L'homélie du dimanche (prochain)

6 février 2022

Conjuguer le bonheur au présent

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Conjuguer le bonheur au présent

Homélie du 6° Dimanche du temps ordinaire / Année C
13/02/2022 

Cf. également :

Les malheuritudes de Jésus
La « réserve eschatologique »
Toussaint : le bonheur illucide
Aimer Dieu comme on aime une vache ?

Ouganda, 1886. Le nouveau roi Mwanga prend ombrage de la présence des missionnaires Pères Blancs qu’il suspecte de vouloir le renverser. Il proclame alors un édit royal interdisant de se proclamer chrétien. Une quarantaine de fraîchement baptisés et catéchumènes refuse. Ils sont condamnés à être brûlés vifs, chacun enroulé dans une natte empilée en un bûcher-holocauste terrifiant. Sur les 60 kms de piste les menant au lieu du bûcher, les condamnés cheminent péniblement, se heurtant les uns contre les autres, tant sont gênants, par leur étroitesse, les liens qui les enchaînent. Ceux qui se plaignent, ceux qui ne peuvent plus avancer, on les tue et on les laisse sur le bord de la piste. La veille de l’Ascension de 1886, le bûcher s’allume : Charles Lwanga et ses compagnons rayonnent de joie. « Entendez-vous ces idiots ? ricane un des bourreaux. On dirait vraiment qu’ils vont à la noce et que nous allons leur servir un festin ! »…

Cette joie des martyrs chrétiens déborde des multitudes de récits des premiers siècles, où les fauves dans l’arène ne pouvaient faire taire les chants de ceux et celles qui allaient au supplice. Cette joie paradoxale habitait il y a peu dans le camp de concentration d’Auschwitz où le Père Maximilien Kolbe prenait la place d’un père de famille pour être exécuté en se substituant à lui. Elle régnait dans le cœur d’Etty  Hillesum déportée volontaire au camp de concentration de Westerbok. À coup sûr, cette joie continue d’étonner les bourreaux de toutes obédiences qui aujourd’hui encore se chargent d’exécuter leurs semblables uniquement parce qu’ils osent dire : je suis chrétien (plus de 340 millions de chrétiens ont été fortement persécutés ou discriminés en raison de leur foi dans les 50 pays répertoriés en 2020, estime l’ONG évangélique Portes Ouvertes).

Entendons-nous bien : la béatitude des martyrs chrétiens n’a rien à voir avec la folle soumission des kamikazes japonais à leur empereur, ni avec l’excitation fanatique des islamistes persécutant les infidèles. Les martyrs chrétiens sont des victimes ; les kamikazes ou les terroristes sont des bourreaux. Les uns offrent leur vie par amour, les autres prennent la vie des autres par haine.

Si l’on a bien écouté l’Évangile de ce dimanche (Lc 6, 17.20-26), on s’étonne moins, car les 4 Béatitudes de Luc semblent écrites précisément pour ceux qui souffrent ainsi à cause de leur foi. Et notamment les 2 dernières béatitudes que les baptisés d’Ouganda ont vécues jusqu’à l’extrême : « Heureux, vous qui pleurez maintenant, car vous rirez. Heureux êtes-vous quand les hommes vous haïssent et vous excluent, quand ils insultent et rejettent votre nom comme méprisable, à cause du Fils de l’homme ».

L'opium du pauvreCes quelques lignes de Luc alternent passé / présent / futur avec audace. Car la déclaration de bonheur est au présent : « heureux êtes-vous… », alors que la situation du moment est critique : pauvreté, pleurs, haine, rejet, insultes, diffamation… On imaginerait plus volontiers un futur, que les prédicateurs ultérieurs ont d’ailleurs largement exploité hélas : ‘vous souffrez maintenant, mais vous serez récompensés plus tard. Résignez-vous à votre sort aujourd’hui pour être heureux plus tard dans l’autre vie’. Ce type d’argumentation prêchant la résignation volontaire au nom du bonheur futur a largement servi à cautionner un ordre social injuste, que ce soit sous l’Ancien Régime (pauvreté de la paysannerie, privilèges de la noblesse et du clergé) ou ensuite pendant la Révolution industrielle (misère des ouvriers, exploitation et quasi-esclavage des salariés). Ainsi, en Occident, les Béatitudes sont devenues largement inaudibles, voire insupportables : ‘n’allez pas anesthésier le peuple avec vos vaines promesses de bonheur futur, alibi parfait de leur soumission présente !’

Or, répétons-le, les Béatitudes sont au présent ! Luc n’écrit pas : ‘vous serez heureux en paradis si vous acceptez votre pauvreté d’aujourd’hui’. Mais bien : « vous, les pauvres, le royaume de Dieu est à vous ! » Et le royaume de Dieu est le domaine de la justice et de la paix, de la vérité et de l’amour. Donc, si ce royaume est vôtre dès maintenant, vous les pauvres avez chacun et ensemble la force de le manifester. Vous pouvez démasquer au grand jour les mensonges des puissants. Vous possédez la liberté des enfants de Dieu qui ne plient devant aucun tyran, qui n’ont pas peur devant les chars, qui n’idolâtrent aucune autorité fût-elle royale, seigneuriale, patronale ou même épiscopale.

Osez conjuguer le bonheur au présent est plus révolutionnaire qu’il n’y paraît ! Car c’est la source d’une liberté intérieure que rien ne peut arrêter, ni la Bastille, ni les soldats du pouvoir, ni les escadrons de la mort… Puisque le royaume de Dieu est à vous, il n’est pas aux puissants, il n’appartient pas aux riches, il ne se confond pas avec le pouvoir politique du moment !

Certes, ce présent des Béatitudes est encore inachevé, puisqu’il y a un futur promis : « vous serez rassasiés, vous rirez ». En fait, ce sont les deux seuls verbes au futur des Béatitudes de Luc (avec leurs symétriques pour le malheur des riches : « vous aurez faim, vous pleurerez »). Car curieusement, la dernière béatitude est au présent, comme la première : « votre récompense est grande dans le ciel ». Ce n’est pas seulement une promesse, c’est déjà un acquis. C’est comme si l’avenir (le ‘ciel’) faisait irruption dans le présent pour le transformer dès maintenant, afin qu’il s’ajuste au mieux à ce qui l’attend en plénitude : être rassasiés, rire.

Ce battement présent / futur s’enrichit en finale de la référence au passé : « c’est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les prophètes ». Les 3 fils s’entrecroisent pour tisser la trame du bonheur en Dieu : le passé garantit que cela est bien arrivé aux prophètes ; le présent – appuyé sur cette mémoire et ouvert à l’avenir que Dieu donne déjà – permet de l’expérimenter dès maintenant ; l’avenir nous le fera vivre en plénitude.

Conjuguer le bonheur au présent dans Communauté spirituelle 3-fils

Dans la pauvreté, dans les pleurs, dans les persécutions, il y a déjà un présent de l’avenir promis, que la mémoire prophétique garantit et rend crédible. Saint Augustin a longuement parlé du temps humain dans son Livre XI des Confessions. Il en arrive très simplement à la conclusion que seul le présent existe, ce qui dans le cas des Béatitudes explique pourquoi l’on peut être heureux au milieu de l’épreuve et du dénuement.

