L'homélie du dimanche (prochain)

20 décembre 2016

Les 3 naissances de Noël

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Les 3 naissances de Noël

Homélie pour la fête de Noël 2016 / Année A
24/12/2016

Cf. également :

Noël : solstices en tous genres
Noël : Il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune…
Noël : la trêve des braves
Noël : croyance dure ou croyance molle ?
Le potlatch de Noël
La bienveillance de Noël
Noël « numérique », version réseaux sociaux…
Noël : « On vous écrira… »
Enfanter le Verbe en nous…

Le mot français Noël vient du latin natal, natalis = naissance. Le vieux français disait Naël. L’espagnol ou l’italien s’en souviennent : on se salue avec un Feliz Navidad, qui vient du latin nativitatem = naissance. La plupart des langues européennes font dériver Noël de la naissance (sauf l’Allemand Weihnachten = nuits de veille et l’anglais Christmass = messe du Christ).

Afficher l'image d'origineÀ regarder l’enfant déposé dans la crèche cette nuit, on devine que c’est bien la naissance physique de Jésus de Nazareth qui est en jeu. Mais à bien y réfléchir, il n’y a pas une seule mais trois naissances en jeu à Noël. La mystique rhénane, ce courant spirituel du XIV° siècle, a popularisé cette conception de Noël. Jean Tauler par exemple commente ainsi le sens de la fête :

« On fête aujourd’hui, dans la sainte chrétienté, une triple naissance où chaque chrétien devrait trouver une jouissance et un bonheur si grands qu’il en soit mis hors de lui-même ; il y a de quoi le faire entrer en des transports d’amour, de gratitude et d’allégresse ; un homme qui ne sentirait rien de tout cela devrait trembler.
- La première et la plus sublime naissance est celle du Fils unique engendré par le Père céleste dans l’essence divine, dans la distinction des personnes.
- La seconde naissance fêtée aujourd’hui est celle qui s’accomplit par une mère qui dans sa fécondité garda l’absolue pureté de sa virginale chasteté.
- La troisième est celle par laquelle Dieu, tous les jours et à toute heure, naît en vérité, spirituellement, par la grâce et l’amour, dans une bonne âme.
Telles sont les trois naissances qu’on célèbre aujourd’hui par trois messes. »
Jean Tauler, sermon pour la nuit de Noël.

Examinons rapidement les conséquences de ces trois naissances pour nous.

1. L’engendrement éternel du Verbe en Dieu

La première naissance est la plus mystérieuse, celle qui nous échappe radicalement.
Comment décrire avec des Afficher l'image d'originemots humains ce qui appartient à l’essence divine : se partager sans se diviser ? La clé de la naissance du Verbe en Dieu est sans doute l’amour. Un Dieu unique et solitaire pourrait être tout-puissant, créateur, rédempteur comme dans le judaïsme et l’islam, mais il ne pourrait être amour en lui-même. Parce que Dieu est amour, pas seulement pour l’homme mais en lui-même, il suscite une altérité au plus intime de son être. « Engendré non pas créé », le Verbe est de toute éternité le résultat de l’amour qui se donne sans se diviser. Et le mouvement de cet élan mutuel, c’est l’Esprit de Dieu, vivante relation tissant la communion trinitaire.

Quelles conséquences pour nous ?

Puisque nous sommes à l’image de Dieu, l’engendrement éternel du Verbe au nom de l’amour nous pousse à engendrer nous-mêmes, non pas en copiant (c’est impossible !) mais en participant à cet élan de don et de réception dans toutes nos relations humaines. Donner sans contrepartie est le propre du Père. Se recevoir inconditionnellement quoi qu’il arrive est la marque du Fils. Ne pas interrompre cette circulation du donner et du recevoir est le sceau de l’Esprit.

La structure de l’engendrement éternel du Verbe appliqué à l’humain pourrait donc ressembler à une circulation du don, une économie du don comme disent les Pères grecs : demander /donner / recevoir /rendre.

Nous passerons ainsi de la première « naissance » à un système d’échanges économiques où ce qui est échangé n’est pas des biens (argent, richesses, choses matérielles) mais des relations sociales (être alliés, solidaires, pouvoir compter les  uns sur les autres etc.). Rien que pour cela, il serait dommage de fêter Noël à rebours de cette économie du don ! Nos cadeaux ne sont pas là pour nous faire plaisir, ni faire pression ou exiger du donnant-donnant. Les paquets enrubannés sous les sapins témoignent que nous sommes faits pour engendrer et être engendrés,  ainsi que cela se passe au cœur de la Trinité. Les réveillons à côté de la crèche ne seront pas parjures s’ils nourrissent l’affection partagée, la communauté de destin réaffirmée, le désir de faire un tout en restant plusieurs.

2. La naissance historique de Jésus de Nazareth

La deuxième naissance est la plus facile apparemment à percevoir. Le fils né de Marie, dans une mangeoire Afficher l'image d'origine(prémonitoire ! car il est à croquer ce divin enfant qui deviendra pain de vie…) : scène de famille à la rue, hélas familière sur nos écrans de télévision et dans nos villes. Pourtant, ces quelques kilos de chair recèlent une équation impossible : beaucoup verront dans cet homme quelqu’un qui partage une intimité unique avec Dieu. Jésus se révélera à la fois comme entièrement de Dieu, et pleinement humain. Jamais un homme n’aura été aussi proche de Dieu, au point de faire un avec lui. Noël passa inaperçu aux yeux de la société juive de l’époque, car cette double appartenance ne se voyait pas encore. La naissance du Verbe en notre histoire nous appelle ainsi à ouvrir les yeux sur ces commencements obscurs où l’humain et le divin se rencontrent, en des ébauches improbables.

Dans l’art, le désintéressement, la sortie de soi, l’innovation véritable…

Il y a tant de façons pour Dieu de s’incarner !

3. La naissance du Verbe en nous

Cette troisième dimension de Noël est sans aucun doute la plus méconnue des foules de la nuit du 24 décembre. C’est pourtant un thème constant de la spiritualité chrétienne que la mystique rhénane a porté au plus haut. Chacun de nous en effet peut devenir la mère de Jésus, selon sa parole en Mc 3,31 35 : « quiconque fait la volonté de mon père est pour moi un frère, une sœur, une mère ». Les témoignages des Pères de l’Église sur cette maternité spirituelle sont innombrables. Ainsi la lettre à Diognète (III° siècle) se termine en mentionnant « le Logos toujours renaissant dans le cœur des  Saints ».

