L'homélie du dimanche (prochain)

24 septembre 2023

Vaut-il mieux dire ou faire ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Vaut-il mieux dire ou faire ?

Homélie pour le 26° Dimanche du temps ordinaire / Année A
01/10/2023

Cf. également :
L’évangile de la seconde chance
Justice punitive vs justice restaurative
Changer de regard sur ceux qui disent non
Les collabos et les putains
Rameaux, kénose et relèvement

1. Ils disent et ne font pas
Vaut-il mieux dire ou faire ? dans Communauté spirituelle mome-mosquée
La parabole des deux enfants (Mt 21,28-32) de ce dimanche semble claire, et elle satisfait notre mentalité moderne sécularisée très factuelle : peu importe les croyances religieuses des gens, seuls comptent leurs actes. Qui plus est, on se méfie des gens qui font de grandes déclarations la main sur le cœur mais qui en finale n’agissent pas. Notre époque est à l’orthopraxie, diraient les spécialistes, c’est-à-dire que nous accordons une importance majeure à ce qui est fait plus qu’à ce qui est dit ou pensé. Peu importe la religion ou la philosophie de quelqu’un : le seul critère est son action. Débattre de ce qu’il pense ou croit pour savoir si c’est vrai est superflu et inutile.

Les catholiques sont relativement à l’aise avec cette importance majeure donnée aux œuvres de quelqu’un. Ils s’appuient sur de nombreuses paroles de Jésus comme celle-ci : « ce ne sont pas ceux qui disent : ‘Seigneur,  Seigneur !’ qui entreront dans le royaume des cieux, mais ceux qui font la volonté de mon Père » (Mt 7,21).
Notre parabole semble nous encourager à dénoncer toute hypocrisie religieuse ‘à la pharisienne’ qui dit ‘oui’ des lèvres et ‘non’ de la main. La violente critique de Jésus à l’encontre des religieux de son époque rejoint celle de la parabole contre le premier fils : « ils disent et ne font pas » (Mt 23,3). Et pour une part, c’est vrai que ce divorce croissant entre l’enseignement de l’Église (sur l’amour, la morale, le pardon etc.) et ses pratiques institutionnelles (omerta sur les abus, hypocrisie face à l’argent et aux pouvoirs en place etc.) devient insupportable aux yeux de nos contemporains, et suffit à disqualifier son message.

L’affaire serait donc bouclée : la parabole des deux fils nous conforte dans l’idée qu’il vaut mieux faire que dire. « On juge l’arbre à ses fruits » (Mt 7,16-20), point barre.

 

2. Le débat entre la foi et les œuvres
Évidemment, les protestants sont moins à l’aise avec cette lecture univoque de la parabole. Car ce serait trancher le vieux débat entre la foi et les œuvres en faveur des œuvres.

la%2Bfoi%2Bou%2Bles%2Boeuvres dire dans Communauté spirituelleEst-ce mon action qui me sauve ? Ce serait contredire l’une des thèses majeures du Nouveau Testament : la gratuité du salut, don de Dieu. « Si ta bouche proclame que Jésus est Seigneur, si tu crois dans ton cœur que Dieu l’a relevé d’entre les morts, alors tu seras sauvé » (Rm 10,9). Paul ne cesse de proclamer la supériorité – et l’antériorité – de l’action en nous de l’Esprit sur toutes nos actions. Pour lui, seule la foi justifie : « nous pensons que l’homme est justifié par la foi, sans les œuvres de la Loi » (Rm 3,28). Il s’oppose ainsi – quasi frontalement – au frère de Jésus, Jacques, premier évêque de Jérusalem, qui rappelle en bon juif l’importance de l’observance de la Loi : « Vous voyez que l’homme est justifié par les œuvres, et non par la foi seulement » (Jc 2,24). Pour Paul, observer la Torah sans croire au Christ ne sert à rien, ce sont des « œuvres mortes » : « Tendons la perfection d’adultes, au lieu de poser une nouvelle fois les fondements, à savoir : la conversion,  avec le rejet des œuvres mortes et la foi en Dieu » (He 6,1).   « Combien plus le sang de Christ, qui, par un esprit éternel, s’est offert lui-même sans tache à Dieu, purifiera-t-il votre conscience des œuvres mortes, afin que vous serviez le Dieu vivant ! » (He 9,14).
D’ailleurs, le premier qui entre au paradis dans les Évangiles n’est ni Pierre ni même Marie, mais un criminel qui n’a rien fait de bien dans sa vie sinon dire sa foi en Jésus au moment de mourir : « Souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume » (Lc 23,42). Cette parole l’a sauvé, alors que ses actes le condamnaient.

Soutenir avec notre parabole qu’il vaut mieux dire ‘non’ à Dieu mais faire sa volonté, c’est basculer dans le camp de Jacques, pour qui le plus important est d’agir. Pourrait-on l’interpréter autrement ?

 

3. La parabole à l’envers
C’est bien sûr un protestant – le pasteur Marc Perrot – qui nous met sur la voie d’une autre interprétation possible de la parabole [1]. Il fait remarquer que de nombreux manuscrits, et non des moindres, ont interverti les deux fils dans leurs versions. Si bien que dans ces manuscrits c’est celui qui dit ‘oui Seigneur’ qui est conforme à la volonté du Père, même s’il ne va pas ensuite travailler à la vigne. La note de la TOB sur Mt 21,29 précise par exemple : « Certains manuscrits intervertissent l’ordre des réponses aux v. 29 et 30 ».
À la lecture de ces manuscrits, les copistes ont cru à une erreur : c’était impossible pour eux que la parabole loue celui qui dit ‘oui’ sans rien faire ! C’était contraire à la morale commune.

Et si c’était pourtant cette version qui était la plus intéressante, car plus radicale, plus à rebrousse-poil de nos représentations ? Il n’y a pas besoin de révélation pour louer celui qui va travailler à la vigne ! Alors que l’inverse…
publicains-prostituees-precedent-cl faireIntervertir les deux fils serait alors reconnaître que dire ‘oui Seigneur’ est plus important que de faire un tas de bonnes œuvres ; clamer son rejet : ‘je ne veux pas’ est plus grave que de ne pas aller à la vigne. D’ailleurs, les publicains et les prostituées ne font pas les œuvres de Dieu, et pourtant ils précèdent les pharisiens dans le royaume de Dieu ! Ceux qui reconnaissent Jésus ne changent pas de métier pour autant (sauf justement Lévy-Mathieu qui du coup comprend la difficulté de ses collègues à changer de métier !) : ils lui disent oui, avec passion et amour, mais ne peuvent gagner leur vie autrement. Ils confessent leur foi de tout leur cœur, mais ne deviennent pas pour autant de bons juifs religieux observant toute la Loi. Zachée par exemple rembourse quatre fois ce qu’il a volé dans son métier de publicain, mais ne renonce pas à ce métier, impur par essence aux yeux des juifs. De même on ne sait pas ce qu’a fait la prostituée qui a versé un parfum précieux sur les pieds de Jésus pour lui exprimer sa foi et son désir d’être pardonnée. Il n’est pas sûr qu’elle ait cessé de se prostituer ! Jésus n’a rien exigé d’elle pour lui accorder le salut. On ne sait rien non plus de ce qu’a fait le publicain de la parabole en descendant du Temple où son humble prière l’avait justifié, à l’inverse du pharisien se glorifiant de ses bonnes œuvres nombreuses et méritantes (Lc 18,9-14). Il n’est pas sûr qu’il ait cessé d’être publicain !
Remarquons en outre que Jésus dans la finale de la parabole loue les publicains et les prostituées qui ont cru (en la parole de Jean-Baptiste) même s’ils n’ont pas fait les bonnes œuvres justes. Comme quoi croire – dire oui – est plus important que faire…
Les publicains et les prostituées ne font pas la volonté du Père mais ils lui disent oui dans leur cœur de toutes leurs forces. Les pharisiens eux font la volonté de Dieu en obéissant à la Loi et en accomplissant tout ce qu’elle prescrit, mais ils ne disent pas oui à Jésus, ni ne le reconnaissent comme Seigneur. L’humble désir confiant des pécheurs contrits incapables d’observer la Loi vaut mieux que l’orgueilleuse fidélité des pharisiens aux œuvres de la Loi tout en disant non à Jésus.

