L'homélie du dimanche (prochain)

11 juillet 2021

Les écarts de Jésus et les nôtres

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Les écarts de Jésus et les nôtres

 Homélie pour le 16° Dimanche du Temps Ordinaire / Année B
18/07/2021

Cf. également :

Il a détruit le mur de la haine
Medium is message
Du bon usage des leaders et du leadership
Des brebis, un berger, un loup
Le berger et la porte
La différence entre martyr et kamikaze ou djihadiste
Un manager nommé Jésus

Où est passé le Général ?

Les Brulûres de l’Histoire - 29 mai 1968 : De Gaulle disparaitLes journaux du 30 mai 1968 posaient tous la question à la Une : « où donc est De Gaulle ? » La veille en effet, il avait disparu de l’Élysée et personne ne savait vraiment où se trouvait le Président, pas même son premier ministre Georges Pompidou ! En pleine période d’émeutes et de manifestations de mai 68, le Général avait subitement ressenti le besoin de prendre du recul, de se mettre à l’écart de ce tumulte pendant quelques heures. On le reverra ce soir du 30 mai rentrant à La Boisserie, sa demeure de Colombey-les-Deux-Églises. On apprendra plus tard que le chef de l’État s’était entre-temps rendu à Baden-Baden en Allemagne pour aller prendre conseil auprès du général Massu… De Gaulle refera le coup du retrait spectaculaire en 1969, après l’échec du référendum qui l’amènera à démissionner. Du 10 mai au 19 juin 1969, on le vit arpenter les dunes sableuses en Irlande, avec sa femme Yvonne, aux confins de cette terre d’extrême occident qu’est la plage de Derrynane. Besoin là encore de prendre du recul, de la hauteur, en revenant à ses racines irlandaises à un tournant de son histoire.

Toutes proportions gardées, Jésus fait son petit De Gaulle (à moins que ce ne soit l’inverse !) dans l’Évangile de ce dimanche (Mc 6, 30-34), en obligeant ses disciples à venir avec lui à l’écart de la foule : « Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. (…) Alors, ils partirent en barque pour un endroit désert, à l’écart ».

En français, ce mot écart est riche de significations. Quand quelqu’un fait un écart de conduite, c’est qu’il sort des rails tracés par les mœurs habituelles, ce qui est le plus souvent jugé négativement par les gens dits normaux. Commettre un écart de langage, c’est se laisser aller à des vulgarités choquantes. Le cheval qui fait un écart se débrouille ainsi pour éviter un obstacle. Les ballerines font le grand écart sur la scène théâtrale, pendant que les politiciens font le grand écart sur la scène publique entre des valeurs inconciliables… Il n’est jusqu’au tarot ou l’obligation d’écarter le chien réserve son lot de surprises à celui qui prend !

Jésus ici part à l’écart, et invite ses amis à faire de même avec lui. Qu’est-ce que cela veut dire ? En quoi cela peut-il nous concerner aujourd’hui ?

 

Pourquoi l’écart ?
Relisons les autres passages des Évangiles où Jésus va à l’écart.

– Pour se protéger

Les écarts de Jésus et les nôtres dans Communauté spirituelleDans l’Évangile de Marc d’abord, celui que nous lisons en cette année B.
Au début, il y est presque obligé, car un lépreux guéri lui fait une telle publicité que Jésus préfère éviter la  foule avide de sensationnel : « Une fois parti, cet homme se mit à proclamer et à répandre la nouvelle, de sorte que Jésus ne pouvait plus entrer ouvertement dans une ville, mais restait à l’écart, dans des endroits déserts. De partout cependant on venait à lui » (Mc 1,45).
À nous également il peut nous arriver de rencontrer un tel succès que nous devons nous protéger de la curiosité des foules, surtout quand elle est malsaine.

 

Pour guérir

On amène à Jésus un sourd, qui de plus parlait difficilement. Pour lui redonner l’ouïe et la parole, Jésus l’amène à l’écart de la foule : « Jésus l’emmena à l’écart, loin de la foule, lui mit les doigts dans les oreilles, et, avec sa salive, lui toucha la langue » (Mc 7, 33).
Par respect de la pudeur de l’infirme sans doute. Pour éviter la curiosité de la foule sur ses prétendus secrets de guérisseur. Pour ne pas se mettre en vedette. Saint Vincent de Paul disait : « quand vous donnez à un pauvre, il faut se retirer avant qu’il puisse vous remercier ». Guérir à l’écart des regards relève de cette même pudeur qui préserve la liberté du guéri et le protège des foules. Et cet écart préserve le bienfaiteur de la vaine gloire.
À nous de pratiquer cette même discrétion lorsqu’il nous arrive d’intervenir en faveur de quelqu’un. Venir en aide à l’écart permet de ne pas humilier, de ne pas rendre dépendant, de ne pas en tirer orgueil soi-même. « Que ta main gauche ignore ce que donne la main droite ! » (Mt 6,3).

