L'homélie du dimanche (prochain)

25 décembre 2022

Marie, notre sœur

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 14 h 00 min

Marie, notre sœur

 

Homélie pour la fête de Marie Mère de Dieu / Année A 

01/01/2023

 

Cf. également :

Devenir la Mère de Dieu

Marie Theotokos, ou la force de l’opinion publique

Intercéder comme Marie

Quelle place a Marie dans votre vie ?

 

Mère et sœur

Ce dimanche, nous invoquons Marie sous le titre impressionnant de « Mère de Dieu ». Et c’est juste de l’appeler ainsi, puisque son fils est pour nous vrai homme et vrai Dieu. Le texte patristique de l’Office des Lectures de ce dimanche nous met également sur une autre piste : invoquer Marie comme notre sœur en humanité. 

Marie, notre sœur dans Communauté spirituelle grande-soeur-geniale-famille« Marie est notre sœur, puisque nous descendons tous d’Adam »

(St Athanase, IV° siècle). 

Fêter Marie Mère de Dieu le 1er janvier, c’est célébrer en elle la promesse d’une humanité transfigurée, le début d’une ère nouvelle capable d’accueillir en son sein la vie divine. 

Voilà pourquoi cette femme juive est pour nous comme « une introduction à la joie », selon la belle expression d’André de Crète, évêque du VII° siècle. C’est comme l’ouverture sublime d’un opéra, où sont annoncés en filigrane les grands thèmes à venir. Avec elle l’Église contemple l’annonce de son propre re-création ; elle découvre le visage d’une humanité réconciliée. En Marie, dès sa naissance, l’Église se reconnaît, en espérance.
Enfin l’une d’entre nous va pouvoir nous ouvrir la voie sur le chemin du oui à Dieu !
Enfin une sœur de chez nous, une créature comme nous, nous assure dès ses débuts que nous sommes bien faits pour devenir la demeure de Dieu, l’écrin de sa beauté, le Temple de sa présence !


Éphrem le syrien, poète de Marie au IV° siècle, s’écriait :

« Certes, elle est ta mère, elle l’est, elle seule ; mais avec tous, ta sœur » (Hymne Nativité 4911).

Notre sœur en humanité est pour nous aujourd’hui le signe d’une humanité déjà transfigurée, renouvelée.  Réjouissons-nous, car c’est bien cela notre avenir déjà à l’œuvre en nos vies : naître, renaître, laisser Dieu naître en nous pour enfin naître à nous-même…

« Que toute la création chante et danse, qu’elle contribue de son mieux à la joie de ce jour.
Que le ciel et la terre forment aujourd’hui une seule assemblée, que tout ce qui est dans le monde et au-dessus de lui s’unisse dans le même concert de fête.

Aujourd’hui en effet s’élève le sanctuaire créé où résidera le créateur de l’univers, et une créature, par cette disposition toute nouvelle, est préparé pour offrir au créateur une demeure sacrée ».

(André de Crète ; Homélie pour la Nativité de la Ste Mère de Dieu)

Vatican II unit Marie à chacun de nous : loin d’être à part, coupée de son peuple, Marie de Nazareth est l’une d’entre nous : « elle se trouve aussi, comme descendante d’Adam, réunie à l’ensemble de l’humanité qui a besoin de salut » (Vatican II, LG 53).

 

Quelles conséquences sur notre prière si en plus d’invoquer la Mère de Dieu nous lui disions avec confiance : Marie, toi notre sœur… ?

 

« Béni sois-tu Seigneur, qui ne m’a pas fait femme »

157_COUV-737x1024 berakah dans Communauté spirituelleMarie renverse la table des anciennes hiérarchies sociales que même le peuple juif a sacralisées dans sa prière. En effet, au cours des premiers siècles après Jésus, les rabbins ont formalisé dans le Talmud les différentes prières du jour, et notamment celle du matin qui comprend une triple bénédiction récitée obligatoirement par les hommes aujourd’hui encore : « béni sois-tu Seigneur de ne m’avoir fait ni esclave, ni femme, ni non-juif ». Pendant que les hommes bénissent de ne pas être femme, les femmes elles doivent se contenter de leur sort et bénir Dieu pour cela en disant : « béni sois-tu Seigneur de m’avoir faite selon ta volonté ».

 

Incroyable ! Bénir Dieu de ne pas être une femme ! 

Embarrassés par la lettre de cette berakah insupportable aujourd’hui, les rabbins ont multiplié les commentaires pour tenter d’expliquer cette misogynie apparente.

- Une première ligne d’interprétation constate simplement que le sort des hommes est plus enviable que celui des femmes dans toutes les sociétés traditionnelles (domination masculine, infériorité féminine etc.). Mais de là à bénir Dieu pour ce rapport de force injuste…

- Une autre ligne de commentaires rappelle que la femme n’est pas soumise au commandement (mitsvots) liés au temps, car elle a en elle une autre mesure du temps biologique (cycle menstruel) qui prime sur tout. Ainsi la femme a moins de mitsvots à observer que l’homme (comme la soukka, le shofar ou le loulav etc.). L’homme peut alors bénir Dieu qui lui a donné plus de travail religieux en quelque sorte en lui prescrivant plus de commandements à observer. L’homme aime tellement la Torah qu’il se réjouit de devoir en faire plus que la femme !
Cette exégèse du Talmud de Jérusalem est un peu tirée par les cheveux. Au moins, elle réhabilite la différence homme-femme comme structurante de la vie d’Israël.

- Pire encore, certains rabbins estiment que l’observation des mitsvots détournerait la femme de sa soi-disant vocation domestique, en l’empêchant d’assumer la cuisine, le linge, la tenue de la maison etc. ! Interprétation culturellement datée, hélas encore trop courante.

- Éliette Abécassis (écrivaine contemporaines juives) est plus réaliste. Elle revient au constat terrible de la sujétion féminine toujours actuelle [1] :

« Merci de ne pas m’avoir fait femme ». Je comprends cette bénédiction ainsi : Les femmes portent le poids du monde. Elles portent leur enfant pendant neuf mois, elles accouchent dans des conditions difficiles, elles allaitent et s’occupent de leur enfant, mais aussi elles ont chaque mois la vie qui naît et meurt en elles. Tout joue contre elle : avoir ou ne pas avoir d’enfant, le travail, l’âge, la société qui ne cesse de les asservir. On vend leur corps, on achète leur esprit. Aujourd’hui, elles sont même victimes de la marchandisation de leur utérus. Elles sont esclaves. Elles sont enlevées et vendues.

Alors je comprends que ce soit une bénédiction de ne pas souffrir de tous ces maux. Cette bénédiction rappelle à l’homme chaque matin qu’il doit protéger sa femme, sa fille, sa sœur. Car la femme est toujours dans une position de faiblesse ».

Cette triple bénédiction négative devait déjà être plus ou moins en vogue du temps de Jésus, car il invente à partir du quotidien de la synagogue et du Temple la parabole du publicain et du pharisien, où ce dernier bénit Dieu au Temple de ne pas être comme le  publicain : « Mon Dieu, je te rends grâce parce que je ne suis pas comme les autres hommes – ils sont voleurs, injustes, adultères –, ou encore comme ce publicain » (Lc 18, 11). 

Comment peut-on bénir Dieu de ne pas être (négation) ? De ne pas être comme (comparaison) ? 

 

Il n’y a plus ni l’homme ni la femme

IS_140505_bo5p3_transgenres-illustration-2_sn1250 femmeOn comprend mieux la révolution par laquelle Paul a dynamité cette misogynie de la liturgie juive ! En effet, il affirme qu’en Christ « il n’y a plus ni juif, ni grec, ni esclave ni homme libre, ni l’homme ni la femme » (Ga 3,28). Il prend en cela l’exact contre-pied de la triple bénédiction matinale du Talmud (et de la séparation hommes/femmes à la synagogue toujours en vigueur, comme à la mosquée) ! Là où le judaïsme orthodoxe fige les différences en les sacralisant, le christianisme naissant annonce que c’est la communion qui est l’horizon ultime, relativisant ainsi des différences actuelles qui ne sont que temporaires. Paul invite ainsi les hommes et les femmes à renouer avec le meilleur de la tradition des psaumes : « je te bénis Seigneur pour la merveille que je suis » (Ps 138,3).

Et cela commence par Marie ! Elle se réjouit d’être femme. Elle se sait aimée de Dieu son Seigneur, son Sauveur, qui se penche sur son humble servante. Elle ose même annoncer que tous les âges la diront bienheureuse, elle, une femme, la première créature à être ainsi proposée en icône du bonheur à toute l’humanité ! Car le Christ n’est pas une créature humaine (« engendré non pas créé »), et donc Marie est bien la première créature à être ainsi élevée au plus haut point.

