L'homélie du dimanche (prochain)

18 septembre 2017

Le contrat ou la grâce ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Le contrat ou la grâce ?

Homélie du 25° Dimanche ordinaire / Année A
24/09/2017

Cf. également :

Personne ne nous a embauchés
Les ouvriers de la 11° heure
Nourriture contre travail ?
Aimer Dieu comme on aime une vache ?
Le pourquoi et le comment
Le but est déjà dans le chemin


Des dollars ou des pizzas ?

Connaissez-vous cette expérience célèbre sur la théorie de la motivation, maintes fois répétée sous plusieurs formes ?

Le contrat ou la grâce ? dans Communauté spirituelle 25053-clip-art-graphic-of-a-cheese-pizza-slice-cartoon-character-holding-a-dollar-bill-by-toons4bizDan Ariely [1], chercheur en psychologie de la Duke University (USA, Caroline du Nord), a mené une petite expérience de motivation auprès de travailleurs d’une usine de fabrication de semi-conducteurs Intel en Israël, que relate le site du New York Times. Les salariés d’un premier groupe se voyaient proposer une prime d’environ 30 dollars s’ils réalisaient leurs objectifs de la journée (assembler le plus possible de puces d’ordinateur), un second, les félicitations du boss et un troisième, des pizzas. Enfin, un groupe de contrôle n’a reçu aucune incitation avant de démarrer sa journée de travail.

À l’issue de la première journée de travail, les salariés auxquels on avait promis des pizzas avaient atteint la plus forte hausse de leur productivité : 6,7% de plus que le groupe de contrôle. Ils devançaient de justesse ceux auxquels on avait promis de les complimenter, alors que ceux qui attendaient un bonus financier n’avaient connu une augmentation de leur productivité de seulement 4,9%.

La partie la plus intéressante de l’expérience vient ensuite : la performance des salariés qui étaient motivés par la promesse de la prime a décliné continuellement au cours de la semaine, au point d’aboutir à une productivité moindre que celle du groupe de contrôle : en d’autres termes, le chercheur s’est rendu compte qu’il valait mieux ne rien promettre plutôt qu’un bonus financier ! L’efficacité des motivations extrinsèques (augmentation de salaire, promotion ou de bonus financier), tend à décroître plus rapidement que celles des motivations intrinsèques (pizzas = plaisir, convivialité ; félicitations = reconnaissance).

Ce test un peu farfelu rejoint en fait dans ses conclusions une loi désormais bien connue dans la théorie de la motivation [2] (mais fort peu appliquée hélas dans des entreprises !) : s’il n’est pas assez élevé, le salaire est un facteur de démotivation ; au-dessus du seuil du marché, le salaire, les primes, les bonus financiers non seulement ne sont plus motivants, mais deviennent contre-performants ! Ce qui motive les salariés, c’est bien davantage la convivialité, le plaisir (pizza) et la reconnaissance (les encouragements) que la seule contrepartie financière. Si les entreprises connaissaient et appliquaient cette loi comportementale, alors le salaire de base augmenterait, les primes disparaîtraient, la reconnaissance et le plaisir au travail prendraient le relais…

 

Le contrat ou la grâce ?

Revenons à notre parabole des ouvriers de la 11° heure d’aujourd’hui (Mt 20, 1-16).

th-330x330-picto_contrat_travail-orange.png Ariely dans Communauté spirituelleLes premiers embauchés conviennent avec le maître de la vigne d’un salaire d’un denier par jour. Ils vivent sous le régime du contrat, ici un contrat de travail journalier. Dans nos sociétés industrielles, nous avons rendu obligatoire cette démarche contractuelle : pas de travail sans contrat (CDI, CDD, temps partiel, temps complet, alternance, professionnalisation, contrat de mission…). Sinon c’est du travail au noir, illégal. Héritiers du droit romain, nous avons contractualisé la plupart de nos relations : le mariage (contrat avec séparation de biens ou communauté réduite aux acquêts etc.), la justice (on signe un contrat avec son avocat), la banque, un syndic d’immeubles, une assurance… Le droit dit d’ailleurs que le contrat de travail établit une relation de subordination entre l’employeur et l’employé.

