L'homélie du dimanche (prochain)

2 novembre 2023

Ni rabbi, ni père, ni maître : serviteur !

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Ni rabbi, ni père, ni maître : serviteur !

Homélie pour le 31° Dimanche du temps ordinaire / Année A
05/11/2023

Cf. également :
Ils disent et ne font pas
Une autre gouvernance

L’Église et la modernité: sel de la terre ou lumière du monde ? 
Conjuguer le « oui » et le « non » de Dieu à notre monde

Ni rabbi, ni père, ni maître : serviteur ! dans Communauté spirituelle 69327_vod_thumb_318816-hd« Ni Dieu ni maître ! »
Ce slogan souvent tagué à la hâte sur les murs parisiens pendant les manifestations de rue a d’abord été le titre du journal fondé par Auguste Blanqui en 1880. Il résume la doctrine anarchiste du XIX° siècle : s’émanciper de la tutelle des religions et de l’État, pour laisser les citoyens s’organiser librement. On raconte qu’à cette devise Paul Claudel aurait répondu : « choisir Dieu est le seul moyen radical de n’avoir aucun maître »
Bien vu ! C’est un peu cette remise en place que Jésus opère dans notre Évangile (Mt 23,1-12) : ne donnez à personne le nom de rabbi/père/maître, car vous n’avez qu’un seul rabbi/Père/maître : Dieu, plus grand que tous les pouvoirs terrestres.

Le Christ ne se fait pas que des amis avec cette triple contestation de l’autorité, qui pourrait paraître anarchiste si elle ne recentrait pas en Dieu la source de toute autorité, fondement de la fraternité entre nous tous.

 

1. Ni rabbi : contestation de l’autorité religieuse
Qu’est-ce qu’un rabbi au temps de Jésus ? C’est un titre de respect, qui veut honorer la sagesse du rabbin. Son rôle est celui d’un juge, d’un arbitre dont la décision permet de se conformer à la Loi dans une situation inédite. Il s’appuie sur son interprétation de la Torah pour conseiller les juifs le questionnant sur ce qu’il convient de faire en telle ou telle circonstance. Par exemple, lorsque des juifs viennent trouver Jésus pour des questions d’héritage, ils le prennent pour un rabbi. Et cela ne lui plaît pas ! Il leur répond d’ailleurs vertement : « Qui donc m’a établi pour être votre juge ou l’arbitre de vos partages ? » (Lc 12,14).

L’objet de l’enseignement d’un rabbi est de trouver des solutions à des questions complexes concernant l’application de la Torah. En plus de la Bible, il se fonde sur les interprétations de ses prédécesseurs et sur leur jurisprudence. Un peu comme un juge du Tribunal des prud’hommes aujourd’hui en matière professionnelle. Son autorité ne repose que sur le respect qu’inspire sa science, indépendamment de son ascendance et de son passé. Sa consécration est de voir cette autorité reconnue par ses pairs et par les étudiants qui souhaitent apprendre auprès de lui avant d’enseigner à leur tour.

Rabbi Mennachem Mendel Schneerson Le Rabbi de LoubavitchDans le hassidisme contemporain, le rabbin est un « nassi », c’est-à-dire un chef guidant ses disciples, selon la définition du rabbi de Loubavitch : « Un nassi, au sens large, est un ‘chef des multitudes d’Israël’ [1]. Il est leur ‘tête’ et leur ‘cerveau’, leur source de vie et de vitalité. À travers leur attachement à lui, ils sont liés et unis avec leur source suprême en haut ». « Chacun et chacune d’entre nous doit savoir – c’est-à-dire méditer profondément et implanter dans son esprit – que le rabbi est notre nassi et notre tête : qu’il est la source et le canal pour tous nos besoins matériels et spirituels, et que c’est à travers notre lien avec lui que nous sommes liés et unis à notre source, et la source de notre source, jusqu’à notre source ultime en haut » (Lettre du 18 juin 1950).

Jésus conteste radicalement cet ascendant qu’un sage religieux pourrait obtenir sur ses disciples. D’ailleurs, dans l’Évangile de Matthieu, seul Judas utilise ce titre de rabbi pour désigner Jésus, signe qu’il se méprend sur son identité, sur sa mission, qu’il confond avec l’exercice habituel de l’autorité religieuse. Lors de la Cène, Judas demande qui doit aller livrer Jésus, ce qui dans son esprit correspond à une mission de médiation entre Jésus le Messie et les chefs juifs, pour s’unir afin de chasser les Romains hors d’Israël : « Judas, celui qui le livrait, prit la parole : ‘Rabbi, serait-ce moi ?’ Jésus lui répond : ‘C’est toi-même qui l’as dit !’ » (Mt 26,25). Et, dans le jardin des oliviers à Gethsémani, Judas embrasse sincèrement son ami en l’appelant rabbi, marque de son respect : « S’approchant de Jésus, il lui dit : ‘Salut, Rabbi !’ Et il l’embrassa. » (Mt 26,49).

