L'homélie du dimanche (prochain)

29 décembre 2019

L’épiphanie du visage

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

L’épiphanie du visage

Homélie pour la fête de l’Épiphanie / Année A
05/01/2020

Cf. également :

Épiphanie : tirer les rois
Épiphanie : êtes-vous fabophile ?
Rousseur et cécité : la divine embauche !
Épiphanie : l’économie du don

Épiphanie : Pourquoi offrir des cadeaux ?
Le potlatch de Noël
Épiphanie : qu’est-ce que l’universel ?
L’Épiphanie, ou l’éloge de la double culture
L’inquiétude et la curiosité d’Hérode
Éloge de la mobilité épiphanique
La sagesse des nations

En Chine, le visage sert à tout. Reconnu par une caméra intelligente, il vous permet de payer au supermarché sans sortir votre carte bleue ni même faire la queue. Il vous donne  accès au métro, à l’entrée de votre immeuble, et à l’argent de votre compte en banque… Grâce à la reconnaissance faciale, le visage devient une signature unique, infalsifiable, qui simplifie les démarches de la vie courante.

Le revers de la médaille de cette prouesse technologique est l’avènement d’une société de contrôle, où la surveillance généralisée des visages permet de sanctionner, d’observer, de punir, de noter les citoyens. Chacun dispose ainsi d’une sorte de « permis à points » social en fonction de ses amendes, condamnations, incivilités ou au contraire des actes approuvés par le régime. Malheur à ceux dont le nombre baisse trop ! Les caméras les dénicheront où qu’ils soient et les écarteront du train, du métro, du spectacle auquel ils n’ont plus droit. On estime à près de 400 millions le nombre de caméras intelligentes dans le pays (une pour 3,5 habitants). Il passera probablement à 600 millions en 2025.

On pense bien sûr à George Orwell : son roman « 1984 » anticipait ce type de société de contrôle où la surveillance panoptique (= ayant vue sur tout) supprime l’anonymat et la vie privée. Et cela fait froid dans le dos…

Ces calculs sur les visages pour les traduire en une série de 0 ou 1 reconnaissable par l’intelligence artificielle font aussi penser à d’autres calculs étranges sur le visage humain, ceux des soi-disant docteurs nazis prétendant caractériser la race juive par son visage caricaturé à l’extrême. De grandes expositions à Paris et ailleurs consacraient cette approche anthropométrique du visage dans les années de l’occupation allemande. Sous couvert de scientificité, la mainmise sur le visage humain servait l’idéologie nazie : dénier aux juifs leur humanité et en faire des sous-hommes (Untermenschen). Cela fait froid dans le dos…

Après-guerre, bizarrement, cette manipulation des visages connut d’autres heures de gloire avec la pseudo-science de la morphopsychologie, inventée par un psychiatre français Louis Corman (1901–1995), heureusement largement inconnu. Il voulait classer scientifiquement les visages et en déduire les caractéristiques des personnalités de chacun d’après les traits de son faciès. Ce qui n’est pas sans rappeler d’ailleurs une autre pseudo-science, chinoise à nouveau, qui régnait autrefois à la cour de Pékin. Le Mian Xiang était l’art impérial de la lecture du visage, populaire en Chine depuis l’Antiquité. Cette technique d’inspiration taoïste, vieille de plusieurs millénaires, permettrait de décrypter le caractère d’une personne mais aussi de ‘prédire’ ses actes à partir d’une analyse minutieuse des traits de son visage (la distance entre ses yeux, leur courbure, la forme du nez, des oreilles et des rides…). Elle était employée dans la Chine traditionnelle pour sélectionner les candidats aux postes de fonctionnaire, mais aussi – déjà! pour repérer les personnes malveillantes dans une foule dinvités.

À l’opposé de ces pensées calculantes et techniciennes, le philosophe juif Emmanuel Levinas a réfléchi sur ce qu’il appelle l’épiphanie du visage. Lorsque nos regards se croisent, le visage de l’autre est un appel à la responsabilité éthique envers lui, pour en prendre soin et le servir. Il y a dans le visage d’autrui la manifestation d’une transcendance, de quelque chose qui nous échappe et nous commande à la fois, qui n’est pas mesurable, qui n’est pas objet de manipulation ni de calcul. L’exposition du visage à autrui – peau nue offerte à la rencontre – est bouleversante pour qui prend le temps d’y déceler l’infini qui s’y manifeste. C’est bien une épiphanie (au sens grec du terme) c’est-à-dire une manifestation (paraître au-dessus) de l’infini (la personne humaine) dans le fini (son visage). Emmanuel Lévinas appelle épiphanie l’expression du visage en tant qu’elle résiste à la prise et se refuse à la possession. Le visage s’impose par-delà les formes qui le délimitent. Il me parle et m’invite à une relation sans aucune mesure avec tout pouvoir. Cette dimension infinie, transcendante, purement éthique, est expression et discours. Sans recourir à la force, elle résiste infiniment à toute appropriation ou négation, y compris au meurtre : c’est une résistance désarmée et désarmante.

« Le visage est sens à lui seul. Toi, c’est toi. En ce sens, on peut dire que le visage n’est pas « vu ». Il est ce qui ne peut devenir un contenu, que votre pensée embrasserait ; il est l’incontenable, il vous mène au-delà.
Le  visage  se  refuse  à  la  possession,  à  mes  pouvoirs.  Dans  son épiphanie, dans l’expression, le sensible, encore saisissable se mue en  résistance  totale  à  la  prise.  (…)  L’expression  que  le  visage introduit dans le monde ne défie pas la faiblesse de mes pouvoirs, mais mon pouvoir de pouvoir.
L’infini paralyse le pouvoir par sa résistance infinie au meurtre, qui, dure et insurmontable, luit dans le visage d’autrui, dans la nudité totale de ses yeux, sans défense, dans la nudité de l’ouverture absolue du Transcendant. Il y a là une relation non pas avec une résistance très grande, mais avec quelque chose d’absolument Autre : la résistance de ce qui n’a pas de résistance – la résistance éthique.
L’épiphanie du Visage suscite cette possibilité de mesurer l’infini de la tentation du meurtre, non pas seulement comme une tentation de destruction totale, mais comme impossibilité – purement éthique – de cette tentation et tentative.
Le visage me parle et par là m’invite à une relation sans commune mesure avec un pouvoir qui s’exerce, fût-il jouissance ou connaissance.
Emmanuel Levinas, Totalité et infini, 1961.

Les Grecs pensaient autrefois qu’il fallait se masquer le visage pour jouer son rôle. Le masque de théâtre avait pour fonction de laisser porter la voix tout en cachant le visage. La personne (prosopon en grec, persona en latin) était alors en avant du masque (pro-sopon) le son qui perçait de derrière (per-sona). Avec Levinas, la personne humaine est au contraire celle que le visage révèle au lieu de la dissimuler, dans son irréductible altérité. C’est un autre qui se tient face à moi, et son altérité me renvoie au Tout-Autre dont il est une épiphanie. C’est pourquoi le visage d’autrui résonne comme une injonction éthique absolue : ‘tu ne tueras pas’.

