L'homélie du dimanche (prochain)

26 décembre 2021

Épiphanie : l’étoile de Balaam

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Épiphanie : l’étoile de Balaam

Homélie pour la fête de l’Épiphanie / Année C
02/01/2022

Cf. également :

Signes de reconnaissance épiphaniques
L’Épiphanie du visage

Épiphanie : tirer les rois
Épiphanie : êtes-vous fabophile ?
Épiphanie : l’économie du don
Épiphanie : Pourquoi offrir des cadeaux ?
Le potlatch de Noël
Épiphanie : qu’est-ce que l’universel ?
L’Épiphanie, ou l’éloge de la double culture
L’inquiétude et la curiosité d’Hérode
Éloge de la mobilité épiphanique
La sagesse des nations

A Star is BornA star is born

Si vous aimez le genre film musical, notamment le style country-rock, vous avez sans doute adoré l’étonnant opus de Bradley Cooper (2018), où l’on voit Lady Gaga débarrassée de ses excentriques accoutrements habituels pour incarner une voix rauque en pleine ascension.

« A star is born », « Une étoile est née » : le titre du film annonce le parcours extraordinaire de cette humble serveuse de bar propulsée aux Grammy Awards. L’apparition de cette étoile dans le ciel musical est due au sacrifice de son découvreur et ensuite mari, qui s’efface jusqu’à l’extrême afin qu’elle puisse briller au firmament. Une version amoureuse somme toute de l’humilité spirituelle de Jean-Baptiste devant Jésus au désert : « il faut qu’il grandisse et que je diminue ».

 

Le goût du vrai

Épiphanie : l’étoile de Balaam dans Communauté spirituelle 41cksTTjMUL._SY291_BO1,204,203,200_QL40_ML2_L’étoile de Bethléem joue un rôle similaire pour les mages : il faut que leur science humblement s’incline devant l’enfant, pour que le Messie d’Israël brille de mille feux pour toutes les cultures de la terre. En marchant vers l’étoile, les mages pressentent qu’ils vont vers plus grand qu’eux. L’étoile de l’Épiphanie proclame à sa manière que la science est utile pour chercher la vérité, mais qu’elle n’est pas la vérité.

Vieux débat ! On souhaiterait qu’il passionne encore les foules de nos jours. Force est de constater – avec Étienne Klein [1] par exemple – que le goût du vrai s’est affaibli dans notre société. Trump a pu utiliser le concept baroque de « post-vérité ». Les complotistes et antivax inondent les réseaux sociaux de fausses études, de jugements soi-disant scientifiques. Les fake news envahissent la twittosphère. Le deep fake devient un art de communication…

Où est passé le goût du vrai qui passionnait les Lumières du XVIII° siècle ? Qu’est devenue la soif des mages d’aller voir de près ce qui brille au loin ? Pourquoi les théories les plus fumeuses – des soi-disant élites cachées jusqu’aux extraterrestres ! – séduisent davantage aujourd’hui, au détriment d’une approche rationnelle méthodique ?

L’étoile de l’Épiphanie ne disqualifie pas l’astronomie (proche de l’astrologie à l’époque) au bénéfice de la foi : elle articule les deux autour d’une quête sans cesse inachevée.

 

Ni reportage, ni mythe

Y a-t-il vraiment eu une étoile dans le ciel de Bethléem ? Ou bien Matthieu a-t-il tout inventé ?

Dans cette célèbre fresque de l'Adoration des Mages, réalisée par Giotto en 1303, l'étoile de la Nativité est représentée sous forme d'un astre chevelu, autrement dit une comète. Nombre d'historiens estiment qu'il s'agit probablement d'une fidèle reproduction de la brillante comète vue en 1301 dans les cieux d'Europe, comète qui sera plus tard identifiée comme étant la comète périodique de Halley. Les tenants d’une lecture littérale – et fondamentaliste – de la Bible la croient vraie à la lettre. Et si la science la contredit, c’est la science qui est en tort selon eux. Les plus nuancés de ces fondamentalistes versent dans ce qu’on appelle le concordisme : ils essaient à tout prix de faire concorder les données bibliques et scientifiques, quitte à tordre la réalité des unes et des autres pour cela [2]. Ici par exemple, on essaierait comme Giotto de dire que la comète de Halley aurait pu guider les mages, et d’ailleurs Giotto peindra en 1303 (superbement !) la comète au-dessus de l’étable parce qu’il l’avait observée en 1301. Mais les calculs montrent aujourd’hui qu’elle n’est passée qu’en -12 et +66 dans le ciel palestinien… Ou bien encore on imaginera une supernova singulière qui aurait illuminé le ciel. Là encore, les calculs et les observations aujourd’hui démentent ce petit arrangement entre amis. Le problème des concordistes est qu’ils accordent plus de crédit à la science qu’aux textes bibliques en fait, puisqu’ils voudraient en quelque sorte démontrer la foi par la science ! En plus, s’appuyer sur les sciences en l’état actuel est dangereux, car l’histoire nous a appris que les certitudes scientifiques d’aujourd’hui seront remises en cause et chamboulées demain…

À l’inverse, d’autres lecteurs affirment sans précaution que rien de tout cela n’est historiquement arrivé, et que Matthieu a habilement construit un récit mythique en empruntant à diverses traditions, afin de montrer le caractère messianique et universel de la naissance de Jésus. Par exemple, Matthieu aurait pu observer la fameuse comète de Halley en +66 et l’utiliser pour décrire le sens de l’évènement de Bethléem, même si elle n’est pas passée dans le ciel cette année-là…

