit
Les trois dimensions de Pentecôte
Le scat de Pentecôte
Pentecôte : conjuguer glossolalie et xénolalie
Le marché de Pentecôte : 12 fruits, 7 dons
Et si l’Esprit Saint n’existait pas ?
La paix soit avec vous
Parler la langue de l’autre
Les multiples interprétations symboliques du buisson ardent

Lorsque la langue menait en enfer…

KTD16 langue 5Nos cathédrales romanes fourmillent de détails qui donnent à penser. Arrêtez-vous un jour de devant celle d’Angoulême, dont la splendide façade est un livre ouvert guidant le lecteur vers le retour du Christ en gloire. Vous lirez dans la première ligne horizontale des sculptures l’évocation du paradis, avec les apôtres et les médaillons des bienheureux. Dans la seconde ligne horizontale de la façade, vous verrez danser de joie ceux qui sont promis à les rejoindre, vision optimiste du purgatoire.

Du coup, vous chercherez logiquement où est évoqué l’enfer. C’est alors que vous remarquerez les deux damnés de droite et de gauche. De fait, l’évocation de l’enfer existe bien, comme possibilité tragique pour la liberté humaine de refuser la vie divine qui lui est offerte. Mais la cathédrale d’Angoulême traite l’enfer de façon « périphérique » pourrait-on dire. Deux damnés – et deux seulement, alors que les élus étaient symboliquement innombrables (cf. les séries de 10, 6, 5 médaillons) – sont sculptés à l’extrême droite et à l’extrême gauche de la façade. Ce n’est donc pas un thème central. C’est le rappel réaliste que le beau programme d’ascension dans la gloire avec le Christ ne se fera pas sans nous.

KTD16 langue 3À y regarder de près, le supplice infligé aux deux damnés est le même : ils sont assis sur une chaise richement décorée (une curule), signe de leur statut social aisé sur terre ; un diable va leur arracher la langue avec une fourche, dans un geste où sa pince franchit la limite entre les deux sculptures (un peu comme une action qui se déroule sur deux vignettes d’une bande dessinée…). Arracher la langue de ses ennemis était une pratique cruelle assez répandue autrefois… (« La bouche du juste exprime la sagesse, la langue perverse sera coupée » Pr 10,31).

C’est le péché de la langue qui a été choisi pour figurer l’enfer.
Pas le péché de l’argent, ou de la luxure, ou du pouvoir : le péché de la langue !

Car au 12° siècle, on est très sensible au mal que peut faire la langue humaine : calomnier, mépriser, humilier, se vanter, mentir, détruire… Les théologiens publient nombre d’ouvrages sur les usages de la langue qui peuvent mal se terminer… Finalement, ce supplice de l’enfer comme conséquence d’une langue mal pendue est très actuel ! Le message est clair : attention à ce que vous dites, à vos paroles, aux rumeurs que vous propagez, aux mots que vous employez pour les autres. « La mesure dont vous vous servez pour les autres servira aussi pour vous », avait prévenu Jésus… (Lc 6,38)

Les péchés de la langue étaient bien connus au Moyen Âge, et redoutés parmi les plus néfastes. La Bible les décrit sous toutes les coutures, à travers les 200 usages du mot « langue » qu’on y trouve : mensonge, hypocrisie, calomnies, insultes, arrogance, orgueil, destruction, haine, jalousie etc. La langue comme organe peut diviser et tuer ; la langue comme système d’expression peut conduire à l’idolâtrie comme pour la tour de Babel, et à la rivalité entre les peuples. « Bien des gens sont tombés par l’épée, mais beaucoup plus ont péri par la langue » (Si 28,18).

En même temps, la langue comme organe est capable de proclamer les louanges de Dieu, de prononcer la bénédiction sur le frère, sur les aliments ou la Création. Elle témoigne de la vérité, chante les psaumes, proclame que « Jésus est Seigneur » (Rm 8) et livre à l’autre les déclarations d’amour du Cantique des cantiques.

La langue comme culture est épousée par Dieu qui ne craint pas de graver la Torah en hébreu sur les deux tables de la Loi, de se faire appeler Yeshoua (Dieu sauve), en attendant d’emprunter les mots de la philosophie dans les premiers conciles.

LOMBARDGLOSSOLALIE0003En français, les expressions sont nombreuses qui détaillent les dangers de la langue : avoir la langue bien pendue est la marque des commères, être une langue de vipère caractérise les calomniateurs. On se méfie des beaux parleurs, des promesses en l’air. On se souvient du terrible pouvoir hypnotique sur les foules de la voix d’Hitler à Nuremberg ou à la radio allemande. On sait que les mots prononcés peuvent être plus meurtriers que les balles et causer plus de dégâts que les bombes. Mais prendre langue avec quelqu’un est l’amorce d’une relation.

Aujourd’hui, la langue c’est également le clavier, capable de répandre fake news et harcèlement à travers les réseaux sociaux, et capable de briser l’isolement et la censure.

Bref, la langue est ambivalente, aussi bien comme organe que comme culture. « Mort et vie sont au pouvoir de la langue, ceux qui la chérissent mangeront de son fruit » (Pr 18,21).