Ce large détour par différentes conceptions du visage peut nous aider à redécouvrir le sens de la fête d’aujourd’hui.
Qu’est-ce en effet que l’Épiphanie sinon la manifestation de l’infini divin dans le fini de l’enfant de Bethléem ? En lui le Tout-Autre se révèle, l’indicible se laisse approcher, le très Grand est tout petit, l’invisible se donne à contempler. Les mages ne s’y sont pas trompés. Avec leur science astrologique, ils auraient pu se contenter de la description de leurs calculs. Ils avaient en quelque sorte inventé la reconnaissance faciale du Messie, à lire dans les astres mieux que les Chinois dans leurs caméras vidéo… Mais ils n’ont pas voulu en rester là. Cette connaissance théorique les laissait sur leur faim. Ils voulaient voir l’enfant. Ils désiraient éprouver son regard, scruter son visage, être physiquement en sa présence, se prosterner devant un être de chair et non une forme dans le ciel. Un Dieu sans visage pourrait-il vraiment entrer en relation, en communion avec l’homme ? Dès sa naissance, Jésus est l’épiphanie du Père : tout en lui nous parle de plus grand que lui ; ses actes nous montrent comment Dieu agit ; ses paroles lui sont inspirées par l’Esprit ; son visage bouleversera même ses ennemis dans le pardon offert.

Fêter l’Épiphanie, c’est donc répondre à l’injonction éthique qui me vient du visage d’autrui (pour reprendre Levinas) : ‘sois responsable de ton frère en humanité, ne te dérobe pas devant son regard. Contemple-le face-à-face et tu frémiras de pressentir une dignité infinie, ton cœur se dilatera de frôler ce qui dépasse l’entendement humain. Dans la rencontre de Bethléem, les mages font l’expérience de ce bouleversement intérieur. Les cadeaux qu’ils offrent sont les signes de leur responsabilité envers l’enfant : de l’or pour qu’il soit reconnu comme roi, de l’encens pour discerner en lui le Grand Prêtre venu de Dieu, de la myrrhe pour que son embaumement après la croix révèle au monde sa victoire sur la mort.

Totalité et infiniAllez rendre visite à un service de pédiatrie : vous ne pourrez pas échapper aux regards de ces enfants malades dont certains semblent vous avertir du danger extrême qui les menace et vous supplie en vous tendant leurs visages. Même le pire bourreau ne pourra rester insensible à cette détresse d’autrui qui est un appel à prendre soin de lui. On raconte que les commandos nazis chargés des basses besognes d’extermination en étaient réduits à se saouler continûment pour se confronter à des statistiques de travail et non à des visages humains implorant leur pitié ou flambant de colère et de haine.

À Bethléem, c’est presque l’effet symétrique. La profondeur du mystère qui émane du visage du nouveau-né oblige les mages à prendre soin d’eux-mêmes. Grâce à un songe commun, ils repartent « par un autre chemin » pour éviter la violence du fourbe Hérode qui aurait voulu les éliminer pour les faire taire. D’ailleurs Hérode fera tuer les premiers-nés à distance, sur un ordre politique, sans se salir lui-même les mains. 

Nous ne pouvons plus comme les mages aller nous prosterner au loin devant le Roi des juifs. Mais nous pouvons en-visager (c’est-à-dire donner un visage) à ceux que nous croisons sans les voir. Les voisins de palier, de quartier, de bureau. Les SDF dans la rue qui nous gênent et dont nous détournons le regard. Les gens trop gros, trop maigres, trop grands, trop petits, trop handicapés, trop différents de peau, psychologiquement trop dérangés… Et d’abord les tous proches : conjoint, enfants, famille, dont on croit connaître la personnalité et dont nous ne voulons plus nous étonner.

Dieu le Tout-Autre se révèle sur le visage d’autrui. Face-à-face, quelque chose de plus grand que tout se dévoile. Si je renonce à mettre la main sur lui (par la technique, le calcul, l’aveuglement idéologique, l’intérêt etc.), l’appel à prendre soin qui émane de son visage changera mon chemin et mes décisions.

Telle est l’épiphanie du visage humain, qui s’enracine dans l’Épiphanie du Christ à Bethléem : ne pas passer à côté de l’autre sans contempler sur son visage l’infini qui nous fait vivre tous les deux et nous convoque à devenir responsables l’un de l’autre…

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« La gloire du Seigneur s’est levée sur toi » (Is 60, 1-6)

Lecture du livre du prophète Isaïe

Debout, Jérusalem, resplendis ! Elle est venue, ta lumière, et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi. Voici que les ténèbres couvrent la terre, et la nuée obscure couvre les peuples. Mais sur toi se lève le Seigneur, sur toi sa gloire apparaît. Les nations marcheront vers ta lumière, et les rois, vers la clarté de ton aurore. Lève les yeux alentour, et regarde : tous, ils se rassemblent, ils viennent vers toi ; tes fils reviennent de loin, et tes filles sont portées sur la hanche. Alors tu verras, tu seras radieuse, ton cœur frémira et se dilatera. Les trésors d’au-delà des mers afflueront vers toi, vers toi viendront les richesses des nations. En grand nombre, des chameaux t’envahiront, de jeunes chameaux de Madiane et d’Épha. Tous les gens de Saba viendront, apportant l’or et l’encens ; ils annonceront les exploits du Seigneur.

PSAUME

(Ps 71 (72), 1-2, 7-8, 10-11, 12-13)
R/ Toutes les nations, Seigneur, se prosterneront devant toi. (cf. Ps 71,11)

Dieu, donne au roi tes pouvoirs,
à ce fils de roi ta justice.
Qu’il gouverne ton peuple avec justice,
qu’il fasse droit aux malheureux !

En ces jours-là, fleurira la justice,
grande paix jusqu’à la fin des lunes !
Qu’il domine de la mer à la mer,
et du Fleuve jusqu’au bout de la terre !

Les rois de Tarsis et des Îles apporteront des présents.
Les rois de Saba et de Seba feront leur offrande.
Tous les rois se prosterneront devant lui,
tous les pays le serviront.

Il délivrera le pauvre qui appelle
et le malheureux sans recours.
Il aura souci du faible et du pauvre,
du pauvre dont il sauve la vie.

DEUXIÈME LECTURE
« Il est maintenant révélé que les nations sont associées au même héritage, au partage de la même promesse » (Ep 3, 2-3a.5-6)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens

Frères, vous avez appris, je pense, en quoi consiste la grâce que Dieu m’a donnée pour vous : par révélation, il m’a fait connaître le mystère. Ce mystère n’avait pas été porté à la connaissance des hommes des générations passées, comme il a été révélé maintenant à ses saints Apôtres et aux prophètes, dans l’Esprit. Ce mystère, c’est que toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile.