51ZJOVWFKzL._SX349_BO1,204,203,200_ Augustin dans Communauté spirituelle

Futur Présent Passé SablierQu’est-ce donc que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais : mais que je veuille l’expliquer à la demande, je ne le sais pas ! Et pourtant – je le dis en toute confiance – je sais que si rien ne se passait il n’y aurait pas de temps passé, et si rien n’advenait, il n’y aurait pas d’avenir, et si rien n’existait, il n’y aurait pas de temps présent. Mais ces deux temps, passé et avenir, quel est leur mode d’être alors que le passé n’est plus et que l’avenir n’est pas encore ? Quant au présent, s’il était toujours présent sans passer au passé, il ne serait plus le temps mais l’éternité.

Si donc le présent, pour être du temps, ne devient tel qu’en passant au passé, quel mode d’être lui reconnaître, puisque sa raison d’être est de cesser d’être, si bien que nous pouvons dire que le temps a l’être seulement parce qu’il tend au néant. [...] Enfin, si l’avenir et le passé sont, je veux savoir où ils sont. Si je ne le puis, je sais du moins que, où qu’ils soient, ils n’y sont pas en tant que choses futures ou passées, mais sont choses présentes. Car s’ils y sont, futur il n’y est pas encore, passé il n’y est plus. Où donc qu’ils soient, quels qu’ils soient, ils n’y sont que présents. Quand nous racontons véridiquement le passé, ce qui sort de la mémoire, ce n’est pas la réalité même, la réalité passée, mais des mots, conçus d’après ces images qu’elle a fixées comme des traces dans notre esprit en passant par les sens. […]

Il est dès lors évident et clair que ni l’avenir ni le passé ne sont, et qu’il est impropre de dire : il y a trois temps, le passé, le présent, l’avenir, mais qu’il serait exact de dire : il y a trois temps, un présent du passé, un présent du présent, un présent de l’avenir.

(Augustin, Confessions, Livre XI)

La présence du passé, c’est la mémoire qui se souvient et se re-présente ce que les prophètes ont subi pour rendre témoignage à la vérité.
Le présent du futur, c’est la conviction que ce que nous serons transparaît déjà dans ce que nous sommes, et que nous pouvons laisser émerger aujourd’hui celui que nous serons demain en Dieu.
Le présent du présent, c’est cette intensité de relation à soi, aux autres, au monde, qui nous fait goûter avec joie ce qu’ils nous donnent, même à travers l’épreuve.
Les 3 fils du temps s’enchevêtrent dans la connaissance de ce présent gracieux : « le royaume de Dieu est à vous ». Il n’est pas pour plus tard, mais pour le présent d’aujourd’hui et le présent de demain. Il n’est pas révolu, gisant dans le passé, car notre mémoire le garde vivant en nous le rendant présent, efficace, actuel pour ce que nous avons maintenant à traverser.

Si cela vous paraît trop philosophique, pensez simplement à l’enfant Kizito (14 ans), à  Charles Lwanga, Joseph Mukassa et leurs compagnons ougandais qui ont trouvé dans leur foi chrétienne l’antidote au poison de la terreur du bûcher humain qu’ils allaient former. Si des enfants, des paysans et des serviteurs ont pu marcher au supplice en chantant, pourquoi ne pourriez-vous pas affronter l’épreuve en gardant la joie au cœur, cette joie que « nul ne peut nous ravir » selon l’engagement de Jésus ?

 

Lectures de la messe

Première lecture
« Maudit soit l’homme qui met sa foi dans un mortel. Béni soit l’homme qui met sa foi dans le Seigneur » (Jr 17, 5-8)

Lecture du livre du prophète Jérémie
Ainsi parle le Seigneur : Maudit soit l’homme qui met sa foi dans un mortel, qui s’appuie sur un être de chair, tandis que son cœur se détourne du Seigneur. Il sera comme un buisson sur une terre désolée, il ne verra pas venir le bonheur. Il aura pour demeure les lieux arides du désert, une terre salée, inhabitable. Béni soit l’homme qui met sa foi dans le Seigneur, dont le Seigneur est la confiance. Il sera comme un arbre, planté près des eaux, qui pousse, vers le courant, ses racines. Il ne craint pas quand vient la chaleur : son feuillage reste vert. L’année de la sécheresse, il est sans inquiétude : il ne manque pas de porter du fruit.

Psaume
(Ps 1, 1-2, 3, 4.6)
R/ Heureux est l’homme qui met sa foi dans le Seigneur.
 (Ps 39, 5a)

Heureux est l’homme qui n’entre pas au conseil des méchants,
qui ne suit pas le chemin des pécheurs,
ne siège pas avec ceux qui ricanent,
mais se plaît dans la loi du Seigneur
et murmure sa loi jour et nuit !

Il est comme un arbre planté près d’un ruisseau,
qui donne du fruit en son temps,
et jamais son feuillage ne meurt ;
tout ce qu’il entreprend réussira.

Tel n’est pas le sort des méchants.
Mais ils sont comme la paille balayée par le vent.

Le Seigneur connaît le chemin des justes,
mais le chemin des méchants se perdra.

Deuxième lecture
« Si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi est sans valeur » (1 Co 15, 12.16-20)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens
Frères, nous proclamons que le Christ est ressuscité d’entre les morts ; alors, comment certains d’entre vous peuvent-ils affirmer qu’il n’y a pas de résurrection des morts ? Car si les morts ne ressuscitent pas, le Christ non plus n’est pas ressuscité. Et si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi est sans valeur, vous êtes encore sous l’emprise de vos péchés ; et donc, ceux qui se sont endormis dans le Christ sont perdus. Si nous avons mis notre espoir dans le Christ pour cette vie seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes. Mais non ! le Christ est ressuscité d’entre les morts, lui, premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis.

Évangile
« Heureux les pauvres ! Quel malheur pour vous les riches ! » (Lc 6, 17.20-26)
Alléluia. Alléluia. 
Réjouissez-vous, tressaillez de joie, dit le Seigneur, car votre récompense est grande dans le ciel. Alléluia. (Lc 6, 23)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ce temps-là, Jésus descendit de la montagne avec les Douze et s’arrêta sur un terrain plat. Il y avait là un grand nombre de ses disciples, et une grande multitude de gens venus de toute la Judée, de Jérusalem, et du littoral de Tyr et de Sidon.
Et Jésus, levant les yeux sur ses disciples, déclara : « Heureux, vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous. Heureux, vous qui avez faim maintenant, car vous serez rassasiés. Heureux, vous qui pleurez maintenant, car vous rirez. Heureux êtes-vous quand les hommes vous haïssent et vous excluent, quand ils insultent et rejettent votre nom comme méprisable, à cause du Fils de l’homme. Ce jour-là, réjouissez-vous, tressaillez de joie, car alors votre récompense est grande dans le ciel ; c’est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les prophètes.
Mais quel malheur pour vous, les riches, car vous avez votre consolation ! Quel malheur pour vous qui êtes repus maintenant, car vous aurez faim ! Quel malheur pour vous qui riez maintenant, car vous serez dans le deuil et vous pleurerez ! Quel malheur pour vous lorsque tous les hommes disent du bien de vous ! C’est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les faux prophètes. »
Patrick BRAUD

