L'homélie du dimanche (prochain)

8 octobre 2023

Quand le travail ou l’habit nous coupent de Dieu

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Quand le travail ou l’habit nous coupent de Dieu

Homélie pour le 28° Dimanche du temps ordinaire / Année A
15/10/2023

Cf. également :
Paul et Coldplay, façon Broken
Le festin obligé
Tenue de soirée exigée…

Allez venez, Milord
Un festin par-dessus le marché
Je vis tranquille au milieu des miens
La sobriété heureuse en mode Jésus
Ecclésia permixta


Une fois n’est pas coutume, nous reproduisons ici l’excellente prédication du Pasteur Louis Pernot du 17/06/2018, de l’Église protestante Unie de l’Étoile (75017, Paris), qui parcourt les différentes interprétations possibles de la parabole de ce dimanche (Mt 22,1-14) [1].

La parabole des noces est particulièrement difficile, il y est question de gens égorgés pour avoir refusé l’invitation du maître, et dans la version de Matthieu se trouve la difficile question du cas du pauvre invité qui n’avait pas d’habit de noce à se mettre et qui se trouve chassé dehors. Comme pour toute parabole, il n’y a pas une seule explication, mais une multitude, et on peut donc en présenter quelques-unes.

Lecture historique
Parabole des invités à la noce (Évangile)
La première est une lecture historico-critique, c’est celle que l’on trouve le plus souvent dans les commentaires protestants d’aujourd’hui, et c’est peut-être la moins intéressante. Elle consiste à replacer la parabole dans le contexte dans lequel elle a été écrite (certains pensant même qu’elle ne serait pas l’œuvre du Christ, mais d’un rédacteur postérieur issu d’une des premières communautés chrétiennes). On se trouvait donc dans une situation historique de conflit entre les juifs et les chrétiens qui ouvraient leurs portes aux non juifs. Ainsi on verrait Dieu qui inviterait d’abord les juifs dans son programme de salut lié au Christ qui est l’époux, mais ceux-ci ne voulant pas, finalement, Dieu les renvoie dans leurs ténèbres et ouvre le Royaume aux païens.

Peut-être est-ce juste, mais cela n’a aucun intérêt herméneutique pour nous aujourd’hui. Nous ne sommes plus dans cette situation, et cette lecture ne peut donner aucun sens à notre vie. Il faut donc la laisser aux historiens s’ils en veulent.

 
Lecture sociale
Quand le travail ou l'habit nous coupent de Dieu dans Communauté spirituelle QWZT4GSSIVBD5CJJRDV2YVE3P4
Dans les années 70, il y a eu une mode de chercher dans l’Évangile des leçons de politique. On a alors pu faire une lecture sociale de cette parabole. Cette lecture pour séduisante qu’elle peut être est encore plus dangereuse que la précédente parce qu’elle semble donner du sens. Le banquet est alors vu comme l’image d’un pays, d’une société. Tout le monde y est bienvenu, il n’y a pas de mérite à faire partie d’un pays et il ne doit pas y avoir d’examen d’entrée, tout le monde étant accueilli, « méchants et bons ». Cela fait plaisir à ceux qui ont une sensibilité de gauche, mais les autres se réjouiront de la fin : l’invité qui est renvoyé parce qu’il n’avait pas d’habit de noces nous montre que ce n’est pas le tout d’être accueilli, il faut encore respecter les modes de vies et les manières de la société dans laquelle on prétend être, il faut en respecter le codes, sinon on s’exclue soi-même ; on ne peut pas profiter d’un pays sans en suivre les règles et les normes sociales. Cette histoire de vêtement risque de résonner particulièrement dans notre société actuelle où se pose la question du port du voile islamique, et tendrait alors à dire qu’il ne faudrait pas le tolérer.

Mais ce genre de lecture est malhonnête, elle consiste à faire dire au texte ce qu’il ne veut pas dire. Les problématiques sociales ou politiques sont différentes, les contextes ne sont pas les mêmes, il ne faut pas instrumentaliser la Bible pour la mettre au service de ses propres convictions politiques.

 
Lecture ecclésiologique
le bon grain et l'ivraie : une Eglise mélangée
Dans les débuts du christianisme, les Pères de l’Église faisaient, eux, de cette parabole une lecture ecclésiologique. Ce banquet de noces était vu comme une image de l’Église rassemblant des fidèles autour du Christ qui est l’époux. Se pose alors la question de savoir qui peut faire partie de l’Église. A priori, Dieu préférerait que ce soit les justes. Mais comme tous ne veulent pas faire partie de l’Église alors il invite largement « méchants et bons ». La condition d’appartenance à l’Église n’est donc pas un jugement moral ou sur les œuvres, mais simplement de se sentir appelé. C’est ainsi que l’Église n’est pas une communauté de purs, mais un corpus permixtum selon l’expression de saint Augustin : un corps mélangé de bons et de mauvais. Mais on voit que bon ou mauvais, il y a une seule condition pour être accepté dans l’Église : revêtir le vêtement de noces, habit que les Pères de l’Église regardaient comme étant le vêtement blanc du baptême. Ainsi pour eux, tout le monde est appelé à faire partie de l’Église, bons et mauvais, et pour en faire partie, il faut être baptisé.

 
Lecture apocalyptique
On en arrive alors à une lecture que l’on pourrait appeler apocalyptique, ou eschatologique, c’est-à-dire où l’enjeu ne serait non pas l’appartenance à l’Église comme institution ou société, mais d’être accueilli dans le Royaume de Dieu, d’avoir la chance d’être dans la présence de Dieu, et ainsi de trouver cette joie, cette communauté chaleureuse et nourrissante réunie autour du maître pour participer à une fête donnant plénitude, bonheur et communion fraternelle.

