L'homélie du dimanche (prochain)

29 septembre 2024

Le Royaume, l’enfant, et l’accueil

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Le Royaume, l’enfant, et l’accueil

 

Homélie pour le 27° Dimanche du Temps ordinaire / Année B
06/10/24

Cf. également :
À deux ne faire qu’Un
Le semblable par le semblable
L’adultère, la Loi et nous
L’homme, la femme, et Dieu au milieu
Le mariage et l’enfant : recevoir de se recevoir
L’Esprit, vérité graduelle
Qu’as-tu que tu n’aies reçu ?
 

 

Vers un hiver démographique en Europe

Les statistiques sont formelles : l’Europe ne renouvelle plus ses générations. Depuis 1975, la baisse du taux de fécondité touche tous les pays du continent, même la catholique Irlande autrefois championne des naissances. Si bien que le taux de renouvellement des générations, estimée à 2,1 enfant/femme, n’est plus atteint en France depuis longtemps.

Avec 1,67 enfant/femme, même en rajoutant le solde migratoire, la population française va inexorablement décliner d’ici la fin du siècle : 650 000 naissances environ pour 800 000 décès, soit un déficit annuel de 150 000 habitants.

Évolution du taux de fécondité en France

Évolution du taux de fécondité en France

Solde annuel naissances/décès en France

Solde annuel naissances/décès en France

 

 

À ce rythme-là, les prévisions annoncent sans coup férir ce que certains appellent un hiver démographique européen : le continent passera de 750 millions à 590 millions d’ici 2100. Les autres continents seront relativement stables, à la différence notable de l’Afrique qui gagnera 2,3 milliards d’habitants d’ici la fin du siècle ! 

Évolution de la population mondiale par continent

Évolution de la population mondiale par continent

Une étude de la revue The Lancet du 20/03/2024 donne une claire direction pour la population mondiale… Que l’on applique des politiques natalistes ou non. L’étude, clairement intitulée « La baisse spectaculaire des taux de natalité va transformer la planète d’ici à 2100 » entreprend la tâche de définir, pays par pays, région du monde par région du monde, comment les taux de fécondité vont évoluer. Et le tableau dressé s’énonce simplement : en 2100, il n’est pas un continent dont le taux de fertilité suffira à assurer le renouvellement des générations. Autrement dit, la décroissance démographique s’annonce, pour tous.

Évolution du taux de fertilité par continent

Évolution du taux de fertilité par continent

Devant ce constat inquiétant, le Président Emmanuel Macron a parlé de « réarmement démographique » dans sa conférence de presse télévisée du début d’année (16/01/2024). Évidemment, l’expression a fait bondir les féministes ! Non sans raison, car instrumentaliser la démographie comme une « arme » nous rappelle de mauvais souvenirs de « chair à canon » ou de « chair à usine ». Les États guerriers encouragent les naissances  pour grossir leurs armées, et hélas leurs cimetières.

L’enfant ne peut être une arme. Il ne peut être un objet d’exploitation comme autrefois auprès des machines dangereuses des usines du XIX° siècle, ou aujourd’hui dans les mines d’extraction du cobalt ou du lithium en Afrique et ailleurs.

 

Dans ce contexte démographique, la seconde partie de l’Évangile de ce dimanche (Mc 10,2‑16) résonne comme un appel solennel à réfléchir à l’accueil que nous réservons ou non à nos enfants, en famille, en société : « Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas, car le royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent. Amen, je vous le dis : celui qui n’accueille pas le royaume de Dieu à la manière d’un enfant n’y entrera pas ».

 

Pourquoi ne pas avoir d’enfant ?