En outre, le comportement de celui qui dit non puis change d’avis n’est pas au-dessus de tout soupçon. La traduction liturgique écrit : « s’étant repenti, il y alla ». Petite erreur de traduction : le verbe employé par Mathieu en grec n’est pas se repentir (μετανοέω = metanoeo), mais se rétracter, revenir en arrière (μεταμέλομαι = metamelomai). Autant le repentir est bien vu car lié au salut, autant la rétractation est mal vue car contraire à la fidélité. Ainsi Dieu ne se rétracte jamais quand il engage sa parole : « Le Seigneur l’a juré, et il ne se rétractera (μεταμέλλομαι = metamellomai) pas : ‘Tu es prêtre pour toujours à la manière de Melchisédech’ » (Ps 110,4 LXX).
Le seul autre usage du verbe « se rétracter » dans l’Évangile de Matthieu est pour… Judas : « en voyant que Jésus était condamné, Judas, qui l’avait livré, se rétracta (μεταμεληθεὶς) ; il rendit les trente pièces d’argent aux grands prêtres et aux anciens » (Mt 27,3). Judas s’aperçoit qu’il s’est trompé dans son calcul politique, lui qui avait imaginé être le médiateur d’une alliance entre Jésus et les chefs juifs pour chasser les Romains d’Israël. Voyant que cela ne marche pas, il revient en arrière, il se rétracte, et ne veut rien garder de l’accord passé auparavant, d’où la reddition des 30 deniers. Mais ensuite, il va se pendre ! Se rétracter ne conduit donc pas forcément au salut…

Comparer à Judas le fils qui dit non n’est vraiment pas en sa faveur, quoi qu’il fasse ensuite.
Par contre le fils qui dit oui proclame sa foi en appelant son père ‘Seigneur’, profession de foi reconnaissant le Christ comme tel. « Si ta bouche proclame que Jésus est Seigneur… »
Retourner ainsi à l’envers cette parabole permet de ne pas contredire la gratuité du salut, qui ne s’obtient pas par les œuvres, mais par la foi.

Marc Perrot commente : « C’est comme cela que cette parabole permet de comprendre la suite de ce que Jésus dit à ses disciples : il compare les prostituées, les pécheurs, qui certes ne font pas les bonnes œuvres de la Loi, mais qui, peut-être de tout leur cœur, aimeraient aimer, et demandent pardon à Dieu, avec les pharisiens, professionnels des bonnes œuvres, mais qui se placent eux-mêmes au centre de leur religion avec leurs mérites ».

 

4. La dialectique de la foi et des œuvres
La Tradition a retenu la première version du texte, apparemment favorable au salut par les œuvres. La mémoire de l’autre version n’a pas pour autant totalement disparue. Et tout le Nouveau Testament est parcouru par cette tension entre la foi et les œuvres : des centaines de passages vont dans le premier sens, des centaines dans le second.
Le pasteur Marc Perrot rassemble les deux interprétations de la parabole : « Nous sommes sauvés, non par les œuvres, mais par la foi… mais néanmoins ne nous contentons pas de paroles ou de pseudo bonne volonté, et accomplissons la volonté de notre Père, nous avons bien là deux paraboles non pas contraires, mais complémentaires. Et il n’y a peut-être pas à choisir un sens ou l’autre, les deux sont importants et justes ».
Massacre de la St Barthélémy (1572)N’oublions pas que le débat de la Réforme autour de la foi et des œuvres a mis l’Europe à feu et à sang ! Au XVI° siècle, il n’a pas été résolu de manière satisfaisante, car les anathèmes et excommunications réciproques ont fracturé l’Église d’Occident et bientôt les colonies lointaines en de multiples Églises  apparemment irréconciliables.

Heureusement, l’œcuménisme a effectué un formidable travail exégétique, historique, théologique et spirituel au XX° siècle. On peut dire aujourd’hui que cette querelle est – sur le fond – désormais dépassée. En témoigne la « Déclaration commune sur la justification par la foi », de la Fédération luthérienne mondiale et de l’Église catholique en 1999, signée également par les anglicans en 2017.

N° 15. « Nous confessons ensemble : c’est seulement par la grâce au moyen de la foi en l’action salvifique du Christ, et non sur la base de notre mérite, que nous sommes acceptés par Dieu et que nous recevons l’Esprit Saint qui renouvelle nos cœurs, nous habilite et nous appelle à accomplir des œuvres bonnes ».
N° 19. « Nous confessons ensemble que la personne humaine est pour son salut entièrement dépendante de la grâce salvatrice de Dieu. »
N° 20. « Lorsque les catholiques affirment que, lors de la préparation en vue de la justification et de son acceptation, la personne humaine « coopère » par son approbation à l’agir justifiant de Dieu, ils considèrent une telle approbation personnelle comme étant une action de la grâce et non pas le résultat d’une action dont la personne humaine serait capable. »

Luthériens, catholiques et anglicans ont levé leurs excommunications, et partagent ce qu’on appelle un ‘consensus différencié’ sur l’enjeu de notre parabole. Tous proclament que le salut est gratuitement donné par Dieu sans que personne ne puisse le mériter. Les catholiques insistent cependant sur la vitalité de la foi agissant au cœur de l’homme renouvelé par Dieu, et produisant des œuvres de charité et de justice. Les protestants insistent quant à eux sur l’entière dépendance de l’homme vis-à-vis de l’Esprit pour accomplir ce qui est bien.

dialectique-foi-oeuvres-bocal1 foiN° 38. « Selon la conception catholique, les bonnes œuvres qui sont réalisées par la grâce et l’action du Saint-Esprit contribuent à une croissance dans la grâce afin que la justice reçue de Dieu soit préservée et la communion avec le Christ approfondie. Lorsque les catholiques affirment le « caractère méritoire » des bonnes œuvres, ils entendent par-là que, selon le témoignage biblique, un salaire céleste est promis à ces œuvres. Loin de contester le caractère de ces œuvres en tant que don ou, encore moins, de nier que la justification reste un don immérité de grâce, ils veulent souligner la responsabilité de la personne pour ses actions ».

C’est un peu comme l’enfant et le poisson rouge de l’image ci-contre [2] : l’enfant regarde le poisson de l’extérieur du bocal-aquarium, et déclare à raison que ce bocal est convexe. Le poisson rouge regarde l’enfant de l’intérieur du bocal, et déclare à raison celui-ci concave. Ainsi Jacques, regardant les choses extérieurement, dit que nous sommes sauvés par les œuvres. Tandis que Paul, regardant les choses de l’intérieur, proclame que nous sommes justifiés par la foi. Les deux ne sont pas en désaccord. Ils sont en tension dialectique. C’est dire qu’il faut changer de point de vue pour comprendre comment les deux s’opposent et s’articulent, selon un processus qu’on qualifierait aujourd’hui de systémique : la foi procure gratuitement le salut, faisant ainsi du croyant une créature nouvelle capable de produire  – dans la force de l’Esprit – des œuvres de charité et de prière qui font grandir davantage encore la grâce, qui se répand à nouveau par la foi etc. Et cette boucle ne finit jamais.

