L'homélie du dimanche (prochain)

28 mars 2013

Vendredi Saint : la déréliction de Marie

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Vendredi Saint : la déréliction de Marie

Homélie pour le Vendredi saint / Année C
29/03/13 

« Voyez s’il est une douleur pareille à ma douleur » (Lm 1,12).

Cette phrase du livre des Lamentations a toujours été transposée par les chrétiens sur les lèvres de Marie au pied de la croix. Au point de donner des oeuvres sublimes dans la musique (le Stabat Mater de Pergolèse, Scarlatti et de tant d’autres), la peinture (pensez à toutes les descentes de croix, de Giotto à Goya etc), la sculpture (les innombrables Pietàs témoignent de cette douleur de Marie). On a même couronné Marie de ce titre terrible : « Notre-Dame des sept douleurs », comme pour dire qu’elle récapitule en elle toutes les douleurs qu’un être humain pouvait connaître.

Vendredi Saint : la déréliction de Marie dans Communauté spirituelle Pieta-Michelangelo-frR 

Le dolorisme des siècles précédents a failli disqualifier cette veine spirituelle. Tout en veillant à écarter énergiquement cette déviance doloriste, il est possible maintenant de revenir à cette épée qui déchire le coeur de Marie au pied de la croix, le jour du Vendredi saint.

 

Quelle est cette douleur de Marie ?

Pas de symptômes physiques, contrairement à la douleur de son fils. Personne ne l’a maltraitée, battue ou emprisonnée. Son corps est oppressé, mais c’est à la vue de son fils humilié. Tous les parents connaissent la souffrance de voir leur enfant souffrir. En ce sens, la douleur de Marie épouse celle de tous les pères et mères devant leur enfant défiguré par la souffrance physique ou morale.

Pire encore, Marie connaîtra cette déchirure indicible de perdre son fils, de voir mourir jonathan_pierres_vivantes abandon dans Communauté spirituellela chair de sa chair, de devoir accepter que son fils parte avant elle sous ses yeux, sans rien pouvoir faire.

Déjà, à travers cette expérience extrême de la perte, Marie devient la soeur de tous ceux qui perdent un être aimé, de tous les parents qui devront vivre avec cette absence.

Mais la Passion du Christ entraîne Marie encore plus loin.

C’est Jean, le disciple bien-aimé, qui est le témoin de ce coup de poignard encore plus déchirant que le premier. « Femme, voici ton fils » (Jn 19,26).

En s’adressant à sa mère, Jésus ose l’appeler « femme ». Comme si elle n’était plus sa mère. Comme si la mort allait mettre une telle distance entre lui et elle qu’il voulait l’aider à accepter cette perte.

On y entend l’écho du « femme » de Cana : « Femme, que me veux-tu ? Mon heure n’est pas encore venue » (Jn 2,4). En établissant cette distance avec sa mère, Jésus va justement pouvoir lui obéir librement, et faire couler le vin des noces.

De même au pied de la croix : en usant de ce terme (femme), il donne à Marie son vrai rôle dans l’Église qui naît ici, abreuvée de son sang comme du vin des noces…

 

« Voici ton fils »

Non seulement Jésus abandonne en quelque sorte sa mère en l’appelant femme, mais plus encore il lui fait adopter un autre enfant que le sien, presque à sa place. C’est comme s’il disait : ne me considère plus comme ton fils. Maintenant c’est Jean (et à travers lui l’Église) qui est ton enfant, et tu habiteras chez lui.

Les commentateurs ont bien souvent célébré la deuxième conséquence de cet abandon de Marie par Jésus, à savoir la maternité ecclésiale de Marie. Peu ont osé explorer la première conséquence de cette phrase de Jésus, où il semble s’éloigner d’elle à jamais.

Le grand théologien Urs von Balthasar a pourtant écrit là-dessus des lignes inoubliables :

« De même que le Fils est abandonné par le Père, il abandonne aussi sa mère, afin que tous deux soient unis dans un commun abandon.
Par là seulement Marie est intérieurement prête à assumer la maternité ecclésiale envers tous les nouveaux frères et soeurs de Jésus. »  1

Au pied de la croix, ce Vendredi-là, Marie a été conduite à partager la propre déréliction 2 de Jésus. « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mt 27,46) se répercute et se transmet dans le « Femme, voici ton fils ».

Jésus entraîne sa mère à partager l’abandon qui le disloque lui-même.

La déréliction du fils devient celle de Marie, mère de Jean.

Bien sûr, on pourrait édulcorer cet épisode en n’y voyant que le souci – très « Sécurité sociale » – de Jésus de confier sa mère à quelqu’un qui pourra assurer sa survie matérielle et sociale après sa mort. Ce serait passer à côté de la vraie douleur de Marie, abandonnée elle aussi.

On ne parle pas ici de la spiritualité d’abandon chère à Charles de Foucauld ou aux mystiques rhénans. Non : il ne s’agit pas d’abandon à Dieu, mais bien d’être abandonné par Dieu, abandonné de Dieu ! C’est cette terrifiante déchirure au plus intime qui a fait suer du sang et de l’eau au Christ à Gethsémani. Pour lui, c’est encore pire que pour Marie, si l’on peut dire. Car il est Dieu, né de Dieu, et pourtant sur la croix il est assimilé aux maudits de Dieu, aux sans-Dieu, à ceux qui sont si éloignés de Dieu qu’ils n’ont même pas droit à une sépulture humaine normalement.

Comment en Jésus Dieu peut-il être séparé de Dieu ? Comment Jésus a-t-il pu crier ce terrible reproche : « pourquoi m’as-tu abandonné ? » à Celui avec qui il ne fait plus qu’un ? Sans l’Esprit qui le pousse, c’eut été impossible. C’était pour aller chercher et sauver ceux qui étaient perdus, aux enfers mêmes, que le Christ a été conduit à faire cette expérience inouïe de devenir lui-même un maudit, un sans-Dieu.

C’est bien la volonté de son Père qu’il fasse corps avec tous les damnés de la terre, afin de les ramener à lui dans sa résurrection.

Ce Vendredi-là, Jésus est immergé dans l’océan de la déréliction, où Celui avec qui il ne fait qu’un lui est arraché, apparemment pour toujours.

Sa plongée aux enfers, Jésus la fait vivre également (toutes proportions gardées, car Marie n’est qu’humaine) à sa mère, à travers le spectacle de sa mort en croix, et plus encore à travers la dépossession ultime qu’il lui demande : « Femme, voici ton fils ».

« Voyez s’il est une douleur pareille à ma douleur » : que la déréliction de Marie en ce Vendredi saint nous unisse à elle, dans nos déchirures les plus intimes, pour trouver la force d’endurer avec elle jusqu’au matin de Pâques…

__________________________________ 

1. RATZINGER J. / BALTHASAR H. U. von, Marie première Église, Médiaspaul et Ed. Paulines, Paris – Montréal, 1987, pp. 55.

2. Le mot déréliction est fort : il évoque aussitôt la solitude, l’angoisse, l’agonie. Il vient du latin derelictio, qui signifie délaissement (être délaissé), abandon (être abandonné).


1ère lecture : La grande prophétie du Serviteur souffrant (Is 52, 13-15; 53, 1-12)

Lecture du livre d’Isaïe

Mon serviteur réussira, dit le Seigneur ;
il montera, il s’élèvera, il sera exalté !
La multitude avait été consternée en le voyant,
car il était si défiguréqu’il ne ressemblait plus à un homme ;
il n’avait plus l’aspect d’un fils d’Adam.
Et voici qu’il consacrera une multitude de nations ;
devant lui les rois resteront bouche bée,
car ils verront ce qu’on ne leur avait jamais dit,
ils découvriront ce dont ils n’avaient jamais entendu parler.

Qui aurait cru ce que nous avons entendu ?
À qui la puissance du Seigneur a-t-elle été ainsi révélée ?
Devant Dieu, le serviteur a poussé comme une plante chétive,
enracinée dans une terre aride.
Il n’était ni beau ni brillant pour attirer nos regards,
son extérieur n’avait rien pour nous plaire.
Il était méprisé, abandonné de tous,
homme de douleurs, familier de la souffrance,
semblable au lépreux dont on se détourne ;
et nous l’avons méprisé, compté pour rien.
Pourtant, c’étaient nos souffrances qu’il portait,
nos douleurs dont il était chargé.
Et nous, nous pensions qu’il était châtié,
frappé par Dieu, humilié.
Or, c’est à cause de nos fautes qu’il a été transpercé,
c’est par nos péchés qu’il a été broyé.
Le châtiment qui nous obtient la paix est tombé sur lui,
et c’est par ses blessures que nous sommes guéris.
Nous étions tous errants comme des brebis,
chacun suivait son propre chemin.
Mais le Seigneur a fait retomber sur lui
nos fautes à nous tous.

