L'homélie du dimanche (prochain)

2 février 2020

Sainteté éthique, sainteté confessante

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Sainteté éthique, sainteté  confessante

Homélie du 5° dimanche du Temps Ordinaire / Année A
09/02/2020

Cf. également :

Mesdames-Messieurs les candidats, avez-vous lu Isaïe ?
On n’est pas dans le monde des Bisounours !
L’Église et la modernité: sel de la terre ou lumière du monde ?

Cinquième dimanche ordinaire 2017 10.jpgIl y a plusieurs manières d’être saint. On voit tout de suite la différence entre Mère Teresa au chevet des mourants de Calcutta et Jean-Paul II parcourant le monde entier en dénonçant le mensonge communiste. Pourtant, les deux étaient amis, et une complicité forte unissait la femme d’action et la grande voix spirituelle du XX° siècle.

Les textes de ce dimanche nous brossent les portraits de ces deux types de sainteté que l’Évangile articule l’un à l’autre dans l’image du « sel de la terre » et de la « lumière du monde ».

Dans la première lecture (Is 58, 7-10) Isaïe invite chacun de nous à pratiquer le partage des biens, la protection des pauvres, la compassion, en des termes étonnamment contemporains que beaucoup de programmes électoraux pourraient reprendre : « Partage ton pain avec celui qui a faim, accueille chez toi les pauvres sans abri, couvre celui que tu verras sans vêtement, ne te dérobe pas à ton semblable ». C’est la pratique de cette solidarité, de cette redistribution des richesses qui est pour Isaïe la source de la sainteté véritable. Une sainteté éthique – pourrait-on dire aujourd’hui – c’est-à-dire une grandeur d’âme manifestée par un ensemble de comportements éminemment humanistes. Pour être rigoureux, Isaïe n’emploierait pas le mot de sainteté qui est réservé à Dieu seul mais de justice. L’homme juste, le sage (tsadik en hébreu) est celui qui prend soin des plus faibles et fait passer leurs besoins avant ses besoins personnels : « devant toi marchera ta justice, et la gloire du Seigneur fermera la marche ».

Le psaume 111 synthétise ce portrait de cet homme de justice, de cet homme de bien :
« Lumière des cœurs droits, il s’est levé dans les ténèbres,
homme de justice, de tendresse et de pitié.
L’homme de bien a pitié, il partage ;
il mène ses affaires avec droiture. »
Notons que la redistribution en question va bien au-delà de l’aumône légale, ou même de l’aide ponctuelle. « À pleines mains il donne aux pauvres » : c’est donc bien plus que l’avantage fiscal obtenu jusqu’à un certain plafond… « Tu donnes à celui qui a faim ce que toi tu désires » : c’est bien plus que le don à une association d’entraide ! C’est carrément accorder à l’autre autant de poids qu’à soi-même : si j’ai envie d’un bon restaurant étoilé à 300 € par personne, c’est cela que je vais offrir ou SDF éberlué de tant de disproportion ! Bien sûr, il s’agit de partir du vrai besoin et du vrai désir de l’autre, sans rien lui imposer. Mais Isaïe met exprès la barre si haut que nul ne pourra se croire en règle avec cet impératif si exigeant ; nul ne sera quitte de l’impérieuse dette contractée auprès des malheureux de sa société. Cette exigence infinie (le terme est de Levinas) fait de la sainteté éthique une quête par essence inachevée, une insatisfaction radicale ; car qui peut combler les désirs du malheureux partout autour de lui ?
Bienheureuse détresse du saint qui pleurera comme Schindler [1] à la fin de la guerre : « j’aurais voulu en sauver beaucoup plus… ».

Dans la deuxième lecture (1 Co 2, 1-5), Paul parle de lui comme d’habitude avec une assurance qui friserait l’orgueil s’il ne désignait pas l’Esprit comme la source de son action. Sa sainteté d’apôtre ne vient pas de son comportement éthique, mais de sa prédication de la foi chrétienne. Il voyage tout autour de la Méditerranée pour « annoncer le mystère de Dieu »  et « proclamer l’Évangile ». Par sa prédication, il fonde des Églises locales partout où il passe, les structurant et les organisant pour qu’elles restent en communion les unes avec les autres. Il est ainsi le vibrant exemple de ce qu’on pourrait appeler une sainteté confessante, pour la distinguer de la sainteté éthique évoquée ci-dessus. Confessante, car c’est en confessant la résurrection du Christ qu’il est conduit sur les routes à apporter la lumière du salut à ceux qui ne connaissent pas Jésus-Christ. La sainteté de Paul, c’est la force de ses écrits plaidant pour le Ressuscité, la plantation d’Églises dans le Moyen-Orient et jusqu’en Europe, sa prise de risques jusqu’au martyre pour que rien n’arrête cette annonce du crucifié–ressuscité au monde entier. Par sa parole, il aidera Pierre et les judéo-chrétiens à « passer aux barbares », il mettra l’esprit de la Loi au-dessus de la lettre de la Loi, il affirmera la primauté de la grâce sur les œuvres, il établira la foi, l’espérance et la charité comme le trépied de la vie chrétienne, avec l’amour (agapê) au sommet de tout.

Sainteté éthique, sainteté confessante : quand on y réfléchit, ces deux types de sainteté sont en tension perpétuelle. L’éthique déborde largement les frontières des Églises et des croyances, vraies ou fausses. La sainteté éthique peut donc être vécue par un bouddhiste, un musulman, un shintoïste, ou même un communiste sincère comme il en reste quelques-uns ! Elle est indépendante de la foi, proclamée ou non. À ce titre, elle conteste fortement la prétention de la sainteté confessante à représenter l’idéal de l’homme de bien à elle  seule. Et inversement, le débat théorique que tranche la confession de foi chrétienne questionne la soi-disant bonté éthique si elle ne s’appuie sur aucune vérité profonde au sujet de l’homme et de son avenir. Que veut dire être éthique si on cautionne ou s’accommode d’un système foncièrement inhumain comme l’étaient les idéologies du XX° siècle ? À la marge quelqu’un peut être généreux ou solidaire, mais s’il cautionne ou participe au règne du mensonge généralisé sur une société, en quoi serait-il saint ?

La vieille querelle historique entre judaïsme et christianisme vient en partie de là. Le premier est essentiellement éthique et se définit comme une orthopraxie (agir droitement). L’essentiel pour un juif n’est pas ce qu’il faut croire, mais ce qu’il faut pratiquer (la cacherout, les prières, l’aumône etc.). Le second est essentiellement confessant et se définit avant tout comme une orthodoxie (penser droitement). L’essentiel pour un chrétien n’est pas de faire un tas de choses remarquables, mais de faire confiance (fides) à l’amour gratuit de Dieu. Pour le judaïsme, la pratique droite conduit à Dieu. Pour le christianisme, la foi en Dieu conduit à l’éthique.

Ce débat sur ces deux formes de sainteté rebondit de manière sanglante et tragique au XVI° siècle avec l’affrontement entre la grâce et les œuvres qui a déchiré l’Europe. Les protestants revenaient à la revendication absolue de Paul de la primauté de la grâce et de la foi. Les catholiques maintenaient le fil juif en affirmant l’importance des œuvres, selon l’argumentation de saint Jacques : « À quoi bon, mes frères, dire qu’on a de la foi, si l’on n’a pas d’œuvres ? La foi peut-elle sauver, dans ce cas ? »  (Jc 2,14).
On le voit : la tension qui oppose ces deux formes de sainteté n’est pas une question purement théorique ; elle est éminemment politique, sociale, avec des implications économiques dont Max Weber par exemple a montré la puissance.