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5 décembre 2021

Anticiper la joie promise

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Anticiper la joie promise

Homélie du 3° Dimanche de l’Avent  / Année C
12/12/2021

Cf. également :

La joie parfaite, et pérenne
Un baptême du feu de Dieu ?
Faites votre métier… autrement
Éloge de la déontologie
Du feu de Dieu !
Le Verbe et la voix
Gaudete : je vois la vie en rose
Le baptême du Christ : une histoire « sandaleuse »
Qu’est-ce qui peut nous réjouir ?
Laissez le présent ad-venir

Avance sur salaire

Anticiper la joie promise dans Communauté spirituelle avance-sur-salaireLa pratique est bien connue dans les entreprises qui emploient des salariés à hauteur du SMIC. Vers la fin du mois, certains viennent trouver leur chef : ‘je n’arrive pas à boucler le mois. Je voudrais demander une avance sur salaire pour passer ce cap difficile’. Cette demande d’avance  sur salaire est légale. L’employeur peut certes s’y opposer, mais il peut également faire un geste pour anticiper ainsi le versement mensuel à venir.

Dans notre première lecture (So 3, 14-18a), le prophète Sophonie pratique en quelque sorte une avance sur salaire, ou plutôt une avance sur la joie qui va bientôt faire exulter Jérusalem : « Pousse des cris de joie, fille de Sion ! Éclate en ovations, Israël ! Réjouis-toi, de tout ton cœur bondis de joie, fille de Jérusalem ! Le Seigneur a levé les sentences qui pesaient sur toi, il a écarté tes ennemis. Le roi d’Israël, le Seigneur, est en toi. Tu n’as plus à craindre le malheur ».

Le propos du prophète est révolutionnaire : réjouissez-vous, non du passé, mais de ce qui va arriver (le retour d’exil et la splendeur retrouvée de Jérusalem) et qui déjà transforme ainsi votre présent !

 

Déterminisme

Laplace-determinisme Avent dans Communauté spirituelleCe rapport biblique au temps – unique, absolument original – conteste nos représentations habituelles. Avec Marx, nous avions appris que les rapports de force socio-économiques étaient le vrai moteur de l’histoire – disait-on – et que le présent n’est que l’inexorable conséquence des mécanismes économiques. Avec Freud, on a failli croire que notre passé individuel – dès le ventre maternel – surdéterminait notre santé, nos pathologies, au point de concevoir la guérison comme un voyage immobile – sur le divan – dans notre petite enfance.

Avec Newton, Galilée et la mécanique céleste, on se mit à rêver d’établir les lois universelles gouvernant toutes choses. Si bien que Laplace pouvait dire qu’une intelligence – ou un démon ! - qui aurait toutes les lois et les conditions initiales pourrait prévoir n’importe quel événement à n’importe quel moment de l’histoire : « Une intelligence qui, à un instant donné, connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée et la situation respective des êtres qui la composent, si d’ailleurs elle était suffisamment vaste pour soumettre ces données à l’analyse, embrasserait dans la même formule les mouvements des plus grands corps de l’univers et ceux du plus léger atome ; rien ne serait incertain pour elle, et l’avenir, comme le passé, serait présent à ses yeux » [1].

Bref, nous étions devenus déterministes à notre insu ! Le présent et le futur étaient soi-disant déterminés par le passé.

 

L’avenir n’est pas écrit

Heureusement, des mathématiciens montrèrent très vite que la connaissance des lois ne garantit pas toujours la possibilité de prédire l’avenir. Poincaré établit qu’un système gravitationnel à 3 corps est imprévisible sur le long terme (1890) [2]. Et puis est arrivé Planck (1900) avec sa mécanique quantique : plus rien n’était sûr, mais plutôt probable. Et Heisenberg enfonçait le clou (1927) en démontrant son principe d’indétermination selon lequel on ne peut connaître avec précision la position et la vitesse d’une particule en même temps [3]. Lorenz et ses équations météorologiques ont fait de même en 1963 en établissant l’incertitude des prévisions météo (dire le temps qu’il a fait est déjà une aventure pour le présentateur télé… alors, garantir absolument la météo du lendemain ou à 3 mois, quelle gageure !). Feigenbaum a étudié de curieuses bifurcations mathématiques imprévisibles, alors qu’on connaît parfaitement l’équation de la courbe (1975) ! La bifurcation de Feigenbaum [4] est devenue le symbole de l’incertitude au cœur des lois.

Gleick a construit une théorie du chaos déterministe (1987), redonnant ainsi une chance à l’événement imprévisible d’arriver même dans les systèmes les mieux ficelés. Prigogine (Prix Nobel de chimie en 1977) a étudié les systèmes dissipatifs irréversibles. Ces systèmes se comportent comme s’ils étaient face à une bifurcation et pouvaient y effectuer un ‘choix’ non déterminé, l’enchaînement de ces ‘choix’ finissant par écrire une histoire qui n’est pas déductible des conditions initiales du système. En 1931, le théorème d’incomplétude de Gödel établissait déjà qu’il y a des énoncés indécidables, c’est-à-dire ni démontrables ni réfutables; du coup la notion de vérité devient toute relative…

Bref, le déterminisme des siècles précédents en a pris un coup ! Le démon de Laplace est nu…
Nous voilà désormais condamnés à tâtonner dans un monde incertain, complexe (Edgar Morin), où ce qui se passera demain ne peut plus être déduit de ce qui s’est passé hier.

 

Souviens-toi de ton futur !

Cette vision non-déterministe du monde aurait de quoi encourager Sophonie ! Alors que le peuple est déporté à Babylone, il ose l’inviter à se réjouir par avance de sa libération (improbable au moment où il parle) ! Alors que Jérusalem a été dévasté, il l’invite à tressaillir d’allégresse car – Sophonie en est sûr – le salut vient au-devant d’elle pour la restaurer dans toute sa gloire.

mascaret_couv déterminismeLes rabbins nous le redisent de génération en génération : « souviens-toi de ton futur ! » C’est ce que tu vas devenir qui donne forme au présent et non l’inverse. C’est ta vocation divine qui transforme ton humanité et non l’inverse. C’est ton futur qui reflue vers toi pour t’ajuster à sa réalisation. Tel un mascaret qui remonte le cours du fleuve à contre-courant lors de la marée haute, l’espérance de Sophonie renverse les pessimismes issus des défaites passées. Elle ouvre le présent d’Israël à plus grand que lui-même. Elle change la perception du passé, car Dieu peut en faire un signe de la gratuité de son salut, au lieu d’un poids de culpabilité à traîner encore et encore. Jean-Baptiste au désert reprendra cette anticipation du salut qui vient en désignant Jésus comme le royaume de Dieu déjà à notre rencontre. 

