L'homélie du dimanche (prochain)

4 juillet 2021

Obligation de moyens, pas de résultat

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Obligation de moyens, pas de résultat

Homélie pour le 15° Dimanche du Temps Ordinaire / Année B
11/07/2021

Cf. également :

Deux par deux, sans rien pour la route
Le polythéisme des valeurs
Plus on possède, moins on est libre
Secouez la poussière de vos pieds
Medium is message
Briefer et débriefer à la manière du Christ

Obligation de moyens, pas de résultat dans Communauté spirituelle

Amer constat

Mai 2021. Juste après la levée de l’interdiction des 10 kms, nous nous retrouvons avec trois couples amis pour goûter la liberté retrouvée. Bien sûr, les nouvelles des enfants et petits-enfants sont au menu de nos conversations. Au fil des échanges, un constat s’impose à eux : ‘nous qui sommes cathos, convaincus et engagés, nous avons transmis à nos enfants ce patrimoine spirituel et ecclésial. Mais très peu l’ont repris à leur compte, excepté les valeurs chrétiennes qu’ils ont adoptées et pour lesquelles ils nous sont reconnaissants. À la génération en dessous, qu’en sera-t-il ? Car sur les 14 petits-enfants que nous cumulons (à 3 couples) aucun n’est baptisé’…

Il y avait une pointe de déception dans ce froid constat, et également beaucoup d’interrogations : ‘qu’aurions-nous raté ? qu’est-ce qui relève de notre responsabilité ? la foi ne se transmet-elle donc pas ? sommes-nous désavoués par le désintérêt pratique de nos enfants envers l’Église ?’… Malgré des dynasties de familles intelligemment ancrées dans la foi chrétienne depuis des lustres, il a suffi de deux générations pour rompre le fil, pour que le relais semble perdu, pour longtemps.

Or ce sentiment d’échec dans la transmission de la foi est plutôt bon signe ! C’est justement qu’il n’y a rien d’automatique ni d’héréditaire dans l’identité chrétienne. Nous avons pu croire à une époque qu’il y avait des pays catholiques comme il y avait des pays hindous ou musulmans. Et voilà que la liberté rebat les cartes et distribue sans cesse de nouvelles donnes à travers les siècles. Être juif est une question quasi génétique où il suffit d’être de mère juive. Être musulman est théoriquement lié à la simple récitation de la confession de foi centrale appelée Shahada (« J’atteste qu’il n’y a pas de divinité en dehors de Dieu et j’atteste que Mahomet est le Messager de Dieu »), mais en réalité l’appartenance musulmane s’est transmise par les conquêtes militaires, et ensuite par l’obligation d’être un sujet légal de l’État musulman. Nous redécouvrons en France que l’identité supposée catholique de nos concitoyens n’est en réalité que le résultat de leur libre choix. Pourquoi s’en désoler ?

L’échec de l’évangélisation fait partie intégrante de celle-ci, sinon elle dégénère en conversion forcée. Dès le début de sa mission, Jésus en fait la douloureuse expérience. Il revient à Nazareth, son village d’origine, et là il est surpris et navré de constater le manque de foi de ses amis d’enfance : « Et là il ne pouvait accomplir aucun miracle ; il guérit seulement quelques malades en leur imposant les mains. Et il s’étonna de leur manque de foi » (Mc 6, 5 6). Ce non-accueil est si fort qu’il oblige Jésus à s’installer ailleurs que chez lui, à Capharnaüm, ce croisement de routes, de flux de populations cosmopolites davantage prêt à l’accueillir que sa bourgade natale. Alors, quand il envoie ses disciples en mission deux par deux pour la première fois (Mc 6,7-13), Jésus ne se fait pas d’illusions : on refusera parfois de les accueillir. On leur fermera poliment la porte au nez ; on les chassera à coups de pierres ; on leur manifestera une indifférence dédaigneuse. La possibilité de l’échec fait partie de la mission. À tel point que Jésus leur demandera d’en tirer toutes les conséquences, en ne perdant pas leur temps ni l’énergie là où les cœurs ne sont pas prêts : « Si, dans une localité, on refuse de vous accueillir et de vous écouter, partez et secouez la poussière de vos pieds : ce sera pour eux un témoignage ».

 

Les deux obligations

ob_91f4e4_oblllllllllllllllll conversion dans Communauté spirituelleOn dirait aujourd’hui que Jésus leur demande une obligation de moyens, et non une obligation de résultat. La distinction appartient au droit français, mais elle est facile à comprendre. L’obligation de moyens engage à explorer et utiliser tous les chemins possibles, dans les règles de l’art, pour atteindre le résultat souhaité. Mais celui qui signe le contrat ne garantit pas que le résultat soit obtenu, car tout ne dépend pas de lui. Ainsi, le chirurgien s’engage à pratiquer sur vous une opération dans les règles de l’art, avec tout l’arsenal hospitalier requis ; mais il ne peut vous garantir le succès d’une greffe, d’une ablation de tumeur etc. car la guérison ne dépend pas que de lui. Alors qu’un installateur de chaudière a l’obligation de vous fournir un appareil en état de marche, et il ne sera payé (sauf cas de force majeure) que si en appuyant sur le bouton vous avez bien l’eau chaude enfin disponible ! Autrement dit, l’obligation de résultat oblige le prestataire à parvenir à un résultat précis prévu dans le contrat.

Vous l’avez compris : la mission selon Jésus relève d’une obligation de moyens, pas de résultat. Les moyens eux doivent être évangéliques : « seulement un bâton ; pas de pain, pas de sac, pas de pièces de monnaie dans leur ceinture ». Utiliser d’autres moyens ne serait pas fidèle à l’Esprit du Christ, même si cela semble sur le moment couronné de succès (conversions nombreuses, mais superficielles). Utiliser des moyens contraires est pire encore : déverser de l’argent, du pain sur des populations pauvres pour les attirer à l’Église, mettre des habits somptueux pour impressionner et forcer le respect, entasser des richesses dans le sac de l’Église (patrimoine immobilier, financier, artistique…). Si l’on prenait au sérieux l’envoi des Douze (comme celui des 72 en Lc 10, 1-24), on devrait considérablement simplifier la vie matérielle de nos Églises, simplifier la pastorale pour la ramener elle aussi à l’essentiel : annoncer, guérir, demeurer (hospitalité)…

Le déclin numérique – réellement impressionnant – de l’Église catholique en France la forcera peut-être à redécouvrir cette pauvreté missionnaire : vendre des bâtiments au lieu de les accumuler, manquer d’argent au lieu de s’en servir comme moyen d’influence, simplifier sa liturgie, ses vêtements, sa pastorale au lieu de se perdre dans des querelles de dentelles…

 

Le carré magique de l’évangélisation

Quand on croise les deux obligations de moyens et de résultat, on obtient un de ces ‘carrés magiques’ dont raffolent les entreprises pour diagnostiquer leur place d’acteur d’un marché et positionner leur stratégie en réponse.