Sainteté éthique, sainteté confessante / orthopraxie, orthodoxie : faut-il trancher ?

L’époque actuelle est plus sensible à l’éthique, et se méfie (à juste titre) des combats religieux sur les grandes affirmations de foi. Dans les premiers siècles du christianisme, la sainteté était à l’inverse essentiellement confessante : la liste des martyrs est si longue que ces victimes de l’intolérance religieuse sont plus nombreuses dans la liste des saints que les saint Vincent-de-Paul ou autres Mère Teresa. Et d’ailleurs ce martyrologe continue hélas à s’écrire aujourd’hui en ajoutant des milliers de noms chaque année dans des pays où confesser le Christ est un risque majeur…

Jésus dans notre évangile (Mt 5, 13-16) semble ne pas prendre parti pour l’une ou l’autre sainteté. D’ailleurs, sa vie est à la fois guérison des malades et proclamation du règne de Dieu, réintégration sociale des pauvres et revendication de son identité de Fils de Dieu etc. Ici, il articule la sainteté et la confession de foi en une image étrange : « sel de la terre et lumière du monde ». Le sel est ce qui donne du goût à la nourriture en se mélangeant à elle : il figure bien l’action en faveur des pauvres, de la justice, du partage des richesses. La lumière est ce qui donne sens en éclairant la vie d’une compréhension nouvelle : elle convient bien à la prédication de la foi qui annonce une autre manière de voir l’existence à travers la résurrection de Jésus.

Pour lui, il faut les deux ! Pas sûr que chacun puisse assumer les deux en lui-même : c’est à l’Église qu’il revient collectivement de maintenir ces deux saintetés en tension. Car trop de foi risque de rendre le christianisme désincarné et hors sol des problèmes de son temps. Et absolutiser l’éthique en la privant de ses fondements revient à la fragiliser et à la rendre inopérante.

À vrai dire, une troisième forme de sainteté est apparue avec le temps : la sainteté spirituelle ou mystique. Ce sont d’abord les Pères du désert qui l’ont incarné. Après Constantin (IV° siècle) la tiédeur de la foi devint telle qu’en fuyant au désert ils maintinrent un haut niveau de profondeur spirituelle. Les mystiques du Moyen Âge ou du XIX° siècle qui en comptent tant prirent le relais, avec des figures admirables, de Maître  Eckhart à Sainte Thérèse d’Avila, d’Hildegarde von Bingen à saint Jean de la Croix etc. Peut-être est-ce la médiation qui permet de retrouver un trépied stable : éthique/confession de foi/mystique pour une sainteté intégrale ? Comme une déclinaison de la triade foi/espérance/charité dans le domaine de la sainteté en quelque sorte.

Nous sommes chacun(e) de nous instinctivement plus sensible à l’une de ces trois saintetés qu’aux deux autres : laquelle ? En en prenant conscience, décidons comment écouter ce que les deux autres ont à nous dire. Avançons résolument sur l’une de ces voies tout en nous laissant régulièrement enrichir, voire contester, par les deux autres.

 


[1]. Schindler était un industriel allemand qui a caché des centaines de juifs en 39-45 en les embauchant comme ouvriers dans ses usines, les arrachant ainsi à la déportation. Le film « La liste de Schindler » décrit son parcours, où il s’engage sur cette voie presque malgré lui au départ.

 

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Ta lumière jaillira comme l’aurore » (Is 58, 7-10)

Lecture du livre du prophète Isaïe

Ainsi parle le Seigneur : Partage ton pain avec celui qui a faim, accueille chez toi les pauvres sans abri, couvre celui que tu verras sans vêtement, ne te dérobe pas à ton semblable. Alors ta lumière jaillira comme l’aurore, et tes forces reviendront vite. Devant toi marchera ta justice, et la gloire du Seigneur fermera la marche. Alors, si tu appelles, le Seigneur répondra ; si tu cries, il dira : « Me voici. » Si tu fais disparaître de chez toi le joug, le geste accusateur, la parole malfaisante, si tu donnes à celui qui a faim ce que toi, tu désires, et si tu combles les désirs du malheureux, ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera lumière de midi.

PSAUME

(Ps 111 (112),.4-5, 6-7, 8a.9)
R/ Lumière des cœurs droits,le juste s’est levé dans les ténèbres.ou :Alléluia ! (cf. Ps 111, 4)

Lumière des cœurs droits, il s’est levé dans les ténèbres,
homme de justice, de tendresse et de pitié.
L’homme de bien a pitié, il partage ;
il mène ses affaires avec droiture.

Cet homme jamais ne tombera ;
toujours on fera mémoire du juste.
Il ne craint pas l’annonce d’un malheur :
le cœur ferme, il s’appuie sur le Seigneur.

Son cœur est confiant, il ne craint pas.
À pleines mains, il donne au pauvre ;
à jamais se maintiendra sa justice,
sa puissance grandira, et sa gloire !

DEUXIÈME LECTURE
« Je suis venu vous annoncer le mystère du Christ crucifié » (1 Co 2, 1-5)

Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens

 Frères, quand je suis venu chez vous, je ne suis pas venu vous annoncer le mystère de Dieu avec le prestige du langage ou de la sagesse. Parmi vous, je n’ai rien voulu connaître d’autre que Jésus Christ, ce Messie crucifié. Et c’est dans la faiblesse, craintif et tout tremblant, que je me suis présenté à vous. Mon langage, ma proclamation de l’Évangile, n’avaient rien d’un langage de sagesse qui veut convaincre ; mais c’est l’Esprit et sa puissance qui se manifestaient, pour que votre foi repose, non pas sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu.

ÉVANGILE

« Vous êtes la lumière du monde » (Mt 5, 13-16)
Alléluia. Alléluia. Moi, je suis la lumière du monde, dit le Seigneur. Celui qui me suit aura la lumière de la vie. Alléluia. (cf. Jn 8, 12)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel devient fade, comment lui rendre de la saveur ? Il ne vaut plus rien : on le jette dehors et il est piétiné par les gens.
Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée. Et l’on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau ; on la met sur le lampadaire, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. De même, que votre lumière brille devant les hommes : alors, voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. »
Patrick Braud

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29 septembre 2019

Foi de moutarde !

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Foi de moutarde !

Homélie du 27° Dimanche du Temps Ordinaire / Année C
06/10/2019 

Cf. également :

Les deux serviteurs inutiles
L’ « effet papillon » de la foi
L’injustifiable silence de Dieu
Entre dans la joie de ton maître
Restez en tenue de service
Jesus as a servant leader
Agents de service

moutarde-a-l-ancienneUne bonne moutarde à l’ancienne, avec de gros grains et une pâte onctueuse et ferme : imaginez-la sur une andouillette de Troyes, une pièce de bœuf grillé, ou dans la sauce salade faite maison. Immédiatement, un bouquet de saveurs vous reviendra en mémoire, mariant la force et le goût, la couleur et la consistance. Jésus savait bien que parler de moutarde dans une parabole susciterait ce genre d’émotion chez ses auditeurs, et il ne s’en prive pas ! C’est sa manière à lui de rendre concret ce qui demeure insaisissable : la foi.