Les humains sont ainsi : ils ont besoin de sécurité, d’un cadre fixé à l’avance, de jouer donnant-donnant.

Mais Dieu n’agit pas comme les humains ! Isaïe nous le rappelait dans la première lecture (Is 55, 6-9) :

« Mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos chemins ne sont pas mes chemins, oracle du Seigneur. Autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes chemins sont élevés au-dessus de vos chemins, et mes pensées, au-dessus de vos pensées ».

Le maître de la vigne ne se laisse pas enfermer dans la dictature contractuelle ! Quand il embauche les ouvriers de la 11° heure, il ne leur promet rien, il ne convient de rien avec eux. Les chômeurs réagissent du coup de même : trop heureux d’échapper à l’oisiveté (mère de tous les vices…), ils font confiance et acceptent d’aller à la vigne sans savoir quel sera leur salaire. Motivés par la reconnaissance et l’encouragement (cf. le test des pizzas !) plus que par le salaire, ils font l’expérience d’un régime gracieux, où la motivation première n’est plus l’argent, mais la confiance mutuelle et le fait même de travailler. Pas de subordination en Dieu !

Bien sûr, il faut pour cela que le maître ne soit pas paternaliste à la manière du XIX° siècle, mais Père à la manière divine ! Il faut également que le travail soit suffisamment intéressant, épanouissant, source de plaisir et de passion pour que les salariés se donnent sans calculs financiers. À la fin de la journée, Dieu rémunère chacun selon le mode de son embauche : sous le régime du contrat pour les premiers, sous le signe de la grâce (surabondance) pour les derniers.

On peut penser que chacun choisit son mode d’embauche : celui qui veut travailler pour une récompense négociera son contrat embauche et sera traité comme un contractuel ; celui qui s’engage par passion et avec confiance sera traité avec grâce. Et en français la grâce signifie la gratuité, l’élégance, le pardon (gracier), le remerciement (action de grâces), les faveurs bienveillantes (obtenir les grâces de quelqu’un).

Grace_wordle chômqageLes croyants qui veulent obtenir de Dieu des avantages en échange de leur foi choisissent eux-mêmes de s’embaucher sous le signe du contrat. Ils comptent bien obtenir de Dieu (par la prière, les pèlerinages, les actions morales etc.) la santé, la réussite, la prospérité etc. Maître Eckhart disait d’eux avec humour : « ils aiment Dieu comme on aime une vache : pour le lait et la viande qu’on peut en tirer… ». Ils réduisent la foi à une relation marchande; c’est pourquoi Jésus constate amèrement : « ils ont touché leur récompense » (Mt 6,2;5), et donc ils ne recevront plus rien…

Les « derniers » de la parabole ignorent tout de ces arguties contractuelles. Ce n’est plus leur question. Au chômage depuis trop longtemps, ils désespèrent, et voient dans l’appel du maître de la vigne une opportunité pour sortir de leur condition. Ils n’ont pas le cœur à marchander, à négocier : trop heureux de retrouver une utilité sociale, ils font confiance à ce maître dont la réputation est d’être bon en plus d’être juste.

Les Pères de l’Église verront dans ces derniers de la parabole les païens, les non-juifs à qui le Christ propose de rejoindre les juifs dans la nouvelle Alliance. Ou bien ils interpréteront les différentes embauches comme les âges de la vie, de la jeunesse le matin (6h) à la vieillesse la 11° heure (17 h), signifiant par là qu’à tout âge on peut se convertir. Ajoutons à ces interprétations celle du contrat et de la grâce : il dépend de nous de choisir comment et pourquoi aller travailler à la vigne du Seigneur.

Certains le feront par calcul, par intérêt. Soyons de ceux qui vont travailler « sans pourquoi », selon la sublime image d’Angélus Silesius (« la rose fleurit sans pourquoi »), sans attendre de récompense. Tout ce qui sera reçu le sera alors en surabondance, « par-dessus le marché » comme dirait Jésus lui-même.