Voilà pourquoi Jésus ne veut pas de ce titre de rabbi, qu’il réserve à Dieu seul. Si on attribue ce titre à un humain – fut-il le plus sage des hommes – la domination n’est pas loin, sous couvert d’autorité religieuse.

N’est-ce pas ce qui se produisit à la Pentecôte ? L’ancienne prophétie de Joël s’accomplissait enfin : « Je répandrai mon Esprit sur tout être de chair, vos fils et vos filles prophétiseront, vos anciens seront instruits par des songes, et vos jeunes gens par des visions. Même sur les serviteurs et sur les servantes je répandrai mon Esprit en ces jours-là » (Jl 3,1-2). Pierre constatait alors (Ac 2,14-22) que l’Esprit de Dieu fait naître ce peuple où tous sont prêtres, prophètes et rois (cf. rituel de l’onction d’huile du baptême). Ceux qui voudraient s’arroger l’exclusivité de cette triple onction baptismale commettent un véritable « péché contre l’Esprit ».
Jean confirme que cette démocratisation de l’Esprit s’opère par l’onction baptismale : « L’onction que vous avez reçue de lui demeure en vous, et vous n’avez pas besoin d’enseignement. Cette onction vous enseigne toutes choses, elle qui est vérité et non pas mensonge ; et, selon ce qu’elle vous a enseigné, vous demeurez en lui » (1 Jn 2,27).
Pas  besoin d’être enseignés à la manière humaine donc : l’Esprit est notre rabbi intérieur. Pourquoi se soumettre au prestige des titres, des diplômes, des médailles en tous genres ?…

On voit combien cette radicale contestation de l’autorité religieuse des rabbis est nécessaire en tout siècle ! Les rabbis d’aujourd’hui pullulent, réclamant vénération, soumission et influence sociale.
Il faut étendre cette contestation évangélique aux imams, qui prétendent fixer les règles de pureté, du licite et de l’illicite, et plus encore les soi-disant imams autoproclamés qui sur Internet influencent des millions de jeunes followers avec des vidéos courtes, simplistes, terriblement légalistes et autoritaires.

L’autorité religieuse certes est nécessaire, mais elle ne doit jamais occulter sa source, lui faire écran en se perdant dans sa propre recherche de puissance. Parodiant Claudel, on pourrait dire que choisir Dieu est le seul moyen radical pour ne se laisser dominer par aucune institution religieuse, même la plus prestigieuse.

 

2. Ni père : contestation de l’autorité familiale
Le pater familias ches les latins
Cette fois-ci, c’est l’autorité familiale qui est remise en cause ! Pas n’importe laquelle : celle du pater familias, si puissante dans toutes les sociétés traditionnelles, patriarcales à l’excès. Le premier, Jésus n’a appelé personne Père sur cette terre. Il réservait ce titre à Dieu, la source de son existence, qu’il appelait d’ailleurs affectueusement abba c’est-à-dire papa, témoignant ainsi d’une intimité unique avec l’origine de toute vie.

De plus, Jésus n’a pas été tendre avec les liens du sang, dont il voyait bien les dérives mafieuses : « Qui est ma mère, et qui sont mes frères ? Étendant la main vers ses disciples, il dit : ‘Voici ma mère et mes frères. Car celui qui fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là est pour moi un frère, une sœur, une mère’ » (Mt 12,46-50). La pauvre Marie a dû en être toutes retournée : se faire ainsi rembarrer devant tout le monde aurait pu l’humilier. Mais non : elle comprit que père ou mère ne sont pas des titres donnés par le sang, mais par la foi. Marie est mère parce qu’elle a cru, bien plus que parce qu’elle a accouché. Elle recevra Jean comme son fils au pied de la croix, car la famille dont parle Jésus n’est pas limitée à la génération.

