L'homélie du dimanche (prochain)

29 janvier 2018

Des sommaires pas si sommaires

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Des sommaires pas si sommaires


Homélie pour le 5° Dimanche du temps ordinaire / Année B
04/02/2018

Cf. également :

Sortir, partir ailleurs…

Avec Job, faire face à l’excès du mal

Qu’est-ce que « faire autorité » ?

Ce n’est pas le savoir qui sauve

 

Comment résumeriez-vous l’essentiel de vos activités ordinaires de la semaine ?
Sur quoi mettriez-vous l’accent ?
Qu’est-ce qui occupe 80 % de votre temps ?

Pour beaucoup d’entre nous, le tiercé transport – boulot – dodo risque fort d’arriver en tête… Quantitativement, oui, sans doute. Mais qualitativement ?

Des sommaires pas si sommaires dans Communauté spirituelle 39301735-ic%C3%B4ne-de-document-de-contr%C3%B4le-de-la-grammaire-Banque-d%27imagesL’évangéliste Marc est confronté à cette question lorsqu’il commence son évangile. Comment résumer simplement l’essentiel des activités ordinaires de cet homme extraordinaire nommé Jésus ? Le passage de ce dimanche (Mc 1, 29-39) nous donne quelques pistes. Marc campe tout de suite le paysage des années publiques de Jésus : Capharnaüm, une guérison, un sommaire, une nuit de prière, un autre sommaire. La guérison de la belle-mère de Pierre, outre qu’elle nous apprend que Pierre était marié, nous montre le ministère de la diaconie au cœur de la vie de famille et d’Église, accompli par une femme : « et elle les servait »… Le temps utilisé par Marc (l’aoriste = un imparfait qui se prolonge) souligne combien servir est la conséquence de la guérison opérée par Jésus au contact de son corps (« la prenant pas la main, il la fit se lever », et se lever – egeïro-  est le verbe de la résurrection). La diaconie du Christ serviteur trouve dès le début une figure féminine pour l’incarner : la belle-mère de Pierre, première diaconesse en quelque sorte !

Pourquoi appelées ‘sommaire’ ces deux passages ? Parce que Marc y fait la synthèse du ministère de Jésus, en évoquant son activité en général.

Premier sommaire :
Le soir venu, après le coucher du soleil, on lui amenait tous ceux qui étaient atteints d’un mal ou possédés par des démons. La ville entière se pressait à la porte. Il guérit beaucoup de gens atteints de toutes sortes de maladies, et il expulsa beaucoup de démons ; il empêchait les démons de parler, parce qu’ils savaient, eux, qui il était.

Deuxième sommaire :
Et il parcourut toute la Galilée, proclamant l’Évangile dans leurs synagogues, et expulsant les démons.

Que nous apprennent ces deux sommaires ?

 

- Un mouvement d’accueil / de sortie

La réputation de guérisseur de Jésus est telle que dans un premier temps, il n’a pas besoin d’aller vers les gens : ce sont eux qui viennent à lui. « La ville entière se pressait à la porte ». Il est lui-même cette porte qui attire à lui l’humanité souffrante. Saint Jean dira la même chose, autrement, dans son langage théologique : « élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes ». « Je suis la porte ».

Cette mission d’accueil de ceux qui souffrent fait structurellement partie de la mission de l’Église, de tout disciple. Accueil gratuit, inconditionnel (le sommaire n’énonce aucune exigence pour être guéri, sinon venir vers le Christ). Accueil libérateur, car selon la culture de l’époque (encore si prégnante dans nombre de continents et de visions du monde préscientifiques) les maladies et troubles personnels viennent de forces invisibles, de démons, qui causent « toutes sortes de maladies ».

Cet accueil à la maison aurait pu suffire à Jésus, qui aurait bien vécu après avoir posé sa plaque de guérisseur à Capharnaüm… Mais non, il est sorti de Dieu pour aller à la rencontre de l’humanité. Il sortira donc de Capharnaüm pour aller jusqu’au bout de la sortie de soi (exode/kénose) qui est la caractéristique de l’amour trinitaire : « allons ailleurs dans les villages voisins. C’est pour cela que je suis sorti ».