ÉVANGILE
Nous sommes venus d’Orient adorer le roi (Mt 2, 1-12)
Alléluia. Alléluia.Nous avons vu son étoile à l’orient, et nous sommes venus adorer le Seigneur. Alléluia. (cf. Mt 2, 2)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. Or, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui. » En apprenant cela, le roi Hérode fut bouleversé, et tout Jérusalem avec lui. Il réunit tous les grands prêtres et les scribes du peuple, pour leur demander où devait naître le Christ. Ils lui répondirent : « À Bethléem en Judée, car voici ce qui est écrit par le prophète : Et toi, Bethléem, terre de Juda,tu n’es certes pas le dernierparmi les chefs-lieux de Juda,car de toi sortira un chef,qui sera le berger de mon peuple Israël. » Alors Hérode convoqua les mages en secret pour leur faire préciser à quelle date l’étoile était apparue ; puis il les envoya à Bethléem, en leur disant : « Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant. Et quand vous l’aurez trouvé, venez me l’annoncer pour que j’aille, moi aussi, me prosterner devant lui. » Après avoir entendu le roi, ils partirent.
Et voici que l’étoile qu’ils avaient vue à l’orient les précédait, jusqu’à ce qu’elle vienne s’arrêter au-dessus de l’endroit où se trouvait l’enfant. Quand ils virent l’étoile, ils se réjouirent d’une très grande joie. Ils entrèrent dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe.
 Mais, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.
Patrick Braud

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30 décembre 2018

Épiphanie : tirer les rois

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 00 min

Épiphanie : tirer les rois


Homélie pour la fête de l’Épiphanie / Année C
06/01/2019

Cf. également :

Épiphanie : êtes-vous fabophile ?
Rousseur et cécité : la divine embauche !

Épiphanie : l’économie du don
Épiphanie : Pourquoi offrir des cadeaux ?
Le potlatch de Noël
Épiphanie : qu’est-ce que l’universel ?
L’Épiphanie, ou l’éloge de la double culture
L’inquiétude et la curiosité d’Hérode
Éloge de la mobilité épiphanique
La sagesse des nations

Pour entrer dans la véritable connaissance de votre condition, considérez-la dans cette image.

Épiphanie : tirer les rois dans Communauté spirituelle 61rllX9EhcLUn homme est jeté par la tempête dans une île inconnue, dont les habitants étaient en peine de trouver leur roi, qui s’était perdu; et, ayant beaucoup de ressemblance de corps et de visage avec ce roi, il est pris pour lui, et reconnu en cette qualité par tout ce peuple. D’abord il ne savait quel parti prendre; mais il se résolut enfin de se prêter à sa bonne fortune. Il reçut tous les respects qu’on lui voulut rendre, et il se laissa traiter de roi. Mais comme il ne pouvait oublier sa condition naturelle, il songeait, en même temps qu’il recevait ces respects, qu’il n’était pas ce roi que ce peuple cherchait, et que ce royaume ne lui appartenait pas.

Ainsi il avait une double pensée : l’une par laquelle il agissait en roi, l’autre par laquelle il reconnaissait son état véritable, et que ce n’était que le hasard qui l’avait mis en place où il était. Il cachait cette dernière pensée et il découvrait l’autre. C’était par la première qu’il traitait avec le peuple, et par la dernière qu’il traitait avec soi-même. […]

Que s’ensuit-il de là ? que vous devez avoir, comme cet homme dont nous avons parlé, une double pensée ; et que si vous agissez extérieurement avec les hommes selon votre rang, vous devez reconnaître, par une pensée plus cachée mais plus véritable, que vous n’avez rien naturellement au-dessus d’eux. Si la pensée publique vous élève au-dessus du commun des hommes, que l’autre vous abaisse et vous tienne dans une parfaite égalité avec tous les hommes ; car c’est votre état naturel. Le peuple qui vous admire ne connaît pas peut-être ce secret. Il croit que la noblesse est une grandeur réelle et il considère presque les grands comme étant d’une autre nature que les autres. Ne leur découvrez pas cette erreur, si vous voulez; mais n’abusez pas de cette élévation avec insolence, et surtout ne vous méconnaissez pas vous-même en croyant que votre être a quelque chose de plus élevé que celui des autres. […]

Cette parabole de Blaise Pascal [1] (XVII° siècle) est à l’usage des grands de ce monde, pour qu’ils apprennent à résister à la démesure (hybris en grec) liée au pouvoir. Elle vaut également pour chacun de nous, lorsque nous exerçons une autorité quelle qu’elle soit : l’autorité familiale, les responsabilités associatives, une mission hiérarchique en entreprise etc.

L’idée de Pascal rejoint celle de la coutume populaire liée à l’Épiphanie : tirer les rois. Cette tradition multiséculaire d’abord païenne puis évangélisée par l’Église part d’une question importante : qui parmi nous est digne d’être roi ? Aujourd’hui, ce sont les trois rois mages de l’Épiphanie qu’on constitue en tirant les parts de la galette au hasard, laissant ainsi le sort décider à travers la fève qui il faut couronner. Mais le processus vaudrait pour beaucoup des rois de ce monde, bien mieux que la succession dynastique ou le coup d’État napoléonien. Si tous les puissants de ce monde – et nous en faisons partie chacun à sa mesure – prenaient conscience que c’est le hasard et non le mérite qui les a placés au sommet, ils resteraient- nous resterions – humbles et déterminés à servir plutôt qu’à nous faire servir…

Galette ou couronne, la tradition de tirer les Rois s’est perpétuée à travers les siècles

Dans la démocratie athénienne, on tirait au sort les représentants du peuple à tour de rôle (stochocratie), afin que nul n’en fasse carrière ou s’imagine être digne d’être élu par lui-même. Sur onze cents personnes à désigner chaque année (cinq cents membres du Conseil et six cents autres magistrats), mille étaient tirées au sort, le reste étant élu par suffrage. De plus, un citoyen ne pouvait pas exercer deux fois la même magistrature.

Le tirage au sort fut également utilisé dans les républiques italiennes pour désigner les dirigeants, ou encore en Suisse pour lutter contre la corruption des élus. Pourquoi ne pas y recourir pour les futures assemblées citoyennes du grand débat public voulu par le pouvoir d’ici fin Mars ? Pourquoi ne pas instituer des questions numériques en direct (via les réseaux sociaux) pour le débat du mercredi à l’Assemblée Nationale ? Pourquoi ne pas renouveler les comités de quartiers ainsi ? La méthode statistique dite des quotas (échantillonnés) repose sur cette méthode rigoureuse : tirer au sort sous contrainte de certains critères permet d’assurer une très grande représentativité à l’échantillon ainsi construit (1000 personnes suffisent dans un sondage pour savoir ce que pensent les Français sur telle ou telle question)…

Dans la Bible, lorsqu’il faut choisir un successeur au trône de Salomon, on envoie Samuel, un prophète, discerner quel est le choix de Dieu. Il fait défiler les sept garçons de Jessé qui tous auraient pu prétendre au titre. Mais Dieu ne choisit pas selon les critères humains, selon les apparences :

Yahvé dit à Samuel : « Ne considère pas son apparence ni la hauteur de sa taille, car je l’ai écarté. Les vues de Dieu ne sont pas comme les vues de l’homme, car l’homme regarde à l’apparence, mais Yahvé regarde au cœur. »  Jessé appela Abinadab et le fit passer devant Samuel, qui dit: « Ce n’est pas lui non plus que Yahvé a choisi. »  Jessé fit passer Shamma, mais Samuel dit : « Ce n’est pas lui non plus que Yahvé a choisi. »  Jessé fit ainsi passer ses sept fils devant Samuel, mais Samuel dit à Jessé : « Yahvé n’a choisi aucun de ceux-là. »  Il demanda à Jessé : « En est-ce fini avec tes garçons », et celui-ci répondit: « Il reste encore le plus jeune, il est à garder le troupeau. » Alors Samuel dit à Jessé : « Envoie-le chercher, car nous ne nous mettrons pas à table avant qu’il ne soit venu ici. »  Jessé l’envoya chercher: il était roux, avec un beau regard et une belle tournure. Et Yahvé dit : « Va, donne-lui l’onction: c’est lui ! »   (1S 16, 7-12)

David est choisi alors que rien ne le désignait, au contraire (et il était roux !). On retrouve ce que le tirage au sort garanti d’une autre manière : « ne vous méconnaissez pas vous-même en croyant que votre être a quelque chose de plus élevé que celui des autres ».