Pourquoi le nombre de naissances est-il tombé aussi bas chez nous (678 000) ? Rappelons que dans le même temps, il y a environ 220 000 avortements chaque année en France : une grossesse sur 4 se termine par un IVG…

Le Royaume, l'enfant, et l'accueil dans Communauté spirituelle image-ne-pas-avoir-denfants-un-choix-qui-se-normalise-1000x1260La revues Parents a mené une enquête sur les raisons qui poussent les couples, les femmes tout particulièrement, à ne pas avoir d’enfant. Sans surprise, les raisons économiques sont déterminantes : 39 % des femmes invoquent le coût de la vie comme raison principale pour ne pas avoir d’enfant. Loin des idéologies libérales qui prétendent que l’individu fait des choix libres indépendamment de l’État, loin des philosophies féministes affirmant que chacune dispose de son corps à sa guise, force est de reconnaître que les conditions de vie matérielles priment sur les désirs individuels. Au lieu de s’en plaindre, il est plus intéressant d’y repérer un possible levier d’action : améliorer le pouvoir d’achat des familles avec enfants, les aides sociales (congés maternité, allocations, crèches, garderies  d’entreprises etc.) peuvent lever beaucoup de freins. C’est ce qu’exprimait – maladroitement ‑ le « réarmement démographique » prôné par Emmanuel Macon : l’État peut et doit agir. La France n’était-elle pas réputée au XX° siècle pour sa politique vigoureusement nataliste qui faisait d’elle (avec l’Irlande) une exception européenne en matière de fécondité ?

 

Dans une interview au magazine Elle le chef de l’État se disait interpellé par l’écart entre le taux de fécondité (1,7) et celui du désir d’enfants (2,3). « Il y a donc de nombreux couples qui souhaitent devenir parents et ne réalisent pas ce souhait. Il ne faut pas culpabiliser celles qui ne veulent pas avoir d’enfant, mais il ne faut pas que la mauvaise organisation de notre société empêche des femmes, des familles d’en avoir si elles le souhaitent », a-t-il résumé. Et il disait alors vouloir réformer les congés maternité, mais aussi lutter contre l’infertilité grandissante (check-up, PMA, conservation d’ovocytes etc.).

Agir sur les difficultés financières qui découragent d’avoir un enfant est donc un devoir d’État. Accueillir nos enfants ne relève pas que du libre arbitre de chacune.

 

La deuxième raison pour rester sans enfant qui apparaît dans l’enquête de la revue Parents est la peur de l’avenir, pour 37 % de femmes interrogées. Lorsque cette peur de l’avenir paralyse au point de ne plus vouloir inviter d’autres êtres humains à partager l’aventure de la vie, une désespérance généralisée s’installe qui conduit en pratique à un quasi suicide collectif. Par peur de vivre mal, on choisit – pour d’autres – de ne pas vivre ! La vieille Europe est ici son propre bourreau, alors que l’Afrique on l’a vu passera de 1,5 à 3,8 milliards d’habitants. Contraste étonnant : la désespérance européenne est le fait d’une population riche, éduquée, avec une espérance de vie record ; à la différence de celle du continent africain. Les raisons de cette peur de l’avenir européenne sont multiples : crainte de la précarité financière, du déclassement social, coût de l’éducation trop élevé etc.

 

À côté de ces raisons financières, nombre de femmes met également en avant des causes culturelles, philosophiques, personnelles. 28% expliquent préférer côtoyer les enfants en tant que tante plutôt que parent, 27% évoquent la surpopulation, 26% estiment qu’avoir des enfants peut rentrer en conflit avec leurs désirs ou objectifs de vie, 24% assument prioriser leur carrière professionnelle, 23% évoquent les changements climatiques (éco-anxiété), 21% un manque d’intérêt et 20% justifient leur choix par le fait de ne pas apprécier les enfants. Certaines répondantes évoquent aussi un aspect “égoïste”, une “peur d’être une mauvaise mère”, une peur des “changements dans le corps” ou de l’accouchement.

 

Faire un enfant ou l’accueillir ?

Le point commun entre toutes ces causes de la baisse de la fécondité est la volonté de maîtriser le destin de l’enfant à naître. Combien de fois n’avons-nous pas entendu cet argument apparemment généreux : pourquoi faire un enfant s’il va être malheureux ensuite ? (en raison de toutes les causes évoquées ci-dessus). Argument redoutable, qui frise l’eugénisme sans le savoir : pourquoi laisser se développer un enfant handicapé alors que son existence va être un calvaire ? Mieux vaudrait la non-vie plutôt que la douleur prévisible…