Le double mouvement d’accueil / sortie – qui nous fait penser au mouvement du cœur (diastole / systole), ou à la respiration (inspiration/ expiration) – est constitutif de note identité chrétienne.

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- Prier pour rester fidèle

Le succès facile de Capharnaüm aurait pu griser Jésus. Les foules adorent le pain et les jeux. Elles voudront faire roi ce guérisseur extraordinaire. Mais Capharnaüm est trop petit pour contenir son amour, et ‘roi de Judée’ est un titre trop étroit pour le roi de l’univers. Pourtant, la tentation est là : s’installer, surfer sur l’adulation des foules, se construire un petit bonheur tranquille et durable. Qui n’en rêve pas ? C’est sans doute à cause de cette tentation qui veut le détourner de sa vocation que Jésus à nouveau se rend dans un endroit désert pour prier. Cette prière avant l’aube lui permet de se recentrer sur l’essentiel de sa mission : proclamer l’Évangile dans les villages voisins, toute la Galilée, et à Jérusalem.

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Lorsque la tentation nous vient d’arrêter notre course, de nous installer dans nos succès faciles, le Christ nous montre le chemin de la prière solitaire pour y trouver la force de devenir fidèle, c’est-à-dire de continuer notre route nous aussi. Nous retrouvons parfois  l’urgence de la prière dans l’épreuve, pourquoi l’abandonnerions-nous dans les temps heureux où tout va bien ? L’infidélité nous y guette tout autant. Prier pour rester fidèle reste pour nous une ressource précieuse dans les Capharnaüm comme dans les Gethsémani de notre existence.

 

- Guérir et délivrer

Les deux sommaires de ce début d’évangile de Marc font la part belle aux guérisons et aux exorcismes pratiqués par Jésus. Guérir les malades et expulser les démons sont visiblement au cœur de l’activité de Jésus. Aux yeux de ses contemporains, avant d’être un prophète, un sage ou un messie, Jésus est un thérapeute, un faiseur de miracles, un exorciste (les trois étant liés dans les mentalités de l’époque). D’ailleurs, si l’on supprimait des évangiles les récits de guérison, les miracles et les exorcismes, il faudrait enlever au moins un tiers du texte en volume ! Autant dire que l’Église doit rechercher et comprendre ce que veut dire guérir et libérer aujourd’hui, avec la même puissance de l’Esprit qui animait le Christ autrefois.

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Soigner les corps, les esprits, les cœurs, les âmes ont toujours été des composantes essentielles de l’évangélisation. Dispensaires et PMI fleurissaient en Afrique autant que les églises. Les religieuses ont été infirmières bien avant le service public. Et délivrer les gens de leurs passions morbides a toujours fait partie du ministère de la confession et du charisme de l’accompagnement spirituel.

À continuer !

 

 

- Le savoir ne sauve pas

Jesus-et-la-gnose diaconieLe premier sommaire précise : Jésus « empêchait les démons de parler, parce qu’ils savaient eux, qui il était ». La foi n’est donc pas une question de connaissance, car ici ceux qui savent (les démons) sont expulsés, alors que ceux qui font confiance (les malades-possédés) sont accueillis. La gnose n’apporte pas le salut, contrairement à ce que prêcheront toutes les sociétés secrètes ultérieurement, des cathares aux francs-maçons…

 

- Parcourir / proclamer / libérer sont finalement les trois activités qui occupent 90 % de l’agenda de Jésus lors de ses trois années publiques. À sa suite, l’Église doit infatigablement sortir à la rencontre des peuples et de leurs cultures (Paul VI avait ré-initié cette tradition des voyages pontificaux dans le monde entier), proclamer l’Évangile à temps et à contretemps (même lorsque la liberté religieuse est limitée, comme sous le communisme autrefois où l’islam d’État actuellement), et libérer chacun et tous des démons qui les aliènent collectivement ou individuellement (de la soif d’argent qui déshumanise une société aux liens psychologiques et spirituels qui peuvent enchaîner une personne).

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Finalement, ces sommaires de Marc sont assez instructifs !

Et vous, si on vous demandait de faire le sommaire de vos journées, de vos semaines, qu’écririez-vous ? Y trouverait-on, selon votre charisme, la passion de parcourir, de proclamer, de libérer ?

