L'homélie du dimanche (prochain)

31 mars 2024

L’esprit, l’eau et le sang

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

L’esprit, l’eau et le sang

 

Homélie du 2° Dimanche de Pâques / Année B 

Dimanche de la Divine Miséricorde

07/04/24

 

Cf. également :

Croire sans voir : la pédagogie de l’inconditionnel

Quand vaincre c’est croire

Thomas, Didyme, abîme…
Quel sera votre le livre des signes ?
Lier Pâques et paix
Deux utopies communautaires chrétiennes
Le Passe-murailles de Pâques
Le maillon faible
Que serions-nous sans nos blessures ?
Croire sans voir
Au confluent de trois logiques ecclésiales : la communauté, l’assemblée, le service public
Trois raisons de fêter Pâques
Riches en miséricorde ?

La pierre angulaire : bâtir avec les exclus, les rebuts de la société

 

Vite, à la maternité !

Accouchement : les signes annonçant que le travail est proche Tous les jeunes parents ont connu ce moment de stress pour leur premier enfant : la perte des eaux, lorsque soudain la poche intérieure laisse s’écouler ce signe annonciateur d’un accouchement tout proche. Alors, direction la maternité, à toute vitesse ! Et là, le travail d’accouchement fait immanquablement saigner la maman, et plus encore par césarienne. Si bien que parler eau et sang fait remonter à la mémoire l’émotion de ces derniers moments de la grossesse qui sont en même temps les premiers instants d’un bébé nouveau-né…

Jean pensait-il à cet événement au commencement de toute vie humaine lorsqu’il emploie plusieurs fois dans ses écrits l’expression : « l’eau et le sang » ou « le sang et l’eau » ? Ainsi dans notre deuxième lecture : « C’est lui, Jésus Christ, qui est venu par l’eau et par le sang : non pas seulement avec l’eau, mais avec l’eau et avec le sang. Et celui qui rend témoignage, c’est l’Esprit, car l’Esprit est la vérité » (1Jn 5,1–6). Ce qui rappelle les derniers instants de Jésus en croix, où la lance d’un soldat perce son côté pour en faire jaillir « du sang et de l’eau » (Jn 19,34). 

Par la suite, les interprétations du sang et de l’eau se multiplièrent.

 Comme souvent, le texte biblique prend une couleur particulière lorsqu’on l’interprète avec des pistes de lecture différentes. Notre lecture est un filtre polarisant qui sélectionne dans le texte quelques-unes des multiples harmoniques de sens jaillissant du texte, un peu comme un prisme diffracte la lumière blanche en une infinité de couleurs.

Évoquons quelques-unes de ces interprétations traditionnelles du sang et de l’eau, en essayant de discerner en quoi elles nous concernent.

 

1. Lecture réaliste

L’esprit, l’eau et le sang dans Communauté spirituelle lance-croixNous aimons bien en Occident ce premier niveau de lecture, car nous sommes attachés à établir une certaine vérité factuelle. Que s’est-il réellement passé ?

Le coup de lance du soldat est vraisemblable, car c’est un moyen sûr et rapide de vérifier que Jésus est mort en croix (un peu comme un croque-mort !), ou de l’achever sinon. S’il était vivant, il aurait réagi, tressailli. 

Premier problème : la série « Les Experts » (de Miami ou de Manhattan) nous a habitués au constat qu’un cadavre ne saigne pas ! Si le cœur ne bat plus, le sang ne devrait pas jaillir. Certains cardiologues se sont penchés sur la question : il est possible que la flagellation ait provoqué auparavant un hématome interne, une poche d’hémorragie que la lance aurait percée. Surgit alors un deuxième problème : dans ce cas, la lance aurait d’abord dû  traverser la plèvre avant de toucher la poche de sang interne près du cœur. Mais alors ce qui aurait coulé aurait dû être de l’eau et du sang, et non du sang et de l’eau… ! D’ailleurs, le fait que Jean inverse l’ordre dans ses lettres après est troublant : le sang et l’eau, ce n’est pas tout à fait la même chose que l’eau et le sang…
Par contre, Luc mentionne que Jésus a sué « sang et eau » lors de son agonie à Gethsémani, ce qui est sa manière à lui de lier le sang et l’eau à la Passion du Christ : « Entré en agonie, Jésus priait avec plus d’insistance, et sa sueur devint comme des gouttes de sang qui tombaient sur la terre » (Lc 22,44). Ce lien eau-sang l’intéresse donc, comme médecin sans doute qu’il était [1], mais également comme Jean pour manifester le trait d’union entre les deux.

Difficile donc en suivant Jean de savoir exactement ce qui s’est passé. D’autant que ni Marc, ni Mathieu, ni Luc ne mentionnent ce célèbre coup de lance…

 

Ce que nous appelons aujourd’hui vérité historique, objective et factuelle à l’occidentale, nous échappe ici largement. Quoi qu’en disent les partisans du linceul de Turin par exemple, les textes sur la mort de Jésus ne suffisent pas à confirmer la prétendue authenticité de cette soi-disant preuve de la résurrection. Même la mort physique de Jésus est un objet de foi, sans évidence absolue. Un indice : les musulmans n’y croient pas, et prétendent qu’il y a eu substitution, ou que les témoins ont cru voir Jésus crucifié alors qu’il n’en est rien. « Allah dit : nous avons maudits les chrétiens] à cause leur parole : « Nous avons vraiment tué le Christ, Jésus, fils de Marie, le Messager d’Allah« ... Or, ils ne l’ont ni tué ni crucifié ; mais ce n’était qu’un faux semblant ! Et ceux qui ont discuté sur son sujet sont vraiment dans l’incertitude: ils n’en ont aucune connaissance certaine, ils ne font que suivre des conjectures et ils ne l’ont certainement pas tué, mais Allah l’a élevé vers Lui, et Allah est Puissant et Sage » (Sourate 4,157-158).

Et certains textes apocryphes, dont le Coran s’est inspiré, imaginent Jésus endormi dans un sommeil comateux comme en catalepsie, se réveillant ensuite avec l’aide de Nicodème et Joseph d’Arimathie.

 

Ce qui est sûr historiquement, c’est que la mort – réelle ou apparente – de Jésus sur la croix a été une catastrophe pour ses disciples, et un argument contre lui pour ses détracteurs. Ce qui est sûr également, c’est que les premiers chrétiens se sont battus pour affirmer la réalité physique de la mort de Jésus en croix, contre les juifs qui en faisaient un contre-argument (un Messie ne peut être abandonné ainsi par Dieu), contre les hérétiques qui disaient que Jésus avait fait semblant de mourir (les docètes, puis le Coran).

Difficile d’aller plus loin. 

Il faut donc changer de niveau.

 

2. Lecture théologique

CE-182 L'accomplissement des EcrituresLà, l’importance du sang et de l’eau saute aux yeux. Le texte nous donne la clé de voûte de sa construction : « Cela, en effet, arriva pour que s’accomplisse l’Écriture » (Jn 19,36). L’accomplissement des Écritures scande chaque détail du récit : le partage des vêtements, le tirage au sort de la tunique, la soif de Jésus, les soldats ne brisant pas les jambes de Jésus, la lance transperçant le côté etc. « Tout est accompli » : Le leitmotiv de l’auteur est clair : il écrit pour établir que Jésus a voulu « accomplir l’Écriture » jusqu’au bout.

On le comprend. Car vers 90 lorsqu’il rédige, l’auteur du quatrième Évangile est confronté aux réfutations juives expliquant que le Messie biblique ne peut être un condamné à mort maudit par Dieu sur le bois du gibet (Dt 21,23). Il fallait donc montrer que la mort en croix accomplissait les Écritures au plus haut point, de manière paradoxale mais pleine et entière.

 

Accomplir les Écritures de manière paradoxale : n’est-ce pas l’énigme qui nous est soumise lorsque les événements personnelle et les zigzags de l’histoire semblent contredire les promesses de Dieu ?

 

3. Lecture symbolique

 croix dans Communauté spirituelleL’eau et le sang ne sont pas que des réalités physiques. Dans la Bible, l’eau est le symbole de la vie qui jaillit lors de la Genèse. Elle est également symbole de mort au péché lorsque le déluge noie l’humanité perverse. Avoir soif caractérise tout être vivant, et la Bible y voit la trace une soif plus fondamentale, la soif de Dieu. Si bien que Jésus s’est présenté comme la source d’eau vive offerte à chacun pour se désaltérer de la vie divine : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive, celui qui croit en moi ! Comme dit l’Écriture : « de son cœur couleront des fleuves d’eau vive.” » (Jn 7,37–38). Ce texte montre que l’eau coulant du côté transpercé a très vite été perçu comme le fleuve d’eau vive  coulant du Temple de Jérusalem (Ez 47) pour abreuver tout le pays.