Noces festin dans Communauté spirituelleCette présentation du Royaume comme un banquet de noces est déjà en soi une affirmation importante : Dieu ne nous demande pas des privations, des renoncements, des souffrances pour mériter d’être accueilli par lui, mais simplement d’accepter de venir, et sa présence est ensuite une fête.

C’est certes une bonne nouvelle mais cela peut aussi nous interroger sur notre vie spirituelle : est-ce que la religion, la foi dans notre, vie sont vécues comme des pensum, des obligations, des contraintes ? La vérité c’est que la foi dans notre vie doit être non pas de l’ordre du devoir, mais comme une source de joie extraordinaire.

Reste donc la question de savoir comment accéder à cette joie extraordinaire d’être dans cette fête qui est la présence de Dieu, quelles sont les conditions pour en faire partie ?

Il ne faut pas aller trop vite dans l’universalisme, certes, à la fin tout le monde est invité, mais on voit au début que Dieu privilégie tout de même ceux qui sont les plus proches de lui. Il y en a tout certains qui sont invités avant les autres : ceux sans doute qui ont une vie plutôt bien réglée, ou qui sont, culturellement, familialement ou traditionnellement proches de la religion, de la foi ou de Dieu. Mais la parabole nous montre ce que nous observons souvent, c’est que ceux qui sont a priori les plus baignés dans la foi chrétienne en négligent souvent les dons et n’en reconnaissent pas les merveilles, ils les méprisent ou les sous-estiment, tout cela leur semblant ordinaire. Tant pis pour eux, ils s’excluent eux-mêmes de la joie du Royaume. Pour en bénéficier, il ne suffit pas d’être d’une famille chrétienne, il faut vouloir soi-même s’extraire un temps de son activité, de son commerce, de ses loisirs pour aller concrètement dans la présence de Dieu, prendre conscience de la chance d’être invité et entrer dans la noce.

Ce problème de notre temps était donc déjà celui du temps de Jésus et c’est pourquoi il fustige souvent les pharisiens, professionnels de la pratique religieuse, incapables de voir la joie que peut donner la grâce de Dieu, et il leur dit ainsi : « beaucoup de prostitués et de péagers vous devanceront dans le royaume de Dieu… ». Parce que ces pécheurs, eux, ils sont capables de recevoir et ils savent que Dieu a beaucoup à leur donner. La parabole va même très loin, puisqu’elle dit que ceux qui avaient le plus de raisons d’être invités en premier finalement n’étaient « pas dignes  » de ce banquet. Ainsi la seule dignité que nous pouvons avoir n’est pas notre mérite personnel ou notre bonne situation, sociale ou religieuse, notre bonne pratique, mais la disponibilité par rapport à Dieu, accepter de recevoir quelque chose de lui. La joie du Royaume ne vient pas de nos propres mérites, mais de notre capacité à nous ouvrir à ce que Dieu nous donne par grâce. C’est une révolution absolue dans la manière de voir la valeur spirituelle de notre vie.

 
Maintenant les punitions…
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Cela dit les punitions du verset 7 semblent montrer un Dieu tout à fait éloigné de l’image de bonté et de grâce que nous avons. Mais comme souvent, quand la Bible nous montre ainsi ce qui semble des punitions divines, il faut comprendre qu’il s’agit plutôt de mises en garde concernant les conséquences de certains comportements ou façons d’être ou de penser, conséquences inévitables plutôt que punitions rageuses d’un Dieu jaloux. La vérité, c’est que celui qui refuse la joie qu’on lui propose se condamne lui-même à la tristesse. Dieu veut accueillir tout le monde dans sa présence, mais celui qui refuse de répondre à cet appel, évidemment que Dieu ne le fera pas venir de force. Celui qui refuse la vie éternelle pour ne rester que dans une sorte d’égoïsme animal n’est pas tué par Dieu, mais restant dans le règne animal mourra comme un animal qu’il est. Et n’être mû que pas son propre intérêt pour ses activités matérielles, son plaisir, refusant d’entrer en relation avec d’autres, même sans utilité, pour le simple plaisir de la relation, ne permet pas de construire une « ville ». Une société ne peut pas tenir uniquement sur des motivations utilitaires et égoïstes. Il y a là quelque chose d’infiniment vrai dans l’avertissement des conséquences du refus de prendre part au banquet.

 
Et le plus gros problème : le vêtement de noces.
Robe de mariée traditionnelle chinoise
Mais par contre, il semble plus difficile de défendre l’attitude du maître qui après avoir invité tout le monde renvoie dehors le convive ne possédant pas l’habit de noces. On imagine l’injustice vis-à-vis de ce pauvre hère ramassé sur les chemins et n’ayant pas les moyens de se payer un habit correct. Si c’était pour le mettre dehors, le maître aurait mieux fait de ne pas l’inviter du tout.

Il y a cependant une explication assez simple que l’on entend parfois. Il paraît que le vêtement de noces était prêté par l’hôte à ses invités. Les gens venaient en effet de loin, et arrivaient souvent à pieds avec un vêtement de voyage poussiéreux, et à l’entrée de la salle des noces, il y avait donc un vestiaire où l’on offrait un vêtement de noces à chaque invité entrant dans la salle. Ainsi ce n’est pas que le convive n’avait pas eu les moyens de s’offrir un bel habit, mais il a refusé le cadeau qui lui était offert à l’entrée. Ou plutôt il a refusé de jouer le jeu de la noce, alors même que cela ne lui coûtait rien.