 

 

Lectures de la messe
Première lecture
« Je ne compte que des nuits de souffrance » (Jb 7, 1-4.6-7)
Lecture du livre de Job

Job prit la parole et dit : « Vraiment, la vie de l’homme sur la terre est une corvée, il fait des journées de manœuvre. Comme l’esclave qui désire un peu d’ombre, comme le manœuvre qui attend sa paye, depuis des mois je n’ai en partage que le néant, je ne compte que des nuits de souffrance. À peine couché, je me dis : “Quand pourrai-je me lever ?” Le soir n’en finit pas : je suis envahi de cauchemars jusqu’à l’aube. Mes jours sont plus rapides que la navette du tisserand, ils s’achèvent faute de fil. Souviens-toi, Seigneur : ma vie n’est qu’un souffle, mes yeux ne verront plus le bonheur. »

Psaume
(Ps 146 (147a), 1.3, 4-5, 6-7)
R/ Bénissons le Seigneur qui guérit nos blessures ! ou : Alléluia ! (Ps 146, 3)

Il est bon de fêter notre Dieu,
il est beau de chanter sa louange :
il guérit les cœurs brisés
et soigne leurs blessures.

Il compte le nombre des étoiles,
il donne à chacune un nom ;
il est grand, il est fort, notre Maître :
nul n’a mesuré son intelligence.

Le Seigneur élève les humbles
et rabaisse jusqu’à terre les impies.
Entonnez pour le Seigneur l’action de grâce,
jouez pour notre Dieu sur la cithare !

Deuxième lecture
« Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile ! » (1 Co 9, 16-19.22-23)
Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens

Frères, annoncer l’Évangile, ce n’est pas là pour moi un motif de fierté, c’est une nécessité qui s’impose à moi. Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile ! Certes, si je le fais de moi-même, je mérite une récompense. Mais je ne le fais pas de moi-même, c’est une mission qui m’est confiée. Alors quel est mon mérite ? C’est d’annoncer l’Évangile sans rechercher aucun avantage matériel, et sans faire valoir mes droits de prédicateur de l’Évangile. Oui, libre à l’égard de tous, je me suis fait l’esclave de tous afin d’en gagner le plus grand nombre possible. Avec les faibles, j’ai été faible, pour gagner les faibles. Je me suis fait tout à tous pour en sauver à tout prix quelques-uns. Et tout cela, je le fais à cause de l’Évangile, pour y avoir part, moi aussi.

Évangile
« Il guérit beaucoup de gens atteints de toutes sortes de maladies » (Mc 1, 29-39)
Alléluia. Alléluia. Le Christ a pris nos souffrances, il a porté nos maladies. Alléluia. (Mt 8, 17)
Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, aussitôt sortis de la synagogue de Capharnaüm, Jésus et ses disciples allèrent, avec Jacques et Jean, dans la maison de Simon et d’André. Or, la belle-mère de Simon était au lit, elle avait de la fièvre. Aussitôt, on parla à Jésus de la malade. Jésus s’approcha, la saisit par la main et la fit lever. La fièvre la quitta, et elle les servait.
Le soir venu, après le coucher du soleil, on lui amenait tous ceux qui étaient atteints d’un mal ou possédés par des démons. La ville entière se pressait à la porte. Il guérit beaucoup de gens atteints de toutes sortes de maladies, et il expulsa beaucoup de démons ; il empêchait les démons de parler, parce qu’ils savaient, eux, qui il était.
Le lendemain, Jésus se leva, bien avant l’aube. Il sortit et se rendit dans un endroit désert, et là il priait. Simon et ceux qui étaient avec lui partirent à sa recherche. Ils le trouvent et lui disent : « Tout le monde te cherche. » Jésus leur dit : « Allons ailleurs, dans les villages voisins, afin que là aussi je proclame l’Évangile ; car c’est pour cela que je suis sorti. »
Et il parcourut toute la Galilée, proclamant l’Évangile dans leurs synagogues, et expulsant les démons.
Patrick BRAUD

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8 juin 2016

Vers un diaconat féminin ?

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Vers un diaconat féminin ?

 

Cf. également :

La pierre noire du pardon

Chassez les mauvaises odeurs !


