L'homélie du dimanche (prochain)

10 avril 2017

Pâques : les 4 nuits

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Pâques : les 4 nuits


Homélie pour la nuit de Pâques / Année A

15/04/2017

Cf. également :

Conjuguer le « oui » et le « non » de Dieu à notre monde
Pâques : Courir plus vite que Pierre
Les Inukshuks de Pâques
Pâques n’est décidément pas une fête sucrée
Comment annoncer l’espérance de Pâques ?
Incroyable !
La pierre angulaire : bâtir avec les exclus, les rebuts de la société
Les sans-dents, pierre angulaire

·         Pâques : les 4 nuits dans Communauté spirituelle 220px-Kennicott_Bible_fol_21rQuelle est donc cette nuit qui rassemble l’Église et la fait tressaillir de joie ?
Pourquoi cette nuit est-elle la plus grande et la plus forte, avant même celle de Noël pourtant si belle ?
Quelle est donc cette obscurité que la flamme de nos cierges au cierge pascal allumés a fait reculer puis disparaître ?
Cette nuit condense et cristallise les nuits les plus importantes, les 4 nuits dont le peuple juif fait mémoire en fêtant Pâque. Et Jésus n’a pas pu ne pas penser à cette tradition de son peuple, alors qu’il s’enfonçait dans la nuit de sa Passion. Le Targum des 4 nuits dit en effet : « Quatre nuits sont inscrites dans la mémoire ».

 

Nuit de la vie semée

« La première nuit, ce fut quand YHWH se révéla sur le monde pour le créer. Le monde était informe et vide et la ténèbre s’étendait à la face de l’abîme, et la parole de YHWH était Lumière et brillait. Et il l’appela la première Nuit. » 

La terre était informe etvide ; les ténèbresétaient au-dessus del’abîme, et l’Esprit de Dieuplanait au-dessusdes eaux.

Nous l’avons entendu à la première lecture, la nuit de la Genèse du monde trouve dans la nuit de Pâques son accomplissement ; dans la résurrection du Christ, une nouvelle Création est à l’œuvre : le 8ème jour est aujourd’hui. Un monde nouveau émerge du tombeau vide, dans le souffle de l’Esprit. Fêter Pâques, c’est donc d’abord renouveler notre amour de la Création, notre respect de toute vie reçue, la plus humble, la plus insignifiante apparemment. Une certaine écologie spirituelle s’enracine dans cette re-création du monde. Créer et recréer la vie, à la lumière de Pâques.
Les parents savent bien ce que créer la vie signifie : ils n’ont jamais fini d’apprendre ce que re-créer veut dire, à la lumière de Pâques…
Dieu ce soir nous associe à la nouvelle Genèse du monde. Saurons-nous être les gérants de sa Création ?

Nuit de la vie semée…

 

Nuit de la vie offerte

La deuxième nuit qui est présentée ce soir, c’est la nuit de la vie offerte.

« La deuxième nuit, ce fut quand YHWH apparut à Abraham âgé de cent ans et à Sarah âgée de quatre-vingt-dix ans. Isaac avait trente-sept ans quand il fut offert sur l’autel. Les cieux s’abaissèrent et descendirent et Isaac vit leur totalité. Et il l’appela la seconde Nuit. »  

sacrifice d'Isaac Gros Plan.jpg

Dieu arrêta le couteau et interdit à Abraham ce sacrifice sanglant et barbare. Mais Abraham a accepté de perdre ce qu’il avait de plus précieux : son fils, son unique, le fils de la Promesse. Les parents là encore savent bien ce que perdre un enfant veut dire, lorsqu’il s’éloigne pour devenir adulte. Et perdre physiquement un enfant est sans doute la pire des douleurs qu’un père ou une mère puisse éprouver… Ce soir Dieu révèle qu’il est Père, bien plus encore qu’Abraham, en offrant Jésus, son Fils unique, le Fils de la Promesse, et en offrant la vie aux meurtriers de Jésus. Fêter Pâques, c’est donc choisir de vivre et de faire vivre, d’accepter la vie offerte gratuitement au lieu de cultiver les forces de mort et les rites barbares qui nous habitent.
Le désespoir engendre parfois une forme de complicité morbide où nous refusons de vivre : à cause d’une dépression qui s’installe sournoisement, à cause de la recherche d’emploi qui n’aboutit pas, à cause du combat contre la maladie, la solitude, la vieillesse… Choisissons de vivre. Cassons les liens avec les instincts de mort en nous, car ce soir la vie nous est offerte.