Depuis Marie, depuis Paul, il ne devrait plus y avoir aucune misogynie dans la prière et l’action de l’Église. Puisque Marie est notre sœur, elle abolit toute échelle de comparaison, d’infériorité, de négation entre l’homme et la femme, dans quelque domaine que ce soit.

 

Tu es notre sœur

Les femmes de ce temps peuvent trouver en Marie le courage de surmonter toutes les discriminations dont on les accable.

Elle est une créature humaine, formée de la même argile fragile et merveilleuse avec laquelle nous sommes tous formés. Il y a eu un temps où Marie n’existait pas. Elle a des parents, une famille, un peuple, une tradition.

Comme nous, Marie est passée par les divers âges de la vie. Elle n’a pas la vie faite par anticipation. Elle expérimente la faiblesse, la fatigue, la douleur (Lc 2,35) et la mort ; c’est un être humain qui fait des découvertes et qui a aussi des moments ou des phases de perplexité et d’incompréhension (Lc 2,41-51). Elle est notre sœur.

Lors de la Présentation de Jésus au Temple, quarante jours après sa naissance, ses parents apportent une paire de tourterelles ou deux colombes (Lc 2,24) : c’est l’offrande des pauvres. Les pauvres qui travaillent de leurs mains peuvent dire : c’est notre sœur.

 

Les Iraniennes qui se coupent les cheveux en public et manifestent suite à la mort de Masha Amini reconnaîtront en Marie une femme libre à qui on a imposé le voile sans parvenir à tuer sa liberté d’engendrer : tu es notre sœur.

Les Ukrainiennes qui sont violées par les soldats russes devant leurs enfants pourront se tourner vers Marie qui a connu la honte d’une grossesse non conforme : tu es notre sœur.

Les Saoudiennes, les Afghanes, les filles et femmes de ces États musulmans où les sourates misogynes du Coran sont appliquées au pied de la lettre, jusqu’à être considérées comme mineures, soumises à des règles de pureté légale insupportables, corvéables à merci, suspectées de sorcellerie, inférieures à l’homme pour l’héritage, le permis de conduire, le compte bancaire, le droit de voyager seule, de s’habiller librement, de divorcer, d’étudier etc., toutes les femmes musulmanes peuvent se tourner vers Marie : tu es notre sœur

Voilà pourquoi proclamer cette jeune femme de Nazareth Mère de Dieu est un événement considérable dans l’histoire des relations homme-femme ! C’est la contestation de toute inégalité, même et surtout dans l’Église ! C’est l’appel à ne plus comparer, à bénir d’être soi et non de ne pas être autrui, à mettre les différences au service de la communion au lieu de les sacraliser etc.

Nous commençons à peine à tirer le fil rouge des conséquences sociales, ecclésiales, personnelles etc. de cette double proclamation : Marie, tu es notre sœur, tu es la Mère de Dieu. Sur ce point comme sur tant d’autres, le christianisme ne fait que commencer.

 

Pour prolonger cette méditation, je vous propose de prier le poème suivant, d’Hervé Aubin, saluant l’humanité de Marie comme un chemin ouvert devant nos pas : 

 

Notre mère
et notre sœur humaine


Vierge Marie,
notre mère et notre sœur humaine!
Tu as fait, toi aussi,
l’expérience de ne pas connaître l’avenir
et d’ignorer où te mèneraient
les chemins du Seigneur.

À certains jours,
ses projets t’ont bouleversée.
Plus d’une fois,
tes pourquoi sont restés sans réponse.
Et pourtant, jamais tu n’as cessé
de faire confiance à Dieu.
Même en deuil de ton fils,
tu as continué d’espérer,
alors qu’il n’y avait plus d’espoir…

Heureuse es-tu, toi qui as cru !
En toi s’est accomplie
la parole du Seigneur.
« Car rien n’est impossible à Dieu. »

Un avenir est promis
à ceux qui placent en Dieu leur espérance
et s’appliquent à marcher dans ses chemins.

C’est pourquoi nous refusons de perdre espoir
et de nous laisser aller au découragement et à la peur.

Malgré les misères de notre monde,
nous savons que Jésus est avec nous;
que l’énergie de sa résurrection
est à l’œuvre en vue d’un monde nouveau
où la tristesse et la mort auront disparu.

Nous t’en prions, Marie !
Obtiens-nous de collaborer
à ce royaume de justice et d’amour
pour lequel ton fils a voulu naître et mourir.
Sois avec nous sur la route,
ô toi, notre espérance et notre consolation !

Nous voulons croire comme toi.
Espérer comme toi.
Aimer ce Dieu qui nous aime
et nous appelle à marcher ensemble
vers la vie du monde à venir. Amen.


Hervé Aub
in, Prières, souffle de vie, Novalis, 2001.

 

___________________________

[1]https://www.tenoua.org/la-benediction-controversee/ 

 

 

 

LECTURES DE LA MESSE


1ère lecture : Vœux de paix et de bonheur (Nb 6, 22-27)


Lecture du livre des Nombres

Le Seigneur dit à Moïse :
« Voici comment Aaron et ses descendants béniront les fils d’Israël :
‘Que le Seigneur te bénisse et te garde ! Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage, qu’il se penche vers toi ! Que le Seigneur tourne vers toi son visage, qu’il t’apporte la paix !’ C’est ainsi que mon nom sera prononcé sur les fils d’Israël, et moi, je les bénirai. »

 

Psaume : 66, 2b.3, 5abd, 7.8b

R/ Que Dieu nous prenne en grâce et qu’il nous bénisse !

Que son visage s’illumine pour nous ;
et ton chemin sera connu sur la terre,
ton salut, parmi toutes les nations. 


Que les nations chantent leur joie,
car tu gouvernes le monde avec justice ;
sur la terre, tu conduis les nations.


La terre a donné son fruit ;
Dieu, notre Dieu, nous bénit.
Et que la terre tout entière l’adore !

2ème lecture : Le Fils de Dieu, né d’une femme (Ga 4, 4-7)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Galates

Frères, lorsque les temps furent accomplis, Dieu a envoyé son Fils ; il est né d’une femme, il a été sous la domination de la

vous êtes des fils : envoyé par Dieu, l’Esprit de son Fils est dans nos cœurs, et il crie vers le Père en l’appelant « Abba ! ». Ainsi tu n’es plus esclave, mais fils, et comme fils, tu es héritier par la grâce de Dieu.

 

Evangile : Jésus fils de Marie (Lc 2, 16-21)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Jadis, par les prophètes, Dieu parlait à nos pères ; aujourd’hui sa parole vient à nous en son Fils. Alléluia. (cf. He 1, 1-2)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Quand les bergers arrivèrent à Bethléem, ils découvrirent Marie et Joseph, avec le nouveau-né couché dans la mangeoire. Après l’avoir vu, ils racontèrent ce qui leur avait été annoncé au sujet de cet enfant. Et tout le monde s’étonnait de ce que racontaient les bergers. Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son coeur. Les bergers repartirent ; ils glorifiaient et louaient Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu selon ce qui leur avait été annoncé.
Quand fut arrivé le huitième jour, celui de la circoncision, l’enfant reçut le nom de Jésus, le nom que l’ange lui avait donné avant sa conception.
Patrick Braud

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20 juin 2021

Toucher les tsitsits de Jésus

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Toucher les tsitsits de Jésus

Homélie pour le 13° Dimanche du Temps Ordinaire / Année B
27/06/2021

Cf. également :

La générosité de Dieu est la nôtre
Les matriochkas du 12

Patience ! N’allez pas vous imaginer n’importe quoi sur un tel titre ! L’explication en vient bientôt…

Concentrons-nous d’abord sur la femme de l’Évangile de ce dimanche (Mc 5, 21-43). On a déjà étudié ailleurs son lien avec la fillette de 12 ans dans ce récit bâti en poupées russes (cf. Les matriochkas du 12). Regardons-la maintenant pour elle-même. On la dit hémorroïsse. Vous devinez que ce n’est pas d’un simple saignement de nez dont il s’agit ! Non : cette femme est atteinte de ce qu’on appelle aujourd’hui une ménorragie chronique, perte de sang due à des règles anormalement longues et abondantes. Et cette maladie a des conséquences multiples sur sa vie, dans lesquelles nous pouvons peut-être nous reconnaître, au moins partiellement.

 

- Elle souffre beaucoup, continûment

Catacombes de RomeCe saignement anormal et constant provoque gènes et douleurs incessantes. Si vous avez déjà connu de telles périodes, vous savez ce qu’elle éprouve. Une arthrose chronique, une déformation qui s’installe, un cancer qui se généralise… et la douleur devient une présence lancinante, épuisante, physiquement et moralement.