Ce convive représente donc le mauvais usage de la grâce : il voulait profiter simplement, mais en gardant une distance et sans s’associer à la logique du banquet qui était celle de la grâce. On reproche ainsi parfois à la théologie de la grâce des protestants d’être un peu trop facile : si tout est pardonné, si nous sommes acceptés sans condition, alors chacun peut faire n’importe quoi. Mais ce n’est pas la conception de la grâce proposée par l’Évangile, et ce n’est pas celle que nous prêchons. La grâce n’est pas un laxisme permettant de faire n’importe quoi, c’est une logique dans laquelle il faut entrer. Certes, chacun est bienvenu et accueilli, mais pour rester dans cette grâce et qu’elle devienne efficace, il faut vouloir la revêtir, en faire son habit, la montrer comme recouvrant notre vie imparfaite, en faire son identité, le cœur de sa vie, sa logique d’existence.

On ne peut pas prendre qu’une partie de la grâce, (comme le convive qui se contente d’être content de manger gratuitement au banquet), la grâce est un cadeau formidable, mais on ne peut pas en profiter indéfiniment pour faire n’importe quoi. Elle ne devient efficiente et on ne peut y rester que si on l’accepte pour qu’elle devienne une part de nous-mêmes. Il faut accepter de changer de vêtement, dépouiller le vieil homme pour revêtir l’homme nouveau. (Ep 4,17-24). Il n y a aucune condition pour pouvoir faire cela, aucun mérite demandé, il faut simplement le vouloir.

 
Problème du vêtement offert : un peu facile.
L’explication par le vêtement offert est séduisante, mais elle a des défauts. D’abord, les prédicateurs se la repassent comme une aubaine, mais personne ne dit d’où cela vient, ni n’est capable de citer une source, un texte antique expliquant cela. Peut-être est-ce vrai, mais cela sème le doute. Cette explication ne serait-elle pas trop plaisante pour être vraie ? Et d’ailleurs elle est dommage : elle ramollit le texte en le rendant facile et plausible. Or peut-être que précisément la difficulté du texte est intéressante. C’est tout de même souvent le cas dans la prédication du Christ, et on pourrait se demander si justement ce qui est dit là, c’est que le roi demande à son hôte quelque chose d’impossible pour lui.

On peut alors trouver plusieurs solutions. La première se trouve en regardant bien le texte. Le maître en effet voit l’hôte sans vêtement de noces, et ce n’est pas pour ça qu’il le met dehors : il lui parle, il lui dit : « mon ami, pourquoi n’as-tu pas de vêtement de noces ? ». Il n’y a aucune hostilité, au contraire, il l’appelle « ami » ce qui n’est pas rien. Et le texte dit qu’il ne répondit rien. C’est alors qu’il est mis dehors. L’hôte n’est donc pas mis dehors parce qu’il n’avait pas le bon vêtement, mais parce qu’il n’a pas parlé au maître. C’est cela qui est grave, certes il n’était pas parfait, ce qui peut être une image du péché, mais aucun de nous n’est parfait, ce qui est grave, c’est qu’il n’ait rien dit. Il aurait pu demander pardon. Personne ne nous reproche d’être imparfait, mais il faut avoir conscience de sa pauvreté, la reconnaître, la « confesser », ce qui veut dire la dire publiquement à Dieu et aux hommes. Dieu ne nous demande pas d’être sans péché, mais simplement d’accepter de rester en relation avec lui par la parole. Refuser de répondre, c’est se couper de Dieu, or c’est la relation avec Dieu qui nous sauve, c’est la parole qui s’échange entre Dieu et nous qui permet de dépasser toute notre imperfection et notre péché.

 nocesUne deuxième solution consiste à se rappeler qu’il ne s’agit pas d’une histoire vraie, mais d’une parabole, c’est-à-dire d’une comparaison. Dans la réalité, on sait bien qu’un pauvre n’a pas forcément les moyens de s’acheter un bel habit, mais là il ne s’agit pas de vêtement matériel, mais d’habit spirituel. Or tout le monde, quelle que soit sa richesse matérielle, peut s’habiller spirituellement pour rencontrer Dieu. Pour être dans la joie de la présence de Dieu, il faut s’habiller le cœur, il y a une démarche spirituelle pour essayer, tant que possible, d’élever son âme à Dieu. Ça c’est possible pour tous. Celui qui ne veut faire aucun chemin vers Dieu, mais juste se dire qu’il peut en profiter sans aucune démarche personnelle risque fort de ne pas comprendre la richesse de la grâce.

Revêtir un vêtement de noces pour rencontrer Dieu, c’est spirituellement ne pas rester en vêtement de travail, ou de voyage, mais s’habiller seulement pour la fête, pour Dieu. C’est le sens aussi du Sabbat : il faut garder du temps pour Dieu seul et ne pas toujours et sans cesse travailler, sinon on risque de passer à côté de Dieu. Il faut que dans sa vie on ne soit pas toujours en vêtement de travail, ou même en vêtements ordinaires, mais qu’on mette parfois un beau vêtement pour ne rien faire et juste se présenter devant Dieu, garder un temps pour entrer en relation avec Dieu pour la joie et la fête. Et cela n’est pas une question d’habit matériel donc, mais de disposition mentale et spirituelle, c’est possible à tous, et même aux plus pauvres.