Gabrielzinho, triple médaillé paralympique

Gabrielzinho, triple médaillé paralympique

Mais qui peut prétendre maîtriser absolument le destin d’un petit être humain ? Qui peut prédire ce qu’il va devenir ? Beethoven était fils d’un alcoolique, brute notoire, et d’une mère tuberculeuse. Steve Jobs a été abandonné à sa naissance par un père syrien et une mère célibataire. Plus près de nous, les Jeux paralympiques de Paris 2024 nous ont montré des athlètes étonnants, comme ce nageur brésilien Gabrielzinho né sans bras, mesurant 1,22m, avec deux petites jambes difformes, devenu pourtant triple médaillé or paralympique à Paris…

Depuis Descartes, la culture européenne a pour projet de nous faire devenir « maître et possesseur de la nature ». Cela déteint sur l’enfant, qui devient un « projet parental » et non un être à accueillir, une réussite à programmer et non la confiance en une potentialité propre. Une certaine mentalité contraceptive nous a déjà habitué à « faire » un enfant quand nous le voulons, comme on commande sur Amazon . Si ce n’est pas le bon moment, mieux vaut l’éliminer… La peur de l’avenir nous pousse à fabriquer l’enfant à venir : il doit être à l’abri de tout risque, sa voie doit être tracée par le désir parental, la société doit répondre à certains critères pour qu’il s’y insère etc.

 

Or dans la foi chrétienne, l’enfant n’est pas à faire, mais à accueillir. Le rituel du sacrement de mariage le dit avec discrétion :

« Êtes-vous prêts à accueillir les enfants que Dieu vous donnera et à les éduquer selon l’Évangile du Christ et dans la foi de l’Église ? » (dialogue initial avec les futurs mariés).

 

Accueillir un enfant, c’est le laisser venir à la vie même lorsque les parents ne l’ont pas programmé, même s’il est handicapé, même s’il naît en milieu pauvre ou difficile. Faire un enfant, c’est le soumettre à un rêve parental, aux critères de réussite et de survie imposés  par la mère et/ou le père.

Dans notre Évangile, Jésus demande d’accueillir le Royaume de Dieu comme on accueille un enfant. Il est alors logique une culture qui accueille peu d’enfants s’éloigne d’elle-même de cet Évangile. Si nous ne savons pas accueillir, mais seulement faire, fabriquer, programmer, ne nous étonnons pas d’être très éloignés du Royaume de Dieu !

 

Comme un enfant sait accueillir

La phrase de Jésus peut également se comprendre ainsi : accueillez le Royaume comme un enfant sait accueillir ce qui lui est donné, avec joie et gratitude, sans chercher à mériter le cadeau qui lui est fait, heureux d’être aimé pour lui-même et non pour ce qu’il a fait. Ce que Jésus loue dans cet enfant placé au milieu du cercle des disciples n’est pas sa soi-disant innocence ou sa soi-disant pureté. Jésus sait bien que « le cœur de l’homme est compliqué et malade » (Jr 17,9-10), dès sa naissance. Il n’idéalise pas la condition enfantine. Il sait  bien avant Freud que l’enfant a une « prédisposition perverse polymorphe », parce qu’il est  en voie de construction de lui-même. Le Christ dit que le Royaume de Dieu est ouvert aux pécheurs, que lui-même est venu non pas pour les bien-portants, mais pour les malades. Il n’y a pas besoin d’être pur pour entrer dans les Royaume, juste d’accepter la grâce.

 

COPY_istock-1209620037-1713972362 accueil dans Communauté spirituelleAccueillir un enfant, c’est accueillir une promesse. Un enfant croît et se développe. C’est ainsi que le règne de Dieu n’est jamais sur terre une réalité achevée, mais une promesse, une dynamique et une croissance inachevée. Et les enfants sont imprévisibles. Dans le récit d’Évangile, ils arrivent quand ils arrivent, et de toute évidence ce n’est pas au bon moment selon les disciples qui les rabrouent. Mais Jésus insiste qu’il faut les accueillir puisqu’ils sont là. C’est ainsi qu’il nous faut accueillir la présence de Dieu quand elle se présente, que ce soit au bon ou au mauvais moment. Il faut jouer le jeu. Accueillir le règne de Dieu comme on accueille un enfant, c’est veiller et prier pour l’accueillir quand il vient, toujours à l’improviste, à temps ou à contretemps.