Homélie du 12° dimanche du temps ordinaire / Année C

11/06/2016

La surprise du pape

Afficher l'image d'origineLe pape François a surpris tout le monde récemment. Devant plusieurs centaines de supérieures majeures du monde entier, le pape François a indiqué le Jeudi 12 Mai qu’il était d’accord pour mettre sur pied une commission chargée de clarifier la question du diaconat féminin.

Ce n’est qu’après un temps de réflexion que le pape a répondu à l’une des supérieures majeures qui l’interrogeait sur l’accès des femmes au diaconat permanent : « Constituer une commission officielle pour étudier la question ? Je crois, oui. Il serait bon pour l’Église de clarifier ce point. (…) Je ferai en sorte qu’on fasse quelque chose comme ça. (…) Il me semble utile qu’une commission étudie la question. »

Imaginez la tête des cardinaux de la Curie lorsqu’ils ont appris cela… ! Quelques mois plus tôt, François avait déjà déconcerté l’aile conservatrice de l’Église catholique en ouvrant des pistes pastorales réelles pour les divorcés remariés. Dans son exhortation « Laetitia amoris » il appelait au discernement au cas par cas, en rappelant la primauté de la conscience sur la loi…

Et voilà qu’au détour d’une audience, il évoque ce qui serait une véritable innovation ministérielle : le diaconat féminin ! Innovation ? En réalité, ce serait plutôt un retour à la tradition la plus ancienne.

 

Jésus, un homme à femmes ?

Afficher l'image d'origineRegardez Jésus dans l’évangile de ce dimanche (Lc 7,36–8,3). Il pardonne à une femme publiquement connue pour sa mauvaise réputation. Et pire encore : il en fait une disciple ! Luc décrit ensuite la cohorte de femmes qui marchaient sur les routes avec Jésus : « Les Douze l’accompagnaient, ainsi que des femmes qui avaient été guéries de maladies et d’esprits mauvais : Marie, appelée Madeleine, de laquelle étaient sortis sept démons, Jeanne, femme de Kouza, intendant d’Hérode, Suzanne, et beaucoup d’autres, qui les servaient en prenant sur leurs ressources » (Lc 8,3).

Dans le Nouveau Testament, c’est le mot diakonos (serviteur) qui désigne le ministère diaconal. Et la première fois qu’il est utilisé, c’est pour une femme ! Luc  précise en effet que, au début de la vie publique de Jésus, la première à servir (diakonein ) Jésus et ses disciples fut la belle-mère de Pierre, une fois guérie de sa fièvre : « elle les servait » (Mc 1, 29-31). Le temps employé (aoriste = un imparfait qui se prolonge) implique une action qui dure, et non un service occasionnel. C’est donc que la belle-mère de Pierre remplit longtemps cet office : servir l’Église, à travers Jésus et les Douze.

Les autres mentions d’un diaconat féminin sont bien connues dans le Nouveau Testament [1] :

Le verbe diakonein (servir) est maintes fois employé dans les évangiles : au sujet de la belle-mère de Pierre (Mc 1, 31), de Marthe (Lc 10,40; Jn 12,2), des serviteurs de Cana (Jn 2, 5,9), des femmes « qui les assistaient de leurs biens » (Lc 8,3; 23,49).

Puis il apparaît avec un sens ministériel dans les lettres de Paul :

« Je vous recommande Phoébée, notre sœur, diaconesse (diakonos) de l’Église de Cenchrées (R 16, 1) ».
« Que les diacres, de même, soient des hommes dignes, n’ayant qu’une parole, modérés dans l’usage du vin, fuyant les profits malhonnêtes. […] Que pareillement, les femmes soient dignes, point médisantes, sobres et fidèles en tout. (1 Timothée 3, 8-11)
Il ne fait nul doute que ces diaconesses ne devaient pas prêcher dans la liturgie pour Paul (1 Co 11, 5). En sens contraire, on signalera que les 7 diacres institués par les apôtres n’avaient pas non plus mandat d’évangéliser et que, pourtant, ils se sont attribués ce rôle (Ac 6,10 ; 8,5 ; 8,38).
Paul mentionne un couple qui est associé à son ministère : « Saluez Prisca et Aquilas mes collaborateurs en Jésus Christ »… « Saluez Marie, qui s’est donné beaucoup de peine pour vous ». « Saluez Tryphène et Tryphose, qui se sont donné de la peine dans le Seigneur » (Rm 16, 1-16). Paul se réfère ici à des tâches apostoliques.
« Evodie et Syntyche qui ont lutté avec moi pour l’Évangile, en même temps que Clément et tous mes autres collaborateurs » (Ph 4,2). La mention « pour l’Évangile » indique certainement une participation à l’œuvre d’évangélisation.

