L'homélie du dimanche (prochain)

28 décembre 2015

Marie Theotokos, ou la force de l’opinion publique

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Marie Theotokos, ou la force de l’opinion publique

 

Homélie pour le 1° Janvier, fête de Marie « Mère de Dieu »

 

Émeutes populaires à Constantinople

Nous sommes en 428. Nestorius, évêque de Constantinople – ville impériale s’il en est – Marie Theotokos, ou la force de l'opinion publique dans Communauté spirituelleprovoque un vif émoi parmi le peuple. En effet, dans ses homélies et à la cathédrale, il refuse d’appeler Marie « Mère de Dieu » (Theotokos en grec) et ne lui accorde que le titre de « mère du Christ ». Il est tellement préoccupé de sauvegarder la grandeur de Dieu qu’il ne peut aller jusqu’à penser que Dieu en la personne de Jésus ait voulu avoir une mère en la personne de Marie. Cette opinion influencera fortement la rédaction du Coran d’ailleurs deux siècles plus tard. Or le peuple chrétien vénère Marie comme Theotokos, et n’accepte pas que son évêque ne professe pas la même foi que lui. La foule allait même jusqu’à coller des placards sur les murs de la cathédrale et de l’archevêché en signe de protestation! En refusant de donner à Marie le titre de Theotokos, Nestorius se heurte au sens de la foi (sensus fidei) de son Église locale.

 

Tout cela provoque un tel tintamarre que l’empereur Théodose II convoque un concile à Éphèse pour Pentecôte 431 afin de trancher la question. Nestorius y est désavoué : puisque le Christ est vrai Dieu et vrai homme, « sans séparation ni confusion », la mère de l’homme Jésus est donc en même temps la Mère de Dieu, la Theotokos. Sinon, cela reviendrait à dire qu’en Jésus la divinité et l’humanité ne sont pas vraiment unies l’une à l’autre.

 

Pourquoi ce rappel historique ? Pour montrer l’importance du sens de la foi des fidèles (sensus fidei fidelium) et de la réception dans l’Église : l’enseignement de Nestorius n’est pas reçu dans son Église locale, et cela suffit pour, sinon invalider, du moins soupçonner cet enseignement, et appeler à un débat au plus haut niveau d’autorité de l’Église. Appeler Marie Mère de Dieu, c’est se souvenir que la piété mariale du Peuple de Dieu a été dans l’histoire un lieu théologique important.

 

La force de l’opinion publique

Fêter la Mère de Dieu au tout début d’une année qui préparera l’élection présidentielle charge cette fête d’une harmonie particulière. Va-t-on écouter l’opinion publique, celle des petites gens (qui gagnent environ le SMIC) qui ont des choses à dire sur les choix de société ? Ce peuple va-t-il s’organiser pour faire entendre sa voix ? Ou faudra-t-il attendre des révoltes, des colères sociales protestant devant trop d’inégalités ? Le pouvoir des urnes sera-t-il un réel pouvoir de choix ? S’il n’est pas relayé par  des associations courageuses, par des corps intermédiaires bien vivants (syndicats hélas en survie actuellement, organisations professionnelles etc.) ce pouvoir démocratique ne sera que celui d’un fusil à deux cartouches, les deux tours de l’élection.

 

Le printemps arabe de 2011 à démontré encore une fois, après la chute du communisme en  Dieu dans Communauté spirituelle1989, que l’opinion publique est capable de « renverser les puissants de leurs trônes » comme le chante Marie dans son Magnificat.

On a vu également les indignés manifester en Espagne, et donner naissance à Podemos.

Et malheureusement on a vu les partis islamistes ou les militaires engranger les bénéfices électoraux des printemps arabes…

C’est donc que l’opinion publique a la fragilité de sa force : elle peut tout emporter, mais aussi préparer pire encore…

 

Dans l’Église catholique également, la nécessité d’une opinion publique forte, structurée, constructive, est plus que jamais nécessaire. Beaucoup s’en vont sur la pointe des pieds faute de trouver un moyen de se faire entendre. Des questions  graves et douloureuses ne sont même plus sujets de débat autorisé. Des raidissements idéologiques se généralisent et la tentation du repli identitaire décourage ceux qui ne sont pas du petit cercle des initiés.

 

Afficher l'image d'origineC’est sans doute Pie XII qui a défini le plus clairement l’importance et le rôle de l’opinion publique, non seulement dans la société (d’où le rôle de l’Église pour éclairer le débat d’idées, notamment dans les médias) mais aussi dans  l’Église. Dans un discours au Congrès international de la Presse Catholique du 17/02/1950, il disait [1]:

« L’Église (…) est un corps vivant et il manquerait quelque chose à sa vie, si l’opinion publique lui faisait défaut, défaut dont le blâme retomberait sur les Pasteurs et les fidèles (…). Le publiciste catholique (…) aidera avec une ferme clarté à la formation d’une opinion catholique dans l’Église, précisément lorsque, comme aujourd’hui, cette opinion oscille entre les deux pôles également dangereux d’un spiritualisme illusoire et irréel, d’un réalisme défaitiste et matérialisant. » 

 

Ce discours est très neuf par rapport à tout ce qui était dit avant sur les médias et le danger supposé qu’ils représentent pour l’Église. Il introduit même dans la responsabilité ministérielle la charge d’animer la communauté sur ce plan de l’opinion ecclésiale: loin de confisquer le débat et de n’être que des « haut-parleurs » de la hiérarchie, les ministres doivent veiller à ce qu’une légitime opinion publique puisse se manifester au sein d’une paroisse, d’un diocèse etc… On voit comment les consultations et enquêtes publiques pré-synodales, ou encore le courrier des lecteurs dans les journaux (catholiques ou non), ou même un certain recours judicieux aux sondages d’opinion etc… peuvent mettre en oeuvre concrètement cette intuition théologique : l’Église n’est pas une communion si la parole n’y circule pas, si la communication ne se fait que dans un sens. Les pasteurs doivent particulièrement y veiller.