Dans le livre des Actes des Apôtres, lorsqu’il faut trouver un remplaçant à Judas après la résurrection du Christ, on fait appel d’abord au discernement de l’assemblée (ekklèsia), puis… au tirage au sort !

On (l’ekklèsia) en présenta deux, Joseph dit Barsabbas, surnommé Justus, et Matthias.  Alors ils firent cette prière: « Toi, Seigneur, qui connais le cœur de tous les hommes, montre-nous lequel de ces deux tu as choisi  pour occuper, dans le ministère de l’apostolat, la place qu’a délaissée Judas pour s’en aller à sa place à lui. »  Alors on tira au sort et le sort tomba sur Matthias, qui fut mis au nombre des douze apôtres. (Ac 1, 23-26)

Imaginez qu’on élise les évêques, le peuple le pape même selon ce processus évangélique : cela changerait bien des choses !

 Epiphanie dans Communauté spirituelleBien d’autres partages se faisaient au tirage au sort en Israël, et pas les moins importants. C’est par tirage au sort qu’on établit l’ordre des familles des lévites (1Ch 24,31) ainsi que celui des 24 classes de chantres (1Ch 25,8). C’est par tirage au sort que seront réparties les propriétés des territoires du pays conquis (Jos 18,1 ; Ez 45,1) et les étrangers assimilés ne devront pas être exclus de cette loterie (Ez 47,1).

Finalement, tirer les rois à l’Épiphanie est bien plus engageant qu’il n’y paraît !
C’est le rappel du choix de Dieu, qui est rarement le nôtre.
C’est l’appel à l’humilité pour ne jamais oublier d’où nous venons et à quoi nous devons notre rang, nos responsabilités.
C’est l’obligation de servir, à égalité, ceux que nous commandons, car seul le hasard nous a placé là (le mythe du self-made-man ou du patron méritant en prend un coup au passage) et il s’en faut de peu que nous soyons à leur place.

D’ailleurs le portrait du roi idéal tracé par le psaume 71 de ce dimanche de l’Épiphanie est d’une actualité brûlante :

Saint Louis rendant la justiceDieu, donne au roi tes pouvoirs,
à ce fils de roi ta justice.
Qu’il gouverne ton peuple avec justice,
qu’il fasse droit aux malheureux !

En ces jours-là, fleurira la justice,
grande paix jusqu’à la fin des lunes !
[…]

Il délivrera le pauvre qui appelle
et le malheureux sans recours.
Il aura souci du faible et du pauvre,
du pauvre dont il sauve la vie.

Si le pouvoir politique, national comme local, n’a pas pour finalité et critère ultime d’améliorer le sort des malheureux (ceux qui n’ont pas eu de chance au tirage), alors il devient illégitime. Les prophètes n’ont de cesse de dénoncer les errances du pouvoir royal lorsqu’il oubliait les petits, les pauvres. Et finalement, la chute de la royauté en Israël sera interprétée comme la juste conséquence de son manquement à son devoir d’assurer la justice sociale en toute humilité…

La fève de la galette des rois tombant au hasard dans telle assiette plutôt que telle autre est donc lourde de conséquences spirituelles, éthiques, sociales.

S’ils avaient conscience d’être le fruit du hasard plus que du mérite, les grosses rémunérations, parachutes dorés et autres stock-options du CAC 40 auraient honte de toucher autant. Les écarts de salaires de plus de 1 à 40 seraient perçus comme insupportables. Les multiples avantages en nature liés à la fonction d’entreprise apparaîtraient comme des hochets destinés à calmer l’ego de dirigeants immatures. Les nantis seraient prêts à partager leur manteau, comme saint Martin sur son cheval, avec les pauvres hères rencontrés en chemin.

Irréel du présent ? Pas tant que cela, car certains le font, touchés par l’Évangile, ou simplement conscients d’avoir eu de la chance dans la vie contrairement à beaucoup d’autres.

Alors, tirons les rois au sort en nous régalant d’une bonne galette de l’Épiphanie, brioche  ou frangipane ! En mordant dans la fève, reprenons conscience de tout ce que le sort nous a généreusement offert. En voyant l’autre couronné, surtout celui que l’on n’aurait pas couronné, réjouissons-nous que Dieu fasse des choix différents des nôtres.

La galette des rois

Dans toutes nos responsabilités, gardons à l’esprit les deux attitudes que Pascal recommandait aux nobles et aux princes de son temps :

« Ainsi il avait une double pensée : l’une par laquelle il agissait en roi, l’autre par laquelle il reconnaissait son état véritable, et que ce n’était que le hasard qui l’avait mis en place où il était. Il cachait cette dernière pensée et il découvrait l’autre. C’était par la première qu’il traitait avec le peuple, et par la dernière qu’il traitait avec soi-même. »

 


[1]. Blaise PASCAL, Premier discours sur la condition des grands, 1660.

 

Lectures de la messe

Première lecture
« La gloire du Seigneur s’est levée sur toi » (Is 60, 1-6)

Lecture du livre du prophète Isaïe

Debout, Jérusalem, resplendis ! Elle est venue, ta lumière, et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi. Voici que les ténèbres couvrent la terre, et la nuée obscure couvre les peuples. Mais sur toi se lève le Seigneur, sur toi sa gloire apparaît. Les nations marcheront vers ta lumière, et les rois, vers la clarté de ton aurore. Lève les yeux alentour, et regarde : tous, ils se rassemblent, ils viennent vers toi ; tes fils reviennent de loin, et tes filles sont portées sur la hanche. Alors tu verras, tu seras radieuse, ton cœur frémira et se dilatera. Les trésors d’au-delà des mers afflueront vers toi, vers toi viendront les richesses des nations. En grand nombre, des chameaux t’envahiront, de jeunes chameaux de Madiane et d’Épha. Tous les gens de Saba viendront, apportant l’or et l’encens ; ils annonceront les exploits du Seigneur.

Psaume
(Ps 71 (72), 1-2, 7-8, 10-11, 12-13)
R/ Toutes les nations, Seigneur, se prosterneront devant toi.
(cf. Ps 71,11)

Dieu, donne au roi tes pouvoirs,
à ce fils de roi ta justice.
Qu’il gouverne ton peuple avec justice,
qu’il fasse droit aux malheureux !

