L'homélie du dimanche (prochain)

28 juillet 2019

Êtes-vous croissant ou décroissant ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Êtes-vous croissant ou décroissant ?

Homélie pour le 18° Dimanche du temps ordinaire / Année C
04/08/2019

Cf. également :

Vanité des vanités…
La double appartenance
Gardez-vous bien de toute âpreté au gain !
La sobriété heureuse en mode Jésus

Êtes-vous croissant ou décroissant ? dans Communauté spirituelleRien à voir avec le petit déjeuner ! C’est l’Évangile du jour (Lc 12, 13-21) qui semble rejoindre nos questions très actuelles sur l’urgence écologique. Jésus parle de l’accumulation des richesses (des récoltes en l’occurrence) dans des greniers toujours plus nombreux et plus vastes, alors que la vie éternelle ne s’achète pas : « Tu es fou : cette nuit même, on va te redemander ta vie. Et ce que tu auras accumulé, qui l’aura ? ».

L’opinion publique contemporaine suit les médias et les scientifiques du climat qui nous alertent : attention, à quoi sert d’accumuler des richesses, de faire croître sans cesse le PIB [1], si c’est en pillant les ressources (limitées) de la Terre et en la rendant irrespirable ? La version sécularisée de l’histoire des greniers de Jésus en quelque sorte…

C’est d’autant plus troublant que dans les évangiles, Jésus semble à d’autres moments tout à fait partisan de la multiplication des richesses grâce au travail humain. La parabole des talents par exemple, avant d’évoquer les talents spirituels, reconnaît bel et bien la logique de l’investissement et du rendement croissant au cœur de notre économie, « jusqu’à cent pour un » comme il le dit dans l’autre parabole du semeur ! D’ailleurs, dès le premier chapitre de la Bible, l’impératif divin de la Genèse ne laisse planer aucun doute : « croissez et multipliez-vous » (Gn 1,28).

De manière étonnante, ces deux courants de pensée vis-à-vis de la création de richesses ont engendré toute une gamme de positions en débat aujourd’hui.

Il y a ceux qui pensent que la croissance peut être quasi-illimitée, grâce à la science et le progrès technique. La majorité des économistes classiques et néoclassiques misent tout sur cette croissance, seule capable de créer des emplois, de nourrir bientôt 12 milliards d’habitants, de continuer la courbe de progrès et l’amélioration du niveau de vie, de l’espérance de vie pour tous. Bien sûr les ressources naturelles sont limitées, mais l’intelligence humaine a inventé le charbon après le bois, puis la vapeur, l’électricité, l’énergie nucléaire, et chaque rareté des biens disponibles entraîne un nouveau cycle basé sur d’autres progrès techniques. Devant les critiques écologistes, les politiques tempèrent cet enthousiasme tout droit issu du mythe du progrès en parlant de développement certes mais soutenable, durable. De plus, la croissance continue à accroître le fossé des inégalités de façon dangereuse, préparant la voie à toutes les révoltes [2].

Il s’agit de garder une pente ascendante : ni trop pour ne pas épuiser la terre, ni trop peu pour ne pas compromettre notre niveau de vie et l’emploi.

croissance economique

Inoxydable oxymore le developpement durable ?Face à eux, la contestation des décroissants est radicale : l’humanité court au suicide si elle continue à vouloir remplir toujours plus de greniers en pillant la terre et en épuisant ses ressources. Alors que pendant des millénaires, la croissance n’existait quasiment pas [3]. Il faut donc donner un coup d’arrêt – et pas seulement un coup de frein – à cet appétit destructeur. Apprendre à vivre avec moins de biens matériels, apprendre à ne pas chercher à posséder toujours plus, à se contenter de ce qu’on a : voilà quelques pistes de la sobriété heureuse et de ces courants promouvant la décroissance. Ce qui n’est pas sans rappeler l’invitation à la pauvreté volontaire de Jésus (lui-même n’a pas de pierre où reposer la tête), qui a révolutionné l’Europe avec François d’Assise et sa fraternité basée sur la non-possession, avec les monastères bénédictins menant une vie simple sans chercher d’autres richesses que celles permettant à la communauté de continuer à prier et travailler (du moins au début, car la tentation de l’avoir corrompra même les meilleurs hélas !). D’ailleurs, beaucoup d’abbayes sont aujourd’hui encore dotées d’un versant de production industrielle (bière, fromage, informatique, voire même conseil en management !) qui a les traits d’un véritable business, mais dont l’objectif n’est pas de croître et de s’étendre sans cesse. Regroupés sous le label ‘Monastik’, ces activités brassent de l’argent, dégagent des bénéfices, mais seulement à raison des besoins – simples – des communautés, pour qu’elles soient libres de poursuivre leur but ultime : la louange et l’accueil, non le profit. Le profit retrouve ainsi sa place : bon serviteur, mauvais maître.

DecroiLune croissance dans Communauté spirituelle

Voilà de quoi mettre les deux courants de pensée précités en dialogue : tout dépend de l’attitude spirituelle qui est la vôtre. Si la convoitise et l’appétit de jouissance président à votre travail, vous deviendrez vos propres fossoyeurs. Si à l’inverse vous refusez la vocation humaine à régner sur le monde, vous risquez de nous faire régresser à des niveaux de vie misérables et insupportables.

Le Christ appelle à la fois la multiplication des richesses pour tous et à l’esprit de pauvreté qui rend libre de toute attache, de possession ou de convoitise. Il manie l’image de la moisson abondante, mais lui ne possède rien ni personne. Il sait bien que l’envie d’accumuler sans cesse est un piège mortel, et il appelle à ce que chacun ait de quoi vivre dignement de son travail.

le chat et l'humilitéLe sage Qohélet de notre première lecture appelait déjà il y a 3000 ans à se débarrasser de l’illusion de la réussite matérielle :

« Un homme s’est donné de la peine ; il est avisé, il s’y connaissait, il a réussi. Et voilà qu’il doit laisser son bien à quelqu’un qui ne s’est donné aucune peine. Cela aussi n’est que vanité, c’est un grand mal ! En effet, que reste-t-il à l’homme de toute la peine et de tous les calculs pour lesquels il se fatigue sous le soleil ? Tous ses jours sont autant de souffrances, ses occupations sont autant de tourments : même la nuit, son cœur n’a pas de repos. Cela aussi n’est que vanité » (Qo 2, 21-23).

Après Pâques, les Églises locales seront partagées entre ces deux grands courants. L’Église de Jérusalem misera plutôt sur ce qu’on pourrait appeler avec anachronisme un ‘communisme intégral’ : « La multitude de ceux qui avaient adhéré à la foi avait un seul coeur et une seule âme ; et personne ne se disait propriétaire de ce qu’il possédait, mais on mettait tout en commun » (Ac 4,32). L’Église d’Antioche invitera plutôt chacun à partager son surplus de richesses qu’à abandonner ses biens. Paul sera fier de travailler de ses mains pour n’être à la charge de personne (le premier prêtre ouvrier dirait certains !). Et il encourage clairement à faire de même : « celui qui ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus » (2Th 3, 6-13). Constatant que l’Église de Jérusalem s’est mise dans une situation catastrophique en vendant les biens de chacun, Paul va organiser une grande collecte tout autour du bassin méditerranéen (cf. 2Co 8-9) pour venir en aide à ces utopistes de la première heure qui avait renoncé à produire des richesses à cause du supposé retour imminent du Christ en gloire.