L’enfant n’est pas aimé pour ce qu’il parvient à faire, mais parce qu’il est. Notre amour pour nos enfants démontre l’absurdité de la théologie des œuvres. L’accueil que Dieu nous réserve n’est pas conditionné par ce que nous avons fait ou ce que nous faisons.

 

Voilà pourquoi il nous faut « changer pour devenir comme des petits enfants », comme l’écrira Mathieu (Mt 18,3-5). Changer pour devenir, et non pas régresser pour reproduire un état initial. Enfantin n’est pas infantile. L’enfance spirituelle est devant nous, pas derrière. Elle est cette capacité à accueillir sans chercher pourquoi, sans vouloir être à la hauteur, simplement pour la joie d’être aimé inconditionnellement.

Marie est l’archétype de cet enfance-là : elle se laisse appeler alors qu’elle ne demandait rien, elle se laisse choisir alors que rien ne la distingue des autres, elle devient mère sans effort, sinon dire oui.

Cette petite voie de l’enfance spirituelle chère à Thérèse de Lisieux a de quoi révolutionner nos approches de la fécondité ! Devenir fécond n’est pas d’abord une construction, un travail, un mérite, un projet. C’est une réussite qui nous est donnée gratuitement, « par-dessus le marché » (Mt 6,33), lorsque nous savons accueillir le don qui nous a fait.

 

Le self-made-man s’enrichit, mais s’éloigne du Royaume.

Une morale vertueuse faite d’efforts, de sacrifices, d’ascèse rapproche d’un idéal mais éloigne du Royaume.

Une boulimie d’actions en tous genres (même humanitaires, associatives ou ecclésiales !) trahit l’angoisse de qui veut faire son salut au lieu de le recevoir.

Apprendre à accueillir comme un enfant remet en cause bien des courses au succès, à la réputation, au palmarès… Rien ne sert de remplir ses greniers à ras-bords (Lc 12,16-28)  pour être content de sa réussite.

Rappelez-vous : « Dieu comble son bien-aimé quand il dort » (Ps 126,2) …

 

Cette semaine, faites cette expérience de pensée : placez visuellement dans votre tête un enfant au milieu du cercle de vos collègues (pendant une réunion, une discussion autour d’un café etc.), de votre famille, de vos amis. Laissez alors cet enfant vous questionner et interroger vos pratiques : que peut accueillir cet enfant de son entourage ? Qu’est-ce que cela va produire en lui ?

 

 

Lectures de la messe


Première lecture
« Tous deux ne feront plus qu’un » (Gn 2, 18-24)


Lecture du livre de la Genèse

Le Seigneur Dieu dit : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Je vais lui faire une aide qui lui correspondra. » Avec de la terre, le Seigneur Dieu modela toutes les bêtes des champs et tous les oiseaux du ciel, et il les amena vers l’homme pour voir quels noms il leur donnerait. C’étaient des êtres vivants, et l’homme donna un nom à chacun. L’homme donna donc leurs noms à tous les animaux, aux oiseaux du ciel et à toutes les bêtes des champs. Mais il ne trouva aucune aide qui lui corresponde. Alors le Seigneur Dieu fit tomber sur lui un sommeil mystérieux, et l’homme s’endormit. Le Seigneur Dieu prit une de ses côtes, puis il referma la chair à sa place. Avec la côte qu’il avait prise à l’homme, il façonna une femme et il l’amena vers l’homme. L’homme dit alors : « Cette fois-ci, voilà l’os de mes os et la chair de ma chair ! On l’appellera femme – Ishsha –, elle qui fut tirée de l’homme – Ish. » À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un.


Psaume
(Ps 127 (128), 1-2, 3, 4-6)
R/ Que le Seigneur nous bénisse tous les jours de notre vie !
 (cf. Ps 127, 5ac)


Heureux qui craint le Seigneur
et marche selon ses voies !
Tu te nourriras du travail de tes mains :
Heureux es-tu ! À toi, le bonheur !


Ta femme sera dans ta maison
comme une vigne généreuse,
et tes fils, autour de la table,
comme des plants d’olivier.