En ce temps-là, les Apôtres dirent au Seigneur : « Augmente en nous la foi ! »
Le Seigneur répondit : « Si vous aviez de la foi, gros comme une graine de moutarde (sénevé), vous auriez dit à l’arbre que voici : ‘Déracine-toi et va te planter dans la mer’, et il vous aurait obéi. » (Lc 17, 5-7)

Ce faisant, il innove. Car l’Ancien Testament ne parlait jamais de cette humble graine appelée également sénevé, ni le reste du Nouveau Testament d’ailleurs. Les seules occurrences de cette graine sont dans cette parabole dans Matthieu et dans Luc. Il fallait son regard d’enfant de Nazareth, d’adolescent se promenant dans les champs de Galilée pour remarquer ces tiges velues et feuillues aux propriétés bien intéressantes à cultiver dans son potager. En choisissant d’accrocher la foi à ces graines plutôt qu’à une idée ou un concept, Jésus pratique d’instinct une pensée concrète qui parle d’expérience aux paysans, aux ruraux qui sont la majorité de ses contemporains. L’avantage de ces paraboles très simples est qu’elles constituent un réservoir inépuisable d’interprétations. Les citadins que nous sommes devenus en 2000 ans continuent à voir dans cette comparaison un lien entre foi et saveurs, mais aussi entre foi et croissance, foi et guérison, jusqu’à penser l’effet papillon de la foi (au sens de la théorie du chaos).

 

Croire et croître

Description de cette image, également commentée ci-aprèsLe premier effet de la parabole est visuel, saisissant : de la bille noire minuscule qui se coince entre deux dents à la belle plante potagère haute de 1 m à 3 m, quelle croissance spectaculaire ! Qui pourrait croire qu’un tel potentiel de vitalité est concentré dans le point de départ si infime ? La loi de croissance organique qui préside au développement de cette graine peut devenir le principe de notre propre croissance spirituelle. Très peu de foi suffit pour grandir.

En français, dire, je crois peux avoir les deux significations, à un accent près : je fais confiance (fides = foi, confiance) ou : je grandis, je déploie toutes les potentialités de mon être (je croîs, du verbe croître = se développer). Me confier à Dieu a pour résultat immédiat de faire pousser en moi les qualités utiles aux autres (les oiseaux du ciel) : hauteur de vue, saveurs, protection des petits (ombre reposante) etc.

Je relisais récemment la vie d’Armand Marquiset, fondateur de l’association des Petits Frères des Pauvres et de Frères des Hommes. Il aura suffi d’un éblouissement intérieur à Notre Dame de Paris en juin 1936 pour que cet homme, seul au début, déploie après la guerre un immense réseau de solidarité et de chaleur humaine auprès des « vieillards » isolés comme on disait à l’époque. Aujourd’hui, les Petits Frères des Pauvres représentent un réseau de plus de 12 000 bénévoles qui visitent chaque semaine 36 000 personnes âgées isolées. Plus de 600 salariés organisent des séjours de vacances, des réveillons de Noël, des sorties culturelles, du relogement etc. Voilà une histoire de graine de moutarde qui a soulevé des montagnes pour faire reculer la solitude et l’isolement, obtenir des fonds, être déclarée grande cause nationale en 1996 etc.

Oui, s’en remettre à Dieu avec confiance c’est grandir, et réussir ses projets selon son cœur au-delà de toute espérance !

 

Croire et guérir

ImageUn autre usage de la plante moutarde était médicinal à l’époque de Jésus. Ses feuilles sont riches en vitamine C, et constituent un bon tonic printanier et un bon dépuratif. On l’a employée pour soigner la bronchite et autres affections respiratoires ; et surtout, ses graines ont des propriétés répulsives qui font merveille en cataplasme de choc.

Comparer la foi à une graine plante de moutarde, c’est donc lier de manière naturelle croire et guérir. Comme un cataplasme appliqué sur les zones douloureuses, la foi réchauffe et assouplit nos raideurs  personnelles, nos congestions spirituelles.

On oublie que le mot salut vient de la même racine que le mot santé. L’impératif latin Salve (deuxième personne de l’impératif) signifie : « Porte-toi bien » ; il a donné le mot salut, qui souhaite la bonne santé à quelqu’un.

Le salut au temps de Jésus désigne indissociablement la santé de l’âme et du corps. L’histoire de la petite graine de moutarde nous met sur la piste d’une foi qui guérit, ce que toutes les thérapies naturelles du bien-être et du développement personnel expérimentent à leur manière aujourd’hui. Nous avons un trésor dans notre tradition chrétienne : le corps humain est tout entier impliqué et concerné dans l’accueil du salut par la foi ! Peut-être cela nous aidera-t-il à avoir une pratique moins matérialiste de la médecine, sans pour autant tomber dans les dérives magiques de soi-disant guérisseurs en tout genre ?

 

Croire et goûter

Photo de Andouillette de Troyes "Moutarde & Champignons" Pommes Sautées Maison. Plat du restaurant Le FerrareLe goût si fort de la moutarde à l’ancienne se superpose immédiatement au nom de la plante moutarde : la foi est affaire de saveur ! Elle rehausse les joies simples de la vie. Elle donne un poids d’éternité à l’amitié partagée, à la communion amoureuse, au repas si délicat qu’il enchante les pupilles, au velouté du vin d’exception… Il y a un épicurisme chrétien qui, loin de mépriser la joie de la chair, lui donne une forme de plénitude, d’accomplissement étonnant. La vie a un autre goût lorsque l’on croit ! La moindre rencontre, la joie la plus humble, le plaisir le plus simple acquièrent une stature, une hauteur et une profondeur dont la disproportion graine de moutarde / plante adulte nous donne une faible idée. Tout peut être savouré avec une intensité élevée au carré lorsqu’on y entend les harmoniques du salut à venir…

 

L’effet papillon de la foi

L'effet papillon de la foiOn a déjà évoqué cette propriété stupéfiante des équations météorologiques de Konrad Lorentz (cf. L’effet papillon de la foi). Le battement d’ailes d’un papillon sur la côte est des États-Unis peut provoquer, par enchaînement successifs, une tornade sur la côte ouest ! Et c’est vrai que les plus petits leviers peuvent soulever des montagnes énormes, les plus petites graines engendrer des arbres immenses.

La Bible regorge d’exemples illustrant l’importance des petites choses [1]. Une petite pierre a fait tomber un géant; une petite coupe de cheveux a failli causer la perte du royaume ; un petit repas a coûté la vie à un prophète ; une petite mangeoire a changé la destinée de toute l’humanité ; un petit arrangement a provoqué la mort du Sauveur, pour qu’une toute petite graine de moutarde puisse déplacer des montagnes !

Ézéchiel prend l’image du petit rameau qui va devenir une demeure pour les oiseaux du ciel :

Ainsi parle le Seigneur, Yahvé : J’enlèverai, moi, la cime d’un grand cèdre, et je la placerai; j’arracherai du sommet de ses branches un tendre rameau, et je le planterai sur une montagne haute et élevée. Je le planterai sur une haute montagne d’Israël; il produira des branches et portera du fruit, il deviendra un cèdre magnifique. Les oiseaux de toute espèce reposeront sous lui, tout ce qui a des ailes reposera sous l’ombre de ses rameaux. (Ez 17, 22-23)

La Bible nous dit de « ne pas mépriser le jour des petits commencements », même un seul talent ; même cinq pains et deux petits poisons ; une mauvaise décision dans le Jardin d’Eden ; un petit bateau dans un déluge planétaire ; une petite tour de Babel, qui provoqua une confusion mondiale jusqu’à nos jours et d’innombrables guerres entre les nations de la terre ; une petite promesse faite à Abraham, qui fit tomber des bénédictions sur le monde entier ; un petit homme sur une montagne, qui transmit le Décalogue à toute la terre ; un petit garçon dans une bergerie, qui devint roi et contribua à changer le cours de l’histoire ; une petite mesure de farine et quelques gouttes d’huile, mélangées à de l’obéissance, qui permirent au prophète de Dieu, à son hôtesse et à son fils de survivre durant trois années de famine.
« Car ceux qui méprisaient le jour des faibles commencements se réjouiront […] » (Za 4,10)

Plus que jamais, nous pouvons croire à l’importance des commencements. Il nous faut pour cela « des veilleurs sur les remparts de Jérusalem », pour distinguer au loin ce qui vient, pour repérer comme Élie au Mont Carmel le nuage dans le ciel à peine plus gros que le point mais annonciateur de la pluie salvatrice. Il nous faut des planteurs de graines aussi minuscules que celle de la moutarde, qui feront confiance à leur pouvoir démultiplicateur.