Capable du pire et du meilleur, elle a besoin d’une conversion radicale pour servir le bien, ainsi que le résume saint Jacques dans sa lettre :

« La langue est un petit membre, et elle se vante de grandes choses. Voici, comme un petit feu peut embraser une grande forêt ! La langue aussi est un feu; c’est le monde de l’iniquité. La langue est placée parmi nos membres, souillant tout le corps, et enflammant le cours de la vie, étant elle-même enflammée par la géhenne. Toutes les espèces de bêtes et d’oiseaux, de reptiles et d’animaux marins, sont domptées et ont été domptées par la nature humaine ; mais la langue, aucun homme ne peut la dompter ; c’est un mal qu’on ne peut réprimer; elle est pleine d’un venin mortel. Par elle nous bénissons le Seigneur notre Père, et par elle nous maudissons les hommes faits à l’image de Dieu. De la même bouche sortent la bénédiction et la malédiction. Il ne faut pas, mes frères, qu’il en soit ainsi. » (Jc 3, 510)

« Si quelqu’un s’imagine être religieux sans mettre un frein à sa langue, il trompe son propre cœur, sa religion est vaine. » (Jc 1,26)

 

Les langues de Pentecôte

C’est le programme de la Pentecôte chrétienne : conjurer les péchés de la langue en la mettant - organe et culture - au service de la communion réalisée par l’Esprit Saint. Le discours de Pierre et des apôtres s’adressant à chaque peuple présent à Jérusalem ce jour-là accomplit la bénédiction de Babel, où Dieu accordait la diversité des langues à l’humanité pour la protéger de la tentation suicidaire de se faire l’égale de Dieu à nouveau. Dieu amorçait ainsi une communion des peuples à partir de la diversité des langues et non sans elle. Parler en langues étrangères (xénolalie en grec) est à Pentecôte le don de l’Esprit Saint à l’Église pour vivre de la même communion d’échange que celle qui existe au sein de Dieu Trinité. Déjà, l’écriteau de la croix du Christ avait été rédigé en trois langues : l’hébreu pour l’inscription locale dans la culture particulière des juifs ; le latin pour la diffusion du christianisme dans l’empire, son administration, son réseau commercial et politique ; le grec pour son rayonnement intellectuel dans le monde des idées, de l’art, de la pensée.

INRI

Malgré son caractère apparemment limité à la petite géographie de Galilée et de Judée, l’inscription « Jésus de Nazareth roi des juifs » (INRI) en trois langues (Jn 19, 19-20) était déjà une Pentecôte, ouvrant l’événement du Golgotha à l’universel, en assumant la particularité de toutes les langues. À l’inverse du Coran qui sacralise l’arabe (soi-disant parlé par Dieu lui-même à Mohamed), ni l’Ancien Testament (avec sa traduction grecque des Septante), ni le Nouveau Testament n’ont jamais enfermé la révélation dans une langue unique. Au contraire, le génie propre à chaque langue a enrichi à chaque traduction le donné révélé d’harmoniques infinies.

Les langues de Pentecôte dans Communauté spirituelle F-HamonÀ côté de ce phénomène de xénolalie qui caractérise Pentecôte, nous trouvons également une autre manifestation de l’Esprit Saint bien connue des pentecôtistes et autres Églises charismatiques : la glossolalie, c’est-à-dire le parler (ou plutôt le chanter) en langues. Il ne s’agit pas ici de parler en langues étrangères, mais dans la langue de Dieu pourrait-on dire en suivant saint Paul qui on parle longuement dans sa première lettre aux corinthiens : au-delà des mots, dans la pure louange de Celui qui est au-delà de tout, au-delà du langage. Un métalangage en quelque sorte qui n’est pas fait pour communiquer entre nous (à la différence du don de prophétie) mais pour nous tourner vers Dieu et en Dieu. Cela se traduit par un doux concert de murmures, de syllabes, d’onomatopées, de lignes mélodiques émergeant de l’assemblée en prière comme s’il y avait un chef d’orchestre invisible interprétant une partition non écrite. Un scat de Pentecôte en quelque sorte, une forme de transe ou d’extase dans un esprit de gratuité et de joie débordante, sans aucun aspect magique où l’on chercherait à avoir prise sur le divin pour l’utiliser. C’est ce concert littéralement inouï et surprenant que certains pèlerins de Jérusalem ont pris pour de l’ivresse : « ils sont pleins de vin doux » (Ac 2,13). Ils n’auraient pas dit cela s’ils avaient entendu leur langue maternelle.

Les deux phénomènes (xénolalie et glossolalie) ont donc été rassemblés, soudés l’un à l’autre en un seul pour donner plus de force à l’événement de Pentecôte. Mais on ne peut nier que le chanter en langues fut un signe majeur de la venue de l’Esprit Saint, car on le retrouve plus loin dans les Actes des apôtres comme la preuve indiscutable de cette venue sur le centurion Corneille (Pierre l’atteste en Ac 10,46) et sur une douzaine de disciples à Éphèse (Paul l’atteste en Ac 19,6). Pierre et Paul s’appuieront sur ces deux Pentecôtes ultérieures pour élargir le baptême à tous les peuples sans restriction aucune.

 

Du buisson ardent aux langues de feu

Pentecost1La louange et l’universel : les langues de Pentecôte mettent cela au cœur du message chrétien, comme des effets de la résurrection de Jésus. Et c’est déjà beaucoup. Mais il y a plus encore : des langues comme du feu se posaient sur la tête de chacun, dit le texte. Les icônes orthodoxes officielles le traduisent par des flammèches brûlant dans les auréoles au-dessus des Onze (+ Marie ?).