Le carré magique de l'évangélisation (obligation de moyens / résultat)– Le quadrant en bas à gauche est le pire quadrant, celui des mercenaires (Jn 10, 10-20) qui font tout échouer en ne respectant pas la nature évangélique des moyens à mettre en œuvre dans la mission. Ils ne songent en fait qu’à leur gloire, leur intérêt, leur trajectoire individuelle. Dès qu’il y a un danger (des ‘loups’), il s’enfuit en abandonnant les communautés (les ‘brebis’) à leur sort. Dans l’histoire de l’évangélisation, bien des militaires (de Cortés à Bugeaud par exemple) qui ont voulu imposer leur religion par la force ont finalement engendré un rejet proportionnel à la violence employée. Dans bien des écoles catholiques, les moyens utilisés sont de réels contre-témoignages flagrants (cf. la récente affaire de sévices sur des enfants d’institutions catholiques dans le diocèse de Cologne en Allemagne). Dans bien des familles cathos, l’imposition dès l’enfance d’une tradition religieuse corsetée et étroite d’esprit ne fait que générer plus tard des adultes sceptiques, athées, anticléricaux.

– Le quadrant en haut à droite est évidemment l’exact contraire de la caricature précédente. Ici la mission chrétienne est pratiquée selon l’Esprit de l’Évangile (simplicité, pauvreté, service, désintéressement) et porte du fruit au centuple. La figure en est sans doute François d’Assise et l’ordre des franciscains avec lui. Riche héritier d’un marchand drapier italien du XIII° siècle, François a su se débarrasser des richesses qui l’alourdissaient, jusqu’à se dévêtir devant tous pour en exprimer l’abandon. Il n’avait sur lui ni sac, ni argent, ni vêtements somptueux, mais il parcourait les routes d’Italie – puis les franciscains de l’Europe – en prêchant le retour à l’Évangile, allégé du surpoids que l’Église médiévale avait accumulé pendant des siècles (puissance temporelle, influence politique, trésors, bâtiments, fortunes, pouvoir de coercition…).

- Entre ces deux extrêmes se situe la zone grise du quadrant en haut à gauche : les missionnaires utilisent des moyens non évangéliques, et pourtant ils obtiennent des résultats réels. Ainsi la colonisation occidentale en Afrique noire ; ou la paix constantinienne établissant un empire romain soi-disant chrétien ; ou le baptême de Clovis impliquant celui de tous les Francs ; ou certaines missions protestantes américaines convertissant à coup de dollars etc. Dans ces situations, la graine semée lève et porte du fruit, alors que pourtant l’humus sur lequel elle grandit est pollué par des pratiques antiévangéliques. C’est que l’Esprit a la liberté de faire pousser le bon grain au milieu de l’ivraie ! Contrairement au proverbe que citait Jésus, un mauvais arbre peut porter de bons fruits… Nous connaissons tous des familles à l’éducation religieuse catastrophique, mais où certains enfants arrivent cependant à en filtrer le meilleur, à remonter à la source pour devenir des chrétiens remarquables [1]. « Dieu écrit droit avec des lignes courbes » (Paul Claudel).

– Le dernier quadrant, en bas à droite, est celui de l’échec annoncé aux Douze. Malgré tous les moyens évangéliques utilisés (pauvreté, simplicité, service…), malgré la grande qualité spirituelle des témoins du Christ à l’œuvre, la mission échoue. C’est la liberté des peuples de se détourner de l’Évangile du Christ. C’est la liberté des individus de dire oui ou non, d’accepter ou non de se convertir. Ainsi Matteo Ricci et les jésuites en Chine. Peu aidés il est vrai par la rigidité de Rome sur la question des rites chinois, l’évangélisation brillante, intelligente et fidèle à Mc 6 ne pourra pas convaincre les Chinois. De même en Inde d’ailleurs avec St Thomas et ses successeurs. Ou bien Charles de Foucauld en terre musulmane. Ou bien mes couples d’amis cathos avec leurs enfants et petits-enfants. Comme le disait Bernadette Soubirous avec bon sens : « je suis chargé de vous le dire, pas de vous le faire croire ».
La foi ne se transmet pas, elle ne s’impose pas : elle se propose [2], s’exposant par là-même au refus. Celui qui n’a jamais rencontré d’échec n’a jamais évangélisé en vérité…

 

Dans quel quadrant êtes-vous ? Quel a déjà été votre parcours dans ce carré magique, en tant qu’acteur de l’évangélisation, en tant que destinataire également ? Quels visages, quelles pratiques vous concernant pourriez-vous mettre dans chacun de ces quadrants ?

 


[1]. St Augustin notait avec finesse que même les mercenaires pouvaient obtenir de bons résultats. « Remarquez-le cependant : les mercenaires sont indispensables. Il en est beaucoup dans l’Église pour travailler à leur avantage temporel ; néanmoins, ils prêchent le Christ, et, par leur intermédiaire, sa parole se fait entendre, et les brebis suivent, non pas le mercenaire, mais la voix du pasteur qui leur arrive par la bouche du mercenaire » (Augustin, Traité sur l’évangile de Jean n° 46).

[2]. Cf. Conférence des Évêques de France, Proposer la foi dans la société actuelle, Lettre aux catholiques de France, 1996.

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Va, tu seras prophète pour mon peuple » (Am 7, 12-15)

Lecture du livre du prophète Amos

En ces jours-là, Amazias, prêtre de Béthel, dit au prophète Amos : « Toi, le voyant, va-t’en d’ici, fuis au pays de Juda ; c’est là-bas que tu pourras gagner ta vie en faisant ton métier de prophète. Mais ici, à Béthel, arrête de prophétiser ; car c’est un sanctuaire royal, un temple du royaume. » Amos répondit à Amazias : « Je n’étais pas prophète ni fils de prophète ; j’étais bouvier, et je soignais les sycomores. Mais le Seigneur m’a saisi quand j’étais derrière le troupeau, et c’est lui qui m’a dit : ‘Va, tu seras prophète pour mon peuple Israël.’ » – Parole du Seigneur.

PSAUME
(Ps 84 (85), 9ab.10, 11-12, 13-14)
R/ Fais-nous voir, Seigneur, ton amour, et donne-nous ton salut. (Ps 84, 8)

J’écoute : que dira le Seigneur Dieu ?
Ce qu’il dit, c’est la paix pour son peuple et ses fidèles.
Son salut est proche de ceux qui le craignent,
et la gloire habitera notre terre.

Amour et vérité se rencontrent,
justice et paix s’embrassent ;
la vérité germera de la terre
et du ciel se penchera la justice.

Le Seigneur donnera ses bienfaits,
et notre terre donnera son fruit.
La justice marchera devant lui,
et ses pas traceront le chemin.

DEUXIÈME LECTURE
« Il nous a choisis dans le Christ avant la fondation du monde » (Ep 1,3-14)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens

Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ ! Il nous a bénis et comblés des bénédictions de l’Esprit, au ciel, dans le Christ.  Il nous a choisis, dans le Christ, avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints, immaculés devant lui, dans l’amour.  Il nous a prédestinés à être, pour lui, des fils adoptifs par Jésus, le Christ.
Ainsi l’a voulu sa bonté, à la louange de gloire de sa grâce, la grâce qu’il nous donne dans le Fils bien-aimé. En lui, par son sang, nous avons la rédemption, le pardon de nos fautes. C’est la richesse de la grâce que Dieu a fait déborder jusqu’à nous en toute sagesse et intelligence. Il nous dévoile ainsi le mystère de sa volonté, selon que sa bonté l’avait prévu dans le Christ : pour mener les temps à leur plénitude, récapituler toutes choses dans le Christ, celles du ciel et celles de la terre. En lui, nous sommes devenus le domaine particulier de Dieu, nous y avons été prédestinés selon le projet de celui qui réalise tout ce qu’il a décidé : il a voulu que nous vivions à la louange de sa gloire, nous qui avons d’avance espéré dans le Christ.  En lui, vous aussi, après avoir écouté la parole de vérité, l’Évangile de votre salut, et après y avoir cru, vous avez reçu la marque de l’Esprit Saint. Et l’Esprit promis par Dieu est une première avance sur notre héritage, en vue de la rédemption que nous obtiendrons, à la louange de sa gloire.