Et si nous faisons l’expérience pour notre foi de vivre sous le signe de la grâce plutôt que sous le régime du contrat, peut-être cela déteindra-t-il sur nos autres relations de travail professionnel, associatif, citoyen, voire même familial, amical… ?

Choisissons les pizzas plutôt que les dollars !

 

 

Lectures de la messe
Première lecture
« Mes pensées ne sont pas vos pensées » (Is 55, 6-9)
Lecture du livre du prophète Isaïe
Cherchez le Seigneur tant qu’il se laisse trouver ; invoquez-le tant qu’il est proche. Que le méchant abandonne son chemin, et l’homme perfide, ses pensées ! Qu’il revienne vers le Seigneur qui lui montrera sa miséricorde, vers notre Dieu qui est riche en pardon. Car mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos chemins ne sont pas mes chemins, – oracle du Seigneur. Autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes chemins sont élevés au-dessus de vos chemins, et mes pensées, au-dessus de vos pensées.

Psaume
(Ps 144 (145), 2-3, 8-9, 17-18)
R/ Proche est le Seigneur de ceux qui l’invoquent. (cf. Ps 144, 18a)

Chaque jour je te bénirai,
je louerai ton nom toujours et à jamais.
Il est grand, le Seigneur, hautement loué ;
à sa grandeur, il n’est pas de limite.

Le Seigneur est tendresse et pitié,
lent à la colère et plein d’amour ;
la bonté du Seigneur est pour tous,
sa tendresse, pour toutes ses œuvres.

Le Seigneur est juste en toutes ses voies,
fidèle en tout ce qu’il fait.
Il est proche de tous ceux qui l’invoquent,
de tous ceux qui l’invoquent en vérité.

Deuxième lecture
« Pour moi, vivre c’est le Christ » (Ph 1, 20c-24.27a)
Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens
Frères, soit que je vive, soit que je meure, le Christ sera glorifié dans mon corps. En effet, pour moi, vivre c’est le Christ, et mourir est un avantage. Mais si, en vivant en ce monde, j’arrive à faire un travail utile, je ne sais plus comment choisir. Je me sens pris entre les deux : je désire partir pour être avec le Christ, car c’est bien préférable ; mais, à cause de vous, demeurer en ce monde est encore plus nécessaire.
Quant à vous, ayez un comportement digne de l’Évangile du Christ.

Évangile
« Ton regard est-il mauvais parce que moi, je suis bon ? » (Mt 20, 1-16)
Alléluia. Alléluia. La bonté du Seigneur est pour tous, sa tendresse, pour toutes ses œuvres : tous acclameront sa justice. Alléluia. (cf. Ps 144, 9.7b)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
En ce temps-là, Jésus disait cette parabole à ses disciples : « Le royaume des Cieux est comparable au maître d’un domaine qui sortit dès le matin afin d’embaucher des ouvriers pour sa vigne. Il se mit d’accord avec eux sur le salaire de la journée : un denier, c’est-à-dire une pièce d’argent, et il les envoya à sa vigne. Sorti vers neuf heures, il en vit d’autres qui étaient là, sur la place, sans rien faire. Et à ceux-là, il dit : ‘Allez à ma vigne, vous aussi, et je vous donnerai ce qui est juste.’ Ils y allèrent. Il sortit de nouveau vers midi, puis vers trois heures, et fit de même. Vers cinq heures, il sortit encore, en trouva d’autres qui étaient là et leur dit : ‘Pourquoi êtes-vous restés là, toute la journée, sans rien faire ?’ Ils lui répondirent : ‘Parce que personne ne nous a embauchés.’ Il leur dit : ‘Allez à ma vigne, vous aussi.’
Le soir venu, le maître de la vigne dit à son intendant : ‘Appelle les ouvriers et distribue le salaire, en commençant par les derniers pour finir par les premiers.’ Ceux qui avaient commencé à cinq heures s’avancèrent et reçurent chacun une pièce d’un denier. Quand vint le tour des premiers, ils pensaient recevoir davantage, mais ils reçurent, eux aussi, chacun une pièce d’un denier. En la recevant, ils récriminaient contre le maître du domaine : ‘Ceux-là, les derniers venus, n’ont fait qu’une heure, et tu les traites à l’égal de nous, qui avons enduré le poids du jour et la chaleur !’ Mais le maître répondit à l’un d’entre eux : ‘Mon ami, je ne suis pas injuste envers toi. N’as-tu pas été d’accord avec moi pour un denier ? Prends ce qui te revient, et va-t’en. Je veux donner au dernier venu autant qu’à toi : n’ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mes biens ? Ou alors ton regard est-il mauvais parce que moi, je suis bon ?’
C’est ainsi que les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers. »
Patrick BRAUD

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2 avril 2011

Rousseur et cécité : la divine embauche !