« L’opinion publique dans l’Église apparaît ainsi comme une circulation de pensées dont les responsables de la communauté sont les promoteurs principaux (…). Manifestation de la sainte liberté des enfants de Dieu, l’opinion publique dans l’Église, c’est le dialogue de la famille dans l’obéissance surnaturelle, appelé par l’encyclique Ecclesiam Suam. Loin d’être une critique de l’Église, elle apparaît comme un signe d’amour à son égard. » 

 

Le sens de la foi des fidèles

Si le peuple de Constantinople a su proclamer Marie Theotokos contre l’enseignement de son évêque, ne faudrait-il pas croire qu’aujourd’hui encore le peuple chrétien a quelque chose à dire sur la vie de son Église ?

En termes théologiques, cela s’appelle le sens de la foi des fidèles.

Vatican II lui accorde une importance considérable :

« La collectivité des fidèles, ayant l’onction qui vient du Saint (cf. 1Jn 2,20; 1Jn 2,27), ne peut se tromper dans la foi ; ce don particulier qu’elle possède, elle le manifeste par le moyen du sens surnaturel de foi qui est celui du peuple tout entier, lorsque, « des évêques jusqu’aux derniers des fidèles laïcs » elle apporte aux vérités concernant la foi et les moeurs un consentement universel. Grâce en effet à ce sens de la foi qui est éveillé et soutenu par l’Esprit de vérité, et sous la conduite du magistère sacré, qui permet, si on obéit fidèlement, de recevoir non plus une parole humaine, mais véritablement la parole de Dieu ( cf. 1Th 2,13 ), le peuple de Dieu s’attache indéfectiblement à la foi transmise aux saints une fois pour toutes (cf. Jud 1,3 ), il y pénètre plus profondément en l’interprétant comme il faut et dans sa vie la met plus parfaitement en oeuvre. » (Lumen Gentium n° 12)

 

Vox populi, vox Dei.

La voix du peuple est la voix de Dieu.

La fête de Marie Mère de Dieu nous le rappelle dès le début de cette nouvelle année.

Puissions-nous contribuer à faire entendre cette voix, dans la société comme dans l’Église !

 


[1]. Cf. le recueil de textes sur la question: Les médias. Textes des Églises,  Centurion, Paris, 1990.

 

 

 

 

1ère lecture : Voeux de paix et de bonheur (Nb 6, 22-27)

Lecture du livre des Nombres

Le Seigneur dit à Moïse :
« Voici comment Aaron et ses descendants béniront les fils d’Israël :
‘Que le Seigneur te bénisse et te garde ! Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage, qu’il se penche vers toi ! Que le Seigneur tourne vers toi son visage, qu’il t’apporte la paix !’ C’est ainsi que mon nom sera prononcé sur les fils d’Israël, et moi, je les bénirai. »

 

Psaume : 66, 2b.3, 5abd, 7.8b

R/ Que Dieu nous prenne en grâce et qu’il nous bénisse !

Que son visage s’illumine pour nous ;
et ton chemin sera connu sur la terre,
ton salut, parmi toutes les nations. 

Que les nations chantent leur joie,
car tu gouvernes le monde avec justice ;
sur la terre, tu conduis les nations.

La terre a donné son fruit ;
Dieu, notre Dieu, nous bénit.
Et que la terre tout entière l’adore !

2ème lecture : Le Fils de Dieu, né d’une femme (Ga 4, 4-7)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Galates

Frères, lorsque les temps furent accomplis, Dieu a envoyé son Fils ; il est né d’une femme, il a été sous la domination de la

vous êtes des fils : envoyé par Dieu, l’Esprit de son Fils est dans nos c?urs, et il crie vers le Père en l’appelant « Abba ! ». Ainsi tu n’es plus esclave, mais fils, et comme fils, tu es héritier par la grâce de Dieu.

 

Evangile : Jésus fils de Marie (Lc 2, 16-21)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Jadis, par les prophètes, Dieu parlait à nos pères ; aujourd’hui sa parole vient à nous en son Fils. Alléluia. (cf. He 1, 1-2)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Quand les bergers arrivèrent à Bethléem, ils découvrirent Marie et Joseph, avec le nouveau-né couché dans la mangeoire. Après l’avoir vu, ils racontèrent ce qui leur avait été annoncé au sujet de cet enfant. Et tout le monde s’étonnait de ce que racontaient les bergers. Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son coeur. Les bergers repartirent ; ils glorifiaient et louaient Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu selon ce qui leur avait été annoncé.
Quand fut arrivé le huitième jour, celui de la circoncision, l’enfant reçut le nom de Jésus, le nom que l’ange lui avait donné avant sa conception.
Patrick Braud

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2 septembre 2015

La revanche de Dieu et la nôtre

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La revanche de Dieu et la nôtre

Homélie du 23° Dimanche du temps ordinaire / Année B
06/09/2015

Le retour de Dieu sur la scène publique

« La revanche de Dieu ».