 

Le sang dans la Bible est lui aussi symbole de vie : être marqué du sang de l’agneau pascal permet d’échapper à la mort (Ex 12,13). Laisser couler le sang de l’animal égorgé (abattage casher ou halal) manifeste que la vie appartient à Dieu et non à l’homme. L’interdiction de manger le sang (ex : boudin) ou de se taillader les veines relève de ce symbolisme. 

Faire couler le sang revêt encore une autre dimension, sacrificielle : les animaux égorgés au Temple ou ailleurs sont offerts pour les sacrifices rituels afin de d’expier les péchés, pour la rédemption du peuple. Le sang doit couler sur l’autel…

 

Santuario-Ta-Pinu-Gozo-Malta-Misteri-Dolorosi-5-Gesù-è-crocifisso-e-muore-in-croceD-2 eauSaint Augustin superpose à ce premier symbolisme un second : le côté ouvert est pour lui la figure de la naissance de l’Église, Arche de la nouvelle Alliance.

« Un des soldats lui ouvrit (aperuit, traduction de la Vulgate) le côté avec sa lance. L’évangéliste a été attentif au choix du verbe. Il n’a pas dit : il frappa, il blessa le côté ou rien d’analogue ; mais : il ouvrit. Il voulait indiquer qu’à cet endroit, pour ainsi dire, était ouverte la porte de la vie (vitae ostium), par où se sont écoulés les sacrements de l’Église, sans lesquels on ne peut entrer dans la vie, dans la vraie vie : ce sang a été répandu pour la rémission des péchés; cette eau se mélange à la coupe du salut, mais elle est à la fois un breuvage et un bain. Ce mystère était annoncé à l’avance par la porte que Noé reçut l’ordre d’ouvrir dans le flanc de l’arche, afin d’y faire pénétrer les êtres vivants, qui ne devaient pas périr dans le déluge : ils étaient la préfiguration de l’Église » (Commentaire sur l’Évangile de Jean).

Pour Augustin, l’Église est née avec l’eau et le sang jaillissant du crucifié. Comme l’Arche de Noé, elle rassemble en elle l’humanité sauvée de la mort grâce au bois de la croix.

 

Vie et salut, l’eau et le sang évoquent également la naissance, l’accouchement, comme on l’a vu. C’est donc de naissance dont il est question sur la croix : naissance du Christ à la vie nouvelle, notre naissance en Dieu avec lui, naissance de l’Église.

 

Contempler l’eau et le sang jaillissant du côté transpercé du Christ nous renvoie donc à la vie et au salut offerts en Jésus. Regarder vers le transpercé est chemin de rédemption, à l’instar des hébreux regardant le serpent de bronze dressé sur le bois pour guérir de leurs morsures (Jn 3,14 citant Nb 21,4-9).

 

Contempler Jésus en croix n’est pas affaire sentimentale : il s’agit de s’abreuver de l’Esprit filial qui l’animait ; il s’agit de laisser son sacrifice nous libérer de nos péchés, afin de vivre libres en lui.

 

4. Lecture sacramentelle

 EgliseLes premiers chrétiens ont tout de suite vu dans l’eau du côté ouvert l’annonce du baptême en Christ, et dans le sang l’annonce de l’eucharistie, communion à la vie du Christ par le calice. D’ailleurs, certaines icônes de la crucifixion représentent une femme (l’Église) avec un calice recueillant le jet de sang et d’eau, tant ces deux sacrements sont constitutifs de l’Église [2]. C’est du côté d’Adam que Dieu avait tiré Ève (Gn 2,21-22) ; c’est du côté de Jésus nouvel Adam que Dieu tire les sacrements, l’Église nouvelle Ève.

 

Ce lien eau–baptême/sang-eucharistie est peut-être la raison de l’inversion des termes entre l’Évangile et l’épître chez Jean : le réalisme physique serait alors dans l’ordre sang puis eau, la lecture sacramentelle inverserait ensuite l’ordre en 1Jn 5,6–8 : l’eau du baptême puis le sang de l’eucharistie (mais comment expliquer que le sang péricardique ait jaillit avant le liquide pleural ?) 

Le baptême fait donc de nous d’autre christs en Jésus le Vivant, et l’eucharistie nous communique sa vie, la puissance de son amour qui va jusqu’à verser son sang pour l’autre.

 

Contempler Jésus en croix c’est revenir à notre baptême (être configuré au Christ) et à notre pratique eucharistique (recevoir de se donner jusqu’au sang) : où en suis-je de la mise en œuvre de ces deux sacrements dans mes choix et mes passions ?

 

5. Lecture mystique

sacre-coeur-jesus-rayons-fond-couleur-aqua_546897-84 EspritL’Occident a développé dès le Moyen Âge une mystique de la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus, qui voulait se fonder sur le texte de Jean. Ainsi Guillaume de Saint Thierry (XII° siècle) :

« C’est tout entier que je désire voir et toucher, plus encore m’approcher de la sacro-sainte blessure de son côté, de cette porte de l’arche faite au flanc, non pas seulement pour y mettre mon doigt ou ma main, mais pour entrer tout entier jusqu’au Cœur même de Jésus ». Et ailleurs : « Que par la porte ouverte, nous entrions tout entier jusqu’à votre Cœur, Jésus ! ».

Or Jean ne parle pas du cœur, mais du côté (πλευρά, pleura). Et ce n’est pas un cœur ouvert mais un flanc transpercé.

Reste qu’à partir de là (en Occident), on a pensé que la blessure avait été faite à hauteur du cœur. Ce qui est conciliable avec le coup de lance à la droite de Jésus, car la lance traverse le liquide pleural (l’eau) avant de toucher la cavité péricardique (le sang). Demeure le problème de l’ordre de ces deux éléments, qui aurait dû être : l’eau puis le sang.

Marguerite-Marie Alacoque a popularisé au XVII° siècle cette mystique du Sacré-Cœur à Paray-le-Monial. La pensée contre-révolutionnaire catholique l’a même instrumentalisée en construisant la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre en réparation des péchés commis par la Commune de Paris contre l’Église en 1871…

Cette dévotion est devenue un bien commun des catholiques : « La prière de l’Église vénère et honore le Cœur de Jésus, comme elle invoque son très saint Nom. Elle adore le Verbe incarné et son Cœur qui, par amour des hommes, s’est laissé transpercer par nos péchés » (Catéchisme de l’Église Catholiquen° 2669).

 

Le thème mystique du Cœur de Jésus correspondait à l’époque à un besoin de tendresse, de miséricorde dans un catholicisme fait d’obligations et de rigueur. Jean-Paul II a essayé  d’actualiser cette intuition en faisant de notre deuxième dimanche de Pâques le « dimanche de la Divine Miséricorde », justement en lien avec le côté transpercé/cœur ouvert de Jésus.

 

Plutôt qu’une dévotion au Cœur de Jésus (avec tous les risques de déviations psychologiques ou autres), une lecture plus authentiquement mystique prônerait l’union à Jésus crucifié par amour : se laisser transpercer pour répandre la vie et le salut autour de soi…

 

6. Lecture christologique

71dKNWxZaXL._SL1500_ sangL’eau et le sang jaillissant sont le signe que l’Esprit « qui donne la vie (Credo) » est celui du Fils tout autant que celui du Père. L’Esprit Saint est celui qui actualise (dans l’Église de manière privilégiée, mais pas exclusive) la vie du Christ en nous. La foi chrétienne est la participation à ce mystère du Christ, grâce à son Esprit répandu en nos cœurs. 

On ne peut séparer l’Esprit de Jésus, ni Jésus de l’Esprit. La controverse du Filioque (VIII°-XI° siècles) traduira l’importance que l’Occident accorde au lien Christ-Esprit, à égalité du lien Père-Esprit, alors que l’Orient met l’accent sur la prééminence du Père (monarchianisme) sur le Fils. 

 

Au-delà de ces polémiques, l’enjeu est de lier indéfectiblement Jésus à l’Esprit qui l’animait : s’il le répand sur la croix, c’est que toute son existence en découlait, et c’est ainsi que nous pourrons le suivre.

 

7. Lecture anthropologique

L’homme est pleinement révélé à lui-même en Jésus le Christ. Le côté transpercé du condamné nous révèle ce qui nous structure au plus profond de nous-mêmes : nous sommes faits pour nous livrer, en nous exposant ainsi à être blessés par amour, afin de donner la vie (l’eau) et le salut (le sang) du Christ autour de nous. 

La plénitude d’une vie humaine est de se donner – par le Christ, avec le Christ et en Christ – jusqu’à verser notre sang pour l’autre, fut-il notre ennemi.

 

8. Lecture spirituelle

Comme l’écrit Jean, l’eau et le sang convergent vers une seule source : l’Esprit de Dieu. « Les trois ne font qu’un » (1Jn 5,8). Communier au Christ, c’est laisser l’Esprit qui l’animait devenir notre principe de vie, notre souffle intérieur, notre identité la plus intime. Se laisser conduire par l’Esprit du Christ nous fait devenir fils dans le Fils, enfants de Dieu en vérité. 