En français, on utilise cette image lorsque le feu lèche une construction (l’incendie du toit de Notre-Dame de Paris nous l’a rappelé). La comparaison ajoute de la violence de la force au phénomène évoqué, qui devient aussi puissant qu’un incendie et se propage à la même vitesse qu’un feu de forêt l’été dans une pinède desséchée. Un peu comme on dit d’Usain Bolt qu’il a des jambes de feu, alors que le forçat avance avec des pieds de plomb…

En fait, lorsque les apôtres ont vu cette traînée de poudre embraser la foule de Jérusalem sous l’action de l’Esprit Saint, ils ont instinctivement dû penser… au buisson ardent. Comme lui, les Onze puis la foule prennent feu inexplicablement ; comme lui ils brûlent d’amour sans se consumer ; comme lui ils sont l’humble signe par leurs visages transfigurés de la libération accordée à tous.

On peut reprendre les multiples interprétations symboliques du buisson ardent pour développer les dimensions de Pentecôte correspondantes :

Buisson ardent- Le groupe des onze de Pentecôte est à l’image du buisson un symbole de l’humilité qui doit constituer l’Église. Car ce ne sont pas des sages, ni des savants, ni des puissants, ni des gens connus, ni des religieux : ce sont de simples pêcheurs ou fonctionnaires venant de la périphérie du royaume. Comme le buisson était un simple épineux à ras du sol.

- Le buisson ne se consumant pas symbolisait l’existence éternelle d’Israël, que rien ne pourra détruire, pas même le feu des fours crématoires de la Shoah. Les langues de feu de Pentecôte annoncent que l’Église également ne sera jamais détruite dans son œuvre d’évangélisation : « les portes de la mort ne prévaudront pas contre elle » (Mt 16,18).

- Un buisson ne porte pas de fruits, seulement des épines sur une terre désolée. En brûlant du ‘feu de Dieu’ le buisson fera porter à Moïse des fruits immenses de libération et de service du vrai Dieu. Le petit groupe de Pentecôte n’avait pas d’argent ni les honneurs de la société, mais en accueillant l’Esprit Saint, ils sont promis à une fécondité extraordinaire, universelle, que rien ne laissait présager selon les critères humains habituels.

- Le buisson ardent de Moïse symbolisait le don de la Torah au peuple, protectrice comme les haies d’épineux au désert, et brûlante au cœur de chacun. Les flammes de feu de Pentecôte symbolisent le don de l’Esprit Saint à l’Église, la conduisant sur les chemins de sa mission, le cœur brûlant comme sur le chemin d’Emmaüs.

- Les langues de feu nécessitent la même curiosité spirituelle que le buisson ardent : il faut faire un détour pour les observer et se laisser dérouter. Il revient à l’Église de continuer à poser ces signes qui intriguent, qui interrogent et détournent nos concitoyens de leur chemin ordinaire en sollicitant leur curiosité spirituelle. Comme Moïse, les pèlerins de Jérusalem font le détour pour voir ce phénomène étrange qu’est la sobre ivresse de l’Esprit faisant exulter un petit groupe de pêcheurs judéens.

- Comme le buisson ardent envoyant Moïse à son peuple, la flamboyante Pentecôte fait de chacun un missionnaire dans sa culture et dans sa langue.

Devenir comme un buisson ardent est le fruit de l’Esprit de Pentecôte. C’est à la fois un phénomène politique : s’engager avec Dieu pour la libération de son peuple, et une expérience mystique : être transporté en Dieu, le laisser devenir notre identité la plus intime. Loin d’être un feu dévorant ou destructeur, l’effusion de l’Esprit de Pentecôte est un feu personnalisant : plus l’Esprit m’unit à Dieu, plus je deviens moi-même, de manière singulière (cf. le rôle de chacun des Onze) et particulière (cf. la langue étrangère différente parlée par chacun), ouverte sur l’universel.

Les deux dimensions vont ensemble : pas de dynamisme missionnaire sans expérience mystique (être brûlé par l’Écriture, embrasé de l’amour de Dieu, exulter de louange etc.) ; pas de spiritualité authentique sans prise en charge des conséquences politiques, sociales et économiques de l’évangélisation à travers toutes les frontières.

 

MESSE DU JOUR

Première lecture
« Tous furent remplis d’Esprit Saint et se mirent à parler en d’autres langues » (Ac 2, 1-11)

Lecture du livre des Actes des Apôtres

Quand arriva le jour de la Pentecôte, au terme des cinquante jours après Pâques, ils se trouvaient réunis tous ensemble. Soudain un bruit survint du ciel comme un violent coup de vent : la maison où ils étaient assis en fut remplie tout entière. Alors leur apparurent des langues qu’on aurait dites de feu, qui se partageaient, et il s’en posa une sur chacun d’eux. Tous furent remplis d’Esprit Saint : ils se mirent à parler en d’autres langues, et chacun s’exprimait selon le don de l’Esprit.
Or, il y avait, résidant à Jérusalem, des Juifs religieux, venant de toutes les nations sous le ciel. Lorsque ceux-ci entendirent la voix qui retentissait, ils se rassemblèrent en foule. Ils étaient en pleine confusion parce que chacun d’eux entendait dans son propre dialecte ceux qui parlaient. Dans la stupéfaction et l’émerveillement, ils disaient : « Ces gens qui parlent ne sont-ils pas tous Galiléens ? Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans son propre dialecte, sa langue maternelle ? Parthes, Mèdes et Élamites, habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, de la province du Pont et de celle d’Asie, de la Phrygie et de la Pamphylie, de l’Égypte et des contrées de Libye proches de Cyrène, Romains de passage, Juifs de naissance et convertis, Crétois et Arabes, tous nous les entendons parler dans nos langues des merveilles de Dieu. »

Psaume
(Ps 103 (104), 1ab.24ac, 29bc-30, 31.34)
R/ Ô Seigneur, envoie ton Esprit qui renouvelle la face de la terre !
ou : Alléluia !
(cf. Ps 103, 30)

Bénis le Seigneur, ô mon âme ;
Seigneur mon Dieu, tu es si grand !
Quelle profusion dans tes œuvres, Seigneur !
la terre s’emplit de tes biens.