En ces jours-là, fleurira la justice,
grande paix jusqu’à la fin des lunes !
Qu’il domine de la mer à la mer,
et du Fleuve jusqu’au bout de la terre !

Les rois de Tarsis et des Îles apporteront des présents.
Les rois de Saba et de Seba feront leur offrande.
Tous les rois se prosterneront devant lui,
tous les pays le serviront.

Il délivrera le pauvre qui appelle
et le malheureux sans recours.
Il aura souci du faible et du pauvre,
du pauvre dont il sauve la vie.

Deuxième lecture
« Il est maintenant révélé que les nations sont associées au même héritage, au partage de la même promesse » (Ep 3, 2-3a.5-6)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens

Frères, vous avez appris, je pense, en quoi consiste la grâce que Dieu m’a donnée pour vous : par révélation, il m’a fait connaître le mystère. Ce mystère n’avait pas été porté à la connaissance des hommes des générations passées, comme il a été révélé maintenant à ses saints Apôtres et aux prophètes, dans l’Esprit. Ce mystère, c’est que toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile.

Évangile
Nous sommes venus d’Orient adorer le roi (Mt 2, 1-12) Alléluia. Alléluia.

Nous avons vu son étoile à l’orient, et nous sommes venus adorer le Seigneur. Alléluia. (cf. Mt 2, 2)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Jésus était né à Bethléem en Judée,
au temps du roi Hérode le Grand. Or, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui. » En apprenant cela, le roi Hérode fut bouleversé, et tout Jérusalem avec lui. Il réunit tous les grands prêtres et les scribes du peuple, pour leur demander où devait naître le Christ. Ils lui répondirent : « À Bethléem en Judée, car voici ce qui est écrit par le prophète : Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas le dernier parmi les chefs-lieux de Juda, car de toi sortira un chef, qui sera le berger de mon peuple Israël. » Alors Hérode convoqua les mages en secret pour leur faire préciser à quelle date l’étoile était apparue ; puis il les envoya à Bethléem, en leur disant : « Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant. Et quand vous l’aurez trouvé, venez me l’annoncer pour que j’aille, moi aussi, me prosterner devant lui. » Après avoir entendu le roi, ils partirent.
Et voici que l’étoile qu’ils avaient vue à l’orient les précédait, jusqu’à ce qu’elle vienne s’arrêter au-dessus de l’endroit où se trouvait l’enfant. Quand ils virent l’étoile, ils se réjouirent d’une très grande joie. Ils entrèrent dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe.
Mais, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.

Patrick BRAUD

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1 janvier 2018

ÉPIPHANIE : Êtes-vous fabophile ?

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ÉPIPHANIE : Êtes-vous fabophile ?


Homélie pour la fête de l’Épiphanie / Année B
07/01/2018

Cf. également :

Épiphanie : l’économie du don
Épiphanie : Pourquoi offrir des cadeaux ?
Le potlatch de Noël
Épiphanie : qu’est-ce que l’universel ?
L’Épiphanie, ou l’éloge de la double culture
L’inquiétude et la curiosité d’Hérode
Éloge de la mobilité épiphanique
La sagesse des nations


Ingrédients pour recette épiphanique…


Êtes-vous fabophile ?
Cette fête de l’Épiphanie pourrait vous y inciter…
Fabophile se dit de quelqu’un qui collectionne les fèves, et il y a des passionnés !
* Mais pourquoi les fèves vont-elles bien avec l’Épiphanie ?

Il faut se souvenir qu’à Rome, en Janvier, on fêtait les Saturnales.
Le peuple élisait pour ces festivités
un roi de dérision, pris parmi les esclaves ou les criminels, le roi d’un jour. On l’élisait en votant comme on le faisait pour les votes romains : en déposant une fève dans l’urne.
Fève blanche pour le oui, fève noire pour le non (ça pourrait re-servir dans les prochaines élections…).
Les chrétiens des premiers siècles ont essayé d’évangéliser ces fêtes païennes : l’Épiphanie remplace les Saturnales, la fève sert désormais à ‘tirer les rois’.

ÉPIPHANIE : Êtes-vous fabophile ? dans Communauté spirituelle fc3a8vesLe symbolisme de cette fève est d’ailleurs rehaussé du fait que c’est la première légumineuse récoltée dans le jardin, annonçant la renaissance du printemps. Et regardez bien une bonne fève de chez nous (celle qu’on mange en ‘croque au sel’ !), vous verrez qu’elle a la forme… d’un embryon ! Le lien avec l’enfant de la crèche, ou la renaissance de Pâque qu’annonce Noël, est alors troublante… Les Égyptiens n’appelaient pas d’ailleurs leurs cimetières des ‘cimetières’ (‘dortoirs’ en grec), mais des « champs de fèves » : les corps déposés-là étaient comme des embryons attendant la renaissance…

I-Moyenne-22043-feve-aguadulce-a-tres-longue-cosse-ab.net encens dans Communauté spirituelleReste que cette fève, maintenant remplacée par du plastique ou de la porcelaine, est glissée dans le fameux gâteau de l’Épiphanie, frangipane ou couronne briochée.
Pour que le partage soit équitable, le plus jeune de la famille se glisse sous la table et désigne le nom de chacun lorsqu’on lui demande : « c’est pour qui ? ». Le petit dernier des enfants attend ce moment avec bonheur. Sans compter la part du pauvre, qu’il fallait garder intacte, au cas où…

L’Épiphanie, c’est un peu tout cela, et bien plus encore !
Les coutumes populaires sont précieuses pour ne pas perdre le goût de chaque fête… La foi a besoin de cette culture populaire, de ces coutumes familiales, pour ne pas devenir élitiste, car l’Épiphanie, c’est le Christ manifesté à tous !

Continuons dans notre visite des incontournables de l’Épiphanie
* Les 3 rois Mages par exemple !
Vous avez entendu l’Évangile : il n’est pas dit qu’ils soient rois, ni qu’ils soient trois, on dit seulement : « des mages venus d’Orient ».
Des mages :
pensez à
magique, magiciens… Ce sont les savants de l’époque, la NASA des païens. Tout savants qu’ils sont, ils viennent s’incliner devant l’enfant de la crèche.
L’Épiphanie, c’est la sagesse et la science humaine qui vivent en harmonie avec la foi.
La raison salue la foi et les 2 avancent ensemble…

 

- Puis, dans l’histoire, ces mages sont très vite devenus trois.

Parce qu’il y avait 3 cadeaux peut-être.

Sans doute aussi parce que à l’époque on pensait qu’il y avait 3 continents. Alors, pour signifier l’universalité de Noël, on a représenté toute l’humanité à travers ces 3 mages ; et la tradition a précisé : l’européen Melchior apportait l’or,  l’asiatique Gaspard apportait la myrrhe (l’Asie de l’époque recouvrait en gros la Turquie actuelle et au-delà : d’où un visage semblable à l’européen), l’Africain Balthasar apportait l’encens.

Aujourd’hui il faudrait représenter 5 Mages au moins, aux visages des 5 continents…


- Et ces 3 Mages sont devenus 3 rois.