Foi de moutarde ! dans Communauté spirituelle Small-Is-BeautifulNe nous laissons donc pas fasciner par les colosses aux pieds d’argile (too big to fall pensait-on avant la crise financière de 2008). Small is beautiful pourrait être comme dans les années 80 un beau slogan à remettre à l’ordre du jour…

Terminons en citant deux autres usages de cette image de la graine de moutarde. L’un dans le Coran, qui reprend sa petitesse pour évoquer que rien n’échappe à Allah omniscient :

«À la résurrection, sur les balances justes, personne ne sera trompé du poids d’un grain de moutarde… Devant son tribunal, ce qui ne pèserait qu’un grain de moutarde, fût-il caché… au ciel ou sur la terre, sera produit par Dieu… »(Sourates 21.47 ; 31.16).

L’autre usage est dans le Catéchisme de l’Église catholique. Avec poésie, le court texte du Credo de Nicée-Constantinople est comparé à une graine de moutarde contenant tous les développements ultérieurs de la théologie et de la spiritualité :

CEC n° 186
Comme la semence de sénevé contient dans une toute petite graine un grand nombre de branches, de même ce résumé de la foi renferme-t-il en quelques paroles toute la connaissance de la vraie piété contenue dans l’Ancien et le Nouveau Testament (S. Cyrille de Jérusalem, catech. ill. 5,12).

Relisez donc la parabole de Jésus : vous ne verrez plus jamais votre pot de moutarde à l’ancienne comme avant ! 

 


 

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Le juste vivra par sa fidélité » (Ha 1, 2-3 ; 2, 2-4)

Lecture du livre du prophète Habacuc

Combien de temps, Seigneur, vais-je appeler, sans que tu entendes ? crier vers toi : « Violence ! », sans que tu sauves ? Pourquoi me fais-tu voir le mal et regarder la misère ? Devant moi, pillage et violence ; dispute et discorde se déchaînent.
Alors le Seigneur me répondit : Tu vas mettre par écrit une vision, clairement, sur des tablettes, pour qu’on puisse la lire couramment. Car c’est encore une vision pour le temps fixé ; elle tendra vers son accomplissement, et ne décevra pas. Si elle paraît tarder, attends-la : elle viendra certainement, sans retard.
Celui qui est insolent n’a pas l’âme droite, mais le juste vivra par sa fidélité.

PSAUME
(Ps 94 (95), 1-2, 6-7ab, 7d-8a.9)
R/ Aujourd’hui, ne fermez pas votre cœur, mais écoutez la voix du Seigneur ! (cf. Ps 94, 8a.7d)

Venez, crions de joie pour le Seigneur,
acclamons notre Rocher, notre salut !
Allons jusqu’à lui en rendant grâce,
par nos hymnes de fête acclamons-le !

Entrez, inclinez-vous, prosternez-vous,
adorons le Seigneur qui nous a faits.
Oui, il est notre Dieu ;
nous sommes le peuple qu’il conduit.

Aujourd’hui écouterez-vous sa parole ?
« Ne fermez pas votre cœur comme au désert,
où vos pères m’ont tenté et provoqué,
et pourtant ils avaient vu mon exploit. »

DEUXIÈME LECTURE
« N’aie pas honte de rendre témoignage à notre Seigneur » (2 Tm 1, 6-8.13-14)

Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre à Timothée

Bien-aimé, je te le rappelle, ravive le don gratuit de Dieu ce don qui est en toi depuis que je t’ai imposé les mains. Car ce n’est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d’amour et de pondération. N’aie donc pas honte de rendre témoignage à notre Seigneur, et n’aie pas honte de moi, qui suis son prisonnier ; mais, avec la force de Dieu, prends ta part des souffrances liées à l’annonce de l’Évangile. Tiens-toi au modèle donné par les paroles solides que tu m’as entendu prononcer dans la foi et dans l’amour qui est dans le Christ Jésus. Garde le dépôt de la foi dans toute sa beauté, avec l’aide de l’Esprit Saint qui habite en nous.

ÉVANGILE
« Si vous aviez de la foi ! » (Lc 17, 5-10) Alléluia. Alléluia.
La parole du Seigneur demeure pour toujours ; c’est la bonne nouvelle qui vous a été annoncée. Alléluia. (cf. 1 P 1, 25)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là, les Apôtres dirent au Seigneur : « Augmente en nous la foi ! » Le Seigneur répondit : « Si vous aviez de la foi, gros comme une graine de moutarde, vous auriez dit à l’arbre que voici : ‘Déracine-toi et va te planter dans la mer’, et il vous aurait obéi.
Lequel d’entre vous, quand son serviteur aura labouré ou gardé les bêtes, lui dira à son retour des champs : ‘Viens vite prendre place à table’ ? Ne lui dira-t-il pas plutôt : ‘Prépare-moi à dîner, mets-toi en tenue pour me servir, le temps que je mange et boive. Ensuite tu mangeras et boiras à ton tour’ ? Va-t-il être reconnaissant envers ce serviteur d’avoir exécuté ses ordres ? De même vous aussi, quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été ordonné, dites : ‘Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir’ »
Patrick BRAUD

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15 août 2019

La foi : combien de divisions ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

La foi : combien de divisions ?

Homélie pour le 20° Dimanche du temps ordinaire / Année C
18/08/2019

Cf. également :

N’arrêtez pas vos jérémiades !
De l’art du renoncement
Les trois vertus trinitaires
Les djihadistes n’ont pas lu St Paul !

Vous aurez reconnu la transposition de la célèbre réplique de Staline en 1935 répondant à Pierre Laval qui lui demandait de respecter les libertés religieuses en URSS : « le Vatican, combien de divisions ? ». On sait combien l’avenir lui donnera tort.

« La foi : combien de divisions ? » : l’Évangile de ce dimanche (Lc 12, 49-53) permet cet autre jeu de mots associant foi et divisions non pas militaires mais sociales, car le Christ semble bien lier les deux de manière assez perturbante :

« Pensez-vous que je sois venu mettre la paix sur la terre ? Non, je vous le dis, mais bien plutôt la division. Car désormais cinq personnes de la même famille seront divisées : trois contre deux et deux contre trois ; ils se diviseront : le père contre le fils et le fils contre le père, la mère contre la fille et la fille contre la mère, la belle-mère contre la belle-fille et la belle-fille contre la belle-mère. »

Voilà des versets dangereux dans la bouche d’un autre que Jésus. En leur nom, les Témoins de Jéhovah par exemple justifient la coupure familiale qu’ils imposent aux nouveaux convertis. Isoler des disciples de leurs proches pour mieux les retourner est une technique sectaire de manipulation mentale vieille comme le monde. Sous prétexte d’aller au bout de ses convictions politiques, religieuses ou autres, combien ont coupé les ponts d’avec leurs amis d’avant, leurs frères et sœurs, leurs proches ? Autrefois, les idéalistes rêvant de révolution plaquaient tout pour partir à Cuba (comme Régis Debray), Katmandou, Woodstock ou le Larzac. Maintenant, ils partent faire la guerre en Syrie pour Daesh, refusent de manger à la même table que les carnivores et militent à L214, vont rejoindre des groupes écologistes extrémistes avec des choix de vie les coupant radicalement des autres.