Tu reprends leur souffle, ils expirent
et retournent à leur poussière.
Tu envoies ton souffle : ils sont créés ;
tu renouvelles la face de la terre.

Gloire au Seigneur à tout jamais !
Que Dieu se réjouisse en ses œuvres !
Que mon poème lui soit agréable ;
moi, je me réjouis dans le Seigneur.

Deuxième lecture
« Tous ceux qui se laissent conduire par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu » (Rm 8, 8-17)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Romains

Frères, ceux qui sont sous l’emprise de la chair ne peuvent pas plaire à Dieu. Or, vous, vous n’êtes pas sous l’emprise de la chair, mais sous celle de l’Esprit, puisque l’Esprit de Dieu habite en vous. Celui qui n’a pas l’Esprit du Christ ne lui appartient pas. Mais si le Christ est en vous, le corps, il est vrai, reste marqué par la mort à cause du péché, mais l’Esprit vous fait vivre, puisque vous êtes devenus des justes. Et si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus, le Christ, d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous.
Ainsi donc, frères, nous avons une dette, mais elle n’est pas envers la chair pour devoir vivre selon la chair. Car si vous vivez selon la chair, vous allez mourir ; mais si, par l’Esprit, vous tuez les agissements de l’homme pécheur, vous vivrez. En effet, tous ceux qui se laissent conduire par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu. Vous n’avez pas reçu un esprit qui fait de vous des esclaves et vous ramène à la peur ; mais vous avez reçu un Esprit qui fait de vous des fils ; et c’est en lui que nous crions « Abba ! », c’est-à-dire : Père ! C’est donc l’Esprit Saint lui-même qui atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Puisque nous sommes ses enfants, nous sommes aussi ses héritiers : héritiers de Dieu, héritiers avec le Christ, si du moins nous souffrons avec lui pour être avec lui dans la gloire.

Séquence

Viens, Esprit Saint, en nos cœurs et envoie du haut du ciel un rayon de ta lumière.
Viens en nous, père des pauvres, viens, dispensateur des dons, viens, lumière de nos cœurs.
Consolateur souverain, hôte très doux de nos âmes, adoucissante fraîcheur.
Dans le labeur, le repos ; dans la fièvre, la fraîcheur ; dans les pleurs, le réconfort.
Ô lumière bienheureuse, viens remplir jusqu’à l’intime le cœur de tous tes fidèles.
Sans ta puissance divine, il n’est rien en aucun homme, rien qui ne soit perverti.
Lave ce qui est souillé, baigne ce qui est aride, guéris ce qui est blessé.
Assouplis ce qui est raide, réchauffe ce qui est froid, rends droit ce qui est faussé.
À tous ceux qui ont la foi et qui en toi se confient donne tes sept dons sacrés.
Donne mérite et vertu, donne le salut final, donne la joie éternelle. Amen

Évangile

« L’Esprit Saint vous enseignera tout » (Jn 14, 15-16.23b-26)
Alléluia. Alléluia.
Viens, Esprit Saint ! Emplis le cœur de tes fidèles ! Allume en eux le feu de ton amour ! Alléluia.

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements. Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous. Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure. Celui qui ne m’aime pas ne garde pas mes paroles. Or, la parole que vous entendez n’est pas de moi : elle est du Père, qui m’a envoyé. Je vous parle ainsi, tant que je demeure avec vous ; mais le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. »
Patrick BRAUD

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29 mai 2017

La sobre ivresse de l’Esprit

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

La sobre ivresse de l’Esprit

Homélie pour la fête de Pentecôte / Année A
04/05/17

Cf. également :

Les trois dimensions de Pentecôte
Le scat de Pentecôte
Pentecôte : conjuguer glossolalie et xénolalie
Le marché de Pentecôte : 12 fruits, 7 dons
Et si l’Esprit Saint n’existait pas ?
La paix soit avec vous
Parler la langue de l’autre

On pourrait évoquer la Pentecôte comme un feu qui brûle sans consumer, à l’image des langues de feu sur la tête des apôtres et des femmes réunis à Jérusalem (hommes et femmes ensemble reçoivent l’Esprit Saint ! : pas de discrimination sexiste dans la vie spirituelle de l’Église…)

Partons sur une autre image qui nous parle de l’Esprit : l’image de la boisson qui désaltère.

Paul nous dit : « Tous nous avons été désaltérés par l’Unique Esprit » (1Co 12,13). Arrêtons-nous plus précisément sur l’image de la boisson qui enivre, utilisée selon les Actes des Apôtres par les témoins de la scène : « ils sont pleins de vin doux » (Ac 2,13). C’est la réaction de la foule qui se moque en entendant ce phénomène étrange qu’est le chant en langues (glossolalie, à ne pas confondre avec la xénolalie, c’est-à-dire parler des langues étrangères), comme on se moque trop souvent de la culture qui nous est étrangère (cf. les remarques navrantes de bien des touristes à l’étranger…), comme on traîne en dérision au début un message qui détonne dans la culture dominante. Les pèlerins venus à Jérusalem pour la fête juive entendent les apôtres chanter en langues et ils pensent que c’est l’effet de l’alcool…

Cyrille de Jérusalem prend la foule au mot :

« Oui, ils sont ivres. Mais pas du vin de Palestine. Hommes d’Israël, nous pensons avec vous que ces gens sont ivres, ce n’est pas dans le sens que vous le prenez, mais selon ce qui est dit dans l’Écriture : ‘Tu les abreuveras aux torrents de tes délices.’ Ils sont ivres d’une sobre ivresse qui tue le péché et vivifie le cœur, d’une ivresse contraire à l’ivresse corporelle. Car celle-ci fait oublier même ce que l’on sait, tandis que celle-là fait connaître ce qu’on ne sait pas. Ils sont ivres d’avoir bu le vin de la vigne mystique qui dit : ‘Je suis la vigne et vous les sarments.’ »

Voilà donc avec Cyrille de Jérusalem l’origine d’une belle expression qui a traversé les siècles : la sobre ivresse de l’Esprit.