ÉVANGILE
« Il commença à les envoyer » (Mc 6,7-13)
Alléluia. Alléluia.Que le Père de notre Seigneur Jésus Christ ouvre à sa lumière les yeux de notre cœur, pour que nous percevions l’espérance que donne son appel. Alléluia. (cf. Ep 1, 17-18)

Evangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, Jésus appela les Douze ; alors il commença à les envoyer en mission deux par deux. Il leur donnait autorité sur les esprits impurs, et il leur prescrivit de ne rien prendre pour la route, mais seulement un bâton ; pas de pain, pas de sac, pas de pièces de monnaie dans leur ceinture. « Mettez des sandales, ne prenez pas de tunique de rechange. » Il leur disait encore : « Quand vous avez trouvé l’hospitalité dans une maison, restez-y jusqu’à votre départ. Si, dans une localité, on refuse de vous accueillir et de vous écouter, partez et secouez la poussière de vos pieds : ce sera pour eux un témoignage. » Ils partirent, et proclamèrent qu’il fallait se convertir. Ils expulsaient beaucoup de démons, faisaient des onctions d’huile à de nombreux malades, et les guérissaient.
.Patrick Braud

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31 janvier 2021

Bonheur à moi si j’annonce l’Évangile !

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Bonheur à moi si j’annonce l’Évangile ! 

Homélie pour le 5° dimanche du Temps Ordinaire / Année B
07/02/2021

Cf. également :

Des sommaires pas si sommaires
Sortir, partir ailleurs…
Avec Job, faire face à l’excès du mal

Les Pfizer de la foi

Le laboratoire Pfizer et l’entreprise allemande BioNTech annoncent les premiers résultats positifs de leur candidat vaccin contre le COVID-19 (Visuel Adobe Stock 327257834)

Imaginez qu’un laboratoire français détienne le secret de fabrication d’un nouveau vaccin anti-Covid, sûr à 99 %, pas cher, disponible immédiatement, facile à distribuer en grande quantité. Ce serait évidemment un crime contre l’humanité que de ne pas proposer ce vaccin à toutes les nations ! La santé des peuples comme l’intérêt des actionnaires de ce laboratoire lui demanderaient de ne pas se dérober à une telle mission d’intérêt public. Pfizer, Biotech et Moderna l’ont bien compris (mais en tirent d’énormes profits !)…

Toutes proportions gardées, les Églises sont un peu les Pfizer de la foi ! En effet, elles détiennent (dans des vases d’argile) le trésor de l’Évangile, capable de désarmer le mal couvant en tout homme. Si elles n’osaient plus le proposer à tous, dans le seul but du bien commun, alors elles deviendraient coupables de non-assistance à personnes et à peuples en danger ! À condition que, contrairement à Pfizer, elles le fassent gratuitement, de manière désintéressée…
C’est le cri de Paul dans notre deuxième lecture (1 Co 9, 16-23) : « malheur à moi si je n’annonce pas l’Évangile ! » Non parce qu’il serait l’objet d’une malédiction étrange et inquiétante. Mais parce qu’il a conscience de sa responsabilité envers ceux qui ne connaissent pas le Christ. Il serait le plus malheureux des hommes s’il gardait pour lui ce trésor sans en ouvrir l’accès au maximum de gens. Comme l’amoureux ne peut s’empêcher de parler de sa belle à ses amis. Comme l’enfant qui parle du cadeau reçu aux inconnus de la rue… Un peintre empêché de peindre est malheureux ; un compositeur qui ne compose pas est malheureux. Paul ne serait plus lui-même s’il se taisait.

« L’Église est missionnaires par nature », affirme le concile Vatican II (AG 2). Par nature, et non par stratégie, par calcul ou par intérêt. C’est dans sa nature : elle ne peut s’en empêcher, un point c’est tout.
Une Église qui n’est plus missionnaire est-elle encore l’Église de Jésus-Christ ? Un chrétien qui ne voudrait pas rendre compte de l’espérance qui est en lui serait-il encore chrétien ?
« Toute personne a le droit d’entendre la « Bonne Nouvelle » de Dieu, qui se fait connaître et qui se donne dans le Christ, afin de réaliser pleinement sa vocation. À ce droit correspond un devoir, celui d’évangéliser : en effet, annoncer l’Évangile, ce n’est pas mon motif d’orgueil, c’est une nécessité qui s’impose à moi : malheur à moi si je ne n’annonçais pas l’Évangile (1 Co 9,16) ! » (Note doctrinale de la Congrégation de la foi sur la nouvelle évangélisation, 2007)

C’est peut-être le drame de la fatigue des siècles qui en Occident pèsent sur les chrétiens : ils deviennent discrets, si timides, si invisibles du coup. Les raisons en sont nombreuses : annoncer l’Évangile a si longtemps été confondu avec imposer une domination cléricale. Le relativisme ambiant est tel que chacun pense trouver la paix à croire en privé, sans provoquer de remous, car toutes les religions se valent et pourquoi en privilégier une ?

 

Malheur à moi si j’évangélise n’importe comment !

Bonheur à moi si j’annonce l’Évangile ! dans Communauté spirituelle Mission

C’est vrai que le devoir d’évangélisation a engendré quelques dérives historiques dans lesquelles nous ne voulons plus retomber, à juste titre. Lorsque évangéliser et coloniser allaient de pair. Lorsqu’au nom de l’Évangile on éliminait les pensées et les mœurs différentes. Lorsque les Églises se faisaient la guerre en Europe, ou se faisaient concurrence en Afrique. Ces dérives de l’évangélisation ont généré en retour l’athéisme, le scepticisme et la sécularisation pour s’émanciper de la tutelle ecclésiale.

« L’Église propose, elle n’impose rien. Elle respecte les personnes et les cultures, et elle s’arrête devant l’autel de la conscience » (Jean Paul II, Redemptoris Missio n° 39).

Paul n’a pas vécu assez longtemps pour constater les dégâts opérés par une évangélisation faite n’importe comment. Nul doute qu’il aurait complété le cri d’aujourd’hui par son frère jumeau : « malheur à moi si j’annonce l’Évangile n’importe comment ! »

Si notre façon d’évangéliser contredit l’Évangile (notamment à cause de la soif de puissance ou d’argent), nous sommes les plus malheureux des hommes, car nous nous défigurons nous-mêmes. Si nos actes et nos paroles contredisent notre message, comment celui-ci pourrait-il être crédible ? L’Église est toujours jugée par le message qu’elle proclame, ce qui devrait la garder dans l’humilité, loin de toute intolérance. « L’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres, ou s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont des témoins » (Paul VI, Evangelii Nuntiandi n°41).

Une autre manière d’annoncer l’Évangile n’importe comment serait de le réduire à une pensée magique sur l’univers : ‘prie Jésus et tu seras guéri ; aie la foi et tes problèmes seront résolus’ etc. Cette tentation est forte dans bien des courants protestants et catholiques : cantonner la foi au domaine du merveilleux individuel, au lieu de la laisser être lumière du monde et levain dans la pâte. Les retours frileux à une liturgie de cocooning relèvent de ce même repli identitaire qui dénature l’Évangile : si être missionnaire consiste à se réfugier dans la liturgie, les groupes de prière où les pèlerinages seulement, alors nous serons malheureux de ne vivre que sur un poumon (célébrer) en ignorant les deux autres (croire et vivre).