Cette femme est anonyme, et au fond elle peut prendre le nom de chacun d’entre nous lorsque nous souffrons trop, trop souvent, trop longtemps, sans trêve. L’Évangile précise que cela fait 12 ans qu’elle se traîne ainsi, douloureuse, de médecins en charlatans, de gourous en guérisseurs. Et là encore nous nous reconnaissons : épuisé par la persistance du mal, nous devenons prêt à tout pour obtenir le moindre répit. Les plus rationnels courent de spécialistes en chirurgiens, plus pointus les uns que les autres. La majorité essaye tous les remèdes que le bouche-à-oreille leur suggère, et finissent souvent dans les griffes de soi-disant thérapeutes aggravant leur état, comme l’indique malicieusement notre récit. C’est bien ce qui nous arrive : sur le plan de notre santé, lorsque nous avalons tous les remèdes et théories censées nous guérir ; sur le plan spirituel, lorsque la douleur de vivre nous fait essayer les communautés religieuses les plus sectaires ou délirantes ; sur le plan professionnel, lorsque la souffrance au travail devient telle qu’on envisage le pire etc.

 

- Elle souffre depuis longtemps

Le texte précise : 12 ans qu’elle court de médecin en médecin ! Évidemment, 12 est symbolique d’Israël (les 12 tribus) capable de se remettre entre les mains des dieux étrangers pour obtenir davantage. Mais c’est également une durée si longue qu’on ne voit plus le bout du tunnel, que l’espoir d’aller mieux s’est amenuisé au point de disparaître. Lorsque nous souffrons, le temps nous use aussi sûrement que les cailloux brassés par le flot dans une marmite de géant.
Peut-être y a-t-il là un avertissement : n’attendez pas 12 ans avant de réagir ! Ne vous habituez pas à souffrir. Ne vous résignez pas devant ce qu’on présente comme inéluctable, inguérissable.

 

- Elle perd beaucoup d’argent pour se soigner

Eh oui : pas de Sécurité Sociale à l’époque de Jésus ! Se soigner est toujours onéreux, aujourd’hui encore. Bien des soins, accessoires, interventions chirurgicales, matériels médicaux etc. ne sont pas remboursés à 100 %. Faites le calcul : en 12 ans de rendez-vous et actes médicaux en tous genres avec des spécialistes, la facture s’alourdit très vite. À tel point que bon nombre de SDF par exemple renoncent à se soigner. Ils ont mal aux dents - encore une douleur lancinante –, ils ont des problèmes de marche, d’audition, de vue, mais ne peuvent pas en pratique accéder aux soins nécessaires. Il faut les minibus ambulants d’associations de médecins bénévoles pour aller dans les quartiers apporter gratuitement un peu de soulagement aux populations trop désargentées ou trop décalées culturellement pour entamer un parcours de soins.

Il y a peut-être une allusion dans le texte au parallélisme entre le sang et l’argent, qui en hébreu sont désignés par le même mot : damim. La femme perd son sang et son argent en même temps : les deux flux, les deux appauvrissements semblent se nourrir l’un de l’autre. Dès que nous dépensons de manière trop importante, il y a là un flux sortant aussi grave qu’une hémorragie interne. Cela devrait nous alerter, servir de symptôme pour diagnostiquer une pathologie spirituelle grave avant qu’elle ne dégénère. Faites donc attention aux grosses dépenses récurrentes de votre budget ! Elles en disent beaucoup sur vous… Ainsi l’addiction au pari sportif pendant l’Euro 2020 a été mise en lumière par les médias,  montrant des milliers de gens dépensant leur argent sur des pronostics de matchs.

 

- Elle est blessée dans sa féminité

Toucher les tsitsits de Jésus dans Communauté spirituelleSon cycle menstruel n’existe plus, ou plutôt est permanent. Comment espérer avoir des relations sexuelles normales avec un tel flux de sang permanent ? Comment espérer avoir une vie sentimentale même ? Comment espérer avoir un enfant lorsque l’infertilité devient permanente ? La gêne des règles devient quotidienne, insupportable. Et sa féminité en est défigurée. L’identité féminine/masculine peut ainsi être aussi perturbée à tel point que le sujet ne sait plus comment s’en sortir.


- Elle se vide de son sang

Littéralement. Physiquement. Et cela nous fait penser à toutes les façons que nous avons de nous vider de notre sang. Spirituellement : le doute se fiche en nous, nourrit des questions sans réponse, et détruit peu à peu notre confiance en Dieu. Moralement : un peuple se vide de son sang lorsqu’il admet l’inadmissible, s’habitue au déni, laisse partir ses valeurs à vau-l’eau, élimine les plus petits sans état d’âme…
Se vider de son sang, c’est encore l’exténuation progressive de notre joie de vivre, dévorée par un souci continuel, une angoisse perpétuelle etc.
De quel sang est-ce que je me vide en ce moment ?

 

- Impure, elle est mise à l’écart

Illustration de couverture par Catel Muller du livre d’Elise Thiébaut, Ceci est mon sang, éditions La Découverte.La Torah est très claire sur ce point (heureusement que les chrétiens n’obéissent plus à ces commandements d’un autre âge !) :

« Lorsqu’une femme a un écoulement, que du sang s’écoule de son corps, elle restera pendant sept jours dans sa souillure. Quiconque la touchera sera impur jusqu’au soir. Toute couche sur laquelle elle s’étendra durant ses règles sera impure ; tout ce sur quoi elle s’assiéra sera impur. Quiconque touchera son lit devra laver ses vêtements, se baigner dans l’eau, et restera impur jusqu’au soir. Quiconque touchera quelque objet sur lequel elle se sera assise, devra laver ses vêtements, se baigner dans l’eau, et restera impur jusqu’au soir. Si quelqu’un touche ce qui se trouve sur le lit ou ce sur quoi elle s’est assise, il sera impur jusqu’au soir. Si un homme couche avec elle, la souillure de ses règles l’atteindra. Il sera impur pendant sept jours, et tout lit sur lequel il se couchera sera impur. Lorsqu’une femme aura un écoulement de sang pendant plusieurs jours, hors de la période de ses règles, ou si elle a un écoulement qui se prolonge au-delà de la période de ses règles, elle sera impure tant que durera cet écoulement, de la même manière que pendant ses règles. Tant que durera cet écoulement, tout lit sur lequel elle se couchera sera impur comme il en est pour son lit pendant ses règles, et tout ce sur quoi elle s’assiéra sera impur comme pendant ses règles. Quiconque les touchera sera impur, il devra laver ses vêtements et se baigner dans l’eau ; il restera impur jusqu’au soir. Lorsque la femme sera délivrée de son écoulement, elle comptera sept jours : alors elle sera pure. Le huitième jour, elle prendra deux tourterelles ou deux jeunes pigeons qu’elle apportera au prêtre, à l’entrée de la tente de la Rencontre. De l’un des oiseaux le prêtre fera un sacrifice pour la faute, et de l’autre un holocauste. Le prêtre accomplira ainsi sur elle le rite d’expiation, devant le Seigneur, pour l’écoulement qui la rendait impure. [ch.18] Tu ne t’approcheras pas d’une femme dans la souillure de ses règles pour découvrir sa nudité. [ch.20] Quand un homme couche avec une femme pendant ses règles et découvre sa nudité, il met à nu la source du sang, et la femme dévoile cette source : tous deux seront retranchés du milieu de leur peuple. » (Lv 15, 19 30 ; 18, 19 ; 20, 18)

Ces textes ont donné lieu à un ensemble de lois religieuses juives appelées taharat hamishpa’ha, c’est-à-dire des lois de pureté familiale. Le principe en est que la femme mariée est considérée comme rituellement (indépendamment de la morale) impure pendant la période de ses règles et cela implique une séparation physique temporaire du couple. La visée positive de ces commandements écartant les femmes de la vie sociale, religieuse, conjugale pendant leurs règles est connue : attention religieuse portée au corps féminin, développement d’une relation affective détachée de la sexualité entre les conjoints, renouvellement du désir chez les époux, ‘retrouvailles’ sexuelles du couple rendues plus intenses par la séparation.
Dans les mentalités anciennes, l’expulsion des traces de l’œuf non fécondé était signe d’échec et de mort : la fécondation n’a pas eu lieu ou elle n’a pas réussi, la vie n’a pas pu s’accrocher au ventre de la femme qui en expulse les restes, inutiles. Le bain rituel (mikvé) de la femme après ces règles vient alors la restaurer dans sa féminité pour la préparer au cycle suivant. Rien d’hygiénique ni de sanitaire dans cette ablution du mikvé : c’est le bain lavant la blessure symbolique, marquant rituellement le renouveau du corps prêt à donner la vie.