Le problème de ces lectures est qu’à force de démythologiser, il ne reste plus rien d’historique.
Capture d'écran de l'application SkySafari5, carte du ciel virtuelle permettant comme ici de reconstituer le ciel en l'an 6 avant J.C. Le 18 avril de cette année, le Soleil était dans le Bélier et la nouvelle lune était à proximité (d'ailleurs une éclipse annulaire était visible ce jour-là en Atlantique). Les planètes Jupiter, Saturne et Vénus étaient alignées en dessous, dans le Bélier et les Poissons. Plus haut, Mars et Mercure brillaient dans le Taureau, non loin des Pléiades. © SkySafari5
Or il s’est bien passé quelque chose, que Matthieu a travaillé certes, mais pas totalement inventé. C’est peut-être un alignement astral, produisant une clarté intense, comme une éclipse. Les calculs montrent qu’il s’est produit un rapprochement spectaculaire de Jupiter et de Vénus (les deux astres les plus brillants dans le ciel après le Soleil et la Lune et avant l’étoile Sirius) le 17 juin de l’an 2 avant Jésus-Christ. Cette date est plausible, l’année précise de naissance du Christ étant incertaine ; de plus la présence des bergers dehors avec des agneaux s’expliquerait mieux par une nuit de juin qu’une nuit de décembre. Par ailleurs un autre rapprochement planétaire spectaculaire s’est produit en l’an 7 avant Jésus-Christ. Jupiter s’est déplacé dans la constellation des Poissons et s’est rapproché de Saturne à trois reprises en l’espace de quelques mois. C’est cet événement qui a la faveur des historiens car ils datent le fameux recensement du temps d’Hérode de l’an 6 ou 7 avant notre ère, d’après des tablettes découvertes à Ankara en 1924. Or Jupiter est le roi des dieux chez les Romains, la constellation des Poissons a (plus ou moins !) la forme géographique de la Palestine, et Saturne symbolise la protection divine. La conjonction des trois donne alors l’interprétation symbolique suivante : Dieu (Jupiter) envoie sa protection (Saturne) en Palestine chez les Juifs (Poissons).

Ni reportage caméra au poing (on sait d’ailleurs aujourd’hui qu’il faut se méfier des images soi-disant brutes !), ni mythe purement et simplement inventé à partir de rien, l’étoile de Bethléem est sans doute une composition de Matthieu prenant quelque chose de communément admis dans son temps pour en faire le signe d’autre chose, transformant un phénomène astronomique en signe de la vocation universelle du Messie-Jésus. Un fait n’est jamais pur : il est composé d’interprétations, d’angles de vue, de théories sous-jacentes, conscientes ou non. « Un fait, ça se fait ». Nous pouvons comme Matthieu repérer ce qu’il y a de nouveau dans le ciel, et l’habiller de notre propre lecture symbolique.

 

rois-mages-epiphanie-1024x1024 Balaam dans Communauté spirituelle

Garder la tête dans les étoiles

L’Épiphanie nous invite donc à garder la tête dans les étoiles, doublement : avec Mathieu pour raconter l’action de Dieu à nos contemporains de telle manière que ces récits leur parlent et les touchent ; avec les mages pour cheminer hors de notre zone de confort, en scrutant les signes qui nous indiquent où aller.

L’étoile épiphanique que nous avons à faire briller est peut-être l’apparition de tel ou tel leader au service du bien commun, ou la prise de conscience écologique qui change tout. L’étoile scintillante à suivre comme les mages est peut-être telle réforme religieuse, tel retour à l’Évangile, telle innovation sociale prophétique. Sur le plan personnel, l’étoile sera une rencontre, une lecture, une conférence… La suivre demandera de sortir de son univers habituel et de revenir chez soi par un autre chemin, à l’instar des mages, pour ne pas perdre la trace de la naissance de Dieu en nous…

 

L’astre de Balaam

external-content.duckduckgo concordismePour un juif qui lit Matthieu, la première pensée n’est pas scientifique, mais bien évidemment biblique. Impossible en lisant : « nous avons vu son étoile se lever » de ne pas penser à Balaam et son ânesse célèbre ! Rappelez-vous : le roi Balaq de Moab demande à son devin attitré de maudire les tribus d’Israël qui menacent son territoire [3]. Or bizarrement, à cause de son ânesse, Balaam est obligé de bénir Israël au lieu de le maudire. Plus encore, il annonce qu’un Messie sortira de ce peuple et éclairera toutes les nations : « Balaam prononça encore ces paroles énigmatiques : Oracle de Balaam, fils de Béor, oracle de l’homme au regard pénétrant, oracle de celui qui entend les paroles de Dieu, qui possède la science du Très-Haut. Il voit ce que le Puissant lui fait voir, il tombe en extase, et ses yeux s’ouvrent. Ce héros, je le vois – mais pas pour maintenant – je l’aperçois – mais pas de près : Un astre se lève, issu de Jacob, un sceptre se dresse, issu d’Israël. Il brise les flancs de Moab, il décime tous les fils de Seth » (Nb 24, 15 17).
On comprend pourquoi Matthieu s’est précipité sur ce texte pour interpréter l’événement de Bethléem. L’étoile au-dessus de la mangeoire sera l’accomplissement de la prophétie du devin païen Balaam annonçant la venue d’un roi pour toutes les nations.