Il y a une grande différence entre Pfizer et l’Église : les laboratoires cherchent (légitimement) leur intérêt ; le cours de leur action explose ; leurs contrats sont juteux et se chiffrent en milliards. L’Église a été capable hélas de chercher son intérêt propre dans les évangélisations successives des siècles passés. À court terme, elle y a gagné de la puissance financière et spirituelle. À long terme, elle scie la branche sur laquelle elle est assise. Car l’Église est vraiment elle-même lorsqu’elle est désintéressée, proposant l’Évangile sans jamais l’imposer, servant « l’homme, tout homme, tout l’homme » sans rien espérer en retour. Bien des missionnaires ont incarné cet état d’esprit de gratuité en allant planter l’Église ailleurs. Bien des cultures ont accueilli avec joie l’Évangile lorsqu’il était ainsi présenté sans volonté de domination ni d’exclusivisme.

Les Pères de l’Église insistaient sur la mission chrétienne comme accomplissement de ce que les cultures païennes avaient de meilleur en elles. Car il y a dans chaque peuple ce qu’ils appelaient des « semences du Verbe », une « préparation évangélique » qui font de la conversion au Christ un accomplissement, une plénitude, une transfiguration et non pas une destruction de la culture d’origine et de son génie propre.

« Dans l’annonce du Christ aux non-chrétiens, le missionnaire est convaincu qu’il existe déjà, tant chez les individus que chez les peuples, grâce à l’action de l’Esprit, une attente, même inconsciente, de connaître la vérité sur Dieu, sur l’homme, sur la voie qui mène à la libération du péché et de la mort. L’enthousiasme à annoncer le Christ vient de la conviction que l’on répond à cette attente; c’est pourquoi le missionnaire ne se décourage pas ni ne renonce à son témoignage, même s’il est appelé à manifester sa foi dans un milieu hostile ou indifférent » (Redemptoris Missio 45).

 

Bonheur à moi si j’annonce Évangile !

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Toutes ces dérives – et il y en a d’autres encore hélas – ne doivent cependant pas servir d’excuses au silence assourdissant de certains chrétiens et communautés n’osant plus faire référence à leur foi.

« Si eux se taisent, les pierres crieront ! » (Lc 19,40). Jésus avait pressenti que viendrait inévitablement cette lâcheté dont Pierre a été capable le premier.

Une Église qui se tait s’affadit, devient exsangue, et meurt. Une Église qui témoigne – avec humilité et discernement – devient radieuse. « Comment les païens peuvent-ils croire s’ils n’ont pas entendu ? Mais comment peuvent-ils entendre si personne ne proclame ? La foi nait de la prédication ! » (Rm 10,14)
« Dans l’histoire de l’Église, le dynamisme missionnaire a toujours été un signe de vitalité, de même que son affaiblissement est le signe d’une crise de la foi. La foi s’affermit lorsqu’on la donne. » (Redemptoris Missio n°2).
« La joie de l’Évangile qui remplit la vie de la communauté des disciples est une joie missionnaire. Les soixante-dix disciples en font l’expérience, eux qui reviennent de la mission pleins de joie (cf. Lc 10, 17). Cette joie est un signe que l’Évangile a été annoncé et donne du fruit » (Pape François, Evangelii Gaudium, n° 21).

Annoncer l’Évangile nourrit la foi de celui qui annonce, et le fait grandir. La foi augmente en se partageant. C’est donc un vrai bonheur – par opposition au malheur craint par Paul – que de laisser sortir de soi la parole attestant de l’importance du Christ pour nous. Les conciles des premiers siècles ont été cette expérience joyeuse : sommés de préciser leur foi face aux persécutions, aux religions païennes, aux premières hérésies chrétiennes, les Églises de Jérusalem, Rome, Antioche, Constantinople et Alexandrie ont débattu, prié, écrit leur Credo pour le partager au monde entier.

Celui qui ne dit jamais son amour à d’autres finira par ne plus aimer…
L’évangélisation est un droit pour les autres et un devoir pour nous !
Ce bonheur d’annoncer l’Évangile commence par le témoignage, simple, quotidien, incarné. Les actes parlent autant que les mots. Il faut les deux.

Les mots sans les actes nous exposent aux reproches légitimes issus de la colonisation, de l’esclavage, de l’Inquisition, des croisades… Les actes sans les mots nous font courir un danger tout aussi grand : l’insignifiance, la fadeur du sel qu’on foule aux pieds parce qu’il n’a plus de goût.
« Le plus beau témoignage se révélera à la longue impuissant s’il n’est pas éclairé, justifié – ce que Pierre appelait donner « les raisons de son espérance » (1 P 3,15) – , explicité par une annonce claire, sans équivoque, du Seigneur Jésus. La Bonne Nouvelle proclamée par le témoignage de vie devra donc être tôt ou tard proclamée par la parole de vie. Il n’y a pas d’évangélisation vraie si le nom, l’enseignement, la vie, les promesses, le Règne, le mystère de Jésus de Nazareth Fils de Dieu ne sont pas annoncés » (Paul VI, Evangelii Nuntiandi n°22).

Bonheur à nous si nous savons incarner l’Évangile que nous annonçons, et proclamer l’Évangile qui inspire nos actes !

Il y a sans doute un temps pour agir et un temps pour attendre, un temps pour parler du Christ et un temps pour se taire ; un temps pour être discret et un temps pour crier en public… À nous de discerner, dans la force de l’Esprit, le temps qui est le nôtre ce jour, demain, au travail, en famille, en famille, en société.

Bonheur à moi si j’annonce l’Évangile !

 

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Je ne compte que des nuits de souffrance » (Jb 7, 1-4.6-7)

Lecture du livre de Job

Job prit la parole et dit : « Vraiment, la vie de l’homme sur la terre est une corvée, il fait des journées de manœuvre. Comme l’esclave qui désire un peu d’ombre, comme le manœuvre qui attend sa paye, depuis des mois je n’ai en partage que le néant, je ne compte que des nuits de souffrance. À peine couché, je me dis : “Quand pourrai-je me lever ?” Le soir n’en finit pas : je suis envahi de cauchemars jusqu’à l’aube. Mes jours sont plus rapides que la navette du tisserand, ils s’achèvent faute de fil. Souviens-toi, Seigneur : ma vie n’est qu’un souffle, mes yeux ne verront plus le bonheur. »

PSAUME

(Ps 146 (147a), 1.3, 4-5, 6-7)
R/ Bénissons le Seigneur qui guérit nos blessures ! ou : Alléluia ! (Ps 146, 3)

Il est bon de fêter notre Dieu,
il est beau de chanter sa louange :
il guérit les cœurs brisés
et soigne leurs blessures.

Il compte le nombre des étoiles,
il donne à chacune un nom ;
il est grand, il est fort, notre Maître :
nul n’a mesuré son intelligence.

Le Seigneur élève les humbles
et rabaisse jusqu’à terre les impies.
Entonnez pour le Seigneur l’action de grâce,
jouez pour notre Dieu sur la cithare !