L’Église d’une certaine manière concrétise cela, c’est un lieu où l’on va pour se reposer du chemin que l’on parcourt, ou du travail que l’on accomplit, juste pour savourer la joie et le bonheur d’être avec des frères et des sœurs. L’Église comme lieu de la présence de Dieu est un lieu de ressourcement, d’altérité par rapport au quotidien où l’on s’ouvre à l’extraordinaire. Et dans la présence de Dieu chacun est comme une mariée ou un marié à la noce, entouré de joie, de fête, d’amitié, de tendresse et d’amour. « Venez dit le Seigneur… car tout est prêt ! »

 


LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Le Seigneur préparera un festin ; il essuiera les larmes sur tous les visages » (Is 25, 6-10a)

Lecture du livre du prophète Isaïe
Le Seigneur de l’univers préparera pour tous les peuples, sur sa montagne, un festin de viandes grasses et de vins capiteux, un festin de viandes succulentes et de vins décantés. Sur cette montagne, il fera disparaître le voile de deuil qui enveloppe tous les peuples et le linceul qui couvre toutes les nations. Il fera disparaître la mort pour toujours. Le Seigneur Dieu essuiera les larmes sur tous les visages, et par toute la terre il effacera l’humiliation de son peuple. Le Seigneur a parlé.
Et ce jour-là, on dira : « Voici notre Dieu, en lui nous espérions, et il nous a sauvés ; c’est lui le Seigneur, en lui nous espérions ; exultons, réjouissons-nous : il nous a sauvés ! » Car la main du Seigneur reposera sur cette montagne.

PSAUME
(Ps 22 (23), 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6)
R/ J’habiterai la maison du Seigneur pour la durée de mes jours. (Ps 22, 6cd)

Le Seigneur est mon berger :
je ne manque de rien.
Sur des prés d’herbe fraîche,
il me fait reposer.

Il me mène vers les eaux tranquilles
et me fait revivre ;
il me conduit par le juste chemin
pour l’honneur de son nom.

Si je traverse les ravins de la mort,
je ne crains aucun mal,
car tu es avec moi,
ton bâton me guide et me rassure.

Tu prépares la table pour moi
devant mes ennemis ;
tu répands le parfum sur ma tête,
ma coupe est débordante.

Grâce et bonheur m’accompagnent
tous les jours de ma vie ;
j’habiterai la maison du Seigneur
pour la durée de mes jours.

DEUXIÈME LECTURE
« Je peux tout en celui qui me donne la force » (Ph 4, 12-14.19-20)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Philippiens
Frères, je sais vivre de peu, je sais aussi être dans l’abondance. J’ai été formé à tout et pour tout : à être rassasié et à souffrir la faim, à être dans l’abondance et dans les privations. Je peux tout en celui qui me donne la force. Cependant, vous avez bien fait de vous montrer solidaires quand j’étais dans la gêne. Et mon Dieu comblera tous vos besoins selon sa richesse, magnifiquement, dans le Christ Jésus. Gloire à Dieu notre Père pour les siècles des siècles. Amen.

ÉVANGILE
« Tous ceux que vous trouverez, invitez-les à la noce » (Mt 22, 1-14)
Alléluia. Alléluia. Que le Père de notre Seigneur Jésus Christ ouvre à sa lumière les yeux de notre cœur, pour que nous percevions l’espérance que donne son appel. Alléluia. (cf. Ep 1, 17-18)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
En ce temps-là, Jésus se mit de nouveau à parler aux grands prêtres et aux pharisiens, et il leur dit en paraboles : « Le royaume des Cieux est comparable à un roi qui célébra les noces de son fils. Il envoya ses serviteurs appeler à la noce les invités, mais ceux-ci ne voulaient pas venir. Il envoya encore d’autres serviteurs dire aux invités : ‘Voilà : j’ai préparé mon banquet, mes bœufs et mes bêtes grasses sont égorgés ; tout est prêt : venez à la noce.’ Mais ils n’en tinrent aucun compte et s’en allèrent, l’un à son champ, l’autre à son commerce ; les autres empoignèrent les serviteurs, les maltraitèrent et les tuèrent. Le roi se mit en colère, il envoya ses troupes, fit périr les meurtriers et incendia leur ville. Alors il dit à ses serviteurs : ‘Le repas de noce est prêt, mais les invités n’en étaient pas dignes. Allez donc aux croisées des chemins : tous ceux que vous trouverez, invitez-les à la noce.’ Les serviteurs allèrent sur les chemins, rassemblèrent tous ceux qu’ils trouvèrent, les mauvais comme les bons, et la salle de noce fut remplie de convives. Le roi entra pour examiner les convives, et là il vit un homme qui ne portait pas le vêtement de noce. Il lui dit : ‘Mon ami, comment es-tu entré ici, sans avoir le vêtement de noce ?’ L’autre garda le silence. Alors le roi dit aux serviteurs : ‘Jetez-le, pieds et poings liés, dans les ténèbres du dehors ; là, il y aura des pleurs et des grincements de dents.’ Car beaucoup sont appelés, mais peu sont élus. »
Patrick BRAUD

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16 octobre 2014

Refusez la pression fiscale !

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 02 min

Refusez la pression fiscale !