La revanche de Dieu et la nôtre dans Communauté spirituelle 925310991La formule d’Isaïe dans notre première lecture est devenue célèbre :

« Dites aux gens qui s’affolent : ‘Soyez forts, ne craignez pas. Voici votre Dieu : c’est la vengeance qui vient, la revanche de Dieu. Il vient lui-même et va vous sauver’. » (Is 35, 4-7)

Le livre éponyme de Gilles Kepel [1] en 1991 a fait date en France. Il y expliquait pourquoi et comment la question de Dieu et de la religion – que les Lumières en Europe et la laïcité en France avec cru faire disparaître de la sphère publique – revenait en force dans tous nos débats de société. Depuis, ce constat s’est d’ailleurs renforcé : voile islamique, cantines et halal, djihadistes français, « je ne suis pas Charlie »… : les sujets foisonnent où la religion - et singulièrement l’islam – redevient une dimension essentielle du fameux « vivre ensemble républicain ». De quoi faire se retourner le petit père Combes dans sa tombe !

La raison pour Gilles Kepel de cette revanche de Dieu dans la vie publique réside dans le retournement des arguments des Lumières contre la raison elle-même. Les promesses de l’émancipation révolutionnaire n’ont pas été tenues. Pire encore, les ‘désillusions du progrès’ (Raymond Aron) font douter de l’idée de bonheur prophétisée par les idéaux du XVIIIe siècle. La science devient dangereuse pour l’homme et manipule la dignité humaine. La technique devient catastrophique, et la protestation écologique a bien du mal à endiguer sa domination destructrice. L’économie mondialisée continue à générer des inégalités monstrueuses et de plus en plus répandues. La question de l’infini n’en finit pas de tarauder l’inconscient collectif, et l’au delà de la mort – un hors champ  pour les Lumières – ne disparaît pas de la quête individuelle et collective, etc. Les religions monothéistes ont bien saisi qu’il y avait là un moment favorable pour partir à la reconquête de l’espace social.

Projections 2050 Pew Research Center

Une très sérieuse étude du Pew Research Center estime que les sans-religion (‘unaffiliated’) baisseront de 16,4% à 13,2% de la population mondiale entre 2010 et 2050 [2]

La phrase attribuée à Malraux sur le retour du religieux au 21° siècle s’avère être une bonne prévision sociologique !

 

 

Dans cet océan de religiosité, la France reste un îlot singulier, puisque les sans religion deviendront majoritaires, à 44% de la population, alors qu’en 2010 les chrétiens (= baptisés) sont encore à 63%.

 

Serait-ce donc cela, la revanche de Dieu prophétisée par Isaïe ? Serait-ce le retour en force sur la scène publique - quelquefois violent - du sentiment religieux décidément incontournable ?

Oui et non, pourrait-on dire.

- Oui, car vivre comme si Dieu n’existait pas est bien une idée folle, et finalement idolâtre, que la Bible dénonce comme une situation meurtrière, une illusion génératrice de violence et d’inhumanité. En ce sens, Dieu prend sa revanche lorsque l’homme découvre qu’il ne peut vivre sans lui.

- Non, car la revanche dont parle Isaïe n’est pas celle des sociologues et des historiens.

Elle comporte au moins deux différences que les chrétiens devront affirmer haut et fort face aux autres revanches terriblement mises en œuvre par des nostalgiques ou des fanatiques de toutes obédiences :

1) La revanche de Dieu n’est pas une vengeance.

2) La revanche de Dieu se mesure à l’assomption des petits et des pauvres.

Approfondissons chacun de ces deux points.

 

1) Prendre sa revanche sans se venger

La tentation existe de confondre revanche et vengeance.

Isaïe semble être encore tributaire de cette confusion, puisqu’il cite les deux dans la même phrase. Mais ce n’est pas du tout la même chose. Car finalement c’est bien le salut qui en jeu grâce à la revanche divine : « Dieu vient lui-même et va vous sauver », annonce Isaïe (Is 35,7). Pas question ici de supplicier les offenseurs d’Israël pour les punir, mais de donner la vue aux aveugles, l’ouïe aux sourds, la marche aux boiteux, la parole aux muets etc.

La Bible se méfie de la vengeance et du cercle infernal de représailles successives qu’elle engendre. Déjà la loi du talion avait pour mission de restreindre la violence en infligeant des peines justement proportionnées au mal subi : un œil pour un oeil, pas deux ;  une dent pour une dent, pas deux. Le but de la justice biblique n’est pas de se venger, mais d’arrêter la violence.


Le Christ ira au bout de cette logique du talion en demandant d’aimer ses ennemis et de tendre l’autre joue à celui qui te frappe.

Se venger n’est donc pas dans les mœurs de Dieu.

Il fait tomber la pluie sur les bons comme sur les méchants. Il ne désire pas la mort du pécheur mais qu’il change de vie en se détournant du mal.

Se venger est dirigé contre l’agresseur, alors que prendre sa revanche est dirigé vers un avenir positif.

La revanche de Dieu, pour Isaïe, c’est faire revenir Israël sur sa terre. Pour le psaume 145, c’est garantir la sécurité des pauvres, de la veuve, de l’orphelin, de l’immigré. Pour les évangiles, la revanche de Dieu c’est la promotion des pauvres grâce aux guérisons de  Jésus et à leur réintégration sociale. Et finalement, l’ultime revanche de Dieu sera la résurrection de Jésus, sa victoire sur le mal et la mort annonçant nos propres victoires dès maintenant et au delà.

La vengeance est contre quelqu’un.

La revanche de Dieu est pour les humbles.


Nous pouvons donc nous aussi, en participant à la nature divine, être capables de renoncer à la vengeance et 10799-gf Dieu dans Communauté spirituellede convertir le mal subi en énergie positive afin de servir le bien commun.