Contester l’autorité patriarcale est encore une idée neuve en christianisme ! Il a fallu des siècles en Occident pour que les baptisés s’émancipent d’un modèle familial où le pater familias décide de tout, depuis les études jusqu’au mariage ou même la croyance de ses enfants ! Le clergé lui-même reproduisait cette domination patriarcale. Le patriarcat existe toujours en Afrique, en Asie ou ailleurs. La parole de Jésus est on ne peut plus claire : « vous n’avez qu’un seul Père, celui qui est aux cieux ». Mais les chrétiens ne prennent pas au sérieux ce qu’ils lisent…

Très vite, les ermites égyptiens, les supérieurs des abbayes ou les prêtres en paroisse se sont faits appeler : « Monsieur l’Abbé » (abba = papa) ou « Mon Père » (ce qui est pareil).
Faut-il récuser cet usage au nom de Mt 23,9 ?
Oui, s’il est le prétexte au cléricalisme, mal pernicieux qui ronge les Églises catholique et orthodoxe depuis des siècles.
Non, s’il renvoie humblement à l’unique paternité divine dont les prêtres peuvent être le symbole en contestant l’exclusivité de la paternité biologique.

Les jeunes prêtres en France reviennent à la soutane, aux dentelles, aux dorures liturgiques, comme si l’habit leur garantissait un statut à part. En octobre dernier, devant le Synode ébahi, le pape François a vertement critiqué ces mondanités cléricales : « Il suffit d’aller chez les tailleurs ecclésiastiques de Rome pour voir le scandale des jeunes prêtres essayant des soutanes et des chapeaux ou des aubes avec dentelle ! Le cléricalisme, c’est un fléau, c’est une forme de mondanité qui salit et qui abîme ».

ob_bcd4a6_pape-francois diacre dans Communauté spirituelleLe cléricalisme profite de l’ordination presbytérale pour transformer l’ancien (presbyter) en clerc, le pouvoir sacramentel en pouvoir de domination sur les laïcs etc. Le pape François ne cesse de répéter que le cléricalisme est à la source des maux les plus graves de l’Église actuelle :

« Cette mondanité spirituelle à l’intérieur de l’Église fait grandir une chose grossière : le cléricalisme, a poursuivi François. Le cléricalisme est une perversion de l’Église. C’est le cléricalisme qui crée la rigidité. Et sous chaque type de rigidité, il y a de la pourriture. Toujours » (Entretien diffusé dimanche 6 février 2022 à la télévision italienne).

« Le manque de conscience d’appartenir au peuple fidèle de Dieu comme serviteurs, et non pas comme maîtres, peut nous conduire à l’une des tentations qui porte le plus de préjudice au dynamisme missionnaire que nous sommes appelés à impulser : le cléricalisme qui est une caricature de la vocation reçue » (Rencontre du 6 janvier 2018).

Par contre, si appeler un prêtre « Mon Père » traduit une conception de la paternité plus grande que biologique, dont Dieu seul est la source, alors ce titre peut effectivement renvoyer à la reconnaissance de Dieu Père, plus haut que toutes les autres formes de paternité, familiale, sociale, ecclésiale, artistique etc.

 

3. Ni maître : contestation de l’autorité sociale
008973924 maître
Le mot maître traduit en français le mot grec καθηγητς (kathēgētēs), dont les 3 seules occurrences sont justement dans le passage d’évangile de ce dimanche. La liturgie dit « maîtres » ; la TOB : « Docteurs » ; la BJ et Louis Segond : « Directeurs », Chouraqui : « chefs ». On ne sait donc pas trop qui sont ces καθηγητς. Quoiqu’il en soit, on devine qu’il s’agit d’une position officielle, réputée savante, qui a le droit d’enseigner et de diriger.

Tout le contraire de ce que Jésus incarne ! Son enseignement est de renvoyer l’autre à lui-même, de l’inviter à remonter à sa source intérieure : le royaume de Dieu présent en chacun. Quand le Messie enseigne, on croirait voir et entendre Bernadette Soubirous à genoux dans la tutte aux cochons de Massabielle, dégageant la boue du rocher pour que la source puisse jaillir à nouveau au fond de la grotte…
Jésus – le Christ – conteste radicalement tout enseignement, toute direction (on dirait aujourd’hui : tout management), tout leadership qui aliène aurait lieu de libérer, qui rendrait dépendant au lieu d’autonomiser, qui infantiliserait au lieu d’éduquer.