Homélie du 29° dimanche du temps ordinaire
19/10/2014

Une histoire d’impôt

Nous croyons être les seuls ou les premiers à souffrir des prélèvements fiscaux imposés par un État endetté au-delà du raisonnable. L’évangile de ce dimanche (Mt 22,15-21) nous invite à relativiser : il y a 2000 ans – déjà ! – César faisait lourdement peser sur ses provinces conquises au loin le poids de sa domination militaire. Pour financer les combats de ses légions aux frontières de l’empire, pour payer les fonctionnaires de l’administration romaine, et tout simplement pour enrichir Rome qui finira par sombrer devant les Barbares à cause de tant de luxe et d’opulence récoltée sur le dos des vaincus.

Hier comme aujourd’hui, l’impôt payé à Rome n’était pas très populaire ! Doublement même à l’époque de Jésus, car il était le symbole de l’occupation militaire d’Israël.

« Est-il permis oui ou non de payer l’impôt à l’empereur ? » est donc une question piège. S’il répond non, Jésus se rallie les faveurs du peuple, mais passe pour un dangereux rebelle politique aux yeux des Romains. S’il dit oui, il échappe à la force romaine, mais passe pour un collaborateur aux yeux des juifs.

Sa réponse énigmatique nous met sur la voie d’une double sagesse toujours actuelle :

- refusez de vous laisser enfermer dans des pièges binaires.

- refusez de laisser l’argent vous détourner de votre chemin intérieur.

 

1. Refusez de vous laisser enfermer dans des pièges binaires

Le numérique nous a fait passer à l’ère du binaire, du moins en première approximation. En informatique, tout est 0 ou 1. Le reste n’est que combinaisons et enchaînements logiques.

Le risque est grand de plaquer cette logique binaire sur les émotions, les sentiments, les réalités sociales, économiques et politiques…

« Est-il permis, oui ou non, de… » :

- se séparer de son conjoint quand il n’y a plus rien en commun ?
- interrompre la vie dans le ventre d’une mère ?
- mettre fin à une vie végétative ou indigne ?
- taxer les plus riches pour entretenir les plus pauvres ?
- exploiter le gaz de schiste pour sortir du chômage massif ?
- bombarder les djihadistes après avoir déstabilisé tout le Moyen-Orient ?…
Et vous pouvez vous-même allonger la liste.

Beaucoup voudraient des réponses claires, rapides, univoques.
Oui/non. Blanc/noir. L’axe du bien/l’axe du mal.

Pourtant, même les vieux westerns savaient introduire des nuances : les bandits n’étaient pas toujours ceux qu’on aurait pu croire, les Indiens n’étaient pas tous si sauvages !

Jésus va plus loin. Il récuse la logique binaire de ses adversaires ; il ne se lance pas non plus dans de subtiles arguties à l’infini pour noyer le poisson. Il répond à cette question par une autre question, et par une énigme. Autrement dit, il retourne à  l’envoyeur le constat à faire, et l’oblige ensuite à réfléchir par lui-même. Car les pharisiens et les hérodiens attendaient une solution simple qui les déchargerait de leur responsabilité. « Puisque tu es un maître, parle et nous t’obéirons » semblent-ils dire avec hypocrisie.

Comme si le rôle d’un maître spirituel était de décider pour ses disciples !

Jésus les renvoie à leur responsabilité, à leur liberté, à la capacité à discerner par  eux-mêmes ce qui est juste. « Vous voyez l’effigie de César sur la pièce de monnaie. Vous avez en vous l’image de Dieu dont vous êtes l’effigie vivante. Alors réfléchissez et faites vous-mêmes la part des choses ».

Dans le même état d’esprit, ailleurs, Jésus dira : « qui m’a établi juge pour juger de vos affaires ? » (Lc 12,14)

L’énigme de sa réponse sur la pièce de monnaie lui permet de ne pas se laisser enfermer dans une fausse alternative oui/non. Les intégrismes – dont le djihad aujourd’hui nous montre hélas une résurgence – veulent répondre à la place de leurs fidèles, et par des réponses ultra-simplistes : oui/non. C’est paradoxalement ce qui fait leur force : dans un monde complexe où les questions sont complexes, dans une culture qui prône l’individualisme mais laisse l’individu seul pour décider, la tentation existe de s’en remettre à quelqu’un d’autre pour savoir quoi faire. Et les jeunes acquiescent facilement à cette forme de radicalisme : une cause simple pour laquelle se sacrifier, quelqu’un qui a des solutions simples sur les questions actuelles, une exigence forte et claire. Autrefois, ces générations étaient séduites par le marxisme, Che Guevara ou Mao. Puis ce fut le mouvement hippie qui cherchait à revenir à l’essentiel. Puis la génération de l’humanitaire et les remèdes simples aux problèmes compliqués du sous-développement…

Maintenant, ceux que l’Occident insupportent (et il y a de quoi parfois) découvrent le discours djihadiste qui leur propose une vision du monde en blanc et noir, en oui/non, et il est logique hélas qu’ils soient tentés.

Refuser les logiques binaires est donc un vrai enseignement de sagesse de Jésus, pertinent à toute époque.

 

2. Refusez de laisser l’argent vous détourner de votre chemin intérieur

C’est le deuxième piège de la question du jour. Car c’est bien d’argent qu’il s’agit. Doit-il faire de nous des alliés de César, ou des résistants (qui rétabliront le shekel en 1948 comme monnaie nationale lors du retour en Israël !) ?

La pression fiscale est telle qu’on ne peut y échapper (même ceux qui souffrent de ‘phobie administrative’ finissent par être rattrapés par le fisc !).