Les spécialistes de la langue française appellent cette figure de style un oxymore, une expression qui associe deux contraires : sobriété & ivresse. C’est pour obliger les auditeurs à réfléchir: comment lever l’apparente contradiction des termes ? Comment une ivresse peut-elle être sobre ?

Cyrille nous l’a dit : l’ivresse du vin est comme le négatif de l’ivresse de l’Esprit. L’abus d’alcool provoque perte de conscience, perte de la maîtrise de soi, envol des connaissances. La plénitude de l’Esprit provoque une conscience accrue de son identité chrétienne, une nouvelle maîtrise de soi qui va jusqu’à ne plus s’appartenir, une nouvelle connaissance qui va jusqu’à parler la langue de l’autre, ou même la langue de Dieu.

Laissons Ambroise de Milan voler au secours de Cyrille de Jérusalem :

« Chaque fois que tu bois (au calice), tu reçois la rémission des péchés et tu es enivré par l’Esprit. C’est pour cela que l’Apôtre dit: ‘Ne vous enivrez pas de vin, mais emplissez-vous de l’Esprit’ (Ep 5,18). Car celui qui s’enivre de vin chancelle et titube, mais celui qui s’enivre de l’Esprit est enraciné dans le Christ. C’est donc une excellente ivresse, qui produit la sobriété de l’âme ! »

Les chrétiens de Milan font donc la même expérience que dans les Actes des Apôtres : l’Esprit Saint, tout particulièrement lorsqu’il est reçu dans les sacrements, nous donne une sorte d’ivresse qui n’a rien de désordonné ni de superficiel. Cette « sobre ivresse » nous conduit hors de nous-mêmes, hors de nos impuissances et de nos contradictions, dans un « état de grâce » où il n’y a plus de place pour les amertumes, les replis sur soi, les regrets. La sobre ivresse de l’Esprit nous conduit vers une joie profonde que nul ne peut nous ravir. L’âme est ainsi enracinée dans le Christ, enracinée dans une paix et une jubilation qui permet d’affronter avec courage les épreuves, et même les persécutions (les martyrs ont vécu et vivent encore cette ivresse spirituelle). 

Appelons Augustin en renfort de Cyrille de Jérusalem et d’Ambroise de Milan :

« L’Esprit Saint – dit-il aux nouveaux baptisés – est venu habiter en vous (c’est le jour de Pâques et ils viennent de recevoir le baptême dans la nuit pascale) : ne le laissez pas s’éloigner, gardez-vous de l’éloigner de vos cœurs. Il est un bon invité : il vous a trouvé pauvres et il vous enrichit ; il vous a trouvé affamés et il vous a rassasié; il vous a trouvé assoiffés et il vous a enivrés (…) celui qui se réjouit dans le Seigneur et chante avec une grande allégresse ne ressemble-t-il pas à quelqu’un qui est ivre ? J’aime cette ivresse ! (…) L’Esprit de Dieu est à la fois breuvage et lumière » (Sermon 225).

Dans la vie de tout baptisé, cette expérience que décrit St Augustin est possible : goûter une joie réaliste et profonde, être enraciné dans la paix même au cœur des épreuves, déborder d’action de grâce sans détourner son regard des souffrances présentes, déborder d’enthousiasme divin (en-Théo = demeurer en Dieu) qui donne la passion et le courage de transformer ce monde…

La sobre ivresse de l’Esprit peut vous tomber dessus à l’improviste : elle peut vous prendre au volant de votre voiture, devant un paysage magnifique, en revenant de la communion, en butant sur des difficultés énormes, en frémissant à une musique sublime, en pleurant de joie devant un texte de la Bible ou dans le silence de la prière… Si vous voulez une comparaison profane, allez sur Youtube écouter le scat d’Ella Fitzgerald et laissez-vous emporter par sa jubilation au-delà des mots : vous éprouverez quelque chose de ce ravissement (être ravi = être emporté au-delà) de Pentecôte. Si vous voulez entendre une trace bimillénaire de cette ivresse spirituelle, allez dans une abbaye bénédictine écouter les moines jubiler sur une seule voyelle du mot « Alléluia » pendant des minutes entières : portée par cet art du grégorien décidément très « pentecostal », votre prière vous transportera vers des délices inconnus…

 

Enivrez-vous de l’Esprit : par l’inspiration qui parcourt la Parole, par le lien fraternel dans nos assemblées, par l’accueil du Christ dans les sacrements, par toute la Création…

Aimez cette sobre ivresse spirituelle, elle vous ancrera fermement dans une joie indicible, même dans le feu de l’épreuve.