 

– Pour retrouver sa vraie identité

À un moment-clé de sa mission, avant de plonger dans l’enfer de sa Passion, Jésus prend de la hauteur, physiquement, en se séparant de tous ceux qui le suivent pour gravir le Mont Thabor. Il n’emmène avec lui, à l’écart, que les trois témoins de sa Transfiguration, qui seront également les trois témoins de sa défiguration de Gethsémani : « Six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les emmène, eux seuls, à l’écart sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux » (Mc 9, 2).
Nous aussi, lorsque nous devinons être un moment-clé de notre parcours, il peut nous être salutaire d’aller à l’écart, avec deux ou trois compagnons de route, pour aller puiser en hauteur la force d’affronter les épreuves qui nous attendent en bas. Être transfiguré demande de faire un écart, de ne pas rester le nez collé à l’action immédiate, pour refluer à la source de notre identité : « tu es mon fils bien-aimé… »

 

- Pour poser une question confidentielle

Là, ce sont quelques disciples qui veulent poser une question délicate à Jésus : « Et comme il s’était assis au mont des Oliviers, en face du Temple, Pierre, Jacques, Jean et André l’interrogeaient à l’écart » (Mc 13, 3). Ils sont bien embarrassés de poser leur question devant tout le monde, car cela risque de déstabiliser le groupe : « Dis-nous quand cela arrivera et quel sera le signe donné lorsque tout cela va se terminer » (Mc 13, 4 5).
Il y a des moments nous devons attendre d’être à l’écart, en toute confidentialité, pour poser certaines questions, échanger certains propos. Tout n’est pas dicible ouvertement. À nous de discerner ce qui doit être échangé à l’écart.

Dans les trois autres Évangiles, on repère encore d’autres raisons pour lesquelles Jésus va à l’écart :

- Pour passer à une autre mission

« Quand les Apôtres revinrent, ils racontèrent à Jésus tout ce qu’ils avaient fait. Alors Jésus, les prenant avec lui, partit à l’écart, vers une ville appelée Bethsaïde » (Lc 9, 10). Après le débrief de la première mission, Jésus prépare ses disciples à l’épisode de la multiplication des pains.
Entre deux temps forts de nos responsabilités, nous pouvons également marquer un temps d’arrêt, une pause, à l’écart. Enchaîner les projets à un rythme infernal sans se ressourcer entre-deux est le symptôme d’une boulimie d’action plutôt inquiétante à la longue…

 

– Pour prier et s’interroger sur soi-même.

J%C3%A9sus-pleure-sur-J%C3%A9rusalem-Greg-Olsen-20e écart dans Communauté spirituelle« En ce jour-là, Jésus était en prière à l’écart. Comme ses disciples étaient là, il les interrogea : “Au dire des foules, qui suis-je ?” » (Lc 9, 18).
Jésus régulièrement se met en retrait pour prier. Seul, à l’écart, dans un endroit où il se retrouve. Le passage cité montre qu’à l’écart, il s’interroge sur sa véritable identité, au point de revenir vers ses disciples pour leur demander : « qui suis-je ? »
Qui de nous n’a jamais été troublé au point de se demander : ‘qui suis-je ?’ Aller à l’écart pour prier cette interrogation est toujours un réflexe de bonne santé spirituelle.

 

– Pour se reposer

C’est le sens le plus simple, celui de notre évangile de ce dimanche. Jésus fait le lien explicite entre être à l’écart et se reposer : « Il leur dit : “Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu.” De fait, ceux qui arrivaient et ceux qui partaient étaient nombreux, et l’on n’avait même pas le temps de manger » (Mc 6, 31). En bon manager, il sait que son équipe a besoin de souffler de temps à autre. Et c’est vrai qu’en entreprise, prendre régulièrement une journée ‘au vert’ avec son équipe de travail est une sage et bonne habitude. Organiser un séminaire de rentrée dans un lieu agréable, prévoir une journée de débrief dans un cadre ressourçant etc. font partie des rituels indispensables à la santé relationnelle d’une équipe. Dans l’Évangile, c’est pour nourrir les foules de pain et de parole. Mais n’est-ce pas peu ou prou la finalité de toute activité professionnelle ?