Voilà comment sera béni l’homme qui craint le Seigneur.
De Sion, que le Seigneur te bénisse !
Tu verras le bonheur de Jérusalem tous les jours de ta vie,
et tu verras les fils de tes fils. Paix sur Israël.


Deuxième lecture
« Celui qui sanctifie et ceux qui sont sanctifiés doivent tous avoir même origine » (He 2, 9-11)


Lecture de la lettre aux Hébreux

Frères, Jésus, qui a été abaissé un peu au-dessous des anges, nous le voyons couronné de gloire et d’honneur à cause de sa Passion et de sa mort. Si donc il a fait l’expérience de la mort, c’est, par grâce de Dieu, au profit de tous. Celui pour qui et par qui tout existe voulait conduire une multitude de fils jusqu’à la gloire ; c’est pourquoi il convenait qu’il mène à sa perfection, par des souffrances, celui qui est à l’origine de leur salut. Car celui qui sanctifie et ceux qui sont sanctifiés doivent tous avoir même origine ; pour cette raison, Jésus n’a pas honte de les appeler ses frères.


Évangile
« Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! » (Mc 10, 2-16) Alléluia. Alléluia.
Si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous ; en nous, son amour atteint la perfection. Alléluia. (1 Jn 4, 12)


Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, des pharisiens abordèrent Jésus et, pour le mettre à l’épreuve, ils lui demandaient : « Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? » Jésus leur répondit : « Que vous a prescrit Moïse ? » Ils lui dirent : « Moïse a permis de renvoyer sa femme à condition d’établir un acte de répudiation. » Jésus répliqua : « C’est en raison de la dureté de vos cœurs qu’il a formulé pour vous cette règle. Mais, au commencement de la création, Dieu les fit homme et femme. À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux deviendront une seule chair. Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! » De retour à la maison, les disciples l’interrogeaient de nouveau sur cette question. Il leur déclara : « Celui qui renvoie sa femme et en épouse une autre devient adultère envers elle. Si une femme qui a renvoyé son mari en épouse un autre, elle devient adultère. »
Des gens présentaient à Jésus des enfants pour qu’il pose la main sur eux ; mais les disciples les écartèrent vivement. Voyant cela, Jésus se fâcha et leur dit : « Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas, car le royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent. Amen, je vous le dis : celui qui n’accueille pas le royaume de Dieu à la manière d’un enfant n’y entrera pas. » Il les embrassait et les bénissait en leur imposant les mains.
Patrick BRAUD

 

 

 

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26 décembre 2018

Qu’as-tu que tu n’aies reçu ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 8 h 00 min

Qu’as-tu que tu n’aies reçu ?

Homélie pour la fête de la Sainte Famille / Année C
30/12/2018

Cf. également :
Aimer nos familles « à partir de la fin »
Une sainte famille « ruminante »
Fêter la famille, multiforme et changeante
La vieillesse est un naufrage ? Honore-la !
La Sainte Famille : le mariage homosexuel en débat
Personne dans la famille ne porte ce nom-là
Une famille réfugiée politique
Familles, je vous aime?


Des enfants OGM ?
L’annonce du docteur He Jiankui a fait grand bruit ce 26/11/2018. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, ce chercheur chinois (biologiste à l’Université des sciences et des technologies du sud de la ville de Shenzhen) a réussi à modifier l’ADN de deux  fœtus lors d’une fécondation in vitro, afin de les rendre inattaquables par le virus du sida. Cette modification de leurs gènes suivra Lulu et Nana – ce sont leurs prénoms – toute leur vie, et il se transmettra de façon héréditaire. L’intention humaniste est plausible : préserver du sida (mais il y a d’autres techniques, moins intrusives). L’intention scientifique est claire : pourquoi ne pas explorer cette voie de modification de la nature puisque la nature nous le permet ? Et puis on le sait bien : ce qui est techniquement possible sera tôt ou tard expérimenté et réalisé.