« Par  Dieu  seul  se  réalise  cette  naissance.  Et  elle  s’accomplit lorsque, comme une mère,  quelqu’un conçoit,  dans  le fond  vivant  de son  cœur,  l’immortalité  de  l’Esprit.  Il enfante  par  suite  sagesse  et justice,  sainteté  et  pureté  intérieure.  Et ainsi  chacun  peut  devenir mère de  Celui  qui,  par essence,  est  tout cela,  ainsi  que le  Seigneur lui-même  l’a dit  :  ‘quiconque  fait  la volonté  de mon  Père  des  cieux, celui-là m’est une mère’ »[1].

Afficher l'image d'origine

Maître Eckhart a creusé jusqu’à l’incandescence cet appel à engendrer le Verbe au-dedans de soi :

« À la source la plus profonde, je sourds dans l’Esprit Saint ; là n’est plus qu’une vie, qu’un être, qu’une œuvre. Tout ce que Dieu met en œuvre est unité. 

«  Le Père engendre dans l’éternité le Fils, comme son image.  » Le Verbe était auprès de Dieu et Dieu était le Verbe  » : comme le même que lui et de la même nature. Mais je vais plus loin et je dis : il l’a engendré dans mon âme ! [3]C’est pourquoi il m’engendre en tant que son Fils, sans restriction. [2] »

Engendrer le Verbe en nous : qu’est-ce à dire ?

- En se tournant vers Marie, on comprendra davantage ce que cet engendrement demande de confiance (« qu’il me soit fait selon ta parole »), de silence (les neuf mois de Nazareth), de relations à réordonner (cf. la crise avec son fiancé Joseph), de déplacements à opérer (dont celui de Nazareth à Bethléem est le symbole), d’exclusion à traverser (« il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune »).

Former le Christ en nous relève de cette attention maternelle de tous les instants, pour ne pas mettre en danger mais conforter ce début de vie si intime et si différent.

- En se tournant vers le Père, on découvrira sa capacité à se donner qui est l’engendrement véritable. La troisième naissance de Noël, intérieure, nous appelle à nous donner plutôt qu’à donner des choses, des cadeaux, des subsides. À nourrir ce germe de vie divine qui s’émerveille, se reçoit, s’alimente de toute parole venant de Dieu.

Noël résonne ainsi comme notre vocation à devenir le père du Verbe, au sens de l’engendrement éternel de l’amour se communiquant. Noël nous appelle par le même mouvement à devenir la mère du Christ, comme un liquide amniotique est un écosystème où notre vie, notre identité divine puise de quoi grandir, s’épanouir, sortir vers autrui et revenir en Dieu sans jamais le quitter ni se quitter soi-même.

Le Père engendre le Fils, de toute éternité à toute éternité : c’est la première naissance de Noël.
Par amour des hommes, le Verbe est engendré en Marie : c’est la deuxième naissance de Noël.
Par amour de Dieu, je participe à l’engendrement du Verbe en moi : c’est la troisième naissance de Noël.

Que ces trois engendrements transforment notre manière de donner la vie et de la recevoir !


[1] . Saint Grégoire de Nysse, Sur la  Virginité  (2  et 13), P.G. XLVI, 324 B et  380 D.
[2] . Les justes qui se dépouillent totalement deviennent Dieu, sermon 6.
[3] . La grâce divine de l’accomplissement, sur Lc 1,26.

 

1ère lecture : Le prince de la paix (Is 9, 1-6)

Lecture du livre d’Isaïe

Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; sur ceux qui habitaient le pays de l’ombre, une lumière a resplendi.
Tu as prodigué l’allégresse, tu as fait grandir la joie : ils se réjouissent devant toi comme on se réjouit en faisant la moisson, comme on exulte en partageant les dépouilles des vaincus.
Car le joug qui pesait sur eux, le bâton qui meurtrissait leurs épaules, le fouet du chef de corvée, tu les as brisés comme au jour de la victoire sur Madiane.
Toutes les chaussures des soldats qui piétinaient bruyamment le sol, tous leurs manteaux couverts de sang, les voilà brûlés : le feu les a dévorés.
Oui ! un enfant nous est né, un fils nous a été donné ; l’insigne du pouvoir est sur son épaule ; on proclame son nom : « Merveilleux-Conseiller, Dieu-Fort,Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix ».
Ainsi le pouvoir s’étendra, la paix sera sans fin pour David et pour son royaume. Il sera solidement établi sur le droit et la justice dès maintenant et pour toujours. Voilà ce que fait l’amour invincible du Seigneur de l’univers.

Psaume : Ps 95, 1-2a, 2b-3, 11-12a, 12b-13ac

R/ Aujourd’hui, un Sauveur nous est né : c’est le Christ, le Seigneur.

Chantez au Seigneur un chant nouveau,
chantez au Seigneur, terre entière,
chantez au Seigneur et bénissez son nom !

De jour en jour, proclamez son salut,
racontez à tous les peuples sa gloire,
à toutes les nations ses merveilles !

Joie au ciel ! Exulte la terre !
Les masses de la mer mugissent,
la campagne tout entière est en fête.

Les arbres des forêts dansent de joie
devant la face du Seigneur, car il vient,
pour gouverner le monde avec justice.

2ème lecture : La grâce de Dieu s’est manifestée (Tt 2, 11-14)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre à Tite

La grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes.
C’est elle qui nous apprend à rejeter le péché et les passions d’ici-bas, pour vivre dans le monde présent en hommes raisonnable, justes et religieux,
et pour attendre le bonheur que nous espérons avoir quand se manifestera la gloire de Jésus Christ, notre grand Dieu et notre Sauveur.
Car il s’est donné pour nous afin de nous racheter de toutes nos fautes, et de nous purifier pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien.