 

 

MESSE DU JOUR

PREMIÈRE LECTURE
« Tous furent remplis de l’Esprit Saint et se mirent à parler en d’autres langues » (Ac 2, 1-11)
Lecture du livre des Actes des Apôtres
Quand arriva le jour de la Pentecôte, au terme des cinquante jours après Pâques, ils se trouvaient réunis tous ensemble. Soudain un bruit survint du ciel comme un violent coup de vent : la maison où ils étaient assis en fut remplie tout entière. Alors leur apparurent des langues qu’on aurait dites de feu, qui se partageaient, et il s’en posa une sur chacun d’eux. Tous furent remplis d’Esprit Saint : ils se mirent à parler en d’autres langues, et chacun s’exprimait selon le don de l’Esprit.
 Or, il y avait, résidant à Jérusalem, des Juifs religieux, venant de toutes les nations sous le ciel. Lorsque ceux-ci entendirent la voix qui retentissait, ils se rassemblèrent en foule. Ils étaient en pleine confusion parce que chacun d’eux entendait dans son propre dialecte ceux qui parlaient. Dans la stupéfaction et l’émerveillement, ils disaient : « Ces gens qui parlent ne sont-ils pas tous Galiléens ? Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans son propre dialecte, sa langue maternelle ? Parthes, Mèdes et Élamites, habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, de la province du Pont et de celle d’Asie, de la Phrygie et de la Pamphylie, de l’Égypte et des contrées de Libye proches de Cyrène, Romains de passage, Juifs de naissance et convertis, Crétois et Arabes, tous nous les entendons parler dans nos langues des merveilles de Dieu. »

PSAUME (Ps 103 (104), 1ab.24ac, 29bc-30, 31.34)
R/ Ô Seigneur, envoie ton Esprit qui renouvelle la face de la terre ! ou :Alléluia ! (cf. Ps 103, 30)

Bénis le Seigneur, ô mon âme ; Seigneur mon Dieu, tu es si grand ! Quelle profusion dans tes œuvres, Seigneur ! la terre s’emplit de tes biens.

Tu reprends leur souffle, ils expirent et retournent à leur poussière. Tu envoies ton souffle : ils sont créés ; tu renouvelles la face de la terre.

Gloire au Seigneur à tout jamais ! Que Dieu se réjouisse en ses œuvres ! Que mon poème lui soit agréable ; moi, je me réjouis dans le Seigneur.

DEUXIÈME LECTURE
« C’est dans un unique Esprit que nous tous avons été baptisés pour former un seul corps » (1 Co 12, 3b-7.12-13)
Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens
Frères, personne n’est capable de dire : « Jésus est Seigneur » sinon dans l’Esprit Saint. Les dons de la grâce sont variés, mais c’est le même Esprit. Les services sont variés, mais c’est le même Seigneur. Les activités sont variées, mais c’est le même Dieu qui agit en tout et en tous. À chacun est donnée la manifestation de l’Esprit en vue du bien.  Prenons une comparaison : le corps ne fait qu’un, il a pourtant plusieurs membres ; et tous les membres, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul corps. Il en est ainsi pour le Christ. C’est dans un unique Esprit, en effet, que nous tous, Juifs ou païens, esclaves ou hommes libres, nous avons été baptisés pour former un seul corps. Tous, nous avons été désaltérés par un unique Esprit.

SÉQUENCE

Viens, Esprit Saint, en nos cœurs et envoie du haut de ciel un rayon de ta lumière.

Viens en nous, père des pauvres, viens, dispensateur des dons, viens, lumière de nos cœurs.

Consolateur souverain, hôte très doux de nos âmes, adoucissante fraîcheur.

Dans le labeur, le repos ; dans la fièvre, la fraîcheur ; dans les pleurs, le réconfort.

Ô lumière bienheureuse, viens remplir jusqu’à l’intime le cœur de tous tes fidèles.

Sans ta puissance divine, il n’est rien en aucun homme, rien qui ne soit perverti.

Lave ce qui est souillé, baigne ce qui est aride, guéris ce qui est blessé.

Assouplis ce qui est raide, baigne ce qui est froid, rends droit ce qui est faussé.

À tous ceux qui ont la foi et qui en toi se confient donne tes sept dons sacrés.

Donne mérite et vertu, donne le salut final, donne la joie éternelle. Amen.

ÉVANGILE

« De même que le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie : recevez l’Esprit Saint » (Jn 20, 19-23)
Alléluia. Alléluia. 

Viens, Esprit Saint ! Emplis le cœur de tes fidèles ! Allume en eux le feu de ton amour ! Alléluia. Évangile de Jésus Christ selon saint Jean C’était après la mort de Jésus ; le soir venu, en ce premier jour de la semaine, alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! » Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur. Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. » Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. » Patrick BRAUD

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20 mai 2015

Le scat de Pentecôte

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Le scat de Pentecôte 

cf. également

Pentecôte : conjuguer glossolalie et xénolalie
Le marché de Pentecôte : 12 fruits, 7 dons
Et si l’Esprit Saint n’existait pas ?
La paix soit avec vous
Parler la langue de l’autre

Homélie pour la fête de Pentecôte 2015
24/05/2015

Connaissez-vous le scat ?

En jazz, c’est un phénomène bien connu : une chanteuse comme Ella Fitzgerald était capable de jubiler sur des onomatopées pendant des minutes entières avant de reprendre le fil de sa chanson. Le scat, vous en faites sans le savoir lorsque vous chantonnez, tout joyeux, en oubliant les paroles, devant un beau paysage ou sous la douche…

Eh bien, on a très fortement l’impression, en suivant le texte du livre des Actes, qu’à la Pentecôte les pèlerins de Jérusalem ont assisté étonnés au premier « scat liturgique » de l’Église envahie d’Esprit Saint. Pierre est même obligé de préciser :« ces gens ne sont pas ivres comme vous le supposez, car il n’est que 9h du matin ! » (Ac 2, 15). Certains en effet, en entendant l’Église chanter sa joie au-delà des paroles « se moquaient et disaient : ils sont pleins de vin doux » (Ac 2, 13).