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Le tollé général qui a suivi cette annonce pose à nouveau une vieille question philosophique : a-t-on le droit de modifier notre façon de faire des enfants, notre humanité même, fût-ce au nom du soi-disant mieux-être des enfants ainsi transformés ? La question de l’eugénisme n’est pas loin. Faut-il s’en étonner d’ailleurs ? La fécondité maîtrisée grâce à la contraception donne déjà le choix d’avoir ou de ne pas avoir l’enfant. Et s’il y a des ratés, l’avortement est là pour rattraper l’erreur. Déclarer légitime la suppression d’une vie à naître parce qu’il n’y aurait plus de désir parental ouvre la voie aux autres éliminations d’enfants à naître non conformes. Ainsi le risque d’attendre un enfant autiste, trisomique ou handicapé moteur suffit à autoriser l’IVG, en toute bonne conscience puisque cet acte est désormais présenté comme un droit de l’homme (par l’Occident a-religieux du moins). Le pape ou d’autres autorités morales ont beau élever la voix régulièrement contre cette « culture de mort » (Jean-Paul II), rien n’y fait. Alors pourquoi pas la sélection et l’amélioration des enfants à naître ?

Les termes de ce débat résonnent à nos oreilles de façon horrible, car les nazis et les soviétiques et bien d’autres pouvoirs totalitaires se sont engagés dans cette voie pour contrôler et manipuler leurs populations.

À l’autre extrémité, on rencontre également des jeunes adultes qui prennent au pied de la lettre une étude fracassante de 2017 dont l’AFP s’est fait l’écho, selon laquelle la meilleure façon de lutter contre la dégradation écologique est … d’avoir un enfant en moins ! Ces militants d’un nouveau genre refusent de devenir parents, pour mieux sauver la planète…

Impact écologique


Anne, ou l’enfant-don
Cette conception de l’enfant fabriqué, modelé ou évité selon le désir parental est à mille lieues de la vision symbolique de la famille que nous fêtons ce dimanche. La première lecture est suffisamment éloquente à cet égard (1S 1, 20-28).

Plus de mille ans avant Jésus-Christ, Anne et Elcana forment un couple uni mais qui a visiblement du mal à devenir fécond. Beaucoup de couples contemporains s’y reconnaîtront, car l’hypo-fécondité a progressé statistiquement de façon spectaculaire dans les pays riches. Les raisons en sont multiples : stress quotidien, hygiène de vie, conséquences de la contraception chimique, perte de qualité du sperme, unions tardives etc. Pour Anne et Elcana, nous ne savons rien des causes de leur stérilité apparente. Nous savons seulement qu’ils ne désespèrent pas, et renouvellent sans cesse à Dieu leur demande. Certains vous diront que la fécondité se joue d’abord dans la tête, et que donc la prière répétée peut créer les conditions favorables au lâcher-prise nécessaire à la réussite de la fécondation. Effet placebo de la prière ? Pourquoi pas, si c’est efficace ! Bien des couples pourraient vous raconter qu’ils ont conçu – enfin ! – lors d’une retraite dans un monastère, d’un séjour dépaysant hors de chez eux, d’une période de lâcher-prise par rapport à l’obsession de mettre au monde. Au fond, c’est lorsque la préoccupation a disparu du champ affectif et intellectuel qu’on a le plus de chances de la réaliser… On retrouve encore et toujours le caractère illucide de nos actes les plus forts, les plus saints.

Accueillir l’enfant comme un don (de Dieu) est pour Anne et Elcana la base de leur responsabilité parentale. La planification, puis la fabrication et la projection sur l’enfant des attentes parentales est l’exact mouvement inverse.

Accueillir ou fabriquer la vie ? Chaque couple est tenté de panacher sa réponse selon la période traversée. Les sociétés occidentales sont tentées par la deuxième réponse plus que la première, et mettent en pratique tout en œuvre pour que cela soit possible, autorisé, légitimé.

Fêter la Sainte Famille, c’est rappeler à contretemps que le don est à l’origine de la vie. « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? » s’exclame Paul (1Co 4,7), pourtant travailleur acharné et limite volontariste, qui aurait pu se prévaloir de ses mérites.

D’ailleurs, Anne et Elcana ont tellement intériorisé cette spiritualité de l’accueil du don reçu qu’ils pratiquent en retour ce que l’anthropologue Marcel Mauss appelle le contre-don. Ils ne referment pas la main sur Samuel, en disant : ‘merci pour notre enfant ; nous allons maintenant l’élever comme le voulions’.