 écologiePar la suite, l’Église catholique à continuer à prôner l’esprit de pauvreté (franciscains, dominicains, ordres mendiants) et à critiquer les riches dans la lignée de saint Jacques (premier ‘évêque’ de Jérusalem) : « Vous les riches, pleurez à grand bruit sur les malheurs qui vous attendent ! Votre richesse est pourrie, vos vêtements rongés des vers ; votre or et votre argent rouillent et leur rouille servira contre vous de témoignage, elle dévorera vos chairs comme un feu. Vous vous êtes constitué des réserves à la fin des temps ! Voyez le salaire des ouvriers qui ont fait la récolte dans vos champs : retenu par vous, il crie et les clameurs des moissonneurs sont parvenues aux oreilles du Seigneur Sabaoth. Vous avez eu sur terre une vie de confort et de luxe, vous vous êtes repus au jour du carnage. Vous avez condamné, vous avez assassiné le juste : il ne vous résiste pas » (Jc 5, 1-6). L’aversion des pays du sud de l’Europe pour l’argent sale, la corruption, les milliardaires etc. vient de leurs racines catholiques. Dans les années 60-80, Frère Roger de Taizé prolongeait cette ligne en appelant à une « dynamique du provisoire » inversant la logique de l’accumulation : « une des pures joies d’Évangile est d’avancer encore et toujours vers une simplicité du cœur qui entraîne à une simplicité de vie ».

L'éthique protestante et l'esprit du capitalismeLes Églises protestantes du nord ont plutôt suivi l’autre courant biblique, reconnaissant dans la croissance des richesses un signe de la bénédiction divine. C’est la fameuse thèse de Max Weber sur « l’éthique protestante et l’esprit du capitalisme » (1904-1905) : les héritiers de Calvin considèrent comme un devoir et une bénédiction de faire fructifier la terre grâce à l’activité humaine, de s’enrichir et d’augmenter le volume des affaires, sous condition de frugalité du mode de vie et de partage avec les pauvres. La philanthropie légendaire des milliardaires américains vient de là, ainsi que le rapport décomplexé à l’argent aux USA et ailleurs. On a vu ainsi récemment 18 milliardaires américains demander à être taxés sur leur fortune ! « Nous écrivons à tous les candidats à la présidence, qu’ils soient républicains ou démocrates, pour apporter notre appui à une taxe modérée sur les fortunes de un dixième des 1% des Américains les plus riches, sur nous » [4]. Ils sentent bien que l’accroissement des inégalités de patrimoine peut engendrer une situation socialement explosive et révolutionnaire. Warren Buffet vient par exemple de donner 3,6 milliards à des œuvres, amenant ainsi le montant total de ses dons à 34,5  milliards [5] !

À l’extrémité de l’arc-en-ciel des positions sur la croissance, les survivalistes prédisent le proche effondrement (collapse en anglais) final de la civilisation occidentale, victime de ces contradictions énergétiques, sociales, écologiques. Ces collapsologues construisent des abris « pour l’après », apprenant à cultiver pour vivre en autosuffisance, se regroupant en cercles de convaincus pour s’encourager à préparer la survie de leur famille après le cataclysme imminent. Cela fait irrésistiblement penser à l’annonce de la fin du monde (Armageddon) par les Témoins de Jéhovah, d’abord prédite pour 1918, puis 1942, 1975, puis prudemment « avant 1994 »… La sécularisation des grands thèmes religieux n’en finit pas de produire des résurgences sociales étonnantes !

Croissance illimitée, développement durable, développement soutenable, décroissance douce ou radicale, survivalistes : la bataille idéologique s’est déplacée de la lutte des classes au conflit des croissances. Et tout dépendra de ce que chacun veut finalement choisir pour son mode de vie. L’Évangile de ce dimanche va clairement dans le sens du deuxième courant : à quoi sert à l’homme de posséder tant de richesses si c’est pour le payer de sa vie ? « Voilà ce qui arrive à celui qui amasse pour lui-même, au lieu d’être riche en vue de Dieu ». Jésus dit ailleurs : « là où est en trésor, là aussi est ton cœur » (Mt 6,21). Et les psaumes le répétaient : « si tu amasses des richesses, n’y met pas ton cœur » (Ps 61,11). Si le plus important pour toi est de gravir les échelons professionnels, d’acheter une résidence secondaire après la maison principale, de multiplier les placements pour être à l’abri de tout, alors tu seras absorbé par cette obsession d’avoir plus, toujours plus, et tu oublieras d’être avec.

Reste libre vis-à-vis de ce que tu possèdes, sinon ce sont tes biens qui te posséderont.

Qu'est-ce qu'un chef ?Le général Pierre de Villiers raconte que, quand il était chef d’état-major des armées, il se gardait toujours son mardi matin libre de toute réunions afin de préparer le Conseil de défense avec le président de la République le mercredi matin. Et quand on lui objectait : ‘comment pouvez-vous libérer une demi-journée par semaine sur l’agenda d’un responsable de votre niveau ? C’est impossible’. Il répondait : ‘c’est moi qui suis maître de mon agenda et non l’inverse. Il est là pour me servir, pas pour me commander’. Comme quoi la non-possession par les biens s’étend aux biens immatériels comme le temps. Mitterrand confiait d’ailleurs ne pas prendre de réunions le soir pendant son deuxième mandat de président. Il avait besoin de cette plage disait-il pour lire, se ressourcer, relire la journée écoulée, prendre de la hauteur, ne pas subir…

Alors, quels sont les greniers où nous entassons un tas de richesses inutiles ? Sur quoi se fixe notre obsession d’accumuler sans raison ? Pourquoi refuser de méditer sur la vanité de cette course à la possession : « Tu es fou : cette nuit même, on va te redemander ta vie. Et ce que tu auras accumulé, qui l’aura ? ».

Frugalité, sobriété heureuse, esprit de pauvreté, simplicité volontaire : à quelle conversion cela nous appellerait-il concrètement ?

 

 


[1]. L’indicateur du PIB pourrait être abandonné pour laisser place à de nouveaux outils de mesure du progrès réel de l’humanité, qui tiendraient compte de l’adéquation du développement économique et matériel avec la capacité biologique de la terre et du bien-être social. De nouvelles approches voient le jour : PID (Produit Intérieur Doux), IBH (Indice de Bonheur Humain), IDH (Indice de Développement Humain).

[2]. La croissance économique se calcule de manière globale sans prendre en compte le niveau d’équité de répartition des richesses entre individus. L’idée qu’elle serait un vecteur de réduction des inégalités n’est désormais plus recevable. Bien au contraire, 20% des habitants de la planète s’accaparent 80% des ressources ; les riches sont de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus nombreux. Selon les Nations Unies, les 225 personnes les plus riches ont une fortune supérieure à ce que gagnent chaque année les trois milliards d’individus les plus pauvres (soit près de la moitié de l’humanité !). Les inégalités au sein d’un même pays ne cessent de croître également. En Europe centrale et de l’Est, malgré un fort taux de croissance ces dernières années, la proportion d’habitants vivant avec moins de un dollar par jour est passée de 0,5% en 1990 à 3,5% en 2005.