Voilà un fruit majeur de la Pentecôte, un effet capital de l’Esprit Saint en nous : la joie déborde tellement que nous n’avons plus de mots pour la décrire !

Rappelez-vous : quand avez-vous été subjugués par la beauté, d’une musique, d’un paysage, d’un tableau ? quand avez-vous été bouleversés par l’intensité enivrante d’un regard, d’un silence ? Dans ces moments-là, les mots nous manquent, mais le souffle qui est en nous nous fait jubiler au-delà des paroles. Et nous improvisons comme Ella Fitzgerald un scat débordant de joie ! Ella, elle avait ce don de communiquer la joie en se laissant envahir par elle : son chant était une petite Pentecôte ! Vraiment inspirée par un Esprit magnifique…

Ce don de l’Esprit n’a jamais manqué à l’Église.

Pensez aux longues vocalises des moines et moniales bénédictins tenant des portées entières sur un « o » de Dominus ou un « a » de alléluia, jusqu’à être comblés et épuisés de bonheur à moduler cette voyelle dans le chant grégorien, le temps suspendu….

Pensez aux groupes charismatiques (les pentecôtistes, bien nommés !) qui ont redécouvert ce qu’ils appellent le chant en langues (la glossolalie) : il arrive dans la prière qu’un groupe chante sans partition ni paroles, comme s’il y avait un chef d’orchestre invisible, et cela donne une mélopée puissante harmonieuse et belle…

Relisez saint Augustin qui était déjà témoin au 4ème siècle de ce « scat spirituel » sous l’effet de l’Esprit de Pentecôte. Il est lui aussi partisan de cet excès, de cette densité de joie si forte qu’elle appelle le chant :

« Chantez-lui le cantique nouveau, chantez bien (nous dit le psaume). Chacun se demande comment chanter pour Dieu. Chante pour lui, mais évite de chanter mal. […] Eh bien, il te donne cette méthode de chant : ne cherche pas des paroles, comme si tu pouvais expliquer ce qui plaît à Dieu. Chante par des cris de jubilation. Bien chanter pour Dieu, c’est chanter par des cris de jubilation. En quoi cela consiste-t-il ? C’est comprendre qu’on ne peut pas expliquer par des paroles ce que l’on chante dans son cœur. En effet ceux qui chantent, soit en faisant la moisson, soit en faisant les vendanges, ou n’importe quel travail enthousiasmant, lorsqu’ils se mettent à exulter de joie par les paroles de leurs chants, sont comme gonflés par une telle joie qu’ils ne peuvent la détailler par des paroles, ils renoncent à articuler des mots, et ils éclatent en cris de jubilation. […]

Que ton cœur se réjouisse sans prononcer de paroles et que l’infinité de tes joies ne soit pas limitée par des syllabes. Chantez bien avec des cris de joie. » (Homélie sur le psaume 32)

Cette joie-là ne vient pas de nous, de nos seules forces : elle nous est donnée, elle vient de Dieu, elle est Dieu-en-nous : l’Esprit qui nous rend présent à nous-même, présent au monde…

Bref, être habité par l’Esprit Saint, c’est se laisser remplir par une joie que rien ne pourra nous ravir. Non pas une joie naïve, bêtasse, qui serait ignorante du combat spirituel à mener. « Mon cœur s’est ouvert depuis ce jour alors que je le croyais mort » témoignait une adulte lors de sa confirmation. C’est donc que l’Esprit vient apporter la joie en traversant les forces de mort auxquelles nous sommes confrontés : pas en niant le mal, mais en gagnant sur lui grâce au pardon, grâce à la Résurrection du Christ travaillant en nous…

Au cœur des difficultés économiques actuelles, le monde attend des témoins de cet Esprit-là : des acteurs compétents, responsables, qui surtout relèvent les défis sans amertume ni violence, sans résignation ni fatalisme. Des acteurs sociaux habités, imprégnés, transpirant d’une joie profonde qui vient de l’espérance en la Résurrection.

Dans les débats de société sur l’Europe et les élections à venir, on espère des témoins comme à la Pentecôte remplis d’un Esprit d’enthousiasme communicatif. Souvenez-vous : l’hymne à la joie de Beethoven est quand même notre hymne européen officiel !

C’est l’enjeu de notre confirmation : être « confirmés », c’est être rendus fermes dans la confiance en Dieu, source intarissable de notre joie.

C’est l’enjeu de la communion au Corps du Christ : être « enivrés » de l’Esprit du Christ jusqu’à avoir au cœur un sentiment de plénitude et de suffocation qu’aucune épreuve ne pourra nous enlever. La sobre ivresse de l’Esprit est le fruit de cette communion eucharistique.

 

Il y a bien d’autres effets de l’Esprit de la Pentecôte : parler la langue de l’autre, proclamer les merveilles de Dieu (Ac 2, 11), devenir chacun et chacune prophète (Ac 2, 17-18) mais je voulais aujourd’hui insister sur la joie, fruit de l’Esprit de Pentecôte, car de cette joie-là notre société a faim et soif plus que jamais.