DEUXIÈME LECTURE
« Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile ! » (1 Co 9, 16-19.22-23)

Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens

Frères, annoncer l’Évangile, ce n’est pas là pour moi un motif de fierté, c’est une nécessité qui s’impose à moi. Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile ! Certes, si je le fais de moi-même, je mérite une récompense. Mais je ne le fais pas de moi-même, c’est une mission qui m’est confiée. Alors quel est mon mérite ? C’est d’annoncer l’Évangile sans rechercher aucun avantage matériel, et sans faire valoir mes droits de prédicateur de l’Évangile. Oui, libre à l’égard de tous, je me suis fait l’esclave de tous afin d’en gagner le plus grand nombre possible. Avec les faibles, j’ai été faible, pour gagner les faibles. Je me suis fait tout à tous pour en sauver à tout prix quelques-uns. Et tout cela, je le fais à cause de l’Évangile, pour y avoir part, moi aussi.

ÉVANGILE
« Il guérit beaucoup de gens atteints de toutes sortes de maladies » (Mc 1, 29-39)
Alléluia. Alléluia.Le Christ a pris nos souffrances, il a porté nos maladies. Alléluia. (Mt 8, 17)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, aussitôt sortis de la synagogue de Capharnaüm, Jésus et ses disciples allèrent, avec Jacques et Jean, dans la maison de Simon et d’André. Or, la belle-mère de Simon était au lit, elle avait de la fièvre. Aussitôt, on parla à Jésus de la malade. Jésus s’approcha, la saisit par la main et la fit lever. La fièvre la quitta, et elle les servait.
Le soir venu, après le coucher du soleil, on lui amenait tous ceux qui étaient atteints d’un mal ou possédés par des démons. La ville entière se pressait à la porte. Il guérit beaucoup de gens atteints de toutes sortes de maladies, et il expulsa beaucoup de démons ; il empêchait les démons de parler, parce qu’ils savaient, eux, qui il était.
Le lendemain, Jésus se leva, bien avant l’aube. Il sortit et se rendit dans un endroit désert, et là il priait. Simon et ceux qui étaient avec lui partirent à sa recherche. Ils le trouvent et lui disent : « Tout le monde te cherche. » Jésus leur dit : « Allons ailleurs, dans les villages voisins, afin que là aussi je proclame l’Évangile ; car c’est pour cela que je suis sorti. »
Et il parcourut toute la Galilée, proclamant l’Évangile dans leurs synagogues, et expulsant les démons.
Patrick BRAUD

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23 décembre 2018

Noël : évangéliser le païen en nous

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 00 min

Noël : évangéliser le païen en nous


Homélie pour la fête de Noël / Année C
24/12/2018

Cf. également :

Tenir conte de Noël
Noël : solstices en tous genres
Noël : Il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune…
Noël : la trêve des braves
Noël : croyance dure ou croyance molle ?
Le potlatch de Noël
La bienveillance de Noël
Noël « numérique », version réseaux sociaux…
Noël : « On vous écrira… »
Enfanter le Verbe en nous…

Bien sûr, « le petit Jésus » n’est pas né un 25 décembre, encore moins à minuit.
Bien sûr, la mise en scène des anges a été choisie par Luc parce qu’elle faisait partie du croyable disponible en Palestine il y a 2000 ans.
Bien sûr, l’étable de Bethléem ne ressemblait guère à nos crèches enguirlandées.
Bien sûr, le Père Noël n’a rien à voir avec Noël, sinon dans sa dimension commerciale. Et bien sûr il ne passe pas par la cheminée…
À force de raconter des histoires aux enfants, soi-disant pour les émerveiller, on transforme la Nativité en un événement magique qu’une fois adultes les enfants rangeront dans leurs souvenirs familiaux sans accorder beaucoup de crédit au contenu de cette légende improbable.

Giotto___Legend_of_St_Francis____13____Institution_of_the_Crib_at_GreccioPourtant François d’Assise a eu raison d’inventer la crèche au XIV° siècle pour que le petit peuple se réjouisse dans sa culture paysanne et rurale.
Pourtant la tradition de s’offrir des cadeaux peut être une belle préparation à accueillir le cadeau ultime quelle est la naissance du Verbe on nous.
Pourtant la Pastorale des santons de Provence constitue une formidable catéchèse où tous les métiers peuvent contribuer à l’œuvre de Dieu, où tous les costumes locaux s’intègrent à la procession des offrandes…

Ambigüe, polysémique, contrastée, cette fête de Noël nous parvient à travers une longue histoire d’évangélisation de l’Occident. Il y avait à l’origine les fêtes romaines « saturnales », en l’honneur du dieu Saturne qui aurait séjourné dans le Latium avant la fondation de Rome. L’inversion sociale des rôles faisait de ces réjouissances un espace de décompensation populaire : les esclaves avaient le droit de critiquer les maîtres et de leur commander, nombre d’interdits devenaient possibles en étant levés temporairement. À la fin des saturnales, on fêtait le solstice d’hiver (sol invictus) et la naissance de la divinité solaire Mithra, très célébrée aux I°-III° siècles.

L’Église naissante a très vite compris le parti qu’elle pouvait tirer en superposant le récit chrétien à ces récits païens. Sans choquer le peuple, on l’invitait à orienter ses coutumes vers le Christ, véritable soleil levant, vainqueur des ténèbres. Les conditions humbles et pauvres de la naissance de Jésus relayaient la soif de l’inversion sociale des saturnales (que ne renieraient pas les gilets jaunes ou bonnets rouges chez nous !). Mithra devenait une préfiguration du Christ, et son repas rituel trouvait son accomplissement dans l’eucharistie. En faisant naître Jésus le 25 décembre à minuit, l’Église chargeait Noël de toute cette symbolique solaire, divine, sociale venue du paganisme. Une conversion par accomplissement en quelque sorte.

Noël : évangéliser le païen en nous dans Communauté spirituelle Samedi-saint-Gap-2012-0001Noël n’est pas la seule fête païenne à avoir été ainsi évangélisée. Les juifs avaient commencé bien avant ! Pentecôte était la fête agricole des prémices (premières récoltes) : elle est devenue la fête du don de la Torah. Pâque était une fête païenne du printemps et de son renouveau de vie. Après l’Exode, les juifs l’ont transformé en fête historique, mémorial du passage de l’esclavage à la liberté, programme toujours actuel. À la différence des Romains, le calendrier juif était lunaire et non solaire, et donc davantage marqué par le caractère « lunatique » du temps et du monde. Mais le jour juif commence le soir lorsque la nuit est tombée, pour se terminer dans la lumière de l’après-midi : il va de la nuit au jour, alors que le jour romain (le nôtre) va de la nuit à la nuit (mi-nuit) : l’espérance chrétienne née de la Résurrection du Christ n’a eu aucune peine à conserver ces rythmes lunaires pour sa liturgie, fixant la date de Pâques d’après la lune et commençant la célébration dès le samedi soir par la veillée pascale, ou en célébrant les fêtes dès les vêpres de la veille car le jour liturgique commence le soir etc.

Le réalisme ecclésial fait toujours partie de l’évangélisation pour nous aujourd’hui : plutôt que de combattre de front des traditions païennes en s’y opposant frontalement (ce que hélas nombre de missionnaires chrétiens ou musulmans ont fait en Afrique ou en Asie), mieux vaut les transformer de l’intérieur pour que le meilleur de ce qu’elles recèlent  porte désormais le message évangélique.

Évidemment, la tâche semble ardue. Halloween, le Black Friday, les jouets de Noël, les soldes d’hiver… : comment lutter avec la puissance commerciale de ces rendez-vous païens éclipsant les fêtes chrétiennes ?