La vie spirituelle c’est cela : se laisser conduire par l’Esprit du Christ jusqu’à devenir Dieu par lui, avec lui et en lui.…

 

Toutes ces lectures n’épuiseront pas celle que vous pourrez faire aujourd’hui en contemplant l’eau et le sang jaillissant du côté transpercé du crucifié.

À chacun de laisser ce coup de lance ouvrir en lui le chemin vers la source d’amour qui jaillit pour ses proches…

_________________________________________

[1]. Ce phénomène médical existe bel et bien. Il est appelé hématidrose.

[2]. C’est vers 1180-90 que le Graal de Chrétien de Troyes reprendra la tradition orale du Sang Real, le Sang Royal du Christ, recueilli dans la coupe par la Dame Église, déformé phonétiquement en San Greal, d’où Saint Graal.

 

 

 

LECTURES DE LA MESSE

 

PREMIÈRE LECTURE
«Un seul cœur et une seule âme » (Ac 4, 32-35)

 

Lecture du livre des Actes des Apôtres

La multitude de ceux qui étaient devenus croyants avait un seul cœur et une seule âme ; et personne ne disait que ses biens lui appartenaient en propre, mais ils avaient tout en commun. C’est avec une grande puissance que les Apôtres rendaient témoignage de la résurrection du Seigneur Jésus, et une grâce abondante reposait sur eux tous. Aucun d’entre eux n’était dans l’indigence, car tous ceux qui étaient propriétaires de domaines ou de maisons les vendaient, et ils apportaient le montant de la vente pour le déposer aux pieds des Apôtres ; puis on le distribuait en fonction des besoins de chacun.

 

PSAUME
(117 (118), 2-4, 16ab-18, 22-24)
R/ Rendez grâce au Seigneur : Il est bon ! Éternel est son amour ! ou : Alléluia ! (117,1)

 

Oui, que le dise Israël :
Éternel est son amour !
Que le dise la maison d’Aaron :
Éternel est son amour !

 

Qu’ils le disent, ceux qui craignent le Seigneur :
Éternel est son amour !
Le bras du Seigneur se lève,
le bras du Seigneur est fort !

 

Non, je ne mourrai pas, je vivrai
pour annoncer les actions du Seigneur.
Il m’a frappé, le Seigneur, il m’a frappé,
mais sans me livrer à la mort.

 

La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle :
c’est là l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux.
Voici le jour que fit le Seigneur, qu’il soit pour nous jour de fête et de joie !

 

DEUXIÈME LECTURE
« Tout être qui est né de Dieu est vainqueur du monde » (1 Jn 5, 1-6)

 

Lecture de la première lettre de saint Jean

Bien-aimés, celui qui croit que Jésus est le Christ, celui-là est né de Dieu ; celui qui aime le Père qui a engendré aime aussi le Fils qui est né de lui. Voici comment nous reconnaissons que nous aimons les enfants de Dieu : lorsque nous aimons Dieu et que nous accomplissons ses commandements. Car tel est l’amour de Dieu : garder ses commandements ; et ses commandements ne sont pas un fardeau, puisque tout être qui est né de Dieu est vainqueur du monde. Or la victoire remportée sur le monde, c’est notre foi. Qui donc est vainqueur du monde ? N’est-ce pas celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu ?
C’est lui, Jésus Christ, qui est venu par l’eau et par le sang : non pas seulement avec l’eau, mais avec l’eau et avec le sang. Et celui qui rend témoignage, c’est l’Esprit, car l’Esprit est la vérité.

 

ÉVANGILE
« Huit jours plus tard, Jésus vient » (Jn 20, 19-31)
Alléluia. Alléluia. Thomas, parce que tu m’as vu, tu crois, dit le Seigneur. Heureux ceux qui croient sans avoir vu ! Alléluia. (Jn 20, 29)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

C’était après la mort de Jésus. Le soir venu, en ce premier jour de la semaine, alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! » Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur. Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. » Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. »
Or, l’un des Douze, Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), n’était pas avec eux quand Jésus était venu. Les autres disciples lui disaient : « Nous avons vu le Seigneur ! » Mais il leur déclara : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! »
Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vient, alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d’eux. Il dit : « La paix soit avec vous ! » Puis il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant. » Alors Thomas lui dit : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Jésus lui dit : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu ». Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom.
 Patrick Braud

 

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27 août 2023

Que signifie : prendre sa croix ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Que signifie : prendre sa croix ?

Homélie pour le 22° Dimanche du temps ordinaire / Année A
03/09/2023

Cf. également :
Vendredi Saint : La vilaine mort du Christ
Mon âme a soif de toi
Le serpent temporel
L’effet saumon
Le jeu du qui-perd-gagne
N’arrêtez pas vos jérémiades !
La différence entre martyr et kamikaze ou djihadiste
Les trois soifs dont Dieu a soif

Le calvaire n’est pas là où on pense
Le Huitième Jour
Une de mes nièces est handicapée. Autiste, depuis une quarantaine d’années. Quand mon frère et ma belle-sœur l’annonçaient autour d’eux, la plupart de leurs amis réagissaient avec une mine attristée : ‘chacun sa croix !…’ Comme si le handicap avait remplacé la crucifixion aujourd’hui ! Comme si l’éducation d’un enfant autiste était un long chemin de croix épouvantable. L’expression évangélique de ce dimanche (Mt 16,21-27) : « porter sa croix »  est devenue dans le langage courant synonyme de douleur et d’épreuve imposée par la vie, par Dieu. Or ma nièce n’est pas une punition, ni son handicap une sadique épreuve imposée par un Dieu pervers ! L’expression populaire n’a gardé des Évangiles que le côté supplice physique, avec la croyance que tout cela est une épreuve à laquelle il faut bien se résigner.

Or une enfant autiste rit, pleure, embrasse, fait la joie de ses parents. Elle est un chemin d’amour et non de croix, un appel à aimer davantage et non un calvaire absurde. Son autisme ne serait une croix que si elle était rejetée à cause de cela par les autres – ce qui est arrivé bien sûr – ou pire encore si elle se croyait rejetée de Dieu (car sa foi est vive).

Essayons de réfuter cette conception trop païenne de la croix du Christ pour mieux discerner ce que signifie la phrase de Jésus rapporté par Mathieu dans notre Évangile : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive ».

 

La croix dans l’histoire

- Un châtiment ancien, horrifique pour l’exemple
La crucifixion est probablement apparue en Mésopotamie, pratiquée par les Assyriens puis les Babyloniens. Ces grands empires régnaient par la terreur inspirée aux peuples soumis : rien de tel que des exécutions publiques pour maintenir l’ordre… Les Perses adoptèrent cette sinistre coutume judiciaire. Au IV° siècle avant J.-C., Alexandre le Grand a apporté le châtiment aux pays de la Méditerranée orientale. Alexandre et ses troupes ont assiégé la ville de Tyr (dans l’actuel Liban), qui était réputée imprenable. Lorsqu’ils y sont finalement entrés, ils ont crucifié environ 2 000 habitants.

L’historien juif Flavius Josèphe décrit une crucifixion collective vers 88 av. J.-C. en Israël, perpétrée par le roi Alexandre Jannée : « Alors qu’il faisait la fête avec ses concubines dans un endroit bien en vue, il ordonna la crucifixion de quelque 800 Juifs, ainsi que la mise à mort de leurs enfants et de leurs femmes, sous les yeux des malheureux qui vivaient encore »…

Tout naturellement (si l’on peut dire !), les Romains adoptèrent cette torture infamante pour dissuader les ennemis de l’Empire. Car cette exécution capitale était en même temps un spectacle public dégradant, inspirant horreur et répulsion. C’était une combinaison de cruauté absolue et d’évènement populaire pour susciter le plus de terreur possible chez les spectateurs, qui le raconteraient ensuite avec force détails à leurs proches, si bien que la rumeur atroce se répondrait très vite à tous et leur ôteraient toute velléité de révolte.

On le sait : le supplice en lui-même consistait à laisser le condamné s’étouffer sous son propre poids, ne pouvant plus se soulever pour respirer. Finalement, après de longs jours d’agonie à lutter pour le moindre souffle, le crucifié meurt d’asphyxie, le diaphragme écrasé par le poids de son propre corps, que ses muscles tétanisés ne parviennent plus à soulever. Les condamnés restaient là, exposés nus sur le bois à la curiosité malsaine et la raillerie des passants, pendant plusieurs jours. Leur corps subissait un mélange de suffocation, de perte de sang, de déshydratation, souillés par leurs excréments et la défaillance de différents organes… Rien de très noble. Le but du supplice était de déshumaniser au maximum la mort et d’enlever au condamné toute dignité dans sa manière de mourir.
La violence infligée au crucifié était physique certes, mais symbolique bien plus encore, comme en témoigne la conception juive.