C‘est par exemple Stephen Hawking prenant sa revanche sur la maladie en développant une pensée scientifique puissante. C’est Martin Gray se remettant à aimer alors que par deux fois sa famille a été anéantie (dans les camps nazis, puis par un incendie). C’est le père Joseph Wresinski, originaire des bas quartiers populaires d’Angers, qui fonde ATD Quart Monde. C’est même le peuple hébreu, qui prend sa revanche sur la Shoah en créant Israël (hélas, en retombant régulièrement dans la confusion avec la vengeance et ses représailles…). C’est Jean-Paul II - saint Jean-Paul II – qui prend sa revanche sur le communisme en ouvrant aux pays de l’Est la porte de la foi sans peur etc.

Chacun de nous est appelé à creuser cette distinction vengeance / revanche : comment prendre ma revanche (en faisant réussir tel projet ambitieux, en tirant profit de l’épreuve etc.) sans me venger de l’autre (conjoint, collègues, syndicaliste, patron, voisin…) ?

 

2) En revanche, c’est l’assomption des petits qui compte

Ce critère là d’une revanche authentiquement divine rejoint le concept d’option préférentielle pour les pauvres de la Doctrine sociale de l’Église.

Convertir l’offense subie en expérience de solidarité avec les plus pauvres, pour les faire grandir, les libérer, est un marqueur de la revanche authentique.

Isaïe annonce une espérance pour les aveugles, les sourds, les boiteux, les muets… Le psaume 145 énumère les oubliés à qui Dieu va rendre justice : opprimés, affamés, enchaînés, veuves, orphelins, étrangers… L’évangile montre Jésus libérant un sourd, parlant mal, et étranger (cf. Mc 7, 31-37)…

Malgré les violences raciales qui empoisonnent encore la vie des USA, la présidence de Barak Obama incarne la revanche de l’idéal américain sur l’esclavagisme et le ségrégationnisme des XVIIIe - XXe siècles. Un noir peut désormais devenir président de n’importe quel État.

Malgré les dérives eugénistes toujours actives, la revanche sur le handicap est d’accompagner dès la naissance – voire dès la conception - ceux d’entre nous qu’on enfermait autrefois dans des hôpitaux psychiatriques ou centres spécialisés et inhumains.

Un jour, la revanche de Dieu se manifestera pour ceux qui sont actuellement les méprisés de notre société : les familles des bidonvilles, les ombres clochardes sur nos trottoirs, les non-nés parce que non-désirés, les migrants pourchassés etc.

À chacun de se poser la question : comment convertir la violence subie en énergie pour faire réussir les petits d’aujourd’hui ?

Comment me détourner du passé douloureux pour me mobiliser au service de ceux vers qui il m’a projeté ?

 

Prendre sa revanche sans se venger.

Une revanche au service des plus petits.

Que l’Esprit du Christ nous initie à participer ainsi à la véritable revanche de Dieu.

 


[1]. KEPEL Gilles, La Revanche de Dieu. Chrétiens, juifs et musulmans à la reconquête du monde, Paris, Le Seuil, « Points », 1991, 282 p.

 

 Une première vidéo très courte résumant les projections du Pew research Center :

Une deuxième vidéo détaillant ces évolutions (pensez à mettre les sous-titres : cela vous aidera…)

 

1ère lecture : La revanche de Dieu (Is 35, 4-7a)
Lecture du livre du prophète Isaïe

Dites aux gens qui s’affolent : « Soyez forts, ne craignez pas. Voici votre Dieu : c’est la vengeance qui vient, la revanche de Dieu. Il vient lui-même et va vous sauver. » Alors se dessilleront les yeux des aveugles, et s’ouvriront les oreilles des sourds. Alors le boiteux bondira comme un cerf, et la bouche du muet criera de joie ; car l’eau jaillira dans le désert, des torrents dans le pays aride. La terre brûlante se changera en lac, la région de la soif, en eaux jaillissantes.

Psaume : Ps 145 (146), 6c-7, 8-9a, 9bc-10
R/ Je veux louer le Seigneur, tant que je vis.
ou : Alléluia. (Ps 145, 2)

Le Seigneur garde à jamais sa fidélité,
il fait justice aux opprimés ;
aux affamés, il donne le pain ;
le Seigneur délie les enchaînés.

Le Seigneur ouvre les yeux des aveugles,
le Seigneur redresse les accablés,
le Seigneur aime les justes,
le Seigneur protège l’étranger.

Il soutient la veuve et l’orphelin,
il égare les pas du méchant.
D’âge en âge, le Seigneur régnera :
ton Dieu, ô Sion, pour toujours !

2ème lecture : « Dieu n’a-t-il pas choisi ceux qui sont pauvres pour en faire des héritiers du Royaume ? » (Jc 2, 1-5)
Lecture de la lettre de saint Jacques

Mes frères, dans votre foi en Jésus Christ, notre Seigneur de gloire, n’ayez aucune partialité envers les personnes. Imaginons que, dans votre assemblée, arrivent en même temps un homme au vêtement rutilant, portant une bague en or, et un pauvre au vêtement sale. Vous tournez vos regards vers celui qui porte le vêtement rutilant et vous lui dites : « Assieds-toi ici, en bonne place » ; et vous dites au pauvre : « Toi, reste là debout », ou bien : « Assieds-toi au bas de mon marchepied. » Cela, n’est-ce pas faire des différences entre vous, et juger selon de faux critères ? Écoutez donc, mes frères bien-aimés ! Dieu, lui, n’a-t-il pas choisi ceux qui sont pauvres aux yeux du monde pour en faire des riches dans la foi, et des héritiers du Royaume promis par lui à ceux qui l’auront aimé ? 