Bref, de tout temps, la foi divise.
La foi, ou les convictions fortes, si l’on préfère cette équivalence sécularisée. Ce qui peut nous rendre méfiants envers les gens ayant des idées très arrêtées…

Image intitulée Clean Rainbow Sandals Step 2À première lecture, on pourrait utiliser Jésus pour prêcher une telle radicalité. Les versets d’aujourd’hui annoncent la division familiale comme conséquence de la foi au Christ. Mais ailleurs, Jésus n’est pas plus tendre : « qui n’est pas avec moi est contre moi ». « Qui me préfère à son père, sa mère, ses frères et sœurs n’est pas digne de moi ». « Ne va pas enterrer ton père : laisse les morts enterrer leurs morts ». « Qui sont ma mère, mes frères et mes sœurs ? Ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique » (sous-entendu : les autres ne font pas partie de ma vraie famille). « Si on ne vous accueille pas dans un village, secouez la poussière de vos pieds et partez ailleurs ». Etc.

Ceux qui veulent sélectionner dans le Nouveau Testament des paroles justifiant leur coupure d’avec les autres pourront en trouver une liste assez solide pour impressionner les nouveaux convertis.

Alors, la foi est-elle un facteur de division ?
On peut tenter d’apporter une réponse en plusieurs temps.

- Il est essentiel de lire le Nouveau Testament dans sa globalité, sans isoler les versets dangereux de leur contexte et du reste.
Car, hors la liste évoquée ci-dessus, l’ensemble du Nouveau Testament plaide courageusement pour ce qu’on appellerait aujourd’hui un vivre ensemble apaisé. L’amour des ennemis, la volonté tenace de Jésus de se mélanger aux impurs, aux catégories socialement méprisées, aux romains idolâtres lui a attiré les foudres des « purs », des pharisiens notamment dont le nom signifie justement « séparés » parce qu’ils habitent, mangent, s’habillent et prient à l’écart des autres. Il s’est battu pour réintégrer les lépreux, les aveugles, les handicapés de toutes sortes alors que la superstition religieuse voulait les garder hors du contact des autres. Ses paroles dures sont souvent contrebalancées par des paroles différentes : « Qui n’est pas contre moi est avec moi ». « Ne faites pas tomber le feu du ciel sur ceux qui ne vous accueillent pas ». « Honore ton père et ta mère ». « Laissez pousser ensemble le bon grain et l’ivraie » etc. Et plus tard, les apôtres exhorteront les chrétiens à vivre en paix avec tous, en respectant les autorités légitimes, sans causer d’autres troubles que l’annonce de la résurrection.

Les sectaires pratiquent toujours une lecture fondamentaliste et sélective de la Bible. C’est ainsi par exemple que des Églises réformées ont pu justifier bibliquement l’apartheid en Afrique du Sud pendant des décennies ! Fondamentalistes, ils prennent un verset au pied de la lettre, sans le situer dans son contexte. Sélectifs, ils rabâchent quelques versets  seulement, qu’ils isolent du reste pour justifier leur idéologie.

Il nous revient de ne pas sélectionner dans les Écritures ce qui va dans notre sens seulement, ce qui nous conforte dans nos convictions préétablies.

Il nous revient également de toujours situer un verset dans un ensemble, son contexte historique, social, les particularités de sa langue d’écriture, sous peine d’incohérence.

Un professeur d’exégèse aimait répéter : le plus important dans la Bible, c’est la reliure…

La foi : combien de divisions ? dans Communauté spirituelle 006_CAinsi nos versets ‘dangereux’ sont nettement plus compréhensibles quand on se souvient qu’ils ont été écrits dans les années 70 après Jésus-Christ : à ce moment-là, les persécutions juives et romaines battaient déjà leur plein, et menaçaient les fragiles communautés naissantes. Sous la pression de l’occupant romain, cherchant à éradiquer ce nouveau groupe juif un peu trop gênant, des pères dénonçaient des fils, des frères livraient des sœurs aux autorités, des amis se divisaient sur la résurrection de Jésus, avec des conséquences terribles car la prison et les fauves n’étaient jamais bien loin.

Dire que la foi chrétienne divise n’était pas alors un projet social ou politique, mais un constat historique douloureux. Jésus ne dit pas à ses disciples d’être des facteurs de division ; il les avertit qu’ils seront soumis à la division à cause de lui. C’est fort différent !

Et ce constat est toujours le nôtre : des minorités chrétiennes sont persécutées et ghettoïsées en 2019 à cause de leur foi un peu partout dans le monde, particulièrement  dans les pays fortement religieux, où la religion majoritaire ne tolère pas d’autres convictions que les siennes (ce que les Églises chrétiennes ont été capables de faire par le passé, hélas).

En France, malgré un certain bashing antichrétien (surtout parmi les gens des médias et de l’intelligentsia) la situation est plus paisible. Reste que la messe de minuit à Noël est devenue un facteur de discorde car elle divise la table familiale (quand autrefois tout le monde y allait en bloc, croyant ou non). Reste que des jeunes se voient mettre quasiment à la porte de chez eux lorsqu’ils disent demander le baptême, ou entrer au séminaire, ou vouloir devenir religieuse… La solitude des croyants au cœur de leur famille est réelle. Je connais un père de famille qui tous les dimanches matins depuis 40 ans va seul à l’église du quartier, parce que sa femme et ses enfants n’épousent pas ses convictions chrétiennes…

La foi divise donc : c’est un constat. Amer et douloureux.
Mais il faut tout de suite préciser : du côté des chrétiens au moins, la foi divise quand elle reste seule. Si l’on reste sur le seul registre des convictions, et si ces convictions sont assez fortes pour accepter de mourir pour elles, alors la vie commune avec ceux qui ne les partagent pas devient très difficile.

L'essence du ChristianismeFeuerbach avait déjà dénoncé au XIX° siècle le pouvoir clivant de la foi seule. Dans L’essence du christianisme (1841), il explicite les fondements de l’humanisme moderne, qui dénonce la foi en Dieu comme source d’intolérance. Son raisonnement est rigoureux, et hante encore aujourd’hui l’inconscient collectif européen : la foi seule est meurtrière. Car elle sépare les hommes en croyants et mécréants : divisions et conflits sont inéluctablement engendrés par les religions. L’athéisme pratique des européens puise ses racines dans cette méfiance envers la violence inhérente à la foi :

« La foi porte nécessairement à la haine, la haine à la persécution, dès que la puissance de la foi ne trouve pas de résistance, ne se brise pas contre une puissance étrangère, celle de l’amour, de l’humanité, du sentiment du droit. La foi, par elle-même, s’élève au-dessus des lois de la morale naturelle ; sa doctrine est la doctrine des devoirs envers Dieu, et le premier devoir est la foi. Autant Dieu est au-dessus de l’homme, autant les devoirs envers Dieu sont au-dessus des devoirs envers l’homme, et ces devoirs entrent nécessairement en collision les uns avec les autres. »

- C’est là qu’intervient pour les chrétiens le triptyque : foi/amour/espérance.
Car la foi sans amour n’est qu’idéologie. Avec l’amour, la foi permet de prier pour ceux qui nous font du mal, de ne pas rendre le mal pour le mal, de bénir ceux qui nous maudissent, et de considérer l’autre comme supérieur à soi. L’amour ne demande pas de se couper des autres, mais de les accepter tels qu’ils sont, comme je m’accepte tel que je suis. « Aime ton prochain comme toi-même » en quelque sorte !

