L'homélie du dimanche (prochain)

30 mai 2014

Dieu est un trou noir

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Dieu est un trou noir

Homélie du 7° Dimanche de Pâques
01/06/2014

Dieu est lourd

On la chante, on lui rend, on l’espère, on la devine parfois sur des visages transfigurés, on l’associe au salut du monde, les jésuites font tout pour elle, les cieux la racontent, … mais qu’est-ce donc au juste que la « gloire de Dieu ? »


« Glorifie ton fils afin que ton fils te glorifie ».

« Donne-moi la gloire que j’avais auprès de toi ».

« Je trouve ma gloire dans ceux que tu m’as donnés ».

Cette page de l’évangile de Jean déborde de gloire (Jn 17, 1-11). La gloire de Dieu, la glorification du Fils, les hommes qui rendent toute gloire à Dieu. Mais qu’est-ce donc exactement cette gloire dont St Jean nous rebat les oreilles ?

L’analogie physique du « trou noir » peut aider à comprendre… 

Le mot même peut nous aider. En grec, la gloire se dit « doxa« , et c’est la même racine que les mots signifiant « lourd « , « pesant « . Parler de la gloire de Dieu, c’est donc dire que Dieu est lourd, pesant. Non pas qu’il ait besoin de faire un régime ! Mais la lourdeur, la pesanteur de Dieu, c’est une certaine densité d’être qui fait que sa vie a du poids, a de la consistance.


* Prenons une comparaison, une comparaison cosmique.

Les théories physiques actuelles décrivent la présence de « trous noirs » dans l’espace. Un trou noir, c’est un « endroit » de l’espace-temps où il y a une densité de matière et d’énergie quasi-infinie. Un condensé si fort qu’en un « lieu » minuscule il y a une infinité d’étoiles et de galaxies. Un trou noir dans l’espace est tellement dense qu’il attire à lui tout ce qui passe à proximité, et il devient de plus en plus dense. Il est noir parce que même la lumière y est attirée et converge vers lui. On l’appelle un « trou » parce qu’il engloutit et attire toute forme de matière qui passe à côté.

Cette image du trou noir peut nous aider à comprendre ce qu’est la gloire de Dieu. C’est une forme de densité d’énergie et d’être qui est si forte qu’elle attire à elle ceux qui cherchent à vivre une existence pleine, remplie, dense.

Glorifier Dieu, c’est alors en quelque sorte se laisser tomber dans un trou noir?
Rendre gloire à Dieu, c’est découvrir de l’intérieur que la vie en lui et avec lui est dense, infiniment dense ; que la saveur de certains moments de l’existence a un goût d’infini et d’éternité ; que la qualité de certaines relations dans l’amour, le bonheur et même dans l’épreuve, est « grosse » d’infini, comme une femme qui porte en elle une vie naissante.

* Comment exprimer cette densité d’être ? Quand la joie, la gravité ou la communion humaine sont si intenses, comment le dire ? Chacun de nous, nous avons vécu de ces moments extraordinairement forts, où les mots sont trop pauvres pour exprimer ce que l’on ressent. Devant un paysage à couper le souffle, dans une communion d’amour, dans une confidence d’amitié, dans un engagement militant, bref, chaque fois que la profondeur de la vie nous frappe à nouveau de stupeur et d’étonnement, comment parler au-delà des mots ? Comment habiter l’intensité de l’existence, c’est à dire comment rendre gloire à Dieu quand il y a un excès de joie, un excès de profondeur ?

 

La musique, meilleure ambassadrice de la doxa divine


* Et si c’était le rôle de l’art de traduire quelque chose de cet excès de la vie ? Et si 
Dieu est un trou noir dans Communauté spirituelle agneauc’était justement là le rôle de la musique et du chant ? En particulier dans la liturgie. Avez-vous déjà réfléchi au rôle des instruments et des chants dans la liturgie ? Ce n’est pas seulement pour que ce soit plus vivant ou plus beau que la liturgie demande une animation musicale. Mais c’est parce qu’il s’agit de rendre gloire à Dieu, et qu’il y a dans cette expérience de la gloire un surplus, un trop plein, un excès que seul l’art poétique, musical et choral peut porter. Relisez l’Apocalypse : par nature, la liturgie est musicale.

 

St Augustin est lui aussi le témoin de cet excès, de cette densité si forte qu’elle appelle le chant :

« Chantez-lui le cantique nouveau, chantez bien. Chacun se demande comment chanter pour Dieu. Chante pour lui, mais évite de chanter mal. [?] Eh bien, il te donne cette méthode de chant : ne cherche pas des paroles, comme si tu pouvais expliquer ce qui plaît à Dieu. Chante par des cris de jubilation. Bien chanter pour Dieu, c’est chanter par des cris de jubilation. En quoi cela consiste-t-il ? C’est comprendre qu’on ne peut pas expliquer par des paroles ce que l’on chante dans son c?ur. En effet ceux qui chantent, soit en faisant la moisson, soit en faisant les vendanges, ou n’importe quel travail enthousiasmant, lorsqu’ils se mettent à exulter de joie par les paroles de leurs chants, sont comme gonflés par une telle joie qu’ils ne peuvent la détailler par des paroles, ils renoncent à articuler des mots, et ils éclatent en cris de jubilation. [?] Que ton c?ur se réjouisse sans prononcer de paroles et que l’infinité de tes joies ne soit pas limitée par des syllabes. Chantez bien avec des cris de joie. »


* Celui qui n’explore jamais la densité de l’univers, la densité de son être, ne peut pas vraiment participer à la liturgie. Et la musique est pour nous une amie, un compagnon dans l’exploration de cette profondeur. Pourquoi, lorsqu’on est triste à pleurer, aime-t-on souvent écouter une musique triste ? Sinon justement parce qu’elle sait dire mieux que nous ce qui se passe à l’intérieur de nous-même ? C’est l’origine du blues et du gospel notamment, nés de l’exploration de la profondeur de la tristesse noire en exil loin de l’Afrique, et en liberté surveillée.
En même temps, la musique est pour nous un mémorial. Elle nous aide à ne pas perdre la mémoire. Car chacun de nous, nous avons en mémoire des musiques qui sont liées à des évènements précis de notre histoire personnelle. Des amoureux qui se sont connus sur un morceau de rock ou un slow ne l’écoutent jamais de la même oreille. Je connais des gens qui ont entendu pour la première fois l’Exultate-Jubilate de Mozart à un enterrement et qui en sont revenus bouleversés. Quand ils réécoutent ce chant, ils réécoutent l’espérance de la Résurrection qui les avait frappés alors.