[3]. Est-ce qu’on a toujours connu la croissance ?
Anne-Laure Delatte : « Il y a des historiens de l’économie qui nous montrent que depuis la nuit des temps jusqu’à la révolution industrielle on a une croissance quasiment nulle. C’est-à-dire que la population augmentait mais le gâteau n’augmentait pas, voire augmentait un peu moins que la population ou à peu près au même niveau. Par exemple en France, on a les chiffres entre 1200 et 1800, la croissance du PIB par tête est de 30% en 600 ans, ce qu’on est capable de faire aujourd’hui en 15 ans environ. » Source : https://www.franceculture.fr/economie/la-croissance-est-elle-necessaire

 

Lectures de la messe

Première lecture
« Que reste-t-il à l’homme de toute sa peine ? » (Qo 1, 2 ; 2, 21-23)

Lecture du livre de Qohèleth

Vanité des vanités, disait Qohèleth. Vanité des vanités, tout est vanité !
Un homme s’est donné de la peine ; il est avisé, il s’y connaissait, il a réussi. Et voilà qu’il doit laisser son bien à quelqu’un qui ne s’est donné aucune peine. Cela aussi n’est que vanité, c’est un grand mal !
En effet, que reste-t-il à l’homme de toute la peine et de tous les calculs pour lesquels il se fatigue sous le soleil ? Tous ses jours sont autant de souffrances, ses occupations sont autant de tourments : même la nuit, son cœur n’a pas de repos. Cela aussi n’est que vanité.

Psaume
(Ps 89 (90), 3-4, 5-6, 12-13, 14.17abc)

R/ D’âge en âge, Seigneur, tu as été notre refuge. (Ps 89, 1)

Tu fais retourner l’homme à la poussière ; tu as dit : « Retournez, fils d’Adam ! »
À tes yeux, mille ans sont comme hier, c’est un jour qui s’en va, une heure dans la nuit.

Tu les as balayés : ce n’est qu’un songe ; dès le matin, c’est une herbe changeante :
elle fleurit le matin, elle change ; le soir, elle est fanée, desséchée.

Apprends-nous la vraie mesure de nos jours : que nos cœurs pénètrent la sagesse.
Reviens, Seigneur, pourquoi tarder ? Ravise-toi par égard pour tes serviteurs.

Rassasie-nous de ton amour au matin, que nous passions nos jours dans la joie et les chants.
Que vienne sur nous la douceur du Seigneur notre Dieu ! Consolide pour nous l’ouvrage de nos mains.

Deuxième lecture
« Recherchez les réalités d’en haut ; c’est là qu’est le Christ » (Col 3, 1-5.9-11)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Colossiens

Frères, si donc vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d’en haut : c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu. Pensez aux réalités d’en haut, non à celles de la terre.
En effet, vous êtes passés par la mort, et votre vie reste cachée avec le Christ en Dieu. Quand paraîtra le Christ, votre vie, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui dans la gloire. Faites donc mourir en vous ce qui n’appartient qu’à la terre : débauche, impureté, passion, désir mauvais, et cette soif de posséder, qui est une idolâtrie. Plus de mensonge entre vous : vous vous êtes débarrassés de l’homme ancien qui était en vous et de ses façons d’agir, et vous vous êtes revêtus de l’homme nouveau qui, pour se conformer à l’image de son Créateur, se renouvelle sans cesse en vue de la pleine connaissance. Ainsi, il n’y a plus le païen et le Juif, le circoncis et l’incirconcis, il n’y a plus le barbare ou le primitif, l’esclave et l’homme libre ; mais il y a le Christ : il est tout, et en tous.

Évangile
« Ce que tu auras accumulé, qui l’aura ? » (Lc 12, 13-21)
Alléluia. Alléluia.
Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux ! Alléluia. (Mt 5, 3)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là, du milieu de la foule, quelqu’un demanda à Jésus : « Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage. » Jésus lui répondit : « Homme, qui donc m’a établi pour être votre juge ou l’arbitre de vos partages ? » Puis, s’adressant à tous : « Gardez-vous bien de toute avidité, car la vie de quelqu’un, même dans l’abondance, ne dépend pas de ce qu’il possède. » Et il leur dit cette parabole : « Il y avait un homme riche, dont le domaine avait bien rapporté. Il se demandait : ‘Que vais-je faire ? Car je n’ai pas de place pour mettre ma récolte.’ Puis il se dit : ‘Voici ce que je vais faire : je vais démolir mes greniers, j’en construirai de plus grands et j’y mettrai tout mon blé et tous mes biens. Alors je me dirai à moi-même : Te voilà donc avec de nombreux biens à ta disposition, pour de nombreuses années. Repose-toi, mange, bois, jouis de l’existence.’ Mais Dieu lui dit : ‘Tu es fou : cette nuit même, on va te redemander ta vie. Et ce que tu auras accumulé, qui l’aura ?’ Voilà ce qui arrive à celui qui amasse pour lui-même, au lieu d’être riche en vue de Dieu. »
Patrick BRAUD

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19 juin 2017

Terreur de tous côtés !

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Terreur de tous côtés !


Homélie pour le 12° dimanche du temps ordinaire / Année A
25/06/2017

Cf. également :

N’arrêtez pas vos jérémiades !

L’effet saumon

Sous le signe de la promesse 


Couverture de Vivants témoins -16a- Jérémie le prophèteLa première lecture  (Jr 20, 10-13) rapporte une expression étonnante, qui n’est utilisé que huit fois dans la Bible 
[1], dont cinq dans le seul livre de Jérémie : « Terreur-de-tous-côtés ! »

Moi Jérémie, j’entends les calomnies de la foule : « Dénoncez-le ! Allons le dénoncer, celui-là, l’Épouvante-de-tous-côtés. » Tous mes amis guettent mes faux pas, ils disent : « Peut-être se laissera-t-il séduire… Nous réussirons, et nous prendrons sur lui notre revanche ! » Mais le Seigneur est avec moi, tel un guerrier redoutable : mes persécuteurs trébucheront, ils ne réussiront pas…

D’autres traductions (liturgie, Segond, TOB) remplacent terreur par épouvante. Le résultat est tout aussi… terrifiant : le rôle du prophète est ici d’annoncer la terreur qui vient, de prévenir le peuple des épouvantables événements qui vont bientôt arriver. En 597 avant Jésus-Christ, la terreur a pour les juifs le visage de Nabuchodonosor, empereur de Babylone, faisant le siège de Jérusalem, puis incendiant la ville, détruisant le Temple, et déportant le roi et les notables à Babylone. L’épouvante, c’est découvrir qu’il n’y a pas de limites aux crimes, à la cruauté des vainqueurs. L’épouvantable terreur que vont bientôt vivre les contemporains de Jérémie leur fera constater l’impensable, l’inenvisageable : la disparition de la royauté, du Temple, des prophètes, pendant les 60 années de l’Exil à Babylone.

Avouons que ces scènes de terreur résonnent en nous de façon dramatique. Les images des guerres du XX° siècle nous les ont remis en mémoire : boucheries inutiles des tranchées de 1418, horreur de la Shoah en 39-45, million de morts dans les camps, goulags ou autres exactions nazies ou communistes…

Et voilà qu’au 21° siècle, le djihadisme sème joue à nouveau sur la terreur pour essayer de gagner sa guerre idéologique. L’épouvante qui a frappé de stupeur les témoins du massacre du Bataclan en 2015 à Paris, ou récemment de l’explosion dans la salle de concert de Manchester ne quitte pas l’actualité de nos médias. Cette terreur-là n’est pas biblique. Au contraire, celle dont témoigne Jérémie agit à la manière d’un tocsin avertissant la population : si vous ne changez pas de comportement, les conséquences de votre iniquité, de vos idolâtries, de votre corruption seront inévitables. Vous perdrez tout, de manière horrible, si vous ne revenez pas à YHWH de tout votre cœur.

Pour Jérémie, l’annonce de la terreur se veut salutaire. Si ce n’est pas pour cette génération hélas inflexible, peut-être la génération suivante, réfléchissant sur les malheurs survenus entre-temps, pourra y puiser de quoi réfléchir sur les conditions de sa survie.