300px-Mithras_banquet_Louvre_Ma3441 évangélisation dans Communauté spirituellePaïen  est l’adjectif latin paganus, qui désigne le paysan, l’habitant des campagnes. Or, on l’a vu, la civilisation paysanne était liée par la terre à des divinités transposées de la nature. Il n’en est plus ainsi dans notre monde de mégalopoles où trois habitants sur 4 sont en ville. C’est l’urbain et non plus le païen qu’il nous faut évangéliser ! Mais quelles sont les légendes urbaines, les valeurs et croyances des villes sur lesquelles s’appuyer pour annoncer le Christ ? Serait-ce l’interdépendance mutuelle généralisée, puisque personne n’est autosuffisant en ville ? Ou bien l’interconnexion des services et des réseaux de relations ? Ou encore l’abondance de services et de vie culturelle que seul le nombre permet ? Ce travail reste à faire, sinon nous continuerons de prêcher un christianisme rural et païen à des gens qui ne le sont plus comme autrefois.

 NoëlDernier point enfin : cette fête de Noël nous invite à évangéliser le païen qui est en nous ! Pas seulement dans la culture ambiante, pas d’abord chez les autres, mais en chacun de nous. Car à l’intérieur de nous-mêmes, des zones entières sont encore asservies à des divinités multiples (rurales ou urbaines !), exprimant une soif d’absolu qui souvent se trompe de cible. Le culte des écrans, le culte de la performance économique, le culte du corps sculpté et parfait, le culte de l’apparence sociale… : les petits dieux modernes se bousculent pour capter notre énergie, notre soif spirituelle, nos ressources financières également !

Que chacun s’examine : quelle est la zone païenne qui en moi attend d’être évangélisée ? Comment lui faire porter la symbolique de Noël, naissance de Dieu en nous et de nous en Dieu ?

 

 

Messe de la nuit
Première lecture
« Un enfant nous est né » (Is 9, 1-6)

Lecture du livre du prophète Isaïe

Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; et sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendi. Tu as prodigué la joie, tu as fait grandir l’allégresse : ils se réjouissent devant toi, comme on se réjouit de la moisson, comme on exulte au partage du butin. Car le joug qui pesait sur lui, la barre qui meurtrissait son épaule, le bâton du tyran, tu les as brisés comme au jour de Madiane. Et les bottes qui frappaient le sol, et les manteaux couverts de sang, les voilà tous brûlés : le feu les a dévorés.

 Oui, un enfant nous est né, un fils nous a été donné ! Sur son épaule est le signe du pouvoir ; son nom est proclamé : « Conseiller-merveilleux, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix. » Et le pouvoir s’étendra, et la paix sera sans fin pour le trône de David et pour son règne qu’il établira, qu’il affermira sur le droit et la justice dès maintenant et pour toujours. Il fera cela, l’amour jaloux du Seigneur de l’univers !

Psaume
(Ps 95 (96), 1-2a, 2b-3, 11-12a, 12b-13a, 13bc)
R/ Aujourd’hui, un Sauveur nous est né : c’est le Christ, le Seigneur.
(cf. Lc 2, 11)

Chantez au Seigneur un chant nouveau,
chantez au Seigneur, terre entière,
chantez au Seigneur et bénissez son nom !

De jour en jour, proclamez son salut,
racontez à tous les peuples sa gloire,
à toutes les nations ses merveilles !

Joie au ciel ! Exulte la terre !
Les masses de la mer mugissent,
la campagne tout entière est en fête.

Les arbres des forêts dansent de joie
devant la face du Seigneur, car il vient,
car il vient pour juger la terre.

Il jugera le monde avec justice
et les peuples selon sa vérité !

Deuxième lecture
« La grâce de Dieu s’est manifestée pour tous les hommes » (Tt 2, 11-14)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre à Tite

Bien-aimé, la grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes. Elle nous apprend à renoncer à l’impiété et aux convoitises de ce monde, et à vivre dans le temps présent de manière raisonnable, avec justice et piété, attendant que se réalise la bienheureuse espérance : la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, Jésus Christ. Car il s’est donné pour nous afin de nous racheter de toutes nos fautes, et de nous purifier pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien.

Évangile
« Aujourd’hui vous est né un Sauveur » (Lc 2, 1-14) Alléluia. Alléluia.
Je vous annonce une grande joie : Aujourd’hui vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur ! Alléluia. (cf. Lc 2, 10-11)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

 En ces jours-là, parut un édit de l’empereur Auguste, ordonnant de recenser toute la terre – ce premier recensement eut lieu lorsque Quirinius était gouverneur de Syrie. Et tous allaient se faire recenser, chacun dans sa ville d’origine. Joseph, lui aussi, monta de Galilée, depuis la ville de Nazareth, vers la Judée, jusqu’à la ville de David appelée Bethléem. Il était en effet de la maison et de la lignée de David. Il venait se faire recenser avec Marie, qui lui avait été accordée en mariage et qui était enceinte.
Or, pendant qu’ils étaient là, le temps où elle devait enfanter fut accompli. Et elle mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune. Dans la même région, il y avait des bergers qui vivaient dehors et passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux. L’ange du Seigneur se présenta devant eux, et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière. Ils furent saisis d’une grande crainte. Alors l’ange leur dit : « Ne craignez pas, car voici que je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple : Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. Et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. » Et soudain, il y eut avec l’ange une troupe céleste innombrable, qui louait Dieu en disant : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime. 
Patrick BRAUD

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1 octobre 2018

Le semblable par le semblable

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Le semblable par le semblable


Homélie pour le 27° dimanche du temps ordinaire / Année B
07/10/2018

Cf. également :

L’homme, la femme, et Dieu au milieu
Le mariage et l’enfant : recevoir de se recevoir
Sur quoi fonder le mariage ?
Le festin obligé

 

Bienvenue aux Alcooliques Anonymes !

« – Bonjour. Je m’appelle Caroline.
- Bonjour, Caroline ! clame en chœur le groupe assis en cercle sur des chaises toutes simples.
- Je suis alcoolique. Cela fait trois mois que je n’ai pas touché un verre ».
Et le groupe applaudit.

Ce rituel des Alcooliques Anonymes est célèbre dans le monde entier. Il garantit l’égalité de condition des participants à ce groupe de parole. Il crée un lien de solidarité entre les participants : nous sommes tous confrontés à la même maladie ; nous savons de quoi nous parlons ; nous allons pouvoir nous entraider.

Ce qui est vrai des Alcooliques Anonymes l’est aussi d’autres groupes et associations de personnes touchées par un combat commun : des femmes battues, des victimes d’attentats, des malades de cancer, des veufs et veuves, des parents ayant perdu un enfant etc.

Pourquoi se regrouper ainsi ?

Parce que seuls ceux qui ont vécu telle expérience spécifique savent en parler aux autres. Parce qu’ils peuvent s’écouter mutuellement sans plaquer des aprioris et des clichés de l’extérieur. Entre compagnons de galère, on se reconnaît, on devine ce que l’autre ressent et veut exprimer, car on y est passé soi-même. Entendre quelqu’un parler du cancer en général, c’est bien ; mais rien ne remplace le témoignage personnel de quelqu’un qui a traversé le même cancer que le mien : celui-là, je peux le comprendre, recevoir ses paroles, lui accorder un crédit de confiance car son chemin est proche du mien. À l’inverse, les conseils, les belles paroles et les exhortations de ceux qui n’ont jamais vécu ma situation risquent d’être plaqués, extérieurs, et finalement peu pertinents.