Avec le temps, nos goûts musicaux changent parfois. Chacun a eu son époque : Charles Trenet pour les anciens, Claude François pour les moyens, Patrick Bruel pour les ados d’avant, et Shakira ou Beyoncé pour ceux d’aujourd’hui. Dans notre histoire personnelle, il y a des époques où l’on aime surtout les variétés, puis le jazz, ou, dans le classique, on évolue, de Mozart à Chostakovitch ou autre, selon les périodes de sa vie. Dans notre histoire collective aussi, la musique change et garde la trace des évènements. La musique flamenco est la mémoire vivante d’une période de paix et de métissage culturel. N’est-elle pas née grâce à l’influence arabe sur la culture hispanique, tout au long de ces 7 siècles, du VIII° au XV°, où le métissage culturel entre cultures arabes et cultures occidentales a produit des splendeurs musicales, architecturales et scientifiques ? Le flamenco nous aide à garder vivante la mémoire de cette fécondité mutuelle où l’ouverture à l’autre, où l’étranger était source de progrès humain et culturel. Les mystérieuses voix bulgares nous rediraient la même chose à partir du métissage entre l’Orient et l’Occident.

 

Et la grâce de la musique, c’est qu’elle nous invite à faire l’expérience de quelque chose comme la gloire de Dieu, dans la jubilation même du chant au-delà des mots.

Pensez au grégorien : les interminables modulations du choeur sur un « a » ou un « e » d’un alléluia font s’arrêter le temps, et éclater la louange au-delà du texte.

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Pensez au « scat » d’Ella Fitzgerald : quand la diva du jazz se laissait aller à jubiler par onomatopées au-delà de la partition, elle était dans la « gloire » et toute sa personne rayonnait de joie !


* Jouer des instruments et chanter, c’est donc l’une des voies les plus privilégiées pour chanter la gloire de Dieu. Il s’agit de se laisser tomber par amour dans les bras de Celui qui nous attire à lui pour nous révéler la vraie densité de l’existence humaine, la vraie profondeur de notre humanité. C’est pourquoi toute l’eucharistie est orientée, aimantée vers la grande doxologie trinitaire que nous chanterons tout à l’heure : « tout honneur et toute gloire par les siècles des siècles ».

 

1ère lecture : Les disciples réunis dans la prière après l’Ascension (Ac 1, 12-14)
Lecture du livre des Actes des Apôtres

Les Apôtres, après avoir vu Jésus s’en aller vers le ciel, retournèrent du mont des Oliviers à Jérusalem, qui n’est pas loin. (La distance ne dépasse pas ce qui est permis le jour du sabbat.)
Arrivés dans la ville, ils montèrent à l’étage de la maison ; c’est là qu’ils se tenaient tous : Pierre, Jean, Jacques et André, Philippe et Thomas, arthélemy et Matthieu, Jacques fils d’Alphée, Simon le Zélote, et Jude fils de Jacques.
D’un seul coeur, ils participaient fidèlement à la prière, avec quelques femmes dont Marie, mère de Jésus, et avec ses frères.

Psaume : Ps 26, 1, 4abcd, 7-8

R/ Oui, nous verrons la bonté de Dieu sur la terre des vivants.

Le Seigneur est ma lumière et mon salut ;
de qui aurais-je crainte ?
Le Seigneur est le rempart de ma vie ;
devant qui tremblerais-je ? 

J’ai demandé une chose au Seigneur, 
la seule que je cherche : 
habiter la maison du Seigneur 
tous les jours de ma vie.

Écoute, Seigneur, je t’appelle ! 
Pitié ! Réponds-moi ! 
Mon coeur m’a redit ta parole : 
« Cherchez ma face. »

2ème lecture : Bienheureux les persécutés pour le Christ (1P 4, 13-16)

Lecture de la première lettre de saint Pierre Apôtre

Mes bien-aimés, puisque vous communiez aux souffrances du Christ, réjouissez-vous, afin d’être dans la joie et l’allégresse quand sa gloire se révélera.
Si l’on vous insulte à cause du nom du Christ, heureux êtes-vous, puisque l’Esprit de gloire, l’Esprit de Dieu, repose sur vous.
Si l’on fait souffrir l’un de vous, que ce ne soit pas comme meurtrier, voleur, malfaiteur, ou comme dénonciateur.
Mais si c’est comme chrétien, qu’il n’ait pas de honte, et qu’il rende gloire à Dieu à cause de ce nom de chrétien.

Evangile : La grande prière de Jésus : « Père, glorifie ton Fils » (Jn 17, 1-11a)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Le Seigneur ne vous laisse pas orphelins : il reviendra vers vous, alors votre c?ur connaîtra la joie.Alléluia. (cf. Jn 14, 18; 16, 22)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

À l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il leva les yeux au ciel et pria ainsi : « Père, l’heure est venue. Glorifie ton Fils, afin que le Fils te glorifie.
Ainsi, comme tu lui as donné autorité sur tout être vivant, il donnera la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés.
Or, la vie éternelle, c’est de te connaître, toi, le seul Dieu, le vrai Dieu, et de connaître celui que tu as envoyé, Jésus Christ.

Moi, je t’ai glorifié sur la terre en accomplissant l’oeuvre que tu m’avais confiée.
Toi, Père, glorifie-moi maintenant auprès de toi : donne-moi la gloire que j’avais auprès de toi avant le commencement du monde.
J’ai fait connaître ton nom aux hommes que tu as pris dans le monde pour me les donner. Ils étaient à toi, tu me les as donnés, et ils ont gardé fidèlement ta parole.
Maintenant, ils ont reconnu que tout ce que tu m’as donné vient de toi,
car je leur ai donné les paroles que tu m’avais données : ils les ont reçues, ils ont vraiment reconnu que je suis venu d’auprès de toi, et ils ont cru que c’était toi qui m’avais envoyé. 

Je prie pour eux ; ce n’est pas pour le monde que je prie, mais pour ceux que tu m’as donnés : ils sont à toi, et tout ce qui est à moi est à toi, comme tout ce qui est à toi est à moi, et je trouve ma gloire en eux.
Désormais, je ne suis plus dans le monde ; eux, ils sont dans le monde, et moi, je viens vers toi. »
Patrick BRAUD

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31 août 2013

Dieu est le plus humble de tous les hommes

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Dieu est le plus humble de tous les hommes

 

Homélie du 22° Dimanche du temps ordinaire / Année C
01/09/2013

 

Ben Sirac le sage vante la vertu d'humilité avec des mots que bien des chefs en tout genre pourraient méditer :

« Plus tu es grand, plus il faut t’abaisser : tu trouveras grâce devant le Seigneur.
La puissance du Seigneur est grande, et les humbles lui rendent gloire.
La condition de l’orgueilleux est sans remède, car la racine du mal est en lui. »
(Si 3,17-29)

 

Dans l’Ancien Testament, l’humilité est d’abord la réponse humaine à la grandeur de Dieu. 