Si on appliquait cette conception du temps à la justice humaine, elle deviendrait restauratrice et non pas punitive. Si on apprenait à se réjouir par avance de ce qui n’est pas encore là, notre cœur s’ouvrirait à des possibles insoupçonnés, et les ferait advenir. Car c’est la magie des prophéties bibliques : elles provoquent ce qu’elles annoncent, elles ouvrent le présent à ce qui vient, elles changent le passé pour le rendre compatible avec l’événement de grâce.

Les déterministes prolongent le passé pour comprendre le présent et essayer de prédire le futur. Un peu comme on prolonge une courbe mathématique d’après son équation. Les non-déterministes – dont nous sommes – ne nient pas le poids de ces mécanismes. Mais la lourdeur des forces en présence ne suffit pas à tuer leur espérance : Dieu est capable de faire du neuf, du radicalement imprévisible. Qui aurait pu prévoir que la déportation à Babylone prendrait fin grâce à Cyrus, roi de Perse païen ? Qui aurait pu imaginer que la Shoah déboucherait finalement sur le retour des juifs en un Israël ressuscité ? Le raisonnement est à prolonger pour l’Église catholique : qui peut savoir où la conduira la crise majeure des abus sexuels ? Dieu est capable de faire de cette épreuve une renaissance, à travers la purification nécessaire.

Appliquez encore cette vision du temps aux parcours de vie personnelle de chacun. Ce que vous avez été, subi, infligé, donné, gardé… ne conditionne pas définitivement celui que vous allez devenir. Votre passé ne vous enferme pas. Plus encore : à l’appel de Sophonie, vous pouvez exulter par avance de la libération qui vient vers vous. Vous pouvez-vous réjouir par avance de l’inattendu qui est devant vous. Vous pouvez tressaillir d’allégresse à l’approche d’un salut qui vient à votre rencontre. Ce salut vient de l’avenir, car il n’est pas la prolongation ou la résultante des actions d’autrefois. C’est en cela qu’il est gratuit, gracieux : Dieu le donne sans regarder en arrière.

Isaïe le proclame avec force : « Venez, et discutons – dit le Seigneur. Si vos péchés sont comme l’écarlate, ils deviendront aussi blancs que neige. S’ils sont rouges comme le vermillon, ils deviendront comme de la laine » (Is 1, 18). Autrement dit : le pardon est déjà l’anticipation eschatologique du monde nouveau où tout est réconcilié en Dieu. Véritable bifurcation dans nos histoires personnelles et collectives, le pardon – de Gandhi à Mountbatten, de Mandela à De Klerk, de Maïti  Girtanner à son ex-bourreau nazi etc. – est capable de nous ouvrir à l’avenir auquel Dieu nous appelle.

 

Anticiper la joie promise

La Bible fourmille de ces moments étonnants la plus grande menace n’empêche pas le croyant de louer, exulter, de se réjouir par avance. On pense évidemment aux trois juifs exilés que le roi Nabuchodonosor précipite dans le feu pour les forcer à adorer sa statue (Dn 3). Du cœur de la fournaise – alors que tout va mal et semble perdu – monte alors la louange sur leurs lèvres, irrationnelle, sauf à croire que Dieu est déjà en train de les sauver malgré les apparences : « Ces trois hommes, Sidrac, Misac et Abdénago, tombèrent, ligotés, au milieu de la fournaise de feu ardent. Or ils marchaient au milieu des flammes, ils louaient Dieu et bénissaient le Seigneur. Azarias, debout, priait ainsi ; au milieu du feu, ouvrant la bouche, il dit : ‘Béni sois-tu, Seigneur, Dieu de nos pères, loué sois-tu, glorifié soit ton nom pour les siècles ! […] L’ange du Seigneur était descendu dans la fournaise en même temps qu’Azarias et ses compagnons ; la flamme du feu, il l’écarta de la fournaise et fit souffler comme un vent de rosée au milieu de la fournaise. Le feu ne les toucha pas du tout, et ne leur causa ni douleur ni dommage. Puis, d’une seule voix, les trois jeunes gens se mirent à louer, à glorifier et à bénir Dieu en disant : ‘Béni sois-tu, Seigneur, Dieu de nos pères : à toi, louange et gloire éternellement ! (…) »

Le bonheur, un avant-goût d'éternitéJésus reprendra cette disposition spirituelle pour en faire le cœur des Béatitudes : « Heureux êtes-vous quand les hommes vous haïssent et vous excluent, quand ils insultent et rejettent votre nom comme méprisable, à cause du Fils de l’homme. Ce jour-là, réjouissez-vous, tressaillez de joie, car alors votre récompense est grande dans le ciel ; c’est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les prophètes. » (Lc 6, 22 23)

Comment demeurer dans la joie alors que l’épreuve nous consume ? En nous appuyant fermement sur l’espérance que notre avenir en Dieu est plus important que notre présent ou notre passé, qu’il les façonne pour notre salut. D’où la recommandation de Paul d’être toujours dans la joie : « Soyez toujours dans la joie, priez sans cesse » (1 Th 5, 16 17). « Demeurez dans la joie du Seigneur » (Ph 3, 1). Et Pierre renchérissait : « Aussi vous exultez de joie, même s’il faut que vous soyez affligés, pour un peu de temps encore, par toutes sortes d’épreuves » (1 P 1, 6).

D’où la joie des premiers martyrs chrétiens des trois premiers siècles qui chantaient dans l’arène romaine au moment où l’on lâchait les fauves. Plus tard, François d’Assise retrouvera cette veine spirituelle pour chanter la joie parfaite, celle qui naît de l’avenir même au cœur de la détresse la plus grande :

« Quand nous arriverons à Sainte-Marie-des-Anges, ainsi trempés par la pluie et glacés par le froid, souillés de boue et tourmentés par la faim, et que nous frapperons à la porte du couvent, et que le portier viendra en colère et dira : « Qui êtes-vous ? » et que nous lui répondrons : « Nous sommes deux de vos frères », et qu’il dira : « Vous ne dites pas vrai, vous êtes même deux ribauds qui allez trompant le monde et volant les aumônes des pauvres ; allez-vous en ! » ; et quand il ne nous ouvrira pas et qu’il nous fera rester dehors dans la neige et la pluie, avec le froid et la faim, jusqu’à la nuit, alors si nous supportons avec patience, sans trouble et sans murmurer contre lui, tant d’injures et tant de cruauté et tant de rebuffades, et si nous pensons avec humilité et charité que ce portier nous connaît véritablement, et que Dieu le fait parler contre nous, ô frère Léon, écris que là est la joie parfaite ».

C’est ce que les théologiens appellent fort justement l’anticipation eschatologique : il est possible d’accueillir la joie promise dès maintenant, quel que soit notre passé, notre présent. Car notre avenir reflue sur ce que nous vivons actuellement, tel le mascaret qui remonte le fleuve.