Avec son flux de sang continuel, la femme de l’Évangile était impure, tout le temps. Donc mise à l’écart. Donc condamnée à ne pas avoir de vie sentimentale ou sexuelle. Donc méprisée car ne pouvant devenir mère. Encore une fois, la rencontre de Jésus va vaincre cette impureté rituelle désignée par la Loi juive. Mais les chrétiens feront bien mieux : à la manière du Christ, ils aboliront cette distinction entre le pur et l’impur qui gangrène encore le statut des femmes dans le judaïsme, dans l’islam et dans bien d’autres religions. En christianisme, est impur ce qui sort du cœur de l’homme, pas ce qui sort de son corps : « Ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui rend l’homme impur ; mais ce qui sort de la bouche, voilà ce qui rend l’homme impur » (Mt 15, 11). Révolution subvertissant le pur et l’impur, toujours actuelle !

 

Toucher les franges du vêtement de Jésus

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Voilà donc quelle est la femme oppressée par la foule sur le chemin de Jésus : en souffrance depuis longtemps, appauvrie, se vidant de son sang, déclarée impure et mise à l’écart. C’est elle qui a l’idée de toucher Jésus ou au moins son vêtement. Elle est prête à tout tenter pour aller mieux : qu’a-t-elle à perdre à essayer ce prophète itinérant ? Jésus – lui - ne la voit pas, entouré par la foule. Mais il sent une force qui sort de lui, ‘à l’insu de son plein gré’ pourrait-on dire avec humour. Au flux de sang qui sort du corps de la femme répond le flux de force qui sort du corps de Jésus… et, telle une marée qui s’inverse, le deuxième flot l’emporte sur le premier, le faisant refluer jusqu’à l’obliger à reprendre son rythme normal.

Comment s’opère cette guérison ? Par le contact du corps de Jésus ? Non. Bien des auteurs chrétiens ont glosé sur le contact avec le corps du Christ pour évoquer la puissance de guérison qui lui est liée. Contact avec son corps ecclésial (entrée dans l’Église par le baptême), contact avec son corps eucharistique (par la communion, la bénédiction du Saint-Sacrement)… Mais notre texte ne dit pas cela. Il précise bien que la femme touche seulement la frange du vêtement de Jésus. La frange. Jésus, comme tout juif pratiquant, porte sans aucun doute sur lui un talit court (qatan), sorte de tunique en forme de poncho rectangulaire, ou bien un châle de prière sur sa tête. Ce vêtement obligatoire (talit) doit comporter 4 franges très spéciales aux 4 coins de sa toile : les tsitsits. Ces commandements vestimentaires sont toujours respectés par les juifs portant un talit  court dans leur pantalon, avec les 4 franges (tsitsits) qui en dépassent aux 4 coins, ou sur leur tête à la synagogue (ou au Mur occidental du Temple de Jérusalem actuellement) comme un châle de prière.

La Torah explique le sens de ces obligations vestimentaires :

« Le Seigneur parla à Moïse. Il dit : Parle aux fils d’Israël. Tu leur diras qu’ils se fassent une frange aux pans de leurs vêtements, et ceci d’âge en âge, et qu’ils placent sur la frange du pan de leur vêtement un cordon de pourpre violette. Vous aurez donc une frange ; chaque fois que vous la regarderez, vous vous rappellerez tous les commandements du Seigneur et vous les mettrez en pratique ; vous ne vous laisserez pas entraîner, comme les explorateurs, par vos cœurs et vos yeux qui vous mèneraient à l’infidélité » (Nb 15, 37 39).
« Tu mettras des franges aux quatre côtés du vêtement dont tu te couvriras. » (Dt 22, 12)

La femme touche donc les franges (tsitsits) du châle (talit) de Jésus, et c’est ce contact qui la guérit Or que représente ces franges symboliquement ? L’amour de la Loi.

Selon la Kabbale, les cinq nœuds du tsitsit correspondent aux cinq premiers mots du Shema Israël, qui dans la religion juive est la « confession de foi » essentielle. La femme exprime sa foi en s’accrochant eux tsitsits de Jésus.
Ces franges sont enroulées et nouées de manière à nous rappeler toutes les mitsvot (commandements). La valeur numérique des lettres hébraïques qui forment le mot tsitsit donne une somme de 600. Ajoutez-y les 8 fils et les 5 nœuds de chaque tsitsit, et le total est 613, ce qui est le nombre de commandements à respecter dans la Loi juive. Laisser pendre les tsitsits à la ceinture, de manière visible est ainsi un rappel tangible des mitsvot  qui renforcent notre capacité à contrôler les élans de notre cœur.

Cette femme que la Loi met à l’écart veut vénérer cette Loi et croire que, revêtue par Jésus, la Loi la transformera à son contact. Elle en qui la vie refuse de s’accrocher à chaque cycle, elle s’accroche aux 613 commandements pour qu’enfin la vie réussisse en elle. S’accrocher à la Loi est source de vie, selon le mot du rabbin Nahman de Bratslav (XVIII°-XIX°) : « celui qui se tourne (teshouva = conversion) vers Dieu mérite de s’accrocher à Lui, tout comme les tsitsits s’accrochent à un vêtement » (Likutey Moharan I, 8:9). Les autres nombres impliqués dans la confection des tsitsits sont abondamment commentés par la Kabbale et la mystique juive [1]

Normalement, les femmes sont dispensées de porter les tsitsits, justement à cause de leur rapport au temps différent de celui des hommes, que leurs règles expriment. L’hémorroïsse – « déréglée » – renoue par son geste de toucher les tsitsits de Jésus avec l’obligation de la Loi de se rappeler les commandements en toute circonstance.

Tsitsit femmeToucher les tsitsits de Jésus, c’est pour cette femme accomplir la Loi et croire que la manière dont Jésus la porte, l’incarne, sera sa source de salut, de santé.

D’ailleurs, la surprise de Jésus devant la force qui est sortie de lui le conduit à faire ce constat étonnant : « ta foi t’a sauvée ». Il aurait pu dire : « reconnais en moi le Messie qui t’a sauvé ». Mais non ! C’est comme s’il disait : ‘ce n’est pas moi qui t’ai guéri, c’est toi qui as été l’auteure de ton salut (santé) en faisant confiance à la puissance de la Loi telle que je la porte et l’incarne. Je n’y suis pas pour grand-chose. Bravo : tu as su trouver en toi la source de ta guérison !’

« Ta foi t’a sauvée ». Jésus refera ce même constat 7 fois dans les Évangiles :
3 fois pour la femme hémorroïsse (Mt 9,22 ; Mc 5,34 ; Lc 8,48)
2 fois pour l’aveugle Bartimée (Mc 10, 52; Lc 18,42)
1 fois pour la femme de l’onction à Béthanie (Lc 7,50)
1 fois pour le seul lépreux reconnaissant parmi les dix guéris (Lc 17,19).
Ces gens ont été les auteurs de leur salut, par la puissance de leur foi en actes.

Par contre, de retour dans son pays natal de Nazareth, Jésus constatera, navré, que le manque de foi de ses compatriotes les empêche d’accéder aux miracles : « Et là il ne pouvait accomplir aucun miracle ; il guérit seulement quelques malades en leur imposant les mains. Et il s’étonna de leur manque de foi » (Mc 6, 5 6).

Aujourd’hui encore, la foi sauve.
Dès lors que nous retrouvons la confiance en la puissance vitale qui est en nous.
Dès lors que nous exprimons notre adhésion au triple commandement de l’amour (aimer Dieu / soi-même / le prochain), auquel nous nous accrochons comme à des tsitsits chrétiens.
Dès lors que nous recevons du Christ la juste compréhension de l’Écriture pour notre situation personnelle, pour notre siècle.
Une telle foi–confiance fait des miracles et guérit l’inguérissable.

« Ta foi t’a sauvée ». Lorsque nous sommes cette femme exténuée de se vider de son sang, rappelons-nous son geste : toucher les tsitsits de Jésus, s’accrocher au triple commandement de l’amour, croire que sa Parole peut en nous beaucoup plus que ce que nous n’oserions imaginer.