C’est la conscience de l’extraordinaire distance entre lui et moi qui m’entraîne à reconnaître ma fragilité, ma petitesse. Quelle que soit l’intelligence d’un savant, quel que soit le génie commercial ou industriel d’un patron, quelque soit la renommée d’un politique, qu’est-ce que cela en comparaison de celui qui est tout ? À l’image de la grenouille de La Fontaine, qui pourrait enfler ses prétentions jusqu’à vouloir égaler le « b?uf » divin ?


Dieu est le plus humble de tous les hommes dans Communauté spirituelle 275

 

Même ceux qui ne sont pas croyants font cette radicale expérience de leur finitude : devant l’immensité de l’océan, de la musique, de la maladie, du temps qui passe, de la mort…

En ce sens, l’Ancien Testament énonce une sagesse commune à beaucoup de cultures, de sociétés de toutes les époques. Et c’est déjà beaucoup, car c’est devant Dieu que l’homme apprend ce que être humble veut dire.

 

Le Nouveau Testament va sur ce point plus loin, infiniment plus loin. L’incarnation du Verbe révèle un dieu qui ne se contente pas d’être grand à distance ou même en proximité. Il se fait l’un de nous, dans notre humus = terreau humain et il épouse notre condition dans sa fragilité. L’humilité de Dieu n'est dans nulle autre religion aussi manifeste que dans la foi chrétienne. Comme l’écrivait le père François Varillon :

« Aimer c’est la puissance de descendre au plus bas jusqu’à l’anéantissement de soi.
Cet anéantissement n’est pas une suppression d’existence.
Il est la révélation de l’existence la plus haute.
C’est cela l’Évangile, la présence active et transformante de Dieu au plus bas de la condition humaine. »
1
 

Patrick Braud

En s’abaissant par amour jusqu’à se faire homme, Dieu se révèle humble face à l’homme, plus que nous ne pourrons jamais l’être envers lui. Dans le même mouvement (qui est trinitaire) de cette incarnation, Dieu livre le secret de son intimité : chaque personne divine, d'égale majesté, est tout entier humblement tournée vers le service et la communion avec les deux autres. L’humilité est donc une vertu (virtus = force en latin), intrinsèque à la nature divine. Ce n’est pas un comportement qu’il adopte pour rejoindre l’homme (ce serait à la limite d’une stratégie de séduction), c’est son être trinitaire même qu’il déploie pour inviter l’homme à y entrer en plénitude.


« ?.Dieu étreint l'âme dans l'amour.
Il est l'Autre mais sans distance.
Et caché. Humblement caché, car on ne pourrait le voir et rester libre.
L'invisibilité de Dieu est son humilité respectueuse de notre liberté. 2

 

L’humilité de Dieu est essentielle à l’amour qui unit les Trois ; elle est ainsi la source de l’humilité humaine, qui peut y participer, par grâce.

 

L’humilité est à ce point enracinée en Dieu que Maître Eckhart osera dire que celui qui est humble ne fait qu’un avec Dieu, et qu'il peut tout lui demander puisque en fait il n’est plus extérieur à ce qu’il désire :

L'homme véritablement humble n’a pas besoin de demander à Dieu: il peut commander à Dieu,
car la hauteur de la déité n’a égard qu’à 1a profondeur de l’humilité (…).

L’homme humble et Dieu ne font qu’un.

L’homme humble a pouvoir sur Dieu comme il en a sur lui-même, et tout ce qui est dans les anges est en propre à l’homme humble. Ce que Dieu opère, l’homme humble l’opère aussi, et ce que Dieu est, il l’est : une vie et un être. Et c’est pourquoi notre cher Seigneur a dit: « Apprenez de moi qui suis doux et humble de c?ur. » » 3 

 

Quand Jésus dit : « qui s'élève sera abaissé, qui s'abaisse sera élevé », il parle d’abord de lui-même.

Quand il demande de donner un festin pour ceux qui ne pourront jamais vous le rendre, il fait référence à la générosité divine qui est à la source de nos générosités humaines. « Il faut appeler divin l’amour qui est assez fort pour ne pas exiger la réciprocité comme condition de sa constance » (F. Varillon; ibid).

Quand il insiste : « va te mettre à la dernière place », il ne fait qu’énoncer le chemin sur lequel lui-même s’est engagé, jusqu’à la dernière place en humanité qu’est l'infamie de la croix.

 

Par quoi se caractérise cette humilité de Dieu ?

Par le souci de servir, par le refus de s’attribuer à soi-même sa propre gloire, par l’attention et le respect donné aux plus petits de la société, par un amour de soi intense parce que réaliste et enraciné en Dieu, par le refus de l’auto rédemption (serrer les dents pour y arriver tout seul sans dépendre de personne) etc.

On est alors aux antipodes de la fausse humilité, caricature autrefois trop fréquente, dans les congrégations religieuses comme dans les cercles bien-pensants… Sous prétexte d’humilité en effet, on peut cacher la peur de risquer ou la peur de prendre des responsabilités. À force d’humilité ostentatoire, on peut cultiver un goût morbide de l’auto-dépréciation, du paraître, et finalement du refus de la joie d’être aimé. Les contrefaçons de l’humilité rétrécissent le désir de vivre, nourrissent l’amertume de ne pas être reconnu, et finissent par cette peur contraire à l’Évangile : aller enfouir son talent au lieu de le faire fructifier.

 

Non, l’humilité à la manière de Dieu est une passion pour l’autre, pour faire grandir l’autre. « Dieu élève les humbles » chante Marie, parce que eux-mêmes élèvent leurs frères. L’humiliation est exactement à l’opposé de l’humilité.

 

Un rabbin le racontait fort joliment :

Deux élèves d’une école talmudique se disputaient pour savoir qui est le plus grand.
Le premier saisit son camarade à la tête, lui fait courber l'échine et crie victoire en le maintenant plié sous sa main : « je suis plus grand, je suis plus grand ».
À l’autre maintenant – Moshe – de faire la preuve. Il se relève, et se met à sauter en l’air, de plus en plus haut : « je suis plus grand, je suis plus grand ! » Le rabbin arrive et interpelle ses deux jeunes disciples : Moshé, certainement tu seras un maître en Israël, car pour te grandir tu n’as pas eu besoin de rabaisser tes frères »…

 

Puisqu'elle se reçoit, n'hésitez pas à demander à Dieu son humilité !