Maltraité, il s’humilie,
il n’ouvre pas la bouche :
comme un agneau conduit à l’abattoir,
comme une brebis muette devant les tondeurs,
il n’ouvre pas la bouche.
Arrêté, puis jugé, il a été supprimé.
Qui donc s’est soucié de son destin ?
Il a été retranché de la terre des vivants,
frappé à cause des péchés de son peuple.
On l’a enterré avec les mécréants,
son tombeau est avec ceux des enrichis ;
et pourtant il n’a jamais commis l’injustice,
ni proféré le mensonge.
Broyé par la souffrance, il a plu au Seigneur.
Mais, s’il fait de sa vie un sacrifice d’expiation,
il verra sa descendance, il prolongera ses jours :
par lui s’accomplira la volonté du Seigneur.

À cause de ses souffrances,
il verra la lumière, il sera comblé.
Parce qu’il a connu la souffrance,
le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes,
il se chargera de leurs péchés.
C’est pourquoi je lui donnerai la multitude en partage,
les puissants seront la part qu’il recevra,
car il s’est dépouillé lui-même jusqu’à la mort,
il a été compté avec les pécheurs,
alors qu’il portait le péché des multitudes
et qu’il intercédait pour les pécheurs.

 

Psaume : Ps 30, 2ab.6, 12, 13-14ad, 15-16, 17.25

R/ Ô Père, dans tes mains
je remets ton esprit

En toi, Seigneur, j’ai mon refuge ;
garde-moi d’être humilié pour toujours.
En tes mains je remets mon esprit ;
tu me rachètes, Seigneur, Dieu de vérité.

Je suis la risée de mes adversaires
et même de mes voisins;
je fais peur à mes amis,
s’ils me voient dans la rue, ils me fuient.

On m’ignore comme un mort oublié,
comme une chose qu’on jette.
J’entends les calomnies de la foule ;
ils s’accordent pour m’ôter la vie.

Moi, je suis sûr de toi, Seigneur,
je dis : « Tu es mon Dieu ! »
Mes jours sont dans ta main : délivre-moi
des mains hostiles qui s’acharnent.

Sur ton serviteur, que s’illumine ta face ;
sauve-moi par ton amour.
Soyez forts, prenez courage,
vous tous qui espérez le Seigneur !

2ème lecture : Jésus, le grand prêtre, cause de notre salut (He 4, 14-16 ; 5, 7-9)

Lecture de la lettre aux Hébreux

Frère, en Jésus, le Fils de Dieu, nous avons le grand prêtre par excellence, celui qui a pénétré au-delà des cieux ; tenons donc ferme l’affirmation de notre foi. En effet, le grand prêtre que nous avons n’est pas incapable, lui, de partager nos faiblesses ; en toutes choses, il a connu l’épreuve comme nous, et il n’a pas péché. Avançons-nous donc avec pleine assurance vers le Dieu tout-puissant qui fait grâce, pour obtenir miséricorde et recevoir, en temps voulu, la grâce de son secours.

Pendant les jours de sa vie mortelle, il a présenté, avec un grand cri et dans les larmes, sa prière et sa supplication à Dieu qui pouvait le sauver de la mort ; et, parce qu’il s’est soumis en tout, il a été exaucé. Bien qu’il soit le Fils, il a pourtant appris l’obéissance par les souffrances de sa Passion ; et, ainsi conduit à sa perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel.

Evangile : La Passion (Jn 18, 1-40; 19, 1-42)

Acclamation : Christ, mort pour nos péchés, Christ, ressuscité pour notre vie !

Pour nous,
le Christ s’est fait obéissant
jusqu’à la mort,
et la mort sur une croix.
Voilà pourquoi
Dieu l’a élevé souverainement
et lui a donné le Nom qui est au-dessus de tout nom.
Christ, mort pour nos péchés,
Christ, ressuscité pour notre vie !

La Passion de notre Seigneur Jésus Christ selon saint Jean

Après le repas, Jésus sortit avec ses disciples et traversa le torrent du Cédron ; il y avait là un jardin, dans lequel il entra avec ses disciples.
Judas, qui le livrait, connaissait l’endroit, lui aussi, car Jésus y avait souvent réuni ses disciples. Judas prit donc avec lui un détachement de soldats, et des gardes envoyés par les chefs des prêtres et les pharisiens. Ils avaient des lanternes, des torches et des armes.
Alors Jésus, sachant tout ce qui allait lui arriver, s’avança et leur dit : « Qui cherchez-vous ? »
Ils lui répondirent : « Jésus le Nazaréen. » Il leur dit : « C’est moi. » Judas, qui le livrait, était au milieu d’eux.
Quand Jésus leur répondit : « C’est moi », ils reculèrent, et ils tombèrent par terre.
Il leur demanda de nouveau : « Qui cherchez-vous ? » Ils dirent : « Jésus le Nazaréen. »
Jésus répondit : « Je vous l’ai dit : c’est moi. Si c’est bien moi que vous cherchez, ceux-là, laissez-les partir. »
(Ainsi s’accomplissait la parole qu’il avait dite : « Je n’ai perdu aucun de ceux que tu m’as donnés ».)
Alors Simon-Pierre, qui avait une épée, la tira du fourreau ; il frappa le serviteur du grand prêtre et lui coupa l’oreille droite. Le nom de ce serviteur était Malcus.
Jésus dit à Pierre : « Remets ton épée au fourreau. Est-ce que je vais refuser la coupe que le Père m’a donnée à boire ? »
Alors les soldats, le commandant et les gardes juifs se saisissent de Jésus et l’enchaînent.
Ils l’emmenèrent d’abord chez Anne, beau-père de Caïphe, le grand prêtre de cette année-là. (C’est Caïphe qui avait donné aux Juifs cet avis : « Il vaut mieux qu’un seul homme meure pour tout le peuple. »)

Simon-Pierre et un autre disciple suivaient Jésus. Comme ce disciple était connu du grand prêtre, il entra avec Jésus dans la cour de la maison du grand prêtre, mais Pierre était resté dehors, près de la porte. Alors l’autre disciple ? celui qui était connu du grand prêtre ? sortit, dit un mot à la jeune servante qui gardait la porte, et fit entrer Pierre.
La servante dit alors à Pierre : « N’es-tu pas, toi aussi, un des disciples de cet homme-là ? » Il répondit : « Non, je n’en suis pas ! »
Les serviteurs et les gardes étaient là ; comme il faisait froid, ils avaient allumé un feu pour se réchauffer. Pierre était avec eux, et se chauffait lui aussi.

Or, le grand prêtre questionnait Jésus sur ses disciples et sur sa doctrine.
Jésus lui répondit : « J’ai parlé au monde ouvertement. J’ai toujours enseigné dans les synagogues et dans le Temple, là où tous les Juifs se réunissent, et je n’ai jamais parlé en cachette. Pourquoi me questionnes-tu ? Ce que j’ai dit, demande-le à ceux qui sont venus m’entendre. Eux savent ce que j’ai dit. »
À cette réponse, un des gardes, qui était à côté de Jésus, lui donna une gifle en disant : « C’est ainsi que tu réponds au grand prêtre ! »
Jésus lui répliqua : « Si j’ai mal parlé, montre ce que j’ai dit de mal ; mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? »
Anne l’envoya, toujours enchaîné, au grand prêtre Caïphe.

Simon-Pierre était donc en train de se chauffer ; on lui dit : « N’es-tu pas un de ses disciples, toi aussi ? » Il répondit : « Non, je n’en suis pas ! »
Un des serviteurs du grand prêtre, parent de celui à qui Pierre avait coupé l’oreille, insista : « Est-ce que je ne t’ai pas vu moi-même dans le jardin avec lui ? »
Encore une fois, Pierre nia. À l’instant le coq chanta.

Alors on emmène Jésus de chez Caïphe au palais du gouverneur. C’était le matin. Les Juifs n’entrèrent pas eux-mêmes dans le palais, car ils voulaient éviter une souillure qui les aurait empêchés de manger l’agneau pascal.
Pilate vint au dehors pour leur parler : « Quelle accusation portez-vous contre cet homme ? »
Ils lui répondirent :« S’il ne s’agissait pas d’un malfaiteur, nous ne te l’aurions pas livré. »
Pilate leur dit : « Reprenez-le, et vous le jugerez vous-mêmes suivant votre loi. »
Les Juifs lui dirent : « Nous n’avons pas le droit de mettre quelqu’un à mort. »
Ainsi s’accomplissait la parole que Jésus avait dite pour signifier de quel genre de mort il allait mourir.
Alors Pilate rentra dans son palais, appela Jésus et lui dit : « Es-tu le roi des Juifs ? »
Jésus lui demanda : « Dis-tu cela de toi-même, ou bien parce que d’autres te l’ont dit ?
Pilate répondit : « Est-ce que je suis Juif, moi ? Ta nation et les chefs des prêtres t’ont livré à moi : qu’as-tu donc fait ? »
Jésus déclara : « Ma royauté ne vient pas de ce monde ; si ma royauté venait de ce monde, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. Non, ma royauté ne vient pas d’ici. »
Pilate lui dit : « Alors, tu es roi ? »
Jésus répondit : « C’est toi qui dis que je suis roi. Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix. »
Pilate lui dit : « Qu’est-ce que la vérité ? »
Après cela, il sortit de nouveau pour aller vers les Juifs, et il leur dit : « Moi, je ne trouve en lui aucun motif de condamnation. Mais c’est la coutume chez vous que je relâche quelqu’un pour la Pâque : voulez-vous que je vous relâche le roi des Juifs ? »
Mais ils se mirent à crier : « Pas lui ! Barabbas ! » (Ce Barabbas était un bandit.)