Passé Présent Avenir

La liturgie est le lieu par excellence où nous pouvons déjà savourer un avant-goût du bonheur promis. « Dans la liturgie terrestre, nous participons par un avant-goût à cette liturgie céleste qui se célèbre dans la sainte cité de Jérusalem à laquelle nous tendons comme des voyageurs, où le Christ siège à la droite de Dieu, comme ministre du sanctuaire et du vrai tabernacle ; avec toute l’armée de la milice céleste, nous chantons au Seigneur l’hymne de gloire ; en vénérant la mémoire des saints, nous espérons partager leur communauté ; nous attendons comme Sauveur notre Seigneur Jésus Christ, jusqu’à ce que lui-même se manifeste, lui qui est notre vie, et alors nous serons manifestés avec lui dans la gloire » (Vatican II, SL 8).

Poussons donc des cris de joie avec Sion, en ce temps de l’Avent où la venue du Christ en nous ouvre de nouveaux possibles et nous éveille à notre vocation ultime !
Apprenons à nous réjouir en tout temps, même et surtout au feu de l’épreuve.

 


[1]. Pierre-Simon Laplace, Essai philosophique sur les probabilités, 1814.

[2]. Les équations de Newton appliquées à ces trois corps conduisent à une équation différentielle impossible à résoudre. En effet, il manque des intégrales premières, c’est à dire des fonctions gardant une valeur constante le long de chaque trajectoire, et la seule connaissance de l’Énergie, de la Quantité de mouvement, et du Moment cinétique ne suffisent pas pour résoudre l’équation: le problème n’a pas de solution exacte.

[3]. Mathématiquement, cela revient à dire que l’incertitude sur la position (Δx) et l’incertitude sur la vitesse (Δp) ne peuvent être infiniment petites à la fois : Δx × Δp ⩾ h/2π (h = constante de Planck).

[4]. Soit la suite (qui peut représenter par exemple l’évolution d’une population de lapins !) : xn+1 = rxn(1-xn). La courbe de Feigenbaum étudie les valeurs de convergence possibles de la suite en fonction du taux r. Au-delà d’une certaine valeur de r, la suite a 1, puis 2, puis 4 etc. valeurs d’équilibre possibles, et très vite c’est le chaos ! Impossible de prévoir vers quelle valeur  cette courbe va bifurquer en réalité…

 


Lectures de la messe

Première lecture
« Le Seigneur exultera pour toi et se réjouira » (So 3, 14-18a)

Lecture du livre du prophète Sophonie
Pousse des cris de joie, fille de Sion ! Éclate en ovations, Israël ! Réjouis-toi, de tout ton cœur bondis de joie, fille de Jérusalem ! Le Seigneur a levé les sentences qui pesaient sur toi, il a écarté tes ennemis. Le roi d’Israël, le Seigneur, est en toi. Tu n’as plus à craindre le malheur.
Ce jour-là, on dira à Jérusalem : « Ne crains pas, Sion ! Ne laisse pas tes mains défaillir ! Le Seigneur ton Dieu est en toi, c’est lui, le héros qui apporte le salut. Il aura en toi sa joie et son allégresse, il te renouvellera par son amour ; il exultera pour toi et se réjouira, comme aux jours de fête. »

Cantique (Is 12, 2-3, 4bcde, 5-6)
R/ Jubile, crie de joie, car il est grand au milieu de toi, le Saint d’Israël.
 (cf. Is 12, 6)

Voici le Dieu qui me sauve :
j’ai confiance, je n’ai plus de crainte.
Ma force et mon chant, c’est le Seigneur ;
il est pour moi le salut

Exultant de joie, vous puiserez les eaux
aux sources du salut.
« Rendez grâce au Seigneur,

proclamez son nom,
annoncez parmi les peuples ses hauts faits ! »

Redites-le : « Sublime est son nom ! »
Jouez pour le Seigneur, il montre sa magnificence,

et toute la terre le sait.
Jubilez, criez de joie, habitants de Sion,
car il est grand au milieu de toi, le Saint d’Israël.

Deuxième lecture
« Le Seigneur est proche » (Ph 4, 4-7)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens
Frères, soyez toujours dans la joie du Seigneur ; je le redis : soyez dans la joie. Que votre bienveillance soit connue de tous les hommes. Le Seigneur est proche. Ne soyez inquiets de rien, mais, en toute circonstance, priez et suppliez, tout en rendant grâce, pour faire connaître à Dieu vos demandes. Et la paix de Dieu, qui dépasse tout ce qu’on peut concevoir, gardera vos cœurs et vos pensées dans le Christ Jésus.

Évangile
« Que devons-nous faire ? » (Lc 3, 10-18)
Alléluia. Alléluia. 
L’Esprit du Seigneur est sur moi : il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres. Alléluia. (cf. Is 6,1)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ce temps-là, les foules qui venaient se faire baptiser par Jean lui demandaient : « Que devons-nous faire ? » Jean leur répondait : « Celui qui a deux vêtements, qu’il partage avec celui qui n’en a pas ; et celui qui a de quoi manger, qu’il fasse de même ! » Des publicains (c’est-à-dire des collecteurs d’impôts) vinrent aussi pour être baptisés ; ils lui dirent : « Maître, que devons-nous faire ? » Il leur répondit : « N’exigez rien de plus que ce qui vous est fixé. » Des soldats lui demandèrent à leur tour : « Et nous, que devons-nous faire ? » Il leur répondit : « Ne faites violence à personne, n’accusez personne à tort ; et contentez-vous de votre solde. » Or le peuple était en attente, et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n’était pas le Christ. Jean s’adressa alors à tous : « Moi, je vous baptise avec de l’eau ; mais il vient, celui qui est plus fort que moi. Je ne suis pas digne de dénouer la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. Il tient à la main la pelle à vanner pour nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera le grain dans son grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. » Par beaucoup d’autres exhortations encore, il annonçait au peuple la Bonne Nouvelle.
Patrick BRAUD

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25 novembre 2015

Bonne année !

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Bonne année !


Homélie du 1° Dimanche du temps de l’Avent / Année C

29/11/2015

Cf. également :

Sous le signe de la promesse

Le syndrome du hamster

 

Meilleurs vœux d’Avent

Puisque la nouvelle année liturgique commence avec notre premier dimanche de l’Avent, on pourrait effectivement se présenter tous nos voeux comme au 1er Janvier ! Peu de chrétiens ont le sentiment d’entrer dans une année différente. C’est plutôt la course aux cadeaux de Noël, ou à la préoccupation des congés d’hiver qui prend le dessus ! Ou hélas l’inquiétude liée aux récents attentats à Paris.

Pourtant, à y réfléchir, chaque Avent nous repose la question de notre rapport au temps.

Quelle est votre philosophie du temps qui passe ?

Vivez-vous dans la mémoire et le souvenir ?

Ou tendus vers les buts que vous vous êtes fixés ?

Ou goûtez-vous le présent sans penser à autre chose ?

Le temps liturgique est profondément original. Il ne se réduit à rien de connu.

 

Le temps traditionnel cyclique

Ce n’est pas le temps mythique des sociétés traditionnelles.