Sans trop connaître exactement le contenu de ce diaconat féminin, on peut au moins affirmer qu’il en existait un, voulu par le Christ, dès ses années publiques et dès les débuts de l’Église après la Pentecôte.

 

Le diaconat féminin dans les premiers siècles

Pline, dans une lettre à l’Empereur (en 111 ap. JC), mentionne qu’il a fait arrêter deux chrétiennes qui occupent une position officielle. “ D’autant qu’il me paraissait nécessaire d’obtenir la vérité de la part de ces deux femmes, qui sont appelées “ancillae” (= diakonous, diaconesses ?), même en leur appliquant la torture. “

On connaît également l’histoire de Thecla qui, par sa confession devant le juge à Antioche, convertit Tryphène et un groupe de femmes : “ Elle se rendit à la maison de Tryphène et resta là durant huit jours, l’instruisant de la Parole de Dieu, de sorte que la plupart de ses servantes se mirent à croire “ (Actes de Paul et Thecla, § 38-39).

Clément d’Alexandrie (155-220) en charge de l’école catéchétique d’Alexandrie, interprète la première épître à Timothée 3,11 comme une référence à des « femmes diacres ». Il écrit : « les Apôtres prirent des femmes avec eux, non comme épouses, mais comme sœurs pour partager leur ministère (syn-diakonos) auprès des femmes demeurant à la maison; par leur intermédiaire l’enseignement sur le Seigneur atteignit les quartiers des femmes sans éveiller de soupçon ». Origène, son successeur écrit au sujet de l’épître aux Romains 16,2 : « Ce passage démontre avec une autorité tout apostolique que les femmes étaient désignées au ministère de l’Église ».

La Didascalie des Apôtres prétend avoir été l’enseignement des Apôtres, mais elle reflète l’Église orientale du temps. Dans ce texte on trouve en détail les devoirs de tous les échelons de la hiérarchie. Dans un chapitre sur le respect dû aux évêques (ch XXV) nous lisons : « Parce que dans votre milieu l’évêque représente Dieu tout-puissant. Mais le diacre représente le Christ; et aimez-le. Les diaconesses devraient être honorées comme l’Esprit Saint, et les presbytres, être pour vous semblables aux Apôtres ». Le texte résume ainsi : « qu’une femme diacre soit ordonnée au ministère des femmes et un homme diacre au ministère des hommes ».

On rappelle aux évêques :

« À cause de cela nous affirmons que le ministère d’une diaconesse est tout à fait nécessaire et important. Car notre Seigneur et Sauveur lui aussi fut servi par des diaconesses qui étaient : Marie – Madeleine et Marie, la fille de Jacques et la mère de José, et la mère des fils de Zébédée, et d’autres femmes encore… et toi aussi tu as besoin du ministère des diaconesses en plusieurs occasions ».

Dans les livres liturgiques antiques, en particulier dans les Constitutions Apostoliques (vers 380, en Syrie), les diaconesses font partie du clergé tandis que les veuves en sont exclues. De plus, on impose les mains sur les diaconesses et leur consécration prend place entre le diacre et le sous-diacre. Les diaconesses semblent donc avoir été ordonnées [2].

Épiphane de Salamine écrit : « Il y a bien dans l’Église l’ordre des diaconesses, mais ce n’est pas pour exercer des fonctions sacerdotales, ni pour lui confier quelque entreprise, mais pour la décence du sexe féminin, au moment du baptême ».