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Rousseur et cécité : la divine embauche !

Homélie pour le 4° dimanche de Carême / Année A
Dimanche 03 Avril 2011

Construire avec ceux qui ont été déconstruits par la vie.

Appeler ceux qui sont à l’écart, hors candidature.

Embaucher ceux à qui personne ne pense.

Faire le pari de révéler le roi ou l’apôtre caché sous  la rousseur ou la cécité…

Tels sont les paris des textes liturgiques de ce Dimanche de carême.

Le futur roi est le fils auquel même le père ne pensait pas, et en plus il est roux !

L’apôtre qui va proclamer que Jésus est l’envoyé de Dieu (Siloé) est un ancien aveugle mis au ban de la société.

 

Pourquoi hurler aux roux ?

- Pourquoi les roux ont-ils toujours fait peur ?

Pourquoi cette couleur de cheveux suffit-elle à évoquer de sulfureuses alliances ? À inspirer de la peur irrationnelle ?

Dans l’Egypte ancienne, le sombre dieu Seth régnait sur le désert, qui se dit ‘dashre’ en arabe, ce qui signifie aussi : ‘terre rouge’. Plutarque raconte que lors de certaines fêtes en l’honneur de Seth, on n’hésitait pas à maltraiter des roux en les jetant dans la boue.

En Israël comme ailleurs, un garçon roux suscite la méfiance et rejet. Dans une société encore fortement imprégnée de magie, malgré le monothéisme récent, la rousseur de David joue en sa défaveur. Au point que son père ne pense même pas à lui dans le défilé de ses fils candidats à l’onction royale !

Une rumeur persistante a ensuite attribué à Judas le traître une chevelure rousse, bien adaptée à son rôle…

Au Moyen Âge, on attribuait aux roux une complicité avec le diable, sans doute à cause de la couleur des flammes de l’enfer qui se reflète dans leur chevelure (la rousseur est souvent ‘flamboyante’ !)… On disait alors qu’ils sentaient mauvais, qu’ils avaient une sexualité débridée (un feu dévorant), que c’étaient des êtres à part.

- Pire qu’un CV handicapé d’un nom imprononçable, pire qu’une domiciliation dans une banlieue infréquentable, la non-candidature de David résonne comme la stigmatisation - intolérable pour Dieu – des gens différents dont on a peur, sans trop savoir pourquoi.

Rousseur et cécité : la divine embauche ! dans Communauté spirituelle samuel+oint+davidAu cinéma, de ‘Poil de Carotte’ souffre-douleur à ‘Carrie (rousse) au bal du diable’ jusqu’à David Caruso – ‘l’expert de Miami’ – les roux sont auréolés de cette fascination inquiétante.

La rousseur fait tache, et les taches de rousseur deviennent vite ‘malignes’ !

- Le choix de David est donc à contre-courant de ces représentations anti-roux.

Mieux qu’un combat pour reconnaître la diversité (terme pudique pour appeler positivement les minorités sociales, ethniques ou religieuses peu considérées), la discrimination positive dont Dieu fait preuve ici vis-à-vis de David est devenue l’une des missions prioritaires des croyants.

 

Les roux dans la Bible

- Ésaü était roux (Gn 25,25). C’était le premier jumeau sorti du ventre de sa mère, avant  cécité dans Communauté spirituelleJacob. Parce qu’il était habile chasseur, il était le préféré de son père Isaac. Dans un jeu de mot célèbre de (Gn 25,30), Ésaü demanda Jacob de manger « de ce roux-là », qui est en fait le célèbre plat de lentilles. En réalité, il demande de se manger lui-même, à s’auto-dévorer ! Le roux Ésaü n’a pas bonne presse. C’est de son frère Jacob et pas de lui que sortira ensuite la descendance d’Israël.