 


[1].  « Quel que soit le niveau que nous atteignons, Dieu sera toujours infiniment plus saint et transcendant que ses créatures. Il est le Talit qui nous entoure. Mais, dans une autre perspective, quel que soit le niveau de bassesse dans lequel on peut tomber, Dieu ‘’descend‘’ vers nous. Dieu est, pour ainsi dire, ces Tsitsit que l’on saisit et embrasse avec tendresse.
Les 4 tsitsits contiennent 32 fils. En hébreu le chiffre 32 s’écrit au moyen de deux lettres : lamed (30) et beth (2). Ces deux lettres, formant le mot Lev ( » cœur « ), pour insister sur le fait que notre relation à D.ieu et aux hommes implique une attitude où le cœur a une place centrale.
Le double nœud que nous faisons aux franges représente notre union permanente avec D.ieu par un double pacte d’alliance. D.ieu ne nous abandonnera jamais, et nous non plus nous n’abandonnerons jamais D.ieu.
Les 7 « anneaux » dans la partie supérieure des 4 fils symbolisent les 7 jours de la semaine. Nous pensons à D.ieu tout au long des sept jours de la semaine.
Les « 8 anneaux » de la seconde partie des fils des tsitsits nous rappellent (en plus des ‘7  cieux ‘’ auxquels s’ajoute la terre) la Mitsvah de Mila, la circoncision, opérée le huitième jour.
Les 11 « anneaux » de la troisième partie symbolisent les 5 parties du Pentateuque et les 6 traités de la Michna, c’est- à dire la Tora Ecrite et la Tora Orale.
Les 13 « anneaux » de la quatrième partie symbolisent l’Unité de D.ieu, car le mot hébraïque E’hade (« un ») a la valeur numerique de 13. Treize est également une allusion aux 13  attributs de la miséricorde divine.
Les trois premières parties des tsitsit totalisent donc « 26″, qui est égal à la valeur numérique du Nom de D.ieu, et toutes les quatre parties forment un total de 39, égalant la valeur numérique de l’expression HaChem E’hade ( » D.ieu est Un « ). »
Cf. https://www.aish.fr/sp/ph/Le-talit-Des-fils-de-lumiere.html

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« C’est par la jalousie du diable que la mort est entrée dans le monde » (Sg 1, 13-15 ; 2, 23-24)

Lecture du livre de la Sagesse

Dieu n’a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants. Il les a tous créés pour qu’ils subsistent ; ce qui naît dans le monde est porteur de vie : on n’y trouve pas de poison qui fasse mourir. La puissance de la Mort ne règne pas sur la terre, car la justice est immortelle.
Dieu a créé l’homme pour l’incorruptibilité, il a fait de lui une image de sa propre identité. C’est par la jalousie du diable que la mort est entrée dans le monde ; ils en font l’expérience, ceux qui prennent parti pour lui.

 

PSAUME
(29 (30), 2.4, 5-6ab, 6cd.12, 13)
R/ Je t’exalte, Seigneur : tu m’as relevé. (29, 2a)

Je t’exalte, Seigneur : tu m’as relevé,
tu m’épargnes les rires de l’ennemi.
Seigneur, tu m’as fait remonter de l’abîme
et revivre quand je descendais à la fosse.

Fêtez le Seigneur, vous, ses fidèles,
rendez grâce en rappelant son nom très saint.
Sa colère ne dure qu’un instant,
sa bonté, toute la vie.

Avec le soir, viennent les larmes,
mais au matin, les cris de joie.
Tu as changé mon deuil en une danse,
mes habits funèbres en parure de joie.

Que mon cœur ne se taise pas,
qu’il soit en fête pour toi,
et que sans fin, Seigneur, mon Dieu,
je te rende grâce !

DEUXIÈME LECTURE
« Ce que vous avez en abondance comblera les besoins des frères pauvres » (2Co 8, 7.9.13-15)

Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens

Frères, puisque vous avez tout en abondance, la foi, la Parole, la connaissance de Dieu, toute sorte d’empressement et l’amour qui vous vient de nous, qu’il y ait aussi abondance dans votre don généreux ! Vous connaissez en effet le don généreux de notre Seigneur Jésus Christ : lui qui est riche, il s’est fait pauvre à cause de vous, pour que vous deveniez riches par sa pauvreté. Il ne s’agit pas de vous mettre dans la gêne en soulageant les autres, il s’agit d’égalité. Dans la circonstance présente, ce que vous avez en abondance comblera leurs besoins, afin que, réciproquement, ce qu’ils ont en abondance puisse combler vos besoins, et cela fera l’égalité, comme dit l’Écriture à propos de la manne : Celui qui en avait ramassé beaucoupn’eut rien de trop,celui qui en avait ramassé peune manqua de rien.

 

ÉVANGILE
« Jeune fille, je te le dis, lève-toi ! » (Mc 5, 21-43)
Alléluia. Alléluia.Notre Sauveur, le Christ Jésus, a détruit la mort ; il a fait resplendir la vie par l’Évangile. Alléluia. (2 Tm 1, 10)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, Jésus regagna en barque l’autre rive, et une grande foule s’assembla autour de lui. Il était au bord de la mer. Arrive un des chefs de synagogue, nommé Jaïre. Voyant Jésus, il tombe à ses pieds et le supplie instamment : « Ma fille, encore si jeune, est à la dernière extrémité. Viens lui imposer les mains pour qu’elle soit sauvée et qu’elle vive. » Jésus partit avec lui, et la foule qui le suivait était si nombreuse qu’elle l’écrasait.

Or, une femme, qui avait des pertes de sang depuis douze ans… – elle avait beaucoup souffert du traitement de nombreux médecins, et elle avait dépensé tous ses biens sans avoir la moindre amélioration ; au contraire, son état avait plutôt empiré – … cette femme donc, ayant appris ce qu’on disait de Jésus, vint par-derrière dans la foule et toucha son vêtement. Elle se disait en effet : « Si je parviens à toucher seulement son vêtement, je serai sauvée. » À l’instant, l’hémorragie s’arrêta, et elle ressentit dans son corps qu’elle était guérie de son mal. Aussitôt Jésus se rendit compte qu’une force était sortie de lui. Il se retourna dans la foule, et il demandait : « Qui a touché mes vêtements ? » Ses disciples lui répondirent : « Tu vois bien la foule qui t’écrase, et tu demandes : “Qui m’a touché ?” » Mais lui regardait tout autour pour voir celle qui avait fait cela. Alors la femme, saisie de crainte et toute tremblante, sachant ce qui lui était arrivé, vint se jeter à ses pieds et lui dit toute la vérité. Jésus lui dit alors : « Ma fille, ta foi t’a sauvée. Va en paix et sois guérie de ton mal. »

Comme il parlait encore, des gens arrivent de la maison de Jaïre, le chef de synagogue, pour dire à celui-ci : « Ta fille vient de mourir. À quoi bon déranger encore le Maître ? » Jésus, surprenant ces mots, dit au chef de synagogue : « Ne crains pas, crois seulement. » Il ne laissa personne l’accompagner, sauf Pierre, Jacques, et Jean, le frère de Jacques. Ils arrivent à la maison du chef de synagogue. Jésus voit l’agitation, et des gens qui pleurent et poussent de grands cris. Il entre et leur dit : « Pourquoi cette agitation et ces pleurs ? L’enfant n’est pas morte : elle dort. » Mais on se moquait de lui. Alors il met tout le monde dehors, prend avec lui le père et la mère de l’enfant, et ceux qui étaient avec lui ; puis il pénètre là où reposait l’enfant. Il saisit la main de l’enfant, et lui dit : « Talitha koum », ce qui signifie : « Jeune fille, je te le dis, lève-toi! » Aussitôt la jeune fille se leva et se mit à marcher – elle avait en effet douze ans. Ils furent frappés d’une grande stupeur. Et Jésus leur ordonna fermement de ne le faire savoir à personne ; puis il leur dit de la faire manger.
.Patrick Braud

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20 août 2018

Sur quoi fonder le mariage ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Sur quoi fonder le mariage ?


Homélie pour le 21° dimanche du temps ordinaire / Année B
26/08/2018

Cf. également :

Voulez-vous partir vous aussi ?
La liberté de partir ou de rester
Le peuple des murmures
L’homme, la femme, et Dieu au milieu


Notre deuxième lecture (Ep 5, 21-32) est devenue presque illisible un dimanche ordinaire en paroisse. Ce texte est le pilier de la théologie du sacrement de mariage pour les catholiques, mais aucun couple ou presque n’ose plus le choisir pour leur liturgie de mariage. Car certaines expressions ne passent plus dans notre culture contemporaine : « femmes, soyez soumises à vos maris ». « Pour la femme, le mari est la tête (le chef) ». La réputation machiste de Paul vient de là, et son influence sur l’Église en est d’autant plus décriée.

« Frères, par respect pour le Christ, soyez soumis les uns aux autres ; les femmes, à leur mari, comme au Seigneur Jésus ; car, pour la femme, le mari est la tête, tout comme, pour l’Église, le Christ est la tête, lui qui est le Sauveur de son corps. Eh bien ! puisque l’Église se soumet au Christ, qu’il en soit toujours de même pour les femmes à l’égard de leur mari. »

Comment interpréter aujourd’hui ces versets apparemment insupportables ?