 

De quoi l’écart est-il le nom ?

Examinons de plus près les enjeux de cet écart que Jésus fait faire aujourd’hui en embarquant ses disciples.

Frustrer les attentes immédiates de la foule.

Marc prend bien soin de préciser qu’il y avait un tel flux de demandeurs et de curieux qu’« on n’avait même pas le temps de manger ». Malgré l’attente énorme manifestée par tous ces gens, Jésus dit stop. En les mettant à l’écart, Jésus sait qu’il va couper tous ces gens d’un contact avec les disciples. Il file à l’anglaise, sachant qu’ils vont faire beaucoup de déçus dans l’immédiat. D’ailleurs la foule le supportera si peu qu’elle les suit en courant pour arriver avant de l’autre côté du lac ! La foule est dans le principe de plaisir : tout, tout de suite. Oser résister à cette pression populaire un peu magique fait partie du courage apostolique. Il est bon parfois de décevoir, de différer la demande. L’enjeu pour la foule est de transformer son besoin en désir, d’éduquer ce désir en le faisant grandir à la taille de ce que Dieu veut nous donner, qui est le plus souvent différent de ce que nous demandons… Pour les disciples, l’enjeu est d’apprendre à dire non, à devenir des pédagogues pour emmener ceux qui viennent à eux au-delà de leur première attente.

 

- Ne pas se laisser dévorer

Les gens ont faim de guérisons et de paroles. Du coup, ils dévorent les Douze, leur temps, leur énergie, jusqu’à les empêcher de manger eux-mêmes. Or rien ne sert aux pauvres que le riche épuise toute sa richesse d’un coup à tout donner ! La sagesse commande de préserver son intégrité en posant des limites, en sanctuarisant l’intime, en se soustrayant aux pressions indues. Un apôtre qui se viderait de lui-même au nom de sa mission y serait-il fidèle ? Comment pourrait-il à nouveau sauver, soigner, guérir, nourrir s’il s’effondre ? On a connu des militants très engagés qui se sont complètement négligés au nom de leur mission. Ce n’est pas sans susciter quelques interrogations : d’où vient cette volonté de toute-puissance ? Peut-on s’oublier soi-même au point de se détruire sous prétexte d’aider les autres ? L’amour des autres ne demande-t-il pas de s’aimer soi-même ? Le mythe de l’homme mangé qui sacrifie tout à la passion de son métier (de son ministère…) n’est pas au goût du Jésus ! Visiblement, ce n’est pas ce qu’il veut pour ses disciples, dont il prend soin en leur évitant le breakdown, le burn-out, en les emmenant à l’écart se reposer.

 

– Aimer la solitude

EALE-Mt-14-13-1024x684 reposÀ l’écart, dans un endroit désert : cela signifie se soustraire au bruit, à l’agitation, à la foule, aux occupations multiples. C’est accepter un rendez-vous avec soi-même, dans la solitude d’un monastère, d’un lieu spécial. Pour une équipe, c’est un rendez-vous avec un huis clos bienfaisant, en coupant les portables, en refusant l’éparpillement des journées de travail habituelles pour se retrouver ‘entre nous’.
Aimer la solitude permet donc de faire cet écart salutaire qui nous fera revenir remplis d’énergie et de richesse intérieure.
Elle serait suspecte l’agitation de quelqu’un qui multiplierait les activités, les actions, les occupations pour fuir la solitude, consciemment ou non…

 

– Aimer le repos

Les dimanches précédents nous ont fait aimer ces temps de repos où l’on fait une pause pour se ressourcer. « Dieu comble son bien-aimé quand il dort ». « Qu’il dorme ou qu’il se lève, la graine pousse d’elle-même sans qu’il sache comment ». Jouir d’un repos bien mérité, à l’écart du rythme ordinaire, est là encore une marque de sagesse. Les hyperactifs ont du mal à s’accorder ce temps de grâce, que les jaloux taxeront de paresse, les calculateurs de perte de temps. Pourtant, dormir bien calé dans le fond de la barque, admirer un beau paysage, savourer une bonne musique, tout simplement ne rien faire alors que tout s’agite autour de vous, tout cela fait partie d’une vie spirituelle équilibrée. Celui qui puise régulièrement à ce trésor d’équilibre aura à cœur d’en faire profiter son équipe, sa famille, ses amis. Les vacances, le tourisme, le sport, les rendez-vous festifs de l’été etc. s’inscrivent dans cette responsabilité qui est la nôtre : ouvrir à nos compagnons de route la possibilité de se reposer en chemin, à l’écart, dans un endroit désert.