On peut tenter de schématiser cette dialectique ainsi :

Dialectique Foi Oeuvres 

Alors, au final, vaut-il mieux dire ou faire ?
Au lieu de répondre trop vite, parcourons la parabole des deux fils dans un sens puis dans l’autre, puis à l’envers, puis à nouveau etc., jusqu’à ce que la question s’efface au profit de la seule joie d’entendre l’appel du Seigneur : « mon enfant, va travailler à ma vigne ».

 


[1]. Pasteur de l’Église protestante unie de l’Étoile, à Paris ; cf. https://etoile.pro/accueil-2?view=article&id=915:la-parabole-des-deux-fils&catid=22:catechisme

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Si le méchant se détourne de sa méchanceté, il sauvera sa vie » (Ez 18, 25-28)

Lecture du livre du prophète Ézékiel
Ainsi parle le Seigneur : « Vous dites : ‘La conduite du Seigneur n’est pas la bonne’. Écoutez donc, fils d’Israël : est-ce ma conduite qui n’est pas la bonne ? N’est-ce pas plutôt la vôtre ? Si le juste se détourne de sa justice, commet le mal, et meurt dans cet état, c’est à cause de son mal qu’il mourra. Si le méchant se détourne de sa méchanceté pour pratiquer le droit et la justice, il sauvera sa vie. Il a ouvert les yeux et s’est détourné de ses crimes. C’est certain, il vivra, il ne mourra pas. »

PSAUME
(Ps 24 (25), 4-5ab, 6-7, 8-9)
R/ Rappelle-toi, Seigneur, ta tendresse. (Ps 24, 6a)

Seigneur, enseigne-moi tes voies,
fais-moi connaître ta route.
Dirige-moi par ta vérité, enseigne-moi,
car tu es le Dieu qui me sauve.

Rappelle-toi, Seigneur, ta tendresse,
ton amour qui est de toujours.
Oublie les révoltes, les péchés de ma jeunesse ;
dans ton amour, ne m’oublie pas.

Il est droit, il est bon, le Seigneur,
lui qui montre aux pécheurs le chemin.
Sa justice dirige les humbles,
il enseigne aux humbles son chemin.

DEUXIÈME LECTURE
« Ayez en vous les dispositions qui sont dans le Christ Jésus » (Ph 2, 1-11)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Philippiens
Frères, s’il est vrai que, dans le Christ, on se réconforte les uns les autres, si l’on s’encourage avec amour, si l’on est en communion dans l’Esprit, si l’on a de la tendresse et de la compassion, alors, pour que ma joie soit complète, ayez les mêmes dispositions, le même amour, les mêmes sentiments ; recherchez l’unité. Ne soyez jamais intrigants ni vaniteux, mais ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes. Que chacun de vous ne soit pas préoccupé de ses propres intérêts ; pensez aussi à ceux des autres.
Ayez en vous les dispositions qui sont dans le Christ Jésus : ayant la condition de Dieu, il ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix.
C’est pourquoi Dieu l’a exalté : il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur terre et aux enfers, et que toute langue proclame : « Jésus Christ est Seigneur » à la gloire de Dieu le Père.

ÉVANGILE
« S’étant repenti, il y alla » (Mt 21, 28-32)
Alléluia. Alléluia. Mes brebis écoutent ma voix, dit le Seigneur ; moi, je les connais, et elles me suivent. Alléluia. (Jn 10, 27)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
En ce temps-là, Jésus disait aux grands prêtres et aux anciens du peuple : « Quel est votre avis ? Un homme avait deux fils. Il vint trouver le premier et lui dit : ‘Mon enfant, va travailler aujourd’hui à la vigne.’ Celui-ci répondit : ‘Je ne veux pas.’ Mais ensuite, s’étant repenti, il y alla. Puis le père alla trouver le second et lui parla de la même manière. Celui-ci répondit : ‘Oui, Seigneur !’ et il n’y alla pas. Lequel des deux a fait la volonté du père ? » Ils lui répondent : « Le premier. »
Jésus leur dit : « Amen, je vous le déclare : les publicains et les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu. Car Jean le Baptiste est venu à vous sur le chemin de la justice, et vous n’avez pas cru à sa parole ; mais les publicains et les prostituées y ont cru. Tandis que vous, après avoir vu cela, vous ne vous êtes même pas repentis plus tard pour croire à sa parole. »
Patrick BRAUD

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3 octobre 2021

Questions d’héritage

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Questions d’héritage

28° Dimanche du Temps Ordinaire / Année B
10/10/2021

Cf. également :
Comme une épée à deux tranchants
Chameau et trou d’aiguille
À quoi servent les riches ?
Plus on possède, moins on est libre
Où est la bénédiction ? Où est le scandale ? dans la richesse, ou la pauvreté ?
Les sans-dents, pierre angulaire
Donne-moi la sagesse, assise près de toi
Les bonheurs de Sophie

Pastor et Sarkozy

La une du quotidien "Monaco Matin" le 24 juin 2014L’affaire avait fait grand bruit à l’époque. Le 6 mai 2014, la milliardaire monégasque Hélène Pastor avait été assassinée à Nice, sur ordre de son gendre Wojciech Janowski qui avait commandité ce meurtre à Pascal Dauriac, le coach sportif de Madame Pastor, pour 250 000 €. Motif du crime : capter l’héritage d’Hélène Pastor, soit environ 10 milliards d’euros pour chacun de ses 2 enfants…
Cette affaire nous rappelle que de tout temps, vouloir obtenir l’héritage parental avant le terme implique en réalité de tuer le donateur !

Obtenir l’héritage par avance est cependant devenu presque possible, par petites touches : don manuel, donation simple, donation-partage. Et en 2004, le président Sarkozy a fait voter une disposition pour exonérer d’impôts une donation d’un montant maximum de 20 100 € (porté à 31 865 € en 2005) tous les 15 ans. Les donations Sarkozy permettent ainsi aux enfants des familles riches (familles nombreuses notamment) de bénéficier de substantielles avances sur héritage avant la mort de leurs parents. Le but de ces mesures est très keynésien : recycler dans la consommation et l’investissement des jeunes générations l’argent des seniors qui dort en épargne improductive. Il devient alors très tentant de réclamer sa part d’héritage avant le décès de ses parents !

Les questions d’héritage ont depuis toujours déchiré les familles, suscitant jalousies, haines et violences entre les héritiers…

 

L’héritage n’est pas à prendre

Évidemment, l’homme riche de notre évangile (Mc 10,17–32) est bien loin de Pastor et de Sarkozy ! Mais il court lui aussi (v 17, chose rare dans l’Orient écrasé de chaleur) pour obtenir ce qu’il pense être son héritage : « que dois-je faire pour hériter la vie éternelle » (ou du moins être sûr de l’obtenir) ?

À l’époque, c’est très clair : parler d’héritage trop tôt, c’est vouloir faire mourir le père. Un héritage, ça se reçoit en temps voulu, avec gratitude, car c’est un cadeau et non un dû. C’est d’ailleurs pour cela que nous appelons Testament le recueil de textes dans lesquels nous reconnaissons l’héritage laissé par Jésus. Cet homme (Marc ne dit pas comme Matthieu qu’il est jeune, ni comme Luc que c’est un notable) a déjà de grands biens (v 22), mais il veut davantage.