Evangile : « Il fait entendre les sourds et parler les muets »(Mc 7, 31-37)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. 
Jésus proclamait l’Évangile du Royaume et guérissait toute maladie dans le peuple.
Alléluia. (cf. Mt 4, 23)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, Jésus quitta le territoire de Tyr ; passant par Sidon, il prit la direction de la mer de Galilée et alla en plein territoire de la Décapole. Des gens lui amènent un sourd qui avait aussi de la difficulté à parler, et supplient Jésus de poser la main sur lui. Jésus l’emmena à l’écart, loin de la foule, lui mit les doigts dans les oreilles, et, avec sa salive, lui toucha la langue. Puis, les yeux levés au ciel, il soupira et lui dit : « Effata ! », c’est-à-dire : « Ouvre-toi ! » Ses oreilles s’ouvrirent ; sa langue se délia, et il parlait correctement. Alors Jésus leur ordonna de n’en rien dire à personne ; mais plus il leur donnait cet ordre, plus ceux-ci le proclamaient. Extrêmement frappés, ils disaient : « Il a bien fait toutes choses : il fait entendre les sourds et parler les muets. »
Patrick BRAUD

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9 octobre 2014

Tenue de soirée exigée…

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Tenue de soirée exigée…

Homélie du 28° Dimanche du temps ordinaire Année A
12/10/2014

 

Tenue de soirée exigée… dans Communauté spirituelle menu

         Reines de l’océan en Belle-Vue
         Turbot au chablis
         Veau braisé soubise
         Poulardes truffées
         Salade mimosa
         Fromages
         Bavaroise
         Fruits – Café                 

Ça vous met l’eau à la bouche !

 

J’avais retrouvé ce menu d’un repas de noces dans ma famille, d’un mariage célébré en 1945 ! À écouter un tel menu de noces, on se demande pourquoi il y en a qui refuseraient de s’asseoir à la table ! Et pourtant, la parabole de ce Dimanche nous rappelle que ce refus est toujours possible, et que Jésus s’y est exposé, jusqu’à la Croix.

« Le Royaume des Cieux est comparable à un roi qui célébrait les noces de son fils ».

Quand Jésus évoque le Royaume des cieux, il prend l’une des plus vieilles réalités humaines : les noces.

C’est lui le Fils qui célèbre ses épousailles avec l’humanité.

Et chacun de nous est demandé en mariage aujourd’hui par le Fils de Dieu lui-même !

C’est la grandeur et la dignité du mariage, et c’est pour cela que le mariage est pour nous un sacrement. En regardant vivre les gens mariés, on devrait pouvoir deviner combien le Christ désire épouser chacun. D’où la responsabilité particulière des couples mariés à l’église : témoigner des noces que Dieu célèbre pour son fils avec tout être humain, toute l’humanité. Heureux les invités à ce repas de noces où le Christ lui-même dresse la table de l’eucharistie, nouvelle Alliance !

Or certains refusent de venir.

1nouve12 César dans Communauté spirituelle

La violence meurtrière

Et nous sommes parfois de ceux-là qui ne tiennent aucun compte de cette invitation, à cause de fausses bonnes raisons : un champ à cultiver, un commerce à faire tourner – comme dans la parabole -, c’est-à-dire une vie professionnelle qui devient envahissante, une vie trop remplie de choses à faire pour entendre l’invitation. Pire encore, le Christ sait qu’il s’expose à la violence, alors même qu’il est porteur d’une invitation d’amour. L’homme est ainsi fait qu’il peut choisir de répondre par la violence à une invitation d’amour.

Il peut saccager ce qu’il a de plus cher.

Là encore, reprenez l’image-sacrement du couple : la violence peut répondre à l’amour ; c’est un constat, malheureusement.

Dieu, lui, envoie son invitation sans se lasser. Dans un couple, on se lasse vite de la violence de l’autre, et on n’accepte que difficilement d’être la bête grasse égorgée pour lui ou pour elle ! Dieu dénonce cette violence, qui se retourne d’ailleurs contre ceux qui la commettent : ils s’y détruisent, en refusant d’être aimés…

La violence peut répondre à l’amour. La Croix en est le signe.

L’indifférence suicidaire

La violence ou, pire encore, l’indifférence.
« Ils n’en tirent aucun compte et s’en allèrent, l’un à son champ, l’autre à son commerce. »
Regardez les dégâts que peut provoquer l’indifférence dans un couple : lorsque s’installe silencieusement la juxtaposition et non la communion, lorsque chacun s’investit dans son champ, son commerce – comme dit la parabole – sans tenir compte de l’autre. L’indifférence est peut-être le plus grand péché contre l’Amour. C’est elle qui nous rend imperméable aux appels de nos frères, aux appels de Dieu.

 

Le silence incompréhensible

Un dernier mot enfin sur les pleurs et les grincements de dents qui attendent l’invité qui n’a pas revêtu son vêtement de noces. Cela fait penser aux bristols très officiels à la carte d’invitation précise : « Tenue de soirée exigée ! ».

Que signifie ce vêtement de noces ?

On peut penser à la robe de baptême. Il ne suffit pas d’être invité, encore faut-il se laisser revêtir de cette robe baptismale.

Le plus dur dans l’amour, ce n’est pas aimer, c’est d’accepter d’être aimé, et d’accepter que cet amour nous change. « Dépouillez-vous du vieil homme et revêtez l’homme nouveau » disait St Paul en évoquant lui aussi ce vêtement de noces.