 

- Nourrir l’action
Sans ce repos, l’action se vide de sa substance. Elle s’essouffle, tourne sur elle-même, se dégrade en activisme répétitif si régulièrement une césure ne vient à nouveau la connecter à sa source. Se mettre à l’écart, au repos, permet de revenir à l’action ensuite avec plus de profondeur. Tout engagement social, professionnel ou autre, s’il ne se nourrit pas régulièrement, dégénère en idéologie ou en répétition mécanique. Une nouvelle version du thème cher à Taizé autrefois : lutte et contemplation. Jamais l’une sans l’autre.
Être toujours dans l’action est une forme d’anorexie de l’âme. À la longue, cela ne peut qu’engendrer l’idolâtrie du pouvoir pour le pouvoir. Si l’action n’est pas nourrie de retraits réguliers, à l’écart, elle se transforme imperceptiblement en convulsions frénétiques, désordonnées, insensées.

 

Allons donc nous mettre à l’écart, cet été, pour nous reposer un peu. Et conduisons ceux dont nous sommes responsables à l’écart eux aussi, en barque, en téléphérique ou en montgolfière ! L’écart peut s’appeler monastère, lac de montagne, voilier en balade, randonnée en tous genres.
L’essentiel est de goûter le repos qui régénère, à l’écart des foules et du rythme ordinaire. Car Dieu comble son bien-aimé quand il dort, quand il rêve, quand il admire, s’émerveille, goûte la Création avec bonheur…

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Je ramènerai le reste de mes brebis, je susciterai pour elles des pasteurs » (Jr 23, 1-6)

Lecture du livre du prophète Jérémie

Quel malheur pour vous, pasteurs ! Vous laissez périr et vous dispersez les brebis de mon pâturage – oracle du Seigneur ! C’est pourquoi, ainsi parle le Seigneur, le Dieu d’Israël, contre les pasteurs qui conduisent mon peuple : Vous avez dispersé mes brebis, vous les avez chassées, et vous ne vous êtes pas occupés d’elles. Eh bien ! Je vais m’occuper de vous, à cause de la malice de vos actes – oracle du Seigneur. Puis, je rassemblerai moi-même le reste de mes brebis de tous les pays où je les ai chassées. Je les ramènerai dans leur enclos, elles seront fécondes et se multiplieront. Je susciterai pour elles des pasteurs qui les conduiront ; elles ne seront plus apeurées ni effrayées, et aucune ne sera perdue – oracle du Seigneur.
Voici venir des jours – oracle du Seigneur, où je susciterai pour David un Germe juste : il régnera en vrai roi, il agira avec intelligence, il exercera dans le pays le droit et la justice. En ces jours-là, Juda sera sauvé, et Israël habitera en sécurité. Voici le nom qu’on lui donnera : « Le-Seigneur-est-notre-justice. »

 

PSAUME
(Ps 22 (23), 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6)
R/ Le Seigneur est mon berger : rien ne saurait me manquer. (cf. Ps 22, 1)

Le Seigneur est mon berger :
je ne manque de rien.
Sur des prés d’herbe fraîche,
il me fait reposer.

Il me mène vers les eaux tranquilles
et me fait revivre ;
il me conduit par le juste chemin
pour l’honneur de son nom.

Si je traverse les ravins de la mort,
je ne crains aucun mal,
car tu es avec moi :
ton bâton me guide et me rassure.

Tu prépares la table pour moi
devant mes ennemis ;
tu répands le parfum sur ma tête,
ma coupe est débordante.

Grâce et bonheur m’accompagnent
tous les jours de ma vie ;
j’habiterai la maison du Seigneur
pour la durée de mes jours.