Nuit de la vie offerte, dépossédée.  

 

Nuit de la libération

La troisième nuit est celle de la libération, la nuit de l’Exode (cf. lecture de la veillée pascale).

« La troisième nuit, ce fut quand YHWH apparut aux Égyptiens au milieu de la nuit : sa main tuait les premiers-nés des Égyptiens et sa droite protégeait les premiers-nés d’Israël, pour que s’accomplisse ce que dit l’Écriture : « Israël est mon premier-né. » Et il l’appela la troisième Nuit. »

Moïse et l'exode

Dans l’obscurité, les Hébreux ont rassemblé leurs affaires en hâte pour fuir l’esclavage. Et à chaque Pâque juive qui commémore cette première Pâque libératrice de l’Exode, le père de famille dit aux convives :

« Que chacun de nous ce soir se reconnaisse comme personnellement sorti d’Égypte » (Haggadah de Pessah).

La Pâque du Christ devient aussi notre libération, personnelle et collective.

Chacun sent bien dans le fond de son cœur de quel esclavage il a besoin d’être délivré : l’argent, le plaisir, l’indifférence, l’égoïsme, la domination… Demandons ce soir au Christ qu’il nous libère par sa Pâque. Invoquons le aussi pour notre Église : qu’elle soit délivrée de la peur de l’évangélisation, du repli frileux sur nos petits noyaux communautaires, de la tiédeur à laquelle on s’habitue, de la perte du dynamisme évangélique…Invoquons encore cette libération pour notre société : le souffle de Pâque peut la transformer, si nous nous y engageons, en brisant les cercles de solitude et d’injustice, les nouveaux esclavages qui paralysent nos contemporains…

 

Nuit de la vie nouvelle

Nuit de la vie semée, nuit de la vie offerte, nuit de la vie libérée, cette nuit pascale accomplit la quatrième nuit annoncée par la tradition juive :

« La quatrième nuit, ce sera quand le monde arrivera à sa fin pour être dissous. Les jougs de fer seront brisés et les générations perverses, anéanties. Moïse montera du milieu du désert et le roi Messie sortir d’en haut. L’un s’avancera à la tête du troupeau et l’autre s’avancera à la tête du troupeau, et la Parole de YHWH s’avancera entre eux deux et ils marcheront ensemble. »

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C’est la nuit de Pâque, la nuit de la vie nouvelle. C’est la nuit eschatologique, la nuit où l’avenir de Dieu fait déjà irruption dans notre présent pour le transformer, l’illuminer, et l’ouvrir à tous les possibles. Puisque Christ est ressuscité, comment ne pas croire à la force des renouveaux ?

 

·         Nuit de la vie semée, nuit de la vie offerte, nuit de la vie libérée, nuit de la vie nouvelle : cette nuit pascale condense et cristallise toutes nos nuits humaines.

         Ces heures de veille et d’émerveillement devant un ciel étoilé, un feu de camp, le guet de l’aube en silence, au sommet d’une montagne, ou dans le chuintement des vagues d’un bateau naviguant de nuit…

         Ces heures de douleurs et de souffrances nocturnes : et comment oublier ce soir tous ceux qui, à l’hôpital ou chez eux, se tournent et se retournent dans leur lit sans pouvoir trouver la position ou la pensée qui calmerait leur souffrance ?

         Ces heures de solitude et de détresse dans le noir aussi : quand le souci, l’angoisse, le chagrin, la détresse nous empêche de fermer l’œil.

         Il faudrait encore évoquer la nuit de l’étourdissement, des plaisirs faciles et sans lendemain, la nuit célébration de l’intimité et de la tendresse ; la nuit des moines et des moniales, qui en veillant portent ce monde dans la prière… 

·         Oui la nuit pascale rejoint toutes nos nuits humaines, les plus horribles comme les plus belles. Elle les condense et les cristallise, les récapitule pour les faire passer avec le Christ des ténèbres à la lumière, pour les ouvrir à une aurore, à une espérance invincible.

