L'homélie du dimanche (prochain)

21 avril 2012

Bon foin ne suffit pas

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Bon foin ne suffit pas

 Homélie du 3° Dimanche de Pâques  22/04/2012

 

La parabole du foin et du râtelier

« Qu’importe que le foin soit bon, si le râtelier est trop élevé ? »

Mgr. Bernard Podvin, porte-parole des évêques de France, rapporte cette anecdote savoureuse de la dernière assemblée épiscopale tenue à Lourdes. Un conférencier devait tenir éveillés les évêques en un début d’après-midi : lourde tâche à laquelle il n’a pu satisfaire. Son propos théologique était sans doute construit et sérieux, mais son propos Bon foin ne suffit pas dans Communauté spirituelle pour-comprendre-les-media_150est passé très haut au-dessus des têtes mitrées qui plongeaient alors en méditation horizontale accentuée… À la sortie, l’un des assoupis rapportait cette vérité du foin : « le foin était sans doute très bon, mais le râtelier était trop haut ».

En termes techniques, on pourrait dire que le faire-savoir est aussi important que le savoir-faire. « Medium is message » comme l’écrivait le pionnier des théoriciens des médias, Marshall MacLuhan. La façon de communiquer fait partie du message délivré.

 

L’inculturation du kérygme

Dans les Actes des Apôtres que nous lirons pendant tout le temps pascal, Pierre, Paul et les autres ont bien compris cet énorme enjeu : si l’annonce de la Résurrection n’est pas adaptée à la culture des auditeurs, elle sera incompréhensible ou irrecevable.

Par chance, ce livre des Actes a recueilli plus d’une vingtaine de ces annonces pascales. On les appelle kérygme, d’un mot grec qui signifie crier, annoncer publiquement une nouvelle très importante.

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Que constate-t-on en étudiant ces kérygmes en détail ? Qu’ils varient dans leur style, leur argumentation, les mots choisis. De Pierre parlant aux pèlerins de la Pentecôte à Jérusalem à Paul s’adressant aux sages grecs de l’Aréopage d’Athènes, l’annonce de la joie de Pâques s’adapte à la culture de ses auditeurs.

Cette inculturation s’impose donc aux apôtres comme une nécessité spirituelle : aimer l’autre exige de le rejoindre dans sa culture pour lui révéler la résurrection du Christ de l’intérieur, sans autre violence que celle du choc de Pâques.

 

Relisez le kérygme de Pierre en ce troisième dimanche de Pâques (Ac 3,13-19). Pierre sait qu’il parle des juifs pratiquants. Il reconnaît leur qualité en les appelant « hommes d’Israël », et en rappelant que Dieu est celui « d’Abraham, Isaac et Jacob », « le Dieu de nos pères », s’incluant ainsi lui-même dans le peuple à qui il parle. Puis il dit vous lorsqu’il évoque la Passion de Jésus, livré, rejeté, dédaigné pour Barabbas par cette foule de Jérusalem. Tout de suite il adoucit cette charge en les appelant « frères », et en rappelant que c’est « dans l’ignorance » qu’ils ont agi (« ils ne savent pas ce qu’ils font », a fort justement plaidé Jésus en leur faveur).

Il fera ensuite référence à Moïse, à l’Alliance, aux prophètes, pour convaincre ses frères juifs que Jésus est bien le Messie humilié annoncé par les Écritures.

Vers la fin du livre (Ac 17,22-34), Paul s’appuiera quant à lui sur les philosophes grecs et une statue dédiée « au dieu inconnu » à Athènes, car il s’adresse à Aréopage qui ne connaît pas les écritures juives.

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On peut faire l’étude exhaustive de tous ces kérygmes : ils ont une structure commune, mais s’adaptent toujours à la culture de leurs auditeurs.

C‘est donc une loi normative pour l’Église encore aujourd’hui : ne pas annoncer le Christ ressuscité en Afrique avec les mêmes mots qu’en Europe. Enraciner la joie de Pâques dans les cultures africaines, orales et concrètes, pleines de magie et d’invisible, ne se fait pas de la même façon qu’en France par exemple, dans une culture marquée par la rationalité et l’abstraction. Le grand succès des Églises baptistes et évangéliques dans nos métropoles tient d’ailleurs largement à une inculturation réussie auprès des minorités ethniques : miracles, ferveur, émotion alliant la fête, le corps et l’expérience. La désaffection des jeunes générations pour les assemblées catholiques vient en grande partie d’un déficit d’inculturation : pas d’images PowerPoint ou multimédia, une musique exculturée, des mots difficiles, peu de participation… Il n’en faut pas plus pour transformer en corvée ce qui est au départ une joyeuse annonce !

 

 

La pédagogie du Ressuscité

Plus que jamais, il nous faut décrypter les valeurs et les codes des nouvelles cultures technologiques et urbaines qui émergent autour de nous. Plus que jamais il ne faut faire confiance à l’Esprit de Pentecôte pour s’appuyer sur les « semences du Verbe » répandues dans les cultures actuelles. Répéter un message ancien ne suffit pas : il faut le traduire sans cesse, le nettoyer de sa gangue d’autrefois pour en retrouver le noyau vital.

D’ailleurs, c’est ce que fait le ressuscité dans l’Évangile d’aujourd’hui (Luc 24).