 

DEUXIÈME LECTURE
« Le Christ est notre paix : des deux, le Juif et le païen, il a fait une seule réalité » (Ep 2, 13-18)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens

Frères, maintenant, dans le Christ Jésus, vous qui autrefois étiez loin, vous êtes devenus proches par le sang du Christ. C’est lui, le Christ, qui est notre paix : des deux, le Juif et le païen, il a fait une seule réalité ; par sa chair crucifiée, il a détruit ce qui les séparait, le mur de la haine ; il a supprimé les prescriptions juridiques de la loi de Moïse. Ainsi, à partir des deux, le Juif et le païen, il a voulu créer en lui un seul Homme nouveau en faisant la paix, et réconcilier avec Dieu les uns et les autres en un seul corps par le moyen de la croix ; en sa personne, il a tué la haine. Il est venu annoncer la bonne nouvelle de la paix, la paix pour vous qui étiez loin, la paix pour ceux qui étaient proches. Par lui, en effet, les uns et les autres, nous avons, dans un seul Esprit, accès auprès du Père.

 

ÉVANGILE
« Ils étaient comme des brebis sans berger » (Mc 6, 30-34)
Alléluia. Alléluia.Mes brebis écoutent ma voix, dit le Seigneur ; moi, je les connais, et elles me suivent. Alléluia. (Jn 10, 27)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, après leur première mission, les Apôtres se réunirent auprès de Jésus, et lui annoncèrent tout ce qu’ils avaient fait et enseigné. Il leur dit : « Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. » De fait, ceux qui arrivaient et ceux qui partaient étaient nombreux, et l’on n’avait même pas le temps de manger. Alors, ils partirent en barque pour un endroit désert, à l’écart. Les gens les virent s’éloigner, et beaucoup comprirent leur intention. Alors, à pied, de toutes les villes, ils coururent là-bas et arrivèrent avant eux. En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de compassion envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. Alors, il se mit à les enseigner longuement.
.Patrick Braud

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31 juillet 2017

À l’écart, transfiguré

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

À l’écart, transfiguré

Homélie pour le 18° dimanche du temps ordinaire / Année A
Fête de la Transfiguration   06/08/2017

Cf. également :
Le sacrifice interdit
Dressons trois tentes…
La vraie beauté d’un être humain
L’alliance entre les morceaux
Visage exposé, à l’écart, en hauteur
Figurez-vous la figure des figures
Dieu est un trou noir 

Les congés d’été sont beaucoup l’occasion d’aller ailleurs : au bord de la mer en famille, sur les chemins de randonnée de montagne, dans des gîtes ruraux choisis avec soin sur Internet etc.  Bien peu pourtant choisissent d’aller à l’écart. Beaucoup s’entasseront sur une plage bondée à marée haute, se regrouperont dans les stations offrant tous les services en altitude, se noieront dans la masse des campings ou des clubs Med ou autres formules collectives simplifiant le dépaysement en le massifiant.

Le Christ aujourd’hui nous invite à prendre de la hauteur en gravissant le Mont Thabor, et à nous mettre à l’écart, avec nos proches, comme il le fit pour Pierre, Jacques et Jean :
« Jésus prit avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les emmena à l’écart, sur une haute montagne » (cf. Mt 17, 1-9)

Pas de transfiguration sans cette mise à l’écart temporaire.

MacronDieu qu’elle n’est pas naturelle cette mise à l’écart dans notre société actuelle ! La peur de la solitude semble pousser chacun à retrouver des compagnons, des convives, de la foule autour de lui. Cette angoisse du vide nous poursuit à travers les objets connectés qui font tellement partie de nous-mêmes qu’il nous est impensable de vivre sans eux, même en vacances. Le président de la République lui-même incarne cette hyper-connectivité, symbolisée par les deux smartphones placés à dessein sur la table de sa photo officielle trônant dans toutes les mairies de France. Deux smartphones, c’est un message fort ! C’est dire : ‘je ne suis jamais coupé de l’actualité, personnelle ou officielle, quelle qu’elle soit ; je ne débranche jamais, vous avez l’assurance que je suis toujours joignable, en contact avec les événements de ce monde’.