Si Dieu le Père n’a pas abandonné le Fils dans cette nuit-là, c’est donc que son Esprit nous fera traverser nous aussi nos obscurités les plus terribles.

Que l’énergie de Pâques nous ressuscite à notre tour, dès maintenant !

 

MESSE DU JOUR DE PÂQUES

PREMIÈRE LECTURE
« Nous avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts » (Ac 10, 34a.37-43)
Lecture du livre des Actes des Apôtres

En ces jours-là, quand Pierre arriva à Césarée chez un centurion de l’armée romaine, il prit la parole et dit : « Vous savez ce qui s’est passé à travers tout le pays des Juifs, depuis les commencements en Galilée, après le baptême proclamé par Jean : Jésus de Nazareth, Dieu lui a donné l’onction d’Esprit Saint et de puissance. Là où il passait, il faisait le bien et guérissait tous ceux qui étaient sous le pouvoir du diable, car Dieu était avec lui. Et nous, nous sommes témoins de tout ce qu’il a fait dans le pays des Juifs et à Jérusalem. Celui qu’ils ont supprimé en le suspendant au bois du supplice, Dieu l’a ressuscité le troisième jour. Il lui a donné de se manifester, non pas à tout le peuple, mais à des témoins que Dieu avait choisis d’avance, à nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts. Dieu nous a chargés d’annoncer au peuple et de témoigner que lui-même l’a établi Juge des vivants et des morts. C’est à Jésus que tous les prophètes rendent ce témoignage : Quiconque croit en lui reçoit par son nom le pardon de ses péchés. »

PSAUME
(Ps 117 (118), 1.2, 16-17, 22-23)
R/ Voici le jour que fit le Seigneur, qu’il soit pour nous jour de fête et de joie ! (Ps 117, 24)

Rendez grâce au Seigneur : Il est bon !
Éternel est son amour !
Oui, que le dise Israël :
Éternel est son amour !

Le bras du Seigneur se lève,
le bras du Seigneur est fort !
Non, je ne mourrai pas, je vivrai,
pour annoncer les actions du Seigneur.

La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs
est devenue la pierre d’angle :
c’est là l’œuvre du Seigneur,
la merveille devant nos yeux.

 

DEUXIÈME LECTURE
« Recherchez les réalités d’en haut, là où est le Christ » (Col 3, 1-4)
Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Colossiens

Frères, si vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d’en haut : c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu. Pensez aux réalités d’en haut, non à celles de la terre. En effet, vous êtes passés par la mort, et votre vie reste cachée avec le Christ en Dieu. Quand paraîtra le Christ, votre vie, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui dans la gloire.

SÉQUENCE
À la Victime pascale,

chrétiens, offrez le sacrifice de louange.

L’Agneau a racheté les brebis ;
le Christ innocent a réconcilié
l’homme pécheur avec le Père.

La mort et la vie s’affrontèrent
en un duel prodigieux.
Le Maître de la vie mourut ; vivant, il règne.

 « Dis-nous, Marie Madeleine,
qu’as-tu vu en chemin ? »

 « J’ai vu le sépulcre du Christ vivant,
j’ai vu la gloire du Ressuscité.

J’ai vu les anges ses témoins,
le suaire et les vêtements.

Le Christ, mon espérance, est ressuscité !
Il vous précédera en Galilée. »

Nous le savons : le Christ
est vraiment ressuscité des morts.

Roi victorieux,
prends-nous tous en pitié !
Amen.