 


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[1]Varillon F., Traversées d’un croyant, choix de textes présentés Charles Ehlinger, Ed. Bayard, 2005.

[2]. Varillon F., L'humilité de Dieu, Centurion, 1974.

[3]. Maître Eckhart, Sermon n° 14. 


 

1ère lecture : Exhortation à l’humilité (Si 3, 17-18.20.28-29)

Lecture du livre de Ben Sirac le Sage

Mon fils, accomplis toute chose dans l’humilité, et tu seras aimé plus qu’un bienfaiteur.
Plus tu es grand, plus il faut t’abaisser : tu trouveras grâce devant le Seigneur.
La puissance du Seigneur est grande, et les humbles lui rendent gloire.
La condition de l’orgueilleux est sans remède, car la racine du mal est en lui.
L’homme sensé médite les maximes de la sagesse ; l’idéal du sage, c’est une oreille qui écoute.

 

Psaume : Ps 67, 4-5ac, 6-7ab, 10-11

R/ Béni soit le Seigneur : il élève les humbles.

Les justes sont en fête, ils exultent ; 
devant la face de Dieu ils dansent de joie.
Chantez pour Dieu, jouez pour son nom.
Son nom est Le Seigneur ; dansez devant sa face.

Père des orphelins, défenseur des veuves, 
tel est Dieu dans sa sainte demeure. 
À l’isolé, Dieu accorde une maison ; 
aux captifs, il rend la liberté.

Tu répandais sur ton héritage une pluie généreuse, 
et quand il défaillait, toi, tu le soutenais. 
Sur les lieux où campait ton troupeau, 
tu le soutenais, Dieu qui es bon pour le pauvre.

 

2ème lecture : La fête éternelle sur la montagne de la nouvelle Alliance (He 12, 18-19.22-24a)

Lecture de la lettre aux Hébreux

Frères, 
quand vous êtes venus vers Dieu, il n’y avait rien de matériel comme au Sinaï, pas de feu qui brûle, pas d’obscurité, de ténèbres, ni d’ouragan, pas de son de trompettes, pas de paroles prononcées par cette voix que les fils d’Israël demandèrent à ne plus entendre.

Mais vous êtes venus vers la montagne de Sion et vers la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste, vers des milliers d’anges en fête et vers l’assemblée des premiers-nés dont les noms sont inscrits dans les cieux. Vous êtes venus vers Dieu, le juge de tous les hommes, et vers les âmes des justes arrivés à la perfection. Vous êtes venus vers Jésus, le médiateur d’une Alliance nouvelle.

 

Évangile : Pour avoir part au royaume de Dieu : choisir la dernière place, inviter les pauvres (Lc 14, 1a.7-14)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Heureux les invités à la table de Dieu : il comble de biens les affamés, il élève les humbles. Alléluia. (cf. Lc 1, 52-53)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Un jour de sabbat, Jésus était entré chez un chef des pharisiens pour y prendre son repas. Remarquant que les invités choisissaient les premières places, il leur dit cette parabole :
« Quand tu es invité à des noces, ne va pas te mettre à la première place, car on peut avoir invité quelqu’un de plus important que toi.
Alors, celui qui vous a invités, toi et lui, viendrait te dire : ‘Cède-lui ta place’, et tu irais, plein de honte, prendre la dernière place. Au contraire, quand tu es invité, va te mettre à la dernière place. Alors, quand viendra celui qui t’a invité, il te dira : ‘Mon ami, avance plus haut’, et ce sera pour toi un honneur aux yeux de tous ceux qui sont à table avec toi.
Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé. »

Jésus disait aussi à celui qui l’avait invité : « Quand tu donnes un déjeuner ou un dîner, n’invite pas tes amis, ni tes frères, ni tes parents, ni de riches voisins ; sinon, eux aussi t’inviteraient en retour, et la politesse te serait rendue.
Au contraire, quand tu donnes un festin, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles ; et tu seras heureux, parce qu’ils n’ont rien à te rendre : cela te sera rendu à la résurrection des justes. »
Patrick BRAUD

 

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2 octobre 2010

L’injustifiable silence de Dieu

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L’injustifiable silence de Dieu

Homélie du 03/10/2010
27° Dimanche du temps ordinaire / Année C

 

« Combien de temps, Seigneur, vais-je t’appeler au secours, et tu n’entends pas, crier contre la violence, et tu ne délivres pas ! »

 Le cri du prophète Habacuc est toujours le nôtre.

Comment se fait-il que Dieu garde le silence devant tant d’injustices ? Il reste apparemment silencieux, impuissant devant le mal qui fait des ravages.

Le tremblement de terre en Haïti, les inondations au  Pakistan, la galère des « moins que rien » chez nous, la maladie terrible, la mort trop jeune… Comment croire en un Dieu muet et indifférent ?

 

Comment espérer se sortir de cette question qui génère tant d’athéisme fort raisonné ?

Nietzsche écrivait:  » Si je connais le pourquoi, je peux endurer tous les comment »… Mais si Dieu se tait, comment connaître le pourquoi ?

 

Une réponse juive : la transcendance absolue

L'injustifiable silence de Dieu dans Communauté spirituelle _1963DifficileLiberte_mEmmanuel Levinas, philosophe juif marqué par la Shoah, en appelle à la révélation biblique d’un Dieu qui ne veut pas se substituer à la responsabilité éthique de l’homme. 

« Que signifie cette souffrance des innocents ? Ne témoigne-t-elle pas d’un monde sans Dieu, d’une terre où l’homme seul mesure le Bien et le Mal ?

La réaction la plus simple, la plus commune consisterait à conclure à l’athéisme.

Réaction la plus saine aussi pour tous ceux à qui jusqu’alors un Dieu, un peu primaire, distribuait des prix, infligeait des sanctions ou pardonnait des fautes et, dans sa bonté, traitait les hommes en éternels enfants. Mais de quel démon borné, de quel magicien étrange avez-vous donc peuplé votre ciel, vous qui, aujourd’hui le déclarez désert ? Et pourquoi sous un ciel vide cherchez-vous encore un monde sensé et bon ?

[?] Un Dieu d’adulte se manifeste précisément par le vide du ciel enfantin. Moment où Dieu se retire du monde et se voile la face. [?]  [1]

cf. http://www.akadem.org/sommaire/themes/philosophie/1/4/module_2451.php  

 

Si le silence de Dieu permet d’évacuer les représentations magiques, enfantines, providentialistes dans lesquelles les hommes veulent l’enfermer pour l’utiliser, alors ce silence est effectivement salutaire?