Evangile : Naissance de Jésus (Lc 2, 1-14)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Je vous annonce une grande joie. Aujourd’hui nous est né un Sauveur : c’est le Messie, le Seigneur !Alléluia. (cf. Lc 2, 10-11)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ces jours-là, parut un édit de l’empereur Auguste, ordonnant de recenser toute la terre ; ce premier recensement eut lieu lorsque Quirinius était gouverneur de Syrie.
Et chacun allait se faire inscrire dans sa ville d’origine.
Joseph, lui aussi, quitta la ville de Nazareth en Galilée, pour monter en Judée, à la ville de David appelée Bethléem, car il était de la maison et de la descendance de David.
Il venait se faire inscrire avec Marie, son épouse, qui était enceinte.
Or, pendant qu’ils étaient là, arrivèrent les jours où elle devait enfanter.
Et elle mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune.
Dans les environs se trouvaient des bergers qui passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux.
L’ange du Seigneur s’approcha, et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière. Ils furent saisis d’une grande crainte, mais l’ange leur dit : « Ne craignez pas, car voici que je viens vous annoncer une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple :
Aujourd’hui vous est né un Sauveur, dans la ville de David. Il est le Messie, le Seigneur.
Et voilà le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. »
Et soudain, il y eut avec l’ange une troupe céleste innombrable, qui louait Dieu en disant :
« Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’il aime. »
Patrick Braud

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22 mars 2016

Vendredi Saint : paroles de crucifié

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Vendredi Saint : paroles de crucifié

Cf. également :

Vendredi Saint : La vilaine mort du Christ

Vendredi Saint : les morts oubliés

Vendredi Saint : la déréliction de Marie


Homélie du Vendredi Saint / Année C
25/03/2016

 

Charles Gounod, César Franck, Joseph Haydn, Bernard Salles : tous ces compositeurs, et bien d’autres encore, ont été inspirés par les 4 récits de la Passion du Christ. Les 7 paroles du Christ en croix connaissent beaucoup de transcriptions instrumentales ou chorales.

Non, quand nous souffrons, nous nous murons souvent dans le silence. Nous avons du mal à parler. Ou bien la douleur est si lancinante qu’elle nous domine et nous réduit à n’être plus qu’un râle sans fin.

Les évangélistes nous ont transmis 7 paroles du Christ sur la croix :

  1. Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font (Lc 23,34)
  2. En vérité, je te le dis : aujourd’hui, tu seras avec moi dans le paradis (Lc 23,43)
  3. Femme, voici ton fils. Et à Jean : Voici ta mère (Jean 19, 26-27)
  4. Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? (Mc 15,34 et Mt 27,46) crié « à voix forte » en araméen Eloï, Eloï, lama sabbaqthani ? 
  5. J’ai soif (Jn 19,28)
  6. Tout est achevé (Jn 19,30)
  7. Jésus poussa un grand cri : Père, entre tes mains je remets mon esprit (Lc 23,46).

À ces 7 paroles, il faut ajouter le grand cri final, terrifiant, que Jésus pousse en Mc 15,37.

Puisque c’est la Passion selon Jean que nous lisons en ce vendredi saint, attardons-nous un instant sur les quatre paroles johanniques. À la différence des trois autres évangiles (les synoptiques), celui de Jean nous dépeint un Jésus maître de lui, presque serein. Dominant la douleur au point de penser aux autres, à sa mission, avant de « remettre l’Esprit » (19,30).

 

« Femme voici ton fils ».

« Voici ta mère ».

Redisons-le : lorsque nous sommes à l’agonie (sauf sédation), la souffrance nous centre sur nous-mêmes au point le plus souvent de ne pouvoir être autre chose qu’une plainte vrillée dans notre chair. Ici, le Christ se décentre de lui-même et pense à sa mère, au seul ami qui ne l’a pas abandonné comme les autres. Et, avant que la mort ne dissolve tous ces liens, il va les transformer pour que les vivants puissent continuer sans lui. Il arrache Marie à sa maternité physique pour lui donner une autre maternité, dont les catholiques et les orthodoxes pensent qu’elle continue toujours à s’exercer vis-à-vis de l’Église que Jean préfigurait.

J’ai connu un homme qui était atteint d’un cancer généralisé des os. Il y a 40 ans, on ne soignait pas la phase terminale comme maintenant. Sur son lit de mort, avant de partir, malgré son calvaire il s’était tourné vers sa femme en lui demandant de lui promettre de se remarier après sa mort. L’ayant entendu dire oui à travers ses larmes, il était alors parti, apaisé de savoir celle qu’il aimait libre pour continuer sa route.

Et nous, comment rendons-nous libres ceux que nous aimons pour qu’ils continuent leur route sans nous ?

Jésus lui aussi prend soin des siens avant de mourir, mais à quel prix ! Car ce faisant, il dit à Marie qu’elle n’est plus sa mère, mais celle de Jean. Abandonné des hommes, apparemment abandonné de Dieu, Jésus associe Marie à sa déréliction et lui demande de parcourir le même chemin que lui : être dépouillé de tout. Son fils la confie à un autre en lui disant que c’est bien Jean son enfant désormais.

Le grand théologien Urs von Balthasar a écrit là-dessus des lignes inoubliables :

« De même que le Fils est abandonné par le Père, il abandonne aussi sa mère, afin que tous deux soient unis dans un commun abandon.
Par là seulement Marie est intérieurement prête à assumer la maternité ecclésiale envers tous les nouveaux frères et soeurs de Jésus. »  1

Au pied de la croix, ce Vendredi-là, Marie a été conduite à partager la propre déréliction 2 de Jésus. « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mt 27,46) se répercute et se transmet dans le « Femme, voici ton fils ».

Jésus entraîne sa mère à partager l’abandon qui le disloque lui-même.
La déréliction du fils devient celle de Marie, mère de Jean.

 

 

J’ai soif

Demande si fréquente. Tous ceux qui ont accompagné des mourants, des malades en phase terminale ont entendu cette demande. Les lèvres sèches, le corps tétanisé, celui qui souffre ressent la soif comme un besoin absolu qui éclipse tous les autres. Jésus, exposé au soleil de Palestine de l’après-midi (30° à 35°), après avoir été battu, fouetté, et porté la poutre de bois si lourde, Jésus a soif. Affaibli, il est réduit à quémander un peu d’eau. Lui, la « source d’eau vive », il accepte cette curieuse éponge imbibée de vinaigre dont on humecte ses lèvres par humanité.

Dieu sur la croix a besoin de l’homme pour étancher sa soif…

Les significations théologiques de ce « j’ai soif » sont très belles :

- l’hysope dont on se sert pour donner à boire à Jésus est une plante rituelle, aux feuilles chevelues, utilisée pour les aspersions rituelles (Lv 14,4 ; Ps 50,9). C’est donc un symbolisme liturgique, et même pascal, que Jean met en scène pour déchiffrer dans l’agonie du crucifié le vrai passage, la Pâque ultime de notre nature humaine.