la diaconesse phébée

Le texte des Constitutions Apostoliques explique en détail le rite de l’ordination des femmes diaconesses. Comme le diacre, elles sont ordonnées par l’évêque en présence de tout le clergé. Il étend les mains sur elle et prie… : « puisse Dieu jeter un regard sur sa servante qui doit être ordonnée à la fonction de diaconesse et lui donner le Saint Esprit… » (VIII:20,21). Ce rite est semblable à celui de l’ordination des prêtres et, comme le clergé, elle partage à l’eulogia des offrandes eucharistiques (VIII:31).
Dans l’exercice des œuvres de charité, diacres et diaconesses sont sur un même pied. « Que les diacres soient en toutes choses, comme l’évêque lui-même; seulement ils doivent être plus actifs; que leur nombre soit proportionnel à l’importance de l’Église de sorte qu’ils puissent accomplir leur ministère auprès des malades en travailleurs qui n’ont pas honte. Et que les diaconesses soient attentives à prendre soin des femmes; mais que les deux, diacres et diaconesses, soient prêts à porter les messages, à voyager à leur sujet, à remplir leurs fonctions et à rendre service… » (III:30). 

Les Constitutions apostoliques attestent donc de la persistance d’un diaconat féminin pendant toute cette période. Avec au moins trois arguments de nature différente :

- liturgique : les candidats au baptême étaient complètement dévêtus avant d’être immergé trois fois dans l’eau. Il fallait donc des femmes pour conduire et plonger des femmes dans l’eau du baptême, par pudeur.

- missionnaire : pour rentrer dans les maisons, les pièces, les univers des femmes, les hommes étaient interdits. Seules des femmes pouvaient s’adresser à d’autres femmes, pour annoncer l’Évangile, accompagner, fortifier. Un ministère de la prédication au féminin en somme.

- symbolique : l’Esprit Saint est féminin en hébreu (ruah YHWH). L’action de l’Esprit dans l’Église est donc portée par une symbolique féminine : intériorité, inspiration, assurance missionnaire (parresia) etc.

 

Dans la partie orientale de l’Église, le diaconat féminin s’est développé jusqu’aux VIII° et IX° siècles. Beaucoup de femmes diacres sont mentionnées par le calendrier de l’Église Orthodoxe comme des saintes à vénérer.

À côté de la diaconie du Christ, masculine, il doit donc exister la diaconie de l’Esprit, féminine, pour que la symbolique trinitaire soit complète.

 

Après les trois premiers siècles

Peu à peu, le diaconat féminin tomba en désuétude, aussi bien en Orient qu’en Occident. Deux raisons au moins provoquèrent ce recul :

- le baptême des enfants se substitua à celui des adultes, rendant inutile le ministère liturgique des diaconesses.

- la ‘sacerdotalisation’ du ministère rapprocha les théologiens des positions juives sur les impuretés rituelles (cf. livre du Lévitique par exemple) au nom de laquelle on finit par écarter totalement les femmes des autels.

Sans oublier ce que Yves Congar appelait le « déficit pneumatologique de l’Église » en Occident, qui a conduit à survaloriser la médiation christique au détriment de la mission de l’Esprit Saint.

La figure féminine devint exclusivement celle de Marie, vierge et mère, en oubliant celle des femmes qui accompagnaient Jésus, le servaient, géraient l’argent de l’Église et participaient à l’élan missionnaire, jusqu’à prêcher l’Évangile aux côtés des apôtres.

 

Qu’apporterait un diaconat féminin aujourd’hui ?

Précisons d’abord que, comme pour le diaconat masculin, son rétablissement serait laissé au discernement des conférences épiscopales locales. Ainsi les Églises d’Afrique, bénéficiant depuis longtemps la présence de catéchistes au ministère irremplaçable, n’ont pas souhaité rétablir le diaconat permanent comme Vatican II leur en offrait la possibilité. Gageons qu’il en serait de même pour un diaconat féminin.

Afficher l'image d'origineMais en Occident, avec la montée en puissance du rôle des femmes dans la société et dans l’Église, véritable signe des temps selon Jean XXIII, l’attente est énorme. Car l’inégalité dans l’Église est trop importante entre hommes et femmes, à cause du ministère seulement détenu par les premiers, qui leur confère inéluctablement une domination, une primauté, un pouvoir de décision et de gestion dont seules quelques miettes tombent actuellement dans la mission des milliers de femmes activement responsables au quotidien de la vie ecclésiale (catéchèse, aumônerie, animation liturgique, charité etc.).