 

Bon nombre de chrétiens s’arrêtent à cette « solution » pour contourner le paradoxe dramatique d’un Dieu tout-puissant et pourtant silencieux. Ils privilégient alors – avec des accents très profonds – la thèse que François Varillon a magnifiée dans son très beau livre : « l’humilité de Dieu ». Dieu est désarmé, dit-il, par amour. Parce que sa toute-puissance n’est que celle de l’amour, il doit lui-même passer par la souffrance, la faiblesse, l’impuissance devant le mal qui jaillit du coeur de l’homme.

 

Si cette position contient de forts accents de vérité sur l’infini respect d’un Dieu qui ne s’impose pas à l’homme, elle oublie peut-être un peu vite le fondement spécifiquement juif de cette thèse sur l’impuissance de Dieu. Levinas précise ainsi ce fondement :

« Là se manifeste, au contraire, la physionomie particulière du judaïsme : le rapport entre Dieu et l’homme n’est pas une communion sentimentale dans l’amour d’un Dieu incarné, mais une relation entre esprits, par l’intermédiaire d’un enseignement, par la Thora. C’est précisément une parole non incarnée de Dieu qui assure un Dieu vivant parmi nous. » (ibid.)

 

Comment croire en un Dieu si transcendant qu’il en deviendrait absent et impuissant ?

Un ancien SDF disait : « en 11 années passées à vivre dans la rue, de foyer en foyer, avec l’alcool, les anxiolytiques, le mépris… Dieu n’a jamais rien dit. Dieu n’a jamais rien fait. Comment pourrais-je croire en lui ? »

Même s’il a des aspects de grandeur qui fascine les croyants pour qui tout va bien, les pauvres, sur qui s’accumulent les galères de logement, de santé, de solitude, d’inutilité… ne peuvent absoudre ce silence de Dieu qui demeure un scandale.

 

Le silence n’est pas le dernier mot de Dieu

9782750901318 blasphème dans Communauté spirituellePour les chrétiens, le dernier mot de Dieu / sur Dieu n’est pas sa transcendance, mais l’incarnation en personne d’un Dieu, qui, en Jésus, justement ne garde pas le silence…

Certes, Jésus semble silencieux parfois : devant les accusateurs de la femme adultère, dans la barque de la tempête déchaînée, devant Pilate et la foule du procès selon l’évangéliste Jean… Mais d’abord, ce silence ne dure pas, car après il parle et il agit : pour sauver la femme adultère, pour calmer la tempête, pour témoigner à son procès. Parce qu’il est la Parole en personne, Jésus parle à ceux qui souffrent, il agit pour les petits et pour les exclus, il guérit les malades… Et ensuite, le silence de Dieu après la mort de Jésus ne se termine pas par le silence et l’impuissance, mais par la résurrection, éclatante victoire sur les forces de mal et sur la mort, avec des paroles fortes qui libèrent la parole des apôtres.

Non vraiment, Jésus n’a rien d’un Dieu silencieux qui se défausse sur l’homme.

 

Plus encore, Jésus a assumé les terribles cris des psaumes, semblables à ceux du prophète ou du SDF, accusant Dieu de son silence :

 « Mon Dieu, mon Dieu ! Pourquoi m’as-tu abandonné et t’éloignes-tu de moi sans me secourir, sans écouter ma plainte, pourquoi ton silence ? Mon Dieu, je t’appelle tout le jour, et tu ne réponds pas… » (Ps 22,3)

« Écoute, Seigneur, réponds-moi, car je suis pauvre et malheureux. » (Ps 86,9)

« Vite, réponds-moi, Seigneur. Je suis à bout de souffle ! Ne me cache pas ton visage. » (Ps 143,7)

 « Fais que j’entende au matin ton amour » (Ps 143,8).

« Vers toi, Seigneur, j’appelle ; mon rocher, ne sois pas sourd! Que je ne sois, devant ton silence, comme ceux qui descendent à la fosse! » (Ps 28,1)

« Ô Dieu, ne reste pas muet, plus de repos, plus de silence, ô mon Dieu ! » (Ps 83,2)

Saint Paul évoque « Jésus Christ, révélation d’un mystère enveloppé de silence aux siècles éternels », mais en prédisant aussitôt que ce mystère est « aujourd’hui manifesté » (Rm 16,24-25). Luther lui fait écho : « La foi est donc en quelque sorte connaissance, ou ténèbres, elle ne voit rien. Et cependant, saisi par la foi, Christ se tient en ces ténèbres ».

Christ se tient en ces ténèbres, comme la Parole se tient au creux du silence de Dieu :

« Nous nous trouvons ici face au « langage de la croix » (1 Co 1, 18). Le Verbe se tait, il devient silence de mort, car il s’est « dit » jusqu’à se taire, ne conservant rien de ce qu’il devait communiquer. De manière sugges­tive, les Pères de l’Église (St Maxime le Confesseur), contemplant ce Mystère, mettent sur les lèvres de la Mère de Dieu cette expression : « Sans parole est la parole du Père, la­quelle a créé toute la nature parlante, sans mouve­ment sont les yeux éteints de celui par la parole et le geste de qui est mû tout ce qui se meut » (Benoît XVI, Verbum Domini, 30/09/2010, n°12).

« Comme le montre la croix du Christ, Dieu parle aussi à travers son silence. Le silence de Dieu, l’expérience de l’éloignement du Tout-Puis­sant et du Père est une étape décisive du parcours terrestre du Fils de Dieu, Parole incarnée. Pendu au bois de la croix, il a crié la douleur qu’un tel silence lui causait : « Mon Dieu, mon Dieu, pour­quoi m’as-tu abandonné ? » (Mc 15, 34 ; Mt 27,46). Persévérant dans l’obéissance jusqu’à son dernier souffle de vie, dans l’obscurité de la mort, Jésus a invoqué le Père. C’est à lui qu’il s’en remet au moment du passage, à travers la mort, à la vie éternelle : « Père, entre tes mains je remets mon esprit » (Lc 23, 46).

Cette expérience de Jésus est comparable à la situation de l’homme qui, après avoir écouté et reconnu la Parole de Dieu, doit aussi se mesurer avec son silence. Bien des saints et des mystiques ont vécu une telle expérience qui aujourd’hui encore fait partie du cheminement de nombreux chrétiens. Le silence de Dieu prolonge ses paroles précédemment énoncées. Dans ces moments obscurs, il parle dans le mystère de son silence. C’est pourquoi, dans la dynamique de la Révélation chrétienne, le silence apparaît comme une expression importante de la Parole de Dieu. » (n° 20)

  

Inexplicable silence

Devant la Passion, devant la Shoah, devant le malheur innocent, nulle explication ne satisfait celui qui – comme Job – refuse de s’arrêter aux paroles trop faciles de ceux qui veulent innocenter Dieu de son silence.