Les cultures animistes par exemple reposent pour la plupart sur des mythes fondateurs. À l’origine, il y avait une harmonie entre les forces invisibles (les dieux, les génies…), la nature et les hommes. Mais régulièrement, les agissements des hommes ou de la nature ou des forces invisibles remettent en cause cet équilibre primordial. Il faut alors trouver un moyen rituel, symbolique, de réparer ce dysfonctionnement en revenant au temps primordial. C’est la plupart du temps un sacrifice animal (voire humain) qui permet de revenir en ce temps-là (in illo tempore disait-on en latin), au temps des origines. C’est ce que le grand historien roumain Mircea Eliade appelait le mythe de l’éternel retour : un peu comme l’entropie de la thermodynamique, le temps traditionnel apporte dégradation, usure, obsolescence et des crises de plus en plus graves. Par le sacrifice rituel, l’horloge est remise à l’heure d’origine, et le monde peut survivre. Les sacrifices humains aztèques sont à interpréter dans ce cadre par exemple. Le temps de ces sociétés est cyclique : l’idéal est au départ, le futur n’apporte que de la dégradation, et il faut sans cesse revenir à la pureté initiale. Certains intégrismes musulmans comme le wahhabisme ou le salafisme (dont le nom signifie le retour aux ancêtres = salaf), ou certains intégrismes catholiques comme le lefebvrisme sont très proches de cette conception païenne du temps où l’âge d’or est derrière, avant.

 

Le temps linéaire du Progrès

Le temps liturgique n’est pas non plus le temps du Progrès, cher aux Lumières du XVIII° siècle.

CourbeCourbe« Du passé faisons table rase » chantaient les communistes autrefois. Demain sera mieux qu’hier, clamaient les prophètes du progrès technique, scientifique, économique et politique. La modernité s’est nourrie de cet autre mythe fondateur selon lequel le futur se construit à la force du poignet – ou plutôt de l’intelligence humaine – et apporte une croissance indéfinie, tant qualitative que quantitative. Le temps des modernes est éminemment linéaire, orientée vers un demain meilleur qu’aujourd’hui, comme aujourd’hui est meilleur qu’hier.

Bonne année ! dans Communauté spirituelle Le-temps-lineaire_forum_large

Les désillusions du progrès (dangers du nucléaire, catastrophes écologiques, usages  inhumains de la science etc.) ont mis à mal cette croyance, mais elle reste vivace (dans la gauche française par exemple) et a nourri toutes les querelles idéologiques des deux derniers siècles.

 

On n’imagine pas le futur, on en vient

 année dans Communauté spirituelleLe temps liturgique n’est ni cyclique ni linéaire. Il serait plutôt… hélicoïdal !

Lorsque nous entrons en Avent, nous ne revenons pas en arrière, en jouant à faire semblant, comme si nous étions avant la naissance du Christ. À Noël, nous fêtons beaucoup plus, nous fêtons la deuxième venue du Christ (adventus = venue = avent) lors de l’accomplissement final.

Entrer en Avent, c’est se tourner vers la venue du Christ en nos vies, demain, hier et aujourd’hui (la liturgie privilégie cet ordre, car l’eschatologie, s’appuyant sur la mémoire du passé, nous ouvre un présent où s’effectue sacramentellement cet engendrement du Christ en nous : il viendra, il est venu, il vient).

Le temps chrétien n’est pas une prolongation du passé, comme le temps scientifique prolonge une courbe en l’extrapolant. C’est vraiment très différent.

En liturgie, on n’imagine pas le futur, on en vient.

C’est toute la différence entre la planification et la Vision :

Processus Vision

Myriem Le Saget, Le manager intuitif, Dunod, 1992, p. 125

En fait, l’avenir vient au-devant de nous, et transforme notre présent pour le configurer à ce qu’il est appelé à advenir.

« Deviens ce que tu es », écrivait le génial Augustin. Le rôle du mémorial liturgique est alors de nous ancrer dans ce que Dieu a déjà fait pour nous, pour nous ouvrir à ce qu’il va faire maintenant.

Les rabbins avaient raison de répéter à leurs disciples : souviens-toi de ton futur...

Ni cyclique quoique mémoriel, ni linéaire quoique eschatologique, le temps liturgique nous invite à nous recevoir du futur promis, afin de transformer le présent à son image, appuyé sur ce que Dieu a déjà réalisé dans le passé pour nous.

 

Prenez le temps de méditer sur le temps

Le premier dimanche de l’Avent nous invite donc à travailler notre rapport au temps :

- Ne pas sacraliser le passé avec nostalgie, mais y relire l’action de Dieu qui a commencé en nous. Car comme dit le psaume, Dieu n’arrêtera pas l’oeuvre de ses mains.

- Ne pas construire l’avenir, mais l’accueillir comme une promesse que Dieu va réaliser pour nous, avec nous. C’est là sans doute le point le plus difficile pour l’Occident : se laisser façonner par l’avenir qui reflue au-devant de nous, au lieu de croire que nous pouvons comme des dieux fabriquer notre destinée tout seuls.

- Ne pas éviter le présent, mais l’habiter comme ouvert à tous les possibles qu’il nous faut orienter vers la fin, l’accomplissement de l’histoire.

Il y a bien une idolâtrie païenne du temps dont la période d’Avent nous délivre.

Plus que jamais, les chrétiens sont des dissidents temporels : ils ne s’affolent pas avec le temps médiatique, ils ne s’engloutissent pas dans le court terme du temps financier ou de la consommation, ils résistent aux futurs idéologiques construits par les hommes contre eux-mêmes.

Ils se tiennent, libres et indéterminés, sur la ligne de crête qui unit l’avenir et le passé en un présent d’une intensité redoublée.

Dès le 2° siècle après JC, la célèbre Lettre à Diognète décrivait ainsi cette paisible dissidence chrétienne, qui s’applique également à la conception du temps :

« Ils (les chrétiens) se répartissent dans les cités grecques et barbares suivant le lot échu à chacun ;
ils se conforment aux usages locaux pour les vêtements, la nourriture et la manière de vivre, tout en manifestant les lois extraordinaires et vraiment paradoxales de leur république spirituelle.
Ils résident chacun dans sa propre patrie, mais comme des étrangers domiciliés.
Ils s’acquittent de tous leurs devoirs de citoyens et supportent toutes les charges comme des étrangers.
Toute terre étrangère leur est une patrie et toute patrie une terre étrangère.
Ils se marient comme tout le monde, ils ont des enfants, mais ils n’abandonnent pas leurs nouveau-nés.
Ils partagent tous la même table, mais non la même couche.
Ils sont dans la chair, mais ne vivent pas selon la chair.
Ils passent leur vie sur la terre, mais sont citoyens du ciel.
Ils obéissent aux lois établies et leur manière de vivre l’emporte en perfection sur les lois. (…)

Ils sont dans la chair, mais ils ne vivent pas selon la chair.
Ils passent leur vie sur la terre, mais ils sont citoyens du ciel.
Ils obéissent aux lois établies, et leur manière de vivre est plus parfaite que les lois. »