Au-delà de la seule égalité, c’est également la prédication qui a besoin de retrouver sa composante féminine. Déjà de grandes voix, de grands écrits de théologiennes commencent à marquer l’exégèse, la réflexion morale, etc. Mais, le dimanche à la messe paroissiale comme autour d’un feu de camp de guides ou autour de malades rassemblés dans la chapelle de l’hôpital, une lecture au féminin des textes de la messe devient urgente :

- parce que partout ailleurs, dans la vie professionnelle, associative, politique, de telles voix font entendre combien hommes et femmes s’apportent mutuellement lorsqu’ils concourent ensemble à une même mission.

- parce que l’Église doit témoigner de son espérance eschatologique d’un temps où « il n’y a plus ni l’homme ni la femme », comme l’écrit Paul sans en tirer toutes les conséquences.

- parce que les vieilles obsessions lévitiques sur l’impureté rituelle ne sont plus de mise, depuis que Jésus a déclaré pure toute la création :

« Ne comprenez-vous pas que rien de ce qui pénètre du dehors dans l’homme ne peut le souiller, parce que cela ne pénètre pas dans le coeur, mais dans le ventre, puis s’en va aux lieux d’aisance ? (ainsi il déclarait purs tous les aliments).  Il disait : Ce qui sort de l’homme, voilà ce qui souille l’homme. Car c’est du dedans, du coeur des hommes, que sortent les desseins pervers: débauches, vols, meurtres,  adultères, cupidités, méchancetés, ruse, impudicité, envie, diffamation, orgueil, déraison.  Toutes ces mauvaises choses sortent du dedans et souillent l’homme. » (Mc 7, 18-23)

La crainte de voir des femmes s’approcher de l’autel n’est pas évangélique !

- parce que prêcher, baptiser, marier relève tout autant de l’action de l’Esprit dans le monde que de la prolongation du ministère du Christ. La dimension masculine du service au nom du Christ n’exclut pas, mais appelle au contraire la dimension féminine du service dans la force de l’Esprit (ruah YHWH) qui guérit, qui relève, qui réchauffe, qui assouplit, qui console…

 

Il y a loin d’une remarque papale lors d’une audience de religieuses à une véritable réforme remettant l’homme et la femme à égalité dans l’Église. Mais cette ouverture est trop belle pour ne pas espérer qu’un chemin soit désormais possible…

 

 


[1]. Les références suivantes doivent beaucoup au site : Femmes et Ministères.

[2]. Le mot employé pour leur ordination est  le même que dans le canon 19 du concile de Chalcédoine : cheirotonia ou  cheirathesia. Il est habituellement employé pour l’ordination de l’évêque, des presbytres et des diacres.

 

 

1ère lecture : « Le Seigneur a passé sur ton péché : tu ne mourras pas » (2 S 12, 7-10.13)
Lecture du deuxième livre de Samuel

En ces jours-là, après le péché de David, le prophète Nathan lui dit : « Ainsi parle le Seigneur Dieu d’Israël : Je t’ai consacré comme roi d’Israël, je t’ai délivré de la main de Saül, puis je t’ai donné la maison de ton maître, j’ai mis dans tes bras les femmes de ton maître ; je t’ai donné la maison d’Israël et de Juda et, si ce n’est pas assez, j’ajouterai encore autant. Pourquoi donc as-tu méprisé le Seigneur en faisant ce qui est mal à ses yeux ? Tu as frappé par l’épée Ourias le Hittite ; sa femme, tu l’as prise pour femme ; lui, tu l’as fait périr par l’épée des fils d’Ammone. Désormais, l’épée ne s’écartera plus jamais de ta maison, parce que tu m’as méprisé et que tu as pris la femme d’Ourias le Hittite pour qu’elle devienne ta femme. » David dit à Nathan : « J’ai péché contre le Seigneur ! » Nathan lui répondit : « Le Seigneur a passé sur ton péché, tu ne mourras pas. »

Psaume : Ps 31 (32), 1-2, 5abcd, 5ef.7, 10bc-11

R/ Enlève, Seigneur, l’offense de ma faute. (cf. Ps 31, 5e)

Heureux l’homme dont la faute est enlevée,
et le péché remis !
Heureux l’homme dont le Seigneur ne retient pas l’offense,
dont l’esprit est sans fraude !