 

- Le prophète Zacharie parle lui d’un songe où il voit un homme montant un cheval roux (Za 1,8) : c’est un ange de Yahvé qui intercède pour Jérusalem. Le roux est ici la couleur mystérieuse de celui qui transmet un message de la part de Dieu.

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- C’est une vache rousse qui doit être sacrifiée à Éléazar le grand prêtre, afin de que ses cendres servent à produire l’eau lustrale qui rendra purs tous ce qui se sont souillés rituellement (Nb 19,1).

 

On voit donc que dans la Bible la rousseur n’est pas si négative que cela. Elle est même le signe de la préférence paternelle (Ésaü), du sacrifice qui purifie le peuple (la vache rousse), du message qui est envoyé par Dieu (le cheval roux de l’ange).

 

C’est cité dans le texte

Quant à la cécité qui frappe notre aveugle de la piscine de Siloé, elle est une maladie qui également fait peur à l’époque. Car on croyait que c’était un châtiment pour quelque faute cachée que Dieu seul connaît. Ou alors une faute qui remonterait à la génération d’au-dessus.

Toujours cette vieille idée – encore vivante – de voir dans la nature des forces divines invisibles, mystérieuses et redoutables.

En plus, on soupçonnait les aveugles de voir à l’intérieur d’eux-mêmes des choses que les autres ne peuvent pas voir. De là à les accuser de sorcellerie, en leur prêtant des pouvoirs étranges (comme aux roux), il n’y avait qu’un pas

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Or Jésus est très clair : la cécité est faite pour être combattue. Elle ne vient pas de Dieu. La guérison de cet aveugle manifeste ainsi la vraie nature de Jésus, l’envoyé (Siloé) du Père pour nous libérer de la soumission magique aux forces naturelles.

 

 

Le choix du roi David va dans le même sens : Dieu ne se laisse pas piéger par les craintes irrationnelles devant les gens « différents ». Dieu appelle tout être humain. Il aurait même tendance – comme pour David le roux, l’aveugle craint ou  Jésus la pierre rejetée des bâtisseurs – à choisir des intouchables, à s’appuyer sur les rebuts de l’humanité, à bâtir avec ceux que les bâtisseurs ont exclus…

Ni rousseur, ni cécité : rien ne peut empêcher Dieu de renverser les préjugés, les superstitions, les peurs magiques qui pèsent encore aujourd’hui sur les « différents » de nos villes et de nos communautés…

Saurons-nous nous aussi, avec le Christ, appeler les ‘roux’ et les ‘aveugles’ qui nous entourent ?

Si nous sommes nous-mêmes marqués par la ‘rousseur’ ou la ?cécité’, osons-nous croire que Dieu nous appelle de manière privilégiée sans s’arrêter à ce que les autres considèrent comme un handicap ou une menace ?

 



1ère lecture : Dieu choisit le roux David comme roi de son peuple (1S 16, 1b.6-7.10-13a)

Lecture du premier livre de Samuel

Le Seigneur dit à Samuel : « J’ai rejeté Saül. Il ne règnera plus sur Isaraël. Je t’envoie chez Jessé de Bethléem, car j’ai découvert un roi parmi ses fils. Prends une corne que tu rempliras d’huile, et pars ! »
En arrivant, Samuel aperçut Éliab, un des fils de Jessé, et il se dit : « Sûrement, c’est celui que le Seigneur a en vue pour lui donner l’onction ! »
Mais le Seigneur dit à Samuel : « Ne considère pas son apparence ni sa haute taille, car je l’ai écarté. Dieu ne regarde pas comme les hommes, car les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le coeur. »
Jessé présenta ainsi à Samuel ses sept fils, et Samuel lui dit : « Le Seigneur n’a choisi aucun de ceux-là. N’as-tu pas d’autres garçons ? »
Jessé répondit : « Il reste encore le plus jeune, il est en train de garder le troupeau. »
Alors Samuel dit à Jessé : « Envoie-le chercher : nous ne nous mettrons pas à table tant qu’il ne sera pas arrivé. »
Jessé l’envoya chercher : le garçon était roux, il avait de beaux yeux, il était beau.
Le Seigneur dit alors : « C’est lui ! donne-lui l’onction. »
Samuel prit la corne pleine d’huile, et lui donna l’onction au milieu de ses frères. L’esprit du Seigneur s’empara de David à partir de ce jour-là.