Résultat de recherche d'images pour "Jonathan Pierres Vivantes"Quand un politique discourt sur la grande pauvreté par exemple, on ne peut qu’être méfiant : que connaît-t-il de la bataille quotidienne pour nourrir une famille avec cinq euros ? Que sait-il de l’usure morale et physique d’une mise à l’écart sociale pendant des années ? Même s’il s’appuie sur des études et des associations, ce sera toujours un riche qui se penche sur le problème des pauvres.

C’est pourquoi un prêtre des cités populaires a fondé ATD Quart-Monde. C’est grâce à un jeune aveugle, François Lesueur, que Valentin Haüy a pu créer sa Fondation pour aveugles. Ce sont des parents endeuillés qui ont créé l’association Jonathan Pierres Vivantes etc.

Les Pères de l’Église condensaient cette loi humaine en une formule bien frappée : « ce qui n’a pas été assumé ne peut être sauvé ». Autrement dit : c’est de l’intérieur, par des proches, des gens qui ont vécu la même chose que peut venir l’entraide.

 

Jésus, mon semblable.

La lettre aux Hébreux dans notre deuxième lecture constate que Jésus lui-même s’est soumis à cette loi anthropologique :
« celui qui sanctifie et ceux qui sont sanctifiés doivent tous avoir même origine ; pour cette raison, Jésus n’a pas honte de les appeler ses frères » (He 2,11)

Le semblable par le semblable dans Communauté spirituelle zz Action Catholique dans Communauté spirituelleRésultat de recherche d'images pour "jésus bon larron"La libération ne peut venir de quelqu’un n’ayant pas la même origine. Lorsque quelqu’un ignore cela, il tombe dans la condescendance, l’assistance, la manipulation. Seuls des frères peuvent sauver les frères, sinon la domination ne fera que changer de mains. Quand Moïse par exemple, après son éducation égyptienne, redécouvre son appartenance au peuple hébreu, c’est alors qu’il peut en devenir le libérateur. Dieu l’a renvoyé vers les siens (épisode du buisson ardent) alors qu’il fuyait au désert la vie avec ses semblables.

Parce qu’il a la même origine en humanité, Jésus connaît de l’intérieur nos combats, nos détresses, nos dérélictions les plus extrêmes, car qu’y a-t-il de plus extrême que la croix pour lui ? Parce qu’il est mon semblable en humanité, je peux parler à Jésus comme à un ami, un frère, un compagnon de route. Il a assumé mes tentations, il a vibré à la beauté du monde comme moi, il a connu l’amour, l’amitié, la trahison, la joie, la tristesse, la colère, la souffrance sous toutes ses formes…

« Ce qui n’est pas assumé ne peut être sauvé » : les Pères de l’Église ont martelé cette formule à l’encontre de ceux qui niaient l’humanité de Jésus pour sauvegarder sa divinité. La prière eucharistique n° 4 redit cela avec force (cf. He 4,15) : « il a vécu notre condition d’homme en toutes choses, excepté le péché » (car en réalité le péché n’est pas humain ; il ne fait pas partie de notre vocation humaine).

Jésus se fait le semblable de tous, et surtout des pauvres, des petits, des sans-grades afin que tout être humain trouve en lui un égal, un familier.

 

Pourquoi est-ce si important d’avoir la même origine ?

LA DAME PATRONNESSERedisons-le : ceux qui veulent résoudre les problèmes des autres sans en avoir l’expérience directe ressemblent aux dames patronnesses du 19° siècle. Ils veulent faire pour, souvent avec générosité, mais hélas avec incompétence. Si bien que leur bonne volonté devient vite dangereuse. C’était par exemple le drame du pouvoir colonial français : il voulait assurer le ‘progrès’ des indigènes en faisant pour eux des infrastructures, des lois, une organisation sociale qu’ils imaginaient pour eux.

À l’inverse, si De Gaulle n’avait pas réussi à imposer la légitimité de son gouvernement aux Alliés en 39-45, si les chars du maréchal Leclerc n’avaient pas symboliquement libéré Paris avant les Américains, nous serions devenus une nation sous tutelle, mineure et assistée. Si les français n’avaient pas parlé aux français depuis Londres, nous aurions perdu notre indépendance pour des années.



 

 

L’empowerment

Comme le chante l’hymne de Ph 2, 6-11, Jésus a quitté sa condition divine pour aller épouser notre humanité, au plus bas, afin de la faire remonter auprès de Dieu dans son triomphe sur le mal et la mort. Il s’est fait proche. Il est devenu notre semblable. Il a voulu que l’homme soit sauvé non pas de l’extérieur, par un Dieu tout autre, mais par un frère qui libère en chacun sa capacité à être fils de Dieu.

On l’a dit : faire pour est peut-être généreux, mais naïf et dangereux. L’étape suivante est d’essayer de faire avec. C’est plus noble. Le risque persiste cependant de faire faire à l’autre ce que je pense être le meilleur. L’Occident décide ainsi de grands projets de développement économique et cherche des partenaires locaux en Afrique ou en Asie pour les réaliser avec eux. Mais qui a pris le temps d’écouter ce que les Africains, les Asiatiques mettent sous le terme ‘développement’ ? Faire avec suppose fait en réalité que l’autre ait déjà pris conscience de ce qu’il souhaite faire. Sinon, c’est une parodie de coopération où finalement j’impose mon point de vue en le faisant réaliser par mes ‘partenaires’.

Empowered

Il s’agit donc de rendre d’abord l’autre capable de vouloir et de faire, puis de faire ensemble. C’est ce qu’exprime le terme anglais empowerment : il s’agit de donner le pouvoir (power) à l’autre sur lui-même. L’empowerment est ce travail d’accompagnement qui consiste à libérer en l’autre sa capacité à décider et entreprendre par lui-même. L’empowerment redonne du pouvoir, de la liberté, de l’autonomie et des moyens pour construire son propre chemin par soi-même, en coopération libre avec d’autres.

Au lieu de faire pour, on donne à l’autre de quoi faire par lui-même, et alors seulement on peut faire avec.

Ainsi lorsque Jésus constate après un miracle : « ta foi t’a sauvé », il suit cette pédagogie : il révèle à l’autre la puissance du désir qui est en lui, et l’invite alors à mettre en œuvre cette puissance de salut par lui-même. C’est sa foi qui l’a sauvé et non pas Jésus de l’extérieur. Jésus agit alors comme un catalyseur : en se décentrant de lui-même, il donne à l’autre de découvrir son centre le plus personnel, et travaille avec lui à la réalisation de son désir le plus vrai, le plus saint.