- Une malédiction juive
Que signifie : prendre sa croix ? dans Communauté spirituelle Kim_Crucifixion_500
Devant tant d’horreur accumulée, la pensée juive s’est imaginé que Dieu lui-même détournait le regard et se bouchait le nez. De tels réprouvés de la société ne peuvent qu’être réprouvés par Dieu également. Si bien que les rédacteurs de la Loi juive avertissent le peuple pour qu’il évite d’être ainsi déshonoré : « On ne laissera pas le cadavre sur le bois durant la nuit. Tu devras le mettre au tombeau le jour même, car celui qui pend sur le bois est maudit de Dieu. Ainsi tu ne souilleras pas le sol que le Seigneur ton Dieu te donne en héritage » (Dt 21,23).

Voilà d’où vient l’idée d’assimiler la croix à une malédiction, et celui qui la porte à un impur, un intouchable dont il faudrait s’écarter sous peine de souillure. Pour un juif, le crucifié est donc un maudit de Dieu. Impossible que le Messie subisse cette fin ignominieuse !

Pour les juifs, le fait que Jésus ait été crucifié prouve que ce n’est pas le Messie. Pour les musulmans – qui ont la même horreur de la croix que les juifs – le fait que Jésus soit le Messie implique qu’il n’a pas pu être crucifié, selon le Coran : « ils ne l’ont ni tué ni crucifié; mais ce n’était qu’un faux semblant ! Et ceux qui ont discuté sur son sujet sont vraiment dans l’incertitude: ils n’en ont aucune connaissance certaine, ils ne font que suivre des conjectures et ils ne l’ont certainement pas tué mais Allah l’a élevé vers Lui » (Sourate 4,157-158). La croix serait une fin indigne d’un prophète d’Allah, et le Coran fait directement monter Jésus au ciel sans passer par la mort !

Pour les chrétiens, Jésus sur la croix subvertit la conception païenne de la malédiction : c’est en faisant corps avec les damnés de la terre qu’on peut les sauver, et non en les traitant comme des impurs ou des intouchables.
En bon pharisien formé à l’école de Gamaliel, Paul argumente sans cesse dans ses lettres pour accréditer cette subversion de la malédiction opérée en Christ : « Quant à cette malédiction de la Loi, le Christ nous en a rachetés en devenant, pour nous, objet de malédiction, car il est écrit : « Il est maudit, celui qui est pendu au bois du supplice » (Dt 21,23). Tout cela pour que la bénédiction d’Abraham s’étende aux nations païennes dans le Christ Jésus, et que nous recevions, par la foi, l’Esprit qui a été promis » (Ga 3,13-14).
Ainsi celui qui meurt asphyxié est celui qui partage le souffle de l’Esprit, ce que l’anthropologue René Girard traduisait comme une rupture du cercle infernal de la violence mimétique. En s’identifiant aux victimes, Jésus brise la répétition infinie de la violence, abat le mur de haine qui séparait des ennemis.

- Un avertissement romain
Davantage que la décapitation, le bûcher et même la mort infligée par les bêtes voraces dans les arènes, la crucifixion est décrite par les sources romaines comme le « summum supplicium », le « pire des supplices », généralement réservé à des criminels (brigands ou pirates) qui n’étaient pas citoyens romains, ainsi qu’à des esclaves, des prisonniers de guerre ou des condamnés politiques. Les Romains y recouraient sans hésiter, dans des proportions effrayantes. Par exemple, après leur défaite, les gladiateurs et esclaves en révolte menés par Spartacus avaient ainsi été mis en croix, en 71 av. J.-C. On vit alors 6 000 condamnés cruellement exhibés, pour l’exemple, le long de la voie qui reliait Rome à Capoue, un crucifié tous les trente ou quarante mètres. Néron quant à lui fit crucifier plusieurs milliers de chrétiens de tous âges et, histoire d’apporter un peu de distraction, il faisait enduire leurs corps de résine, ce qui lui permettait de s’en servir comme flambeaux la nuit … Au tournant de l’ère chrétienne, on compte des milliers de crucifiés : 2 000 lors de la seule répression de la révolte de Simon, nous dit encore Flavius Josèphe.

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L’avertissement du pouvoir romain était clair : ne faites pas comme les crucifiés, sinon vous finirez comme eux. Suspendre au bois de la croix n’était pas seulement éliminer le séditieux, mais aussi son message, son action sociale ou politique, sa doctrine. Ainsi ceux qui ne voulaient pas que le monde change avec Jésus ont voulu en finir avec lui, et la façon dont ils ont décidé de l’exécuter montre qu’ils voulaient faire comprendre que son message ne devait pas continuer. Avis aux disciples : s’ils s’obstinaient à suivre leur maître, ils seraient balayés comme lui, dans la disgrâce et le déshonneur.

- L’abolition constantinienne
Tout change avec la conversion de l’empereur Constantin au christianisme (vers 310). Il interdit la crucifixion et l’Église sort de la clandestinité illégale. Les évêques réunis en concile à Nicée en 325 osèrent proclamer sans rougir que Jésus a été « crucifié sous Ponce Pilate », ce que nous proclamons avec eux chaque dimanche dans le Credo.

L’horreur des crucifix est cependant si présente que pendant des siècles, Jésus ne fut que rarement représenté sur une croix : c’était trop épouvantable. Un peu comme si on portait maintenant une guillotine avec une chaîne en or autour du cou… Le symbole des chrétiens dans les catacombes était plutôt le poisson (ictus) que la croix.
Il faut attendre le V° siècle pour voir des crucifix, et encore représentent-ils Jésus habillé « posé » sur une croix, serein et victorieux. Le Christ des mosaïques byzantines est le Pantocrator, le Tout-puissant, et les icônes du crucifié le montrent somptueusement vêtu, rayonnant de gloire, apaisé, déjà hors du monde. Ce n’est qu’à partir des innombrables guerres interminables du Moyen-Âge, et plus encore avec la grande peste d’Occident, que sont apparus les crucifix tels que nous les connaissons aujourd’hui. La peste ressuscitait l’antique terreur, et il fallait l’exorciser en montrant que le Christ avait traversé tout cela avant nous, pour nous en délivrer.

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Conclusion
Dans l’univers païen et juif, la croix est une horreur absolue, signe que le condamné est absolument rejeté des hommes et de Dieu. Prendre sa croix n’est pas tant pour Jésus endurer le supplice physique que faire corps avec les exclus de son époque, selon le sens qu’il donne lui-même à sa mission : « je suis venu chercher et sauver ceux qui étaient perdus » (Lc 19,10). Pour lui, cela ne peut se faire de l’extérieur, par compassion, condescendance, aide humanitaire ou sociale. Il veut ne faire qu’un avec eux, jusque dans leur opprobre, jusqu’aux enfers. Il leur apporte le salut de l’intérieur, étant l’un des leurs. Par la croix, il sait ce que c’est d’être méprisé, tourné en dérision, insulté, moqué, considéré comme un moins-que-rien. Prendre sa croix à sa suite n’est donc pas se résigner à je ne sais quelle épreuve imaginaire envoyée par un destin cruel, mais au contraire lutter courageusement aux côtés des rebuts de l’humanité, ou du moins considérés comme tels.

 

Prendre sa croix : les différentes lectures chrétiennes
Au cours des siècles, la spiritualité chrétienne s’est emparée de ce thème à travers plusieurs prismes (et ce n’est pas fini !), déclinant ainsi les multiples harmoniques de cette folie initiale de Jésus. Listons (trop) rapidement quelques-unes de ces interprétations.

- Une lecture messianique
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Devant le scandale que constitue toujours la proclamation d’un Messie crucifié aux premiers  siècles, les chrétiens sont allés chercher dans l’Ancien Testament les passages permettant de comprendre qu’un Juste soit persécuté à tort. Ainsi les jérémiades des prophètes (Jérémie le premier !) se plaignant d’être maltraités à cause de la Parole de Dieu ; ainsi la plainte de Job l’innocent dont la vie s’écroule sans raison ; ainsi les cris des psaumes dont sont truffés les récits évangéliques de la Passion ; ainsi les chapitres d’Isaïe sur le Serviteur souffrant (Is 42,1-9;49,1-7;50,4-11;52,13-53,12), figure emblématique du peuple/prophète/Messie défiguré et rejeté par tous, mais finalement exalté par Dieu.