Captation d’héritage avant terme : le désir de cet homme riche révèle que l’accumulation continuelle est le vrai moteur de sa vie. Certes il observe les commandements de la Torah (v 20) depuis sa jeunesse, mais la suite nous fait comprendre que c’est dans un souci d’accumuler les bonnes œuvres comme il a accumulé de grands biens. Mettre la main sur l’héritage est pour lui le couronnement de cette quête où l’avoir prime sur tout : avoir de grands biens, avoir la vie éternelle. À cette soif de possession, Jésus répond à rebrousse-poil : « vends », « donne », « suis-moi ». Accepte de te dessaisir de ce que tu possèdes – et qui te possède en réalité – pour découvrir que l’héritage n’est pas à prendre, ni à vendre en échange quelques actions méritantes. C’est comme si Jésus lui disait : ‘une seule chose te manque… c’est de savoir manquer !’ Ceux qui ont vendu leurs biens pour suivre Jésus manquent de sécurité, d’argent, de puissance, et c’est cela même le « trésor » qu’ils se constituent alors « dans le ciel » sans le savoir ni le calculer. Envisager d’acquérir la vie éternelle comme on achète des actions dans son PEA est une logique très ‘mondaine’. Ce n’est pas sans raison que Jésus a voulu ne rien posséder dans sa marche sur les chemins de Palestine. En recevant jour après jour, pendant trois ans, le gîte, le couvert, l’argent des mains de ceux qu’il rencontrait, il leur signifiait que le Royaume de Dieu est à recevoir gratuitement, et non à conquérir par la vertu ou la religiosité.

Un héritage ne se négocie pas, et nul ne peut mettre la main dessus avant le terme sans tuer le donateur. Ce n’est que « dans le ciel » que nous découvrirons l’héritage librement accordé par Dieu à chacun. Matthieu promet que les doux auront la terre en héritage (Mt 5,5), ceux qui seront assis à la droite du roi lors du Jugement recevront un royaume en héritage (Mt 25,34), et avec Marc Matthieu annonce que ceux qui auront tout quitté pour Jésus hériteront la vie éternelle dans le monde à venir (Mt 19,29).

D’ailleurs, quand un fils demande trop tôt sa part d’héritage, ça dégénère, comme dans la parabole du fils prodigue (Luc 15,11–32) : « mon fils était mort… », dit le père, constatant que revendiquer trop tôt l’héritage est suicidaire en fait.
De même dans la parabole des vignerons homicides (Mt 21,33–46) : ils tuent le fils pour avoir l’héritage – la vigne – à sa place.
Les apôtres fils de Zébédée veulent savoir à l’avance quels postes ministériels ils obtiendront en partage dans le ‘gouvernement Jésus’ (Mc 10,35–40). Celui-ci leur répond par une fin de non savoir : « Quant à siéger à ma droite ou à ma gauche, ce n’est pas à moi de l’accorder ; il y a ceux pour qui cela est préparé ».

 

Faire ou suivre ?

Questions d’héritage dans Communauté spirituelle 1124228013À qui veut déjà hériter, Jésus enjoint de vendre et de donner. À qui veut faire, Jésus demande de suivre. Suivre le Christ est bien autre chose que faire des bonnes actions. Faire relève de ce que les théologiens appellent l’orthopraxie (agir droit). Le judaïsme et l’islam sont des orthopraxies : la seule chose importante est de faire ce que la Loi ou le Prophète commande. À la limite, peu importe ce que vous croyez. Il suffit de respecter le shabbat et la cacherout. Il suffit de réciter la Chahada, comme on énonce que la Terre est ronde ou qu’elle tourne autour du soleil : « il n’y a pas d’autre Dieu qu’Allah, et Mahomet est son prophète ». Nulle profession de foi là-dedans : il n’y a pas de sujet, pas de « je » comme dans le Credo chrétien (« je crois »), mais une récitation impersonnelle, une énonciation qui se veut objective.

Est musulman celui qui observe les cinq piliers de l’islam.
Est juif celui qui observe la Torah et la met en pratique.
Est chrétien par contre celui qui met sa foi en Jésus et le suit avec confiance.
Le christianisme est une orthodoxie (pensée droite) où croire sauve et non pas faire.
Là où le judaïsme et l’islam énumèrent la liste des choses à faire ou ne pas faire, les Évangiles (pas forcement les Églises, hélas !) invitent seulement à suivre Jésus, à chercher avec lui le Royaume de Dieu, « et tout le reste vous sera donné par-dessus le marché » (Mt 6,33). Car la vie éternelle ne relève pas de l’ordre marchand.

L’homme riche de Mc 10 ne veut pas quitter cet ordre marchand, même si cela le rend tout triste (v 22). Il veut posséder la vie éternelle comme il possède ses terres et sa fortune. Or la vie ne se possède pas, elle se reçoit. Suivre Jésus sur sa route, de Capharnaüm à Jérusalem, est bien plus important que d’accumuler des bons points en cochant toutes les cases des listes de bonnes actions.

 

Qui veut un peu d’éternité ?

Un mot sur l’objet du désir de cet homme riche : la vie éternelle.
L'éternité, c'est long... surtout vers la fin. WOODY ALLEN - Graine d'Eden citation
Le bon mot de Woody Allen est célèbre : ‘l’éternité, c’est long… surtout vers la fin !’.
Qui d’entre vous aujourd’hui court vraiment après ce but ? La plupart des Européens religieux ne veulent pas entendre parler de paradis (ni d’enfer), mais utilisent la religion comme un remède pour mieux vivre ici-bas : santé, richesse amour, harmonie… Bien peu de gens s’interrogent sur l’au-delà. Seul le présent les intéresse. Parler de vie éternelle leur paraît fumeux, sauf quand elle commence tout de suite (ce qui d’ailleurs est bien le cas, mais le présent n’engloutit pas pour autant l’espérance chrétienne en un au-delà de cette vie !).

Qui se pose vraiment la question de son avenir en Dieu, au-delà de sa propre mort ? Pourquoi l’éternité suscite-t-elle si peu d’intérêt, alors que – si elle existe – elle devrait être le souci majeur de l’existence ? Tout se passe comme si, pour la majorité, la religion se réduisait à une technique de développement personnel : aller mieux et bien vivre les quelques décennies que chacun a devant lui.

Où est passée l’inquiétude du « ciel » qui a engendré les grandes figures de notre histoire et fait courir le riche malgré l’écrasante chaleur de Palestine ? Qui se soucie de son après au point de modifier son avant en conséquence ? Même les djihadistes dans leur folle logique meurtrière pour gagner leur paradis supposé sont plus rationnels…

Car c’est folie que réduire notre horizon à ces quelques années de passage sur terre…

Lectures de la messe

Première lecture
« À côté de la sagesse, j’ai tenu pour rien la richesse » (Sg 7, 7-11)

Lecture du livre de la Sagesse

J’ai prié, et le discernement m’a été donné. J’ai supplié, et l’esprit de la Sagesse est venu en moi. Je l’ai préférée aux trônes et aux sceptres ; à côté d’elle, j’ai tenu pour rien la richesse ; je ne l’ai pas comparée à la pierre la plus précieuse ; tout l’or du monde auprès d’elle n’est qu’un peu de sable, et, en face d’elle, l’argent sera regardé comme de la boue. Plus que la santé et la beauté, je l’ai aimée ; je l’ai choisie de préférence à la lumière, parce que sa clarté ne s’éteint pas. Tous les biens me sont venus avec elle et, par ses mains, une richesse incalculable.