Savoir débrancher (comme le chantait France Gall !) est pourtant une hygiène mentale et spirituelle. Couper un temps les sollicitations extérieures est comme un rendez-vous avec soi-même. Décider que je répondrai demain à mes mails, SMS et autres appels téléphoniques (et quelle urgence ne pourrait réellement attendre 24 heures ?), c’est avoir une plage de temps à l’écart des lieux habituels que je peux habiter autrement, avec une autre disponibilité. Mitterrand confiait à la fin de son deuxième mandat qu’il refusait toute réunion ou rendez-vous le soir, pour prendre le temps de lire, de réfléchir…

En prenant ses disciples à l’écart, spatialement (sommet du Mont Thabor), socialement (séparé du groupe des Douze), temporellement (une journée d’excursion minimum pour monter puis redescendre), Jésus leur enseigne une respiration spirituelle indispensable aux hommes d’action. La vraie beauté de son visage ne s’est révélée que dans ce moment à l’écart, à distance des autres, à distance des préoccupations ordinaires.

L’expression à l’écart revient une douzaine de fois dans les évangiles.

C’est en les prenant à part, à l’écart, que Jésus explique les paraboles à ses disciples (Mc 4,10) ou répond à leurs questions (Mc 13,3 ; Mt 24,3). C’est à Bethsaïde que Jésus veut aller se reposer à l’écart, car les foules qui le suivent l’oppressent (Lc 9,10 ; Mt 14,13). C’est en priant à l’écart que Jésus ressent le besoin de demander à ses disciples qui il est vraiment (Lc 9,18). C’est loin de la foule, à l’écart, que Jésus fait de la boue pour guérir le sourd-muet (Mc 7,33). C’est seul, à l’écart, qu’il se retire dans la montagne pour prier, afin de rester fidèle à sa mission, ou avant de faire le choix si décisif des Douze à appeler à sa suite (Mt 14,23). C’est à l’écart qu’il invite ses disciples à se reposer avant de les replonger dans leur mission (Mc 6,31-32). On peut ajouter à ces épisodes celui de Gethsémani, où Jésus a besoin de s’isoler dans son angoisse devant la Passion qui approche, afin de supplier son Père et de trouver la force de lui rester fidèle (Mt 26,36).

« Il leur dit : « Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. » » Mc 6,31a

Savoir se mettre à l’écart pour un temps est donc un enjeu pour notre fidélité, pour notre  résistance à la fatigue et à l’usure, pour notre manière de faire les choix importants de notre parcours de vie.

Faire retraite dans un monastèreSavoir emmener nos proches à l’écart est également un enjeu pour notre responsabilité envers eux, notre management pourrait-on dire. Un responsable qui n’emmène jamais son équipe « au vert », ailleurs que sur son lieu de travail, pour un temps de ressourcement et de hauteur de vue ne serait pas un vrai manager. Un séminaire d’équipe une fois l’an semble un minimum (mais si peu pratiqué en entreprise hélas !). De même pour un couple : une soirée par semaine, une journée par mois, une semaine par an… Ceux qui ne savent plus se ménager ces rendez-vous amoureux au restaurant, en balade, en voyage ou dans un monastère, à deux, sans les enfants, se retrouvent vite juxtaposés, assumant ensemble la gestion ordinaire de la famille mais superficiellement, très superficiellement. Des amis proches de la retraite osaient dirent à haute voix devant leur conjoint leur peur de se retrouver 24h sur 24h avec lui/elle. Ils s’apercevaient qu’ils ne pratiquaient plus  - et depuis longtemps – cette mise à l’écart régulière à deux qui est un des secrets des couples heureux.

Le lien entre mise à l’écart et Transfiguration devrait nous mobiliser ! Ayant pris de la  hauteur, à distance de l’immédiat et du groupe, Pierre, Jacques et Jean se souviendront longtemps de l’éblouissante beauté du visage du Christ. La 2° lecture de ce Dimanche (2 P1, 16-19) nous livre le souvenir solide et la relecture que Pierre fait de l’épisode du Mont Thabor. Tous les trois resteront marqués à jamais par cette révélation fulgurante. Aussi, lorsque le visage de Jésus sera couvert de crachats de haine, couronné d’épines de dérision, tuméfié des coups des soldats, ils ne perdront pas totalement espoir au milieu de la foule hostile, ou du moins ils auront des pierres d’attente pour déchiffrer la résurrection de Jésus comme une nouvelle transfiguration. Lorsque ce même visage de Jésus sera élevé sur le bois pour être exposé à la honte et à la malédiction divine, surmontée d’une inscription moqueuse (et prophétique sans le savoir), ils pourront après-coup se souvenir de l’incroyable lumière dont il irradiait au Thabor.