Que ce soit au bureau, dans l’atelier, dans la paroisse ou l’association, nous croulons sous les petits chefs qui veulent exister sur le dos des autres. Déboulonner la statue du Commandeur qui préside encore à tant de secteurs de notre vie est l’œuvre en nous de l’Esprit de liberté, l’Esprit dont Jésus est l’Oint, « l’imbibé » par excellence plus que l’éponge immergée dans l’océan…
N’avoir que le Messie – le Christ – pour maître est vraiment le choix le plus radical pour n’avoir aucun maître…

 

4. Dieu premier servi !
dieu-premier-servi-image-41 Père
Car finalement, si nul ne peut usurper l’autorité religieuse, familiale ou sociale de Dieu, c’est que notre identité en Christ est diaconale : « le plus grand parmi vous sera votre serviteur (δικονος= diakonos) ». Jésus avait déjà indiqué cette voie de la diaconie à la mère de Jacques et Jean qui voulait voir ses deux enfants chéris en bonne place dans le ‘shadow-cabinet’ du Messie : « Jésus lui dit : ‘Que veux-tu ?’ Elle répondit : ‘Ordonne que mes deux fils que voici siègent, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ton Royaume’ » (Mt 20,21). La réponse est cinglante : « Il leur dit : ‘Ma coupe, vous la boirez ; quant à siéger à ma droite et à ma gauche, ce n’est pas à moi de l’accorder ; il y a ceux pour qui cela est préparé par mon Père’ » (Mt 20,23). Et Jésus avait été obligé de le marteler au groupe des disciples qui le suivaient sur la route : « Jésus les appela et dit : Vous le savez : les chefs des nations les commandent en maîtres, et les grands font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne devra pas en être ainsi : celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur (δικονος) » (Mt 20,25–26).

Ici, Jésus nous invite à devenir diacre, chacun et tous. Il ne dit pas : il n’y a qu’un seul diacre, le Messie. Au contraire, il affirme que nous le sommes tous ! C’est peut-être le plus beau titre partagé par tous les chrétiens de par leur baptême : serviteur. Servir la vie, la croissance de l’autre, sa liberté, son autonomie… : tout le contraire du cléricalisme. Si dans l’Église quelques-uns sont ordonnés diacres, c’est pour rappeler à tous qu’ils sont appelés à devenir serviteurs.

Notre vocation diaconale est l’antidote aux dérives autoritaires stigmatisées par Jésus.
Idolâtrer l’autorité religieuse conduit au cléricalisme [2].
Idolâtrer la famille conduite à la mafia.
Idolâtrer l’autorité sociale conduit à la servitude volontaire.
Mais pratiquer le service rend libre comme Jésus : servir nous inspire comment nous agenouiller pour libérer en l’autre la source d’eau vive que l’Esprit fait jaillir en lui.

Et il en est du service comme de l’amour : le détour par Dieu est le plus court chemin vers l’autre, et le plus sûr. La devise de Jeanne d’Arc : « Dieu premier servi ! » nous garantit de servir les autres avec gratuité, désintéressement, en vérité, dès que nous plaçons le service de Dieu en clé de voûte de ce que nous construisons. Sinon, les serviteurs deviennent vite des mercenaires, des Wagner du pouvoir…

Diacres, nous le sommes à l’autel et dans l’assemblée, servant en nourriture à nos proches la Parole et la charité dont ils ont besoin pour vivre en plénitude.

Que la triple contestation de l’autorité humaine proclamée aujourd’hui par Jésus nous oblige à un examen de conscience honnête et rigoureux : quand suis-je rabbi/père/maître à la manière humaine et non diacre à la manière du Christ ?

 


[1]. Le mot « rav » qui a donné « rabbin », provient de la racine « R-B-B », qui dénote la grandeur ou la multitude. Il apparaît dans la Bible hébraïque lors de l’épisode de la sortie d’Égypte où il désigne l’Erev Rav, la Grande Multitude (ערב רב), les esclaves convertis qui suivaient les Enfants d’Israël.

[2]. « L’autre danger, qui est une tentation très forte et j’en ai parlé plusieurs fois, est le cléricalisme. Et celui-ci est très fort. Pensons qu’aujourd’hui, plus de 60% des paroisses n’ont pas de conseil pour les affaires économiques ni de conseil pastoral. Qu’est-ce que cela signifie ? Que cette paroisse et ce diocèse sont conduits dans un esprit clérical, uniquement par le prêtre, qui n’applique pas la synodalité paroissiale, la synodalité diocésaine, qui n’est pas une nouveauté de ce Pape. Non ! Cela figure dans le droit canonique, c’est une obligation qu’a le curé d’avoir le conseil des laïcs pour la pastorale et pour les affaires économiques. Et ils ne font pas cela. Et cela est le danger du cléricalisme aujourd’hui dans l’Église. Nous devons aller de l’avant et éliminer ce danger, car le prêtre est un serviteur de la communauté, l’évêque est un serviteur de la communauté, mais ce n’est pas le chef d’une entreprise. Non ! Cela est important » (Entretien du 12 mai 2016).