- Jésus cite le psaume 69,22 : « ils m’ont donné du poison à manger, et pour boire, du vinaigre lorsque j’avais soif »Les psaumes mentionnent souvent la soif comme la caractéristique essentielle du croyant (Ps 69,22; 22,16). « Mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant : quand le verrai-je face à face ? » (Ps 42,3)
« Dieu, c’est toi mon Dieu, je te cherche, mon âme a soif de toi, après toi languit ma chair, terre sèche, altérée, sans eau. » (Ps 62,2)

C’est de cette soif dont Jésus brûle sur la croix : voir son Père face à face…

À la différence des sagesses orientales qui ont fait de l’extinction de tout désir la source de la libération de la douleur, le Christ habite intensément la douleur de vivre en ayant soif jusqu’au bout d’être en communion avec son Père.

Et nous, quelles sont nos soifs si inextinguibles qu’elles nous habiteront jusqu’à notre dernier souffle ?

 

Tout est accompli

Juste avant d’expirer, Jésus relit sa mission, ces trois années passées en Palestine et à Jérusalem, ces 30 années à Nazareth et Capharnaüm, dans un éclair : oui tout cela avait un sens, oui une cohérence très forte se dessine à travers tout cela. Même cette mort infâme sur le bois de la croix vient finalement révéler et parachever le sens ultime de ces années : accomplir. « Je suis venu à accomplir, non pas abolir » (Mt 5,17), avait dit Jésus.

C’est d’abord l’accomplissement de l’Écriture qui est visé, comme Jean vient de le rappeler une fois encore juste avant, en 19,28 pour la parole sur la soif.

Accomplir l’Écriture, c’est ouvrir à toutes les nations l’Alliance avec Dieu dont Israël est le témoin depuis Abraham.

Accomplir l’Écriture, c’est aller chercher aux enfers ceux qui sont perdus pour les ramener dans l’amitié avec Dieu.

Accomplir l’Écriture, c’est vaincre la mort pour que chaque être humain soit rendu participant de la nature divine…

Mais Jésus n’a pas dit : « l’Écriture est accomplie ». Il est allé encore plus loin : « tout est accompli ».

Tout : même ce qui n’est pas humain, même le cosmos, la création tout entière est concernée par la vie nouvelle offerte en Christ.

Tout : nos erreurs, nos élans, nos réussites, nos passions, nos doutes, nos questions, notre passé, nos amours… Tout cela est accompli en Christ au sens où tout cela prend place dans le monde nouveau qu’inaugure la résurrection de Jésus.

Puisque tout est accompli, il n’y a rien ni personne à renier, et rien ne peut nous faire désespérer de l’amour qui vient à notre rencontre.

En remettant l’Esprit (19,30) le Fils offre à toutes choses, à tout être, d’être en communion avec l’amour infini du Père.

Contre cette communion offerte, la mort ne pourra rien, sinon nous introduire dans la plénitude trinitaire…

 

Et nous, quelle est notre passion d’accomplir, de porter chaque être et chaque chose à sa plénitude ?

 

Prenons le temps de méditer ces 4 paroles du crucifié dans l’évangile de Jean.

En silence, ou portés par la musique, laissons-les nous travailler, nous transformer, nous renouveler, nous conformer au Christ sur le bois de la croix, pour ressusciter avec lui au matin de Pâques.

 

Célébration de la Passion du Seigneur
1ère lecture : « C’est à cause de nos fautes qu’il a été broyé »(Is 52, 13 – 53, 12)
Lecture du livre du prophète Isaïe

Mon serviteur réussira, dit le Seigneur ; il montera, il s’élèvera, il sera exalté ! La multitude avait été consternée en le voyant, car il était si défiguré qu’il ne ressemblait plus à un homme ; il n’avait plus l’apparence d’un fils d’homme. Il étonnera de même une multitude de nations ; devant lui les rois resteront bouche bée, car ils verront ce que, jamais, on ne leur avait dit, ils découvriront ce dont ils n’avaient jamais entendu parler.

Qui aurait cru ce que nous avons entendu ? Le bras puissant du Seigneur, à qui s’est-il révélé ? Devant lui, le serviteur a poussé comme une plante chétive, une racine dans une terre aride ; il était sans apparence ni beauté qui attire nos regards, son aspect n’avait rien pour nous plaire. Méprisé, abandonné des hommes, homme de douleurs, familier de la souffrance, il était pareil à celui devant qui on se voile la face ; et nous l’avons méprisé, compté pour rien. En fait, c’étaient nos souffrances qu’il portait, nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous pensions qu’il était frappé, meurtri par Dieu, humilié. Or, c’est à cause de nos révoltes qu’il a été transpercé, à cause de nos fautes qu’il a été broyé. Le châtiment qui nous donne la paix a pesé sur lui : par ses blessures, nous sommes guéris. Nous étions tous errants comme des brebis, chacun suivait son propre chemin. Mais le Seigneur a fait retomber sur lui nos fautes à nous tous.

Maltraité, il s’humilie, il n’ouvre pas la bouche : comme un agneau conduit à l’abattoir, comme une brebis muette devant les tondeurs, il n’ouvre pas la bouche. Arrêté, puis jugé, il a été supprimé. Qui donc s’est inquiété de son sort ? Il a été retranché de la terre des vivants, frappé à mort pour les révoltes de son peuple. On a placé sa tombe avec les méchants, son tombeau avec les riches ; et pourtant il n’avait pas commis de violence, on ne trouvait pas de tromperie dans sa bouche. Broyé par la souffrance, il a plu au Seigneur. S’il remet sa vie en sacrifice de réparation, il verra une descendance, il prolongera ses jours : par lui, ce qui plaît au Seigneur réussira.

Par suite de ses tourments, il verra la lumière, la connaissance le comblera. Le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes, il se chargera de leurs fautes. C’est pourquoi, parmi les grands, je lui donnerai sa part, avec les puissants il partagera le butin, car il s’est dépouillé lui-même jusqu’à la mort, et il a été compté avec les pécheurs, alors qu’il portait le péché des multitudes et qu’il intercédait pour les pécheurs.

Psaume : 30 (31), 2ab.6, 12, 13-14ad, 15-16, 17.25
R/ Ô Père, en tes mains je remets mon esprit. (cf. Lc 23, 46)

En toi, Seigneur, j’ai mon refuge ;
garde-moi d’être humilié pour toujours.
En tes mains je remets mon esprit ;
tu me rachètes, Seigneur, Dieu de vérité.