Reprenez l’image-sacrement de l’amour humain : revêtir la robe de l’amour mutuel, c’est laisser l’être aimé me dépouiller de mon égoïsme, faire tomber mes blocages, mes défenses, mes forteresses intérieures…

En cela, le mariage est dans le droit fil du baptême, et la mariée a raison d’être en blanc ! Car se marier est un chemin pour mourir à soi-même et renaître à l’autre, comme le Christ est mort et ressuscité pour nous. Alors, celui qui est dans la salle de noces, dans l’Église, et fait semblant d’être chrétien alors que sa vie n’est pas en accord avec ce qu’il croit, celui-là abîme le témoignage de l’Église. Dieu l’interroge : « Mon ami – car il est toujours son ami à ce stade – comment es-tu entré ici sans avoir le vêtement de noce ? »

Mais le silence répond à l’amour. « L’autre garda le silence ».

 

Après l’indifférence ou la violence, voilà maintenant le silence, la non communication, le non-dit, ce que l’on cache, le refus d’entrer en dialogue.

Demandez aux couples en difficulté combien cette non-communication est la pire des épreuves ! Se taire alors qu’il y a des contradictions à lever, fuir alors que Dieu nous propose la confiance et le dialogue, c’est finalement suicidaire. Cela n’engendre que des pleurs et des grincements de dents.

Heureusement, l’invitation au repas des noces reste la plus forte : Dieu fait le nécessaire pour remplir la salle des noces avec les mauvais et les bons que nous sommes tous. À nous de nous laisser transformer de fond en comble par notre présence ici, pour revêtir « la tenue de soirée » qui va avec.

Que ce banquet de l’eucharistie nous rappelle la grandeur et l’exigence de notre baptême.
Que ce festin des noces renouvelle pour les époux la grâce de leur mariage.
Que cette invitation à nous laisser aimer par le Christ ne rencontre en nous ni indifférence, ni violence, ni silence coupable.

 

 

1ère lecture : Le festin messianique (Is 25, 6-9)

Lecture du livre d’Isaïe

Ce jour-là, le Seigneur, Dieu de l’univers, préparera pour tous les peuples, sur sa montagne, un festin de viandes grasses et de vins capiteux, un festin de viandes succulentes et de vins décantés. Il enlèvera le voile de deuil qui enveloppait tous les peuples et le linceul qui couvrait toutes les nations. Il détruira la mort pour toujours. Le Seigneur essuiera les larmes sur tous les visages, et par toute la terre il effacera l’humiliation de son peuple ; c’est lui qui l’a promis.
Et ce jour-là, on dira : « Voici notre Dieu, en lui nous espérions, et il nous a sauvés ; c’est lui le Seigneur, en lui nous espérions ; exultons, réjouissons-nous : il nous a sauvés ! »

Psaume : 22, 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6

 R/ Près de toi, Seigneur, sans fin nous vivrons.

Le Seigneur est mon berger :
je ne manque de rien.
Sur des prés d’herbe fraîche,
il me fait reposer.

Il me mène vers les eaux tranquilles
et me fait revivre ;
il me conduit par le juste chemin
pour l’honneur de son nom.

Si je traverse les ravins de la mort,
je ne crains aucun mal,
car tu es avec moi :
ton bâton me guide et me rassure.

Tu prépares la table pour moi
devant mes ennemis ;
tu répands le parfum sur ma tête,
ma coupe est débordante.

Grâce et bonheur m’accompagnent
tous les jours de ma vie ;
j’habiterai la maison du Seigneur
pour la durée de mes jours.

2ème lecture : La vraie richesse dans le Christ (Ph 4, 12-14.19-20)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens

Frères, je sais vivre de peu, je sais aussi avoir tout ce qu’il me faut. Être rassasié et avoir faim, avoir tout ce qu’il me faut et manquer de tout, j’ai appris cela de toutes les façons. Je peux tout supporter avec celui qui me donne la force. Cependant, vous avez bien fait de m’aider tous ensemble quand j’étais dans la gêne. Et mon Dieu subviendra magnifiquement à tous vos besoins selon sa richesse, dans le Christ Jésus.
Gloire à Dieu notre Père pour les siècles des siècles. Amen.

Evangile : Parabole des invités au festin (brève : 1-10) (Mt 22, 1-14)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Voici la Pâque du Seigneur au milieu de son peuple. Heureux les invités au festin du Royaume ! Alléluia.

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Jésus disait en paraboles : « Le Royaume des cieux est comparable à un roi qui célébrait les noces de son fils. Il envoya ses serviteurs pour appeler à la noce les invités, mais ceux-ci ne voulaient pas venir. Il envoya encore d’autres serviteurs dire aux invités : ‘Voilà : mon repas est prêt, mes bœufs et mes bêtes grasses sont égorgés ; tout est prêt : venez au repas de noce.’ Mais ils n’en tinrent aucun compte et s’en allèrent, l’un à son champ, l’autre à son commerce ; les autres empoignèrent les serviteurs, les maltraitèrent et les tuèrent. Le roi se mit en colère, il envoya ses troupes, fit périr les meurtriers et brûla leur ville. Alors il dit à ses serviteurs : ‘Le repas de noce est prêt, mais les invités n’en étaient pas dignes. Allez donc aux croisées des chemins : tous ceux que vous rencontrerez, invitez-les au repas de noce.’ Les serviteurs allèrent sur les chemins, rassemblèrent tous ceux qu’ils rencontrèrent, les mauvais comme les bons, et la salle de noce fut remplie de convives. Le roi entra pour voir les convives. Il vit un homme qui ne portait pas le vêtement de noce, et lui dit : ‘Mon ami, comment es-tu entré ici, sans avoir le vêtement de noce ?’ L’autre garda le silence. Alors le roi dit aux serviteurs : ‘Jetez-le, pieds et poings liés, dehors dans les ténèbres ; là il y aura des pleurs et des grincements de dents.’
Certes, la multitude des hommes est appelée, mais les élus sont peu nombreux. »
Patrick BRAUD

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13 juin 2014

Trinité : ne faire qu’un à plusieurs

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Trinité : ne faire qu’un à plusieurs

Homélie pour la fête de la Trinité / Année A
15/06/2014

Même la famille a du mal?