Alors Pilate ordonna d’emmener Jésus pour le flageller.
Les soldats tressèrent une couronne avec des épines, et la lui mirent sur la tête ; puis ils le revêtirent d’un manteau de pourpre.
Ils s’avançaient vers lui et ils disaient : « Honneur à toi, roi des Juifs ! » Et ils le giflaient.

Pilate sortit de nouveau pour dire aux Juifs : « Voyez, je vous l’amène dehors pour que vous sachiez que je ne trouve en lui aucun motif de condamnation. »
Alors Jésus sortit, portant la couronne d’épines et le manteau de pourpre. Et Pilate leur dit : « Voici l’homme. »
Quand ils le virent, les chefs des prêtres et les gardes se mirent à crier : « Crucifie-le ! Crucifie-le ! »
Pilate leur dit : « Reprenez-le, et crucifiez-le vous-mêmes ; moi, je ne trouve en lui aucun motif de condamnation. »
Les Juifs lui répondirent : « Nous avons une Loi, et suivant la Loi il doit mourir, parce qu’il s’est prétendu Fils de Dieu. »
Quand Pilate entendit ces paroles, il redoubla de crainte.
Il rentra dans son palais, et dit à Jésus : « D’où es-tu ? » Jésus ne lui fit aucune réponse.
Pilate lui dit alors : « Tu refuses de me parler, à moi ? Ne sais-tu pas que j’ai le pouvoir de te relâcher, et le pouvoir de te crucifier ? »
Jésus répondit : « Tu n’aurais aucun pouvoir sur moi si tu ne l’avais reçu d’en haut ; ainsi, celui qui m’a livré à toi est chargé d’un péché plus grave. »
Dès lors, Pilate cherchait à le relâcher ; mais les Juifs se mirent à crier : « Si tu le relâches, tu n’es pas ami de l’empereur. Quiconque se fait roi s’oppose à l’empereur. »
En entendant ces paroles, Pilate amena Jésus au-dehors ; il le fit asseoir sur une estrade à l’endroit qu’on appelle le Dallage (en hébreu : Gabbatha).
C’était un vendredi, la veille de la Pâque, vers midi. Pilate dit aux Juifs : « Voici votre roi. »
Alors ils crièrent : « À mort ! À mort ! Crucifie-le ! »
Pilate leur dit : « Vais-je crucifier votre roi ? »
Les chefs des prêtres répondirent : « Nous n’avons pas d’autre roi que l’empereur. »
Alors, il leur livra Jésus pour qu’il soit crucifié, et ils se saisirent de lui.

Jésus, portant lui-même sa croix, sortit en direction du lieu dit : Le Crâne, ou Calvaire, en hébreu : Golgotha.
Là, ils le crucifièrent, et avec lui deux autres, un de chaque côté, et Jésus au milieu.
Pilate avait rédigé un écriteau qu’il fit placer sur la croix, avec cette inscription : « Jésus le Nazaréen, roi des Juifs. »
Comme on avait crucifié Jésus dans un endroit proche de la ville, beaucoup de Juifs lurent cet écriteau, qui était libellé en hébreu, en latin et en grec.
Alors les prêtres des Juifs dirent à Pilate : « Il ne fallait pas écrire : ‘Roi des Juifs’ ; il fallait écrire : ‘Cet homme a dit : Je suis le roi des Juifs’. »
Pilate répondit : « Ce que j’ai écrit, je l’ai écrit. »
Quand les soldats eurent crucifié Jésus, ils prirent ses habits ; ils en firent quatre parts, une pour chacun. Restait la tunique ; c’était une tunique sans couture, tissée tout d’une pièce de haut en bas.
Alors ils se dirent entre eux : « Ne la déchirons pas, tirons au sort celui qui l’aura. »
Ainsi s’accomplissait la parole de l’Écriture : Ils se sont partagé mes habits ; ils ont tiré au sort mon vêtement. C’est bien ce que firent les soldats.

Or, près de la croix de Jésus se tenait sa mère, avec la s?ur de sa mère, Marie femme de Cléophas, et Marie Madeleine.
Jésus, voyant sa mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : « Femme, voici ton fils. »
Puis il dit au disciple : « Voici ta mère. » Et à partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui.
Après cela, sachant que désormais toutes choses étaient accomplies, et pour que l’Écriture s’accomplisse jusqu’au bout, Jésus dit : « J’ai soif. »
Il y avait là un récipient plein d’une boisson vinaigrée. On fixa donc une éponge remplie de ce vinaigre à une branche d’hysope, et on l’approcha de sa bouche.
Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit : « Tout est accompli. » Puis, inclinant la tête, il remit l’esprit.

Comme c’était le vendredi, il ne fallait pas laisser des corps en croix durant le sabbat (d’autant plus que ce sabbat était le grand jour de la Pâque). Aussi les Juifs demandèrent à Pilate qu’on enlève les corps après leur avoir brisé les jambes.
Des soldats allèrent donc briser les jambes du premier, puis du deuxième des condamnés que l’on avait crucifiés avec Jésus.
Quand ils arrivèrent à celui-ci, voyant qu’il était déjà mort, ils ne lui brisèrent pas les jambes, mais un des soldats avec sa lance lui perça le côté ; et aussitôt, il en sortit du sang et de l’eau.
Celui qui a vu rend témoignage, afin que vous croyiez vous aussi. (Son témoignage est véridique et le Seigneur sait qu’il dit vrai.)
Tout cela est arrivé afin que cette parole de l’Écriture s’accomplisse : Aucun de ses os ne sera brisé.
Et un autre passage dit encore : Ils lèveront les yeux vers celui qu’ils ont transpercé.

Après cela, Joseph d’Arimathie, qui était disciple de Jésus, mais en secret par peur des Juifs, demanda à Pilate de pouvoir enlever le corps de Jésus. Et Pilate le permit. Joseph vint donc enlever le corps de Jésus.
Nicodème (celui qui la première fois était venu trouver Jésus pendant la nuit) vint lui aussi ; il apportait un mélange de myrrhe et d’aloès pesant environ cent livres.
Ils prirent le corps de Jésus, et ils l’enveloppèrent d’un linceul, en employant les aromates selon la manière juive d’ensevelir les morts.
Près du lieu où Jésus avait été crucifié, il y avait un jardin, et dans ce jardin, un tombeau neuf dans lequel on n’avait encore mis personne.
Comme le sabbat des Juifs allait commencer, et que ce tombeau était proche, c’est là qu’ils déposèrent Jésus.
Patrick Braud

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20 octobre 2012

Donner sens à la souffrance

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Donner sens à la souffrance

Homélie du 29° dimanche ordinaire / Année B
21/10/12

« Broyé par la souffrance, le Serviteur a plu au Seigneur » (Es 53,10).

Tous ceux qui ont été à un moment donné de leur histoire « broyés par la souffrance » se demanderont comment on peut plaire au Seigneur lorsqu’on est défiguré par la souffrance ! Que ce soit la douleur physique qui tord le corps au plus intime, la souffrance morale de la solitude, de la séparation, ou la déchirure intérieure devant un échec absolu, qui pourrait faire l’éloge de ces moments affreux ?

Le jansénisme du XVI° siècle, le dolorisme du XX° ont bien essayé, mais heureusement nous ne pouvons plus les suivre aujourd’hui.

Prétendre que la souffrance rapproche de Dieu nous révolte ; à juste titre, car le Serviteur en personne  (le servant leader) qu’est Jésus nous révèle justement une autre voie. « En toutes choses, il a connu l’épreuve comme nous, et il n’a pas péché » (He 4,14-16). Ce n’est donc pas l’épreuve qui a de la valeur, mais le fait de ne pas pécher dans l’épreuve.

 

Que serait « pécher dans l’épreuve » ?

Ce n’est pas le combat pour échapper à la souffrance, car le Christ l’a mené, pour soulager celle de ses contemporains (malades, possédés, exclus).

Ce n’est pas le débat intérieur où le doute se mêle à la foi, car le Christ a connu ce débat à Gethsémani (« que cette coupe s’éloigne de moi »).

Ce n’est pas non plus la révolte et l’indignation, du moment qu’elle ne rompt pas le dialogue avec Dieu, car le Christ lui-même a crié sur la croix (« mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »).