Le pasteur Poujol insiste sur le côté inexplicable du silence de Dieu, à partir de l’histoire de Job :

« Job, contrairement au silence d’Abraham, n’obtient aucune explication, il ne lui est donné aucune promesse, aucune parole. Il est précipité dans la mort des siens, la maladie, la souffrance, et il est entouré du silence. Ce silence durera, selon certains commentateurs, quarante ans. De plus Job doit se battre contre les paroles vaines de ses amis, de ceux qui veulent rompre ce silence insoutenable pour la raison. Job leur dit : « Que n’avez-vous gardé le silence ! »

Que de bavardages, face aux Job d’aujourd’hui ! Que de paroles vaines qui finalement montrent la peur du silence, la peur de la rencontre avec soi-même. Si Abraham retrouve son fils après l’épreuve du silence, Job après son épreuve, ne retrouve pas ses enfants. Il en aura d’autres, mais les enfants ne sont pas interchangeables, nous le savons bien. Job garde la blessure du silence. En tout cela, nous dit la Bible, « Job ne pécha point ».

Job, s’il est placé face au silence de Dieu, ne reste pas, lui, dans le silence ! Il parle, il crie, il dit sa colère, son malheur à Dieu. Job apprend à ne pas tout comprendre de Dieu, il apprend que Dieu ne se réduit à l’image qu’il se fait de lui. Dans nos silences, dans nos conflits intérieurs, nous expérimentons bien souvent « la paix qui surpasse toute intelligence ».

Au fond de son silence de la nuit inexplicable, celle dont parle Jean de la Croix, Job dit : « Je sais que mon Rédempteur est vivant et qu’il se lèvera le dernier ».

Les silences de Dieu dans notre vie nous posent un conflit intérieur, d’autant plus que nous vivons dans une société de communication. Mais pour nous, le silence de Dieu n’est pas l’absence de Dieu. Le conflit dans lequel il nous place est un temps de profonde mutation personnelle. » [2]

 

Les pauvres demandent des réponses concrètes, pas des théories sur l’impuissance de Dieu.

Dans le livre d’Habacuc d’ailleurs, Dieu ne garde pas le silence en fait : il répond aux critiques des malheureux par la vision du prophète, communiquées clairement à tous.

Cette parole est plus sûre que le silence, incompréhensible. Ce serait blasphémer que de rendre le silence compréhensible.

 

Si la force de la résurrection n’est pas à l’oeuvre dans l’histoire, alors ce Dieu-là n’est plus le Dieu des pauvres; il n’est plus Dieu du tout…

  • Élie Wiesel à Genève le 20 avril 2009 constatait amèrement que l’humanité n’avait rien appris de la Shoah. Il n’acceptait pas de dédouaner Dieu de cette absence de pourquoi, de son silence? :

« - La culture ne nous a pas aidés. Moi qui crois que l’éducation est un bouclier qui nous protège contre certains actes que l’être humain cultivé ne peut pas, ne pourrait pas commettre. Non, ça n’a servi à rien, comment est-ce possible ?
- Maintenant on sait comment c’est arrivé. Tout, on sait déjà. Les historiens, les musées, les archives, on sait comment. Mais ce qu’on ne sait pas c’est le pourquoi. Pourquoi c’est arrivé.
- Ça a servi à quoi ? Et là, bien sûr, la seule réponse, c’est Dieu seul qui pourrait la donner. Humblement et sincèrement, je vous le dis que cette réponse-là, si elle existe, je la récuse. Il n’y a pas de réponse. Il faut vivre avec la question. Mais cette question-là s’étend au-delà du temps. Est-ce que le monde apprendra jamais ? Est-ce qu’il apprendra finalement ce que cela signifie de permettre à des hommes d’anéantir d’autres hommes, sans raison ? Moi, je pense que l’homme, que le monde n’a pas appris. Si le monde avait appris, il n’y aurait pas eu le Cambodge, il n’y aurait pas eu la Bosnie, il n’y aurait pas eu le Rwanda, il n’y aurait pas eu le Darfour, il n’y aurait pas eu de racisme, pas d’antisémitisme. » 

Le scandale du silence de Dieu du reste entier, même s’il est provisoire.
Peut-être n’y a-t-il pas d’autre attitude que celle de Job à la fin de son long réquisitoire contre Dieu :

« Et Job fit cette réponse à Yahvé :

Je sais que tu es tout-puissant: ce que tu conçois, tu peux le réaliser. J’étais celui qui voile tes plans, par des propos dénués de sens. Aussi as-tu raconté des oeuvres grandioses que je ne comprends pas, des merveilles qui me dépassent et que j’ignore. Je ne te connaissais que par ouï-dire, mais maintenant mes yeux t’ont vu. Aussi je me rétracte et m’afflige sur la poussière et sur la cendre. »  (Jb 42,1-6)

 

Peut-être n’y a-t-il pas d’autre courage devant ce silence incompréhensible que la plainte des psaumes avec laquelle Jésus a fait corps ?

 

La foi chrétienne n’explique pas le silence de Dieu.
Elle espère juste qu’à la fin de ce silence, il agisse…

 


[1]. Emmaunel, Lévinas, Aimer la Thora plus que Dieu in Difficile Liberté, Livre de Poche, 1973, pp. 219-223

 

 

1ère lecture : « Le juste vivra par sa fidélité » (Ha 1, 2-3; 2, 2-4)

Lecture du livre d’Habacuc

« Combien de temps, Seigneur, vais-je t’appeler au secours, et tu n’entends pas, crier contre la violence, et tu ne délivres pas !

Pourquoi m’obliges-tu à voir l’abomination et restes-tu à regarder notre misère ? Devant moi, pillage et violence ; dispute et discorde se déchaînent. Je guetterai ce que dira le Seigneur. »

Alors le Seigneur me répondit : « Tu vas mettre par écrit la vision, bien clairement sur des tablettes, pour qu’on puisse la lire couramment.

Cette vision se réalisera, mais seulement au temps fixé ; elle tend vers son accomplissement, elle ne décevra pas. Si elle paraît tarder, attends-la : elle viendra certainement, à son heure.

Celui qui est insolent n’a pas l’âme droite, mais le juste vivra par sa fidélité. »

 

Psaume : Ps 94, 1-2, 6-7ab, 7d-8a.9

 

R/ Aujourd’hui, ne fermons pas notre coeur, mais écoutons la voix du Seigneur !