Psaume
(Ps 89 (90), 12-13, 14-15, 16-17)
R/ Rassasie-nous de ton amour, Seigneur : nous serons dans la joie.
(cf. Ps 89, 14)

Apprends-nous la vraie mesure de nos jours :
que nos cœurs pénètrent la sagesse.
Reviens, Seigneur, pourquoi tarder ?
Ravise-toi par égard pour tes serviteurs.

Rassasie-nous de ton amour au matin,
que nous passions nos jours dans la joie et les chants.
Rends-nous en joies tes jours de châtiment
et les années où nous connaissions le malheur.

Fais connaître ton œuvre à tes serviteurs et ta splendeur à leurs fils.
Que vienne sur nous la douceur du Seigneur notre Dieu !
Consolide pour nous l’ouvrage de nos mains ; oui, consolide l’ouvrage de nos mains.

Deuxième lecture
« La parole de Dieu juge des intentions et des pensées du cœur » (He 4, 12-13)

Lecture de la lettre aux Hébreux

Frères, elle est vivante, la parole de Dieu, énergique et plus coupante qu’une épée à deux tranchants ; elle va jusqu’au point de partage de l’âme et de l’esprit, des jointures et des moelles ; elle juge des intentions et des pensées du cœur. Pas une créature n’échappe à ses yeux, tout est nu devant elle, soumis à son regard ; nous aurons à lui rendre des comptes.

Évangile
« Vends ce que tu as et suis-moi » (Mc 10, 17-30) Alléluia. Alléluia.

Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux ! Alléluia. (Mt 5, 3)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, Jésus se mettait en route quand un homme accourut et, tombant à ses genoux, lui demanda : « Bon Maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en héritage ? » Jésus lui dit : « Pourquoi dire que je suis bon ? Personne n’est bon, sinon Dieu seul. Tu connais les commandements : Ne commets pas de meurtre, ne commets pas d’adultère, ne commets pas de vol, ne porte pas de faux témoignage, ne fais de tort à personne, honore ton père et ta mère. » L’homme répondit : « Maître, tout cela, je l’ai observé depuis ma jeunesse. » Jésus posa son regard sur lui, et il l’aima. Il lui dit : « Une seule chose te manque : va, vends ce que tu as et donne-le aux pauvres ; alors tu auras un trésor au ciel. Puis viens, suis-moi. » Mais lui, à ces mots, devint sombre et s’en alla tout triste, car il avait de grands biens.
Alors Jésus regarda autour de lui et dit à ses disciples : « Comme il sera difficile à ceux qui possèdent des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu ! » Les disciples étaient stupéfaits de ces paroles. Jésus reprenant la parole leur dit: « Mes enfants, comme il est difficile d’entrer dans le royaume de Dieu ! Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu. » De plus en plus déconcertés, les disciples se demandaient entre eux : « Mais alors, qui peut être sauvé ? » Jésus les regarde et dit: « Pour les hommes, c’est impossible, mais pas pour Dieu ; car tout est possible à Dieu. »
Pierre se mit à dire à Jésus : « Voici que nous avons tout quitté pour te suivre. » Jésus déclara : « Amen, je vous le dis : nul n’aura quitté, à cause de moi et de l’Évangile, une maison, des frères, des sœurs, une mère, un père, des enfants ou une terre sans qu’il reçoive, en ce temps déjà, le centuple : maisons, frères, sœurs, mères, enfants et terres, avec des persécutions, et, dans le monde à venir, la vie éternelle. »
Patrick Braud

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30 juillet 2018

Faire ou croire ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Faire ou croire ?

Homélie pour le 18° dimanche du temps ordinaire / Année B
05/08/2018

Cf. également :

La capacité d’étonnement
Éveiller à d’autres appétits
« Laisse faire » : éloge du non-agir

 

« Que faire ? »

Faire ou croire ? dans Communauté spirituelle 41CABbWLTuL._SL500_SY344_BO1,204,203,200_Ce titre d’un essai de Lénine est un bon indicateur de l’état d’esprit révolutionnaire [1]. Lorsqu’il l’écrit en 1901, Lénine cherche à faire advenir cette transformation sociale que Marx avait prophétisée inéluctable quelques années auparavant. Faire l’histoire, c’est selon lui organiser un parti central, une stratégie de conquête du pouvoir et une politique pour le conserver à tout prix. Il veut forcer la main aux événements, faire accoucher l’histoire au forceps, au lieu d’attendre que la révolution arrive d’elle-même (en Angleterre ou en Allemagne comme Marx le pensait). Il veut faire entrer la réalité dans ses analyses ; il veut transformer le réel pour qu’il devienne conforme à sa vision du monde. L’obsession du faire est caractéristique de ces hommes d’action qui se définissent par les résultats, le pragmatisme et l’efficacité. On sait depuis que ce volontarisme historique est devenu le marxisme-léninisme, avec 60 à 80 millions de morts à la clé…

En religion également, l’obsession du faire guette tous les pratiquants réguliers. Les catholiques se sont longtemps définis par l’obligation d’aller à la messe, d’avoir une vie à peu près morale pour « gagner son ciel » ou « faire son salut ». En protestantisme, les puritains sont envahis de prescriptions à respecter, de conventions sur ce qu’il faut faire ou ne pas faire. En judaïsme, les orthodoxes se noient dans des rituels compliqués et obscurs observés à la lettre, et leur vie quotidienne est corsetée par des obligations du matin au soir. En islam, la vraie religion est d’abord de faire : faire le ramadan, le pèlerinage à la Mecque, l’aumône, la prière… Peu importe à la limite votre vie intérieure, c’est la pratique de ce qui est obligé et le refus de ce qui est interdit qui fait de vous un bon ou un mauvais musulman [2].

foi%20pilote2 croire dans Communauté spirituelleJésus s’est confronté de plein fouet à cette obsession du faire, maladive et hypocrite. Dans l’Évangile de ce dimanche, au lieu de fustiger les dérives de ceux qui lui demandent : « que devons-nous faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? », Jésus leur répond en indiquant une autre voie : « L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé. »

Autrement dit, croire c’est faire, alors que faire n’est pas croire.

Cette réponse est scandaleuse pour des juifs (ou des musulmans, où des chrétiens) pratiquants. Ils sont persuadés que c’est en amassant des bonnes œuvres et des prières qu’ils vont obtenir leur passeport vers le ciel. Et voilà qu’au bureau de douane, le Christ ne leur demande pas : ‘qu’as-tu fait ?’ mais : ‘as-tu cru ?’

Comment ! ? Mais alors à quoi servent tous nos efforts religieux ? À quoi sert d’aller à la synagogue (ou à la messe), de manger kasher, d’être circoncis, de respecter le shabbat etc. ? À rien, répond tranquillement Jésus. Ce n’est pas ce que tu fais qui te sauvera, mais ce que tu crois, c’est-à-dire la relation de confiance que tu nourris avec ton Dieu et tes proches. Si tu crois ainsi, le reste sera donné par surcroît.

foi%20bird3 faireCrois d’abord, et non pas : fais d’abord : voilà l’Évangile, voilà ce qui le distingue de toutes les religions humaines. Tous les systèmes religieux que l’homme a imaginés disent à celui qui cherche Dieu : « Fais et tu vivras ». Fais des pénitences, entreprends un long pèlerinage, pratique des exercices de développement personnel, impose-toi une discipline morale etc.… et tu seras sauvé. Ou bien : Fais de bonnes œuvres, assiste les pauvres, visite les malades… et tu auras le pardon de tes péchés.

Combien différent est le langage de l’Évangile : Crois ! Cesse de te consumer en efforts stériles pour accomplir toi-même ta réconciliation avec Dieu, tu n’y réussiras jamais… Il te reste un moyen d’être délivré ; accueille le salut qui t’est donné gratuitement.