Sans doute à partir du 9ème siècle, où les controverses entre le spirituel et le temporel devinrent épiques. Entre le Pape et les empereurs, la bataille était si rude que transformer les Mages en rois montrait bien que le pouvoir politique devait reconnaître ses limites devant le pouvoir spirituel…
L’Épiphanie devenait alors l’évangélisation du politique, qui se grandit en reconnaissant que cet enfant est plus grand que lui. 
Évangélisation non terminée…

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* Et les 3 cadeaux ?

Ils signifiaient sans doute que Jésus était bien le Messie annoncé par les Écritures.
Messie – Grand Prêtre, on lui offre de l’encens comme au Temple de Jérusalem.
Roi-Messie, on lui offre de l’or, présent royal.
Messie-Prophète, on lui offre la myrrhe, qui annonce prophétiquement l’embaumement de son corps après la Passion. Les baptisés qui regardent ces 3 coffrets sur les tableaux se souviennent alors que l’huile du baptême a fait d’eux aussi des prêtres, des prophètes et des rois.

Au temps des querelles des premiers siècles, on a vu également dans ces 3 présents la preuve que Jésus est bien vrai Dieu et vrai Homme. St Léon le Grand, pape du V° siècle, atteste :« ils offrent de l’encens comme à Dieu, de la myrrhe comme à l’homme, de l’or comme au roi, conscients d’honorer dans l’unité la nature divine et la nature humaine »- (1er Sermon pour Épiphanie).

Bref, ces 3 cadeaux, c’est la foi en Jésus vrai Dieu et vrai Homme, c’est notre triple dignité de baptisés, prêtres, prophètes et rois.
St Bernard avait un peu oublié tout cela au 12ème siècle ! Il écrivait : « ils offrirent de l’or à la Ste Vierge pour soulager sa détresse, de l’encens pour chasser la puanteur de l’étable, de la myrrhe pour fortifier les membres de l’enfant et pour expulser de hideux insectes » (cité dans la ‘Légende dorée’ de Jacques Voragine, 13ème siècle). Un micro-crédit, un désodorisant, un insecticide… ! Nos 3 cadeaux valent mieux que cela…

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* Un dernier mot sur l’étoile :

Elle représente la science astrologique d’alors, et aussi la croyance dans le destin écrit dans les astres. Or, en s’arrêtant à Jérusalem, l’étoile reconnaît avoir besoin de l’Écriture pour aller plus loin. À l’heure où nombre de citoyens se fient à leurs horoscopes, à leurs voyants et autres thèmes astraux, l’étoile de l’Épiphanie nous demande de considérer avec bienveillance la recherche des Mages modernes, qui cherchent Dieu à travers tous les savoirs et thérapies alternatives qui fleurissent aujourd’hui, et en même temps d’oser proposer l’Écriture comme révélation pour aller plus loin.
Mieux vaut chercher une étoile dans le ciel que de ne rien attendre de la vie ; mais quel dommage si personne ne propose à ces chercheurs de Dieu d’ouvrir la Bible pour aller plus loin que la seule sagesse humaine… !

 fabophile

Impossible de tout dire ! Il faudrait notamment parler de la date du 6 Janvier, du lien entre Noël – Épiphanie – Noces de Cana et Baptême du Seigneur… mais ce sera pour une autre fois !

Que cette belle fête de l’Épiphanie nous régale de la joie de Noël offerte à toute l’humanité…

 

 

LECTURES DE LA MESSE
PREMIÈRE LECTURE
« La gloire du Seigneur s’est levée sur toi » (Is 60, 1-6)
Lecture du livre du prophète Isaïe

Debout, Jérusalem, resplendis ! Elle est venue, ta lumière, et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi. Voici que les ténèbres couvrent la terre, et la nuée obscure couvre les peuples. Mais sur toi se lève le Seigneur, sur toi sa gloire apparaît. Les nations marcheront vers ta lumière, et les rois, vers la clarté de ton aurore. Lève les yeux alentour, et regarde : tous, ils se rassemblent, ils viennent vers toi ; tes fils reviennent de loin, et tes filles sont portées sur la hanche. Alors tu verras, tu seras radieuse, ton cœur frémira et se dilatera. Les trésors d’au-delà des mers afflueront vers toi, vers toi viendront les richesses des nations. En grand nombre, des chameaux t’envahiront, de jeunes chameaux de Madiane et d’Épha. Tous les gens de Saba viendront, apportant l’or et l’encens ; ils annonceront les exploits du Seigneur. 

PSAUME
(71 (72), 1-2, 7-8, 10-11, 12-13)
R/ Toutes les nations, Seigneur,  se prosterneront devant toi. cf. 71,11

Dieu, donne au roi tes pouvoirs,
à ce fils de roi ta justice.
Qu’il gouverne ton peuple avec justice,
qu’il fasse droit aux malheureux !

En ces jours-là, fleurira la justice,
grande paix jusqu’à la fin des lunes !
Qu’il domine de la mer à la mer,
et du Fleuve jusqu’au bout de la terre !

Les rois de Tarsis et des Îles apporteront des présents.
Les rois de Saba et de Seba feront leur offrande.
Tous les rois se prosterneront devant lui,
tous les pays le serviront.

Il délivrera le pauvre qui appelle
et le malheureux sans recours.
Il aura souci du faible et du pauvre,
du pauvre dont il sauve la vie.

DEUXIÈME LECTURE
« Il est maintenant révélé que les nations sont associées au même héritage, au partage de la même promesse » (Ep 3, 2-3a.5-6)
Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens

Frères, vous avez appris, je pense,  en quoi consiste la grâce que Dieu m’a donnée pour vous :  par révélation, il m’a fait connaître le mystère.  Ce mystère n’avait pas été porté à la connaissance  des hommes des générations passées,  comme il a été révélé maintenant  à ses saints Apôtres et aux prophètes,  dans l’Esprit.  Ce mystère,  c’est que toutes les nations sont associées au même héritage,  au même corps,  au partage de la même promesse,  dans le Christ Jésus,  par l’annonce de l’Évangile.  –

ÉVANGILE
Nous sommes venus d’Orient adorer le roi (Mt 2, 1-12)
Alléluia. Alléluia. Nous avons vu son étoile à l’orient, et nous sommes venus adorer le Seigneur. Alléluia. (cf. Mt 2, 2)
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. Or, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui. » En apprenant cela, le roi Hérode fut bouleversé, et tout Jérusalem avec lui. Il réunit tous les grands prêtres et les scribes du peuple, pour leur demander où devait naître le Christ. Ils lui répondirent : « À Bethléem en Judée, car voici ce qui est écrit par le prophète : Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas le dernier parmi les chefs-lieux de Juda, car de toi sortira un chef, qui sera le berger de mon peuple Israël. » Alors Hérode convoqua les mages en secret pour leur faire préciser à quelle date l’étoile était apparue ; puis il les envoya à Bethléem, en leur disant : « Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant. Et quand vous l’aurez trouvé, venez me l’annoncer pour que j’aille, moi aussi, me prosterner devant lui. » Après avoir entendu le roi, ils partirent.
Et voici que l’étoile qu’ils avaient vue à l’orient les précédait, jusqu’à ce qu’elle vienne s’arrêter au-dessus de l’endroit où se trouvait l’enfant. Quand ils virent l’étoile, ils se réjouirent d’une très grande joie. Ils entrèrent dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe.
Mais, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.
Patrick BRAUD