Le parallélisme entre les deux textes est frappant [4] :
1) des personnages venus d’orient,
2) un roi inquiet de l’arrivée d’un rival (le Messie pour Hérode, le peuple d’Israël pour Balaq),
3) un roi qui tente de négocier avec des personnages « venus d’Orient » (les mages ou Balaam) afin de pouvoir éradiquer la menace,
4) un signe de Dieu qui vient guider les héros (l’étoile pour les mages, l’ânesse arrêtée par l’ange de Dieu pour Balaam),
5) une prosternation (devant l’enfant à Bethléem, devant l’apparition divine à travers l’ange),
6)  un retour des héros qui devient possible car les plans des rois ont été détournés.
L’étoile de Matthieu accomplit l’oracle de Balaam : l’enfant de Bethléem incarnera le royaume promis.

mosaïque en couleur représentant trois mages avec bonnets phrygiens et porteurs de cadeaux, regardant une étoile qui les guide.Jésus est l’astre véritable devant qui s’éclipse finalement l’astrologie.
Jean dans son Apocalypse reprendra ce symbolisme de l’étoile : « Moi, Jésus, j’ai envoyé mon ange vous apporter ce témoignage au sujet des Églises. Moi, je suis le rejeton, le descendant de David, l’étoile resplendissante du matin » (Ap 22,16).
« Le vainqueur, celui qui reste fidèle jusqu’à la fin à ma façon d’agir, je lui donnerai autorité sur les nations, et il les conduira avec un sceptre de fer, comme des vases de potier que l’on brise. Il sera comme moi qui ai reçu autorité de mon Père, et je lui donnerai l’étoile du matin » (Ap 2, 26 28).
Et Pierre pourra comparer la venue du Christ à la fin des temps à une nouvelle venue de cette étoile du matin : « Ainsi se confirme pour nous la parole prophétique ; vous faites bien de fixer votre attention sur elle, comme sur une lampe brillant dans un lieu obscur jusqu’à ce que paraisse le jour et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs » (2 P 1, 19).

L’étoile du matin est devenue le signe de la renaissance du fils de David, et de ceux qui s’unissent à lui.
Fêtons donc l’Épiphanie, la tête dans les étoiles, les pieds sur le chemin…

 


[1]. Étienne Klein, Le goût du vrai, Collection Tracts n° 17, Gallimard, 2020.
[2]. Cf. la dernière tentative concordiste en date : Dieu : La science – Les preuves – L’aube d’une révolution, Michel-Yves Bolloré & Olivier Bonnassies, Les Éditions Trédaniel, 2021.
[3]. Là encore, il y a bien un soubassement historique à ce récit. En 1967, en Transjordanie, a été découverte une inscription dans laquelle Balaam, fils de Béor, paraît comme « voyant » à qui sont attribuées des annonces de bonheur ou de malheur.
[4]. Cf. André Paul, L’évangile de l’enfance selon saint Matthieu, Cerf, 1984.

 


Lectures de la messe

Première lecture
« La gloire du Seigneur s’est levée sur toi » (Is 60, 1-6)

Lecture du livre du prophète Isaïe

Debout, Jérusalem, resplendis ! Elle est venue, ta lumière, et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi. Voici que les ténèbres couvrent la terre, et la nuée obscure couvre les peuples. Mais sur toi se lève le Seigneur, sur toi sa gloire apparaît. Les nations marcheront vers ta lumière, et les rois, vers la clarté de ton aurore. Lève les yeux alentour, et regarde : tous, ils se rassemblent, ils viennent vers toi ; tes fils reviennent de loin, et tes filles sont portées sur la hanche. Alors tu verras, tu seras radieuse, ton cœur frémira et se dilatera. Les trésors d’au-delà des mers afflueront vers toi, vers toi viendront les richesses des nations. En grand nombre, des chameaux t’envahiront, de jeunes chameaux de Madiane et d’Épha. Tous les gens de Saba viendront, apportant l’or et l’encens ; ils annonceront les exploits du Seigneur.

Psaume
(Ps 71 (72), 1-2, 7-8, 10-11, 12-13)
R/ Toutes les nations, Seigneur, se prosterneront devant toi.
 (cf. Ps 71,11)

Dieu, donne au roi tes pouvoirs,
à ce fils de roi ta justice.
Qu’il gouverne ton peuple avec justice,
qu’il fasse droit aux malheureux !

En ces jours-là, fleurira la justice,
grande paix jusqu’à la fin des lunes !
Qu’il domine de la mer à la mer,
et du Fleuve jusqu’au bout de la terre !

Les rois de Tarsis et des Îles apporteront des présents.
Les rois de Saba et de Seba feront leur offrande.
Tous les rois se prosterneront devant lui,
tous les pays le serviront.

Il délivrera le pauvre qui appelle
et le malheureux sans recours.
Il aura souci du faible et du pauvre,
du pauvre dont il sauve la vie.

Deuxième lecture
« Il est maintenant révélé que les nations sont associées au même héritage, au partage de la même promesse » (Ep 3, 2-3a.5-6)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens

Frères, vous avez appris, je pense, en quoi consiste la grâce que Dieu m’a donnée pour vous : par révélation, il m’a fait connaître le mystère. Ce mystère n’avait pas été porté à la connaissance des hommes des générations passées, comme il a été révélé maintenant à ses saints Apôtres et aux prophètes, dans l’Esprit. Ce mystère, c’est que toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile.

Évangile
Nous sommes venus d’Orient adorer le roi (Mt 2, 1-12) Alléluia. Alléluia.