Je suis la risée de mes adversaires
et même de mes voisins ;
je fais peur à mes amis,
s’ils me voient dans la rue, ils me fuient.

On m’ignore comme un mort oublié,
comme une chose qu’on jette.
J’entends les calomnies de la foule :
ils s’accordent pour m’ôter la vie.

Moi, je suis sûr de toi, Seigneur,
je dis : « Tu es mon Dieu ! »
Mes jours sont dans ta main : délivre-moi
des mains hostiles qui s’acharnent.

Sur ton serviteur, que s’illumine ta face ;
sauve-moi par ton amour.
Soyez forts, prenez courage,
vous tous qui espérez le Seigneur !

2ème lecture : Il apprit l’obéissance et il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel (He 4, 14-16 ; 5, 7-9)
Lecture de la lettre aux Hébreux

Frères, en Jésus, le Fils de Dieu, nous avons le grand prêtre par excellence, celui qui a traversé les cieux ; tenons donc ferme l’affirmation de notre foi. En effet, nous n’avons pas un grand prêtre incapable de compatir à nos faiblesses, mais un grand prêtre éprouvé en toutes choses, à notre ressemblance, excepté le péché. Avançons-nous donc avec assurance vers le Trône de la grâce, pour obtenir miséricorde et recevoir, en temps voulu, la grâce de son secours.  Le Christ, pendant les jours de sa vie dans la chair, offrit, avec un grand cri et dans les larmes, des prières et des supplications à Dieu qui pouvait le sauver de la mort, et il fut exaucé en raison de son grand respect. Bien qu’il soit le Fils, il apprit par ses souffrances l’obéissance et, conduit à sa perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel.

Evangile : Passion de notre Seigneur Jésus Christ (Jn 18, 1 – 19, 42)

Acclamation :

Le Christ s’est anéanti, prenant la condition de serviteur.
Pour nous, le Christ est devenu obéissant,
jusqu’à la mort, et la mort de la croix.
C’est pourquoi Dieu l’a exalté :
il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom.
Le Christ s’est anéanti, prenant la condition de serviteur. 
(cf. Ph 2, 8-9)

La Passionde notre Seigneur Jésus Christ selon saint Jean

Indications pour la lecture dialoguée : les sigles désignant les divers interlocuteurs sont les suivants :
X = Jésus ; L = Lecteur ; D = Disciples et amis ; F = Foule ; A = Autres personnages.