Refusez la pression fiscale ! dans Communauté spirituelle StatereJésus lui-même s’est astucieusement débrouillé pour que cette question de l’impôt ne le détourne pas de sa mission essentielle. On connaît peu ce passage étrange de l’évangile de Matthieu où l’on raconte que Jésus a littéralement sorti de l’eau son prélèvement fiscal :

Comme ils étaient venus à Capharnaüm, les collecteurs du didrachme s’approchèrent de Pierre et lui dirent: « Est-ce que votre maître ne paie pas le didrachme »  « Mais si », dit-il. Quand il fut arrivé à la maison, Jésus devança ses paroles en lui disant: « Qu’en penses-tu, Simon? Les rois de la terre, de qui perçoivent-ils taxes ou impôts? De leurs fils ou des étrangers? »  Et comme il répondait: « Des étrangers », Jésus lui dit: « Par conséquent, les fils sont exempts.  Cependant, pour ne pas les scandaliser, va à la mer, jette l’hameçon, saisis le premier poisson qui montera, et ouvre-lui la bouche: tu y trouveras un statère; prends-le et donne-le leur, pour moi et pour toi. » (Mt 17, 24-27)

Peut-être est-ce une allusion à la contribution que les chrétiens, symbolisés par le fameux symbole du poisson (ictus) ont apporté aux finances de Jésus et de ses disciples ? Quoi qu’il en soit, là encore Jésus s’en tire avec élégance : il honore l’obligation de l’impôt sans se laisser détourner de sa route pour autant.

Et c’est bien cela notre enjeu à nouveau aujourd’hui : refuser que l’impôt nous écrase injustement tout en honorant ce qu’il représente d’obligation solidaire. Assumer le rôle de l’argent à travers ce partage forcé, sans pour autant que l’argent devienne une obsession, un petit dieu qui nous détourne de notre chemin intérieur.

On croyait autrefois qu’une saignée était le meilleur remède aux maladies mystérieuses. Nous pouvons redécouvrir que les prélèvements sur nos richesses constituent effectivement un rappel salutaire pour ne pas absolutiser l’accumulation matérielle. Et en même temps, la liberté du Christ face à César nous invite à résister à ce qu’une politique fiscale peut avoir d’injuste et de dangereux.

 

« Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ».

Cette réponse énigmatique de Jésus nous libère des fausses logiques binaires, et de la déification de l’argent ou du politique.

À nous de discerner comment la laisser faire son chemin en nous…

 

1ère lecture : Les empires sont dans la main de Dieu (Is 45, 1.4-6a)

Lecture du livre d’Isaïe

Parole du Seigneur au roi Cyrus, qu’il a consacré, qu’il a pris par la main, pour lui soumettre les nations et désarmer les rois, pour lui ouvrir les portes à deux battants, car aucune porte ne restera fermée : « À cause de mon serviteur Jacob et d’Israël mon élu, je t’ai appelé par ton nom, je t’ai décerné un titre, alors que tu ne me connaissais pas. Je suis le Seigneur, il n’y en a pas d’autre : en dehors de moi, il n’y a pas de Dieu. Je t’ai rendu puissant, alors que tu ne me connaissais pas, pour que l’on sache, de l’orient à l’occident, qu’il n’y a rien en dehors de moi. »

Psaume : 95, 1a.3, 4.5b, 7-8a, 9a.10ac

R/ Au Seigneur notre Dieu, tout honneur et toute gloire

Chantez au Seigneur un chant nouveau, 
racontez à tous les peuples sa gloire, 
à toutes les nations ses merveilles !

Il est grand, le Seigneur, hautement loué,
redoutable au-dessus de tous les dieux :
lui, le Seigneur, a fait les cieux. 

Rendez au Seigneur, familles des peuples,
rendez au Seigneur la gloire et la puissance,
rendez au Seigneur la gloire de son nom.

Adorez le Seigneur, éblouissant de sainteté :
Allez dire aux nations : « Le Seigneur est roi ! »
Il gouverne les peuples avec droiture.

2ème lecture : La foi, l’espérance et la charité de la communauté (1Th 1, 1-5b)

Commencement de la lettre de saint Paul apôtre aux Thessaloniciens

Nous, Paul, Silvain et Timothée, nous nous adressons à vous, l’Église de Thessalonique qui est en Dieu le Père et en Jésus Christ le Seigneur. Que la grâce et la paix soient avec vous.
À tout instant, nous rendons grâce à Dieu à cause de vous tous, en faisant mention de vous dans nos prières. Sans cesse, nous nous souvenons que votre foi est active, que votre charité se donne de la peine, que votre espérance tient bon en notre Seigneur Jésus Christ, en présence de Dieu notre Père. Nous le savons, frères bien-aimés de Dieu, vous avez été choisis par lui. En effet, notre annonce de l’Évangile chez vous n’a pas été simple parole, mais puissance, action de l’Esprit Saint, certitude absolue.