Conjuguer foi et amour tempère l’ardeur des convictions pour l’ouvrir à l’accueil de l’autre, et structure le sentiment d’amitié/amour pour lui donner un contenu solide.

foi-espoir-amour-vinyle-autocollant-autocollant amour dans Communauté spirituelle

- Cela ne suffit cependant pas encore… Car les choses pourraient sembler figées : le croyant / le mécréant d’un côté, le fanatique / le raisonnable de l’autre. C’est là que l’espérance entre en jeu : elle fait bouger les lignes, elle introduit des degrés de liberté, elle dévoile de l’inachevé. Car l’espérance nous dit que rien n’est jamais figé, que la fin de l’histoire n’est pas écrite, que l’avenir – et notamment l’avenir en Dieu – nous réserve bien des surprises. Comment avoir un jugement définitif sur l’autre si j’espère qu’un jour « Dieu sera tout en tous » ? Comment camper sur mes positions si j’attends de « connaître comme je suis connu », confessant par là-même un non-savoir radical ? Comment exclure au nom de mes opinions si un verre d’eau fraîche donnée par le pire d’entre nous peut le sauver au Jugement dernier mieux que mes idées droites ? Comment rêver de vivre entre « purs » alors que Jésus sur la croix est assimilé aux bandits qui l’entourent, et promet à l’un d’entre eux le paradis ?

Avec l’espérance, la foi et l’amour ne voient pas le monde à partir des catégories humaines qui divisent et séparent, mais à partir de Dieu qui appelle l’humanité à la communion trinitaire, en formant une seule famille unie dans la diversité. Au regard de Dieu, nulle opposition ne peut se prétendre définitive ou radicale, nulle division n’est insurmontable, nulle partition n’a les promesses de l’éternité…

Pères de l'EgliseEpitre à DiognèteDans les premiers siècles, les chrétiens ont pratiqué joyeusement l’amour des ennemis alors qu’on les pourchassait. Ils ne se sont pas regroupés entre eux, ils n’ont pas exclu leur famille même si leur famille les excluait. Écoutons pour terminer ce que la célèbre Lettre à Diognète (II° siècle) disait de la fraternité qui unissait les premiers chrétiens aux autres citoyens, sans rien renier pourtant de leur conviction, jusqu’au martyre s’il le fallait :

Les chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par les coutumes. Car ils n’habitent pas de villes qui leur soient propres, ils n’emploient pas quelque dialecte extraordinaire, leur genre de vie n’a rien de singulier. Leur doctrine n’a pas été découverte par l’imagination ou par les rêveries d’esprits inquiets; ils ne se font pas, comme tant d’autres, les champions d’une doctrine d’origine humaine.
Ils habitent les cités grecques et les cités barbares suivant le destin de chacun ; ils se conforment aux usages locaux pour les vêtements, la nourriture et le reste de l’existence, tout en manifestant les lois extraordinaires et vraiment paradoxales de leur république spirituelle. Ils résident chacun dans sa propre patrie, mais comme des étrangers domiciliés. Ils s’acquittent de tous leurs devoirs de citoyens, et supportent toutes les charges comme des étrangers. Toute terre étrangère leur est une patrie, et toute patrie leur est une terre étrangère. Ils se marient comme tout le monde, ils ont des enfants, mais ils n’abandonnent pas leurs nouveau-nés. Ils prennent place à une table commune, mais qui n’est pas une table ordinaire.
Ils sont dans la chair, mais ils ne vivent pas selon la chair. Ils passent leur vie sur la terre, mais ils sont citoyens du ciel. Ils obéissent aux lois établies, et leur manière de vivre est plus parfaite que les lois. Ils aiment tout le monde, et tout le monde les persécute. On ne les connaît pas, mais on les condamne ; on les tue et c’est ainsi qu’ils trouvent la vie. Ils sont pauvres et font beaucoup de riches. Ils manquent de tout et ils tout en abondance. On les méprise et, dans ce mépris, ils trouvent leur gloire. On les calomnie, et ils y trouvent leur justification. On les insulte, et ils bénissent. On les outrage, et ils honorent. Alors qu’ils font le bien, on les punit comme des malfaiteurs. Tandis qu’on les châtie, ils se réjouissent comme s’ils naissaient à la vie.

Que dépend-il de nous pour que la foi ne soit pas une source de division autour de nous ?

 

Lectures de la messe

Première lecture
« Ma mère, tu m’as enfanté homme de querelle pour tout le pays » (cf. Jr 15, 10) (Jr 38, 4-6.8-10)

Lecture du livre du prophète Jérémie
En ces jours-là, pendant le siège de Jérusalem, les princes qui tenaient Jérémie en prison dirent au roi Sédécias : « Que cet homme soit mis à mort : en parlant comme il le fait, il démoralise tout ce qui reste de combattant dans la ville, et toute la population. Ce n’est pas le bonheur du peuple qu’il cherche, mais son malheur. » Le roi Sédécias répondit : « Il est entre vos mains, et le roi ne peut rien contre vous ! » Alors ils se saisirent de Jérémie et le jetèrent dans la citerne de Melkias, fils du roi, dans la cour de garde. On le descendit avec des cordes. Dans cette citerne il n’y avait pas d’eau, mais de la boue, et Jérémie enfonça dans la boue. Ébed-Mélek sortit de la maison du roi et vint lui dire : « Monseigneur le roi, ce que ces gens-là ont fait au prophète Jérémie, c’est mal ! Ils l’ont jeté dans la citerne, il va y mourir de faim car on n’a plus de pain dans la ville ! » Alors le roi donna cet ordre à Ébed-Mélek l’Éthiopien : « Prends trente hommes avec toi, et fais remonter de la citerne le prophète Jérémie avant qu’il ne meure. »

Psaume
(Ps 39 (40), 2, 3, 4, 18)
R/ Seigneur, viens vite à mon secours !
(Ps 39, 14b)

D’un grand espoir,
j’espérais le Seigneur :
il s’est penché vers moi
pour entendre mon cri.

Il m’a tiré de l’horreur du gouffre,
de la vase et de la boue ;
il m’a fait reprendre pied sur le roc,
il a raffermi mes pas.

Dans ma bouche il a mis un chant nouveau,
une louange à notre Dieu.
Beaucoup d’hommes verront, ils craindront,
ils auront foi dans le Seigneur.

Je suis pauvre et malheureux,
mais le Seigneur pense à moi.
Tu es mon secours, mon libérateur :
mon Dieu, ne tarde pas !