L. En ce temps-là, après le repas, Jésus sortit avec ses disciples et traversa le torrent du Cédron ; il y avait là un jardin, dans lequel il entra avec ses disciples. Judas, qui le livrait, connaissait l’endroit, lui aussi, car Jésus et ses disciples s’y étaient souvent réunis. Judas, avec un détachement de soldats ainsi que des gardes envoyés par les grands prêtres et les pharisiens, arrive à cet endroit. Ils avaient des lanternes, des torches et des armes. Alors Jésus, sachant tout ce qui allait lui arriver, s’avança et leur dit : X « Qui cherchez-vous? » L. Ils lui répondirent : F. « Jésus le Nazaréen. » L. Il leur dit : X « C’est moi, je le suis. » L. Judas, qui le livrait, se tenait avec eux. Quand Jésus leur répondit : « C’est moi, je le suis », ils reculèrent, et ils tombèrent à terre. Il leur demanda de nouveau : X « Qui cherchez-vous? » L. Ils dirent : F. « Jésus le Nazaréen. » L. Jésus répondit : X « Je vous l’ai dit : c’est moi, je le suis.Si c’est bien moi que vous cherchez,ceux-là, laissez-les partir. » L. Ainsi s’accomplissait la parole qu’il avait dite : « Je n’ai perdu aucun de ceux que tu m’as donnés. » Or Simon-Pierre avait une épée ; il la tira, frappa le serviteur du grand prêtre et lui coupa l’oreille droite. Le nom de ce serviteur était Malcus. Jésus dit à Pierre : X « Remets ton épée au fourreau.La coupe que m’a donnée le Père,vais-je refuser de la boire ? » L. Alors la troupe, le commandant et les gardes juifs se saisirent de Jésus et le ligotèrent. Ils l’emmenèrent d’abord chez Hanne, beau-père de Caïphe, qui était grand prêtre cette année-là. Caïphe était celui qui avait donné aux Juifs ce conseil : « Il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple. »  Or Simon-Pierre, ainsi qu’un autre disciple, suivait Jésus. Comme ce disciple était connu du grand prêtre, il entra avec Jésus dans le palais du grand prêtre. Pierre se tenait près de la porte, dehors. Alors l’autre disciple – celui qui était connu du grand prêtre – sortit, dit un mot à la servante qui gardait la porte, et fit entrer Pierre. Cette jeune servante dit alors à Pierre : A. « N’es-tu pas, toi aussi, l’un des disciples de cet homme ? » L. Il répondit : D. « Non, je ne le suis pas ! » L. Les serviteurs et les gardes se tenaient là ; comme il faisait froid, ils avaient fait un feu de braise pour se réchauffer. Pierre était avec eux, en train de se chauffer. Le grand prêtre interrogea Jésus sur ses disciples et sur son enseignement. Jésus lui répondit : X « Moi, j’ai parlé au monde ouvertement.J’ai toujours enseigné à la synagogue et dans le Temple,là où tous les Juifs se réunissent,et je n’ai jamais parlé en cachette.Pourquoi m’interroges-tu?Ce que je leur ai dit, demande-leà ceux qui m’ont entendu.Eux savent ce que j’ai dit. » L. À ces mots, un des gardes, qui était à côté de Jésus, lui donna une gifle en disant : A. « C’est ainsi que tu réponds au grand prêtre ! » L. Jésus lui répliqua : X « Si j’ai mal parlé,montre ce que j’ai dit de mal.Mais si j’ai bien parlé,pourquoi me frappes-tu? » L. Hanne l’envoya, toujours ligoté, au grand prêtre Caïphe.  Simon-Pierre était donc en train de se chauffer. On lui dit : A. « N’es-tu pas, toi aussi, l’un de ses disciples ? » L. Pierre le nia et dit : D. « Non, je ne le suis pas ! » L. Un des serviteurs du grand prêtre, parent de celui à qui Pierre avait coupé l’oreille, insista : A. « Est-ce que moi, je ne t’ai pas vu dans le jardin avec lui ? » L. Encore une fois, Pierre le nia. Et aussitôt un coq chanta.  Alors on emmène Jésus de chez Caïphe au Prétoire. C’était le matin. Ceux qui l’avaient amené n’entrèrent pas dans le Prétoire, pour éviter une souillure et pouvoir manger l’agneau pascal. Pilate sortit donc à leur rencontre et demanda : A. « Quelle accusation portez-vous contre cet homme ? » L. Ils lui répondirent : F. « S’il n’était pas un malfaiteur, nous ne t’aurions pas livré cet homme. » L. Pilate leur dit : A. « Prenez-le vous-mêmes et jugez-le suivant votre loi. » L. Les Juifs lui dirent : F. « Nous n’avons pas le droit de mettre quelqu’un à mort. » L. Ainsi s’accomplissait la parole que Jésus avait dite pour signifier de quel genre de mort il allait mourir. Alors Pilate rentra dans le Prétoire ; il appela Jésus et lui dit : A. « Es-tu le roi des Juifs ? » L. Jésus lui demanda : X « Dis-tu cela de toi-même,Ou bien d’autres te l’ont dit à mon sujet ? » L. Pilate répondit : A. « Est-ce que je suis juif, moi ? Ta nation et les grands prêtres t’ont livré à moi : qu’as-tu donc fait ? » L. Jésus déclara : X « Ma royauté n’est pas de ce monde ;si ma royauté était de ce monde,j’aurais des gardes qui se seraient battuspour que je ne sois pas livré aux Juifs.En fait, ma royauté n’est pas d’ici. » L. Pilate lui dit : A. « Alors, tu es roi ? » L. Jésus répondit : X « C’est toi-mêmequi dis que je suis roi.Moi, je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci :rendre témoignage à la vérité.Quiconque appartient à la véritéécoute ma voix. » L. Pilate lui dit : A. « Qu’est-ce que la vérité ? » L. Ayant dit cela, il sortit de nouveau à la rencontre des Juifs, et il leur déclara : A. « Moi, je ne trouve en lui aucun motif de condamnation. Mais, chez vous, c’est la coutume que je vous relâche quelqu’un pour la Pâque : voulez-vous donc que je vous relâche le roi des Juifs ? » L. Alors ils répliquèrent en criant : F. « Pas lui ! Mais Barabbas ! » L. Or ce Barabbas était un bandit.  Alors Pilate fit saisir Jésus pour qu’il soit flagellé. Les soldats tressèrent avec des épines une couronne qu’ils lui posèrent sur la tête ; puis ils le revêtirent d’un manteau pourpre. Ils s’avançaient vers lui et ils disaient : F. « Salut à toi, roi des Juifs ! » L. Et ils le giflaient.  Pilate, de nouveau, sortit dehors et leur dit : A. « Voyez, je vous l’amène dehors pour que vous sachiez que je ne trouve en lui aucun motif de condamnation. » L. Jésus donc sortit dehors, portant la couronne d’épines et le manteau pourpre. Et Pilate leur déclara : A. « Voici l’homme. » L. Quand ils le virent, les grands prêtres et les gardes se mirent à crier : F. « Crucifie-le! Crucifie-le! » L. Pilate leur dit : A. « Prenez-le vous-mêmes, et crucifiez-le ; moi, je ne trouve en lui aucun motif de condamnation. » L. Ils lui répondirent : F. « Nous avons une Loi, et suivant la Loi il doit mourir, parce qu’il s’est fait Fils de Dieu. » L. Quand Pilate entendit ces paroles, il redoubla de crainte. Il rentra dans le Prétoire, et dit à Jésus : A. « D’où es-tu? » L. Jésus ne lui fit aucune réponse. Pilate lui dit alors : A. « Tu refuses de me parler, à moi ? Ne sais-tu pas que j’ai pouvoir de te relâcher, et pouvoir de te crucifier ? » L. Jésus répondit : X « Tu n’aurais aucun pouvoir sur moisi tu ne l’avais reçu d’en haut ;c’est pourquoi celui qui m’a livré à toiporte un péché plus grand. » L. Dès lors, Pilate cherchait à le relâcher ; mais des Juifs se mirent à crier : F. « Si tu le relâches, tu n’es pas un ami de l’empereur. Quiconque se fait roi s’oppose à l’empereur. » L. En entendant ces paroles, Pilate amena Jésus au-dehors; il le fit asseoir sur une estrade au lieu dit le Dallage – en hébreu : Gabbatha. C’était le jour de la Préparation de la Pâque, vers la sixième heure, environ midi. Pilate dit aux Juifs : A. « Voici votre roi. » L. Alors ils crièrent : F. « À mort ! À mort ! Crucifie-le! » L. Pilate leur dit : A. « Vais-je crucifier votre roi ? » L. Les grands prêtres répondirent : F. « Nous n’avons pas d’autre roi que l’empereur. » L. Alors, il leur livra Jésus pour qu’il soit crucifié.  Ils se saisirent de Jésus. Et lui-même, portant sa croix, sortit en direction du lieu dit Le Crâne (ou Calvaire), qui se dit en hébreu Golgotha. C’est là qu’ils le crucifièrent, et deux autres avec lui, un de chaque côté, et Jésus au milieu. Pilate avait rédigé un écriteau qu’il fit placer sur la croix ; il était écrit : « Jésus le Nazaréen, roi des Juifs. » Beaucoup de Juifs lurent cet écriteau, parce que l’endroit où l’on avait crucifié Jésus était proche de la ville, et que c’était écrit en hébreu, en latin et en grec. Alors les grands prêtres des Juifs dirent à Pilate : F. « N’écris pas : “Roi des Juifs” ; mais : “Cet homme a dit : Je suis le roi des Juifs.” » L. Pilate répondit : A. « Ce que j’ai écrit, je l’ai écrit. »  L. Quand les soldats eurent crucifié Jésus, ils prirent ses habits ; ils en firent quatre parts, une pour chaque soldat. Ils prirent aussi la tunique ; c’était une tunique sans couture, tissée tout d’une pièce de haut en bas. Alors ils se dirent entre eux : A. « Ne la déchirons pas, désignons par le sort celui qui l’aura. » L. Ainsi s’accomplissait la parole de l’Écriture : Ils se sont partagé mes habits ;ils ont tiré au sort mon vêtement. C’est bien ce que firent les soldats.  Or, près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la sœur de sa mère, Marie, femme de Cléophas, et Marie Madeleine. Jésus, voyant sa mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : X « Femme, voici ton fils. » L. Puis il dit au disciple : X « Voici ta mère. » L. Et à partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui. Après cela, sachant que tout, désormais, était achevé pour que l’Écriture s’accomplisse jusqu’au bout, Jésus dit : X « J’ai soif. » L. Il y avait là un récipient plein d’une boisson vinaigrée. On fixa donc une éponge remplie de ce vinaigre à une branche d’hysope, et on l’approcha de sa bouche. Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit : X « Tout est accompli. » L. Puis, inclinant la tête, il remit l’esprit.  (Ici on fléchit le genou, et on s’arrête un instant.)  Comme c’était le jour de la Préparation (c’est-à-dire le vendredi), il ne fallait pas laisser les corps en croix durant le sabbat, d’autant plus que ce sabbat était le grand jour de la Pâque. Aussi les Juifs demandèrent à Pilate qu’on enlève les corps après leur avoir brisé les jambes. Les soldats allèrent donc briser les jambes du premier, puis de l’autre homme crucifié avec Jésus. Quand ils arrivèrent à Jésus, voyant qu’il était déjà mort, ils ne lui brisèrent pas les jambes, mais un des soldats avec sa lance lui perça le côté ; et aussitôt, il en sortit du sang et de l’eau. Celui qui a vu rend témoignage, et son témoignage est véridique ; et celui-là sait qu’il dit vrai afin que vous aussi, vous croyiez. Cela, en effet, arriva pour que s’accomplisse l’Écriture : Aucun de ses os ne sera brisé. Un autre passage de l’Écriture dit encore : Ils lèveront les yeux vers celui qu’ils ont transpercé.  Après cela, Joseph d’Arimathie, qui était disciple de Jésus, mais en secret par crainte des Juifs, demanda à Pilate de pouvoir enlever le corps de Jésus. Et Pilate le permit. Joseph vint donc enlever le corps de Jésus. Nicodème – celui qui, au début, était venu trouver Jésus pendant la nuit – vint lui aussi ; il apportait un mélange de myrrhe et d’aloès pesant environ cent livres. Ils prirent donc le corps de Jésus, qu’ils lièrent de linges, en employant les aromates selon la coutume juive d’ensevelir les morts. À l’endroit où Jésus avait été crucifié, il y avait un jardin et, dans ce jardin, un tombeau neuf dans lequel on n’avait encore déposé personne. À cause de la Préparation de la Pâque juive, et comme ce tombeau était proche, c’est là qu’ils déposèrent Jésus.
Patrick BRAUD