Nous avons vu son étoile à l’orient, et nous sommes venus adorer le Seigneur. Alléluia. (cf. Mt 2, 2)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. Or, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui. » En apprenant cela, le roi Hérode fut bouleversé, et tout Jérusalem avec lui. Il réunit tous les grands prêtres et les scribes du peuple, pour leur demander où devait naître le Christ. Ils lui répondirent : « À Bethléem en Judée, car voici ce qui est écrit par le prophète : Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas le dernier parmi les chefs-lieux de Juda, car de toi sortira un chef, qui sera le berger de mon peuple Israël. » Alors Hérode convoqua les mages en secret pour leur faire préciser à quelle date l’étoile était apparue ; puis il les envoya à Bethléem, en leur disant : « Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant. Et quand vous l’aurez trouvé, venez me l’annoncer pour que j’aille, moi aussi, me prosterner devant lui. » Après avoir entendu le roi, ils partirent.
Et voici que l’étoile qu’ils avaient vue à l’orient les précédait, jusqu’à ce qu’elle vienne s’arrêter au-dessus de l’endroit où se trouvait l’enfant. Quand ils virent l’étoile, ils se réjouirent d’une très grande joie. Ils entrèrent dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Mais, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.
Patrick BRAUD

Mots-clés : , , , , ,

31 décembre 2014

Épiphanie : étoile, GPS, boussole…

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 1 h 05 min

Épiphanie : étoile, GPS, boussole…

 

Homélie de l’Épiphanie / Année B
04/01/2015

cf. également :

Épiphanie : qu’est-ce que l’universel ?

L’Épiphanie, ou l’éloge de la double culture

L’inquiétude et la curiosité d’Hérode

Éloge de la mobilité épiphanique

La sagesse des nations

 

En ces fêtes de fin d’années, beaucoup d’entre nous ont fait de la route. Pour nous guider tout au long des kilomètres, il y a maintenant ce petit boîtier étonnant qui vous parle et vous conduit : le GPS. Vous l’allumez, vous rentrez votre adresse de destination, et tout d’un coup une voix étrange venue d’ailleurs vous prend en main, sans jamais se fâcher : « traversez le rond-point à gauche, 2ème sortie ». En plus, ce gentil boîtier vous avertit à l’avance quand une zone de danger vous guette sur le parcours…

Peut-être ce GPS peut-il nous faire redécouvrir ce qu’était l’étoile pour les mages de cette fête de l’Épiphanie ?

Les mages étaient des savants, confiants dans leur science astronomique. Le GPS comme l’étoile traduisent notre confiance dans la science et la technique de notre époque. Tous deux peuvent nous guider et nous faire arriver à bon port. Ne dit-on pas : « se fier à son étoile » en référence aux mages ?

L’étoile des mages en plus les guidait sans afficher la destination précise.

Mais le GPS comme l’étoile sont fragiles et faillibles. Dans l’évangile, l’étoile se cache, disparaît un moment, invisible. Sur la route, à cause d’un tunnel ou d’une mauvaise réception ou d’une carte obsolète, il n’est pas rare que le GPS s’affole, devienne muet ou aveugle. C’est sans doute pour stigmatiser une trop grande confiance, une confiance excessive en la seule technique ou en nos seules forces.

Cela nous arrive tous d’être ainsi en panne à certains moments de nos vies. Benoît XVI évoquait cela avec les jeunes des JMJ à Cologne, la ville des mages, en 2005 :

« C’est comme lorsqu’on se trouve à une croisée de chemins : quelle route prendre ? Celle qui m’est dictée par les passions ou celle qui m’est indiquée par l’étoile qui brille dans ma conscience ? (et non plus dehors dans le ciel devenu noir). Où puis-je trouver les critères pour ma vie ? Les critères pour collaborer de manière responsable à l’édification du présent et de l’avenir du monde ? À qui puis-je faire confiance, à qui me confier ? Où est celui qui peut m’offrir la réponse satisfaisante aux attentes de mon cœur ? »

Épiphanie : étoile, GPS, boussole… dans Communauté spirituelle 48405323


Dans ces moments-là où notre étoile ne brille plus, où le GPS est figé, il nous faut humblement demander notre chemin, comme les mages à Jérusalem, et ne plus compter sur nos seules forces. Même à Hérode qu’ils savent corrompu, ils demandent leur chemin, et Hérode leur indique bien le bon chemin. Comment désespérer alors de l’Église, même pleine de contradictions, pour nous indiquer notre route ?

Quel est le relais pour ne pas se perdre ? Où trouver les repères pour avancer quand mes critères habituels se sont évanouis ? L’évangile de Luc est très clair : dans l’Écriture. « Car voici ce qui est écrit par les prophètes » répond Israël à la demande des mages : « Et toi Bethléem en Judée… ». C’est donc en lisant l’Écriture, en la déchiffrant, en la ruminant, en la priant en Église, que chacun de nous pourra, aux heures décisives, trouver la direction du Bethléem vers lequel il marche.

 

Voilà qui nous ramène à la Bible, véritable étoile de notre pèlerinage d’ici bas.

boussole-compass-flottant-magnetique-navigation Benoît XVI dans Communauté spirituelle« Celui qui ignore les Écritures ignore le Christ » dira St Jérôme. Sans être un livre de recettes, et encore moins de recettes magiques, la Bible peut en toute circonstance devenir pour vous une boussole retrouvée, une lucidité dans la nuit, une grande joie sur le chemin.

Mieux qu’un GPS ou une étoile filante, la Bible vous indiquera la direction où Dieu vous attend, si vous demandez votre chemin à l’Église avec humilité, comme les mages à Jérusalem…

Se fier à son seul GPS humain ne suffit donc pas.

Appliquez cela par exemple à deux défis majeurs qui nous attendent.

- La traversée de la crise économique.

Si les banquiers, les industriels, les politiques ne se fient qu’aux recettes habituelles, s’ils ne vont pas puiser en eux d’autres repères pour bâtir un monde nouveau, alors la crise risque  d’être à nouveau terrible. Waclav Havel, figure de la révolution tchèque anticommuniste, disait déjà il y a 15 ans à une assemblée de responsables financiers de la planète :

« Vous vous préoccupez des restructurations économiques du monde, et c’est bien. Mais ce qui est à repenser, c’est aussi notre système de valeurs. Et cela n’est possible que sur la base d’un puissant renouveau spirituel ».