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3 janvier 2017

Épiphanie : l’économie du don

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Épiphanie : l’économie du don


Cf. également :

Épiphanie : Pourquoi offrir des cadeaux ?
Le potlatch de Noël
Épiphanie : qu’est-ce que l’universel ?
L’Épiphanie, ou l’éloge de la double culture
L’inquiétude et la curiosité d’Hérode
Éloge de la mobilité épiphanique
La sagesse des nations

Homélie pour la fête de l’Épiphanie / Année A
08/01/2017

Les cadeaux des mages et les nôtres

Au lendemain de Noël, des milliers de cadeaux jugés décevants se retrouvent mis en vente sur le site www.leboncoin.fr  : l’argent obtenu de cette revente sera plus envié que le geste du donateur initial… L’Épiphanie est pourtant une belle fête pour reparler des cadeaux que nous nous faisons. En effet, les rois venus d’Orient apportent avec eux des dons précieux (et symboliques) : l’or, l’encens et la myrrhe. À l’étable de Bethléem, ils inaugurent en quelque sorte notre longue tradition des cadeaux déposés sous le sapin, près de la crèche.

D’ailleurs, en Espagne, la fête des rois est presque aussi populaire que Noël (cf. le défilé Cabalgata de los Reyes Magos), et c’est des Mages que les enfants reçoivent des cadeaux, et non du Père Noël…

Il y a dans l’histoire biblique une circulation des dons offerts à Dieu, aux hommes, par Dieu, par les hommes. À tel point que les Pères grecs parlaient d’une économie de la grâce (χ́αρις charis = grâce = don divin en grec) caractéristique de l’amour trinitaire.

L’anthropologue français Marcel Mauss a décrypté quant à lui à la fin du XIX° siècle les échanges entre tribus polynésiennes dites « primitives ». Il a formalisé la structure de ces échanges en une chaîne ininterrompue de dons circulant entre les clans : donner – recevoir – rendre. Ces tribus étaient capables de franchir des centaines de kilomètres en pirogue pour offrir des présents somptueux à d’autres ethnies, sur d’autres îles. Le code social exigeait alors de recevoir ces cadeaux sans contrepartie, c’est-à-dire sans tomber dans le donnant-donnant occidental récent. Mais les villages qui avaient tant reçu prenaient à leur tour la mer pour apporter des présents à d’autres îles, rendant ainsi le don reçu, mais à quelqu’un d’autre. Et ce tiers à son tour perpétuait la circulation du don en allant présenter d’autres dons ailleurs, et ainsi de suite…

Un autre sociologue français, Alain Caillé, a complété cette chaîne de l’échange en y ajoutant une première phase : demander. Car la formulation – implicite ou explicite - de la demande est le ‘ticket d’entrée’ dans l’économie du don. La demande des mages par exemple n’était pas explicite, mais leur ténacité à scruter le ciel pour y découvrir du neuf traduisait leur quête intérieure, leur recherche d’un signe du ciel.

On a ainsi les quatre temps qui structurent une économie du don /de la grâce : demander / donner / recevoir / rendre.

L’histoire biblique, et notre histoire personnelle, deviennent fécondes lorsqu’elles respectent ces quatre temps du don.

Demander

Afficher l'image d'origine« Depuis plus de 4000 ans nous attendions cet heureux temps » avons-nous chanté  devant la crèche et son divin enfant. Israël demandait à Dieu (et demande encore) la venue d’un Messie qui ferait enfin régner le droit et la justice. « Demandez et vous recevrez » confirmait Jésus en nous invitant à prier sans nous décourager.

Dans notre vie personnelle, oser et savoir demander n’est pas le plus facile. Bien des personnes en précarité n’osent pas demander les aides auxquelles pourtant elles ont droit. On estime que 50% environ des bénéficiaires potentiels du RSA ne le touchent pas car ne le demandent pas. Un ex-SDF racontait combien c’est humiliant de devoir sans cesse quémander. Même tiré d’affaire désormais, il n’ose pas frapper à la porte de sa voisine lorsque son frigo est vide en attendant les allocations du mois suivant…

Demander est un acte d’humilité (qui ne devrait jamais tourner à l’humiliation), où je reconnais ne pas être tout, ou j’accepte de manquer et de ne pas être autosuffisant.

 

Donner

Afficher l'image d'origineLe premier don de Dieu, c’est Dieu lui-même. Dans l’enfant de Bethléem, Dieu se donne sans retenue, inconditionnellement. Il répond à la demande d’Israël, à la quête des mages, bien au-delà de leurs attentes. « Un enfant nous est né, un fils nous est donné » prophétisait Isaïe (Is 9,5).

Pas besoin de développer davantage. Toute la tradition chrétienne a cultivé l’art du don sous toutes ses formes, de l’aumône au martyre, de la solidarité à la croissance économique, de Thérèse d’Avila à Mère Teresa… À nous de nous inscrire dans cet élan ininterrompu, où se donner est plus important que de donner. Car l’échange porte alors sur des relations (sociales, amicales, familiales…) et non sur des objets ou de la monnaie. L’économie du don fait circuler des relations entre les êtres, dont les objets échangés sont alors des vecteurs, des symboles et non des valeurs en soi. Marx avait raison de dénoncer le fétichisme de la marchandise qui s’est emparé de l’homme dans le capitalisme, chosifiant les relations en objets, rendant l’échange froid et impersonnel.

Recevoir

Phase symétrique du demander, recevoir est tout aussi difficile. Là également l’humiliation n’est jamais loin. Savoir recevoir le don offert est un art. Les mages de l’Épiphanie l’incarnent à merveille. Ils parlent d’un roi des juifs annoncé par les astres, et le reçoivent comme leur roi devant lequel ils se prosternent. Alors qu’Hérode et les notables juifs prennent peur, et ne veulent pas de ce roi supposé concurrent.

Pour nous aussi, recevoir c’est accepter de devenir débiteur, c’est laisser de la place à l’autre et reconnaître avoir besoin de lui.

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Rendre

Les mages reçoivent du ciel un signe, et rendent à l’enfant de Bethléem les signes de sa royauté : l’or, de sa prêtrise : l’encens, et de sa victoire sur la mort : la myrrhe. La plupart du temps, nous ne pouvons pas rendre à ceux qui nous ont donné. Le donnant-donnant ne fonctionne pas, avec nos parents par exemple, mais nous invite à faire de même avec nos enfants. Le blessé de la parabole ne pourra rien rendre à son bon samaritain sauveur, mais il fera de même envers d’autres blessés qu’il croisera sur sa route.

Rendre est essentiel : non pas pour être quitte, mais au contraire pour entretenir une circulation de la dette, le courant du don échangé, sans jamais l’interrompre. Marcel Mauss appelle cette phase le contre-don, réponse gracieuse à l’initiative gracieuse d’un autre.

 

L’économie de la convoitise

Quatre attitudes inverses bloquent l’économie du don :

ignorer, au lieu de demander

prendre, au lieu de donner

refuser, au lieu de recevoir

garder, au lieu de rendre.