Evangile : À César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu (Mt 22, 15-21)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Rendez au Seigneur, vous les dieux, rendez au Seigneur gloire et puissance, rendez au Seigneur la gloire de son nom. Alléluia. (cf. Ps 28, 1-2)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Les pharisiens se concertèrent pour voir comment prendre en faute Jésus en le faisant parler. Ils lui envoient leurs disciples, accompagnés des partisans d’Hérode : « Maître, lui disent-ils, nous le savons : tu es toujours vrai et tu enseignes le vrai chemin de Dieu ; tu ne te laisses influencer par personne, car tu ne fais pas de différence entre les gens. Donne-nous ton avis : Est-il permis, oui ou non, de payer l’impôt à l’empereur ? »
Mais Jésus, connaissant leur perversité, riposta : « Hypocrites ! pourquoi voulez-vous me mettre à l’épreuve ? Montrez-moi la monnaie de l’impôt. »
Ils lui présentèrent une pièce d’argent. Il leur dit : « Cette effigie et cette légende, de qui sont-elles ? – De l’empereur César », répondirent-ils.
Alors il leur dit : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. »
Patrick BRAUD

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28 août 2010

Un festin par dessus le marché

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Homélie du Dimanche 29 Août 2010 / Année C
22° Dimanche du temps ordinaire

 

Un festin par dessus le marché

 

« Quand tu donne un festin, n’invite pas tes amis? invite au contraire des pauvres, des estropiés, des aveugles? parce qu’ils n’ont rien à te rendre ».

·      Dans un premier temps, on se dit que cette injonction de Jésus ne peut être prise au pied de la lettre : trop difficile à suivre ! Pensez donc : on a déjà du mal à « rendre les invitations » de ceux qui nous ont accueilli à leur table ; alors inviter des inconnus ! Les « dîners en ville » se font rarement avec des handicapés ou des chômeurs?

Tenez : pensez aux mariages. Quand on a fait la liste de tous ceux qu’on doit absolument inviter au festin des noces (toujours la fameuse logique de « rendre la politesse »), il ne reste guère de place pour des gens un peu paumés, solitaires, marginaux. Même en faisant deux vitesses (le faire-part pour le cocktail et l’invitation pour le repas), il est rare de croiser à un mariage d’autres personnes que « des amis, des frères, des parents, de riches voisins »?

·      Ce constat serait presque désespérant : n’y a-t-il personne pour ouvrir sa table à ceux qui ne peuvent le leur rendre ?

En y regardant de près pourtant, on s’aperçoit que beaucoup plus de gens qu’on ne le croit pratiquent cette hospitalité.

Des jeunes par exemple donnent un ou deux ans de leur vie pour une mission humanitaire, pour une association de réinsertion, où visiblement ceux à qui ils viennent en aide ne pourront jamais leur rendre (du moins matériellement).

Ou bien des familles ouvrent leur table le Dimanche pour manger avec une personne handicapée d’un foyer de l’Arche de Jean Vanier.

D’autres accueillent pendant trois semaines d’été (par le Secours Catholique, Secours Populaire etc?) des enfants des banlieues pour leur offrir de vraies vacances où ils découvriront la mer, la montagne, les animaux de la ferme?.

D’autres encore, sans faire sonner la trompette devant eux, n’oublient jamais d’inviter à leur table de temps en temps la personne âgée isolée qui habite près de chez eux, ou la maman célibataire qui attend cette sortie comme une bouffée d’oxygène.

Des paroisses, des associations se démènent pour offrir un repas chaleureux aux SDF et autres épaves vivantes (ou du moins regardées comme telles) qui encombrent nos trottoirs?

Sans oublier les couples qui adoptent des enfants, tout en étant lucides sur les difficultés qui viendront plus tard lorsque les questions sur leur identité les perturberont plus ou moins?

Bref, regardez autour de vous avec ces lunettes du désintéressement que Jésus nous invite à chausser aujourd’hui : qui autour de moi pratique cette invitation large à ceux qui ne pourront jamais leur rendre ?

Et moi-même, où en suis-je – où en sommes-nous en famille – de cette ouverture de la table, du c?ur, à ceux qui ne m’inviteront jamais en retour ?

 

·      Les « pauvres, estropiés, boiteux, aveugles » du temps de Jésus sont toujours parmi nous. Il faudrait du coup être aveugle pour ne plus être sensible à ces solitudes et ces détresses modernes : les retraités des foyers long séjour et autres hospices-mouroirs, les sans-travail qui calculent chaque jour leur assiette au plus juste prix, les personnes handicapées qu’on parque à l’écart etc? Se couper de cet univers, c’est devenir inhumain. C’est vivre dans un autre monde sans vouloir entendre la souffrance de ceux qui « n’ont rien à rendre ».

Aucune culpabilisation dans l’attitude que recommande Jésus : il ne s’agit pas de ne plus donner de festins. Au contraire, il s’agit de les multiplier, pour en faire profiter le maximum de laissés pour compte !

Il ne s’agit pas de jouer les hypocrites, ou les puritains, mais de savourer la vie à pleine bouche en s’associant des compagnons venus de l’infortune.

Nul besoin de cacher sa richesse ou sa chance : il suffit de ne pas la garder pour soi, et de ne pas la partager qu’entre soi, dans un cercle de relations privilégiées de gens qui me ressemblent trop?

·      Pourquoi agir ainsi ? Pourquoi ouvrir son festin aux marginaux et aux exclus de la société ? Pourquoi ce désintéressement prôné par Jésus ? Par souci humanitaire ? Par altruisme ?…

Le texte donne deux raisons en fait : « tu seras heureux, parce qu’ils n’ont rien à te rendre » et « cela te sera rendu à la résurrection des justes ».

- La première raison est sans doute la plus radicale, et la plus fondamentale.

Parce que ceux à qui tu donnes ne peuvent te le rendre, tu ressembles de plus en plus à Dieu lui-même, qui donne sans compter ni calculer de retour. Tu quittes la sphère des relations marchandes : donnant-donnant, gagnant-gagnant, pour entrer dans le cercle des relations divines. C’est pourquoi ce bonheur est le plus profond : donner comme Dieu donne nous fait vivre de son bonheur à lui, « par dessus le marché ». « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste vous sera donné par dessus le marché ».