 

 

LECTURES DE LA MESSE

Première lecture
« Vous vous êtes écartés de la route, vous avez fait de la Loi une occasion de chute » (Ml 1, 14b – 2, 2b.8-10.

Lecture du livre du prophète Malachie
Je suis un grand roi – dit le Seigneur de l’univers –, et mon nom inspire la crainte parmi les nations. Maintenant, prêtres, à vous cet avertissement : Si vous n’écoutez pas, si vous ne prenez pas à cœur de glorifier mon nom – dit le Seigneur de l’univers –, j’enverrai sur vous la malédiction, je maudirai les bénédictions que vous prononcerez. Vous vous êtes écartés de la route, vous avez fait de la Loi une occasion de chute pour la multitude, vous avez détruit mon alliance avec mon serviteur Lévi, – dit le Seigneur de l’univers. À mon tour je vous ai méprisés, abaissés devant tout le peuple, puisque vous n’avez pas gardé mes chemins, mais agi avec partialité dans l’application de la Loi. Et nous, n’avons-nous pas tous un seul Père ? N’est-ce pas un seul Dieu qui nous a créés ? Pourquoi nous trahir les uns les autres, profanant ainsi l’Alliance de nos pères ?

Psaume
(Ps 130 (131), 1, 2, 3)
R/ Garde mon âme dans la paix près de toi, Seigneur.

Seigneur, je n’ai pas le cœur fier ni le regard ambitieux ;
je ne poursuis ni grands desseins,
ni merveilles qui me dépassent.

Non, mais je tiens mon âme égale et silencieuse ;
mon âme est en moi comme un enfant,
comme un petit enfant contre sa mère.

Attends le Seigneur, Israël, maintenant et à jamais.

Deuxième lecture
« Nous aurions voulu vous donner non seulement l’Évangile de Dieu, mais même nos propres vies » (1 Th 2, 7b-9.13)

Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Thessaloniciens
Frères, nous avons été pleins de douceur avec vous, comme une mère qui entoure de soins ses nourrissons. Ayant pour vous une telle affection, nous aurions voulu vous donner non seulement l’Évangile de Dieu, mais jusqu’à nos propres vies, car vous nous étiez devenus très chers. Vous vous rappelez, frères, nos peines et nos fatigues : c’est en travaillant nuit et jour, pour n’être à la charge d’aucun d’entre vous, que nous vous avons annoncé l’Évangile de Dieu. Et voici pourquoi nous ne cessons de rendre grâce à Dieu : quand vous avez reçu la parole de Dieu que nous vous faisions entendre, vous l’avez accueillie pour ce qu’elle est réellement, non pas une parole d’hommes, mais la parole de Dieu qui est à l’œuvre en vous, les croyants.

Évangile
« Ils disent et ne font pas » (Mt 23, 1-12)
Alléluia. Alléluia. Vous n’avez qu’un seul Père, celui qui est aux cieux ; vous n’avez qu’un seul maître, le Christ. Alléluia. (cf. Mt 23, 9b.10b)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
En ce temps-là, Jésus s’adressa aux foules et à ses disciples, et il déclara : « Les scribes et les pharisiens enseignent dans la chaire de Moïse. Donc, tout ce qu’ils peuvent vous dire, faites-le et observez-le. Mais n’agissez pas d’après leurs actes, car ils disent et ne font pas. Ils attachent de pesants fardeaux, difficiles à porter, et ils en chargent les épaules des gens ; mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt. Toutes leurs actions, ils les font pour être remarqués des gens : ils élargissent leurs phylactères et rallongent leurs franges ; ils aiment les places d’honneur dans les dîners, les sièges d’honneur dans les synagogues et les salutations sur les places publiques ; ils aiment recevoir des gens le titre de rabbi.
Pour vous, ne vous faites pas donner le titre de rabbi (ῥ
αββ= rhabbi), car vous n’avez qu’un seul maître pour vous enseigner, et vous êtes tous frères.
Ne donnez à personne sur terre le nom de père (
πατρ= patēr), car vous n’avez qu’un seul Père, celui qui est aux cieux.
Ne vous faites pas non plus donner le titre de maîtres (
καθηγητς= kathēgētēs), car vous n’avez qu’un seul maître, le Christ.
Le plus grand parmi vous sera votre serviteur (διάκονος = diakonos). Qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaissera sera élevé. »
Patrick BRAUD

Mots-clés : , , , ,

15 mai 2017

L’agilité chrétienne

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

L’agilité chrétienne

Homélie pour le 6° dimanche de Pâques / Année A 21/05/2017

Cf. également :

Fidélité, identité, ipséité

Soyez toujours prêts à rendre compte de l’espérance qui est en vous

Tu dois, donc tu peux

Une Loi, deux tables, 10 paroles

Quand Dieu appelle

Le Paraclet, l’Église, Mohammed et nous

L’Esprit et la mémoire

 

Étonnamment, la façon dont les premières communautés chrétiennes ont su géré les événements (cf. 1° lecture) ! Les imprévus que l’Esprit leur faisait traverser peuvent devenir une source d’inspiration pour le management en entreprise aujourd’hui. Expliquons-nous.