Si nous ne pratiquons pas la mise à l’écart, pour nous-mêmes et pour nos proches, comment découvrirons-nous leur vraie beauté, leur inaliénable dignité cachée sous les déformations des accidents de la vie ?

Apprenons à débrancher nos objets connectés, à ne plus répondre immédiatement aux sollicitations extérieures, à partir à l’écart, seul ou avec nos proches.

La beauté du monde ne nous sera révélée qu’au prix de ce détour…

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Son habit était blanc comme la neige » (Dn 7, 9-10.13-14)

Lecture du livre du prophète Daniel
La nuit, au cours d’une vision, moi, Daniel, je regardais : des trônes furent disposés, et un Vieillard prit place ; son habit était blanc comme la neige, et les cheveux de sa tête, comme de la laine immaculée ; son trône était fait de flammes de feu, avec des roues de feu ardent. Un fleuve de feu coulait, qui jaillissait devant lui. Des milliers de milliers le servaient, des myriades de myriades se tenaient devant lui. Le tribunal prit place et l’on ouvrit des livres. Je regardais, au cours des visions de la nuit, et je voyais venir, avec les nuées du ciel, comme un Fils d’homme ; il parvint jusqu’au Vieillard, et on le fit avancer devant lui. Et il lui fut donné domination, gloire et royauté ; tous les peuples, toutes les nations et les gens de toutes langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite.

PSAUME
(Ps 96, 1-2, 4-5, 6.9)
R/ Le Seigneur est roi, le Très-Haut sur toute la terre (Ps 96, 1a.9a)

Le Seigneur est roi ! Exulte la terre !
Joie pour les îles sans nombre !
Ténèbre et nuée l’entourent,
justice et droit sont l’appui de son trône.

Quand ses éclairs illuminèrent le monde,
la terre le vit et s’affola ;
les montagnes fondaient comme cire devant le Seigneur,
devant le Maître de toute la terre.

Les cieux ont proclamé sa justice,
et tous les peuples ont vu sa gloire.
Tu es, Seigneur, le Très-Haut sur toute la terre,
tu domines de haut tous les dieux.

DEUXIÈME LECTURE
« Cette voix venant du ciel, nous l’avons nous-mêmes entendue » (2 P 1, 16-19)

Lecture de la deuxième lettre de saint Pierre Apôtre
Bien-aimés, ce n’est pas en ayant recours à des récits imaginaires sophistiqués que nous vous avons fait connaître la puissance et la venue de notre Seigneur Jésus Christ, mais c’est pour avoir été les témoins oculaires de sa grandeur. Car il a reçu de Dieu le Père l’honneur et la gloire quand, depuis la Gloire magnifique, lui parvint une voix qui disait : Celui-ci est mon Fils, mon bien-aimé ; en lui j’ai toute ma joie. Cette voix venant du ciel, nous l’avons nous-mêmes entendue quand nous étions avec lui sur la montagne sainte. Et ainsi se confirme pour nous la parole prophétique ; vous faites bien de fixer votre attention sur elle, comme sur une lampe brillant dans un lieu obscur jusqu’à ce que paraisse le jour et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs.

ÉVANGILE
« Son visage devint brillant comme le soleil » (Mt 17, 1-9)
Alléluia. Alléluia. Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie : écoutez-le ! Alléluia. (Mt 17, 5)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
En ce temps-là, Jésus prit avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les emmena à l’écart, sur une haute montagne. Il fut transfiguré devant eux ; son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière. Voici que leur apparurent Moïse et Élie, qui s’entretenaient avec lui. Pierre alors prit la parole et dit à Jésus : « Seigneur, il est bon que nous soyons ici ! Si tu le veux, je vais dresser ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » Il parlait encore, lorsqu’une nuée lumineuse les couvrit de son ombre, et voici que, de la nuée, une voix disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie : écoutez-le ! » Quand ils entendirent cela, les disciples tombèrent face contre terre et furent saisis d’une grande crainte. Jésus s’approcha, les toucha et leur dit : « Relevez-vous et soyez sans crainte ! » Levant les yeux, ils ne virent plus personne, sinon lui, Jésus, seul. En descendant de la montagne, Jésus leur donna cet ordre : « Ne parlez de cette vision à personne, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts.
Patrick BRAUD

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