ÉVANGILE
« Il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts » (Jn 20, 1-9)
Alléluia. Alléluia. Notre Pâque immolée, c’est le Christ ! Célébrons la Fête dans le Seigneur ! Alléluia. (cf. 1 Co 5, 7b-8a)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin ; c’était encore les ténèbres. Elle s’aperçoit que la pierre a été enlevée du tombeau. Elle court donc trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a déposé. » Pierre partit donc avec l’autre disciple pour se rendre au tombeau. Ils couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau. En se penchant, il s’aperçoit que les linges sont posés à plat ; cependant il n’entre pas. Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour. Il entre dans le tombeau ; il aperçoit les linges, posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à part à sa place. C’est alors qu’entra l’autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit, et il crut. Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas compris que, selon l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts.
Patrick BRAUD

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4 février 2015

Sortir, partir ailleurs…

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Sortir, partir ailleurs…

cf. également :
Avec Job, faire face à l’excès du mal

Homélie du Dimanche / 5° Dimanche du temps ordinaire – Année B
08/02/2015

Un humoriste mettait ainsi en scène l’envoi des disciples par Jésus :

Le Christ leur dit : « allez voir ailleurs si j’y suis ».
Ils y allèrent … et effectivement il y était !

C’est bien cet ailleurs qui fascine Jésus dans notre évangile.

Il échappe à la recherche de ses compagnons et du village entier : « Partons ailleurs, dit-il, car c’est pour cela que je suis sorti » (Mc 1, 29-39). Et de fait Jésus n’arrête pas de sortir dans l’Évangile de Marc.

Il sort de la synagogue : passage symbolique du judaïsme à l’Église.

Il sort de Capharnaüm pour prier et choisir ses disciples.

Il sortira à nouveau pour proclamer l’Évangile.

En lien avec le désert, c’est tout le thème de l’Exode qui est présent en filigrane. Le leitmotiv qui revient sans cesse dans l’Exode, c’est ce refrain que Dieu scande : « C’est moi ton Dieu qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte ». Dieu fait sortir le peuple de l’Égypte, où les marmites pleines pouvaient endormir sa faim de Dieu.

Comme la naissance fait sortir l’enfant du ventre maternel où pourtant il était si bien.

Comme l’adolescence le fera sortir de la maison familiale et quitter l’enfance.

« Proclamer la Bonne Nouvelle, c’est pour cela que je suis sorti » dit Jésus.

Cela nous rappelle la parabole du semeur : « Écoutez : le semeur est sorti ». Comme un nouvel Exode.

L’amour n’est-il pas sortie de soi ? À travers ce décentrement de soi-même, à travers ce refus du succès facile qui l’aurait immobilisé à Capharnaüm, c’est tout le mouvement pascal du Christ qui est déjà présent et que nous célébrons tout à l’heure dans l’Eucharistie. La résurrection est évoquée dans le texte au moment de la sortie de Jésus : car Jésus se lève (c’est le verbe de la Résurrection: se lever d’entre les morts, comme la belle-mère de Simon que Jésus fait se lever) bien avant l’aube, c’est-à-dire au matin de la Résurrection.

Comment aimer quelqu’un sans sortir de soi, sans mourir à soi-même ? Sans sortir à la rencontre de l’autre ? Le Christ le premier est sorti de sa divinité pour se faire l’un de nous.

Rappelez-vous Moïse : il avait été élevé confortablement à la cour de Pharaon. Le livre de l’Exode nous le montre à un moment où il regarde ailleurs que cet univers de luxe et de prestige :« Moïse, qui avait grandi, sortit vers ses frères et vit ce qu’étaient leurs corvées » (Ex 2, 11). Moïse sort de son palais, de lui-même, il refuse de traverser la vie en 1ère classe alors que ses frères sont dans les compartiments de 3ème et 4ème classe. Au lieu du confort du palais égyptien et de sa condition de privilégié, Moïse sort vers ses frères et voit leur souffrance [1]. De même, Jésus, nouveau Moïse, Verbe de Dieu, sort de sa divinité, se vide de lui-même et devient l’un des nôtres : c’est le mouvement de kénose que décrit St Paul dans la lettre aux Philippiens : « Jésus, de condition divine, ne retint pas également le rang qui l’égalait à Dieu, mais il s’est vidé de lui-même… » La kénose du Christ, c’est ce mouvement de sortie de soi qui révèle le cœur de la vie en Dieu. C’est le mouvement trinitaire où chaque personne divine n’est vraiment elle-même qu’en étant hors d’elle-même.