C’était prophétique !

- La révision des lois françaises sur la fin de vie.

Si les chercheurs, les scientifiques, les politiques, les associations familiales ne se fient qu’à l’efficacité technique et aux désirs subjectifs, alors la dignité de l’être humain – de sa conception à sa mort – risque d’être mise à mal…

 

Se fier à son seul GPS humain ne suffit pas…

C’est d’ailleurs un Dieu humble qui attend les mages à Bethléem. Ne dit-on pas : « être né sous une bonne étoile » en référence à l’enfant de Bethléem ? Cette humilité de Dieu est toujours offerte dans l’Église, non plus comme aux mages à Bethléem dans l’étable, mais à nous aujourd’hui en chaque eucharistie sur nos autels. Écoutez à nouveau Benoît XVI commenter à Cologne, la ville des mages :

48737416 boussole« Sur l’autel est présent Celui que les Mages virent couché sur la paille : le Christ, le Pain vivant descendu du ciel pour donner la vie au monde, l’Agneau véritable qui donne sa vie pour le salut de l’humanité. Éclairés par cette Parole, c’est toujours à Bethléem – la « Maison du pain » – que nous pourrons faire la rencontre bouleversante avec la grandeur inconcevable d’un Dieu qui s’est abaissé jusqu’à se donner à voir dans une mangeoire, jusqu’à se donner en nourriture sur l’autel.

Pouvons-nous imaginer la stupeur des Mages devant l’Enfant emmailloté! Seule la foi leur permit de reconnaître sous les traits de cet enfant le Roi qu’ils cherchaient, le Dieu vers lequel l’étoile les avait guidés. En lui, comblant le fossé entre le fini et l’infini, entre le visible et l’invisible, l’Éternel est entré dans le temps, le Mystère s’est fait reconnaître, se donnant à nous dans les membres fragiles d’un petit enfant.

« Aujourd’hui, les Mages considèrent avec une profonde stupeur ce qu’ils voient ici le ciel sur la terre, la terre dans le ciel; l’homme en Dieu, Dieu dans l’homme; et celui que le monde entier ne peut contenir, enfermé dans le corps d’un tout-petit » (saint Pierre Chrysologue, Homélie pour l’Épiphanie, 160, n. 2).

Tournons-nous avec la même stupeur vers le Christ présent dans le Tabernacle de la miséricorde, dans le Sacrement de l’Autel. »

 

L’étoile intérieure de notre conscience, la boussole de l’Écriture, l’adoration du Dieu humble : que le chemin des mages devienne le nôtre…

 

 

 

1ère lecture : « La gloire du Seigneur s’est levée sur toi » (Is 60, 1-6)
Lecture du livre du prophète Isaïe

Debout, Jérusalem, resplendis !

Elle est venue, ta lumière, et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi. Voici que les ténèbres couvrent la terre, et la nuée obscure couvre les peuples. Mais sur toi se lève le Seigneur, sur toi sa gloire apparaît. Les nations marcheront vers ta lumière, et les rois, vers la clarté de ton aurore. Lève les yeux alentour, et regarde : tous, ils se rassemblent, ils viennent vers toi ; tes fils reviennent de loin, et tes filles sont portées sur la hanche. Alors tu verras, tu seras radieuse, ton cœur frémira et se dilatera. Les trésors d’au-delà des mers afflueront vers toi, vers toi viendront les richesses des nations. En grand nombre, des chameaux t’envahiront, de jeunes chameaux de Madiane et d’Épha. Tous les gens de Saba viendront, apportant l’or et l’encens ; ils annonceront les exploits du Seigneur.

Psaume : 71 (72), 1-2, 7-8, 10-11, 12-13

R/ Toutes les nations, Seigneur, se prosterneront devant toi. cf. 71,11

Dieu, donne au roi tes pouvoirs, à ce fils de roi ta justice.
Qu’il gouverne ton peuple avec justice, qu’il fasse droit aux malheureux !
En ces jours-là, fleurira la justice, grande paix jusqu’à la fin des lunes !
Qu’il domine de la mer à la mer, et du Fleuve jusqu’au bout de la terre !

Les rois de Tarsis et des Îles apporteront des présents.
Les rois de Saba et de Seba feront leur offrande.
Tous les rois se prosterneront devant lui,  tous les pays le serviront.
Il délivrera le pauvre qui appelle et le malheureux sans recours.
Il aura souci du faible et du pauvre, du pauvre dont il sauve la vie.

2ème lecture : « Il est maintenant révélé que les nations sont associées au même héritage, au partage de la même promesse » (Ep 3, 2-3a.5-6)   

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens  

Frères, vous avez appris, je pense,  en quoi consiste la grâce que Dieu m’a donnée pour vous :  par révélation, il m’a fait connaître le mystère.  Ce mystère n’avait pas été porté à la connaissance  des hommes des générations passées,  comme il a été révélé maintenant  à ses saints Apôtres et aux prophètes,  dans l’Esprit.  Ce mystère,  c’est que toutes les nations sont associées au même héritage,  au même corps,  au partage de la même promesse,  dans le Christ Jésus,  par l’annonce de l’Évangile.