Cette conception messianique s’oppose en tous points à celle des juifs et des musulmans, on l’a dit. Elle est à l’opposé des rêves de gloire et de domination qui animent les puissants de ce siècle, de Poutine à Elon Musk, des djihadistes aux extrémistes écolos. Les messianismes temporels contemporains ne sont jamais que de mauvaises transpositions sécularisées du messianisme biblique…
Prendre sa croix, c’est choisir de devenir un Messie humble et pacifique, fraternel et serviteur.
On est bien loin de la conception païenne du châtiment ou de l’épreuve imposée par je ne sais qui…

- Une lecture doloriste
Pour être honnête, il y a bien eu des courants discernant dans la croix un appel à souffrir avec le Christ. Ce courant a même eu ses lettres de noblesse (Blaise Pascal, Thérèse d’Avila, Thérèse de Lisieux, Chesterton, Padre Pio, Mel Gibson etc.).

Malheureusement, il y a également une littérature dégoulinant de complaisance et de lâcheté envers la souffrance, jusqu’à en faire un incompréhensible présent de l’amour de Dieu. Cette interprétation frise la perversion : quel Dieu sadique et pervers demanderait à ses créatures d’aimer souffrir pour être sauvées ?
Qu’on puisse faire de sa souffrance – physique, morale spirituelle – une offrande est concevable : si cette souffrance est inévitable, autant en faire quelque chose ! D’ailleurs, ce qu’on offre alors n’est pas la douleur en elle-même mais le désir de continuer à aimer à travers cette douleur. Ce n’est pas pareil.

- Une lecture héroïque
En temps de persécutions – et ce siècle hélas n’y échappe pas - prendre sa croix est très concrètement s’exposer au risque capital en professant ou pratiquant publiquement sa foi au Christ. L’héroïsme des martyrs de sang peut inspirer notre héroïsme ordinaire, celui du témoignage chrétien malgré les insultes, les moqueries, les condamnations des bien-pensants. Suivre le Christ quand on n’est plus qu’une petite minorité à contre-courant des idéologies ambiantes, c’est bien prendre sa croix en France en 2023.

- Une lecture mystique
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Les béguines des pays du Nord de l’Europe (Hildegarde de Bingen, Hadewijch d’Anvers etc.), les mystiques rhénans des XIV-XV° siècles (Eckhart, Tauler, Suso, Angelus Silesius etc.) ont approfondi une autre interprétation : prendre sa croix, c’est vivre le détachement intérieur (Abgelassenheit ou Abgeschiedenheit en allemand) qui permet de renoncer à soi-même pour se laisser conduire par l’Esprit du Christ. La place manque pour développer ici, mais c’est peut-être la piste la plus féconde à revivifier pour notre siècle : ne pas s’attacher à ses œuvres, ‘agir sans agir’, ‘laisser-faire’ l’Esprit, laisser Dieu engendrer Dieu en moi…

Prendre sa croix est ici le consentement actif au travail de détachement intérieur que Dieu produit en soi, jusqu’à être libéré de vouloir être ceci ou cela, ou même simplement être.

- Une lecture anthropologique
« Désire, et ne cède pas sur ton désir » : la célèbre phrase de Lacan improvisant sur celle d’Augustin (« aime et fais ce que tu veux ») nous introduit à une interprétation tout autre. Jésus a découvert en lui le désir constitutif de son être : chercher et sauver ceux qui étaient perdus. Ayant identifié le centre de gravité de son identité personnelle, Jésus mettra tout en œuvre pour aller au bout de son désir, fût-ce au prix de la croix. Rappelons-nous que Jésus au début pensait être lapidé comme les prophètes (Lc 13,34). Puis il  pressent en cours de route que sa fin sera bien plus dégradante encore. Il en sue du sang et de l’eau à Gethsémani. Si les hommes lui imposent d’en passer par là (via des condamnations juives et romaines), alors il accepte. Le but à atteindre est trop clair, trop important à ses yeux pour que la frayeur de la croix l’en détourne. Il n’est ni doloriste ni suicidaire : il accepte la croix qui se profile à l’horizon s’il persiste à vouloir aller au bout de la volonté de son Père.

Chacun de nous peut faire ce parcours, à sa mesure : identifier le moteur le plus vrai de son existence, mobiliser toutes ses énergies pour y être fidèle, quel que soit le prix à payer pour soi-même. Prendre sa croix, c’est alors devenir fidèle à soi-même, aller jusqu’au bout du désir le plus vrai qui me constitue. Cela pourrait paraître contradictoire avec l’injonction du Christ de renoncer à soi-même. Mais celui à qui il me demande de renoncer est le « moi »  fabriqué par la reproduction sociale, nos déterminismes de tous ordres. Une surcouche en quelque sorte, qui nous empêche d’appartenir à Dieu en nous livrant à des désirs désordonnés et superficiels.
Prendre sa croix, c’est consentir à soi, tel que nous sommes appelés à être en Dieu.

- Conclusion
Impossible de développer davantage en quelques lignes ! Les interprétations du ‘prendre sa croix’ sont inépuisables et infinies. Qu’au moins ce rapide survol nous aide en récuser les lectures fatalistes, païennes, résignées, et finalement complices de la violence déferlant sur nos vies.

Car le but est de suivre le Christ, et non de prendre sa croix : il s’agit de trouver notre chemin de vie pour devenir ce que nous sommes, en union avec lui qui a su le faire en se laissant conduire par l’Esprit de son Père.

Bosch Portement de croixTerminons avec ce beau texte de Pierre Chrysologue (IV°-V° siècles), qui renverse la signification de la croix :

« La grandeur de la Passion, dont vous êtes cause, vous couvre peut-être de confusion.
Ne craignez pas !
Cette croix n’est pas mon gibet, mais celui de la mort.
Ces clous ne fixent pas la douleur en moi, mais ils enfoncent plus profondément en moi l’amour que j’ai pour vous.
C’est blessures ne m’arrachent pas des cris, elles vous introduisent davantage au fond de mon cœur.
L’écartèlement de mon corps vous donne une plus large place en mon sein, il n’accroît pas mon supplice.
Je ne perds pas mon sang, je le verse pour payer le vôtre.
Venez donc, revenez, reconnaissez en moi un père que vous voyez rendre le bien pour le mal, l’amour pour l’injustice, une telle tendresse pour de telles blessures ».
(Sermon 108)

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« La parole du Seigneur attire sur moi l’insulte » (Jr 20, 7-9)

Lecture du livre du prophète Jérémie
Seigneur, tu m’as séduit, et j’ai été séduit ; tu m’as saisi, et tu as réussi. À longueur de journée je suis exposé à la raillerie, tout le monde se moque de moi. Chaque fois que j’ai à dire la parole, je dois crier, je dois proclamer : « Violence et dévastation ! » À longueur de journée, la parole du Seigneur attire sur moi l’insulte et la moquerie. Je me disais : « Je ne penserai plus à lui, je ne parlerai plus en son nom. » Mais elle était comme un feu brûlant dans mon cœur, elle était enfermée dans mes os. Je m’épuisais à la maîtriser, sans y réussir.

PSAUME
(Ps 62 (63), 2, 3-4, 5-6, 8-9)
R/ Mon âme a soif de toi, Seigneur, mon Dieu ! (cf. Ps 62, 2b)

Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube :
Mon âme a soif de toi ;
Après toi languit ma chair,
Terre aride, altérée, sans eau.

Je t’ai contemplé au sanctuaire,
j’ai vu ta force et ta gloire.
Ton amour vaut mieux que la vie :
tu seras la louange de mes lèvres !

Toute ma vie je vais te bénir,
lever les mains en invoquant ton nom.
Comme par un festin je serai rassasié ;
la joie sur les lèvres, je dirai ta louange.

Oui, tu es venu à mon secours :
je crie de joie à l’ombre de tes ailes.
Mon âme s’attache à toi,
ta main droite me soutient.

DEUXIÈME LECTURE
« Présentez votre corps en sacrifice vivant » (Rm 12, 1-2)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains
Je vous exhorte, frères, par la tendresse de Dieu, à lui présenter votre corps, votre personne tout entière , en sacrifice vivant, saint, capable de plaire à Dieu : c’est là, pour vous, la juste manière de lui rendre un culte. Ne prenez pas pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait.