Sortir, partir ailleurs… dans Communauté spirituelle poussin1N’est-ce pas d’ailleurs le mouvement de tout amour : entre parents et enfants, entre amis, entre un homme et une femme ? Sortir de soi pour aller à la recherche de l’autre, sans cesse, car l’être aimé est insaisissable. C’est pourquoi le Christ refuse de se laisser saisir : il nous blesse d’amour et il disparaît. « Tout le monde te cherche » dit Simon. C’est-à-dire : « Tout le monde a été bouleversé parce que tu as fais et dis hier. Ils ont soif de toi ». Mais Jésus se dérobe : « Partons ailleurs ».

 

C’est le thème inépuisable de la recherche de Dieu et de son visage en Jésus.

St Augustin exprimait l’infini de cette quête inachevée par cette phrase géniale :

« chercher Dieu avec le désir de le trouver, le trouver avec le désir de le chercher encore ».

Un autre Père de l’Église, Grégoire de Nysse, écrivait :

« Trouver Dieu, c’est le chercher sans cesse. En effet, chercher ici, n’est pas une chose, et trouver une autre. Mais le gain de la recherche, c’est de chercher encore. Le désir de l’âme est comblé par là-même qu’il demeure insatiable. C’est-à-dire que c’est là proprement voir Dieu que de n’être jamais rassasié de le désirer.

« Partons ailleurs » dit Jésus, pour nous rappeler que l’amour est un mouvement d’Exode, de sortie de soi. C’est bien cela : au moment où j’ai trouvé Jésus, il me désinstalle et me renvoie ailleurs. « Allez voir ailleurs si j’y suis ! ». Et de fait, c’est là qu’il est !

Un philosophe, Bergson je crois, disait :
« Le seul élément stable du christianisme, c’est l’ordre de ne s’arrêter jamais ».

Dites cela à des couples qui s’aperçoivent après 20 ans de mariage qu’il leur faut redécouvrir et réinventer leur relation commune une fois les enfants partis : « sortons de nous-mêmes ; partons ailleurs ».

Ou bien quelques années après, au moment de la retraite professionnelle.

Dites cela aux amoureux qui voudraient s’installer dans le ravissement illusoire de la période amoureuse.

Dites-le à ceux à qui une rupture, une dépression ou un chômage viennent murmurer la tentation de se replier sur soi-même : « Partons ailleurs. Sors de toi-même ».

Dites-le encore à une paroisse, à une équipe, à une Église ou un groupe qui ronronnerait sur lui-même. « Partons ailleurs, car pour proclamer l’Évangile, il faut sortir de soi ».

« Tout le monde te cherche » dit Simon à Jésus.

Y-a-quelquun ailleurs dans Communauté spirituelleBlessé d’amour pour avoir été saisi à un moment de notre vie par l’amour, puissions-nous nous mettre à sa recherche de toutes nos forces, comme la bien-aimée du Cantique des cantiques parcourant les rues de la ville à la recherche de son bien-aimé. Alors nous découvrirons que l’Exode est au cœur même de la vie de Dieu. Quand je cherche Dieu, je reçois de lui la possibilité d’aller vers lui. Or se rendre vers Dieu, c’est l’être même de Dieu Trinité ! Dieu n’est rien d’autre que celui qui sort de lui-même et qui se rend vers lui-même parce qu’il se donne à lui-même la possibilité d’aller vers soi. Aller vers Dieu et aller vers soi sont ainsi un seul et même mouvement… qui commence par le mouvement de sortie de soi, pour aller vers l’autre.

Le Père donne au Fils, en l’engendrant, la possibilité de revenir vers lui dans ce retour qu’est l’Esprit Saint. Ainsi, en sortant de nous-mêmes par l’amour, nous devenons Dieu, et nous devenons nous-mêmes. En Dieu, sortir de soi et aller vers l’autre, aller vers soi, ne sont pas contradictoires : c’est le même mouvement, celui de l’identité trinitaire.

« Partons ailleurs, dit Jésus, afin que là aussi je proclame la Bonne Nouvelle. Car c’est pour cela que je suis sorti ».

Eh bien : sortons de nous-mêmes, avec le Christ !

 


 


[1]. Le dernier film de Ridley Scott (2014) : Exodus, Gods and Kings, est en ce sens assez infidèle à l’esprit des textes bibliques. Son Moïse ne sort de son palais d’Égypte qu’à cause de sa charge royale, et il ne voit pas la souffrance de son peuple. Le film ne fait pas le lien entre la sortie de soi et la compassion, qui va amener à l’engagement. La rivalité personnelle entre Moïse et Pharaon y est surdimensionnée.