Pécher dans l’épreuve serait plutôt se laisser vaincre par elle, c’est-à-dire nous détourner de notre vocation la plus profonde.

L’évangile de ce dimanche nous dit que la vocation du Christ est d’être le Serviteur par excellence (Mc 10,35-45), et lui-même veut nous donner d’avoir part à son service. « Celui qui veut devenir grand sera votre serviteur ». La souffrance gagne sur nous lorsqu’elle nous fait croire que nous ne pouvons plus être serviteurs, que nous serions devenus inutiles. « Je ne sers plus à rien » est l’une des plaintes qui traduisent le désespoir des malades.

« La société n’a pas besoin de moi » est l’amer constat des chômeurs ou des exclus. « Plus personne n’attend rien de moi » est le sentiment d’abandon qui engendre tant de solitude chez les personnes âgées.

Ne plus servir à rien est profondément déshumanisant.

Bien sûr, « ceux que l’on regarde comme chefs des nations païennes commandent en maîtres ; les grands leur font sentir leur pouvoir ». Mais ils ignorent qu’au plus profond d’eux-mêmes existe la soif de servir, plus réelle que les envies de domination qui les tiennent en esclavage.

Si « le Fils de l’homme est venu pour servir et non pour être servi », c’est donc qu’il en est de même pour chacun de nous, créé à son image. Comme l’écrivait si bien le poète hindou Rabrindranath Tagore : « Je dormais et je rêvais que la vie n’était que joie. Je m’éveillais et je vis que la vie n’est que service. Je servis et je compris que le service est joie ».

Or l’épreuve – quelle qu’elle soit – cherche à nous détourner de notre vocation au service. Elle veut nous réduire à n’être plus qu’un ayant-droit : aide médicale, aide sociale, aide compassionnelle… C’est bien ce qu’on commence à reprocher sans oser le dire à des êtres handicapés par exemple : ils n’auraient pas dû naître car ils ne pourront apparemment pas être utiles à la société ; au contraire, ils sont une charge inutile, un fardeau insupportable. Bientôt on le dira aux personnes âgées… C’est du moins ce qu’on voudrait nous faire croire. Car quiconque a eu dans sa famille des enfants handicapés sait quelle saveur d’humanité, quelle lumière nouvelle ils apportent à tous ceux qui les approchent, rien que par leur présence. Cela ne supprime en rien la douleur ou le poids énorme que cet handicap fait peser sur les parents, sur les frères et soeurs. Mais reconnaître aux personnes handicapées la capacité d’être eux aussi des serviteurs transforme ceux qui sont à leur contact.

Un chef d’entreprise – une PME – confiait récemment avoir embauché une personne en fauteuil roulant, pour satisfaire au quota légal de 6% de travailleurs handicapés, afin d’éviter de payer l’amende légale… Quelques mois après, il racontait comment l’accueil de ce salarié pas comme les autres avait transformé l’ambiance au travail dans les équipes. Les collègues devenaient plus attentifs, plus humains, et se mettaient à parler eux-mêmes de leur faiblesse. Bref, il se disait finalement qu’il avait fait une bonne affaire ! En fait, il avait juste rendu à cette personne handicapée son rôle social, dû à chacun : pouvoir être utile à d’autres, apporter sa compétence, son intelligence, et son handicap comme autant de manières d’être au service des autres.

La Bonne Nouvelle est alors d’annoncer à ceux qui sont dans l’épreuve qu’ils peuvent donner un sens à ce qui leur arrive (même s’il faut du temps pour y arriver). La vraie charité n’est pas d’abord de les plaindre, de les aider, mais de leur proposer de devenir utiles autrement, serviteurs à leur manière. On se souvient que lorsqu’un SDF avait demandé de l’aide à l’Abbé Pierre (après une tentative de suicide) au moment où il créait les compagnons d’Emmaüs, l’abbé ne lui avait rien donné mais lui avait dit : « viens me donner un coup de main, on a besoin de toi ».

Les témoignages sont légion de ceux qui, broyés par la souffrance, ont réussi à la traverser en en faisant une source de services des autres.

C’est Martin Gray perdant sa femme et ses enfants dans un incendie et témoignant de son amour de la vie, « au nom de tous les miens ».

C’est tant de parents frappés par le malheur innocent d’un enfant : accident, suicide, drogue, maladie. Au lieu de se laisser anéantir, ils ont réagi en fondant une association pour accompagner et soutenir ceux qui sont confrontés à une épreuve semblable.

C’est le secret des premiers martyrs chrétiens tout au long des trois premiers siècles : ne pas laisser gagner la fureur meurtrière de la foule des jeux du cirque, mais pardonner à ses bourreaux, aimer ses ennemis qui vous traitent moins dignement que leurs bêtes. Les martyrs serviront la société romaine et l’aideront à abandonner son goût pour le meurtre. Etc.

Quand l’épreuve arrive, elle coupe le souffle, elle tétanise, elle fait frôler la mort. Le Christ, en nous associant à son baptême et à sa coupe, nous donne de tenir bon dans l’épreuve, sans nous laisser vaincre par elle. Lui – le Serviteur - ouvre un horizon à notre souffrance. Nous ne savons pas pourquoi l’épreuve arrive, mais nous pouvons deviner vers quoi elle peut nous conduire, pour quoi (en deux mots) elle nous arrive.

Donner sens à la souffrance dans Communauté spirituelle aab0620ccf0e707047ccec6c108d8885

Donner sens à la souffrance permet de ne plus se lamenter en regardant toujours en arrière, pour trouver des coupables ou pour accuser Dieu (qui n’y est pour rien le pauvre !).

Donner sens à la souffrance nous tourne vers demain : que puis-je faire de ce qui en ce moment broie ma vie ?

Le Christ sur la croix lui a donné le sens de l’abandon filial et de l’amour des ennemis. Il a ainsi été le Serviteur, jusqu’au bout. Assimilé à un criminel pour les Romains, à un maudit pour les juifs, il a annoncé à tous les damnés de la terre que leur exclusion n’est pas stérile, qu’ils peuvent faire de leur épreuve un service de toute l’humanité.

Utopique ?

Non : terriblement efficace.

 

À nous d’en témoigner en parole et en actes : la souffrance n’est pas le dernier mot de l’épreuve. Le dernier mot, c’est le service.

Et nul n’est si éprouvé qu’il ne puisse devenir serviteur des autres, pour peu qu’on lui en donne les moyens.

 

 

1ère lecture : « Mon serviteur justifiera les multitudes » (Is 53, 10-11)

Lecture du livre d’Isaïe

Broyé par la souffrance, le Serviteur a plu au Seigneur. Mais, s’il fait de sa vie un sacrifice d’expiation, il verra sa descendance, il prolongera ses jours : par lui s’accomplira la volonté du Seigneur.
À cause de ses souffrances, il verra la lumière, il sera comblé. Parce qu’il a connu la souffrance, le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes, il se chargera de leurs péchés.

 

Psaume : 32, 4-5, 18-19, 20.22

R/ Seigneur, ton amour soit sur nous, comme notre espoir est en toi !

Oui, elle est droite, la parole du Seigneur ;
il est fidèle en tout ce qu’il fait.
Il aime le bon droit et la justice ;
la terre est remplie de son amour.

Dieu veille sur ceux qui le craignent, 
qui mettent leur espoir en son amour,
pour les délivrer de la mort, 
les garder en vie aux jours de famine.

Nous attendons notre vie du Seigneur : 
il est pour nous un appui, un bouclier.
Que ton amour, Seigneur, soit sur nous 
comme notre espoir est en toi !

2ème lecture : Le grand prêtre compatissant (He 4, 14-16)

Lecture de la lettre aux Hébreux

Frères, en Jésus, le Fils de Dieu, nous avons le grand prêtre par excellence, celui qui a pénétré au-delà des cieux ; tenons donc ferme l’affirmation de notre foi.
En effet, le grand prêtre que nous avons n’est pas incapable, lui, de partager nos faiblesses ; en toutes choses, il a connu l’épreuve comme nous, et il n’a pas péché.
Avançons-nous donc avec pleine assurance vers le Dieu tout-puissant qui fait grâce, pour obtenir miséricorde et recevoir, en temps voulu, la grâce de son secours.