Demain, hier, aujourd’hui, dans cet ordre : prenons le temps de méditer sur notre rapport au temps. Cela aura dans notre vie plus de conséquences que nous l’imaginons…

 

 

1ère lecture : « Je ferai germer pour David un Germe de justice » (Jr 33, 14-16)
Lecture du livre du prophète Jérémie

Voici venir des jours – oracle du Seigneur – où j’accomplirai la parole de bonheur que j’ai adressée à la maison d’Israël et à la maison de Juda : En ces jours-là, en ce temps-là, je ferai germer pour David un Germe de justice, et il exercera dans le pays le droit et la justice. En ces jours-là, Juda sera sauvé, Jérusalem habitera en sécurité, et voici comment on la nommera : « Le-Seigneur-est-notre-justice. »

Psaume : Ps 24 (25), 4-5ab, 8-9, 10.14

R/ Vers toi, Seigneur, j’élève mon âme,
vers toi, mon Dieu. (Ps 24, 1b-2)

Seigneur, enseigne-moi tes voies,
fais-moi connaître ta route.
Dirige-moi par ta vérité, enseigne-moi,
car tu es le Dieu qui me sauve.

Il est droit, il est bon, le Seigneur,
lui qui montre aux pécheurs le chemin.
Sa justice dirige les humbles,
il enseigne aux humbles son chemin.

Les voies du Seigneur sont amour et vérité
pour qui veille à son alliance et à ses lois.
Le secret du Seigneur est pour ceux qui le craignent ;
à ceux-là, il fait connaître son alliance.

2ème lecture : « Que le Seigneur affermisse vos cœurs lors de la venue de notre Seigneur Jésus » (1 Th 3, 12 – 4, 2)
Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Thessaloniciens

Frères, que le Seigneur vous donne, entre vous et à l’égard de tous les hommes, un amour de plus en plus intense et débordant, comme celui que nous avons pour vous. Et qu’ainsi il affermisse vos cœurs, les rendant irréprochables en sainteté devant Dieu notre Père, lors de la venue de notre Seigneur Jésus avec tous les saints. Amen.

 Pour le reste, frères, vous avez appris de nous comment il faut vous conduire pour plaire à Dieu ; et c’est ainsi que vous vous conduisez déjà. Faites donc de nouveaux progrès, nous vous le demandons, oui, nous vous en prions dans le Seigneur Jésus. Vous savez bien quelles instructions nous vous avons données de la part du Seigneur Jésus.

Evangile : « Votre rédemption approche » (Lc 21, 25-28.34-36)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. 
Fais-nous voir, Seigneur, ton amour,
et donne-nous ton salut.
Alléluia. (Ps 84, 8)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là, Jésus parlait à ses disciples de sa venue : « Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles. Sur terre, les nations seront affolées et désemparées par le fracas de la mer et des flots. Les hommes mourront de peur dans l’attente de ce qui doit arriver au monde, car les puissances des cieux seront ébranlées. Alors, on verra le Fils de l’homme venir dans une nuée, avec puissance et grande gloire. Quand ces événements commenceront, redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche.

Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre cœur ne s’alourdisse dans les beuveries, l’ivresse et les soucis de la vie, et que ce jour-là ne tombe sur vous à l’improviste comme un filet ; il s’abattra, en effet, sur tous les habitants de la terre entière. Restez éveillés et priez en tout temps : ainsi vous aurez la force d’échapper à tout ce qui doit arriver, et de vous tenir debout devant le Fils de l’homme. »
Patrick BRAUD

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10 décembre 2014

Un présent caché

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Un présent caché

Homélie du 3° Dimanche de l’Avent / Année B
14/12/2014

cf. également : Tauler, le Métro et Non Sum


« Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas » (Jn 1,6-28).

Un présent caché dans Communauté spirituelle arton33

C’est au présent que Jean-Baptiste annonce la venue du Christ au milieu de nous. Après l’impératif du 1er Dimanche de l’Avent (« Veillez ! ») et le futur du 2ème Dimanche (« il vous baptisera dans l’Esprit Saint »), voici maintenant que l’Avent se conjugue au présent : « Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ».

Cette déclaration prophétique de Jean-Baptiste peut d’abord s’appliquer à chacun de nous. Nous connaissons si mal nos voisins, nos amis, et même notre famille !

Je me souviens, lorsque mon père est mort, nous avons fait comme beaucoup de familles : nous nous sommes assis autour de la table pour parler de lui, évoquer nos souvenirs, rassembler notre vie avec lui. Ce fut comme un puzzle dont chacun détenait quelques pièces : en les mettant en commun, peu à peu se dessinait le portrait d’un homme plus riche et plus complexe que ce que chaque enfant croyait en connaître. Surprise en effet pour nous 5, les frères et sœurs : nous n’avions pas eu le même père ! Au sens où sa manière d’être père pour l’aîné n’était pas sa manière d’être père pour le 5ème, 10 ans après … Il avait changé avec les années, il ne se révélait pas de la même manière à chacun de ses 5 enfants : bref au milieu de nous se tenait un père que nous ne connaissions pas vraiment. Ce n’est qu’après sa mort que nous apprenons qui il était, en sachant bien que Dieu seul nous le fera connaître en plénitude…  

Les responsables de l’animation pastorale doivent avoir ce souci : faire en sorte que des liens personnels se nouent  dans la paroisse (dans l’aumônerie etc.) ; que nos assemblées ne soient pas impersonnelles et froides ; que le tissu relationnel entre nous soit suffisamment chaleureux pour qu’un nouveau venu ne s’y sente pas un inconnu. Certains doivent assumer ce rôle de climatiseur qui souffle un air de fraternité à travers toute l’Église !

 

« Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ».

C’est vrai également de beaucoup de personnes ignorées dans la société.

- Dans une entreprise, c’est le salarié que personne ne remarque et qui pourtant fait merveille dans la vie associative ou culturelle en dehors.

- Dans une maison de retraite, c’est le pensionnaire qui passe inaperçu, mais dont on réalise  après son départ qu’il était le ciment, le lien entre tous les autres pensionnaires, par sa gentillesse et son sourire.

La_maison_de_Matriona_et_autres_recits avenir dans Communauté spirituelle- Alexandre Soljenitsyne raconte que dans l’été 1953, de retour d’exil, sans attache et sans le sou, il trouve un petit emploi de professeur de mathématiques en Russie. Dans le village, une vieille femme – Matriona – accepte de l’héberger, plus pour lui rendre service qu’autre chose. L’auteur nous raconte la vie misérable de Matriona, et le terme accidentel de son existence : la brave femme encaisse tous les travers et n’agit que pour aider son prochain. Le livre : « la maison de Matriona » s’achève par cette phrase superbe : « … elle n’avait pas accumulé d’avoir pour le jour de sa mort. Une chèvre blanc sale, un chat bancal, des ficus… Et nous tous qui vivions à ses côtés, n’avions pas compris qu’elle était ce juste dont parle le proverbe et sans lequel il n’est village qui tienne. Ni ville. Ni notre terre entière. »

Au milieu de ce village se tenait cette vieille femme, Matriona, que personne ne connaissait vraiment, mais qui pourtant soutenait le village à bout de bras de manière  invisible…

Les responsables de l’animation pastorale ont pour mission de valoriser chacun dans la communauté. Non pas de tout faire à la place des autres, mais d’appeler des autres à faire vivre le Corps du Christ. S’appuyant sur le Conseil Paroissial, les responsables des différents services paroissiaux, sans oublier les communauté de religieux-ses, ils vont chercher à discerner le charisme de chacun, et à lancer des appels en fonction du bien commun. Ne passons pas à côté des Matrionas d’aujourd’hui. Aidons-nous à rester vigilants sur la place unique, la valeur unique  de chacun.