Le père, Elcana, va offrir au sanctuaire le sacrifice (animal) rituel « pour s’acquitter du vœu de la naissance de l’enfant ». C’est une première démarche de reconnaissance, de gratitude. Mais Elcana risque de rester prisonnier du donnant-donnant. ‘Tu m’as donné Samuel ; je te donne un bœuf en sacrifice : on est quitte, je peux prendre possession de mon enfant’.

Samuel1 Anne dans Communauté spirituelleAlors la mère, Anne, va plus loin. Le vrai sacrifice (contre-don) n’est pas d’offrir un animal de substitution, mais de se déposséder soi-même, afin de ne pas posséder le don reçu (Samuel) mais de le remettre en jeu (en « je ») en acceptant de ne pas le diriger. Anne a l’audace de réfuter la vieille logique sacrificielle de la substitution pour celle de la non-possession. Certes elle apporte un taureau, de la farine et du vin pour ne pas choquer les autorités religieuses et satisfaire apparemment au rite, mais elle en  subvertit profondément le sens en désignant en fait son fils tant attendu comme la véritable offrande : « à mon tour je le donne au Seigneur pour qu’il en dispose. Il demeurera à la disposition du Seigneur tous les jours de sa vie ».

Elle rejoint en cela Abraham qui accepte de ne pas maîtriser le destin de son fils unique donné par Dieu de manière improbable dans sa vieillesse. Elle sera rejointe en cela par Marie, qui ne refermera pas son amour sur Jésus mais acceptera qu’il se livre au monde entier, hors de son emprise maternelle.

economie-du-donÊtre mère consistera pour Anne – paradoxalement - à confier Samuel un autre (Éli), de peur que son désir maternel ne l’étouffe, et pour que Dieu puisse parler à Samuel sans écran parental. Éli, autorité quasi paternelle, saura reconnaître et accepter qu’un autre parle à Samuel d’une mission prophétique dont lui – Éli - n’est pas la source :

« Eli comprit que c’était Yahvé qui appelait l’enfant, et il dit à Samuel: « Va te coucher et, si on t’appelle, tu diras : Parle, Yahvé, car ton serviteur écoute », et Samuel alla se coucher à sa place ». (1S 3,9)

Merveilleuse histoire d’Anne et de Samuel, non pas au sens d’un merveilleux magique, car la conception de Samuel fut très naturelle : « Elcana s’unit à Anne et Anne conçut », mais au sens où la non possession fait des merveilles dans nos vies. Le cantique d’Anne (1S 2, 1-10) chantant ces merveilles a bien sûr inspiré le cantique de Marie dans son Magnificat chantant des merveilles semblables en reprenant exactement les mêmes mots.

La non-possession parentale permet d’accueillir le don de Dieu, par essence imprévu. Elle nous presse de ne pas garder pour nous le don reçu, mais de le faire circuler auprès des autres. Elle nous invite à demander sans cesse sans pour autant accumuler pour nous.

 

Demander pour nos familles

C’est peut-être la note finale sur laquelle méditer pour fêter la Sainte-Famille :
Que demandons-nous à Dieu / aux autres ?

Avons-nous la persévérance d’Anne pour demander sans cesse alors que nous sommes apparemment stériles dans tel ou tel domaine de notre vie ?

Comment porterons-nous nos familles dans la prière, jusqu’à ce que nos comportements en soient transformés ?

 don


Lectures de la messe

Première lecture
« Samuel demeurera à la disposition du Seigneur tous les jours de sa vie » (1 S 1, 20-22.24-28)