 

Venez, crions de joie pour le Seigneur,

acclamons notre Rocher, notre salut !

Allons jusqu’à lui en rendant grâce,

par nos hymnes de fête acclamons-le !

 

Entrez, inclinez-vous, prosternez-vous,

adorons le Seigneur qui nous a faits.

Oui, il est notre Dieu ;

nous sommes le peuple qu’il conduit.

 

Aujourd’hui écouterez-vous sa parole ?

« Ne fermez pas votre coeur comme au désert,

où vos pères m’ont tenté et provoqué,

et pourtant ils avaient vu mon exploit. »

 

2ème lecture : Le chef de communauté doit rester fidèle dans le service de l’Évangile (2Tm 1, 6-8.13-14)

Lecture de la seconde lettre de saint Paul Apôtre à Timothée

Fils bien-aimé,

je te rappelle que tu dois réveiller en toi le don de Dieu que tu as reçu quand je t’ai imposé les mains.

Car ce n’est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d’amour et de raison.

N’aie pas honte de rendre témoignage à notre Seigneur, et n’aie pas honte de moi, qui suis en prison à cause de lui ; mais, avec la force de Dieu, prends ta part de souffrance pour l’annonce de l’Évangile.

Règle ta doctrine sur l’enseignement solide que tu as reçu de moi, dans la foi et dans l’amour que nous avons en Jésus Christ.

Tu es le dépositaire de l’Évangile ; garde-le dans toute sa pureté, grâce à l’Esprit Saint qui habite en nous.

 

Evangile : La puissance de la foi – L’humilité dans le service (Lc 17, 5-10)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Les Apôtres dirent au Seigneur : « Augmente en nous la foi ! »

Le Seigneur répondit : « La foi, si vous en aviez gros comme une graine de moutarde, vous diriez au grand arbre que voici : ‘Déracine-toi et va te planter dans la mer’, et il vous obéirait.

Lequel d’entre vous, quand son serviteur vient de labourer ou de garder les bêtes, lui dira à son retour des champs : ‘Viens vite à table’ ?

Ne lui dira-t-il pas plutôt : ‘Prépare-moi à dîner, mets-toi en tenue pour me servir, le temps que je mange et que je boive. Ensuite tu pourras manger et boire à ton tour.’

Sera-t-il reconnaissant envers ce serviteur d’avoir exécuté ses ordres ?

De même vous aussi, quand vous aurez fait tout ce que Dieu vous a commandé, dites-vous : ‘Nous sommes des serviteurs quelconques : nous n’avons fait que notre devoir.’ »
Patrick Braud

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26 juin 2010

Du feu de Dieu !

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Du feu de Dieu !

 

Homélie du 13° Dimanche du temps ordinaire / Année C

27/06/2010


« Ça marche du feu de Dieu ! »…

Qui n’a pas entendu ou utilisé cette expression enthousiaste qui salue le succès de l’action entreprise ?

Il vient de la Bible, ce « feu de Dieu » si prometteur. Mais l’évangile d’aujourd’hui semble prendre ses distances avec une démonstration de force de cette nature.

« – Seigneur, veux-tu que nous ordonnions que le feu tombe du ciel pour les détruire ?

- Mais Jésus se retourna et les interpella vivement. »

Pourquoi Jésus réagit-il ainsi, au lieu justement de montrer sa puissance, et de confondre radicalement ses adversaires ?

 

Reprenons l’histoire de cette expression : « le feu de Dieu », dans la Bible.

 

Du feu de Dieu ! dans Communauté spirituelle ch4ao9l4* Quand il tombe du ciel, le feu fait immanquablement penser à la foudre. Ce phénomène naturel a si fortement impressionné les civilisations traditionnelles qu’elles voyaient dans la foudre l’intervention de Dieu sur terre, avec terreur et tremblement.

Comme toute manifestation du sacré, cette théophanie est ambivalente, et peut signifier soit l’agrément par Dieu d’une demande de l’homme, soit au contraire la punition divine qui s’exerce en direct contre l’homme.

 

* Le premier sens, positif, du « feu de Dieu » se retrouve par exemple avec David. Il vient de recenser son peuple, et Dieu lui reproche ce péché d’orgueil (compter sur ses propres forces plus que compter sur Dieu seul). Dieu veut frapper le peuple de la peste en punition de cet orgueil. Mais David intercède, et pour cela construit un autel en offrant à Yahvé des holocaustes très chers pour lui demander d’épargner son peuple. « Alors Yahvé fit tomber le feu du ciel sur les holocaustes des sacrifices de David » (1Ch 21, 26). Et à partir de là, Dieu renonce à son châtiment.

Le « feu de Dieu »  est ici le signe de la miséricorde divine qui, à la prière humaine, accepte de détourner sa colère.

 

L’épisode se reproduit avec Salomon, pour que Dieu accepte d’habiter le Temple de Jérusalem. Après la consécration du Temple, Salomon prie, et le feu tombe du ciel pour agréer son offrande et faire du Temple un lieu de prière pour toutes les nations (2Ch 7,1).

Ces deux épisodes sont rappelés en 2Ma 2,10.

 

Le feu de Dieu qui tombe du ciel peut donc marquer l’agrément positif d’un Dieu qui accepte l’offrande humaine et s’engage à nouveau en alliance avec lui. L’expression en français vient sans doute de là.

* Le deuxième usage du « feu de Dieu » est nettement plus négatif, et plus courant dans la Bible. C’est le signe de la colère et de la punition divine.

C’est à cela que pense Luc dans notre évangile ; et encore plus loin, en 17,29, lorsqu’il rappelle que « Dieu fit pleuvoir du ciel du feu et du soufre sur Sodome », et qu’il en sera de même au jour du fils de l’Homme.

 

Le pauvre Job subit cette épreuve : « le feu de Dieu est tombé du ciel ; il a brûlé tes brebis et tes bergers » (Job 1,16). Le feu du ciel est ici synonyme du malheur innocent et injuste. C’est précisément parce qu’il est profondément injuste que Jésus condamne cet usage de la force divine, et oblige ses disciples rester non-violents.

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Le prophète Élie a lui aussi utilisé cette arme redoutable : pour battre les prophètes de Baal au mont Carmel dans leur concours d’holocaustes qui devaient s’enflammer (1R 18,38), pour faire dévorer ses ennemis qui consultaient d’autres dieux (2R 1,10 ; cf. Si 48,3).

Redoutable instrumentalisation de la puissance divine !

Élie apprendra à ses dépens, grâce à l’humble veuve de Sarepta, que forcer la main de Dieu pour une démonstration de violence ne convient pas du tout au Dieu d’Israël?