Avouez que cet avertissement prophétique de Jérémie a des accents très contemporains ! Regardez par exemple l’ex vice-président américain Al Gore. Pendant le G7 de Mai dernier, il présentait son deuxième film, qui va sortir en novembre, sur les dangers écologiques nous menaçant à très court terme. Après son premier film : « une vérité qui dérange » en 2006, il évoque dans « une suite qui dérange : le temps de l’action » le danger que représente un Donald Trump remettant en cause le réchauffement climatique et les accords de la COP 21. En même temps qu’il expose avec enthousiasme les actions qui ont commencé à transformer nos modes de vie pour plus de respect de la planète, Al Gore avertit des risques qu’un retour en arrière « trumpiste » nous ferait vivre.

Le pape Francis (R) se tient aux côtés au président américain Donald Trump lors d'une audience privée au Vatican le 24 mai 2017.

Le pape François, à sa manière, prolonge également l’action prophétique de Jérémie sur ce plan de l’écologie. En liant combat écologique et option préférentielle pour les pauvres, en rappelant que tout est lié, le social et l’écologique, le spirituel et l’économique, François dans son encyclique Laudato si n’hésite pas à rappeler les malheurs frappant les paysans, les habitants des bidonvilles ou des mégapoles contaminées par la pollution, la rareté des ressources naturelles, des modes de vie inhumains… En offrant un exemplaire de Laudato si à Donald Trump lors de sa visite au Vatican en Mai dernier, le pape François faisait comme Jérémie cherchant à épouvanter les puissants de Jérusalem avant que la terreur réelle ne s’abatte sur le peuple.

Une autre forme de prophétisme d’épouvante en France porte le visage d’un philosophe aussi populaire que décrié : Michel Onfray. Dans son dernier ouvrage monumental : Décadence, Onfray prophétise l’effondrement inéluctable d’une civilisation occidentale incapable de retrouver ses vrais moteurs spirituels, face au terrorisme musulman notamment.

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Quand on lui demande si cette décadence est évitable, Onfray répond que le Titanic coule, que rien ne peut l’empêcher de couler, et qu’on peut tout juste chanter et jouer de la musique avec élégance pendant le naufrage… Il est facile d’avoir de nombreux points de désaccord avec Michel Onfray : sa thèse invraisemblable de la non-existence historique de Jésus, sa confusion christianisme Occident, son exégèse biblique très superficielle et très datée etc. Mais on peut retenir de Décadence son côté « jérémiaque » : l’épouvante nous frappe de tous côtés à la vue de ce que les terroristes islamiques nous infligent, et cela doit résonner comme un avertissement dramatique. Onfray pense que l’Occident n’a plus de ressources pour se battre idéologiquement : qui accepterait de mourir pour une Rolex ou le CAC 40 ? Il pense que le christianisme va décliner avec l’Occident (en oubliant au passage le formidable essor chrétien en Afrique, en Asie, Amérique latine….). Il annonce l’épouvante de tous côtés qui ne fait que monter au sein des pays riches. Il prédit l’agonie d’une civilisation matérialiste qui a durement imposé sa loi d’airain aux autres cultures pendant des siècles, et c’est maintenant l’heure de leur revanche…

Sans partager cette vision déterministe, et cette désespérance des ressources du christianisme occidental, nous pouvons par contre relayer sa prophétie angoissée de  l’épouvante à venir si nous ne changeons pas nos modes de vie, notre logiciel culturel, économique et spirituel. Les racines du terrorisme djihadiste sont théologiques plus qu’économiques : tant que l’Occident ne revisitera ses raisons religieuses d’être lui-même, tant qu’il n’entrera pas en débat critique avec la vision du monde provenant de l’islam, son anthropologie, ses mythes fondateurs etc, il ne pourra pas se défendre vraiment…

Jérémie sait d’expérience qu’annoncer le malheur qui vient ne rend pas très populaire ! On l’a humilié, persécuté, poursuivi, jeté dans une prison-citerne, parce que justement il  vociférait tous haut ce que les puissants ne voulaient pas entendre. Lui-même est sans doute mort en route avec les exilés de 597 ou à Babylone.

Les Jérémie d’aujourd’hui, d’Al Gore au pape François, en passant plus ou moins par Onfray, Mélenchon ou autres ‘prophètes de malheur’, continueront à déranger les puissants, à  choquer les masses soumises aux idées dominantes. Ils n’en sont pas moins ceux à partir de qui penser à frais nouveaux la reconstruction d’un monde plus humain, comme Israël a repensé la nouvelle Jérusalem en relisant Jérémie après le retour d’Exil, à partir de 537 avant Jésus-Christ…

Relayons les paroles fortes de nos Jérémies d’aujourd’hui.

La « terreur-de-tous-côtés » peut finalement s’avérer salutaire, si elle nous ouvre les yeux sur nos idolâtries meurtrières.

 


[1] . Jr 6,5 : Ne sortez pas dans la campagne, ne vous risquez pas sur les routes, car l’ennemi porte l’épée : terreur de tous côtés!
Jr 20,4 : Ce n’est plus Pashehur que Yahvé t’appelle, mais Terreur-de-tous-côtés. Car ainsi parle Yahvé : Voici que je vais te livrer à la terreur, toi et tous tes amis;
Jr 20,10 : J’entendais les calomnies de beaucoup : « Terreur de tous côtés! »
Jr 46,5 : Leurs braves, battus, s’enfuient éperdument sans se retourner. C’est la terreur de tous côtés, oracle de Yahvé.
Jr 49,29 : Leurs tentes et leurs moutons, qu’on les prenne, leurs étoffes et tous leurs ustensiles; qu’on s’empare de leurs chameaux et qu’on crie sur eux : « Terreur de tous côtés! »
Lm 2,22 : Tu as convoqué comme pour un jour de fête les terreurs de tous côtés; au jour de la colère de Yahvé, il n’y eut rescapé ni survivant. Ceux que j’avais bercés et élevés, mon ennemi les a exterminés.
Ps 31,14 : J’entends les calomnies des gens : terreur de tous côtés ! ils se groupent à l’envie contre moi, complotant de m’ôter la vie.
Is 31,9 :  Dans sa terreur Assur abandonnera son rocher, et ses chefs apeurés déserteront l’étendard.

 

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE

« Il a délivré le malheureux de la main des méchants » (Jr 20, 10-13)

Lecture du livre du prophète Jérémie

Moi Jérémie, j’entends les calomnies de la foule : « Dénoncez-le ! Allons le dénoncer, celui-là, l’Épouvante-de-tous-côtés. » Tous mes amis guettent mes faux pas, ils disent : « Peut-être se laissera-t-il séduire… Nous réussirons, et nous prendrons sur lui notre revanche ! » Mais le Seigneur est avec moi, tel un guerrier redoutable : mes persécuteurs trébucheront, ils ne réussiront pas. Leur défaite les couvrira de honte, d’une confusion éternelle, inoubliable. Seigneur de l’univers, toi qui scrutes l’homme juste, toi qui vois les reins et les cœurs, fais-moi voir la revanche que tu leur infligeras, car c’est à toi que j’ai remis ma cause. Chantez le Seigneur, louez le Seigneur : il a délivré le malheureux de la main des méchants. – Parole du Seigneur.

PSAUME
(Ps 68 (69), 8- 10, 14.17, 33-35)
R/ Dans ton grand amour, Dieu, réponds-moi. (Ps 68, 14c)

C’est pour toi que j’endure l’insulte,
que la honte me couvre le visage :
je suis un étranger pour mes frères,
un inconnu pour les fils de ma mère.
L’amour de ta maison m’a perdu ;
on t’insulte, et l’insulte retombe sur moi.