Trinité : ne faire qu'un à plusieurs dans Communauté spirituelle bd35feca-201d-11e1-b53a-82616b81bcadUn repas de famille comme toutes les familles en vivent, à l’occasion de Noël, d’un anniversaire, d’une communion? La discussion à table en arrive aux impôts : la fameuse pression fiscale. Une des soeurs présentes part dans une longue diatribe véhémente sur le thème :

- regardez tout ce qu’on nous prend !

Je vois le visage d’une autre soeur se durcir et ses yeux se remplir de colère :

- tu as de la chance de payer des impôts. Nous on aimerait bien en payer, mais on n’est pas assez riches pour cela.

Le débat avec tout le monde enfle, s’envenime, au point que l’une des soeurs quitte la table en pleurant :

- on n’est vraiment pas du même monde !

Silence gêné et consterné évidemment après ce coup d’éclat : la fête est gâchée ; la joie de se retrouver en famille s’est évaporée à l’épreuve des différences trop grandes entre les modes de vie de chacun.

 

L’être humain est trinitaire

Dieu que c’est dur d’être unis en étant différents !

Dieu que c’est difficile de s’aimer alors que tout nous sépare !

C’est pourtant l’enjeu de cette fête de la Trinité : Dieu ne fait qu’un à trois, et il nous introduit dans cette intimité-là.

trinite2 amour dans Communauté spirituelleTrois personnes distinctes, une circulation d’amour entre elles les liant indissolublement : l’unité trinitaire est ce à quoi nous aspirons le plus profondément, parce que à son image nous avons été créés. Nous sommes faits pour vivre par de tels liens d’échanges réciproques où l’un et l’autre deviennent inséparables. Nous portons-nous la trace de cette communion divine, comme la cire garde en creux l’empreinte du sceau royal qui lui a donné sa forme.

Entre le Père et le Fils, dans l’Esprit, circule une telle intensité de relations que l’un n’est pas sans l’autre, et que chacun se reçoit et se donne en même temps, ne faisant plus qu’un dans ce don mutuel (les chrétiens grecs appellent périchorèse  cette joyeuse danse où l’amour circule entre les trois).

 

Ne faire qu’un à plusieurs : c’est bien cela notre vocation la plus fondamentale. Nous l’approchons lorsque l’amitié nous fait vibrer à l’unisson.

Nous la pressentons lorsque la ferveur sportive nous entraîne dans un même enthousiasme (la coupe du monde de football en témoigne !).

Nous la devinons lorsque la musique nous fait expérimenter une harmonie indicible. Nous l’expérimentons avec émotion devant la beauté de la création dont nous sommes issus.

Rien à voir avec la poupée de sel qui se dissout dans l’océan ! Non : l’unité trinitaire respecte le jeu de chacun. Distinguer pour mieux unir (Jacques Maritain) reste une maxime authentiquement chrétienne. Le Père n’est pas le Fils, l’Esprit est distinct des deux, et pourtant les trois ne font qu’un.

C’est en devenant profondément soi-même qu’on s’ouvre à la communion avec l’autre, et réciproquement. La communion divine exalte l’individualité de chacun en la mettant en relation avec la sienne.

L’adjectif chrétien est d’ailleurs synonyme de trinitaire en fait. Le Christ (chrestos en grec = oint) est l’oint, c’est-à-dire celui qui a reçu de Dieu le Père de l’onction de l’Esprit Saint. Le chrétien est donc celui qui, en suivant Jésus-Christ, reçoit du Père la force de l’Esprit pour vivre sa vie d’homme en communion (avec Dieu / les autres / lui-même / la nature…).

Pourquoi alors est-il si difficile d’être unis et différents ? Pourquoi tant de couples ne peuvent-ils pas durer jusqu’au bout sur ce chemin de communion (qui est trinitaire, au fond) ? Pourquoi tant de familles se déchirent-elles entre personnes de même sang ? Et les familles des peuples répercutent à l’infini ces divisions anti-trinitaires : entre catholiques et protestants autrefois, entre Hutus et Tutsis  récemment, entre palestiniens et israéliens toujours, hindous et musulmans encore…

Nous avons perdu la capacité de nous réjouir de ce que l’autre est vraiment autre. Au lieu de nous émerveiller de ce qu’il a et que je n’ai pas, nous jalousons, nous voulons lui ressembler à tout prix (cf. la violence mimétique analysée par René Girard). Au lieu de louer Dieu pour les talents et la personnalité de l’autre, nous cherchons à lui prendre, à le dominer, à le dévorer. Nous travestissons nos différences en inégalités, nous avons peur qu’elles soient source de domination.

 

reiser Dieu 

La Trinité au travail !

Fêter la Trinité est donc un sacré antidote à notre violence inhumaine, et un beau rappel de l’avenir qui nous est promis. Si on y réfléchit, tout notre univers est façonné par cette structure trinitaire. On a parlé de l’amitié, du couple, du sport, de la musique, de la beauté du monde. Parlons aussi de notre univers au travail.

‘Que vient faire la Trinité au travail ?’ railleront certains, en rajoutant avec cynisme : ?en entreprise, on n’est pas dans le monde des Bisounours’.