ÉVANGILE
« Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même » (Mt 16, 21-27)
Alléluia. Alléluia. Que le Père de notre Seigneur Jésus Christ ouvre à sa lumière les yeux de notre cœur, pour que nous percevions l’espérance que donne son appel. Alléluia. (cf. Ep 1, 17-18)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
En ce temps-là, Jésus commença à montrer à ses disciples qu’il lui fallait partir pour Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des anciens, des grands prêtres et des scribes, être tué, et le troisième jour ressusciter. Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches : « Dieu t’en garde, Seigneur ! cela ne t’arrivera pas. » Mais lui, se retournant, dit à Pierre : « Passe derrière moi, Satan ! Tu es pour moi une occasion de chute : tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »
Alors Jésus dit à ses disciples : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la trouvera. Quel avantage, en effet, un homme aura-t-il à gagner le monde entier, si c’est au prix de sa vie ? Et que pourra-t-il donner en échange de sa vie ? Car le Fils de l’homme va venir avec ses anges dans la gloire de son Père ; alors il rendra à chacun selon sa conduite. »
Patrick BRAUD

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7 avril 2023

Un Vendredi saint avec Paul Claudel

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Un Vendredi saint avec Paul Claudel

Homélie pour le Vendredi Saint / Année A
07/04/2023

Cf. également :

Le Vendredi Saint du Serviteur souffrant
Le grand silence du Samedi Saint
Vendredi saint : les soldats, libres d’obéir
Vendredi Saint : la Passion musicale
Comme un agneau conduit à l’abattoir
Vendredi Saint : paroles de crucifié
Vendredi Saint : La vilaine mort du Christ
Vendredi Saint : les morts oubliés
Vendredi Saint : la déréliction de Marie
Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?
La Passion du Christ selon Mel Gibson

Un Vendredi saint avec Paul Claudel dans Communauté spirituelle il_794xN.4401318137_4hy7Paul Claudel (1868-1955) a longuement médité la Passion du Christ et l’énigme de la souffrance.
Il en est venu à un déplacement de perspective que seul le Vendredi Saint peut opérer : le Christ n’est pas venu expliquer la question de la souffrance, mais l’emplir de sa présence…

« À cette question terrible, la plus ancienne de l’humanité à la quelle Job a donné sa forme quasi officielle et liturgique, Jésus répond.
Le Fils de Dieu n’est pas venu pour détruire la souffrance, mais pour souffrir avec nous.
Il n’est pas venu pour détruire la croix, mais pour s’étendre dessus.
De tous les privilèges spécifiques de l’humanité, c’est celui-là qu’il a choisi pour lui-même, c’est du côté de la mort qu’il nous a appris qu’il était le chemin de la sortie et la possibilité de la transformation. L’interrogatoire était si énorme que le Verbe seul pouvait le remplir en fournissant
non pas une explication, mais une présence, c’est-à-dire remplacer par sa présence le besoin même d’explication ».

Claudel a écrit un long poème sur le Chemin de Croix de ce Vendredi [1]. Il y voit une révélation sur l’homme, « créature si ouverte et si profonde », plus encore que le sépulcre creusé dans le rocher…
En voici la finale, qui peut nous accompagner dans le silence du tombeau, jusqu’à dimanche matin…

Treizième Station
Ici la Passion prend fin et la Compassion continue.
Le Christ n’est plus sur la Croix, il est avec Marie qui l’a reçu.
Comme elle l’accepta, promis, elle le reçoit, consommé.
Le Christ qui a souffert aux yeux de tous de nouveau au sein de sa Mère est caché.
L’Église entre ses bras à jamais prend charge de son bien-aimé.
Ce qui est de Dieu, et ce qui est de la Mère, et ce que l’homme a fait,
Tout cela sous son manteau est avec elle à jamais.
Elle l’a pris, elle voit, elle touche, elle prie, elle pleure, elle admire.
Elle est le suaire et l’onguent, elle est la sépulture et la myrrhe.
Elle est le prêtre et l’autel et le vase et le Cénacle.
Ici finit la Croix et commence le Tabernacle.


 
Quatorzième Station
Le tombeau où le Christ qui est mort ayant souffert est mis,
le trou à la hâte descellé pour qu’il dorme sa nuit,
avant que le transpercé ressuscite et monte au Père,
ce n’est pas seulement ce sépulcre neuf, c’est ma chair,
c’est l’homme, ta créature, qui est plus profond que la terre !
 
Maintenant que son cœur est ouvert et maintenant que ses mains sont percées,
il n’est plus de croix avec nous où son corps ne soit adapté.
Il n’est plus de péché en nous où la plaie ne corresponde.
Viens donc de l’autel où tu es caché, vers nous, Sauveur du monde !
Seigneur, que ta créature est ouverte et qu’elle est profonde !

_______________________________________

[1]. Téléchargeable ici : https://www.rts.ch/espace-2/programmes/emission-speciale/3901702.html/BINARY/Le%20texte%20du%20″Chemin%20de%20croix »%20(pdf)

LECTURES

Première lecture
« C’est à cause de nos fautes qu’il a été broyé » (Is 52, 13 – 53, 12)

Lecture du livre du prophète Isaïe
Mon serviteur réussira, dit le Seigneur ; il montera, il s’élèvera, il sera exalté ! La multitude avait été consternée en le voyant, car il était si défiguré qu’il ne ressemblait plus à un homme ; il n’avait plus l’apparence d’un fils d’homme. Il étonnera de même une multitude de nations ; devant lui les rois resteront bouche bée, car ils verront ce que, jamais, on ne leur avait dit, ils découvriront ce dont ils n’avaient jamais entendu parler.
Qui aurait cru ce que nous avons entendu ? Le bras puissant du Seigneur, à qui s’est-il révélé ? Devant lui, le serviteur a poussé comme une plante chétive, une racine dans une terre aride ; il était sans apparence ni beauté qui attire nos regards, son aspect n’avait rien pour nous plaire. Méprisé, abandonné des hommes, homme de douleurs, familier de la souffrance, il était pareil à celui devant qui on se voile la face ; et nous l’avons méprisé, compté pour rien. En fait, c’étaient nos souffrances qu’il portait, nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous pensions qu’il était frappé, meurtri par Dieu, humilié. Or, c’est à cause de nos révoltes qu’il a été transpercé, à cause de nos fautes qu’il a été broyé. Le châtiment qui nous donne la paix a pesé sur lui : par ses blessures, nous sommes guéris. Nous étions tous errants comme des brebis, chacun suivait son propre chemin. Mais le Seigneur a fait retomber sur lui nos fautes à nous tous.
Maltraité, il s’humilie, il n’ouvre pas la bouche : comme un agneau conduit à l’abattoir, comme une brebis muette devant les tondeurs, il n’ouvre pas la bouche. Arrêté, puis jugé, il a été supprimé. Qui donc s’est inquiété de son sort ? Il a été retranché de la terre des vivants, frappé à mort pour les révoltes de son peuple. On a placé sa tombe avec les méchants, son tombeau avec les riches ; et pourtant il n’avait pas commis de violence, on ne trouvait pas de tromperie dans sa bouche. Broyé par la souffrance, il a plu au Seigneur. S’il remet sa vie en sacrifice de réparation, il verra une descendance, il prolongera ses jours : par lui, ce qui plaît au Seigneur réussira.
Par suite de ses tourments, il verra la lumière, la connaissance le comblera. Le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes, il se chargera de leurs fautes. C’est pourquoi, parmi les grands, je lui donnerai sa part, avec les puissants il partagera le butin, car il s’est dépouillé lui-même jusqu’à la mort, et il a été compté avec les pécheurs, alors qu’il portait le péché des multitudes et qu’il intercédait pour les pécheurs.

Psaume
(30 (31), 2ab.6, 12, 13-14ad, 15-16, 17.25)
R/ Ô Père, en tes mains je remets mon esprit.
 (cf. Lc 23, 46)

En toi, Seigneur, j’ai mon refuge ;
garde-moi d’être humilié pour toujours.
En tes mains je remets mon esprit ;
tu me rachètes, Seigneur, Dieu de vérité.

Je suis la risée de mes adversaires
et même de mes voisins ;
je fais peur à mes amis,
s’ils me voient dans la rue, ils me fuient.

On m’ignore comme un mort oublié,
comme une chose qu’on jette.
J’entends les calomnies de la foule :
ils s’accordent pour m’ôter la vie.

Moi, je suis sûr de toi, Seigneur,
je dis : « Tu es mon Dieu ! »
Mes jours sont dans ta main : délivre-moi
des mains hostiles qui s’acharnent.

Sur ton serviteur, que s’illumine ta face ;
sauve-moi par ton amour.
Soyez forts, prenez courage,
vous tous qui espérez le Seigneur !

Deuxième lecture
Il apprit l’obéissance et il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel (He 4, 14-16 ; 5, 7-9)

Lecture de la lettre aux Hébreux
Frères, en Jésus, le Fils de Dieu, nous avons le grand prêtre par excellence, celui qui a traversé les cieux ; tenons donc ferme l’affirmation de notre foi. En effet, nous n’avons pas un grand prêtre incapable de compatir à nos faiblesses, mais un grand prêtre éprouvé en toutes choses, à notre ressemblance, excepté le péché. Avançons-nous donc avec assurance vers le Trône de la grâce, pour obtenir miséricorde et recevoir, en temps voulu, la grâce de son secours. Le Christ, pendant les jours de sa vie dans la chair, offrit, avec un grand cri et dans les larmes, des prières et des supplications à Dieu qui pouvait le sauver de la mort, et il fut exaucé en raison de son grand respect. Bien qu’il soit le Fils, il apprit par ses souffrances l’obéissance et, conduit à sa perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel.