Et moi, je te prie, Seigneur :
c’est l’heure de ta grâce ;
dans ton grand amour, Dieu, réponds-moi,
par ta vérité sauve-moi.
Réponds-moi, Seigneur,
car il est bon, ton amour ;
dans ta grande tendresse, regarde-moi.

Les pauvres l’ont vu, ils sont en fête :
« Vie et joie, à vous qui cherchez Dieu ! »
Car le Seigneur écoute les humbles,
il n’oublie pas les siens emprisonnés.
Que le ciel et la terre le célèbrent,
les mers et tout leur peuplement !

DEUXIÈME LECTURE
« Le don gratuit de Dieu et la faute n’ont pas la même mesure » (Rm 5, 12-15)
Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Frères,
nous savons que par un seul homme, le péché est entré dans le monde, et que par le péché est venue la mort ; et ainsi, la mort est passée en tous les hommes, étant donné que tous ont péché. Avant la loi de Moïse, le péché était déjà dans le monde, mais le péché ne peut être imputé à personne
tant qu’il n’y a pas de loi. Pourtant, depuis Adam jusqu’à Moïse, la mort a établi son règne, même sur ceux qui n’avaient pas péché par une transgression semblable à celle d’Adam. Or, Adam préfigure celui qui devait venir. Mais il n’en va pas du don gratuit comme de la faute. En effet, si la mort a frappé la multitude par la faute d’un seul, combien plus la grâce de Dieu s’est-elle répandue en abondance sur la multitude, cette grâce qui est donnée en un seul homme, Jésus Christ.

ÉVANGILE

« Ne craignez pas ceux qui tuent le corps » (Mt 10, 26-33) Alléluia. Alléluia. 
L’Esprit de vérité rendra témoignage en ma faveur, dit le Seigneur.
Et vous aussi, vous allez rendre témoignage.
Alléluia. (cf. Jn 15, 26b-27a)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

 En ce temps-là, Jésus disait à ses Apôtres : « Ne craignez pas les hommes ; rien n’est voilé qui ne sera dévoilé, rien n’est caché qui ne sera connu. Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le en pleine lumière ; ce que vous entendez au creux de l’oreille, proclamez-le sur les toits. Ne craignez pas ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme ; craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne l’âme aussi bien que le corps. Deux moineaux ne sont-ils pas vendus pour un sou ? Or, pas un seul ne tombe à terre sans que votre Père le veuille. Quant à vous, même les cheveux de votre tête sont tous comptés. Soyez donc sans crainte : vous valez bien plus qu’une multitude de moineaux. Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, moi aussi je me déclarerai pour lui devant mon Père qui est aux cieux. Mais celui qui me reniera devant les hommes, moi aussi je le renierai devant mon Père qui est aux cieux.
Patrick BRAUD

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3 août 2016

La sobriété heureuse en mode Jésus

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La sobriété heureuse en mode Jésus

 

Cf. également :

Restez en tenue de service

Agents de service

Jesus as a servant leader

Du bon usage des leaders et du leadership

L’identité narrative : relire son histoire

Quelle sera votre perle fine ?

Éléments d’une écologie chrétienne


Homélie du 19° Dimanche du temps ordinaire / Année C

07/08/2016 

Les greniers modernes

Faites le tour de vos objets et possessions diverses. Si vous ne vous êtes pas servis de quelque chose sur une année, c’est que cela ne vous est pas fondamentalement nécessaire. Cela encombre inutilement votre espace, vos stocks. Pire : les Pères de l’Église vous diraient que vous en avez volé l’usage à plus pauvre que vous, qui – lui – en a besoin.

Bien avant Marx, Jésus a dénoncé la loi d’accumulation du capital qui pollue le coeur de l’homme et l’empêche de s’attacher à l’essentiel. Sa parabole sur les greniers du riche remplis à ras bord est cinglante (Lc 12, 32-48). Plus il accumule des réserves au-delà de ses besoins, plus il devient « insensé ». « Insensé, cette nuit même on va te demander ta vie ». Et alors, à quoi te serviront ces greniers où tu stockais ta réussite ?

Changer les greniers par des fonds financiers ou des dépôts bancaires, et vous avez une critique radicale du moteur de l’économie occidentale des deux derniers siècles : avoir « toujours plus » conduit à la pauvreté spirituelle.

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Dans sa lettre sur l’écologie Laudato si, le pape François reprenait cette critique à son compte. Il appelait, dans l’esprit très franciscain de pauvreté choisie, à se débarrasser du superflu, à investir dans le durable. Passé un certain seuil où la vie confortable de ses proches est assurée, à quoi sert de vouloir accumuler toujours plus ? La planète ne le supportera pas. Les écarts entre ultra-riches et très pauvres  ne cesseront d’augmenter.

Et François osait appelait à une sobriété heureuse :

Afficher l'image d'origine« Si nous nous sentons intimement unis à tout ce qui existe, la sobriété et le souci de protection jailliront spontanément. La pauvreté et l’austérité de saint François  n’étaient  pas  un  ascétisme  purement extérieur, mais quelque chose de plus radical : un renoncement à transformer la réalité en pur objet d’usage et de domination. » (n° 11)

« La spiritualité chrétienne propose une croissance par la sobriété, et une capacité de jouir avec peu. C’est un retour à la simplicité qui nous permet de nous arrêter pour apprécier ce qui est petit, pour remercier des possibilités que la vie offre, sans nous attacher à ce que nous avons ni nous attrister de ce que nous ne possédons pas. Cela suppose d’éviter la dynamique de la domination et de la simple accumulation de plaisirs. » (n° 222)

 

L’expression sobriété heureuse vient de Pierre Rabhi, né en 1938, essayiste, agriculteur bio et poète à ses heures. Le bilan énergétique de la croissance issue de la révolution industrielle est telle que – dit-il – nous ne pourrons soutenir ce rythme sans dommages irréversibles pour la planète, et pour l’humanité par ricochet.

Afficher l'image d'origine« Le système dominant, qui se targue de grandes performances, s’emploie surtout, en réalité, à dissimuler son inefficacité, qu’un simple bilan, notamment énergétique, mettrait en évidence. Cet examen révélerait également les contradictions internes d’un modèle qui ne peut produire sans détruire et porte donc en lui-même les germes de sa propre destruction. Le temps semble venu d’instaurer une politique de civilisation fondée sur la puissance de la sobriété. Un chantier exaltant s’ouvre, invitant chacune et chacun à atteindre la plus haute performance créatrice qui soit : satisfaire à nos besoins vitaux avec les moyens les plus simples et les plus sains. Cette option libératrice constitue un acte politique, un acte de résistance à ce qui, sous prétexte de progrès, ruine la planète en aliénant la personne humaine. Et c’est la beauté de la nature, de la vie, et de l’œuvre de l’homme dans sa dimension créatrice, qui devra nous inspirer tout au long des voies nouvelles que nous emprunterons. »  [1]

La sobriété heureuse est donc une modération choisie, une simplification volontaire de son style de vie qui permet de retrouver une joie de communion avec la nature. Cette autolimitation touche notre consommation courante, mais également les moyens de production mis en oeuvre.