Evangile : Le Fils de l’homme est venu pour servir (brève : 42-45) (Mc 10, 35-45)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Le Fils de l’homme est venu pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude. Alléluia. (Mc 10, 45)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Jacques et Jean, les fils de Zébédée, s’approchent de Jésus et lui disent : « Maître, nous voudrions que tu exauces notre demande. »
Il leur dit : « Que voudriez-vous que je fasse pour vous ? »
Ils lui répondirent : « Accorde-nous de siéger, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ta gloire. »
Jésus leur dit : « Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire à la coupe que je vais boire, recevoir le baptême dans lequel je vais être plongé ? »
Ils lui disaient : « Nous le pouvons. » Il répond : « La coupe que je vais boire, vous y boirez ; et le baptême dans lequel je vais être plongé, vous le recevrez. Quant à siéger à ma droite ou à ma gauche, il ne m’appartient pas de l’accorder, il y a ceux pour qui ces places sont préparées. »
Les dix autres avaient entendu, et ils s’indignaient contre Jacques et Jean.
Jésus les appelle et leur dit : « Vous le savez : ceux que l’on regarde comme chefs des nations païennes commandent en maîtres ; les grands leur font sentir leur pouvoir.
Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Celui qui veut devenir grand sera votre serviteur.
Celui qui veut être le premier sera l’esclave de tous : car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude. »

Patrick Braud

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15 septembre 2012

Croire ou agir ? La foi ou les oeuvres ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Croire ou agir ? La foi ou les oeuvres ?

 

Homélie du 24° dimanche ordinaire / année B

16/09/2012

 

La foi où les oeuvres ?

Qu’est-ce qui est le plus important : croire, ou faire des choses bien ?

Sommes-nous sauvés en adhérant au Christ ou en faisant ce qu’il dit ?

Cette dialectique de la foi et des oeuvres est au coeur de la lettre de saint Jacques : « celui qui n’agit pas, sa foi est bel et bien morte, et on peut lui dire : « Tu prétends avoir la foi, moi je la mets en pratique. Montre-moi donc ta foi qui n’agit pas ; moi, c’est par mes actes que je te montrerai ma foi. »

Cette question a provoqué le déchirement de l’Europe au XVI° siècle, car c’est sur ce débat – qui a passionné les foules – que Luther et les réformateurs ont engagé un bras de fer avec Rome.

Leur raisonnement, toujours actuel, est très cohérent. Résumons-le : le salut est gratuit. Nul ne peut prétendre mériter l’amour offert par Dieu en Jésus-Christ. Prétendre que c’est grâce à nos bonnes actions que nous sommes dignes du salut serait contredire la gratuité absolue de l’amour divin.

Le raisonnement des catholiques n’est pas moins cohérent. En suivant saint Jacques, ils insistent sur la nécessaire coopération de l’homme au salut offert : la foi est morte si elle ne produit pas des oeuvres bonnes, et il est donc légitime de chercher à traduire en actes le désir d’être sauvé. Dieu ne veut pas sauver l’homme malgré lui, sans l’associer à cette transformation.

Les oppositions entre catholiques et protestants découlent de cette dispute centrale.

- Si la gratuité est absolue, alors l’homme n’y est pour rien, et ce serait folie que de compter sur ses bonnes oeuvres, sur l’intercession des saints ou sur le ministère des prêtres pour s’assurer du salut.

- Si la liberté de l’homme est réelle, alors il peut collaborer à l’oeuvre de Dieu en lui : Marie en est la preuve en personne, ainsi que la communion des saints les sacrements reçus activement, et les mérites de chacun.

 

On a peine à imaginer aujourd’hui que des familles ont éclaté à cause de ces questions théologiques, que des pays ont expulsé une partie des leurs, que l’Église d’Occident a donné naissance à une multitude de confessions plus ou moins étrangères les unes aux autres, tantôt violemment opposées, tantôt juxtaposées dans l’indifférence mutuelle…

Alors : croire ou agir ? La foi ou les oeuvres ?

L’Europe du Nord a choisi la première réponse. L’Europe du Sud s’est plutôt ralliée à la deuxième. Après des milliers de morts, des exils, des persécutions de chaque camp sur l’autre, on a vaguement trouvé  au XV° siècle un principe pacificateur : cujus regio, ejus religio. Chacun devait adopter la religion de sa région : en Bavière on était catholique, en Saxe protestant. Mais ce n’était qu’un pis-aller.

Il faut saluer l’énorme travail de dialogue et de réconciliation accompli par nos Églises depuis plus d’un siècle. Comme la déchirure était d’abord théologique, il fallait commencer par résoudre le dilemme proprement théologique qui a provoqué ces fractures. Croire ou agir ? La foi ou les oeuvres ? dans Communauté spirituelle doctrine-justifCela a été formellement accompli lors de la publication commune du document sur la justification par la foi 1 en 1999 par les Églises catholique et luthériennes, puis signé également par les Églises méthodistes. C’est finalement la position équilibrée de Saint-Jacques qui est la clé de cette réconciliation : oui le salut est gratuit, oui l’homme y est associé et doit collaborer à l’oeuvre de Dieu en lui et autour de lui.

« Nous confessons ensemble que la personne humaine est, pour son salut, entièrement dépendante de la grâce salvatrice de Dieu. »

« Lorsque les catholiques affirment que, lors de la préparation en vue de la justification et de son acceptation, la personne humaine ?coopère? par son approbation à l’agir justifiant de Dieu, ils considèrent une telle approbation personnelle comme étant une action de la grâce et non pas le résultat d’une action dont la personne humaine serait capable. »

La levée des excommunications mutuelles du XVIe siècle qui a eu lieu dans la foulée de la publication de ce document est un événement majeur pour nos sociétés européennes, et pour tous celles vers qui elles ont exporté leurs divisions (Afrique, Amérique latine notamment).

Croire ou agir ? La foi où les oeuvres ?

Que retenir de ce long conflit à notre échelle individuelle ?

Pouvons-nous par exemple réfléchir à l’interaction entre la foi et les oeuvres dans notre vie ?

Croire et agir font système. Cela a des conséquences pour chacun de nous.

- Croire sans agir pousse à se réfugier dans le culte, la prière « magique », le repli identitaire dans de petits groupes fortement marqués. C’est une tentation proche du traditionalisme.

- Agir sans croire pousse à se perdre dans le militantisme (politique, humanitaire, ecclésial…) sans autre horizon que l’efficacité. C’est une tentation activiste très populaire. La plupart des non-pratiquants s’appuient sur ce genre de raisonnement pour justifier leur absence à l’Église : faire du bien autour de soi vaut mieux que la participation à une assemblée. Position presque trop « catholique » dans la mesure où elle survalorise l’action au détriment de la foi, l’éthique au détriment de la métaphysique.

Or croire et agir font système.

Croire pour agir, agir pour croire…

Même dans la vie professionnelle, on retrouve cette dialectique et les dérives de ceux qui en absolutisent un des termes.

- Certains sont si attachés aux résultats que seule l’action compte ; peu importe la vision de l’homme, et d’ailleurs ils n’ont ni le temps ni l’intérêt pour se poser des questions sur le sens de leur travail.

- D’autres seront à l’inverse d’éternels penseurs, volontiers critiques sur l’action des autres, mais ne descendant jamais dans l’arène.

Mettre en oeuvre des stratégies industrielles ou commerciales demande de rendre compte des finalités poursuivies, des valeurs auxquelles on croit, d’une certaine vision de l’homme qui anime cette action.

Et symétriquement, avoir des convictions et des valeurs oblige à prendre des risques pour les incarner dans des décisions professionnelles.

 

Le vieux débat entre la foi et les oeuvres ne devrait-il pas finalement rester vivant en chacun de nous ? Sans lui donner de solution stable et définitive, le questionnement issu de saint Jacques aurait le mérite : – si nous l’alimentons sans cesse – de nous maintenir dans une dynamique de conversion permanente.

 

Nul n’est si croyant qu’il puisse se passer d’agir.

Nul n’est si efficace qu’il puisse se passer de croire.

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1. La Doctrine de la justification, Déclaration commune de la Fédération luthérienne mondiale et de l’Église catholique romaine, Cerf, Paris, 1999.

1ère lecture : Prophétie du Serviteur souffrant (Is 50, 5-9a)

Lecture du livre d’Isaïe

Parole du Serviteur de Dieu : Le Seigneur Dieu m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé.
J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas protégé mon visage des outrages et des crachats.
Le Seigneur Dieu vient à mon secours ; c’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages, c’est pourquoi j’ai rendu mon visage dur comme pierre : je sais que je ne serai pas confondu.
Il est proche, celui qui me justifie. Quelqu’un veut-il plaider contre moi ? Comparaissons ensemble. Quelqu’un a-t-il une accusation à porter contre moi ? Qu’il s’avance !
Voici le Seigneur Dieu qui vient prendre ma défense : qui donc me condamnera ?

Psaume : 114, 1-2, 3ac-4, 5-6, 8ac-9

R/ Je marcherai en présence du Seigneur sur la terre des vivants.

J’aime le Seigneur :
il entend le cri de ma prière ;
il incline vers moi son oreille :
toute ma vie, je l’invoquerai.

J’étais pris dans les filets de la mort,
j’éprouvais la tristesse et l’angoisse ;
j’ai invoqué le nom du Seigneur : 
« Seigneur, je t’en prie, délivre-moi ! »

Le Seigneur est justice et pitié, 
notre Dieu est tendresse.
Le Seigneur défend les petits : 
j’étais faible, il m’a sauvé.