Cette dialectique est subtile et demande à ne pas être aplatie à l’extrême en la réduisant à l’un de ses termes. Car quiconque en conclurait – à la manière des Quakers et autres quiétistes - que nos actions n’ont aucune importance, celui-là n’aurait pas compris le lien réel entre le croire et faire. C’est l’ordre qui est important. Croire d’abord permet de faire ensuite, sans même le vouloir, naturellement, de manière illucide. Et non à la force du poignet. Alors que faire d’abord éloignera finalement du croire (en Dieu), car ma réussite ou mes échecs m’entraînent à compter sur moi toujours plus et non sur Dieu.

Plusieurs passages de l’Écriture tournent autour de cette dialectique : faire / croire.

Laisse-faire LénineIsaïe 26,12 : Seigneur, tu nous assures la paix, et même toutes nos œuvres, tu les accomplis pour nous.

Jean 15,5 : Sans moi vous ne pouvez rien faire.

Jean 14, 12-14 : En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi fera, lui aussi, les œuvres que je fais; et il en fera même de plus grandes, parce que je vais vers le Père. Et tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils. Si vous me demandez quelque chose en mon nom, je le ferai.

Actes 16, 30-31 : - Que faut-il que je fasse pour être sauvé ?
- Crois au Seigneur Jésus et tu seras sauvé. »

Éphésiens 3,20 :  (Gloire) à Celui dont la puissance agissant en nous est capable de faire bien au-delà, infiniment au-delà de tout ce que nous pouvons demander ou concevoir,

Philippiens 2,13 : Dieu est là qui opère en vous à la fois le vouloir et le faire, au profit de ses bienveillants desseins.

La clé est sans doute dans ces derniers versets : dès lors que je m’abandonne avec confiance à l’amour de Dieu en moi, cet amour-là est capable de déplacer des montagnes. Mais c’est Dieu qui l’opère en moi. Dieu fait en moi son œuvre. L’Opus Dei (œuvre de Dieu) ne relève pas d’un effort volontariste où je devrais m’améliorer sans cesse, mais d’une confiance solide dans la puissance de l’Esprit de Dieu devenu mon intime. La spiritualité jésuite a précisément décrit cette tension paradoxale :  « Agis comme si tout dépendait de toi, en sachant qu’en réalité tout dépend de Dieu » (St Ignace de Loyola).

ou plus exactement :

« Crois en Dieu
comme si tout le cours des choses dépendait de toi, en rien de Dieu.
Cependant mets tout en œuvre en elles,
comme si rien ne devait être fait par toi, et tout de Dieu seul. »

 opus dei

Cela nous remplit d’humilité non ?
Et de paix également, car cela enlève l’épuisante pression du « devoir faire ».

Nous sommes un peu loin de la vie de tous les jours, avec l’énergie que requièrent nos responsabilités ordinaires, me direz-vous. Oui et non. Oui, car croire avant de faire est une conviction de fond, et non un livre de recettes ; c’est un horizon sur lequel inscrire tout le reste. Non, car dès que cette priorité est posée, les choses s’enchaînent naturellement, les choix se hiérarchisent facilement, et nous sommes étonnés de l’inspiration qui nous est donnée pour agir.

Travaillons donc à l’œuvre de Dieu en croyant que lui-même agit en nous…

 


[1]. Le titre est inspiré par celui du roman « Que faire ? » publié par le révolutionnaire russe Nikolaï Tchernychevski en 1863 et qui avait marqué toute la génération révolutionnaire de la fin du XIX° siècle.

[2]. Le judaïsme comme l’islam sont dans leur essence des orthopraxies (faire ce qui est droit) alors que le christianisme est plutôt d’abord une orthodoxie (croire de manière droite).

 

 

Lectures de la messe

Première lecture
« Du ciel, je vais faire pleuvoir du pain pour vous » (Ex 16, 2-4.12-15)

Lecture du livre de l’Exode

En ces jours-là, dans le désert, toute la communauté des fils d’Israël récriminait contre Moïse et son frère Aaron. Les fils d’Israël leur dirent : « Ah ! Il aurait mieux valu mourir de la main du Seigneur, au pays d’Égypte, quand nous étions assis près des marmites de viande, quand nous mangions du pain à satiété ! Vous nous avez fait sortir dans ce désert pour faire mourir de faim tout ce peuple assemblé ! » Le Seigneur dit à Moïse : « Voici que, du ciel, je vais faire pleuvoir du pain pour vous. Le peuple sortira pour recueillir chaque jour sa ration quotidienne, et ainsi je vais le mettre à l’épreuve : je verrai s’il marchera, ou non, selon ma loi. J’ai entendu les récriminations des fils d’Israël. Tu leur diras : ‘Au coucher du soleil, vous mangerez de la viande et, le lendemain matin, vous aurez du pain à satiété. Alors vous saurez que moi, le Seigneur, je suis votre Dieu.’ »
Le soir même, surgit un vol de cailles qui recouvrirent le camp ; et, le lendemain matin, il y avait une couche de rosée autour du camp. Lorsque la couche de rosée s’évapora, il y avait, à la surface du désert, une fine croûte, quelque chose de fin comme du givre, sur le sol. Quand ils virent cela, les fils d’Israël se dirent l’un à l’autre : « Mann hou ? » (ce qui veut dire : Qu’est-ce que c’est ?), car ils ne savaient pas ce que c’était. Moïse leur dit : « C’est le pain que le Seigneur vous donne à manger. »

Psaume
(Ps 77 (78), 3.4ac, 23-24, 25.52a.54a)
R/ Le Seigneur donne le pain du ciel ! (cf. 77, 24b)

Nous avons entendu et nous savons
ce que nos pères nous ont raconté :
et nous le redirons à l’âge qui vient,
les titres de gloire du Seigneur.

Il commande aux nuées là-haut,
il ouvre les écluses du ciel :
pour les nourrir il fait pleuvoir la manne,
il leur donne le froment du ciel.

Chacun se nourrit du pain des Forts,
il les pourvoit de vivres à satiété.
Tel un berger, il conduit son peuple.
Il le fait entrer dans son domaine sacré.

Deuxième lecture
« Revêtez-vous de l’homme nouveau, créé selon Dieu » (Ep 4, 17.20-24)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens

Frères, je vous le dis, j’en témoigne dans le Seigneur : vous ne devez plus vous conduire comme les païens qui se laissent guider par le néant de leur pensée. Mais vous, ce n’est pas ainsi que l’on vous a appris à connaître le Christ, si du moins l’annonce et l’enseignement que vous avez reçus à son sujet s’accordent à la vérité qui est en Jésus. Il s’agit de vous défaire de votre conduite d’autrefois, c’est-à-dire de l’homme ancien corrompu par les convoitises qui l’entraînent dans l’erreur. Laissez-vous renouveler par la transformation spirituelle de votre pensée. Revêtez-vous de l’homme nouveau, créé, selon Dieu, dans la justice et la sainteté conformes à la vérité.