« Désormais, la plus haute, la plus belle performance que devra réaliser l’humanité sera de répondre à ses besoins vitaux avec les moyens les plus simples et les plus sains. Cultiver son jardin ou s’adonner à n’importe quelle activité créatrice d’autonomie sera considéré comme un acte politique, un acte de légitime résistance à la dépendance et à l’asservissement de la personne humaine ». [2]

Le film Demain a popularisé les recherches individuelles et collectives qui ont fleuri dans beaucoup de pays différents pour imaginer d’autres manières de produire et de consommer. Des jardins collectifs urbains de Détroit aux monnaies locales en passant par le zéro déchet de San Francisco, des solutions alternatives émergent çà et là, préfigurant peut-être l’économie de demain.

 

Utopie ? Peut-être, car les résistances sont fortes (exemple : pétroliers, agriculture industrielle…) et les volontés politiques pour l’instant très faibles. Mais la parabole des greniers construits sans cesse plus nombreux et remplis inutilement nous invite à chercher de telles alternatives, sans attendre demain.

La sobriété dans l’histoire chrétienne

On commence juste à relire le Nouveau Testament avec ce prisme écologique affronté à la mutation actuelle. Laudato si est le premier texte catholique de l’histoire de l’Église entièrement dédiée à cette question : il aura fallu attendre 2000 ans ! Pourtant, la sobriété heureuse est bien connue des chrétiens, sous d’autres noms : les ermites du désert en Égypte l’avaient inventé dès le IVe siècle pour fuir le luxe des villes ; puis les moines avec leurs règles de vie simple et rythmée ont accompagné la naissance des empires d’Orient et d’Occident. L’équilibre entre le travail et la prière (ora et labora) était maintenu.

« Cette introduction du travail manuel, imprégné de sens spirituel, était révolutionnaire. On a appris à chercher la maturation et la sanctification dans la compénétration du recueillement et du travail. Cette manière de vivre le travail nous rend plus attentifs et plus respectueux de l’environnement, elle imprègne de saine sobriété notre relation au monde. » (Laudato si, n° 126)

On ne produisait pas plus que le nécessitaient la vie des moines, l’accueil des hôtes, et l’entretien des bâtiments. Avec le temps, cet idéal de simplicité volontaire s’est  hélas éloigné. Mais des réformateurs comme François d’Assise ont réagi contre l’accumulation matérielle par les religieux, et ils sont revenus à la pauvreté évangélique régulièrement. De même, les communautés nouvelles aujourd’hui mettent en commun leurs biens pour une vie simple et fraternelle. En Orient comme en Occident sans cesse se sont levés de tels prophètes d’une modération orientée vers la recherche d’autres trésors que matériels.

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Une sobriété fondée en Dieu

C’est sans doute une différence entre les mouvements écologiques actuels et l’Évangile ou le pape François. Jésus parle d’orienter le désir humain vers les vrais trésors, ceux qui ne passent pas, ceux de la vie éternelle. L’écologie contemporaine semble bien peu se soucier de vie éternelle et ne parle que d’harmonie avec la nature enfin respectée. Ce qui peut engendrer quelques relents panthéistes ou même païens de retour au culte de la Terre mère revisitée (Pierre Rabhi a même été soupçonné de liens avec l’Anthroposophie, doctrine plus ou moins sectaire d’une approche très gnostique).

« Il n’est pas facile de développer  cette  saine  humilité  ni  une  sobriété heureuse si nous nous rendons autonomes, si nous excluons Dieu de notre vie et que notre moi prend sa place, si nous croyons que c’est notre propre subjectivité qui détermine ce qui est bien ou ce qui est mauvais. » (Laudato si, n° 224)

La sobriété pour Jésus est le mode de vie qui permet de rester concentré sur la quête de la sagesse, sur la recherche des trésors spirituels. L’accumulation d’accumulation capitalistique nous détourne inéluctablement du but ultime de notre existence. « Insensé, cette nuit même on va te demander ta vie ». Il s’agit donc de jouir de ce monde qui passe en sachant nous préparer à la joie qui ne passera pas dans le monde à venir de la Résurrection.

 

Lisez ou relisez Laudato si (surtout le chapitre IV) disponible ici.
Faites la liste de vos greniers.
Demandez-vous ceux qui sont superflus.
Réfléchissez à ce que pourrait être une sobriété heureuse qui vous garde dans l’espérance du monde à venir…

 


[1]. Pierre RABHI, Vers la sobriété heureuse, Actes Sud, 2010, pp. 5-6

[2]Ibid, Avant-propos

 

 

1ère lecture : « En même temps que tu frappais nos adversaires, tu nous appelais à la gloire » (Sg 18, 6-9)
Lecture du livre de la Sagesse

La nuit de la délivrance pascale avait été connue d’avance par nos Pères ; assurés des promesses auxquelles ils avaient cru, ils étaient dans la joie. Et ton peuple accueillit à la fois le salut des justes et la ruine de leurs ennemis. En même temps que tu frappais nos adversaires, tu nous appelais à la gloire. Dans le secret de leurs maisons, les fidèles descendants des justes offraient un sacrifice, et ils consacrèrent d’un commun accord cette loi divine : que les saints partageraient aussi bien le meilleur que le pire ; et déjà ils entonnaient les chants de louange des Pères.

Psaume : Ps 32 (33), 1.12, 18-19,20.22

R/ Heureux le peuple dont le Seigneur est le Dieu. (Ps 32, 12a)

Criez de joie pour le Seigneur, hommes justes !
Hommes droits, à vous la louange !
Heureux le peuple dont le Seigneur est le Dieu,
heureuse la nation qu’il s’est choisie pour domaine !

Dieu veille sur ceux qui le craignent,
qui mettent leur espoir en son amour,
pour les délivrer de la mort,
les garder en vie aux jours de famine.

Nous attendons notre vie du Seigneur :
il est pour nous un appui, un bouclier.
Que ton amour, Seigneur, soit sur nous
comme notre espoir est en toi !

2ème lecture : « Abraham attendait la ville dont le Seigneur lui-même est le bâtisseur et l’architecte » (He 11, 1-2.8-19)
Lecture de la lettre aux Hébreux

Frères, la foi est une façon de posséder ce que l’on espère, un moyen de connaître des réalités qu’on ne voit pas. Et quand l’Écriture rend témoignage aux anciens, c’est à cause de leur foi.

 Grâce à la foi, Abraham obéit à l’appel de Dieu : il partit vers un pays qu’il devait recevoir en héritage, et il partit sans savoir où il allait. Grâce à la foi, il vint séjourner en immigré dans la Terre promise, comme en terre étrangère ; il vivait sous la tente, ainsi qu’Isaac et Jacob, héritiers de la même promesse, car il attendait la ville qui aurait de vraies fondations, la ville dont Dieu lui-même est le bâtisseur et l’architecte.

 Grâce à la foi, Sara, elle aussi, malgré son âge, fut rendue capable d’être à l’origine d’une descendance parce qu’elle pensait que Dieu est fidèle à ses promesses. C’est pourquoi, d’un seul homme, déjà marqué par la mort, a pu naître une descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel et que le sable au bord de la mer, une multitude innombrable.

 C’est dans la foi, sans avoir connu la réalisation des promesses, qu’ils sont tous morts ; mais ils l’avaient vue et saluée de loin, affirmant que, sur la terre, ils étaient des étrangers et des voyageurs. Or, parler ainsi, c’est montrer clairement qu’on est à la recherche d’une patrie. S’ils avaient songé à celle qu’ils avaient quittée, ils auraient eu la possibilité d’y revenir. En fait, ils aspiraient à une patrie meilleure, celle des cieux. Aussi Dieu n’a pas honte d’être appelé leur Dieu, puisqu’il leur a préparé une ville.