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27 octobre 2012

Bartimée et Jésus : les deux fois deux fils

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Bartimée et Jésus : les deux fois deux fils

Homélie du 30° dimanche ordinaire Année B
28/10/12

 

Le fils de Timée et le Fils de David

L’épisode de la rencontre de Jésus et de Bartimée à la sortie de Jéricho est célèbre (Mc 10,46-52). On y voit souvent une preuve de la puissance du Christ. Ou son désir de réintégrer socialement tous les exclus qui comme cet aveugle restent au bord de la route au sens propre comme au sens figuré. Ou on y lit avec raison le symbole du baptisé qui quitte ses aveuglement pour suivre Jésus sur la voie de l’évangile.

On peut aussi y voir la rencontre de deux fils, l’un donnant à l’autre d’assumer sa filiation.
Voyons comment.

Les noms bibliques ont une signification.

Ils ne sont jamais là par hasard dans un texte de la Bible, comme les chiffres d’ailleurs.

Bartimée et Jésus : les deux fois deux fils dans Communauté spirituelleJéricho par exemple, vient du nom hébreu : lune (« jareah »). Jéricho est donc la ‘ville de la lune’ en hébreu. Or la lune croît et décroît, elle change sans cesse (par opposition au soleil) : elle est devenue dans le monde de Jésus le symbole de la disparition et du déclin. L’évangéliste Marc précise bien que Jésus sort de Jéricho avec ses disciples : symboliquement c’est l’invitation à sortir de nos déclins, à ne pas se résigner à la disparition.

       Sortir d’une logique dépressive du déclin, c’est par exemple reconnaître que notre Église est bien vivante, et se renouvelle en profondeur. Nous sommes à l’image de cette foule « assez nombreuse » (traduction plus exacte du texte) qui entoure Jésus dans le passage d’aujourd’hui : ni majoritaire, ni marginale. Une foule qui va apprendre à être instrument du salut en transmettant l’appel du Christ à l’aveugle.

         Sortir de Jéricho est aussi l’invitation à quitter nos déclins intérieurs : lorsque décline notre soif de Dieu, notre soif de vivre ; lorsque baisse l’intensité de notre amour pour Dieu, l’intensité de notre amour pour les autres, sortons de ces Jérichos-là avec le Christ ! Quittons nos logiques dépressives…

D’autant plus que Jésus se met en route vers Jérusalem : autre nom symbolique.

Yerou-shalaïm : la ville de la paix (shalom) ou de la plénitude (shelemout). Jésus passe de Jéricho à Jérusalem : il nous fait passer avec lui du déclin à la paix, de la disparition à la plénitude.

       Deux autres noms ont toute leur importance dans ce texte : « Bar-timée » et « fils de David ».

C’est tellement important que Marc précise : « Bar-Timée » c’est le fils de Timée. Or Timée vient d’une racine grecque qui signifie : « châtiment ». Bar-Timée est donc le fils du châtiment ; ce que traduit bien hélas sa condition d’aveugle, puisqu’à l’époque beaucoup croyaient que la cécité était un châtiment de Dieu (ce que Jésus ne cessera de dénoncer).

Le fils de Timée croise le « fils de David ». Et David veut dire : « Bien Aimé ». Voici donc que le fils du châtiment rencontre le fils Bien Aimé !

Choc terrible : qui va l’emporter : la peur du châtiment ou la foi en la puissance de l’amour ?

La peur ou la foi ? : dilemme terriblement actuel !

Lorsque des intégristes religieux de tous bords voudraient revenir à la peur comme moteur de la conversion vers Dieu.