Il a sauvé mon âme de la mort,
gardé mes pieds du faux pas.
Je marcherai en présence du Seigneur 
sur la terre des vivants.

2ème lecture : Pas de vraie foi sans les actes (Jc 2, 14-18)

Lecture de la lettre de saint Jacques

Mes frères, si quelqu’un prétend avoir la foi, alors qu’il n’agit pas, à quoi cela sert-il ? Cet homme-là peut-il être sauvé par sa foi ?
Supposons que l’un de nos frères ou l’une de nos s?urs n’aient pas de quoi s’habiller, ni de quoi manger tous les jours ; si l’un de vous leur dit : « Rentrez tranquillement chez vous ! Mettez-vous au chaud, et mangez à votre faim ! » et si vous ne leur donnez pas ce que réclame leur corps, à quoi cela sert-il ?
Ainsi donc, celui qui n’agit pas, sa foi est bel et bien morte, et on peut lui dire : « Tu prétends avoir la foi, moi je la mets en pratique. Montre-moi donc ta foi qui n’agit pas ; moi, c’est par mes actes que je te montrerai ma foi. »

Evangile : Confession de foi de saint Pierre et première annonce de la Passion (Mc 8, 27-35)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Notre seule fierté, c’est la croix du Seigneur ! En lui, le monde est crucifié à nos yeux, et nous, aux yeux du monde. Alléluia. (cf. Ga 6, 14)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Jésus s’en alla avec ses disciples vers les villages situés dans la région de Césarée-de-Philippe. Chemin faisant, il les interrogeait : « Pour les gens, qui suis-je ? »
Ils répondirent : « Jean Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres, un des prophètes. »
Il les interrogeait de nouveau : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Pierre prend la parole et répond : « Tu es le Messie. »
Il leur défendit alors vivement de parler de lui à personne.
Et, pour la première fois, il leur enseigna qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les chefs des prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, trois jours après, il ressuscite.
Jésus disait cela ouvertement. Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches.
Mais Jésus se retourna et, voyant ses disciples, il interpella vivement Pierre : « Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »
Appelant la foule avec ses disciples, il leur dit : « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix, et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie pour moi et pour l’Évangile la sauvera. »
Patrick Braud

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31 mars 2012

Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?

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Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?

Homélie du Dimanche des Rameaux  01/04/2012

Comme souvent, c’est le psaume qui contient la clé d’interprétation des trois autres lectures. Le psaume 21(22) de notre liturgie des rameaux commence par cet immense cri :
 « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ».

Ce cri de déréliction, Jésus l’a appris enfant pendant ses années tranquilles à Nazareth, sans en deviner toute la portée pour lui-même. Il l’a appris par coeur, par le coeur, en sachant bien qu’un jour cela servirait, Dieu seul sait comment et quand. Et ce cri est trop immense pour ne pas l’avoir impressionné. Aussi, quand il termine lamentablement pendu sur le bois de la croix, les mots appris enfant sous le toit de la synagogue de Nazareth reviennent sur ses lèvres d’adulte : « mon Dieu mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »

Marc et Matthieu, absents de la scène, l’auront ensuite recueilli – non sans effroi – de la bouche de Marie ou de Jean, qui – lui – en a été tellement effrayé qu’il n’ose pas le citer dans son récit de la Passion.

Il faut laisser à ce cri son immensité de solitude, de désespoir, d’abandon. Lui, le fils à nul autre pareil, fait  l’expérience de la séparation d’avec son Père avec qui pourtant il ne fait qu’un.

Les commentateurs essaient d’adoucir ce cri et de le rendre plus léger en rappelant que le psaume 21 se termine par une hymne de victoire et de confiance en Dieu. Nul doute que Jésus connaissait bien la fin du psaume. Mais au moment où il crie son abandon, il ne triche pas. Il n’en est pas déjà à la fin. Il sait que cet horizon existe, et il y puise peut-être la force de crier. Sa détresse n’en est pas moins plus grande que la plus grande de nos détresses. Sur la croix, il est identifié aux derniers des derniers. Il subit le supplice des humiliores, des esclaves, qu’on méprise trop pour leur accorder la décapitation (comme pour Paul par exemple) ou la lapidation (comme pour Étienne).

« Maudit soit qui pend au gibet de la croix » ( Dt 21,23 ; Ga 3,13) : à cause de cette malédiction rituelle du Deutéronome qui s’attache à ce supplice, Jésus élevé de terre est rabaissé en dessous de toute dignité, il est jeté hors de sa condition juive. Là, il fait l’expérience la plus déchirante qui soit : devenir un sans-Dieu, lui qui en est l’intime ; devenir un maudit de Dieu, lui qui en est la sainteté même ; être tourné en dérision par l’occupant, insulté par les autres criminels, être tenté par ses frères de sang d’abandonner son Père (« sauve-toi toi-même », c’est-à-dire ne soit plus le fils, sois à toi-même ta propre source).

Cette expérience d’abandon, de déréliction ultime, est inimaginable pour nous, même à travers nos pires cauchemars.

Chacun des mots du psaume 21 parle de cet abandon extrême : « je suis un ver non pas un homme », « raillé, méprisé, on se détourne de moi »… « Mon coeur se liquéfie comme la cire »

Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? dans Communauté spirituelle ResurrectionIcon3Pourquoi Jésus est-il conduit à cet abandon extrême ? Pourquoi son Père l’a-t-il laissé être séparé de lui à ce point ?

Il faut revenir au but essentiel de la mission du Christ : « chercher et sauver ceux qui étaient perdus » (Lc 19,10). Le but commun du Père et du Fils est allé « repêcher » ceux qui s’éloignaient, et même d’aller donner vie à ceux qui gisaient dans l’ombre de la mort. Pour cela, pas d’autre chemin que d’aller les rejoindre physiquement, humainement, spirituellement. Faire corps avec eux pour ensuite pouvoir les faire remonter à la surface, agrippés au Christ, lui élevé par son Père à sa droite, au plus haut.

Mais faire corps avec les damnés de la terre pour les relever implique de devenir soi-même l’un des leurs.

Pour que plus jamais un être humain ne se croit maudit à jamais, Jésus a été traité ainsi.

Pour que plus jamais les humiliés et méprisés ne soient rayés de la carte, Jésus a été insulté, moqué, on lui a craché dessus et on l’a traité comme un sous-homme.

Pour que plus jamais la solitude n’ait le dernier mot, Jésus a été affreusement seul.

Sur la croix, Dieu est loin de Dieu, cette déchirure le disloque jusqu’au plus intime de son être. S’il fait l’expérience de l’abandon extrême, c’est pour aller jusqu’au bout de sa volonté commune avec son Père : aller chercher et sauver ceux qui étaient perdus.

Il ne fait donc pas semblant lorsqu’il crie son angoisse et son incompréhension.

Les psaumes lui fournissent ces mots qu’on ne trouve plus lorsqu’on souffre trop.

La Passion du Christ devient ainsi l’antidote le plus violent contre les abandons qui nous désunissent.

Puisqu’il a connu la déréliction à nulle autre pareille, puisqu’il a été réellement abandonné de Dieu, tous ceux qui sont exclus par les hommes où se croient rejetés par Dieu peuvent se tourner vers Jésus comme l’un des leurs. Il a été broyé comme eux, et par là même il a vaincu cette malédiction pour eux.

 

Qui sont ces abandonnés pour lesquels Jésus a été humilié ?

Il suffit hélas d’ouvrir les yeux sur ceux que l’on ne voit plus ; ou sur nos propres abandons que nous voulons plus regarder en face. Les formes allongées sur nos trottoirs, les conjoints que l’on quitte, les enfants que personne ne déclare, les gens dont la vie bascule sur un licenciement, une maladie, une catastrophe : impossible de faire une liste exhaustive, car c’est d’abord pour chacun de nous que le Christ est mort, chacun de nous connaissant d’une manière ou d’une autre, tôt ou tard, plus ou moins intensément, ces abandons qui ont fait crier de douleur le crucifié.

Ne souhaitons à personne de faire l’expérience de cette déréliction.

Mais si elle arrive, tournons-nous vers celui qui s’y est exposé, jusqu’à l’extrême, pour qu’elle n’ait plus sur nous aucune victoire.