Evangile : Nous sommes venus d’Orient adorer le roi (Mt 2, 1-12)   

Acclamation : Alléluia. Alléluia.  Nous avons vu son étoile à l’orient, et nous sommes venus adorer le Seigneur. Alléluia.  (cf. Mt 2, 2) 

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu  

Jésus était né à Bethléem en Judée,  au temps du roi Hérode le Grand.  Or, voici que des mages venus d’Orient  arrivèrent à Jérusalem  et demandèrent :  « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ?  Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui. »  En apprenant cela, le roi Hérode fut bouleversé,  et tout Jérusalem avec lui.  Il réunit tous les grands prêtres et les scribes du peuple,  pour leur demander où devait naître le Christ.  Ils lui répondirent :  « À Bethléem en Judée,  car voici ce qui est écrit par le prophète :  Et toi, Bethléem, terre de Juda,  tu n’es certes pas le dernier  parmi les chefs-lieux de Juda, car de toi sortira un chef,  qui sera le berger de mon peuple Israël. »  Alors Hérode convoqua les mages en secret  pour leur faire préciser à quelle date l’étoile était apparue ;  puis il les envoya à Bethléem, en leur disant :  « Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant.  Et quand vous l’aurez trouvé, venez me l’annoncer  pour que j’aille, moi aussi, me prosterner devant lui. »  Après avoir entendu le roi, ils partirent.  Et voici que l’étoile qu’ils avaient vue à l’orient les précédait,  jusqu’à ce qu’elle vienne s’arrêter au-dessus de l’endroit  où se trouvait l’enfant.  Quand ils virent l’étoile,  ils se réjouirent d’une très grande joie.  Ils entrèrent dans la maison,  ils virent l’enfant avec Marie sa mère ;  et, tombant à ses pieds,  ils se prosternèrent devant lui.  Ils ouvrirent leurs coffrets,  et lui offrirent leurs présents :  de l’or, de l’encens et de la myrrhe.   Mais, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode,  ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.
Patrick BRAUD

Mots-clés : , , , , ,

14 août 2013

L’Assomption de Marie, étoile de la mer

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

L’Assomption de Marie, étoile de la mer

Homélie pour la fête de l’Assomption / Année C
15 Août 2013

L'Assomption de Marie, étoile de la mer dans Communauté spirituelle voilier

 

« Le vent se lève. Hâte-toi. La voile bat au long du mât. L’honneur est dans les toiles ; et l’impatience sur les eaux comme fièvre du sang. La brise mène au bleu du large ses couleuvres d’eau verte. Et le pilote lit sa route entre les grandes taches de nuit mauve, couleur de cerne et d’ecchymose. » 1

Fermez les yeux…

Vous naviguez de nuit, à la fraîche.

Vous avez hissé la voile aussitôt sortis du port de la Trinité sur Mer, et vous voilà à chercher l’accès vers Belle-Île à travers le passage du Béniguet. Le vent est établi : 3 à 4 Beaufort, de quoi entendre le chuintement régulier de l’étrave dans la vague, belle et franche respiration du bateau taillant sa route vers Houat et Hoedic. La nuit, le plancton phosphorescent donne à l’océan un air illuminé où toutes les rencontres deviennent possibles. Bien sûr vous avez le compas à l’oeil, l’enchaînement des bouées est bien visible sur la table à cartes ; et le GPS – espion fidèle – surveille votre route.

Imaginez un moment que tous ces repères n’existent plus, que l’électronique tombe en panne, qu’il n’y ait plus de bouées, plus de cartes marines, plus de satellites : comment ne pas aller se fracasser sur la multitude de cailloux et de rochers qui parsèment ces étroits passages entre les îles bretonnes ?

Vous retrouvez alors les vieux réflexes des navigateurs d’antan : lever les yeux, regarder le ciel étoilé, repérer les astres remarquables, calculer son cap d’après les alignements, ressortir l’antique sextant qui autrefois guidait les navigateurs au-delà de leurs mondes connus…

En ce 15 août, Marie est « montée » au ciel, telle une étoile non pas filante mais au contraire stable et rassurante. Le peuple chrétien la chante depuis des siècles sous le titre d’étoile de la mer.

ave-maris-stella Assomption dans Communauté spirituelleAve, maris stella,

Dei mater alma,

Atque semper virgo,

Felix caeli porta.

Sumens illud « Ave »

Gabrielis ore,

Funda nos in pace,

Mutans Evae nomen.

 

Solve vincla reis,

Profer lumen caecis,

Malanostra pelle,

Bona concta posce.

Monstra te esse matrem,

Sumat per te preces

Qui pronobli natus

Tulit esse tuus

 

Virgo singularis,

Inter mones mitis,

Nos culpis solutos

Mites fac et castos.

Vitam praesta puram,

Iter para tutum,

Ut videntes Jesu

Semper collaetémur

 

Sit laus Deo Patri,

Summo Christus decus,

Spirituti Sancto

Tribus, honor unus.

Amen

Traduction

Salut, étoile de la mer,

Sainte Mère de Dieu

Et vierge à jamais consacrée,

Bienheureuse porte du ciel.

 

Recevant cet Ave

Par la bouche de Gabriel

Fixe-nous dans la paix,

Retournement du nom d’Eva (Ève).

 

Des pécheurs brise les liens

Aux aveugles accorde la lumière,

Délivre-nous de nos misères,

Obtiens pour nous les vrais biens !

 

Montre toujours que tu es Mère,

Qu’il reçoive de toi nos prières

Celui qui est né pour nous,

En acceptant d’être ton fils.

 

O Vierge sans pareille

Vierge douce entre toutes,

Obtiens le pardon de nos fautes

Rends nos c?urs humbles et purs.

 

Rends sainte notre vie

Rends sûre notre route,

Afin que, contemplant Jésus,

Nous partagions sans fin ta joie.