 Grâce à la foi, quand il fut soumis à l’épreuve, Abraham offrit Isaac en sacrifice. Et il offrait le fils unique, alors qu’il avait reçu les promesses et entendu cette parole : C’est par Isaac qu’une descendance portera ton nom. Il pensait en effet que Dieu est capable même de ressusciter les morts ; c’est pourquoi son fils lui fut rendu : il y a là une préfiguration.

Evangile : « Vous aussi, tenez-vous prêts » (Lc 12, 32-48)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. 
Veillez, tenez-vous prêts : c’est à l’heure où vous n’y pensez pas que le Fils de l’homme viendra.
Alléluia. (cf. Mt 24, 42a.44)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Sois sans crainte, petit troupeau : votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume. Vendez ce que vous possédez et donnez-le en aumône. Faites-vous des bourses qui ne s’usent pas, un trésor inépuisable dans les cieux, là où le voleur n’approche pas, où la mite ne détruit pas. Car là où est votre trésor, là aussi sera votre cœur. Restez en tenue de service, votre ceinture autour des reins, et vos lampes allumées. Soyez comme des gens qui attendent leur maître à son retour des noces, pour lui ouvrir dès qu’il arrivera et frappera à la porte. Heureux ces serviteurs-là que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller. Amen, je vous le dis : c’est lui qui, la ceinture autour des reins, les fera prendre place à table et passera pour les servir. S’il revient vers minuit ou vers trois heures du matin et qu’il les trouve ainsi, heureux sont-ils ! Vous le savez bien : si le maître de maison avait su à quelle heure le voleur viendrait, il n’aurait pas laissé percer le mur de sa maison. Vous aussi, tenez-vous prêts : c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra. » Pierre dit alors : « Seigneur, est-ce pour nous que tu dis cette parabole, ou bien pour tous ? » Le Seigneur répondit : « Que dire de l’intendant fidèle et sensé à qui le maître confiera la charge de son personnel pour distribuer, en temps voulu, la ration de nourriture ? Heureux ce serviteur que son maître, en arrivant, trouvera en train d’agir ainsi ! Vraiment, je vous le déclare : il l’établira sur tous ses biens. Mais si le serviteur se dit en lui-même : ‘Mon maître tarde à venir’, et s’il se met à frapper les serviteurs et les servantes, à manger, à boire et à s’enivrer, alors quand le maître viendra, le jour où son serviteur ne s’y attend pas et à l’heure qu’il ne connaît pas, il l’écartera et lui fera partager le sort des infidèles. Le serviteur qui, connaissant la volonté de son maître, n’a rien préparé et n’a pas accompli cette volonté, recevra un grand nombre de coups. Mais celui qui ne la connaissait pas, et qui a mérité des coups pour sa conduite, celui-là n’en recevra qu’un petit nombre. À qui l’on a beaucoup donné, on demandera beaucoup ; à qui l’on a beaucoup confié, on réclamera davantage. »
Patrick BRAUD

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9 juillet 2011

Éléments d’une écologie chrétienne

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Éléments d’une écologie chrétienne

 

Homélie du 15° dimanche ordinaire / année A
10/07/2011

 

·       À lire St Paul  en Rm 8, on croirait découvrir l’inspirateur de bien des discours écologiques actuels, de Jean-Louis Borloo à Nicolas Hulot en passant par Eva Joly et autres Al Gore.

 

« La création a été livrée au pouvoir du néant. Elle a gardé l’espérance d’être, elle aussi, libérée de l’esclavage, de la dégradation inévitable. La création tout entière crie sa souffrance ; elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore ».

Paul considère la création comme un quasi-sujet : elle souffre, elle espère, elle attend. Les « gémissements » qu’elle exprime pourraient faire penser aux catastrophes écologiques modernes. Et on voit trop l’exploitation « catastrophiste » que des leaders politiques pourraient en faire. Fukushima, Tchernobyl, les graines germées, les tsunamis ou le réchauffement climatique : la liste sera longue des dysfonctionnements réels que des lectures trop rapides identifieraient aux fameux « gémissements » de la création selon saint Paul.

 

St Paul serait-il écolo avant l’heure ? Cela pourrait-il appeler à des ralliements aux pensées écologistes contemporaines ?

Rien de moins sûr, car à lire Rm 8 de plus près, il y a bien des différences notables.

 

1. Paul ne parle pas de nature, mais de création.

Éléments d'une écologie chrétienne dans Communauté spirituelleQui dit création dit relation avec le Créateur. Une relation continue, présente, et pas seulement à l’origine. « Si l’homme n’est pas en paix avec Dieu, la terre elle-même n’est pas en paix » [1].

Créer ne se réduit pas en effet à une « chiquenaude initiale » : c’est un processus permanent pour rendre possible, maintenir en vie, et accompagner la croissance de ce / ceux qu’on crée. Les parents en savent quelque chose !

La nature des écologistes n’est en relation qu’avec elle-même. Elle ne semble pas avoir d’origine, peut-être même pas de fin (la plupart des écolos sont vaguement spinozistes).

 

 

 

 

 

2. Les douleurs d’un enfantement n’ont rien de comparable avec des catastrophes nucléaires ou sismiques.

Quand Paul parle de la création en travail d’enfantement, il en parle avec des accents de joie inquiète d’une femme enceinte.
C’est donc que l’univers est parcouru de joyeux frémissements, de bouleversements prometteurs, annonçant un monde nouveau, une création nouvelle.
Paul n’annonce pas un monde qui va à sa perte, mais un achèvement à venir ; pas une planète en perdition, mais un engendrement heureux.

 

3. Une écologie humaine.

La « nature » des penseurs écologistes semblent bien souvent indifférente à l’homme, voire hostile. L’être humain est perçu par certains courants radicaux comme une menace pour la « vie », pour les écosystèmes qui l’entourent. Les partisans de cette « écologie profonde » (deep ecology) considèrent l’homme comme un prédateur dangereux. Ils veulent alors le soumettre à l’intérêt de la nature en général, dont il ne serait qu’un élément parmi d’autres. La survie des animaux ou des plantes a autant d’importance que celle de l’espèce humaine. Et si la vie est menacée, l’homme doit s’effacer…

Rien de tout cela chez Paul, dont la conception du naturel est à la fois théologale (reliée à Dieu en tant que création) et profondément humaniste.

C’est « la gloire des enfants de Dieu » que la création veut connaître, pas sa propre perpétuation aveugle.

C’est à « la révélation des fils de Dieu » qu’elle « aspire de toutes ses forces », pas à l’auto-reproduction indéfinie, avec ou sans lois d’évolution.

« Les progrès techniques ont séparé l’homme de la Nature, la transformant en matière à exploiter. Aujourd’hui, nous devons apprendre à nous sentir solidaires de la création et non pas extérieurs à elle. 

L’homme doit vivre avec elle dans une sorte de fraternité responsable. 

S’il ne respecte pas sa soeur la Terre, comme une part de lui-même, l’homme disparaîtra. Le temps presse… » 

 

Autant dire que l’écologie chrétienne dans son ensemble est anthropocentrique : la nature n’existe pas uniquement en elle-même, pour elle-même. Elle vient de Dieu ; elle est pour l’homme, avec l’homme. Avec lui, elle retourne à Dieu, en un long cheminement solidaire à travers les siècles. Elle est bonne dès l’origine (« Et Dieu que cela était bon » Gn 2), avant même l’apparition de l’homme. Mais ce qui arrive à l’espèce humaine a des conséquences immenses sur son avenir.