 

1ère lecture : Détresse de l’homme qui souffre (Jb 7, 1-4.6-7)
Lecture du livre de Job
Job prit la parole et dit :
« Vraiment, la vie de l’homme sur la terre est une corvée, il fait des journées de man?uvre. Comme l’esclave qui désire un peu d’ombre, comme le manoeuvre qui attend sa paye, depuis des mois je n’y ai gagné que du néant, je ne compte que des nuits de souffrance. À peine couché, je me dis : ’Quand pourrai-je me lever ?’ Le soir n’en finit pas : je suis envahi de cauchemars jusqu’à l’aube. Mes jours sont plus rapides que la navette du tisserand, ils s’achèvent quand il n’y a plus de fil.
Souviens-toi, Seigneur : ma vie n’est qu’un souffle, mes yeux ne verront plus le bonheur. »

Psaume : Ps 146, 1.3, 4-5, 6-7
R/ Bénissons le Seigneur qui guérit nos blessures !

Il est bon de fêter notre Dieu,
il est beau de chanter sa louange :
il guérit les coeurs brisés
et soigne leurs blessures.

Il compte le nombre des étoiles,
il donne à chacune un nom ;
il est grand, il est fort, notre Maître :
nul n’a mesuré son intelligence.

Le Seigneur élève les humbles
et rabaisse jusqu’à terre les impies.
Entonnez pour le Seigneur l’action de grâce,
jouez pour notre Dieu sur la cithare !

2ème lecture : L’Apôtre se fait tout à tous (1Co 9, 16-19.22-23)
Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères,
si j’annonce l’Évangile, je n’ai pas à en tirer orgueil, c’est une nécessité qui s’impose à moi ; malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile !
Certes, si je le faisais de moi-même, je recevrais une récompense du Seigneur. Mais je ne le fais pas de moi-même, je m’acquitte de la charge que Dieu m’a confiée.
Alors, pourquoi recevrai-je une récompense ? Parce que j’annonce l’Évangile sans rechercher aucun avantage matériel, ni faire valoir mes droits de prédicateur de l’Évangile.
Oui, libre à l’égard de tous, je me suis fait le serviteur de tous afin d’en gagner le plus grand nombre possible.
J’ai partagé la faiblesse des plus les faibles, pour gagner les faibles. Je me suis fait tout à tous pour en sauver à tout prix quelques-uns.
Et tout cela, je le fais à cause de l’Évangile, pour bénéficier, moi aussi, du salut.

Evangile : Une journée de Jésus au milieu des malades (Mc 1, 29-39)
Acclamation : Alléluia. Alléluia. Jésus a pris sur lui notre faiblesse, il s’est chargé de nos douleurs. Alléluia. (cf. Mt 8, 17)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En quittant la synagogue, Jésus, accompagné de Jacques et de Jean, alla chez Simon et André.
Or, la belle-mère de Simon était au lit avec de la fièvre. Sans plus attendre, on parle à Jésus de la malade. Jésus s’approcha d’elle, la prit par la main, et il la fit lever. La fièvre la quitta, et elle les servait.
Le soir venu, après le coucher du soleil, on lui amenait tous les malades, et ceux qui étaient possédés par des esprits mauvais. La ville entière se pressait à la porte. Il guérit toutes sortes de malades, il chassa beaucoup d’esprits mauvais et il les empêchait de parler, parce qu’ils savaient, eux, qui il était.
Le lendemain, bien avant l’aube, Jésus se leva. Il sortit et alla dans un endroit désert, et là il priait.
Simon et ses compagnons se mirent à sa recherche.
Quand ils l’ont trouvé, ils lui disent : « Tout le monde te cherche. »
Mais Jésus leur répond : « Partons ailleurs, dans les villages voisins, afin que là aussi je proclame la Bonne Nouvelle ; car c’est pour cela que je suis sorti. »
Il parcourut donc toute la Galilée, proclamant la Bonne Nouvelle dans leurs synagogues, et chassant les esprits mauvais.
Patrick BRAUD

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