 

Louange à Dieu le Père,

Gloire au Christ souverain

Ainsi qu’au Saint-Esprit ;

Aux Trois un seul honneur sans fin.

Ave Maris Stella est un vieil hymne toujours chanté à l’office, saluant la Vierge sous les traits d’un astre de nuit guidant les marins au milieu des dangers de l’océan. Le texte de l’hymne joue avec les mots. Ave est l’inverse de Eva : le salut (ave) signifie que la nouvelle Ève, accomplissant en sens inverse le chemin de la création déchue, réalise la vocation ultime de l’humanité : partager l’intimité de Dieu. L’assonance Maris / Maria suggère la même immensité en Marie quand l’océan.

Patrick Braud 

« De millénaires ouverte, la Mer totale m’environne.
L’abîme infâme m’est délice, et l’immersion, divine.
Et l’étoile apatride chemine dans les hauteurs du Siècle vert.
Et ma prérogative sur les mers est de rêver pour vous ce rêve du réel…
Ils m’ont appelé l’Obscur et j’habitais l’éclat.

(…)

Étroits sont les vaisseaux, étroite notre couche. Et par toi, coeur aimant, toute l’étroitesse d’aimer, et par toi, coeur inquiet, tout l’au-delà d’aimer. Entends siffler plus haut que mer la horde d’ailes migratrices. Et toi force nouvelle, passion plus haute que d’aimer, quelle autre mer nous ouvres-tu où les vaisseaux n’ont point d’usage ? (Ainsi j’ai vu un jour, entre les îles, l’ardente migration d’abeilles, et qui croisait la route du navire, attacher un instant à la haute mature l’essaim farouche d’une âme très nombreuse, en quête de son lieu…)

(?)

Une même vague par le monde, une même vague parmi nous, haussant, roulant l’hydre amoureuse de sa force… Et du talon divin, cette pulsation très forte, et qui tout gagne… Amour et mer de même lit, amour et mer au même lit… »  2

Pourquoi appeler Étoile de la mer Marie en son Assomption ?

tumblr_m3il06VWOm1r0kx5qo1_500 étoileDepuis l’Ascension du Christ, il n’est plus là physiquement devant nos yeux. Lui, la lumière des nations (Lumen Gentium, cf. Vatican II), le soleil de grâce, nous a été enlevé, et nous avançons comme à tâtons, environnés de nuit. Pourtant, cette obscurité n’est plus comme celle d’avant, puisqu’elle nous mène au soleil levant de la résurrection. Et déjà, les astres brillent au firmament de ce long convoyage vers l’aube nouvelle. La communion des saints ressemble à ces écheveaux de constellations imbriquées les unes dans les autres, de toutes tailles, scintillantes de mille manières. Parmi elles, une étoile demeure, fixe dans son alignement terre-soleil, fournissant ainsi un repère précieux pour les marins sans carte ni boussole dans leur exploration de profondeurs océanes inconnues.

Marie est pour nous ce repère accroché tout en haut de la carte pour élever le regard et projeter sur notre route une clarté indirecte, reçue du Christ, suffisamment atténuée pour ne pas être aveuglé, suffisamment brillante pour discerner les dangers de la navigation.

I-Miniature-638-sauves-dans-l-esperance-spe-salvi.net Marie« Par une hymne du VIIe-IXe siècle, donc depuis plus de mille ans, l’Église salue Marie, Mère de Dieu, comme « étoile de la mer »: Ave maris stella. La vie humaine est un chemin. Vers quelle fin ? Comment en trouvons-nous la route ? La vie est comme un voyage sur la mer de l’histoire, souvent obscur et dans l’orage, un voyage dans lequel nous scrutons les astres qui nous indiquent la route.

Les vraies étoiles de notre vie sont les personnes qui ont su vivre dans la droiture. Elles sont des lumières d’espérance.

Certes, Jésus Christ est la lumière par antonomase, le soleil qui se lève sur toutes les ténèbres de l’histoire. Mais pour arriver jusqu’à Lui nous avons besoin aussi de lumières proches – de personnes qui donnent une lumière en la tirant de sa lumière et qui offrent ainsi une orientation pour notre traversée.

Et quelle personne pourrait plus que Marie être pour nous l’étoile de l’espérance? « 

Benoît XVI, encyclique Spe Salvi, § 49

 

En ce 15 août, prions Marie, Étoile de la mer : qu’elle soit pour nous un repère plus sûr que le GPS l’est aux navigateurs…

 

Marie, étoile de la mer (St Bernard ? 1153)

L’image de l’astre

« Et le nom de la vierge était Marie » (Lc 1,27).

Disons quelque chose aussi sur ce nom, qui est interprété : « étoile » de la mer et qui convient à merveille à la mère restée vierge.

Oui, on la compare à un astre, et rien de plus juste : comme l’astre, sans être altéré, émet son rayon, ainsi, sans lésion intime, la Vierge met au monde son Fils. Le rayon n’amoindrit pas la clarté de l’astre, pas plus que le fils ne diminue l’intégrité de la vierge.

Oui, elle est cette noble étoile issue de Jacob dont les rayons illuminent l’univers entier, dont la splendeur étincelle sur la cime et pénètre jusqu’aux ombres profondes, dont la chaleur répandue sur la terre réchauffe les âmes plus que les corps, mûrit les vertus et consume les vices.

Elle est cette brillante et merveilleuse étoile qui se lève, glorieuse et nécessaire au-dessus de cet océan immense, dans la splendeur de ses mérites et de ses  exemples.

Dans la tempête, regarde l’étoile, invoque Marie !

O toi, qui que tu sois, qui dans cette marée du monde, te sens emporté à la dérive parmi orages et tempêtes, plutôt que sur la terre ferme, ne quitte pas les feux de cet astre, si tu ne veux pas sombrer dans la bourrasque.