Évangile
Passion de notre Seigneur Jésus Christ (Jn 18, 1 – 19, 42)
Le Christ s’est anéanti, prenant la condition de serviteur.
 Pour nous, le Christ est devenu obéissant, jusqu’à la mort, et la mort de la croix. C’est pourquoi Dieu l’a exalté : il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom. Le Christ s’est anéanti, prenant la condition de serviteur. (cf. Ph 2, 8-9)

La Passion de notre Seigneur Jésus Christ selon saint Jean
Indications pour la lecture dialoguée : les sigles désignant les divers interlocuteurs sont les suivants :
X = Jésus ; L = Lecteur ; D = Disciples et amis ; F = Foule ; A = Autres personnages.

L. En ce temps-là, après le repas, Jésus sortit avec ses disciples et traversa le torrent du Cédron ; il y avait là un jardin, dans lequel il entra avec ses disciples. Judas, qui le livrait, connaissait l’endroit, lui aussi, car Jésus et ses disciples s’y étaient souvent réunis. Judas, avec un détachement de soldats ainsi que des gardes envoyés par les grands prêtres et les pharisiens, arrive à cet endroit. Ils avaient des lanternes, des torches et des armes. Alors Jésus, sachant tout ce qui allait lui arriver, s’avança et leur dit : X « Qui cherchez-vous? » L. Ils lui répondirent : F. « Jésus le Nazaréen. » L. Il leur dit : X « C’est moi, je le suis. » L. Judas, qui le livrait, se tenait avec eux. Quand Jésus leur répondit : « C’est moi, je le suis », ils reculèrent, et ils tombèrent à terre. Il leur demanda de nouveau : X « Qui cherchez-vous? » L. Ils dirent : F. « Jésus le Nazaréen. » L. Jésus répondit : X « Je vous l’ai dit : c’est moi, je le suis. Si c’est bien moi que vous cherchez, ceux-là, laissez-les partir. » L. Ainsi s’accomplissait la parole qu’il avait dite : « Je n’ai perdu aucun de ceux que tu m’as donnés. » Or Simon-Pierre avait une épée ; il la tira, frappa le serviteur du grand prêtre et lui coupa l’oreille droite. Le nom de ce serviteur était Malcus. Jésus dit à Pierre : X « Remets ton épée au fourreau. La coupe que m’a donnée le Père, vais-je refuser de la boire ? » L. Alors la troupe, le commandant et les gardes juifs se saisirent de Jésus et le ligotèrent. Ils l’emmenèrent d’abord chez Hanne, beau-père de Caïphe, qui était grand prêtre cette année-là. Caïphe était celui qui avait donné aux Juifs ce conseil : « Il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple. » Or Simon-Pierre, ainsi qu’un autre disciple, suivait Jésus. Comme ce disciple était connu du grand prêtre, il entra avec Jésus dans le palais du grand prêtre. Pierre se tenait près de la porte, dehors. Alors l’autre disciple – celui qui était connu du grand prêtre – sortit, dit un mot à la servante qui gardait la porte, et fit entrer Pierre. Cette jeune servante dit alors à Pierre : A. « N’es-tu pas, toi aussi, l’un des disciples de cet homme ? » L. Il répondit : D. « Non, je ne le suis pas ! » L. Les serviteurs et les gardes se tenaient là ; comme il faisait froid, ils avaient fait un feu de braise pour se réchauffer. Pierre était avec eux, en train de se chauffer. Le grand prêtre interrogea Jésus sur ses disciples et sur son enseignement. Jésus lui répondit : X « Moi, j’ai parlé au monde ouvertement. J’ai toujours enseigné à la synagogue et dans le Temple, là où tous les Juifs se réunissent, et je n’ai jamais parlé en cachette. Pourquoi m’interroges-tu ? Ce que je leur ai dit, demande-le à ceux qui m’ont entendu. Eux savent ce que j’ai dit. » L. À ces mots, un des gardes, qui était à côté de Jésus, lui donna une gifle en disant : A. « C’est ainsi que tu réponds au grand prêtre ! » L. Jésus lui répliqua : X « Si j’ai mal parlé, montre ce que j’ai dit de mal. Mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? » L. Hanne l’envoya, toujours ligoté, au grand prêtre Caïphe. Simon-Pierre était donc en train de se chauffer. On lui dit : A. « N’es-tu pas, toi aussi, l’un de ses disciples ? » L. Pierre le nia et dit : D. « Non, je ne le suis pas ! » L. Un des serviteurs du grand prêtre, parent de celui à qui Pierre avait coupé l’oreille, insista : A. « Est-ce que moi, je ne t’ai pas vu dans le jardin avec lui ? » L. Encore une fois, Pierre le nia. Et aussitôt un coq chanta. Alors on emmène Jésus de chez Caïphe au Prétoire. C’était le matin. Ceux qui l’avaient amené n’entrèrent pas dans le Prétoire, pour éviter une souillure et pouvoir manger l’agneau pascal. Pilate sortit donc à leur rencontre et demanda : A. « Quelle accusation portez-vous contre cet homme ? » L. Ils lui répondirent : F. « S’il n’était pas un malfaiteur, nous ne t’aurions pas livré cet homme. » L. Pilate leur dit : A. « Prenez-le vous-mêmes et jugez-le suivant votre loi. » L. Les Juifs lui dirent : F. « Nous n’avons pas le droit de mettre quelqu’un à mort. » L. Ainsi s’accomplissait la parole que Jésus avait dite pour signifier de quel genre de mort il allait mourir. Alors Pilate rentra dans le Prétoire ; il appela Jésus et lui dit : A. « Es-tu le roi des Juifs ? » L. Jésus lui demanda : X « Dis-tu cela de toi-même, Ou bien d’autres te l’ont dit à mon sujet ? » L. Pilate répondit : A. « Est-ce que je suis juif, moi ? Ta nation et les grands prêtres t’ont livré à moi : qu’as-tu donc fait ? » L. Jésus déclara : X « Ma royauté n’est pas de ce monde ; si ma royauté était de ce monde, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. En fait, ma royauté n’est pas d’ici. » L. Pilate lui dit : A. « Alors, tu es roi ? » L. Jésus répondit : X « C’est toi-même qui dis que je suis roi. Moi, je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix. » L. Pilate lui dit : A. « Qu’est-ce que la vérité ? » L. Ayant dit cela, il sortit de nouveau à la rencontre des Juifs, et il leur déclara : A. « Moi, je ne trouve en lui aucun motif de condamnation. Mais, chez vous, c’est la coutume que je vous relâche quelqu’un pour la Pâque : voulez-vous donc que je vous relâche le roi des Juifs ? » L. Alors ils répliquèrent en criant : F. « Pas lui ! Mais Barabbas ! » L. Or ce Barabbas était un bandit. Alors Pilate fit saisir Jésus pour qu’il soit flagellé. Les soldats tressèrent avec des épines une couronne qu’ils lui posèrent sur la tête ; puis ils le revêtirent d’un manteau pourpre. Ils s’avançaient vers lui et ils disaient : F. « Salut à toi, roi des Juifs ! » L. Et ils le giflaient. Pilate, de nouveau, sortit dehors et leur dit : A. « Voyez, je vous l’amène dehors pour que vous sachiez que je ne trouve en lui aucun motif de condamnation. » L. Jésus donc sortit dehors, portant la couronne d’épines et le manteau pourpre. Et Pilate leur déclara : A. « Voici l’homme. » L. Quand ils le virent, les grands prêtres et les gardes se mirent à crier : F. « Crucifie-le! Crucifie-le! » L. Pilate leur dit : A. « Prenez-le vous-mêmes, et crucifiez-le ; moi, je ne trouve en lui aucun motif de condamnation. » L. Ils lui répondirent : F. « Nous avons une Loi, et suivant la Loi il doit mourir, parce qu’il s’est fait Fils de Dieu. » L. Quand Pilate entendit ces paroles, il redoubla de crainte. Il rentra dans le Prétoire, et dit à Jésus : A. « D’où es-tu? » L. Jésus ne lui fit aucune réponse. Pilate lui dit alors : A. « Tu refuses de me parler, à moi ? Ne sais-tu pas que j’ai pouvoir de te relâcher, et pouvoir de te crucifier ? » L. Jésus répondit : X « Tu n’aurais aucun pouvoir sur moi si tu ne l’avais reçu d’en haut ; c’est pourquoi celui qui m’a livré à toi porte un péché plus grand. » L. Dès lors, Pilate cherchait à le relâcher ; mais des Juifs se mirent à crier : F. « Si tu le relâches, tu n’es pas un ami de l’empereur. Quiconque se fait roi s’oppose à l’empereur. » L. En entendant ces paroles, Pilate amena Jésus au-dehors; il le fit asseoir sur une estrade au lieu dit le Dallage – en hébreu : Gabbatha. C’était le jour de la Préparation de la Pâque, vers la sixième heure, environ midi. Pilate dit aux Juifs : A. « Voici votre roi. » L. Alors ils crièrent : F. « À mort ! À mort ! Crucifie-le ! » L. Pilate leur dit : A. « Vais-je crucifier votre roi ? » L. Les grands prêtres répondirent : F. « Nous n’avons pas d’autre roi que l’empereur. » L. Alors, il leur livra Jésus pour qu’il soit crucifié. Ils se saisirent de Jésus. Et lui-même, portant sa croix, sortit en direction du lieu dit Le Crâne (ou Calvaire), qui se dit en hébreu Golgotha. C’est là qu’ils le crucifièrent, et deux autres avec lui, un de chaque côté, et Jésus au milieu. Pilate avait rédigé un écriteau qu’il fit placer sur la croix ; il était écrit : « Jésus le Nazaréen, roi des Juifs. » Beaucoup de Juifs lurent cet écriteau, parce que l’endroit où l’on avait crucifié Jésus était proche de la ville, et que c’était écrit en hébreu, en latin et en grec. Alors les grands prêtres des Juifs dirent à Pilate : F. « N’écris pas : “Roi des Juifs” ; mais : “Cet homme a dit : Je suis le roi des Juifs.” » L. Pilate répondit : A. « Ce que j’ai écrit, je l’ai écrit. » L. Quand les soldats eurent crucifié Jésus, ils prirent ses habits ; ils en firent quatre parts, une pour chaque soldat. Ils prirent aussi la tunique ; c’était une tunique sans couture, tissée tout d’une pièce de haut en bas. Alors ils se dirent entre eux : A. « Ne la déchirons pas, désignons par le sort celui qui l’aura. » L. Ainsi s’accomplissait la parole de l’Écriture : Ils se sont partagé mes habits ; ils ont tiré au sort mon vêtement. C’est bien ce que firent les soldats. Or, près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la sœur de sa mère, Marie, femme de Cléophas, et Marie Madeleine. Jésus, voyant sa mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : X « Femme, voici ton fils. » L. Puis il dit au disciple : X « Voici ta mère. » L. Et à partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui. Après cela, sachant que tout, désormais, était achevé pour que l’Écriture s’accomplisse jusqu’au bout, Jésus dit : X « J’ai soif. » L. Il y avait là un récipient plein d’une boisson vinaigrée. On fixa donc une éponge remplie de ce vinaigre à une branche d’hysope, et on l’approcha de sa bouche. Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit : X « Tout est accompli. » L. Puis, inclinant la tête, il remit l’esprit. (Ici on fléchit le genou, et on s’arrête un instant.) Comme c’était le jour de la Préparation (c’est-à-dire le vendredi), il ne fallait pas laisser les corps en croix durant le sabbat, d’autant plus que ce sabbat était le grand jour de la Pâque. Aussi les Juifs demandèrent à Pilate qu’on enlève les corps après leur avoir brisé les jambes. Les soldats allèrent donc briser les jambes du premier, puis de l’autre homme crucifié avec Jésus. Quand ils arrivèrent à Jésus, voyant qu’il était déjà mort, ils ne lui brisèrent pas les jambes, mais un des soldats avec sa lance lui perça le côté ; et aussitôt, il en sortit du sang et de l’eau. Celui qui a vu rend témoignage, et son témoignage est véridique ; et celui-là sait qu’il dit vrai afin que vous aussi, vous croyiez. Cela, en effet, arriva pour que s’accomplisse l’Écriture : Aucun de ses os ne sera brisé. Un autre passage de l’Écriture dit encore : Ils lèveront les yeux vers celui qu’ils ont transpercé. Après cela, Joseph d’Arimathie, qui était disciple de Jésus, mais en secret par crainte des Juifs, demanda à Pilate de pouvoir enlever le corps de Jésus. Et Pilate le permit. Joseph vint donc enlever le corps de Jésus. Nicodème – celui qui, au début, était venu trouver Jésus pendant la nuit – vint lui aussi ; il apportait un mélange de myrrhe et d’aloès pesant environ cent livres. Ils prirent donc le corps de Jésus, qu’ils lièrent de linges, en employant les aromates selon la coutume juive d’ensevelir les morts. À l’endroit où Jésus avait été crucifié, il y avait un jardin et, dans ce jardin, un tombeau neuf dans lequel on n’avait encore déposé personne. À cause de la Préparation de la Pâque juive, et comme ce tombeau était proche, c’est là qu’ils déposèrent Jésus.
Patrick BRAUD