Psaume : Ps 22, 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6

R/ Le Seigneur est mon berger : rien ne saurait me manquer

Le Seigneur est mon berger :
je ne manque de rien.
Sur des prés d’herbe fraîche,
il me fait reposer.

Il me mène vers les eaux tranquilles
et me fait revivre ; 
il me conduit par le juste chemin
pour l’honneur de son nom. 

Si je traverse les ravins de la mort,
je ne crains aucun mal, 
car tu es avec moi :
ton bâton me guide et me rassure. 

Tu prépares la table pour moi
devant mes ennemis ; 
tu répands le parfum sur ma tête,
ma coupe est débordante. 

Grâce et bonheur m’accompagnent
tous les jours de ma vie ; 
j’habiterai la maison du Seigneur
pour la durée de mes jours.

2ème lecture : Vivre dans la lumière (Ep 5, 8-14)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtres aux Éphésiens

Frères,
autrefois, vous étiez ténèbres ; maintenant, dans le Seigneur, vous êtes devenus lumière ; vivez comme des fils de la lumière – or la lumière produit tout ce qui est bonté, justice et vérité – et sachez reconnaître ce qui est capable de plaire au Seigneur.
Ne prenez aucune part aux activités des ténèbres, elles ne produisent rien de bon ; démasquez-les plutôt.
Ce que ces gens-là font en cachette, on a honte d’en parler.
Mais quand ces choses-là sont démasquées, leur réalité apparaît grâce à la lumière, et tout ce qui apparaît ainsi devient lumière. C’est pourquoi l’on chante :
Réveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera.

Evangile : L’aveugle-né (Jn 9, 1-41 [Lecture brève : 9, 1.6-9.13-17.34-38])

Acclamation : Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus. Lumière du monde, Jésus Christ, celui qui marche à ta suite aura la lumière de la vie. Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus. (cf. Jn 8, 12)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

En sortant du Temple, Jésus vit sur son passage un homme qui était aveugle de naissance.
Ses disciples l’interrogèrent : « Rabbi, pourquoi cet homme est-il né aveugle ? Est-ce lui qui a péché, ou bien ses parents ? »
Jésus répondit : « Ni lui, ni ses parents. Mais l’action de Dieu devait se manifester en lui.
Il nous faut réaliser l’action de celui qui m’a envoyé, pendant qu’il fait encore jour ; déjà la nuit approche, et personne ne pourra plus agir.
Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde. »
Cela dit, il cracha sur le sol et, avec la salive, il fit de la boue qu’il appliqua sur les yeux de l’aveugle, et il lui dit : « Va te laver à la piscine de Siloé » (ce nom signifie : Envoyé). L’aveugle y alla donc, et il se lava ; quand il revint, il voyait.

Ses voisins, et ceux qui étaient habitués à le rencontrer – car il était mendiant – dirent alors : « N’est-ce pas celui qui se tenait là pour mendier ? »
Les uns disaient : « C’est lui. » Les autres disaient : « Pas du tout, c’est quelqu’un qui lui ressemble. » Mais lui affirmait : « C’est bien moi. »
Et on lui demandait : « Alors, comment tes yeux se sont-il ouverts ? »
Il répondit : « L’homme qu’on appelle Jésus a fait de la boue, il m’en a frotté les yeux et il m’a dit : ‘Va te laver à la piscine de Siloé.’ J’y suis donc allé et je me suis lavé ; alors, j’ai vu. »
Ils lui dirent : « Et lui, où est-il ? » Il répondit : « Je ne sais pas. »