De plus en plus d’entreprises explorent ce qu’il est désormais convenu d’appeler l’agilitéQuatre grandes raisons au moins les poussent à cela [1] :

1. La montée de la complexité et, de façon liée, une perte de sens ;

2. La montée de l’individualité, qui plaide pour une reconnaissance de la capacité de l’individu à penser et à agir, donc à avoir son libre arbitre et ses exigences, qu’il soit placé dans une posture de consommateur sur un marché ou de producteur dans une organisation ;

3. La montée de l’incertitude, qui impose naturellement la nécessité d’anticiper pour améliorer encore nos capacités de réaction.

4. La montée de l’interdépendance, qui implique de partager le pouvoir tant à l’intérieur d’une organisation qu’à l’extérieur.

Nuages de mots Agilité-Accueil

Qu’est-ce qu’être agile ?

Sept principes managériaux, faisant système, caractérisent les entreprises dites agiles :

1. La capacité d’anticipation des ruptures de son environnement, mais aussi des conséquences de ses propres décisions et actions,

2. La coopération, tant en interne de façon à rechercher un optimum collectif plutôt qu’un maximum par fonction, qu’en externe vis-à-vis de tous les acteurs de son environnement grâce à de multiples conventions renégociables à loisir,

3. L’innovation permanente dans son offre client (grâce à un mix « coûts maîtrisés – valeur créée »),

4. Une offre globale s’appuyant bien sûr sur des produits toujours plus performants mais aussi sur des offres de services et une relation personnalisée avec chaque client,

5. Une culture client généralisée dans une organisation par processus où chacun est client de l’autre et réciproquement,

6. Une complexité à échelle humaine visant à favoriser la reconfiguration des équipes ou des services,

7. Une culture du changement faisant de celui-ci un allié souhaité plutôt qu’un ennemi craint.

Revisitons note première lecture ainsi que l’ensemble du livre des Actes des Apôtres, avec ces 7 principes comme grille de lecture.

 

1. Être capable de s’adapter, et mieux encore d’anticiper les ruptures se produisant dans son environnement.

L’agilité chrétienne dans Communauté spirituelle elephant-agile@w_378Pour l’Église de Jérusalem, la rupture c’est la persécution qui éclate après la lapidation d’Étienne (Actes 8). Personne n’avait prévu de sortir hors de Jérusalem au début. C’est la menace de l’emprisonnement et du supplice qui provoque la dispersion des premiers chrétiens, en Samarie notamment. Alors le diacre Philippe (l’un des Sept cf. Actes 6) transforme cette fuite en un nouveau départ, la menace en opportunité. Philippe profite de cette mini-migration forcée pour annoncer le Christ, et les foules de Samarie lui font bon accueil

Les ruptures, les événements disruptifs comme aiment les appeler les économistes sont nombreux aujourd’hui dans le contexte d’une entreprise. Ruptures numériques (ubérisation…), écologiques (transformation des sources d’énergie), ruptures de consommation (le bon, le local, le sain…), ruptures technologiques (robots, automatisation, intelligence artificielle etc.). Seules survivront les entreprises sachant s’adapter, anticiper, transformer le danger en source de progrès.

 

2. La coopération, tant en interne qu’en externe.

Au début d’Actes 8, Philippe semble bien seul en Samarie. Mais très vite, Jérusalem entend parler de ses succès imprévus, et dépêche Pierre et Jean pour faire le lien. La coopération qui se met ainsi en place deviendra un trait structurant des Églises : donner/prendre des nouvelles, s’écrire, se visiter, s’entraider (cf. la collecte que Paul organise autour du bassin méditerranéen pour l’Église de Jérusalem en difficulté financière). Ici, c’est le ministère de Philippe qui est comme complété par celui de Pierre et Jean : ceux-ci imposent  les mains pour donner aux samaritains l’Esprit Saint que le baptême du diacre Philippe n’avait pas suffi à répandre. Certains y ont vu la figure de ce qui allait devenir le sacrement de confirmation ensuite, conféré par l’évêque. D’autres y ont vu la figure de l’effusion de l’Esprit, pratiquée encore aujourd’hui dans les communautés charismatiques. Quoi qu’il en soit, c’est l’indice d’une coopération très forte entre diacres et prêtres/évêques, entre Jérusalem et la Samarie, entre anciens et nouveaux chrétiens etc.