Entrée messianique du Seigneur à Jérusalem : (Mc 11, 1-10)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Quelques jours avant la fête de la Pâque, Jésus et ses disciples approchent de Jérusalem, de Bethphagé et de Béthanie, près du mont des Oliviers. Jésus envoie deux de ses disciples :
« Allez au village qui est en face de vous. Dès l’entrée, vous y trouverez un petit âne attaché, que personne n’a encore monté. Détachez-le et amenez-le. Si l’on vous demande : ‘Que faites-vous là ?’ répondez : ‘Le Seigneur en a besoin : il vous le renverra aussitôt.’ »
Ils partent, trouvent un petit âne attaché près d’une porte, dehors, dans la rue, et ils le détachent. Des gens qui se trouvaient là leur demandaient : « Qu’avez-vous à détacher cet ânon ? » Ils répondirent ce que Jésus leur avait dit, et on les laissa faire.
Ils amènent le petit âne à Jésus, le couvrent de leurs manteaux, et Jésus s’assoit dessus.
Alors, beaucoup de gens étendirent sur le chemin leurs manteaux, d’autres, des feuillages coupés dans la campagne.
Ceux qui marchaient devant et ceux qui suivaient criaient : « Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Béni le Règne qui vient, celui de notre père David. Hosanna au plus haut des cieux ! »

1ère lecture : Le Serviteur de Dieu accepte ses souffrances (Is 50, 4-7)
Lecture du livre d’Isaïe

Dieu mon Seigneur m’a donné le langage d’un homme qui se laisse instruire, pour que je sache à mon tour réconforter celui qui n’en peut plus. La Parole me réveille chaque matin, chaque matin elle me réveille pour que j’écoute comme celui qui se laisse instruire. Le Seigneur Dieu m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas protégé mon visage des outrages et des crachats. Le Seigneur Dieu vient à mon secours ; c’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages, c’est pourquoi j’ai rendu mon visage dur comme pierre : je sais que je ne serai pas confondu.

Psaume : 21, 8-9, 17-18a, 19-20, 22c-24a

R/ Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?

Tous ceux qui me voient me bafouent,
ils ricanent et hochent la tête :
« Il comptait sur le Seigneur : qu’il le délivre !
Qu’il le sauve, puisqu’il est son ami ! » 

Oui, des chiens me cernent,
une bande de vauriens m’entoure.
Ils me percent les mains et les pieds ;
je peux compter tous mes os. 

Ils partagent entre eux mes habits
et tirent au sort mon vêtement.
Mais toi, Seigneur, ne sois pas loin :
ô ma force, viens vite à mon aide ! 

Mais tu m’as répondu !
Et je proclame ton nom devant mes frères,
je te loue en pleine assemblée.
Vous qui le craignez, louez le Seigneur.

2ème lecture : Abaissement et glorification de Jésus (Ph 2, 6-11)
Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens

Le Christ Jésus, lui qui était dans la condition de Dieu, n’a pas jugé bon de revendiquer son droit d’être traité à l’égal de Dieu ; mais au contraire, il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur. Devenu semblable aux hommes et reconnu comme un homme à son comportement, il s’est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu’à mourir, et à mourir sur une croix. C’est pourquoi Dieu l’a élevé au-dessus de tout ; il lui a conféré le Nom qui surpasse tous les noms, afin qu’au Nom de Jésus, aux cieux, sur terre et dans l’abîme, tout être vivant tombe à genoux, et que toute langue proclame : « Jésus Christ est le Seigneur », pour la gloire de Dieu le Père.

Evangile : La Passion (brève : 15,1-39) (Mc 14, 1-72; 15, 1-47)

Acclamation : Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus. 

Pour nous, le Christ s’est fait obéissant, jusqu’à la mort, et la mort sur une croix.
Voilà pourquoi Dieu l’a élevé souverainement et lui a donné le Nom qui est dessus de tout nom.
Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus. 
(Ph 2, 8-9)

La Passion de notre Seigneur Jésus Christ selon saint Marc

La fête de la Pâque et des pains sans levain allait avoir lieu dans deux jours. Les chefs des prêtres et les scribes cherchaient le moyen d’arrêter Jésus par ruse, pour le faire mourir. Car ils se disaient : « Pas en pleine fête, pour éviter une émeute dans le peuple. »
Jésus se trouvait à Béthanie, chez Simon le lépreux. Pendant qu’il était à table, une femme entra, avec un flacon d’albâtre contenant un parfum très pur et de grande valeur. Brisant le flacon, elle le lui versa sur la tête. Or, quelques-uns s’indignaient : « À quoi bon gaspiller ce parfum ? On aurait pu le vendre pour plus de trois cents pièces d’argent et en faire don aux pauvres. » Et ils la critiquaient.
Mais Jésus leur dit : « Laissez-la ! Pourquoi la tourmenter ? C’est une action charitable qu’elle a faite envers moi. Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous, et, quand vous voudrez, vous pourrez les secourir ; mais moi, vous ne m’aurez pas toujours. Elle a fait tout ce qu’elle pouvait faire. D’avance elle a parfumé mon corps pour mon ensevelissement. Amen, je vous le dis : Partout où la Bonne Nouvelle sera proclamée dans le monde entier, on racontera, en souvenir d’elle, ce qu’elle vient de faire. » 

Judas Iscariote, l’un des Douze, alla trouver les chefs des prêtres pour leur livrer Jésus. À cette nouvelle, ils se réjouirent et promirent de lui donner de l’argent. Dès lors Judas cherchait une occasion favorable pour le livrer.
Le premier jour de la fête des pains sans levain, où l’on immolait l’agneau pascal, les disciples de Jésus lui disent : « Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour ton repas pascal ? » Il envoie deux disciples : « Allez à la ville ; vous y rencontrerez un homme portant une cruche d’eau. Suivez-le. Et là où il entrera, dites au propriétaire : ‘Le maître te fait dire : Où est la salle où je pourrai manger la Pâque avec mes disciples ?’ Il vous montrera, à l’étage, une grande pièce toute prête pour un repas. Faites-y pour nous les préparatifs. »
Les disciples partirent, allèrent en ville ; tout se passa comme Jésus le leur avait dit ; et ils préparèrent la Pâque. 

Le soir venu, Jésus arrive avec les Douze. Pendant qu’ils étaient à table et mangeaient, Jésus leur déclara : « Amen, je vous le dis : l’un de vous, qui mange avec moi, va me livrer. » Ils devinrent tout tristes, et ils lui demandaient l’un après l’autre : « Serait-ce moi ? » Il leur répondit : « C’est l’un des Douze, qui se sert au même plat que moi. Le Fils de l’homme s’en va, comme il est écrit à son sujet ; mais malheureux celui qui le livre ! Il vaudrait mieux pour lui qu’il ne soit pas né. »
Pendant le repas, Jésus prit du pain, prononça la bénédiction, le rompit, et le leur donna, en disant : « Prenez, ceci est mon corps. »
Puis, prenant une coupe et rendant grâce, il la leur donna, et ils en burent tous. Et il leur dit : « Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, répandu pour la multitude. Amen, je vous le dis : je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu’à ce jour où je boirai un vin nouveau dans le royaume de Dieu. » 

Après avoir chanté les psaumes, ils partirent pour le mont des Oliviers. Jésus leur dit : « Vous allez tous être exposés à tomber, car il est écrit : Je frapperai le berger, et les brebis seront dispersées. Mais, après que je serai ressuscité, je vous précéderai en Galilée. »
Pierre lui dit alors : « Même si tous viennent à tomber, moi, je ne tomberai pas. »
Jésus lui répond : « Amen, je te le dis : toi, aujourd’hui, cette nuit même, avant que le coq chante deux fois, tu m’auras renié trois fois. » Mais lui reprenait de plus belle : « Même si je dois mourir avec toi, je ne te renierai pas. » Et tous disaient de même.

Ils parviennent à un domaine appelé Gethsémani. Jésus dit à ses disciples : « Restez ici ; moi, je vais prier. »
Puis il emmène avec lui Pierre, Jacques et Jean, et commence à ressentir frayeur et angoisse. Il leur dit : « Mon âme est triste à mourir. Demeurez ici et veillez. »
S’écartant un peu, il tombait à terre et priait pour que, s’il était possible, cette heure s’éloigne de lui. Il disait : « Abba… Père, tout est possible pour toi. Éloigne de moi cette coupe. Cependant, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux ! »
Puis il revient et trouve les disciples endormis. Il dit à Pierre : « Simon, tu dors ! Tu n’as pas eu la force de veiller une heure ? Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation : l’esprit est ardent, mais la chair est faible. »
Il retourna prier, en répétant les mêmes paroles. Quand il revint près des disciples, il les trouva endormis, car leurs yeux étaient alourdis. Et ils ne savaient que lui dire.
Une troisième fois, il revient et leur dit : « Désormais vous pouvez dormir et vous reposer. C’est fait ; l’heure est venue : voici que le Fils de l’homme est livré aux mains des pécheurs. Levez-vous ! Allons ! Le voici tout proche, celui qui me livre. » 

Jésus parlait encore quand Judas, l’un des Douze, arriva avec une bande armée d’épées et de bâtons, envoyée par les chefs des prêtres, les scribes et les anciens. Or, le traître leur avait donné un signe convenu : « Celui que j’embrasserai, c’est lui : arrêtez-le, et emmenez-le sous bonne garde. » À peine arrivé, Judas, s’approchant de Jésus, lui dit : « Rabbi ! » Et il l’embrassa. Les autres lui mirent la main dessus et l’arrêtèrent. Un de ceux qui étaient là tira son épée, frappa le serviteur du grand prêtre et lui trancha l’oreille.
Alors Jésus leur déclara : « Suis-je donc un bandit pour que vous soyez venus m’arrêter avec des épées et des bâtons ? Chaque jour, j’étais parmi vous dans le Temple, où j’enseignais ; et vous ne m’avez pas arrêté. Mais il faut que les Écritures s’accomplissent. »
Les disciples l’abandonnèrent et s’enfuirent tous.
Or, un jeune homme suivait Jésus ; il n’avait pour vêtement qu’un drap. On le saisit. Mais lui, lâchant le drap, se sauva tout nu. 