Évangile
« Celui qui vient à moi n’aura jamais faim, celui qui croit en moi n’aura jamais soif » (Jn 6, 24-35)
Alléluia. Alléluia. L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Alléluia. (Mt 4, 4b)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

En ce temps-là, quand la foule vit que Jésus n’était pas là, ni ses disciples, les gens montèrent dans les barques et se dirigèrent vers Capharnaüm à la recherche de Jésus. L’ayant trouvé sur l’autre rive, ils lui dirent : « Rabbi, quand es-tu arrivé ici ? » Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : vous me cherchez, non parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez mangé de ces pains et que vous avez été rassasiés. Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’homme, lui que Dieu, le Père, a marqué de son sceau. » Ils lui dirent alors : « Que devons-nous faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? » Jésus leur répondit : « L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé. » Ils lui dirent alors : « Quel signe vas-tu accomplir pour que nous puissions le voir, et te croire ? Quelle œuvre vas-tu faire ? Au désert, nos pères ont mangé la manne ; comme dit l’Écriture : Il leur a donné à manger le pain venu du ciel. » Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : ce n’est pas Moïse qui vous a donné le pain venu du ciel ; c’est mon Père qui vous donne le vrai pain venu du ciel. Car le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde. » Ils lui dirent alors : « Seigneur, donne-nous toujours de ce pain-là. » Jésus leur répondit : « Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura jamais soif. »
Patrick BRAUD

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1 novembre 2017

Ils disent et ne font pas

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 00 min

Ils disent et ne font pas

Homélie du 31° Dimanche ordinaire / Année A
05/11/2017

Cf. également :

Une autre gouvernance
L’Eglise et la modernité: sel de la terre ou lumière du monde ?
Conjuguer le « oui » et le « non » de Dieu à notre monde

« Ils disent et ne font pas »
Le reproche adressé par Jésus aux autorités juives de son temps (Mt 23, 1-12) vaut hélas pour les autorités ecclésiales de tous les temps !
La liste est longue des reproches semblables que nos contemporains nous objectent à longueur de repas en ville ou de réunions de famille. L’Église (catholique en l’occurrence, mais les autres Églises peuvent également faire leur liste) n’a pas fait ce qu’elle dit lorsqu’elle a institutionnalisé l’Inquisition, obligé Galilée à se rétracter, nourri un antisémitisme meurtrier, collaboré avec Pétain ou Pinochet, cautionné l’esclavage, entretenu des conflits interconfessionnels. Elle a été infidèle à l’Évangile qu’elle proclame lorsqu’elle n’a pas dénoncé et combattu les méfaits des puissances d’argent, les haines ethniques au Rwanda, les exactions de la Mafia, les discriminations contre les homosexuels, les gens du voyage. Elle a organisé en son sein des disciplines et des coutumes contraires à l’Esprit de liberté qui animait Jésus : la mise à l’égard des femmes, l’enrichissement de certains dans le clergé et les monastères, et aujourd’hui encore lorsqu’elle ne donne pas toute leur place aux divorcés remariés, aux couples de même sexe, aux pécheurs publics condamnés comme tels par la société où l’opinion catholique.

Cette longue liste n’est pas exhaustive !
Bien sûr, elle en appelle une autre, bien plus longue encore : la liste de tout ce que l’Église a pu apporter à l’humanité : intériorité, sens du pardon et de l’amour vrai, effort civilisationnel sans précédent, saints et saintes à la fécondité sociale extraordinaire, peinture, sculpture, architecture, littérature, musique etc. Reste que l’institution ecclésiale (quelle que soit l’Église) est structurellement frappée de cette contradiction impossible à éliminer complètement : « ils disent et ne font pas ». Comme un défaut de fabrication qui empêche un objet d’être parfait, l’incohérence native qui affecte la pratique historique de l’Église ne peut être gommée, ni encore moins niée.

Lors de la préparation du Jubilé de l’an 2000, Jean-Paul II a écrit en 1994 dans Tertio Millennio adveniente :

« Il est donc juste que, le deuxième millénaire du christianisme arrivant à son terme, l’Église prenne en charge, avec une conscience plus vive, le péché de ses enfants, dans le souvenir de toutes les circonstances dans lesquelles, au cours de son histoire, ils se sont éloignés de l’Esprit du Christ et de son Évangile, présentant au monde, non point le témoignage d’une vie inspirée par les valeurs de la foi, mais le spectacle de façons de penser et d’agir qui étaient de véritables formes de contre-témoignage et de scandale. » (n° 35)
« L’institution de l’Inquisition a été abolie. Comme j’ai eu l’occasion de le dire aux participants au Symposium, les fils de l’Église ne peuvent manquer de revenir dans un esprit de repentir sur « le consentement donné, surtout en certains siècles, à des méthodes d’intolérance et même de violence dans le service de la vérité » (15 juin 2004).

Quelle conclusion tirer de cette grave incohérence entre les Églises et leur message évangélique ?

 

1. Le réflexe du rejet
Rejeter en bloc ces institutions est le réflexe le plus tentant.

Ils  disent et ne font pas dans Communauté spirituelle page1-808px-L%C3%A9o_Taxil_-_%C3%80_bas_la_calotte.pdfC’est d’ailleurs le réflexe majoritaire en France où seuls 5 % se disent pratiquants alors que 50 % se disent catholiques. Le risque est grand de jeter le bébé avec l’eau du bain ! S’il n’est plus d’Église, qui annoncera l’Évangile ? Être chrétien sans Église devient vite très compliqué, et dérive en une sorte de vague sentiment religieux sans régulation, sans échange de confrontation avec d’autres. Bref, une petite religion à soi, dans l’air du temps individualiste, bricolé avec ce que chacun peut tirer du zapping entre tous les discours religieux disponibles.

 

2. L’enfouissement silencieux
Intimer aux institutions de se taire est une autre réaction tentante : puisque les appareils religieux se disqualifient eux-mêmes par leurs pratiques, qu’ils se taisent !
Mais Jésus, portant très lucide sur cette distorsion entre la parole et les actes, n’a jamais demandé aux scribes, aux chefs des synagogues ou aux prêtres juifs de ne pas parler. Au contraire : « faites ce qu’ils disent ». C’est donc qu’ils doivent continuer à enseigner dans la chaire de Moïse. S’ils ont conscience de leur incohérence, ils sauront prêcher avec humilité, sans jugement, en demandant pardon pour toutes les fois où ils n’incarnent pas un message plus grand qu’eux.

Résultat de recherche d'images pour "jean paul II mur de jérusalem"C’est le sens de la repentance ecclésiale initiée par Jean-Paul II au seuil du troisième millénaire. Pour reprendre l’image de Paul (2 Co 4, 5-7), nous savons que nous apportons au monde un trésor inestimable, mais c’est dans un vase d’argile, sans valeur. Le contenant doit s’effacer devant le contenu et reconnaître qu’il n’est pas à la hauteur, qu’il est indigne de porter le Christ. Alors ceux qui le reçoivent reconnaîtront que ce vase ne vaut rien par lui seul, mais que sans lui le trésor ne lui serait pas offert.

C’est ce que le concile Vatican II appelle la sacramentalité de l’Église : elle est signe d’une réalité autre, plus grande qu’elle-même, et cependant elle est le moyen privilégié pour être uni à ce Christ qu’elle désigne à tous.
C’est également ce que le Credo appelle la sainteté de l’Église. Si l’Église est (une) sainte (catholique et apostolique), ce n’est pas en raison de la sainteté de ses pratiques ou de ses institutions, massivement frappées d’incohérence, mais en raison de l’unique sainteté de Dieu qui diffuse à travers elle sans venir d’elle, qui se communique à l’humanité sans être possédée par quiconque. Dieu seul est saint, chantons-nous dans le Gloria et le Sanctus, et c’est cette unique sainteté qui se diffracte à travers l’Église pécheresse, pour le bien de l’humanité. En cela, l’Église est sainte de la sainteté de Dieu, non de la splendeur de ses bâtiments, de ses liturgies, de ses œuvres ou de ses institutions.