 

Jésus dénonce avec force le coup de force.

Jésus refuse vivement cette instrumentalisation de la puissance. Il sait qu’elle peut être malsaine, à l’image de la Bête de l’Apocalypse (la fameuse, dont le chiffre est 666), qui accomplit le prodige de faire descendre le feu du ciel sur la terre pour amener les hommes à l’adorer (Ap 13,13). L’instrumentalisation de cette violence se retournera contre le violent : l’immense armée de Satan sera dévorée par le feu descendu du ciel (Ap 20,9)

 

* On le voit : la tentation est grande, la tentation est constante d’utiliser le feu du ciel pour éliminer ceux qui ne pensent pas comme nous.

Du Hezbollah au Mossad, des fanatiques religieux à la nomenklatura stalinienne, des djihadistes à la Corée du Nord, beaucoup voudraient forcer le feu du ciel à tomber sur leurs ennemis pour les détruire.

 

Plus proche de nous, chacun n’est-il pas tenté d’utiliser la violence pour montrer qu’il a raison ? d’utiliser la prière pour servir ses intérêts, contre les gêneurs ? d’instrumentaliser Dieu pour le forcer à prendre parti dans nos querelles ? de se servir de sa puissance au lieu de servir sa volonté ?

 

En interpellant vivement Jacques et Jean qui réclament « le feu de Dieu » sur leurs ennemis, Jésus conteste radicalement cette instrumentalisation du Nom de Dieu hélas si courante aujourd’hui. Il les initie en même temps à l’amour des ennemis, clé de voûte du christianisme, qui est à rebours de cette volonté de puissance sur l’autre.

 

N’utilisez pas votre foi pour vous imposer avec violence !

Renoncez à instrumentaliser Dieu dans vos conflits politiques, économiques, familiaux, professionnels… Laissez Dieu être Dieu !

Renoncez à la violence pour convaincre.

Prenez plutôt avec courage votre chemin vers votre Jérusalem.

N’ayez pas d’autres rêves de puissance que d’être sans pierre où reposer la tête, libres de toute obligation sociale – même de deuil -, sans regarder en arrière…

 

 

 

 

1ère lecture : Élisée abandonne tout pour suivre Élie (1R 19, 16b.19-21)

 

Lecture du premier livre des Rois

Le Seigneur avait dit au prophète Élie : « Tu consacreras Élisée, fils de Shafate, comme profète pour te succéder. »
Élie s’en alla. Il trouva Élisée, fils de Shafate, en train de labourer. Il avait à labourer douze arpents, et il en était au douzième. Élie passa près de lui et jeta vers lui son manteau.
Alors Élisée quitta ses boeufs, courut derrière Élie, et lui dit : « Laisse-moi embrasser mon père et ma mère, puis je te suivrai. » Élie répondit : «Va-t’en, retourne là-bas ! Je n’ai rien fait. »
Alors Élisée s’en retourna ; mais il prit la paire de boeufs pour les immoler, les fit cuire avec le bois de l’attelage, et les donna à manger aux gens. Puis il se leva, partit à la suite d’Élie et se mit à son service.

 

Psaume : Ps 15, 1.2a.5, 7-8, 9-10, 2b-11

 

R/ Dieu, mon bonheur et ma joie !

Garde-moi, mon Dieu : j’ai fait  de toi mon refuge.
J’ai dit au Seigneur : « Tu es mon Dieu !
Seigneur, mon partage et ma coupe :
de toi dépend mon sort. »

Je bénis le Seigneur qui me conseille :
même la nuit mon c?ur m’avertit.
Je garde le Seigneur devant moi sans relâche ;
il est à ma droite : je suis inébranlable.

Mon c?ur exulte, mon âme est en fête,
ma chair elle-même repose en confiance :
tu ne peux m’abandonner à la mort
ni laisser ton ami voir la corruption.

Je n’ai pas d’autre bonheur que toi.
Tu m’apprends le chemin de la vie :
devant ta face, débordement de joie !
À ta droite, éternité de délices !

 

2ème lecture : L’Esprit s’oppose à la chair et nous rend libres (Ga 5, 1.13-18)

 

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Galates

Frères,
si le Christ nous a libérés,
c’est pour que nous soyons vraiment libres. Alors tenez bon, et ne reprenez pas les chaînes de votre ancien esclavage.
Vous avez été appelés à la liberté. Mais que cette liberté ne soit pas un prétexte pour satisfaire votre égoïsme ; au contraire, mettez-vous, par amour, au service les uns des autres.
Car toute la Loi atteint sa perfection dans un seul commandement, et le voici :Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
Si vous vous mordez et vous dévorez les uns les autres, prenez garde : vous allez vous détruire les uns les autres.
Je vous le dis : vivez sous la conduite de l’Esprit de Dieu ; alors vous n’obéirez pas aux tendances égoïstes de la chair.
Car les tendances de la chair s’opposent à l’esprit, et les tendances de l’esprit s’opposent à la chair. En effet, il y a là un affrontement qui vous empêche de faire ce que vous voudriez.
Mais en vous laissant conduire par l’Esprit, vous n’êtes plus sujets de la Loi.

 

Evangile : Suivre Jésus sans condition sur la route de la Croix (Lc 9, 51-62)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Comme le temps approchait où Jésus allait être enlevé de ce monde, il prit avec courage la route de Jérusalem.
Il envoya des messagers devant lui ; ceux-ci se mirent en route et entrèrent dans un village de Samaritains pour préparer sa venue.
Mais on refusa de le recevoir, parce qu’il se dirigeait vers Jérusalem.
Devant ce refus, les disciples Jacques et Jean intervinrent : « Seigneur, veux-tu que nous ordonnions que le feu tombe du ciel pour les détruire ? »
Mais Jésus se retourna et les interpella vivement.
Et ils partirent pour un autre village.
En cours de route, un homme dit à Jésus : « Je te suivrai partout où tu iras. »
Jésus lui déclara : « Les renards ont des terriers, les oiseaux du ciel ont des nids ; mais le Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer la tête. »
Il dit à un autre : « Suis-moi. » L’homme répondit : « Permets-moi d’aller d’abord enterrer mon père. »
Mais Jésus répliqua : « Laisse les morts enterrer leurs morts. Toi, va annoncer le règne de Dieu. »
Un autre encore lui dit : « Je te suivrai, Seigneur ; mais laisse-moi d’abord faire mes adieux aux gens de ma maison. »
Jésus lui répondit : « Celui qui met la main à la charrue et regarde en arrière n’est pas fait pour le royaume de Dieu. » 

Patrick Braud

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