« On évoque aujourd’hui avec une insistance toujours plus grande le droit à la sécurité dans l’environnement, comme un droit qui devra être inscrit dans une charte des droits de l’homme mise à jour. » 

 

L’homme a donc une responsabilité éthique vis-à-vis de celle qui l’accompagne dans son évolution, dont il est issu, et qu’il entraîne ailleurs.

« Si le sens de la valeur de la personne et de la vie humaine fait défaut, on se désintéresse aussi d’autrui et de la terre. L’austérité, la tempérance, la discipline et l’esprit de sacrifice doivent marquer la vie de chaque jour, afin que tous ne soient pas contraints de subir les conséquences négatives de l’incurie d’un petit nombre. »

 

 Christ dans Communauté spirituelleEn ce sens, l’écologie chrétienne est morale. Elle n’est pas utilitariste comme ceux qui réduisent la nature à ce qu’elle peut apporter à l’homme. Elle n’est pas matérialiste au sens où certains rêveraient la nature éternelle et plus grande que l’homme.

 

« L’éducation à la responsabilité écologique est donc nécessaire et urgente (?) Son objectif ne peut être ni idéologique ni politique, et sa conception ne peut s’appuyer sur le refus du monde moderne ou le désir vague d’un retour au  » paradis perdu « . (?) Il existe dans l’univers un ordre qui doit être respecté; la personne humaine, douée de la capacité de faire des choix libres, est gravement responsable de la préservation de cet ordre, notamment en fonction du bien-être des générations futures. La crise écologique – je le répète encore – est un problème moral. » 

 

Radicalement théologale, anthropocentrique et morale, l’écologie chrétienne est décidément très originale.

Vous aurez du mal à la retrouver telle quelle dans un programme présidentiel en 2012 !

Mais la vision biblique de la création en travail d’enfantement, liée à la plénitude humaine, peut devenir extrêmement féconde pour à la fois encourager les réformes écologiques indispensables, et relativiser les prétentions philosophiques insupportables?


[1]Les citations sont de Jean-Paul II, et sont tirées de : Les gémissements de la création. Vingt textes sur l’écologie de Jean-Paul II, présentation de Jean Bastaire, Ed. Parole et silence, 2006.

 

 

1ère lecture : La parole de Dieu fait germer la terre (Is 55, 10-11)

Lecture du livre d’Isaïe

Ainsi parle le Seigneur : La pluie et la neige qui descendent des cieux n’y retournent pas sans avoir abreuvé la terre, sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer, pour donner la semence au semeur et le pain à celui qui mange ;
ainsi ma parole, qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce que je veux, sans avoir accompli sa mission.

 

Psaume : Ps 64, 10abcd, 10e-11, 12-13, 12b.14

R/ Tu visites la terre, Seigneur, tu bénis ses semences

Tu visites la terre et tu l’abreuves,
tu la combles de richesses ;
les ruisseaux de Dieu regorgent d’eau,
tu prépares les moissons.

Ainsi, tu prépares la terre,
tu arroses les sillons ; 
tu aplanis le sol, tu le détrempes sous les pluies,
tu bénis les semailles.

Tu couronnes une année de bienfaits,
sur ton passage, ruisselle l’abondance.
Au désert, les pâturages ruiselle,
les collines débordent d’allégresse.

Sur ton passage ruiselle l’abondance.
Les herbages se parent de troupeaux 
et les plaines se couvrent de blé. 
Tout exulte et chante !

2ème lecture : La création tout entière participe au salut (Rm 8, 18-23)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Frères,
j’estime donc qu’il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire que Dieu va bientôt révéler en nous.
En effet, la création aspire de toutes ses forces à voir cette révélation des fils de Dieu.
Car la création a été livrée au pouvoir du néant, non parce qu’elle l’a voulu, mais à cause de celui qui l’a livrée à ce pouvoir. Pourtant, elle a gardé l’espérance d’être, elle aussi, libérée de l’esclavage, de la dégradation inévitable, pour connaître la liberté, la gloire des enfants de Dieu.
Nous le savons bien, la création tout entière crie sa souffrance, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore.
Et elle n’est pas seule. Nous aussi, nous crions en nous-mêmes notre souffrance ; nous avons commencé par recevoir le Saint-Esprit, mais nous attendons notre adoption et la délivrance de notre corps.

Evangile : Les paraboles du Royaume. Le semeur (brève : 1-9) (Mt 13, 1-23)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Le Semeur est sorti pour semer la Bonne Nouvelle. Heureux qui la reçoit et la fait fructifier ! Alléluia. (cf. Mt 13, 4.23)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Ce jour-là, Jésus était sorti de la maison, et il était assis au bord du lac.
Une foule immense se rassembla auprès de lui, si bien qu’il monta dans une barque où il s’assit ; toute la foule se tenait sur le rivage.
Il leur dit beaucoup de choses en paraboles :
« Voici que le semeur est sorti pour semer.
Comme il semait, des grains sont tombés au bord du chemin, et les oiseaux sont venus tout manger.
D’autres sont tombés sur le sol pierreux, où ils n’avaient pas beaucoup de terre ; ils ont levé aussitôt parce que la terre était peu profonde.
Le soleil s’étant levé, ils ont brûlé et, faute de racines, ils ont séché.
D’autres grains sont tombés dans les ronces ; les ronces ont poussé et les ont étouffés.
D’autres sont tombés sur la bonne terre, et ils ont donné du fruit à raison de cent, ou soixante, ou trente pour un.
Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! »
Les disciples s’approchèrent de Jésus et lui dirent : « Pourquoi leur parles-tu en paraboles ? »
Il leur répondit :
« A vous il est donné de connaître les mystères du Royaume des cieux, mais à eux ce n’est pas donné.
Celui qui a recevra encore, et il sera dans l’abondance ; mais celui qui n’a rien se fera enlever même ce qu’il a.
Si je leur parle en paraboles, c’est parce qu’ils regardent sans regarder, qu’ils écoutent sans écouter et sans comprendre.
Ainsi s’accomplit pour eux la prophétie d’Isaïe : Vous aurez beau écouter, vous ne comprendrez pas. Vous aurez beau regarder, vous ne verrez pas.
Le coeur de ce peuple s’est alourdi : ils sont devenus durs d’oreille, ils se sont bouché les yeux, pour que leurs yeux ne voient pas, que leurs oreilles n’entendent pas, que leur coeur ne comprenne pas, et qu’ils ne se convertissent pas.Sinon, je les aurais guéris !
Mais vous, heureux vos yeux parce qu’ils voient, et vos oreilles parce qu’elles entendent !
Amen, je vous le dis : beaucoup de prophètes et de justes ont désiré voir ce que vous voyez, et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez, et ne l’ont pas entendu.

Vous donc, écoutez ce que veut dire la parabole du semeur.
Quand l’homme entend la parole du Royaume sans la comprendre, le Mauvais survient et s’empare de ce qui est semé dans son coeur : cet homme, c’est le terrain ensemencé au bord du chemin.

Celui qui a reçu la semence sur un sol pierreux, c’est l’homme qui entend la Parole et la reçoit aussitôt avec joie ; mais il n’a pas de racines en lui, il est l’homme d’un moment : quand vient la détresse ou la persécution à cause de la Parole, il tombe aussitôt.

Celui qui a reçu la semence dans les ronces, c’est l’homme qui entend la Parole ; mais les soucis du monde et les séductions de la richesse étouffent la Parole, et il ne donne pas de fruit.

Celui qui a reçu la semence dans la bonne terre, c’est l’homme qui entend la Parole et la comprend ; il porte du fruit à raison de cent, ou soixante, ou trente pour un. »
Patrick BRAUD

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