Ils emmenèrent Jésus chez le grand prêtre, et tous les chefs des prêtres, les anciens et les scribes se rassemblent. Pierre avait suivi Jésus de loin, jusqu’à l’intérieur du palais du grand prêtre, et là, assis parmi les gardes, il se chauffait près du feu. Les chefs des prêtres et tout le grand conseil cherchaient un témoignage contre Jésus pour le faire condamner à mort, et ils n’en trouvaient pas.
De fait, plusieurs portaient de faux témoignages contre Jésus, et ces témoignages ne concordaient même pas. Quelques-uns se levaient pour porter contre lui ce faux témoignage : « Nous l’avons entendu dire : ‘Je détruirai ce temple fait de main d’homme, et en trois jours j’en rebâtirai un autre qui ne sera pas fait de main d’homme.’ »
Et même sur ce point, ils n’étaient pas d’accord.
Alors le grand prêtre se leva devant l’assemblée et interrogea Jésus : « Tu ne réponds rien à ce que ces gens déposent contre toi ? » Mais lui gardait le silence, et il ne répondait rien. Le grand prêtre l’interroge de nouveau : « Es-tu le Messie, le Fils du Dieu béni ? »
Jésus lui dit : « Je le suis, et vous verrez le Fils de l’homme siéger à la droite du Tout-Puissant, et venir parmi les nuées du ciel. »
Alors, le grand prêtre déchire ses vêtements et dit : « Pourquoi nous faut-il encore des témoins ? Vous avez entendu le blasphème. Quel est votre avis ? » Tous prononcèrent qu’il méritait la mort. Quelques-uns se mirent à cracher sur lui, couvrirent son visage d’un voile, et le rouèrent de coups, en disant : « Fais le prophète ! » Et les gardes lui donnèrent des gifles. 

Comme Pierre était en bas, dans la cour, arrive une servante du grand prêtre. Elle le voit qui se chauffe, le dévisage et lui dit : « Toi aussi, tu étais avec Jésus de Nazareth ! » Pierre le nia : « Je ne sais pas, je ne comprends pas ce que tu veux dire. » Puis il sortit dans le vestibule. La servante, l’ayant vu, recommença à dire à ceux qui se trouvaient là : « En voilà un qui est des leurs ! » De nouveau, Pierre le niait. Un moment après, ceux qui étaient là lui disaient : « Sûrement tu en es ! D’ailleurs, tu es Galiléen. » Alors il se mit à jurer en appelant sur lui la malédiction : « Je ne connais pas l’homme dont vous parlez. » Et aussitôt, un coq chanta pour la seconde fois.
Alors Pierre se souvint de la parole de Jésus : « Avant que le coq chante deux fois, tu m’auras renié trois fois. » Et il se mit à pleurer. 

Dès le matin, les chefs des prêtres convoquèrent les anciens et les scribes, et tout le grand conseil. Puis ils enchaînèrent Jésus et l’emmenèrent pour le livrer à Pilate.
Celui-ci l’interrogea : « Es-tu le roi des Juifs ? »
Jésus répond : « C’est toi qui le dis. »
Les chefs des prêtres multipliaient contre lui les accusations.Pilate lui demandait à nouveau : « Tu ne réponds rien ? Vois toutes les accusations qu’ils portent contre toi. » Mais Jésus ne répondit plus rien, si bien que Pilate s’en étonnait.
À chaque fête de Pâque, il relâchait un prisonnier, celui que la foule demandait. Or, il y avait en prison un dénommé Barabbas, arrêté avec des émeutiers pour avoir tué un homme lors de l’émeute. La foule monta donc, et se mit à demander à Pilate la grâce qu’il accordait d’habitude. Pilate leur répondit : « Voulez-vous que je vous relâche le roi des Juifs ? »
(Il se rendait bien compte que c’était par jalousie que les chefs des prêtres l’avaient livré.)
Ces derniers excitèrent la foule à demander plutôt la grâce de Barabbas. Et comme Pilate reprenait : « Que ferai-je donc de celui que vous appelez le roi des Juifs ? », ils crièrent de nouveau : « Crucifie-le ! » Pilate leur disait : « Qu’a-t-il donc fait de mal ? » Mais ils crièrent encore plus fort : « Crucifie-le ! » Pilate, voulant contenter la foule, relâcha Barabbas, et après avoir fait flageller Jésus, il le livra pour qu’il soit crucifié.
Les soldats l’emmenèrent à l’intérieur du Prétoire, c’est-à-dire dans le palais du gouverneur. Ils appellent toute la garde, ils lui mettent un manteau rouge, et lui posent sur la tête une couronne d’épines qu’ils ont tressée. Puis ils se mirent à lui faire des révérences : « Salut, roi des Juifs ! »
Ils lui frappaient la tête avec un roseau, crachaient sur lui, et s’agenouillaient pour lui rendre hommage. Quand ils se furent bien moqués de lui, ils lui ôtèrent le manteau rouge, et lui remirent ses vêtements. 

Puis, ils l’emmenèrent pour le crucifier, et ils réquisitionnent, pour porter la croix, un passant, Simon de Cyrène, le père d’Alexandre et de Rufus, qui revenait des champs. Et ils amènent Jésus à l’endroit appelé Golgotha, c’est-à-dire : Lieu-du-Crâne, ou Calvaire. Ils lui offraient du vin aromatisé de myrrhe ; mais il n’en prit pas. Alors ils le crucifient, puis se partagent ses vêtements, en tirant au sort pour savoir la part de chacun.
Il était neuf heures lorsqu’on le crucifia.
L’inscription indiquant le motif de sa condamnation portait ces mots : « Le roi des Juifs ».
Avec lui on crucifie deux bandits, l’un à sa droite, l’autre à sa gauche. Les passants l’injuriaient en hochant la tête : « Hé ! toi qui détruis le Temple et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même, descends de la croix ! »
De même, les chefs des prêtres se moquaient de lui avec les scribes, en disant entre eux : « Il en a sauvé d’autres, et il ne peut pas se sauver lui-même ! Que le Messie, le roi d’Israël, descende maintenant de la croix ; alors nous verrons et nous croirons. »
Même ceux qui étaient crucifiés avec lui l’insultaient. 

Quand arriva l’heure de midi, il y eut des ténèbres sur toute la terre jusque vers trois heures. Et à trois heures, Jésus cria d’une voix forte : « Éloï, Éloï, lama sabactani ? », ce qui veut dire : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »
Quelques-uns de ceux qui étaient là disaient en l’entendant : « Voilà qu’il appelle le prophète Élie ! » L’un d’eux courut tremper une éponge dans une boisson vinaigrée, il la mit au bout d’un roseau, et il lui donnait à boire, en disant : « Attendez ! Nous verrons bien si Élie vient le descendre de là ! » Mais Jésus, poussant un grand cri, expira. 

Le rideau du Temple se déchira en deux, depuis le haut jusqu’en bas. Le centurion qui était là en face de Jésus, voyant comment il avait expiré, s’écria : « Vraiment, cet homme était le Fils de Dieu ! »
Il y avait aussi des femmes, qui regardaient de loin, et parmi elles, Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques le petit et de José, et Salomé, qui suivaient Jésus et le servaient quand il était en Galilée, et encore beaucoup d’autres, qui étaient montées avec lui à Jérusalem.
Déjà le soir était venu ; or, comme c’était la veille du sabbat, le jour où il faut tout préparer, Joseph d’Arimathie intervint. C’était un homme influent, membre du Conseil, et il attendait lui aussi le royaume de Dieu. Il eut le courage d’aller chez Pilate pour demander le corps de Jésus.
Pilate, s’étonnant qu’il soit déjà mort, fit appeler le centurion, pour savoir depuis combien de temps Jésus était mort. Sur le rapport du centurion, il permit à Joseph de prendre le corps.
Joseph acheta donc un linceul, il descendit Jésus de la croix, l’enveloppa dans le linceul et le déposa dans un sépulcre qui était creusé dans le roc. Puis il roula une pierre contre l’entrée du tombeau.
Or, Marie Madeleine et Marie, mère de José, regardaient l’endroit où on l’avait mis.
Patrick BRAUD

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