 

« Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ».

bon-cadeau-cheque-cadeau futurBien sûr, la déclaration prophétique de Jean-Baptiste – et vous voyez que le rôle d’un prophète est de dévoiler le présent bien plus que de prédire le futur – vise d’abord Jésus, la présence de Jésus, Messie ignoré, au milieu de son peuple. C’est Jésus au présent, c’est le présent de sa présence pourrait-on dire en français, avec le double sens du mot présent : il se tient là au milieu de nous, le plus souvent ignoré, mais réellement efficace aujourd’hui. Et il est le véritable cadeau, le présent que Dieu nous fait, gracieusement, gratuitement.

- Inconnu, il se sert de tant de visages et d’évènements pour se laisser découvrir.

- Méconnu, il supporte patiemment caricatures et clichés, sans cesser de se livrer, et d’irriguer secrètement la vie du Père.

- Méprisé, il ne rend pas le mal pour le mal, et ne désespère jamais du changement du cœur de l’homme.

- Adoré, il échappe à la connaissance de ceux qui voudraient le posséder, et les emmène toujours ailleurs, vers un Dieu toujours plus grand…

Les responsables de l’animation pastorale doivent passionnément lire les signes des temps, localement. Quels signes révèlent la présence du Christ au milieu de nous ? Quelles personnes nous parlent du passage du Christ dans nos vies ? Des enfants du caté et leurs parents aux familles en deuil ou aux adultes qui demandent le baptême, le Christ ne cesse de nous donner des signes de sa présence. Aidons-nous à déchiffrer sans cesse les évènements de nos vies à la lumière de l’Évangile du Christ.

 

« Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ».

Notre Avent prend donc une couleur de présent : celui que nous attendons est déjà là au milieu de nous, en nous.

Ouvrons les yeux sur ce présent qui ne demande qu’à se manifester : la richesse et la complexité de nos proches, le rôle secret et caché des Matrionas d’aujourd’hui, l’amitié du Christ dans nos joies et dans nos peines.

 

« Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ».

Alors ne cessez pas de le chercher, et de le chercher encore…

« Le chercher avec le désir de le trouver, le trouver avec le désir de le chercher encore » (St Augustin)

Pour ne pas passer à côté de lui sans le remarquer.

Pour ne pas gâcher le présent que Dieu nous donne.

 

 

1ère lecture : Le Sauveur apporte la joie (Is 61, 1-2a.10-11)

Lecture du livre d’Isaïe

L’Esprit du Seigneur Dieu est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres, guérir ceux qui ont le cœur brisé, annoncer aux prisonniers la délivrance et aux captifs la liberté, annoncer une année de bienfaits, accordée par le Seigneur.

Je tressaille de joie dans le Seigneur, mon âme exulte en mon Dieu. Car il m’a enveloppé du manteau de l’innocence, il m’a fait revêtir les vêtements du salut, comme un jeune époux se pare du diadème, comme une mariée met ses bijoux. De même que la terre fait éclore ses germes, et qu’un jardin fait germer ses semences, ainsi le Seigneur fera germer la justice et la louange devant toutes les nations.

Psaume : Lc 1, 46b-48, 49-50, 53-54

R/ J’exulte de joie en Dieu, mon Sauveur !

Mon âme exalte le Seigneur,
mon esprit exulte en Dieu mon Sauveur.
Il s’est penché sur son humble servante ;
désormais tous les âges me diront bienheureuse

Le Puissant fit pour moi des merveilles ;
Saint est son nom !
Son amour s’étend d’âge en âge
sur ceux qui le craignent.

Il comble de bien les affamés,
renvoie les riches les mains vides.
Il relève Israël son serviteur,
il se souvient de son amour.

 

2ème lecture : Comment préparer la venue du Seigneur (1Th 5, 16-24)
Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Thessaloniciens

Frères, soyez toujours dans la joie, priez sans relâche, rendez grâce en toute circonstance : c’est ce que Dieu attend de vous dans le Christ Jésus. N’éteignez pas l’Esprit, ne repoussez pas les prophètes, mais discernez la valeur de toute chose. Ce qui est bien, gardez-le ; éloignez-vous de tout ce qui porte la trace du mal.

Que le Dieu de la paix lui-même vous sanctifie tout entiers, et qu’il garde parfaits et sans reproche votre esprit, votre âme et votre corps, pour la venue de notre Seigneur Jésus Christ. Il est fidèle, le Dieu qui vous appelle : tout cela, il l’accomplira.

 

Evangile : « Il se tient au milieu de vous » (Jn 1, 6-8.19-28)
Acclamation : Alléluia. Alléluia. Prophète du Très-Haut, Jean est venu préparer la route devant le Seigneur et rendre témoignage à la Lumière. Alléluia. (cf. Lc 1, 76 ; Jn 1, 7)
Evangile de Jésus Christ selon saint Jean

Il y eut un homme envoyé par Dieu. Son nom était Jean. Il était venu comme témoin, pour rendre témoignage à la Lumière, afin que tous croient par lui. Cet homme n’était pas la Lumière, mais il était là pour lui rendre témoignage.

Et voici quel fut le témoignage de Jean, quand les Juifs lui envoyèrent de Jérusalem des prêtres et des lévites pour lui demander : « Qui es-tu ? » Il le reconnut ouvertement, il déclara : « Je ne suis pas le Messie. » Ils lui demandèrent : « Qui es-tu donc ? Es-tu le prophète Élie ? » Il répondit : « Non. — Alors es-tu le grand Prophète ? » Il répondit : « Ce n’est pas moi. » Alors ils lui dirent : « Qui es-tu ? Il faut que nous donnions une réponse à ceux qui nous ont envoyés. Que dis-tu sur toi-même ? » Il répondit : « Je suis la voix qui crie à travers le désert : Aplanissez le chemin du Seigneur, comme a dit le prophète Isaïe. » Or, certains des envoyés étaient des pharisiens. Ils lui posèrent encore cette question : « Si tu n’es ni le Messie, ni Élie, ni le grand Prophète, pourquoi baptises-tu ? » Jean leur répondit : « Moi, je baptise dans l’eau. Mais au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas : c’est lui qui vient derrière moi, et je ne suis même pas digne de défaire la courroie de sa sandale. »
Patrick BRAUD

 

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