Il commence par rejoindre ces deux hommes sur leur route d’Emmaüs, allant même jusqu’à s’éloigner avec eux de Jérusalem, ce qui est symbolique de leur état d’esprit désabusé après le vendredi maudit. Il les écoute, et laisse parler, pour s’imprégner de leurs références, pour comprendre leurs espoirs déçus. Après seulement, il leur annonce comme aux apôtres apeurés la joie de Pâques, mais à partir de ce qu’ils connaissent tous, à partir de leur identité profonde : Moïse, les prophètes, les psaumes, le Messie, l’Écriture.

Voilà ce que toute l’Église devrait commencer par faire : cheminer avec, écouter, comprendre la culture de l’autre de l’intérieur, lui parler avec ses mots pour que l’annonce de la Résurrection le touche au plus profond, le bouleverse dans ses entrailles.

 

Sommes-nous à la hauteur de ce défi ?

Que connaissons-nous de nos cultures environnantes ? des langues, des langages, des images et des références de nos contemporains ?

Question de génération, d’origines ethniques, d’éducation ou de milieu social : comment annoncer l’Évangile sans l’inculturer dans le monde de l’autre ?

Faisons l’effort de mieux connaître au moins l’une de ces cultures que nous ignorons (et que nous dénigrons sans doute); nous y découvrirons le Ressuscité, selon sa promesse : « je vous précède en Galilée » (Mc 14,28; 16,7), c’est-à-dire dans une culture que vous ne connaissez pas.

 

1ère lecture : Dieu a donné sa gloire à son serviteur Jésus (Ac 3, 13-15.17-19)
Lecture du livre des Actes des Apôtres

Devant tout le peuple, Pierre prit la parole :
« Hommes d’Israël, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le Dieu de nos pères, a donné sa gloire à son serviteur Jésus, alors que vous, vous l’aviez livré ; devant Pilate, qui était d’avis de le relâcher, vous l’aviez rejeté.
Lui, le saint et le juste, vous l’avez rejeté, et vous avez demandé qu’on vous accorde la grâce d’un meurtrier.
Lui, le Chef des vivants, vous l’avez tué ; mais Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, nous en sommes témoins.
D’ailleurs, frères, je sais bien que vous avez agi dans l’ignorance, vous et vos chefs.
Mais Dieu qui, par la bouche de tous les prophètes, avait annoncé que son Messie souffrirait, accomplissait ainsi sa parole.
Convertissez-vous donc et revenez à Dieu pour que vos péchés soient effacés. »

Psaume : Ps 4, 2, 7, 9

R/ Révèle-nous, Seigneur, ton visage de lumière

Quand je crie, réponds-moi, Dieu, ma justice !
Toi qui me libères dans la détresse,
pitié pour moi, écoute ma prière ! 

Beaucoup demandent : 
« Qui nous fera voir le bonheur ? » 
Sur nous, Seigneur, que s’illumine ton visage ! 

Dans la paix moi aussi, je me couche et je dors, 
car tu me donnes d’habiter, Seigneur, 
seul, dans la confiance.

2ème lecture : Le Christ victime offerte pour nos péchés (1Jn 2, 1-5a)
Lecture de la première lettre de saint Jean
Mes petits enfants, je vous écris pour que vous évitiez le péché. Mais, si l’un de nous vient à pécher, nous avons un défenseur devant le Père : Jésus Christ, le Juste. Il est la victime offerte pour nos péchés, et non seulement pour les nôtres, mais encore pour ceux du monde entier. Et voici comment nous pouvons savoir que nous le connaissons : c’est en gardant ses commandements. Celui qui dit : « Je le connais », et qui ne garde pas ses commandements, est un menteur : la vérité n’est pas en lui. Mais en celui qui garde fidèlement sa parole, l’amour de Dieu atteint vraiment la perfection.

Evangile : Le Christ ressuscité envoie les Apôtres en mission(Lc 24, 35-48)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Le Seigneur ressuscité est apparu à ses Apôtres, il leur a donné sa paix. Alléluia.

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Les disciples qui rentraient d’Emmaüs racontaient aux onze Apôtres et à leurs compagnons ce qui s »était passé sur la route, et comment ils avaient reconnu le Seigneur quand il avait rompu le pain.
Comme ils en parlaient encore, lui-même était là au milieu d’eux, et il leur dit : « La paix soit avec vous ! »
Frappés de stupeur et de crainte, ils croyaient voir un esprit.
Jésus leur dit : « Pourquoi êtes-vous bouleversés ? Et pourquoi ces pensées qui surgissent en vous ? Voyez mes mains et mes pieds : c’est bien moi ! Touchez-moi, regardez : un esprit n’a pas de chair ni d’os, et vous constatez que j’en ai. »
Après cette parole, il leur montra ses mains et ses pieds.
Dans leur joie, ils n’osaient pas encore y croire, et restaient saisis d’étonnement. Jésus leur dit : « Avez-vous ici quelque chose à manger ? »
Ils lui offrirent un morceau de poisson grillé.
Il le prit et le mangea devant eux.
Puis il déclara : « Rappelez-vous les paroles que je vous ai dites quand j’étais encore avec vous : Il fallait que s’accomplisse tout ce qui a été écrit de moi dans la loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes. »
Alors il leur ouvrit l’esprit à l’intelligence des Écritures.
Il conclut : « C’est bien ce qui était annoncé par l’Écriture : les souffrances du Messie, sa résurrection d’entre les morts le troisième jour, et la conversion proclamée en son nom pour le pardon des péchés à toutes les nations, en commençant par Jérusalem.
C’est vous qui en êtes les témoins. »
Patrick Braud

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