On amène aux pharisiens cet homme qui avait été aveugle.
Or, c’était un jour de sabbat que Jésus avait fait de la boue et lui avait ouvert les yeux.
A leur tour, les pharisiens lui demandèrent : « Comment se fait-il que tu voies ? » Il leur répondit : « Il m’a mis de la boue sur les yeux, je me suis lavé, et maintenant je vois. »
Certains pharisiens disaient : « Celui-là ne vient pas de Dieu, puisqu’il n’observe pas le repos du sabbat. » D’autres répliquaient : « Comment un homme pécheur pourrait-il accomplir des signes pareils ? » Ainsi donc ils étaient divisés.
Alors ils s’adressent de nouveau à l’aveugle : « Et toi, que dis-tu de lui, puisqu’il t’a ouvert les yeux ? » Il dit : « C’est un prophète. »
Les Juifs ne voulaient pas croire que cet homme, qui maintenant voyait, avait été aveugle. C’est pourquoi ils convoquèrent ses parents
et leur demandèrent : « Cet homme est bien votre fils, et vous dites qu’il est né aveugle ? Comment se fait-il qu’il voie maintenant ? »
Les parents répondirent : « Nous savons que c’est bien notre fils, et qu’il est né aveugle.
Mais comment peut-il voir à présent, nous ne le savons pas ; et qui lui a ouvert les yeux, nous ne le savons pas non plus. Interrogez-le, il est assez grand pour s’expliquer. »
Ses parents parlaient ainsi parce qu’ils avaient peur des Juifs. En effet, les Juifs s’étaient déjà mis d’accord pour exclure de la synagogue tous ceux qui déclareraient que Jésus est le Messie.
Voilà pourquoi les parents avaient dit : « Il est assez grand, interrogez-le ! »

Pour la seconde fois, les pharisiens convoquèrent l’homme qui avait été aveugle, et ils lui dirent : « Rends gloire à Dieu ! Nous savons, nous, que cet homme est un pécheur. »
Il répondit : « Est-ce un pécheur ? Je n’en sais rien ; mais il y a une chose que je sais : j’étais aveugle, et maintenant je vois. »
Ils lui dirent alors : « Comment a-t-il fait pour t’ouvrir les yeux ? »
Il leur répondit : « Je vous l’ai déjà dit, et vous n’avez pas écouté. Pourquoi voulez-vous m’entendre encore une fois ? Serait-ce que vous aussi vous voulez devenir ses disciples ? »
Ils se mirent à l’injurier : « C’est toi qui es son disciple ; nous, c’est de Moïse que nous sommes les disciples. Moïse, nous savons que Dieu lui a parlé ; quant à celui-là, nous ne savons pas d’où il est. »
L’homme leur répondit : « Voilà bien ce qui est étonnant ! Vous ne savez pas d’où il est, et pourtant il m’a ouvert les yeux. Comme chacun sait, Dieu n’exauce pas les pécheurs, mais si quelqu’un l’honore et fait sa volonté, il l’exauce. Jamais encore on n’avait entendu dire qu’un homme ait ouvert les yeux à un aveugle de naissance. Si cet homme-là ne venait pas de Dieu, il ne pourrait rien faire. »
Ils répliquèrent : « Tu es tout entier plongé dans le péché depuis ta naissance, et tu nous fais la leçon ? » Et ils le jetèrent dehors.

Jésus apprit qu’ils l’avaient expulsé. Alors il vint le trouver et lui dit : « Crois-tu au Fils de l’homme ? »
Il répondit : « Et qui est-il, Seigneur, pour que je croie en lui ? »
Jésus lui dit : « Tu le vois, et c’est lui qui te parle. »
Il dit : « Je crois, Seigneur ! », et il se prosterna devant lui.
Jésus dit alors : « Je suis venu en ce monde pour une remise en question : pour que ceux qui ne voient pas puissent voir, et que ceux qui voient deviennent aveugles. »
Des pharisiens qui se trouvaient avec lui entendirent ces paroles et lui dirent : « Serions-nous des aveugles, nous aussi ? »
Jésus leur répondit : « Si vous étiez des aveugles, vous n’auriez pas de péché ; mais du moment que vous dites : ‘Nous voyons !’ votre péché demeure. »
Patrick Braud

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