Lecture du premier livre de Samuel

Elcana s’unit à Anne sa femme, et le Seigneur se souvint d’elle. Anne conçut et, le temps venu, elle enfanta un fils ; elle lui donna le nom de Samuel (c’est-à-dire : Dieu exauce) car, disait-elle, « Je l’ai demandé au Seigneur. » Elcana, son mari, monta au sanctuaire avec toute sa famille pour offrir au Seigneur le sacrifice annuel et s’acquitter du vœu pour la naissance de l’enfant. Mais Anne n’y monta pas. Elle dit à son mari : « Quand l’enfant sera sevré, je l’emmènerai : il sera présenté au Seigneur, et il restera là pour toujours. » Lorsque Samuel fut sevré, Anne, sa mère, le conduisit à la maison du Seigneur, à Silo ; l’enfant était encore tout jeune. Anne avait pris avec elle un taureau de trois ans, un sac de farine et une outre de vin. On offrit le taureau en sacrifice, et on amena l’enfant au prêtre Éli. Anne lui dit alors : « Écoute-moi, mon seigneur, je t’en prie ! Aussi vrai que tu es vivant, je suis cette femme qui se tenait ici près de toi pour prier le Seigneur. C’est pour obtenir cet enfant que je priais, et le Seigneur me l’a donné en réponse à ma demande. À mon tour je le donne au Seigneur pour qu’il en dispose. Il demeurera à la disposition du Seigneur tous les jours de sa vie. » Alors ils se prosternèrent devant le Seigneur.

Psaume
(Ps 83 (84), 2-3, 5-6, 9-10)
R/ Heureux les habitants de ta maison, Seigneur !
(Ps 83, 5a)

De quel amour sont aimées tes demeures,
Seigneur, Dieu de l’univers.
Mon âme s’épuise à désirer les parvis du Seigneur ;
mon cœur et ma chair sont un cri vers le Dieu vivant !

Heureux les habitants de ta maison :
ils pourront te chanter encore !
Heureux les hommes dont tu es la force :
des chemins s’ouvrent dans leur cœur !

Seigneur, Dieu de l’univers, entends ma prière ;
écoute, Dieu de Jacob.
Dieu, vois notre bouclier,
regarde le visage de ton messie.

Deuxième lecture
« Nous sommes appelés enfants de Dieu – et nous le sommes » (1 Jn 3, 1-2.21-24)

Lecture de la première lettre de saint Jean

Bien-aimés, voyez quel grand amour nous a donné le Père pour que nous soyons appelés enfants de Dieu – et nous le sommes. Voici pourquoi le monde ne nous connaît pas : c’est qu’il n’a pas connu Dieu. Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Nous le savons : quand cela sera manifesté, nous lui serons semblables car nous le verrons tel qu’il est.
Bien-aimés, si notre cœur ne nous accuse pas, nous avons de l’assurance devant Dieu. Quoi que nous demandions à Dieu, nous le recevons de lui, parce que nous gardons ses commandements, et que nous faisons ce qui est agréable à ses yeux.
Or, voici son commandement : mettre notre foi dans le nom de son Fils Jésus Christ, et nous aimer les uns les autres comme il nous l’a commandé. Celui qui garde ses commandements demeure en Dieu, et Dieu en lui ; et voilà comment nous reconnaissons qu’il demeure en nous, puisqu’il nous a donné part à son Esprit.

Évangile
« Les parents de Jésus le trouvèrent au milieu des docteurs de la Loi » (Lc 2, 41-52)
Alléluia. Alléluia.
Seigneur, ouvre notre cœur pour nous rendre attentifs aux paroles de ton Fils. Alléluia. (cf. Ac 16, 14b)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Chaque année, les parents de Jésus se rendaient à Jérusalem pour la fête de la Pâque. Quand il eut douze ans, ils montèrent en pèlerinage suivant la coutume. À la fin de la fête, comme ils s’en retournaient, le jeune Jésus resta à Jérusalem à l’insu de ses parents. Pensant qu’il était dans le convoi des pèlerins, ils firent une journée de chemin avant de le chercher parmi leurs parents et connaissances. Ne le trouvant pas, ils retournèrent à Jérusalem, en continuant à le chercher.
C’est au bout de trois jours qu’ils le trouvèrent dans le Temple, assis au milieu des docteurs de la Loi : il les écoutait et leur posait des questions, et tous ceux qui l’entendaient s’extasiaient sur son intelligence et sur ses réponses. En le voyant, ses parents furent frappés d’étonnement, et sa mère lui dit : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois comme ton père et moi, nous avons souffert en te cherchant ! » Il leur dit : « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? » Mais ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait.
Il descendit avec eux pour se rendre à Nazareth, et il leur était soumis. Sa mère gardait dans son cœur tous ces événements. Quant à Jésus, il grandissait en sagesse, en taille et en grâce, devant Dieu et devant les hommes.

Patrick BRAUD

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