Lorsque les questions de violence sociale (dans nos écoles ou nos cités) risquent d’être instrumentalisées dans les débats politiques.

Les Évêques français appellent depuis longtemps à revaloriser la famille comme lieu primordial  d’éducation à la confiance : « la famille est le premier lieu où les hommes et les femmes apprennent la confiance en eux-mêmes et la confiance dans les autres » (Message du 18/10/2006). On croirait entendre la « foule – Église » de notre évangile, qui finalement transmet au fils de Timée l’appel du Fils de David : « confiance, lève-toi, il t’appelle ».

20030919142921_medium amour dans Communauté spirituelle         La rencontre des 2 fils d’aujourd’hui nous fait passer de la peur du châtiment à la confiance en l’amour : « ta foi t’a sauvé » constate Jésus, dont le nom signifie justement : « Dieu sauve ». A la fin du récit, l’aveugle n’est plus le fils de Timée mendiant assis au bord de la route, mais un homme – enfin ! – qui suit Jésus sur la route. Il a changé de filiation.

         Et vous : êtes-vous fils de Timée ou de David ?

C’est si important de savoir de qui on est le fils / la fille…

Dans la préparation au mariage, c’est toujours une étape capitale du dialogue avec les fiancés : de qui êtes-vous l’enfant ? Comment ces 2 filiations vont-elles pouvoir se rencontrer ? Au prix de quelle conversions personnelles ? Moyennant quelles guérisons du passé familial de chacun ?

Le fils du châtiment croise le fils du Bien Aimé, et la confiance d’emporte alors sur la peur.

Souvenez-vous des 2 autres fils de Mc 10,35-45 (juste avant notre passage sur Bartimée) : les fils de Zébédée, dont le nom signifie « mon cadeau » étaient en train de renier leur père puisque justement ils voulaient s’approprier les 1° places, au lieu de recevoir « comme un cadeau » la place que Jésus leur donnerait.

Que dois-je assumer dans la filiation qui est la mienne, à l’image des fils de Zébédée ?

Quelle guérison y a-t-il à entreprendre dans cette filiation, à l’image du fils de Timée ?

Quelle promesse ma filiation contient-elle, à l’image du Fils de David ?

         Impossible de nous rencontrer en vérité, sans violence, si nous ne savons pas de qui nous sommes le fils / la fille !

         Que l’Esprit du Christ, qui continue d’agir dans son Église comme autrefois dans la foule, nous donne d’entendre chacun personnellement, l’appel du Christ transmis par la foule : « Confiance ! Que tu sois fils de l’amour ou du hasard, de la promesse ou de la peur, confiance, lève-toi, il t’appelle ».

 

 

 

1ère lecture : Retour joyeux des rescapés d’Israël (Jr 31, 7-9)

Lecture du livre de Jérémie

Ainsi parle le Seigneur : Poussez des cris de joie pour Jacob, acclamez la première des nations ! Faites résonner vos louanges et criez tous : « Seigneur, sauve ton peuple, le reste d’Israël ! »
Voici que je les fais revenir du pays du Nord, et que je les rassemble des extrémités du monde. Il y a même parmi eux l’aveugle et le boiteux, la femme enceinte et la jeune accouchée ; c’est une grande assemblée qui revient.
Ils étaient partis dans les larmes, dans les consolations je les ramène ; je vais les conduire aux eaux courantes par un bon chemin où ils ne trébucheront pas. Car je suis un père pour Israël, Éphraïm est mon fils aîné. Parole du Seigneur.

Psaume : 125, 1-2ab, 2cd-3, 4-5, 6

R/ Le Seigneur a fait merveille : nous voici dans la joie.

Quand le Seigneur ramena les captifs à Sion,
nous étions comme en rêve !
Alors notre bouche était pleine de rires,
nous poussions des cris de joie ; 

Alors on disait parmi les nations : 
« Quelles merveilles fait pour eux le Seigneur ! » 
Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous : 
nous étions en grande fête ! 

Ramène, Seigneur, nos captifs, 
comme les torrents au désert. 
Qui sème dans les larmes 
moissonne dans la joie. 

Il s’en va, il s’en va en pleurant, 
il jette la semence ; 
il s’en vient, il s’en vient dans la joie, 
il rapporte les gerbes.

2ème lecture : Jésus, grand prêtre à la manière de Melkisédek (He 5, 1-6)

Lecture de la lettre aux Hébreux

Le grand prêtre est toujours pris parmi les hommes, et chargé d’intervenir en faveur des hommes dans leurs relations avec Dieu ; il doit offrir des dons et des sacrifices pour les péchés. Il est en mesure de comprendre ceux qui pèchent par ignorance ou par égarement, car il est, lui aussi, rempli de faiblesse ; et, à cause de cette faiblesse, il doit offrir des sacrifices pour ses propres péchés comme pour ceux du peuple. On ne s’attribue pas cet honneur à soi-même, on le reçoit par appel de Dieu, comme Aaron.
Il en est bien ainsi pour le Christ : quand il est devenu grand prêtre, ce n’est pas lui-même qui s’est donné cette gloire ; il l’a reçue de Dieu, qui lui a dit : Tu es mon Fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré, et qui déclare dans un autre psaume : Tu es prêtre pour toujours selon le sacerdoce de Melkisédek.

Evangile : Guérison d’un aveugle à Jéricho (Mc 10, 46-52)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Béni soit le Seigneur notre Dieu : sur ceux qui habitent les ténèbres, il a fait resplendir sa lumière. Alléluia.(cf. Lc 1, 68.79)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Tandis que Jésus sortait de Jéricho avec ses disciples et une foule nombreuse, un mendiant aveugle, Bartimée, le fils de Timée, était assis au bord de la route.
Apprenant que c’était Jésus de Nazareth, il se mit à crier : « Jésus, fils de David, aie pitié de moi ! »
Beaucoup de gens l’interpellaient vivement pour le faire taire, mais il criait de plus belle : « Fils de David, aie pitié de moi ! »
Jésus s’arrête et dit : « Appelez-le. » On appelle donc l’aveugle, et on lui dit : « Confiance, lève-toi ; il t’appelle. »
L’aveugle jeta son manteau, bondit et courut vers Jésus.
Jésus lui dit : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? ? Rabbouni, que je voie. »
Et Jésus lui dit : « Va, ta foi t’a sauvé. » Aussitôt l’homme se mit à voir, et il suivait Jésus sur la route.
Patrick Braud

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