Alors, laissez l’Esprit de votre baptême improviser en vous un scat jubilatoire qui vous maintiendra en communion avec Dieu, pour l’étonnement et le plaisir de ceux qui vous entourent…

 

Messe du jour de Pentecôte

1ère lecture : « Tous furent remplis d’Esprit Saint et se mirent à parler » (Ac 2, 1-11)

Lecture du livre des Actes des Apôtres

Quand arriva le jour de la Pentecôte, au terme des cinquante jours après Pâques, ils se trouvaient réunis tous ensemble. Soudain un bruit survint du ciel comme un violent coup de vent : la maison où ils étaient assis en fut remplie tout entière. Alors leur apparurent des langues qu’on aurait dites de feu, qui se partageaient, et il s’en posa une sur chacun d’eux. Tous furent remplis d’Esprit Saint : ils se mirent à parler en d’autres langues, et chacun s’exprimait selon le don de l’Esprit.

 Or, il y avait, résidant à Jérusalem, des Juifs religieux, venant de toutes les nations sous le ciel. Lorsque ceux-ci entendirent la voix qui retentissait, ils se rassemblèrent en foule. Ils étaient en pleine confusion parce que chacun d’eux entendait dans son propre dialecte ceux qui parlaient. Dans la stupéfaction et l’émerveillement, ils disaient : « Ces gens qui parlent ne sont-ils pas tous galiléens ? Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans son propre dialecte, sa langue maternelle ? Parthes, Mèdes et Élamites, habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, de la province du Pont et de celle d’Asie, de la Phrygie et de la Pamphylie, de l’Égypte et des contrées de Libye proches de Cyrène, Romains de passage, Juifs de naissance et convertis, Crétois et Arabes, tous nous les entendons parler dans nos langues des merveilles de Dieu. »

Psaume : 103 (104), 1ab.24ac, 29bc-30, 31.34

R/ Ô Seigneur, envoie ton Esprit
qui renouvelle la face de la terre !
ou : Alléluia ! 
(cf. 103, 30)

Bénis le Seigneur, ô mon âme ;
Seigneur mon Dieu, tu es si grand !
Quelle profusion dans tes oeuvres, Seigneur !
La terre s’emplit de tes biens.

Tu reprends leur souffle, ils expirent
et retournent à leur poussière.
Tu envoies ton souffle : ils sont créés ;
tu renouvelles la face de la terre.

Gloire au Seigneur à tout jamais !
Que Dieu se réjouisse en ses œuvres !
Que mon poème lui soit agréable ;
moi, je me réjouis dans le Seigneur.

2ème lecture : « Le fruit de l’Esprit » (Ga 5,16-25)
Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Galates

Frères, je vous le dis : marchez sous la conduite de l’Esprit Saint, et vous ne risquerez pas de satisfaire les convoitises de la chair. Car les tendances de la chair s’opposent à l’Esprit, et les tendances de l’Esprit s’opposent à la chair. En effet, il y a là un affrontement qui vous empêche de faire tout ce que vous voudriez. Mais si vous vous laissez conduire par l’Esprit, vous n’êtes pas soumis à la Loi. On sait bien à quelles actions mène la chair : inconduite, impureté, débauche, idolâtrie, sorcellerie, haines, rivalité, jalousie, emportements, intrigues, divisions, sectarisme, envie, beuveries, orgies et autres choses du même genre. Je vous préviens, comme je l’ai déjà fait : ceux qui commettent de telles actions ne recevront pas en héritage le royaume de Dieu. Mais voici le fruit de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi. En ces domaines, la Loi n’intervient pas. Ceux qui sont au Christ Jésus ont crucifié en eux la chair, avec ses passions et ses convoitises. Puisque l’Esprit nous fait vivre, marchons sous la conduite de l’Esprit.

Séquence de Pentecôte

Viens, Esprit Saint, en nos cœurs
et envoie du haut du ciel
un rayon de ta lumière.

Viens en nous, père des pauvres,
viens, dispensateur des dons,
viens, lumière de nos cœurs.

Consolateur souverain,
hôte très doux de nos âmes,
adoucissante fraîcheur.

Dans le labeur, le repos ;
dans la fièvre, la fraîcheur ;
dans les pleurs, le réconfort.

Ô lumière bienheureuse,
viens remplir jusqu’à l’intime
le cœur de tous les fidèles.

Sans ta puissance divine,
il n’est rien en aucun homme,
rien qui ne soit perverti.

Lave ce qui est souillé,
baigne ce qui est aride,
guéris ce qui est blessé.

Assouplis ce qui est raide,
réchauffe ce qui est froid,
rends droit ce qui est faussé.

À tous ceux qui ont la foi
et qui en toi se confient
donne tes sept dons sacrés.

Donne mérite et vertu,
donne le salut final,
donne la joie éternelle. Amen.

Evangile : « L’Esprit de vérité vous conduira dans la vérité tout entière » (Jn 15, 26-27 ; 16, 12-15)

Acclamation : Alléluia. Alléluia.
Viens, Esprit Saint !
Emplis le cœur de tes fidèles !
Allume en eux le feu de ton amour !
Alléluia.

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Quand viendra le Défenseur, que je vous enverrai d’auprès du Père, lui, l’Esprit de vérité qui procède du Père, il rendra témoignage en ma faveur. Et vous aussi, vous allez rendre témoignage, car vous êtes avec moi depuis le commencement.  J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’instant vous ne pouvez pas les porter. Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans la vérité tout entière. En effet, ce qu’il dira ne viendra pas de lui-même : mais ce qu’il aura entendu, il le dira ; et ce qui va venir, il vous le fera connaître. Lui me glorifiera, car il recevra ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. Tout ce que possède le Père est à moi ; voilà pourquoi je vous ai dit : L’Esprit reçoit ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. »
Patrick BRAUD

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