Je t’ai fait connaître ma faute,
je n’ai pas caché mes torts.
J’ai dit : « Je rendrai grâce au Seigneur
en confessant mes péchés. »

Et toi, tu as enlevé l’offense de ma faute.
Tu es un refuge pour moi,
mon abri dans la détresse,
de chants de délivrance, tu m’as entouré.

L’amour du Seigneur entourera
ceux qui comptent sur lui.
Que le Seigneur soit votre joie, hommes justes !
Hommes droits, chantez votre allégresse !

2ème lecture : « Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2, 16.19-21)
Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Galates

Frères, nous avons reconnu que ce n’est pas en pratiquant la loi de Moïse que l’homme devient juste devant Dieu, mais seulement par la foi en Jésus Christ ; c’est pourquoi nous avons cru, nous aussi, au Christ Jésus pour devenir des justes par la foi au Christ, et non par la pratique de la Loi, puisque, par la pratique de la Loi, personne ne deviendra juste. Par la Loi, je suis mort à la Loi afin de vivre pour Dieu ; avec le Christ, je suis crucifié. Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi. Ce que je vis aujourd’hui dans la chair, je le vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré lui-même pour moi. Il n’est pas question pour moi de rejeter la grâce de Dieu. En effet, si c’était par la Loi qu’on devient juste, alors le Christ serait mort pour rien.

Evangile : « Ses nombreux péchés sont pardonnés, puisqu’elle a montré beaucoup d’amour » (Lc 7, 36 – 8, 3)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. 
Près du Seigneur est l’amour, près de lui, abonde le rachat.
Alléluia. (Ps 129, 7)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là, un pharisien avait invité Jésus à manger avec lui. Jésus entra chez lui et prit place à table. Survint une femme de la ville, une pécheresse. Ayant appris que Jésus était attablé dans la maison du pharisien, elle avait apporté un flacon d’albâtre contenant un parfum. Tout en pleurs, elle se tenait derrière lui, près de ses pieds, et elle se mit à mouiller de ses larmes les pieds de Jésus. Elle les essuyait avec ses cheveux, les couvrait de baisers et répandait sur eux le parfum.
En voyant cela, le pharisien qui avait invité Jésus se dit en lui-même : « Si cet homme était prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche, et ce qu’elle est : une pécheresse. »
Jésus, prenant la parole, lui dit : « Simon, j’ai quelque chose à te dire. – Parle, Maître. » Jésus reprit : « Un créancier avait deux débiteurs ; le premier lui devait cinq cents pièces d’argent, l’autre cinquante. Comme ni l’un ni l’autre ne pouvait les lui rembourser, il en fit grâce à tous deux. Lequel des deux l’aimera davantage ? » Simon répondit : « Je suppose que c’est celui à qui on a fait grâce de la plus grande dette. – Tu as raison », lui dit Jésus. Il se tourna vers la femme et dit à Simon : « Tu vois cette femme ? Je suis entré dans ta maison, et tu ne m’as pas versé de l’eau sur les pieds ; elle, elle les a mouillés de ses larmes et essuyés avec ses cheveux. Tu ne m’as pas embrassé ; elle, depuis qu’elle est entrée, n’a pas cessé d’embrasser mes pieds. Tu n’as pas fait d’onction sur ma tête ; elle, elle a répandu du parfum sur mes pieds. Voilà pourquoi je te le dis : ses péchés, ses nombreux péchés, sont pardonnés, puisqu’elle a montré beaucoup d’amour. Mais celui à qui on pardonne peu montre peu d’amour. » Il dit alors à la femme : « Tes péchés sont pardonnés. » Les convives se mirent à dire en eux-mêmes : « Qui est cet homme, qui va jusqu’à pardonner les péchés ? » Jésus dit alors à la femme : « Ta foi t’a sauvée. Va en paix ! » Ensuite, il arriva que Jésus, passant à travers villes et villages, proclamait et annonçait la Bonne Nouvelle du règne de Dieu. Les Douze l’accompagnaient, ainsi que des femmes qui avaient été guéries de maladies et d’esprits mauvais : Marie, appelée Madeleine, de laquelle étaient sortis sept démons, Jeanne, femme de Kouza, intendant d’Hérode, Suzanne, et beaucoup d’autres, qui les servaient en prenant sur leurs ressources.
Patrick BRAUD

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