Revenons d’abord au texte.

La première ‘soumission’ dont il est question n’est pas celle des femmes à leurs maris mais la soumission fraternelle de chacun envers chacun qui doit être la règle générale dans une communauté vraiment chrétienne : « soyez soumis les uns aux autres ». Tout le monde est concerné donc. Comme Paul l’écrit ailleurs : « que chacun estime l’autre comme supérieur à lui-même » (Ph 2,3). D’ailleurs, le texte grec original ne mentionne pas ce mots soumis la première fois qu’il évoque la relation homme / femme : il se contente de poser le parallèle (homme / femme) // (Christ / Église) :

Ep5,22

Les         femmes,         envers   leurs     maris   ,   comme envers le Seigneur (Ep 5,22)

De plus, il ne s’agit pas de n’importe quelle ‘soumission’. Ce n’est pas celle d’un dominé envers un dominateur. Ce n’est pas celle de l’islam où le croyant doit obéir absolument à Dieu dont la volonté est censée être transcrite littéralement dans le Coran et la charia. Non : le modèle de cette soumission est la relation Christ / Église (« puisque l’Église se soumet au Christ ») dont Paul précise bien que c’est une relation d’amour. « Le Christ a aimé l’Église, il s’est livré pour elle ». Se soumettre au Christ, c’est donc reconnaître l’amour premier dont il nous entoure, jusqu’à livrer sa vie pour chacun. C’est accepter ce don qui nous précède : nous sommes placés au-dessous (c’est ce que signifie le verbe grec employé ici : hypotássō = soumettre) du Christ en ce sens qu’il est avant nous, plus grand que nous, nous constituant comme sujets libres et aimants. Car nous ne sommes pas à nous-mêmes notre propre origine. Le but de cette « soumission » est que finalement Dieu soit tout en tous :

« Et lorsque toutes choses lui auront été soumises, alors le Fils lui-même sera soumis à celui qui lui a soumis toutes choses, afin que Dieu soit tout en tous. (1Co 15,28) »

Ce que complète l’autre image employée par Paul, celle de la tête et du corps : « pour la femme, le mari est la tête » (le chef, du terme latin caput = tête, qui a donné par exemple le chapeau, couvre-chef), tout comme pour l’Église le Christ est la tête. Encore une fois, on commet un contresens si on comprend ce binôme tête (chef) / corps sans le référer au binôme Christ / Église. C’est la même qualité de relations unissant le Christ à son Église qui doit unir maris et femmes.

6.PNGOn peut sans doute reprocher à Paul d’avoir trop vite identifié terme à terme les protagonistes de cette identité relationnelle, ce que la culture de son époque jugeait évident (comme il nous est évident aujourd’hui que l’égalité est première). Or, le programme de mathématiques de la classe troisième au collège nous oblige à respecter les règles de calcul des fractions ! Dans le texte de Paul, c’est une identité de rapport, et pas une identité terme à terme. Et nous avons tous appris en algèbre que (a/b = c/d) n’implique pas que a=c ou b=d !

Christ/Église = mari/femme, mais le mari n’est pas le Christ et la femme n’est pas l’Église !

La liberté de partir ou de rester dans Communauté spirituelle mariageRedisons-le c’est une identité de relation et non pas une identité terme à terme. Autrement dit : la relation entre un homme et une femme est élevée à une intensité si grande dans le sacrement de mariage qu’elle devient un signe, un sacrement de la relation Christ – Église.

La réponse est peut-être dans la comparaison que Paul fait entre la relation mari / femme et la relation Christ / Église. « Ce mystère (mysterion en grec = sacramentum en latin = sacrement) est grand : je le dis en pensant au Christ et à l’Église ». En grec, le terme mysterion (mystère) que nous traduisons par sacrement désigne une réalité inépuisable, infinie, que seule une approche symbolique peut évoquer sans la trahir. Le mariage est sacrement de l’amour Christ / Église parce qu’il la symbolise (il la rend présent) aux yeux des hommes et la désigne comme l’horizon de tout amour humain.

Dans l’histoire, souvent l’Église a « trompé » le Christ (et elle continue…) : en s’égarant à la recherche du pouvoir politique ou financier, en enfouissant ses trésors culturels par peur de déplaire, en n’incarnant pas les valeurs évangéliques etc. Les Pères de l’Église la décrivaient comme une prostituée, capable de se vendre à ceux qui lui promettaient le plus… mais une « prostituée que le Christ ré- épouse tous les jours ».

La relation Christ – Église est réellement indissoluble, parce que sans cesse Dieu vient séduire et reconquérir l’humanité tentée par les idoles. « Si nous sommes infidèles, lui reste fidèle, car il ne peut se renier lui-même » (2Ti 2,12).

On touche là une des limites du Nouveau Testament : il contient de quoi dynamiter et révolutionner les évidences des cultures de tous pays et de tous temps, mais les auteurs n’osent pas à en tirer toutes les conséquences, notamment sociales, économiques et politiques.

« Femmes, soyez soumises à vos maris, comme il se doit dans le Seigneur.
Maris, aimez vos femmes, et ne leur montrez point d’humeur.
Enfants, obéissez en tout à vos parents, c’est cela qui est beau dans le Seigneur.
Parents, n’exaspérez pas vos enfants, de peur qu’ils ne se découragent.
Esclaves, obéissez en tout à vos maîtres d’ici-bas, non d’une obéissance tout extérieure qui cherche à plaire aux hommes, mais en simplicité de cœur, dans la crainte du Maître. (…)
Maîtres, accordez à vos esclaves le juste et l’équitable, sachant que, vous aussi, vous avez un Maître au ciel ». (Col 3,19-4,1)

Ainsi pour l’esclavage, que Paul n’ose pas appeler à abolir, alors que pourtant il met le ver dans le fruit en appelant à traiter les esclaves comme des frères. Ainsi pour la séparation juifs / païens, que Jésus n’ose pas abolir de son vivant (« je ne suis envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël » Mt 15,24) alors même qu’il la transgresse en pratique assez souvent. Il faudra la Pentecôte pour que les apôtres découvrent que l’Esprit du Christ abolit les séparations sociales antérieures. Et là, Paul est à la pointe du combat : « en Christ, il n’y a plus ni juif ni grec, ni esclave ni homme libre, ni homme ni femme, » (Ga 3,28).

Sur quoi fonder le mariage ? dans Communauté spirituelle Lapinbleu668C-Jn16_13C’est peut-être cela la promesse du Christ : « l’Esprit vous conduira vers la vérité tout entière » (Jn 16,13). Autrement dit : avec le temps, avec l’inspiration divine, vous découvrirez les conséquences (personnelles, sociales, politiques, économiques…) de l’Évangile. Car les textes seuls ne peuvent contenir la vérité tout entière.

Pour en revenir à notre lecture, l’équivalence (homme / femme) = (Christ / Église) est posée  avec force, sans que Paul en tire toutes les conséquences que nous y voyons actuellement. D’ailleurs, dans quelques siècles, on en tirera sûrement d’autres conséquences encore !

Reste que cette équivalence est posée, établissant le mariage comme un sacrement (mysterion en grec = mystère) de la relation Christ / Église.

Du coup, Paul – il n’est pas idiot ! – prend soin de développer longuement tout ce que cela implique pour le mari vis-à-vis de sa femme. Il emploie environ deux fois plus de mots pour les maris que les femmes ! Dans ce paragraphe deux fois plus long, il parle d’aimer sa femme, de se livrer pour elle, d’en prendre soin et de s’en occuper comme de son propre corps. C’est sans doute parce qu’il a bien conscience que la tâche sera deux fois plus ardue du côté des hommes que des femmes…

Qu’en conclure ?

- Paul affirme que le mariage est un sacrement (mysterion) parce qu’il symbolise la relation Christ / Église : la relation mari / femme se nourrit de la relation Christ / Église et la rend présente au milieu de nos contemporains. En voyant les gens mariés s’aimer, on devrait comprendre comment le Christ aime l’Église (et réciproquement).

- Nous ne sommes pas obligés de suivre Paul lorsqu’il identifie terme à terme les partenaires de ces deux relations, comme le faisait sa culture liée à son époque.

amour_nonpartag%C3%A9 détachement dans Communauté spirituelle- Par contre, nous devons en tirer toutes les conséquences, et pas seulement celles conformes à la culture de notre époque et de notre continent. Il y a bien sûr l’égalité fondamentale, le principe de l’amour mutuel et la symétrie des obligations dans ce que Paul dit du mariage. Mais il y a également d’autres conséquences plus ‘piquantes’ pour un occidental du XXI° siècle : le mariage ne se réduit pas au seul sentiment, il suppose une volonté de se livrer pour l’autre, inconditionnellement, ce qui implique l’indissolubilité, à l’image de l’amour du Christ pour l’Église et chacun d’entre nous.