François Varillon a eu cette formule géniale pour montrer comment un don sans calcul nous divinise : « il faut appeler divin l’amour qui est assez fort pour ne pas exiger la réciprocité comme condition de sa constance » (in L’humilité de Dieu).

Inviter l’autre sans calcul, sans pourquoi, sans « retour sur investissement », sans autre but que lui-même nous fait entrer dans l’intimité heureuse de Dieu : voilà la première raison du désintéressement prôné par Jésus. 

Un festin par dessus le marché dans Communauté spirituelle festin_5

 

- La deuxième raison apparaît alors comme le prolongement de cette perspective de gratuité : « cela te sera rendu à la résurrection des justes ».

Le processus de divinisation que cette pratique de l’hospitalité met en route sera pleinement accomplie et manifestée au-delà de la mort, en Dieu. « Faites-vous des trésors dans le ciel », dit Jésus ailleurs. Loin de revenir à un calcul intéressé (« acheter son paradis » !), cette perspective eschatologique (visant la fin des temps) permet de relativiser les valeurs actuelles, et d’avoir le courage d’agir comme Dieu agit, lui qui est plein d’amour « envers les bons comme envers les méchants ». Inviter ceux qui ne peuvent rien donner en retour n’est jamais qu’anticiper l’invitation que Dieu accomplira un jour en plénitude. Tout ce que nous aurons vécu ici-bas selon cette logique du « pur amour » sera récapitulé en Christ, lui qui est par excellence le don de Dieu, sans retour ni calcul ?

 

·      Alors, passons en revue cette semaine notre pratique de l’invitation à notre table, à nos finances, à nos festins de tous ordres : puisque Dieu le premier se livre à nous sans calculer le retour, à qui pouvons-nous transmettre pareille invitation ? Quels « pauvres, estropiés, aveugles » pouvons-nous avoir la joie de faire asseoir à notre table ?…

 

 

1ère lecture : Exhortation à l’humilité (Si 3, 17-18.20.28-29)

Mon fils, accomplis toute chose dans l’humilité, et tu seras aimé plus qu’un bienfaiteur.
Plus tu es grand, plus il faut t’abaisser : tu trouveras grâce devant le Seigneur.
La puissance du Seigneur est grande, et les humbles lui rendent gloire.
La condition de l’orgueilleux est sans remède, car la racine du mal est en lui.
L’homme sensé médite les maximes de la sagesse ; l’idéal du sage, c’est une oreille qui écoute.

Psaume : Ps 67, 4-5ac, 6-7ab, 10-11

R/ Béni soit le Seigneur : il élève les humbles

Les justes sont en fête, ils exultent ;
devant la face de Dieu ils dansent de joie.
Chantez pour Dieu, jouez pour son nom.
Son nom est Le Seigneur ; dansez devant sa face.

Père des orphelins, défenseur des veuves, 
tel est Dieu dans sa sainte demeure. 
A l’isolé, Dieu accorde une maison ; 
aux captifs, il rend la liberté.

Tu répandais sur ton héritage une pluie généreuse, 
et quand il défaillait, toi, tu le soutenais. 
Sur les lieux où campait ton troupeau, 
tu le soutenais, Dieu qui es bon pour le pauvre.

2ème lecture : La fête éternelle sur la montagne de la nouvelle Alliance (He 12, 18-19.22-24a)

Frères, quand vous êtes venus vers Dieu, il n’y avait rien de matériel comme au Sinaï, pas de feu qui brûle, pas d’obscurité, de ténèbres, ni d’ouragan, pas de son de trompettes, pas de paroles prononcées par cette voix que les fils d’Israël demandèrent à ne plus entendre.

Mais vous êtes venus vers la montagne de Sion et vers la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste, vers des milliers d’anges en fête
et vers l’assemblée des premiers-nés dont les noms sont inscrits dans les cieux. Vous êtes venus vers Dieu, le juge de tous les hommes, et vers les âmes des justes arrivés à la perfection.
Vous êtes venus vers Jésus, le médiateur d’une Alliance nouvelle.

Evangile : Pour avoir part au royaume de Dieu : choisir la dernière place, inviter les pauvres (Lc 14, 1a.7-14)

Un jour de sabbat, Jésus était entré chez un chef des pharisiens pour y prendre son repas.
Remarquant que les invités choisissaient les premières places, il leur dit cette parabole :
« Quand tu es invité à des noces, ne va pas te mettre à la première place, car on peut avoir invité quelqu’un de plus important que toi.
Alors, celui qui vous a invités, toi et lui, viendrait te dire : ‘Cède-lui ta place’,
et tu irais, plein de honte, prendre la dernière place. Au contraire, quand tu es invité, va te mettre à la dernière place. Alors, quand viendra celui qui t’a invité, il te dira : ‘Mon ami, avance plus haut’, et ce sera pour toi un honneur aux yeux de tous ceux qui sont à table avec toi.
Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé. »
Jésus disait aussi à celui qui l’avait invité : « Quand tu donnes un déjeuner ou un dîner, n’invite pas tes amis, ni tes frères, ni tes parents, ni de riches voisins ; sinon, eux aussi t’inviteraient en retour, et la politesse te serait rendue.
Au contraire, quand tu donnes un festin, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles ;
et tu seras heureux, parce qu’ils n’ont rien à te rendre : cela te sera rendu à la résurrection des justes. » 
 Patrick Braud

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