 

Évangéliser le semblable par le semblable

C’est l’une des intuitions les plus fécondes de l’Action Catholique. Au milieu des questions sociales nées de la Révolution industrielle, les chrétiens ont fait l’expérience que mieux que tout autre les ouvriers savent parler aux ouvriers de l’Évangile dans leur culture, leurs modes de vie. De même les cadres trouvent les mots qui vont toucher d’autres cadres pour témoigner du Christ etc. Ainsi sont nés la JOC, la JEC, la JIC, la JICF, les CMR, l’ACO, le MCC, les EDC, le MCR… Si ces mouvements sont aujourd’hui exsangues, c’est sans doute à cause de leur emprunt idéologique à d’autres pensées (marxiste, socialiste, sociologiques…) qui leur ont fait perdre de vue cette intuition évangélique :
« celui qui sanctifie et ceux qui sont sanctifiés doivent tous avoir même origine ; pour cette raison, Jésus n’a pas honte de les appeler ses frères » (He 2,11)

51EKW7SBRQL._AC_US400_ empowermentAu congrès de Besançon en 1898, l’ACJF avait déjà entendu la revendication d’une évangélisation du semblable par le semblable. Le souci d’atteindre les masses a conduit l’Action Catholique à se spécialiser par milieu social, à partir de cette idée que ce sont les jeunes d’un milieu qui sont capables de toucher l’ensemble des jeunes de ce milieu : « entre eux, par eux, pour eux ». Cette idée, c’est l’abbé Cardjin, puis l’abbé Guérin qui vont véritablement la mettre en œuvre. En 1925 la JOC est fondée en Belgique, en 1926 en France. Pie XI (pontificat 1922-1939) consacrera cette intuition dans son encyclique Quadragesimo anno dans le langage de l’époque :

« Les circonstances nous tracent clairement la voie dans laquelle nous devons nous engager. Comme à d’autres époques de l’histoire de l’Église, nous affrontons un monde retombé en grande partie dans le paganisme. Pour ramener au Christ ces diverses classes d’hommes qui l’ont renié, il faut avant tout recruter et former dans leur sein même des auxiliaires de l’Église qui comprenne leur mentalité et leurs aspirations et qui sachent parler à leur cœur dans un esprit de fraternelle charité. Les premiers apôtres, les apôtres immédiats des ouvriers seront les ouvriers ; les apôtres du monde industriel et commerçant seront des industriels et des commerçants ».

Les effectifs sont importants : en 1937, la JOC compte 30 000 adhérents et réunit 85 000 jeunes au Parc des Princes pour célébrer son dixième anniversaire. Les prêtres ouvriers naissent de la même intuition de proximité : ils sont 10 en 1947, 25 un an plus tard, puis une centaine. L’objectif n’est plus de convertir la masse ouvrière mais de réinventer l’Église en milieu ouvrier ; les maîtres mots sont « naturalisation » des prêtres et « incarnation » de l’Église. C’est à propos de la question communiste que leur aventure va prendre fin, dans le contexte de la guerre froide. En 1954, Rome met fin à l’expérience des prêtres ouvriers. Certains refusent de se soumettre et d’abandonner leur travail. La mission de France poursuit actuellement cette conception de l’évangélisation, en y incluant des laïcs.

Le constat demeure : avoir la même origine (sociale, géographique, culturelle, intellectuelle etc.) que l’autre m’en rend plus naturellement frère. Cette proximité me permet d’acculturer l’Évangile, de le traduire dans sa mentalité, son vocabulaire, sa vision du monde afin qu’il puisse entendre comme à Pentecôte le message dans sa langue maternelle.

 

Mais qui est mon semblable ?

Jésus s’est fait le semblable de tout homme. Mais moi, de qui suis-je naturellement le semblable ? Qui a la même origine que moi, si bien que nous pourrons facilement échanger, nous confier l’un à l’autre, interpréter ensemble l’Évangile dans notre condition commune ?
Le jeune homme riche demandait à Jésus : qui est mon prochain ?
Il nous faut lui demander aujourd’hui : qui est mon semblable ? quelle est mon origine ? qui la partage avec moi ?
Nous pourrons alors, de façon privilégiée et non exclusive, nous tourner vers nos semblables pour fraternellement leur proposer la belle aventure de la foi chrétienne qu’ils écriront avec nous.

Demandez-vous donc – et demandez au Christ – cette semaine : qui est mon semblable ?

 

 

 

Lectures de la messe

Première lecture
« Tous deux ne feront plus qu’un » (Gn 2, 18-24)

Lecture du livre de la Genèse

Le Seigneur Dieu dit : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Je vais lui faire une aide qui lui correspondra. » Avec de la terre, le Seigneur Dieu modela toutes les bêtes des champs et tous les oiseaux du ciel, et il les amena vers l’homme pour voir quels noms il leur donnerait. C’étaient des êtres vivants, et l’homme donna un nom à chacun. L’homme donna donc leurs noms à tous les animaux, aux oiseaux du ciel et à toutes les bêtes des champs. Mais il ne trouva aucune aide qui lui corresponde. Alors le Seigneur Dieu fit tomber sur lui un sommeil mystérieux, et l’homme s’endormit. Le Seigneur Dieu prit une de ses côtes, puis il referma la chair à sa place. Avec la côte qu’il avait prise à l’homme, il façonna une femme et il l’amena vers l’homme. L’homme dit alors : « Cette fois-ci, voilà l’os de mes os et la chair de ma chair ! On l’appellera femme – Ishsha –, elle qui fut tirée de l’homme – Ish. » À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un.

Psaume
(Ps 127 (128), 1-2, 3, 4-6)
R/ Que le Seigneur nous bénisse tous les jours de notre vie ! (cf. Ps 127, 5ac)

Heureux qui craint le Seigneur
et marche selon ses voies !
Tu te nourriras du travail de tes mains :
Heureux es-tu ! À toi, le bonheur !

Ta femme sera dans ta maison
comme une vigne généreuse,
et tes fils, autour de la table,
comme des plants d’olivier.

Voilà comment sera béni l’homme qui craint le Seigneur.
De Sion, que le Seigneur te bénisse !
Tu verras le bonheur de Jérusalem tous les jours de ta vie,
et tu verras les fils de tes fils. Paix sur Israël.

Deuxième lecture
« Celui qui sanctifie et ceux qui sont sanctifiés doivent tous avoir même origine » (He 2, 9-11)

Lecture de la lettre aux Hébreux

Frères, Jésus, qui a été abaissé un peu au-dessous des anges, nous le voyons couronné de gloire et d’honneur à cause de sa Passion et de sa mort. Si donc il a fait l’expérience de la mort, c’est, par grâce de Dieu, au profit de tous. Celui pour qui et par qui tout existe voulait conduire une multitude de fils jusqu’à la gloire ; c’est pourquoi il convenait qu’il mène à sa perfection, par des souffrances, celui qui est à l’origine de leur salut. Car celui qui sanctifie et ceux qui sont sanctifiés doivent tous avoir même origine ; pour cette raison, Jésus n’a pas honte de les appeler ses frères.

Évangile
« Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! » (Mc 10, 2-16) Alléluia. Alléluia.
Si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous ; en nous, son amour atteint la perfection. Alléluia. (1 Jn 4, 12)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, des pharisiens abordèrent Jésus et, pour le mettre à l’épreuve, ils lui demandaient : « Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? » Jésus leur répondit : « Que vous a prescrit Moïse ? » Ils lui dirent : « Moïse a permis de renvoyer sa femme à condition d’établir un acte de répudiation. » Jésus répliqua : « C’est en raison de la dureté de vos cœurs qu’il a formulé pour vous cette règle. Mais, au commencement de la création, Dieu les fit homme et femme. À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux deviendront une seule chair. Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! » De retour à la maison, les disciples l’interrogeaient de nouveau sur cette question. Il leur déclara : « Celui qui renvoie sa femme et en épouse une autre devient adultère envers elle. Si une femme qui a renvoyé son mari en épouse un autre, elle devient adultère. »
Des gens présentaient à Jésus des enfants pour qu’il pose la main sur eux ; mais les disciples les écartèrent vivement. Voyant cela, Jésus se fâcha et leur dit : « Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas, car le royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent. Amen, je vous le dis : celui qui n’accueille pas le royaume de Dieu à la manière d’un enfant n’y entrera pas. » Il les embrassait et les bénissait en leur imposant les mains.
Patrick BRAUD

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