Laisser grandir l’ivraie et le bon grain est donc l’attitude que Jésus prône face aux pouvoirs religieux. Tout en dénonçant régulièrement les conséquences inhumaines des doctrines et des autorités en place : « Ils attachent de pesants fardeaux, difficiles à porter, et ils en chargent les épaules des gens ; mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt. »

Que ce soit par rapport à l’argent, la sexualité, le pouvoir politique, les coutumes, le respect de l’autre etc. il est clair que chaque Église a besoin de réformer sa propre pratique sans cesse si elle veut ne pas être condamnée par l’Évangile d’aujourd’hui qu’elle proclame.

Et cela vaut pour chacun de nous. Nous avons tous des messages importants à faire passer.  Il serait coupable de se taire. Mais il serait tout aussi grave de ne pas s’appliquer ces messages à soi-même, de croire qu’il ne concernerait que les autres. Sans cette vertu cardinale qu’est l’humilité, c’est impossible. Avec l’humilité, nous acceptons d’être nous-mêmes remis en cause par ce que nous annonçons. Et l’humilité produit la miséricorde, pour les autres comme pour soi…

« L’Église, forte de la sainteté qu’elle reçoit de son Seigneur, s’agenouille devant Dieu et implore le pardon des péchés passés et présents de ses fils. […] Les chrétiens sont invités à prendre en charge, devant Dieu et devant les hommes offensés par leur comportement, les fautes qu’ils ont commises. […] Qu’ils le fassent sans rien demander en échange, forts du seul “amour de Dieu qui a été répandu dans nos cœurs” (Rm 5, 5) » (Jean-Paul II, 1998)

 

3. Faire sans dire ?
La troisième tentation serait de faire sans dire.

Comme si notre exemple était plus important que le message. conjugaison-verbe-enfouir-1 cohérence dans Communauté spirituelleComme si la parole n’ajoutait rien aux actes. Comme si la morale primait sur la foi. Comme s’il suffisait de voir pour croire. Or la foi naît de la prédication ! S’enfouir sans rien dire a été la réaction des années post-conciliaires à l’ex-triomphalisme de l’Église en Occident. C’était une période nécessaire, après le déluge de leçons moralisatrices dont l’Église abreuvait le monde du haut de sa chaire. Cette période semble maintenant derrière nous. Si peu de personnes ont entendu parler du Christ qu’il redevient urgent de parler de lui, explicitement, pas de nous.
La foi ne se réduit pas à une vie morale ou solidaire ou respectueuse de la planète. La personne du Christ est plus grande que nos combats, et c’est vers elle que nous invitons à tourner l’oreille et les regards.
Faire sans dire reviendrait aujourd’hui à priver nos contemporains d’un accès explicite à l’Évangile. La question est brûlante en Algérie, en Égypte, au Yémen et dans tant de pays musulmans où la liberté religieuse est réduite au minimum. Elle est pleine d’avenir en Chine où la soif religieuse va exploser. Elle est lourde d’enjeux en Asie, où le dialogue interreligieux ne peut suffire. Reconnaissons que les protestants, et singulièrement des évangéliques, ont bien souvent plus de courage missionnaire que les autres chrétiens dans ce contexte contemporain difficile.

Impossible de faire sans dire ! À condition que l’annonce demeure humble, pleine de miséricorde, sans calcul ecclésial.

« Ils disent et ne font pas » : prenons cet avertissement du Christ d’abord pour nous-mêmes. Si nous mesurons avec réalisme et humilité cet écart en nous, nous pourrons aider nos Églises à faire de même, et en tirer toutes les conséquences…

 

 

LECTURES DE LA MESSE

remière lecture
« Vous vous êtes écartés de la route, vous avez fait de la Loi une occasion de chute » (Ml 1, 14b – 2, 2b.8-10)
Lecture du livre du prophète Malachie
Je suis un grand roi – dit le Seigneur de l’univers –, et mon nom inspire la crainte parmi les nations. Maintenant, prêtres, à vous cet avertissement : Si vous n’écoutez pas, si vous ne prenez pas à cœur de glorifier mon nom – dit le Seigneur de l’univers –, j’enverrai sur vous la malédiction, je maudirai les bénédictions que vous prononcerez. Vous vous êtes écartés de la route, vous avez fait de la Loi une occasion de chute pour la multitude, vous avez détruit mon alliance avec mon serviteur Lévi, – dit le Seigneur de l’univers. À mon tour je vous ai méprisés, abaissés devant tout le peuple, puisque vous n’avez pas gardé mes chemins, mais agi avec partialité dans l’application de la Loi. Et nous, n’avons-nous pas tous un seul Père ? N’est-ce pas un seul Dieu qui nous a créés ? Pourquoi nous trahir les uns les autres, profanant ainsi l’Alliance de nos pères ?

Psaume
(Ps 130 (131), 1, 2, 3)
R/ Garde mon âme dans la paix près de toi, Seigneur.

Seigneur, je n’ai pas le cœur fier ni le regard ambitieux ;
je ne poursuis ni grands desseins, ni merveilles qui me dépassent.

Non, mais je tiens mon âme égale et silencieuse ;
mon âme est en moi comme un enfant, comme un petit enfant contre sa mère.

Attends le Seigneur, Israël, maintenant et à jamais.

Deuxième lecture
« Nous aurions voulu vous donner non seulement l’Évangile de Dieu, mais même nos propres vies » (1 Th 2, 7b-9.13)

Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Thessaloniciens
Frères, nous avons été pleins de douceur avec vous, comme une mère qui entoure de soins ses nourrissons. Ayant pour vous une telle affection, nous aurions voulu vous donner non seulement l’Évangile de Dieu, mais jusqu’à nos propres vies, car vous nous étiez devenus très chers. Vous vous rappelez, frères, nos peines et nos fatigues : c’est en travaillant nuit et jour, pour n’être à la charge d’aucun d’entre vous, que nous vous avons annoncé l’Évangile de Dieu. Et voici pourquoi nous ne cessons de rendre grâce à Dieu : quand vous avez reçu la parole de Dieu que nous vous faisions entendre, vous l’avez accueillie pour ce qu’elle est réellement, non pas une parole d’hommes, mais la parole de Dieu qui est à l’œuvre en vous, les croyants.

Évangile
« Ils disent et ne font pas » (Mt 23, 1-12)
Alléluia. Alléluia. Vous n’avez qu’un seul Père, celui qui est aux cieux ; vous n’avez qu’un seul maître, le Christ. Alléluia. (cf. Mt 23, 9b.10b)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
En ce temps-là, Jésus s’adressa aux foules et à ses disciples, et il déclara : « Les scribes et les pharisiens enseignent dans la chaire de Moïse. Donc, tout ce qu’ils peuvent vous dire, faites-le et observez-le. Mais n’agissez pas d’après leurs actes, car ils disent et ne font pas. Ils attachent de pesants fardeaux, difficiles à porter, et ils en chargent les épaules des gens ; mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt. Toutes leurs actions, ils les font pour être remarqués des gens : ils élargissent leurs phylactères et rallongent leurs franges ; ils aiment les places d’honneur dans les dîners, les sièges d’honneur dans les synagogues et les salutations sur les places publiques ; ils aiment recevoir des gens le titre de Rabbi. Pour vous, ne vous faites pas donner le titre de Rabbi, car vous n’avez qu’un seul maître pour vous enseigner, et vous êtes tous frères. Ne donnez à personne sur terre le nom de père, car vous n’avez qu’un seul Père, celui qui est aux cieux. Ne vous faites pas non plus donner le titre de maîtres, car vous n’avez qu’un seul maître, le Christ. Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. Qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaissera sera élevé. »
Patrick BRAUD

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