Pourtant, à moins d’être un ultralibéral partisan de la concurrence à mort, où l’un des derniers marxistes exaltant la lutte des classes, la plupart des travailleurs aspirent à des relations professionnelles faites de collaboration, de solidarité, d’estime, de reconnaissance mutuelle.

Tous les sondages réalisés auprès des salariés français ou européens redisent que l’attente des travailleurs tourne bien sûr autour de la rémunération, mais aussi de la considération, du respect, de l’ambiance et de la qualité des relations au travail.

 

Le secret de l’unité trinitaire réside dans le mouvement : se recevoir/se donner. Cette dynamique de l’échange à la manière divine peut transformer toute activité professionnelle.

Pas question alors d’imposer son autorité hiérarchique à une équipe en faisant claquer ses galons : l’autorité se reçoit, avec humilité, de bas en haut, d’une équipe qui reconnaît à quelqu’un le rôle et la mission de la conduire à sa réussite.

schema_robbes différence

 

Plus question entre collègues de rivaliser par la force ou la tromperie : la coopération fera gagner tous ensemble (ce qui ne supprime pas l’émulation, mais la met au service de la réussite commune). Se recevoir inclura également la relation client/usagers/élèves : un grand professionnel est d’abord reconnu comme tel par ses clients, un bon fonctionnaire par les usagers du service public, un professeur génial dans l’admiration de ses élèves.

Se donner marquera en retour l’activité professionnelle du sceau du service. Le grand commerçant est celui qui veut d’abord le meilleur service pour son client (qualité, prix, délai…). Il fait son métier par passion. C’est la passion de se donner qui anime également le scientifique qui cherche et expérimente, le professeur qui déploie des trésors de pédagogie etc.. Même les travaux apparemment les plus ingrats peuvent être vécus dans cet état d’esprit de service. Refaire des centaines de fois les mêmes gestes devant une machine ne peut pas se vivre sans solidarité avec les autres opérateurs, avec ceux de la maintenance des machines, avec le souci de la qualité finale pour le client etc. La manière d’accomplir sa tâche lui donne un autre sens, une dimension plus humaine parce que reliée à d’autres. Cela ne supprime pas la pénibilité physique, le côté mécanique, répétitif – voire abrutissant – de certaines tâches. Cela permet de résister à la déshumanisation qui guette toujours le monde du travail. Mais peut-être aussi d’éviter que des traders deviennent fous, des patrons arrogants, des équipes démotivées parce que divisées et sans aventure commune.

 

Une économie de communion (chère aux Foccolaris) ira puiser dans la Trinité une source d’inspiration pour transformer les relations au travail, et le travail lui-même.

Fêter la Trinité le dimanche permet donc de revenir le lundi matin à son bureau/usine/école/commerce avec le goût de la communion eucharistique (qui est trinitaire) encore dans la bouche. Tout peut devenir matière à se recevoir/se donner. Toute activité (si elle est orientée vers le bien commun) peut engendrer de l’unité entre des gens différents.

Relisons donc nos responsabilités à la lumière de cette vocation trinitaire : ne faire qu’un à plusieurs.

 

 

1ère lecture : Le Dieu tendre et miséricordieux se révèle à son peuple (Ex 34, 4b-6.8-9)

Lecture du livre de l’Exode

Moïse se leva de bon matin, et il gravit la montagne du Sinaï comme le Seigneur le lui avait ordonné.
Le Seigneur descendit dans la nuée et vint se placer auprès de Moïse. Il proclama lui-même son nom ; il passa devant Moïse et proclama :
« YAHVÉ, LE SEIGNEUR, Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de fidélité. »
Aussitôt Moïse se prosterna jusqu’à terre, et il dit :
« S’il est vrai, Seigneur, que j’ai trouvé grâce devant toi, daigne marcher au milieu de nous. Oui, c’est un peuple à la tête dure ; mais tu pardonneras nos fautes et nos péchés, et tu feras de nous un peuple qui t’appartienne. »

Psaume : Ps Dn 3, 52, 53, 54, 55, 56

R/ À toi, louange et gloire éternellement!

Béni sois-tu, Seigneur, Dieu de nos pères :
R/ À toi, louange et gloire éternellement !

Béni soit le nom très saint de ta gloire :
R/ À toi, louange et gloire éternellement !

Béni sois-tu dans ton saint temple de gloire :
R/ À toi, louange et gloire éternellement !

Béni sois-tu sur le trône de ton règne :
R/ À toi, louange et gloire éternellement !

Béni sois-tu, toi qui sondes les abîmes :
R/ À toi, louange et gloire éternellement !

Toi qui sièges au-dessus des Kéroubim :
R/ À toi, louange et gloire éternellement !

Béni sois-tu au firmament, dans le ciel :
R/ À toi, louange et gloire éternellement !

2ème lecture : Dans l’amour trinitaire (2Co 13, 11-13)

Lecture de la seconde lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères, soyez dans la joie, cherchez la perfection, encouragez-vous, soyez d’accord entre vous, vivez en paix, et le Dieu d’amour et de paix sera avec vous.
Exprimez votre amitié en échangeant le baiser de paix. Tous les fidèles vous disent leur amitié.
Que la grâce du Seigneur Jésus Christ, l’amour de Dieu et la communion de l’Esprit Saint soient avec vous tous.

Evangile : « Dieu a tant aimé le monde…» (Jn 3, 16-18)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit : au Dieu qui est, qui était et qui vient ! Alléluia. (cf. Ap 1, 8)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique : ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle.
Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé.
Celui qui croit en lui échappe au Jugement, celui qui ne veut pas croire est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu.
Patrick BRAUD 

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