3. L’innovation permanente dans l’offre client.

4. Une offre globale s’appuyant bien sûr sur des produits toujours plus performants mais aussi sur des offres de services et une relation personnalisée avec chaque client.

6. Une complexité à échelle humaine visant à favoriser la reconfiguration des équipes ou des services.

7. Une culture du changement faisant de celui-ci un allié souhaité plutôt qu’un ennemi craint.

Évidemment, l’Église n’est pas une entreprise et n’a pas de clients ! Cependant, le peuple de Dieu est bien destinataire du ministère apostolique, qui doit innover en permanence pour nourrir les baptisés (pasteur = faire paître). C’est ainsi que Philippe, l’un des Sept, avait été institué pour le service des tables, et non pour l’annonce de la parole, apparemment réservée aux apôtres (Ac 6,2–4) ! Pourtant, face à une situation nouvelle, Philippe n’hésite pas à innover, même ministériellement : il proclame l’Évangile, il baptise, il rassemble l’ekklèsia.

L’Esprit fait toutes choses nouvelles : c’est lui qui conduit l’Église à trouver à chaque époque les ministères, les rôles et les fonctions de chacun qui vont permettre à tous de ne pas mourir de faim (spirituelle). Les Sept eux-mêmes sont la preuve éclatante de l’agilité chrétienne. Jésus n’avait jamais prévu ni demandé ce ministère diaconal. Mais l’Esprit a poussé l’Église à innover. Il continue à le faire ! Seuls les traditionalistes refusent l’innovation de l’Esprit : pour eux, la vérité est immobile, l’identité figée. Or ne pas être agile est sans doute le véritable « péché contre l’Esprit » ! L’agilité spirituelle conduit à complexifier relativement l’organisation de l’Église, plutôt dans le sens d’une complexité adaptée à la société environnante que d’une complication rébarbative. Complexité ne signifie pas compliqué !

Lorsque l’Église n’a pas voulu innover, ses raidissements ont provoqué des catastrophes : la rupture d’avec Luther voulant réformer l’Église, le rejet par la Chine (cf. Matteo Ricci et l’affaire des rites chinois) ou le Japon (le dernier film de Martin Scorcèse : Silence, évoque l’imperméabilité du Japon aux croyances et rites romains du XVIIe siècle). À l’inverse, chaque fois que l’Église a su faire du changement un allié, elle a suscité une adhésion immense : en Afrique avec l’inculturation, en Amérique latine avec la théologie de la libération, en Europe ou en Amérique du Nord avec le rétablissement du diaconat permanent etc.

résistance auchangement

5. Une culture client généralisée.

Avec Philippe en Samarie, l’Église expérimente que les ministères sont pour les croyants. Paul exprimera cette « conviction-client » à sa manière : « C’est le Christ qui a donné (à l’Église) certains comme apôtres, d’autres comme prophètes, d’autres comme évangélistes, d’autres enfin comme chargés d’enseignement, afin de mettre les saints en état d’accomplir le ministère pour bâtir le corps du Christ  » (Ep 4, 11-12).

Dans la famille chrétienne, nous sommes tous clients (au sens noble) les uns des autres. Les fidèles sont redevables aux prêtres/diacres/évêques des sacrements et de la présidence ecclésiale. Les ministres se nourrissent de la foi des fidèles, de leur générosité, de leur témoignage de vie en tant que laïcs dans leurs entreprises, familles, communes etc. La réciprocité, multiple et croisée entre tous, est le signe d’une Église en bonne santé. Le Concile de Trente lui-même évoquait cet état d’esprit où le bien commun du peuple de Dieu est le critère final du ministère et de l’eucharistie, « pour que les brebis du Christ ne meurent pas de faim et que les petits ne demandent pas du pain et que personne ne leur en donne » (Session XXII ch VIII).

Résumons-nous : dès le début, les premiers disciples du Ressuscité sont poussés par l’Esprit à innover, à s’adapter, à complexifier le service rendu au peuple élu en fonction des événements (persécution) ou des besoins (s’occuper des veuves, mettre en place des responsables de communauté etc.).