Le texte d’Éphésiens 5 est un bon exemple du danger qu’il y a à lire un texte trop rapidement en plaquant les évidences de son siècle. Qui sait si dans mille ans les observateurs ne jugeront pas très sévèrement les relations homme / femme de nos sociétés postmodernes ? Je me souviens par exemple de la figure épouvantée d’amis africains venus pour la première fois en France. « À voir les femmes sur vos affiches, disaient-il, sur vos écrans, la publicité partout, à parler avec tant de mères célibataires galérant pour élever seules leurs enfants, à entendre la souffrance de tant de couples qui explosent en plein vol après quelques années de mariage ou de vie commune, à écouter les femmes si nombreuses qui ont connu une IVG, ne venez pas nous dire que l’avenir de la femme est chez vous ! Nous ne voulons pas de ce modèle de société individualiste engendrant plus de solitudes que de couples heureux de vieillir ensemble ! »

On est toujours le ‘sauvage’ d’un autre …

Puissions-nous continuer à scruter les Écritures, pour que l’Esprit du Christ nous conduise à la vérité tout entière. Or, sur la question des relations homme / femme, notre société comme les autres a encore bien du chemin à parcourir.

 

Lectures de la messe

Première lecture
« Nous voulons servir le Seigneur, car c’est lui notre Dieu » (Jos 24, 1-2a.15-17.18b)

Lecture du livre de Josué

En ces jours-là, Josué réunit toutes les tribus d’Israël à Sichem ; puis il appela les anciens d’Israël, avec les chefs, les juges et les scribes ; ils se présentèrent devant Dieu. Josué dit alors à tout le peuple : « S’il ne vous plaît pas de servir le Seigneur, choisissez aujourd’hui qui vous voulez servir : les dieux que vos pères servaient au-delà de l’Euphrate, ou les dieux des Amorites dont vous habitez le pays. Moi et les miens, nous voulons servir le Seigneur. » Le peuple répondit : « Plutôt mourir que d’abandonner le Seigneur pour servir d’autres dieux ! C’est le Seigneur notre Dieu qui nous a fait monter, nous et nos pères, du pays d’Égypte, cette maison d’esclavage ; c’est lui qui, sous nos yeux, a accompli tous ces signes et nous a protégés tout le long du chemin que nous avons parcouru, chez tous les peuples au milieu desquels nous sommes passés. Nous aussi, nous voulons servir le Seigneur, car c’est lui notre Dieu. »

Psaume
(Ps 33 (34), 2-3, 16-17, 20-21, 22-23)
R/ Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur ! (cf. Ps 33, 9)

Je bénirai le Seigneur en tout temps,
sa louange sans cesse à mes lèvres.
Je me glorifierai dans le Seigneur :
que les pauvres m’entendent et soient en fête !

Le Seigneur regarde les justes,
il écoute, attentif à leurs cris.
Le Seigneur affronte les méchants
pour effacer de la terre leur mémoire.

Malheur sur malheur pour le juste,
mais le Seigneur chaque fois le délivre.
Il veille sur chacun de ses os :
pas un ne sera brisé.

Le mal tuera les méchants ;
ils seront châtiés d’avoir haï le juste.
Le Seigneur rachètera ses serviteurs :
pas de châtiment pour qui trouve en lui son refuge.

Deuxième lecture
« Ce mystère est grand : je le dis en référence au Christ et à l’Église » (Ep 5, 21-32)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens

Frères, par respect pour le Christ, soyez soumis les uns aux autres ; les femmes, à leur mari, comme au Seigneur Jésus ; car, pour la femme, le mari est la tête, tout comme, pour l’Église, le Christ est la tête, lui qui est le Sauveur de son corps. Eh bien ! puisque l’Église se soumet au Christ, qu’il en soit toujours de même pour les femmes à l’égard de leur mari.
Vous, les hommes, aimez votre femme à l’exemple du Christ : il a aimé l’Église, il s’est livré lui-même pour elle, afin de la rendre sainte en la purifiant par le bain de l’eau baptismale, accompagné d’une parole ; il voulait se la présenter à lui-même, cette Église, resplendissante, sans tache, ni ride, ni rien de tel ; il la voulait sainte et immaculée. C’est de la même façon que les maris doivent aimer leur femme : comme leur propre corps. Celui qui aime sa femme s’aime soi-même. Jamais personne n’a méprisé son propre corps : au contraire, on le nourrit, on en prend soin.
C’est ce que fait le Christ pour l’Église, parce que nous sommes les membres de son corps. Comme dit l’Écriture : À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un. Ce mystère est grand : je le dis en référence au Christ et à l’Église. 

Évangile
« Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle » (Jn 6, 60-69) Alléluia. Alléluia.
Tes paroles, Seigneur, sont esprit et elles sont vie ; tu as les paroles de la vie éternelle. Alléluia. (cf. Jn 6, 63c.68c)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

En ce temps-là, Jésus avait donné un enseignement dans la synagogue de Capharnaüm. Beaucoup de ses disciples, qui avaient entendu, déclarèrent : « Cette parole est rude ! Qui peut l’entendre ? » Jésus savait en lui-même que ses disciples récriminaient à son sujet. Il leur dit : « Cela vous scandalise ? Et quand vous verrez le Fils de l’homme monter là où il était auparavant !… C’est l’esprit qui fait vivre, la chair n’est capable de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie. Mais il y en a parmi vous qui ne croient pas. » Jésus savait en effet depuis le commencement quels étaient ceux qui ne croyaient pas, et qui était celui qui le livrerait. Il ajouta : « Voilà pourquoi je vous ai dit que personne ne peut venir à moi si cela ne lui est pas donné par le Père. »
À partir de ce moment, beaucoup de ses disciples s’en retournèrent et cessèrent de l’accompagner. Alors Jésus dit aux Douze : « Voulez-vous partir, vous aussi ? » Simon-Pierre lui répondit : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Quant à nous, nous croyons, et nous savons que tu es le Saint de Dieu. »
Patrick BRAUD

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15 août 2017

Recevoir sa mission d’une inconnue étrangère

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 14 h 01 min

Recevoir sa mission d’une inconnue étrangère


Homélie pour le 20° Dimanche du temps ordinaire / Année A
20/08/2017

Cf. également :

Maison de prière pour tous les peuples
Lumière des nations
Épiphanie : qu’est-ce que l’universel ?
Êtes-vous plutôt centripètes ou centrifuges ?
Le Temple, la veuve, et la colère
Les sans-dents, pierre angulaire

Un consultant raconte un séminaire d’entreprise.
Le public était mélangé, des employés à la Direction Générale, et l’objectif était de refonder la raison d’être de l’entreprise (très tournée vers les articles de sport). 
Le consultant pose la question à tous : ‘à votre avis, quelle est la raison d’être de votre société ?’ Plus à l’aise en public, les dirigeants répondent en premier : ‘faire du profit’, ‘assurer notre pérennité’. Des managers complètent : ‘réaliser nos objectifs’, ‘garantir la satisfaction du client’… Le consultant fait la moue : ‘la raison d’être d’une entreprise, c’est ce qui fait que vous vous levez le matin avec énergie et envie pour aller au boulot’.
Une vendeuse lève timidement le doigt : ‘moi je suis passionnée de tir à l’arc, et mon objectif dans mon métier c’est de faire partager cette passion à mes clients’.
Petit silence. Avec humilité, les dirigeants prolongent : ‘finalement, c’est vrai. Le cash, les objectifs, les performances techniques ne sont que des moyens au service du but que nous venons d’entendre : partager notre passion du sport, tous les sports, avec le plus grand nombre’.
Depuis, centré sur sa raison d’être qui est le critère ultime des choix stratégiques techniques et économiques, ce groupe d’équipement sportif réputé ne cesse de faire une belle croissance à deux chiffres chaque année. Car leurs choix sont simplifiés : tout ce qui va dans le sens de la raison d’être est permis, encouragé, valorisé. Tout ce qui y est contraire est éliminé. Et chacun peut/doit faire ce discernement à son niveau, individuellement et en équipe.