Deuxième lecture
« Courons avec endurance l’épreuve qui nous est proposée » (He 12, 1-4)

Lecture de la lettre aux Hébreux

Frères, nous qui sommes entourés d’une immense nuée de témoins, et débarrassés de tout ce qui nous alourdit – en particulier du péché qui nous entrave si bien –, courons avec endurance l’épreuve qui nous est proposée, les yeux fixés sur Jésus, qui est à l’origine et au terme de la foi. Renonçant à la joie qui lui était proposée, il a enduré la croix en méprisant la honte de ce supplice, et il siège à la droite du trône de Dieu. Méditez l’exemple de celui qui a enduré de la part des pécheurs une telle hostilité, et vous ne serez pas accablés par le découragement. Vous n’avez pas encore résisté jusqu’au sang dans votre lutte contre le péché.

Évangile
« Je ne suis pas venu mettre la paix sur terre, mais bien plutôt la division » (Lc 12, 49-53)Alléluia. Alléluia. Mes brebis écoutent ma voix, dit le Seigneur ; moi, je les connais, et elles me suivent. Alléluia. (Jn 10, 27)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! Je dois recevoir un baptême, et quelle angoisse est la mienne jusqu’à ce qu’il soit accompli ! Pensez-vous que je sois venu mettre la paix sur la terre ? Non, je vous le dis, mais bien plutôt la division. Car désormais cinq personnes de la même famille seront divisées : trois contre deux et deux contre trois ; ils se diviseront : le père contre le fils et le fils contre le père, la mère contre la fille et la fille contre la mère, la belle-mère contre la belle-fille et la belle-fille contre la belle-mère. »
Patrick BRAUD

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9 juin 2019

Les trois vertus trinitaires

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Les trois vertus trinitaires

Homélie pour la fête de la Trinité / Année C
16/06/2019

Cf. également :

Vivre de la Trinité en nous
La Trinité, icône de notre humanité
L’Esprit, vérité graduelle
Trinité : Distinguer pour mieux unir
Trinité : ne faire qu’un à plusieurs
Les bonheurs de Sophie
Trinité : au commencement est la relation
La Trinité en actes : le geste de paix
La Trinité et nous

La notion de réplique trinitaire

Souvenez-vous du tsunami de 2011 au Japon, de l’éruption volcanique du Santorin en -1646 ou du tremblement de terre de 1976 en Chine : à chaque manifestation de cette puissance naturelle colossale, les spécialistes rattachent une ou des répliques. C’est-à-dire une deuxième vague, une autre éruption ou une autre secousse sismique comme en écho à la première. Eh bien, de manière analogique mais positive, on pourrait dire que l’être humain est la réplique de la communion d’amour trinitaire. En ce sens qu’émerge au plus intime de chacun le principe qui structure Dieu lui-même dans sa dimension trinitaire : aimer l’autre jusqu’à ne plus faire qu’un avec lui, sans séparation ni confusion.

L’autre sens en français du mont réplique convient également. La réplique d’une œuvre d’art est sa transposition dans un autre siècle et contexte. La réplique trinitaire en nous  est comme la projection de l’identité divine sur notre nature humaine, qui nous rend capable d’aimer à son image. La projection mathématique d’un volume sur un plan peut nous donner une idée du rapport qui existe entre les deux.

Le terme réplique s’emploie encore au théâtre ou dans un débat : donner la réplique à un acteur ou à un débatteur, c’est entrer avec lui dans un jeu de dialogue qui fait exister le « je » de chacun. En ce sens aussi l’homme donne la réplique à Dieu. Notre identité humaine émerge du dialogue avec Dieu (depuis le début de l’humanité : rites funéraires, art  rupestre, langage…) à qui nous donnons la réplique.

Répliquer n’est pas dupliquer : l’homme n’est pas la photocopie de Dieu, ni Dieu la projection du rêve humain. Parce que nous sommes créés à son image, nous pourrons  découvrir en nous la réplique de l’amour trinitaire qui constitue l’être même de Dieu, en toute autonomie et liberté.

 

Les trois vertus

La fête de la Trinité célébrée ce dimanche peut donc orienter notre quête sur les traces de la réplique trinitaire en nous. Il y a de multiples façons de le faire. L’une des voies traditionnelles – que la deuxième lecture de ce dimanche illustre assez bien – est celle des trois vertus théologales. On n’en parle plus beaucoup. Elles ont pourtant aidé des siècles de croyants à avancer sur le chemin de la communion avec Dieu. Elles sont gravées sur les façades de nos églises romanes sous des visages divers. Elles sont faciles à retenir. Elles structurent nos choix, nos comportements, nos règles de vie, dès lors que l’on cherche une certaine cohérence entre nos actes de la semaine et nos paroles du dimanche.

Les trois vertus trinitaires dans Communauté spirituelle 220px-Schnorr_von_Carolsfeld_-_Glaube%2C_Liebe%2C_HoffnungElles, ce sont bien sûr : la foi, l’espérance et la charité. Parce qu’elles sont trois, elles nous rappellent que leur source est en Dieu-Trinité, et non pas dans nos efforts, nos mérites, notre ascèse ou notre morale. La force de ces vertus (en latin : vis, virtus = force) est la conséquence de notre communion à Dieu, et non l’inverse. Elles ne sont pas des moyens pour aller vers Dieu, mais des fruits, des conséquences de son intimité avec nous. Elles sont la projection – au sens quasi mathématique du terme – des mœurs trinitaires dans nos mœurs humaines. Le catéchisme de l’Église catholique rejoint cette approche en les définissant ainsi :

N° 1812 : Les vertus humaines s’enracinent dans les vertus théologales qui adaptent les facultés de l’homme à la participation de la nature divine (cf. 2P 1,4). Car les vertus théologales se réfèrent directement à Dieu. Elles disposent les chrétiens à vivre en relation avec la Sainte Trinité. Elles ont Dieu Un et Trine pour origine, pour motif et pour objet.

N° 1813  Les vertus théologales fondent, animent et caractérisent l’agir moral du chrétien. Elles informent et vivifient toutes les vertus morales. Elles sont infusées par Dieu dans l’âme des fidèles pour les rendre capables d’agir comme ses enfants et de mériter la vie éternelle. Elles sont le gage de la présence et de l’action du Saint Esprit dans les facultés de l’être humain. Il y a trois vertus théologales : la foi, l’espérance et la charité (cf. 1Co 13,13).

Dans notre deuxième lecture (Rm 5, 1-5), Paul y fait explicitement référence. La foi nous est donnée par Dieu pour devenir justes par le Christ pour avoir accès à la grâce. « Nous qui sommes devenus justes par la foi, nous voici en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ, lui qui nous a donné, par la foi, l’accès à cette grâce dans laquelle nous sommes établis ». « L’espérance d’avoir part à la gloire de Dieu » est alors le fruit ultime de la séquence : détresse-persévérance-vertus. Quant à l’amour, c’est celui que « l’Esprit Saint a répandu en nos cœurs ».

Trois encycliques successives des papes Benoît XVI et du pape François sont consacrées à ces trois vertus théologales : Deus caritas est, Dieu est amour, Benoît XVI, 2005 – Spes salvi, Sauvés dans l’espérance, Benoît XVI, 2007 – Lumen fidei, La lumière de la foi, Pape François, 2013  

Il y a donc une active interconnexion des trois personnes divines pour produire en nous la foi, l’espérance et la charité. Paul y reviendra dans sa première lettre aux corinthiens pour affirmer la supériorité de la charité (en grec : Agapê = amour divin) qui elle ne passera pas, car elle constitue l’être même de Dieu Trinité : « Maintenant donc ces trois choses demeurent : la foi, l’espérance, la charité ; mais la plus grande de ces choses, c’est la charité » 1Co 13,13.