Cette agilité chrétienne est la caractéristique de l’Esprit animant l’Église. Elle n’est pas étrangère à l’agilité managériale que bon nombre d’entreprises recherche aujourd’hui : pourquoi s’en étonner ? C’est de la même humanité qu’il s’agit : une humanité à nourrir spirituellement et économiquement, à écouter dans ses besoins fondamentaux, à accompagner dans les changements de société.

Que l’Esprit du Ressuscité nous donne d’être agiles à sa manière !

 

 


 

 

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Pierre et Jean leur imposèrent les mains, et ils reçurent l’Esprit Saint » (Ac 8, 5-8.14-17)

Lecture du livre des Actes des Apôtres
En ces jours-là, Philippe, l’un des Sept, arriva dans une ville de Samarie, et là il proclamait le Christ. Les foules, d’un même cœur, s’attachaient à ce que disait Philippe, car elles entendaient parler des signes qu’il accomplissait, ou même les voyaient. Beaucoup de possédés étaient délivrés des esprits impurs, qui sortaient en poussant de grands cris. Beaucoup de paralysés et de boiteux furent guéris. Et il y eut dans cette ville une grande joie. Les Apôtres, restés à Jérusalem, apprirent que la Samarie avait accueilli la parole de Dieu. Alors ils y envoyèrent Pierre et Jean. À leur arrivée, ceux-ci prièrent pour ces Samaritains afin qu’ils reçoivent l’Esprit Saint ; en effet, l’Esprit n’était encore descendu sur aucun d’entre eux : ils étaient seulement baptisés au nom du Seigneur Jésus. Alors Pierre et Jean leur imposèrent les mains, et ils reçurent l’Esprit Saint.

PSAUME
(Ps 65 (66), 1-3a, 4-5, 6-7a, 16.20)
R/ Terre entière, acclame Dieu, chante le Seigneur ! ou : Alléluia ! (Ps 65, 1)

Acclamez Dieu, toute la terre ; fêtez la gloire de son nom, glorifiez-le en célébrant sa louange. Dites à Dieu : « Que tes actions sont redoutables ! »

« Toute la terre se prosterne devant toi, elle chante pour toi, elle chante pour ton nom. » Venez et voyez les hauts faits de Dieu, ses exploits redoutables pour les fils des hommes.

Il changea la mer en terre ferme : ils passèrent le fleuve à pied sec. De là, cette joie qu’il nous donne. Il règne à jamais par sa puissance.

Venez, écoutez, vous tous qui craignez Dieu : je vous dirai ce qu’il a fait pour mon âme ; Béni soit Dieu qui n’a pas écarté ma prière, ni détourné de moi son amour !

 

DEUXIÈME LECTURE « Dans sa chair, il a été mis à mort ; dans l’esprit, il a reçu la vie » (1 P 3, 15-18)
Lecture de la première lettre de saint Pierre apôtre

Bien-aimés, honorez dans vos cœurs la sainteté du Seigneur, le Christ. Soyez prêts à tout moment à présenter une défense devant quiconque vous demande de rendre raison de l’espérance qui est en vous ; mais faites-le avec douceur et respect. Ayez une conscience droite, afin que vos adversaires soient pris de honte sur le point même où ils disent du mal de vous pour la bonne conduite que vous avez dans le Christ. Car mieux vaudrait souffrir en faisant le bien, si c’était la volonté de Dieu, plutôt qu’en faisant le mal. Car le Christ, lui aussi, a souffert pour les péchés, une seule fois, lui, le juste, pour les injustes, afin de vous introduire devant Dieu ; il a été mis à mort dans la chair ; mais vivifié dans l’Esprit.

 

ÉVANGILE « Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur » (Jn 14, 15-21) Alléluia. Alléluia.  Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, dit le Seigneur ; mon Père l’aimera, et nous viendrons vers lui. Alléluia (Jn 14, 23)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements. Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous : l’Esprit de vérité, lui que le monde ne peut recevoir, car il ne le voit pas et ne le connaît pas ; vous, vous le connaissez, car il demeure auprès de vous, et il sera en vous. Je ne vous laisserai pas orphelins, je reviens vers vous. D’ici peu de temps, le monde ne me verra plus, mais vous, vous me verrez vivant, et vous vivrez aussi. En ce jour-là, vous reconnaîtrez que je suis en mon Père, que vous êtes en moi, et moi en vous. Celui qui reçoit mes commandements et les garde, c’est celui-là qui m’aime ; et celui qui m’aime sera aimé de mon Père ; moi aussi, je l’aimerai, et je me manifesterai à lui. »
Patrick BRAUD

Mots-clés : , , , , ,