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C’est un peu une révélation de ce type que Jésus vit dans l’évangile de la libanaise revendiquant les miettes pour les petits chiens (Mt 15, 21-28)… En effet, jusque-là, Jésus en bon juif qu’il était, croyait n’être envoyé qu’à son peuple, pour réformer sa foi, son Temple, ses pratiques. La conscience historique de Jésus de Nazareth était dans son humanité soumise aux mêmes lois psychologiques que la nôtre : il lui a fallu du temps pour réaliser qui il était, et quelle était sa mission. La rencontre avec cette libanaise constitue un tournant dans la conscience de Jésus : grâce à elle, à cause d’elle, il découvre stupéfait qu’en effet les étrangers ont droit eux aussi à la nourriture qu’il dispense aux juifs. Parce que cette femme a insisté, argumenté, parce qu’elle n’a pas lâché prise par amour pour sa fille, elle a provoqué en Jésus une prise de conscience de l’universalité de sa mission. Avant, il croyait n’être envoyé qu’aux « brebis perdues de la maison d’Israël ». Après, il reconnaît la foi de cette cananéenne et saura désormais que tous les peuples attendent de participer au repas messianique à sa table.

Recevoir sa mission d'une inconnue étrangère dans Communauté spirituelle C%C3%A9r%C3%A918

Notons deux ou trois traits au passage :

- C’est alors que Jésus se retire dans la région de Tyr et Sidon qu’il découvre l’ampleur de sa mission grâce à cette femme. On dirait aujourd’hui il a posé une semaine de congés payés avec son staff (les Douze), qu’il ressent le besoin de se mettre au vert avec eux, pour réfléchir à la suite des événements, se reposer.
C’est donc que nous avons besoin nous aussi de congés pour l’esprit, de retraits ponctuels, de prises de recul ailleurs pour faire le point et réfléchir sur notre mission.

illustration- C’est en terre étrangère, avec une femme étrangère (cananéenne = libanaise) que cette scène se passe. L’ailleurs du lieu aidera Jésus à découvrir l’ailleurs de sa mission. L’altérité du pays (le Liban actuel) lui est favorable pour prendre conscience d’une autre dimension de son identité et de sa mission. L’autre (la femme étrangère) lui révélera l’autre face cachée de sa feuille de route. L’inconnue (cananéenne) lui fera connaître la volonté de son Père pour tous, qu’il ne connaissait pas jusqu’alors ainsi.

- C’est une femme – et une non juive-  qui l’aide à progresser ! Si nous savons écouter les sans-grades, les moins considérés de nos entreprises, de nos communautés, ce sont eux qui nous apprendront finalement quelles sont les vraies priorités auxquelles nous atteler. C’est  de la bouche de ceux qui ne comptent pas (les « sans dents » de Hollande où « les gens qui ne sont rien » de Macron) que nous pouvons apprendre le meilleur sur nous-mêmes.

- Le staff de Jésus (les Douze) joue malheureusement un rôle d’écran entre lui et cette femme. Elle les insupporte de ses cris et ils voudraient la chasser loin de Jésus.
C’est souvent le cas pour nous aussi : notre premier cercle de proches veut souvent nous éloigner de ceux qui ont pourtant un message à nous délivrer. Il est donc essentiel d’éduquer le regard de ce premier cercle sur les importuns et les gêneurs, sur les petits grains de sable qui heureusement viennent dévier la route trop vite tracée. Voilà pourquoi il nous faut éduquer nos proches pour qu’ils ne dressent pas d’écran involontaire entre nos équipes et nous.

Un peu comme les dirigeants de notre entreprise de sport du début ont eu l’humilité de recevoir leur raison d’être d’une simple vendeuse anonyme, Jésus a su recevoir la révélation de l’universalité de sa mission d’une femme, inconnue, étrangère (non-juive). Simple rencontre d’un jour (ils ne se reverront jamais), la cananéenne a pourtant transformé à jamais la vie du prophète de Nazareth, dilatant sa conscience d’être envoyé à tous.

Et nous ?

Couverture de Le roi sans fou - Le Roi sans fouChacun de nous a sa mission, ses missions : professionnelle, familiales, associative, amicale… Saurons-nous être à l’écoute de ce que des inconnus d’un jour, des étrangers loin de nos cercles habituels peuvent nous dire de nous-mêmes ? Prenons les moyens de recevoir notre mission des mains-mêmes de ceux vers qui nous sommes envoyés ? Pour des dirigeants, cela implique d’avoir des remontées du terrain en direct, non filtrées par la cour des N-1 ou N-2. À l’instar du fou du roi qui avait le droit autrefois de critiquer vertement le monarque en public, véritable lanceur d’alerte indispensable à la bonne information du roi.

Pour des acteurs associatifs, c’est refonder sans cesse le but de l’association à partir des vrais besoins exprimés par les gens.

Pour tous, c’est savoir saisir à la volée ce qu’une remarque, un échange, une écoute d’une rencontre ponctuelle peut nous révéler de nous-mêmes. Particulièrement en ces temps de congés, dans les Tyr et Sidon contemporains (plages, gîtes, randonnées…), soyons attentifs à ce que des contacts apparemment bien loin de nos préoccupations habituelles pourraient nous révéler de notre mission. Même dans le métro, au marché, dans une file d’attente…

Il suffit parfois d’être présent, juste présent, pour entendre une inconnue étrangère remettra en cause nos représentations d’avant.

Quels sont donc les petits chiens qui n’attendent que de manger les miettes tombant de notre table ?

 

 

Lectures de la messe

Première lecture
« Les étrangers, je les conduirai à ma montagne sainte » (Is 56, 1.6-7)
Lecture du livre du prophète Isaïe

Ainsi parle le Seigneur : Observez le droit, pratiquez la justice, car mon salut approche, il vient, et ma justice va se révéler.
 Les étrangers qui se sont attachés au Seigneur pour l’honorer, pour aimer son nom, pour devenir ses serviteurs, tous ceux qui observent le sabbat sans le profaner et tiennent ferme à mon alliance, je les conduirai à ma montagne sainte, je les comblerai de joie dans ma maison de prière, leurs holocaustes et leurs sacrifices seront agréés sur mon autel, car ma maison s’appellera « Maison de prière pour tous les peuples. »

Psaume
(Ps 66 (67), 2-3, 5, 7-8)
R/ Que les peuples, Dieu, te rendent grâce ; qu’ils te rendent grâce tous ensemble ! (Ps 66, 4)

Que Dieu nous prenne en grâce et nous bénisse,
que ton visage s’illumine pour nous ;
et ton chemin sera connu sur la terre,
ton salut, parmi toutes les nations.

Que les nations chantent leur joie,
car tu gouvernes le monde avec justice ;
tu gouvernes les peuples avec droiture
sur la terre, tu conduis les nations.

La terre a donné son fruit ;
Dieu, notre Dieu, nous bénit.
Que Dieu nous bénisse,
et que la terre tout entière l’adore !

Deuxième lecture
« À l’égard d’Israël, les dons gratuits de Dieu et son appel sont sans repentance » (Rm 11, 13-15.29-32)
Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains
Frères, je vous le dis à vous, qui venez des nations païennes : dans la mesure où je suis moi-même apôtre des nations, j’honore mon ministère, mais dans l’espoir de rendre jaloux mes frères selon la chair, et d’en sauver quelques-uns. Si en effet le monde a été réconcilié avec Dieu quand ils ont été mis à l’écart, qu’arrivera-t-il quand ils seront réintégrés ? Ce sera la vie pour ceux qui étaient morts !
 Les dons gratuits de Dieu et son appel sont sans repentance. Jadis, en effet, vous avez refusé de croire en Dieu, et maintenant, par suite de leur refus de croire, vous avez obtenu miséricorde ; de même, maintenant, ce sont eux qui ont refusé de croire, par suite de la miséricorde que vous avez obtenue, mais c’est pour qu’ils obtiennent miséricorde, eux aussi. Dieu, en effet, a enfermé tous les hommes dans le refus de croire pour faire à tous miséricorde.

Évangile
« Femme, grande est ta foi ! » (Mt 15, 21-28) Alléluia. Alléluia.
Jésus proclamait l’Évangile du Royaume, et guérissait toute maladie dans le peuple. Alléluia. (cf. Mt 4, 23)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
En ce temps-là, partant de Génésareth, Jésus se retira dans la région de Tyr et de Sidon. Voici qu’une Cananéenne, venue de ces territoires, disait en criant : « Prends pitié de moi, Seigneur, fils de David ! Ma fille est tourmentée par un démon. » Mais il ne lui répondit pas un mot. Les disciples s’approchèrent pour lui demander : « Renvoie-la, car elle nous poursuit de ses cris ! » Jésus répondit : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël. » Mais elle vint se prosterner devant lui en disant : « Seigneur, viens à mon secours ! » Il répondit : « Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens. » Elle reprit : « Oui, Seigneur ; mais justement, les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. » Jésus répondit : « Femme, grande est ta foi, que tout se passe pour toi comme tu le veux ! » Et, à l’heure même, sa fille fut guérie.
Patrick BRAUD

 

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