Quand se déchaînent les rafales des tentations, quand tu vas droit sur les récifs de l’adversité, regarde l’étoile, appelle Marie !

Si  l’orgueil, l’ambition, la jalousie te roulent dans leurs vagues, regarde l’étoile, crie vers Marie !

Si la colère ou l’avarice, si les sortilèges de la chair secouent la barque de ton âme, regarde vers Marie !

Quand, tourmenté par l’énormité de tes fautes, honteux des souillures de ta conscience, terrorisé par la menace du jugement, tu te laisses happer par le gouffre de la tristesse, par l’abîme du désespoir, pense à Marie.

Dans les dangers, dans les angoisses, dans les situations critiques, pense à Marie, crie vers Marie !

Que son nom ne quitte pas tes lèvres, qu’il ne quitte pas ton c?ur, et pour obtenir la faveur de ses prières, ne cesse d’imiter sa vie.

Fais ta propre expérience de Marie !

Si tu la suis, point ne t’égares.

Si tu la pries, point ne désespère.

Si tu la gardes en pensée, point de faux pas.

Qu’elle te tienne, plus de chute.

Qu’elle te protège, plus de crainte.

Sous sa conduite, plus de fatigue.

Grâce à sa faveur, tu touches au port.

Et voilà comment ta propre expérience te montre combien se justifie la parole : Le nom de la Vierge était Marie (Lc 1, 27).

_______________________________________________________________________

1. Saint-John Perse, Amers, 1957.

2. Ibid.

Messe du jour

1ère lecture : La Femme de l’Apocalypse, image de l’Église comme Marie (Ap 11, 19a ; 12, 1-6a.10ab)

Lecture de l’Apocalypse de saint Jean

Le Temple qui est dans le ciel s’ouvrit, et l’arche de l’Alliance du Seigneur apparut dans son Temple. 

Un signe grandiose apparut dans le ciel : une Femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles.
Elle était enceinte et elle criait, torturée par les douleurs de l’enfantement.
Un autre signe apparut dans le ciel : un énorme dragon, rouge feu, avec sept têtes et dix cornes,et sur chaque tête un diadème.
Sa queue balayait le tiers des étoiles du ciel, et les précipita sur la terre. Le Dragon se tenait devant la femme qui allait enfanter, afin de dévorer l’enfant dès sa naissance.
Or, la Femme mit au monde un fils, un enfant mâle, celui qui sera le berger de toutes les nations, les menant avec un sceptre de fer. L’enfant fut enlevé auprès de Dieu et de son Trône, et la Femme s’enfuit au désert, où Dieu lui a préparé une place. 

Alors j’entendis dans le ciel une voix puissante, qui proclamait : « Voici maintenant le salut, la puissance et la royauté de notre Dieu, et le pouvoir de son Christ ! »

Psaume : 44, 11-12a, 12b-13, 14-15a, 15b-16

R/ Heureuse es-tu, Vierge Marie, dans la gloire de ton Fils.

Écoute, ma fille, regarde et tends l’oreille ;
oublie ton peuple et la maison de ton père :
le roi sera séduit par ta beauté. 

Il est ton Seigneur : prosterne-toi devant lui. 
Alors, les plus riches du peuple, 
chargés de présents, quêteront ton sourire. 

Fille de roi, elle est là, dans sa gloire, 
vêtue d’étoffes d’or ; 
on la conduit, toute parée, vers le roi. 

Des jeunes filles, ses compagnes, lui font cortège ; 
on les conduit parmi les chants de fête : 
elles entrent au palais du roi.

2ème lecture : Le Christ nous entraîne tous dans la vie éternelle ( 1 Co 15, 20-27a)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères, le Christ est ressuscité d’entre les morts, pour être parmi les morts le premier ressuscité. Car, la mort étant venue par un homme, c’est par un homme aussi que vient la résurrection. En effet, c’est en Adam que meurent tous les hommes ; c’est dans le Christ que tous revivront, mais chacun à son rang : en premier, le Christ ; et ensuite, ceux qui seront au Christ lorsqu’il reviendra. Alors, tout sera achevé, quand le Christ remettra son pouvoir royal à Dieu le Père, après avoir détruit toutes les puissances du mal. C’est lui en effet qui doit régner jusqu’au jour où il aura mis sous ses pieds tous ses ennemis. Et le dernier ennemi qu’il détruira, c’est la mort, car il a tout mis sous ses pieds.

Evangile : « Heureuse celle qui a cru ! » (Lc 1, 39-56)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Aujourd’hui s’est ouverte la porte du paradis : Marie est entrée dans la gloire de Dieu ; exultez dans le ciel, tous les anges ! Alléluia.

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ces jours-là, Marie se mit en route rapidement vers une ville de la montagne de Judée.
Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth. Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. Alors, Élisabeth fut remplie de l’Esprit Saint,
et s’écria d’une voix forte :
« Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni.
Comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ?
Car, lorsque j’ai entendu tes paroles de salutation, l’enfant a tressailli d’allégresse au-dedans de moi.
Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. »
Marie dit alors :
« Mon âme exalte le Seigneur,
mon esprit exulte en Dieu mon Sauveur.
Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse.
Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom !
Son amour s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent.
Déployant la force de son bras, il disperse les superbes.
Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles.
Il comble de bien les affamés, renvoie les riches les mains vides.
Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour,
de la promesse faite à nos pères, en faveur d’Abraham et de sa race à jamais. »
Marie demeura avec Élisabeth environ trois mois, puis elle s’en retourna chez elle.
Patrick Braud

Mots-clés : , , , ,