On entend dans ces quatre comportements l’écho de la désobéissance au 10° commandement : « tu ne convoiteras pas ». L’économie de la convoitise s’oppose à celle du don en bloquant à chaque étape la circulation de la grâce.

Economie du don

Le management à l’école du don

De manière étonnante, on peut repenser le management à la lumière de l’anthropologie de Marcel Mauss [1]. Le rôle du manager pourrait bien être de garantir la circulation du don dans son équipe et avec le reste de l’entreprise, de ses partenaires et de ses clients. Le mauvais manager tombera quant à lui dans l’économie de la convoitise qui va restreindre la performance de son équipe [2].

Sans don, il n’est pas d’efficience possible. Les organisations qui fonctionnent bien (entreprises, associations, administrations, équipes sportives etc.) sont celles qui savent respecter la logique et la dynamique des quatre temps du don et contre-don : demander – donner – recevoir – rendre, alors que celles qui dysfonctionnent basculent dans le cycle opposé du ignorer – prendre – refuser – garder. Le bon manager, le bon entraîneur, le bon animateur…, reconnaît dans le cycle du don la véritable source de l’efficience, celle qui réengendre jour après jour le cercle vertueux de la coopération et du travail pris à cœur. Le mauvais manager, aveuglé par la seule obsession d’une efficacité ou d’une rentabilité immédiate, finit par tuer la poule aux œufs d’or et enferme tout le monde dans le cercle vicieux du chacun pour soi et du découragement.

 

Les sept péchés capitaux du manager

Avec humour, Alain Caillé et Jean-Édouard Grésy transposent les sept péchés capitaux de la théologie médiévale à l’art du management repensé sous le signe du don :

1. La paresse ou le don non valorisé, i.e. le fait ne se fier qu’au projet économique, sans faire l’effort de prendre en compte et de valoriser le projet social.

2. La gourmandise ou les gloutons du don, i.e. la financiarisation du projet industriel ou de service.

3. L’avarice ou les radins du contre-don, quand l’entreprise se dit : après moi le déluge !

4. La colère : quand le don est empêché, ceux qui s’adonnent le plus au travail peuvent être ceux qui en souffrent le plus. Avec deux issues possibles : la dépression ou la colère. Colère vient de ira en latin, c’est ce qui produit des excès en paroles ou en actes.

5. La luxure, où l’impureté, quand le don est stérilisé, i.e. transformé en règles.

6. L’orgueil : quand le don est exclusif et refermé sur lui-même, i.e. qu’il conforte l’idée qu’on pourrait se suffire à soi-même sans se confronter aux autres.

7. L’envie ou le désir de l’appropriation et les limites de l’avoir.

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Les mages de l’épiphanie sont repartis sans rien attendre en retour de leurs cadeaux. Ils nous invitent à nous inscrire nous aussi dans l’économie de la grâce qui préside aux relations entre Dieu et l’homme, entre l’homme et ses semblables.

Demander/donner/recevoir/rendre : où en êtes-vous de cette circulation de la grâce avec vos collègues de travail, les membres de votre famille, vos voisins, vos amis, les inconnus croisés au hasard de vos rencontres… ?

 



[1] . Donner et prendre, la coopération en entreprise, Norbert Alter, Ed. La Découverte, 2009.

[2] . Cf. La révolution du don, Le management repensé à la lumière de l’anthropologie, Alain Caillé, Jean-Édouard Grésy, Seuil, 2014

 

 

1ère lecture : « La gloire du Seigneur s’est levée sur toi » (Is 60, 1-6)
Lecture du livre du prophète Isaïe

 Debout, Jérusalem, resplendis ! Elle est venue, ta lumière, et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi. Voici que les ténèbres couvrent la terre, et la nuée obscure couvre les peuples. Mais sur toi se lève le Seigneur, sur toi sa gloire apparaît. Les nations marcheront vers ta lumière, et les rois, vers la clarté de ton aurore. Lève les yeux alentour, et regarde : tous, ils se rassemblent, ils viennent vers toi ; tes fils reviennent de loin, et tes filles sont portées sur la hanche. Alors tu verras, tu seras radieuse, ton cœur frémira et se dilatera. Les trésors d’au-delà des mers afflueront vers toi, vers toi viendront les richesses des nations. En grand nombre, des chameaux t’envahiront, de jeunes chameaux de Madiane et d’Épha. Tous les gens de Saba viendront, apportant l’or et l’encens ; ils annonceront les exploits du Seigneur.

Psaume : Ps 71 (72), 1-2, 7-8, 10-11, 12-13

R/ Toutes les nations, Seigneur, se prosterneront devant toi. ( cf. Ps 71,11)

Dieu, donne au roi tes pouvoirs,
à ce fils de roi ta justice.
Qu’il gouverne ton peuple avec justice,
qu’il fasse droit aux malheureux !

En ces jours-là, fleurira la justice,
grande paix jusqu’à la fin des lunes !
Qu’il domine de la mer à la mer,
et du Fleuve jusqu’au bout de la terre !

Les rois de Tarsis et des Îles apporteront des présents.
Les rois de Saba et de Seba feront leur offrande.
Tous les rois se prosterneront devant lui,
tous les pays le serviront.

Il délivrera le pauvre qui appelle
et le malheureux sans recours.
Il aura souci du faible et du pauvre,
du pauvre dont il sauve la vie.

2ème lecture : « Il est maintenant révélé que les nations sont associées au même héritage, au partage de la même promesse » (Ep 3, 2-3a.5-6)
Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens

Frères, vous avez appris, je pense, en quoi consiste la grâce que Dieu m’a donnée pour vous : par révélation, il m’a fait connaître le mystère. Ce mystère n’avait pas été porté à la connaissance des hommes des générations passées, comme il a été révélé maintenant à ses saints Apôtres et aux prophètes, dans l’Esprit. Ce mystère, c’est que toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile.

Evangile : Nous sommes venus d’Orient adorer le roi (Mt 2, 1-12) 

Acclamation : Alléluia. Alléluia.
Nous avons vu son étoile à l’orient, et nous sommes venus adorer le Seigneur.
Alléluia. (cf. Mt 2, 2)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. Or, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui. » En apprenant cela, le roi Hérode fut bouleversé, et tout Jérusalem avec lui. Il réunit tous les grands prêtres et les scribes du peuple, pour leur demander où devait naître le Christ. Ils lui répondirent : « À Bethléem en Judée, car voici ce qui est écrit par le prophète : Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas le dernier parmi les chefs-lieux de Juda, car de toi sortira un chef, qui sera le berger de mon peuple Israël. » Alors Hérode convoqua les mages en secret pour leur faire préciser à quelle date l’étoile était apparue ; puis il les envoya à Bethléem, en leur disant : « Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant. Et quand vous l’aurez trouvé, venez me l’annoncer pour que j’aille, moi aussi, me prosterner devant lui. » Après avoir entendu le roi, ils partirent.
 Et voici que l’étoile qu’ils avaient vue à l’orient les précédait, jusqu’à ce qu’elle vienne s’arrêter au-dessus de l’endroit où se trouvait l’enfant. Quand ils virent l’étoile, ils se réjouirent d’une très grande joie. Ils entrèrent dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe.
 Mais, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.
Patrick BRAUD

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