Au fur et à mesure de notre proximité d’avec Dieu, ces trois vertus théologales grandissent en nous et manifestent le travail de transformation intérieure que Dieu opère en nous pour nous conformer à sa manière d’être.

Ainsi par la foi qui nous est donnée croît la confiance en Dieu, l’adhésion au Christ, la docilité à l’Esprit Saint.
Par l’espérance nous expérimentons la capacité de résister à l’épreuve, de ne pas nous laisser broyer par la détresse – ce que l’on appellerait aujourd’hui la résilience -, de magnifier les instants de bonheur, de chanter la louange de ce qui vient.
Par l’amour répandu en nos cœurs, nous découvrons dans l’Esprit Saint le pardon et la bénédiction, même des ennemis, parce que nous apprenons à les voir à partir de Dieu, en épousant son point de vue si l’on peut dire.

 

Trois vertus en forme trinitaire

Sans détailler davantage, l’essentiel est de souligner en cette fête de la Trinité que ces trois vertus font système, comme font communion le Père et le Fils dans l’Esprit.

Foi-Espérance-Charité- Car la foi sans l’amour (et notamment l’amour des ennemis) devient vite une idéologie inhumaine. L’islamisme a disjoint les deux, comme autrefois l’Inquisition. Et des athées comme Feuerbach ont bien prophétisé au seuil du XX° siècle que la grande affaire serait justement le conflit entre la foi qui sépare (cf. les communautarismes et les intégrismes  religieux) et l’amour qui veut unir.

- À l’inverse, l’amour sans la foi devient ce vague humanisme sans racines qui caractérise l’Europe occidentale aujourd’hui. On s’y préoccupe d’aimer en occultant la question de savoir si cet amour est vrai ou non. On y promeut toutes les diversités en interdisant de poser un jugement de valeur quel qu’il soit. L’individualisme réduit l’amour à l’amour de soi. Le relativisme généralisé sert alors de boussole qui justement est incapable de fournir une direction et un sens. L’amour sans la foi s’épuise en sentiments successifs et contradictoires, sans direction ni cohérence.

- De même l’espérance sans la foi serait un rêve naïf, et son contenu une illusion pour éviter de souffrir.

- Et la foi son espérance risquerait de sacraliser trop vite ce qu’elle a commencé à réaliser, en oubliant que le royaume de Dieu ne sera jamais complètement réalisé sur terre. L’espérance oblige les Églises, les politiques à consentir à l’inachevé de leur action, à contester toute prétention totalitaire de quelque groupe que ce soit, car il y aura toujours quelque chose – ou plutôt quelqu’un – à espérer de plus grand que nos réalisations actuelles, toujours partielles.

- De même l’amour sans l’espérance se rétrécit au seul horizon de l’expérience vécue, sans dimension transcendante. C’est le risque de l’humanitaire, n’apportant aux pauvres que du pain et des moyens matériels, sans prendre en compte la soif des peuples à plus grand qu’eux.

- Réciproquement l’espérance son amour serait une affreuse comédie religieuse, une hypocrisie rituelle qui prétendrait célébrer la liturgie du ciel sans la traduire dès maintenant en actes concrets, notamment en faveur des plus petits et des plus faibles.

Pour être complet, il faudrait en plus faire jouer ces vertus deux à deux : la foi et l’amour sans l’espérance, la foi et l’espérance sans l’amour, l’amour et l’espérance sans la foi etc.

Nos inhumanités sont dramatiquement marquées d’une défiguration trinitaire (l’une des 12 défigurations relevées plus haut). C’est lorsque nous oublions l’une de ces vertus trinitaires que nous devenons « in-divins » et donc in-humains. C’est parce que nous défigurons notre ressemblance avec Dieu que notre relation aux autres devient violente, irrespectueuse, indigne, indifférente ou meurtrière.

foi-esperance-charite2 amour dans Communauté spirituelle

Croire – espérer – aimer est donc comme l’harmonique de la musique divine en nous, l’écho de la communion trinitaire, la réplique de l’identité divine dans notre identité humaine.

Que chacun s’examine : parmi ces trois vertus, quelle est ma valeur forte, ma valeur faible ?
Que notre prière nous expose alors à accepter de recevoir ce qui nous manque le plus !

 

Lectures de la messe

Première lecture
La Sagesse a été conçue avant l’apparition de la terre (Pr 8, 22-31)

Lecture du livre des Proverbes

Écoutez ce que déclare la Sagesse de Dieu : « Le Seigneur m’a faite pour lui, principe de son action, première de ses œuvres, depuis toujours. Avant les siècles j’ai été formée, dès le commencement, avant l’apparition de la terre.
Quand les abîmes n’existaient pas encore, je fus enfantée, quand n’étaient pas les sources jaillissantes. Avant que les montagnes ne soient fixées, avant les collines, je fus enfantée, avant que le Seigneur n’ait fait la terre et l’espace, les éléments primitifs du monde.
Quand il établissait les cieux, j’étais là, quand il traçait l’horizon à la surface de l’abîme, qu’il amassait les nuages dans les hauteurs et maîtrisait les sources de l’abîme, quand il imposait à la mer ses limites, si bien que les eaux ne peuvent enfreindre son ordre, quand il établissait les fondements de la terre. Et moi, je grandissais à ses côtés.
Je faisais ses délices jour après jour, jouant devant lui à tout moment, jouant dans l’univers, sur sa terre, et trouvant mes délices avec les fils des hommes. »

Psaume
(Ps 8, 4-5, 6-7, 8-9)
R/ Ô Seigneur, notre Dieu, qu’il est grand, ton nom, par toute la terre !
(Ps 8, 2)

À voir ton ciel, ouvrage de tes doigts,
la lune et les étoiles que tu fixas,
qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui,
le fils d’un homme, que tu en prennes souci ?

Tu l’as voulu un peu moindre qu’un dieu,
le couronnant de gloire et d’honneur ;
tu l’établis sur les œuvres de tes mains,
tu mets toute chose à ses pieds.

Les troupeaux de bœufs et de brebis,
et même les bêtes sauvages,
les oiseaux du ciel et les poissons de la mer,
tout ce qui va son chemin dans les eaux.

Deuxième lecture
Vers Dieu par le Christ dans l’amour répandu par l’Esprit (Rm 5, 1-5)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Frères, nous qui sommes devenus justes par la foi, nous voici en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ, lui qui nous a donné, par la foi, l’accès à cette grâce dans laquelle nous sommes établis ; et nous mettons notre fierté dans l’espérance d’avoir part à la gloire de Dieu. Bien plus, nous mettons notre fierté dans la détresse elle-même, puisque la détresse, nous le savons, produit la persévérance ; la persévérance produit la vertu éprouvée ; la vertu éprouvée produit l’espérance ; et l’espérance ne déçoit pas, puisque l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné.

Évangile

« Tout ce que possède le Père est à moi ; l’Esprit reçoit ce qui vient de moi pour vous le faire connaître » (Jn 16, 12-15)
Alléluia. Alléluia.
Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit : au Dieu qui est, qui était et qui vient ! Alléluia. (Ap 1, 8)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’instant vous ne pouvez pas les porter. Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans la vérité tout entière. En effet, ce qu’il dira ne viendra pas de lui-même : mais ce qu’il aura entendu, il le dira ; et ce qui va venir, il vous le fera connaître. Lui me glorifiera, car il recevra ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. Tout ce que possède le Père est à moi ; voilà pourquoi je vous ai dit : L’Esprit reçoit ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. »
Patrick BRAUD

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