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13 novembre 2022

Christ-Roi : Comme larrons en foire

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Christ-Roi : Comme larrons en foire

 

Homélie pour la fête du Christ-Roi / Année C 

20/11/2022 

 

Cf. également :

Un roi pour les pires

Église-Monde-Royaume

Le préfet le plus célèbre
Christ-Roi : Reconnaître l’innocent
La violence a besoin du mensonge
Non-violence : la voie royale
Le Christ-Roi, Barbara et les dinosaures
Roi, à plus d’un titre
Divine surprise
Le Christ Roi fait de nous des huiles

D’Anubis à saint Michel
Faut-il être humble ou jupitérien pour gouverner ?
Roi, à plus d’un titre

Les trois tentations du Christ en croix

 

Entre le pont et l’eau

La Chute d'Albert CamusC’est le curé d’Ars qui a cette formule pleine d’espoir, devenue presque proverbiale : « entre le pont et l’eau, il y a la miséricorde ». Lors d’une messe matinale le 18 mars 2019, le Pape François raconte : « Souvenons-nous de cette pauvre veuve qui est allée se confesser au Curé d’Ars (son mari s’était suicidé ; il s’était jeté d’un pont dans un fleuve). Et elle pleurait, disant : “… Mon pauvre mari ! Il est en enfer ! Il s’est suicidé et le suicide est un péché mortel. Il est en enfer”. Et le Curé d’Ars lui dit : “Mais, attendez Madame, entre le pont et l’eau, il y a la miséricorde de Dieu”. Jusqu’à la fin, la toute fin, il y a la miséricorde de Dieu ». 

En cette fête du Christ Roi, l’Évangile (Lc 23,35-43) met le focus sur la Crucifixion du Roi des Juifs. Entre la suspension au gibet et la descente de croix, il y a la miséricorde dont bénéficie pleinement le bon larron. Au dernier moment, in extremis, tout malfaiteur peut donc s’entendre dire : « aujourd’hui, tu seras avec moi en paradis » [1].

C’est l’une des raisons majeures de l’opposition de l’Église catholique à la peine de mort [2] : il faut laisser le temps au pécheur de se convertir, car rien n’est jamais perdu tant que le dernier souffle n’est pas rendu. Formidable espérance, qui scandalise les justes, subjugue les coupables et soulève les gueux !

 

Bon larron ou mafieux repenti ?

Nulle part dans l’Évangile il n’est écrit que ce bandit est « bon ». Ni même à la droite de Jésus comme les apocryphes le prétendent [3]. On sait seulement qu’il comprend de l’intérieur la souffrance de Jésus crucifié, et qu’il en est bouleversé. Condamné à « la même peine » (Lc 23,40) que lui, il mesure la déchéance, l’abaissement, l’ignominie de cette mort infamante infligée à Jésus. Coupable (de quels méfaits ? Mystère…), il s’indigne que l’innocent soit assimilé à la racaille, que la justice romaine commette la pire des injustices : assassiner celui qui n’a rien fait de mal.

Nous devrions écouter davantage les protestations des moins-que-rien de notre société lorsqu’ils dénoncent avec colère les injustices commises contre les innocents, couvertes par le système judiciaire et les appareils politiques !

 

La démarche de conversion in extremis de ce larron repenti est en trois étapes, qui demeurent structurantes de notre propre conversion : reconnaître le mal commis (« nous avons ce que nous méritons »), dire la vérité sur les innocents (« lui n’a rien fait de mal »), implorer la miséricorde avec confiance (« souviens-toi de moi »).

Si l’on veut actualiser cette démarche, il suffit de penser au processus qui permet à un mafieux de quitter la Cosa Nostra : avouer ses propres crimes, dire qui est innocent et qui est coupable et de quoi (et donc dénoncer les autres membres mafieux par son témoignage), demander la protection de l’État (la fameuse protection des témoins) pour pouvoir ensuite se réinsérer comme citoyen ordinaire. Le bon larron ressemble plus à un mafieux repenti qu’à une icône de sainteté… Rappelons qu’aucun des quatre Évangiles ne l’appelle « bon » : il a fait le mal (et sans doute beaucoup !), il s’en détourne, et il espère le pardon.

 

Notons au passage que ce larron fait voler en éclats la doctrine de la rétribution morale chère aux pharisiens de toutes les époques !

Celui qui n’a rien fait a été condamné, le tout-innocent est exécuté comme un bandit. Si celui qui n’a rien fait est puni, peut-on encore dire qu’il est juste de punir les coupables ?
Le Christ est à l’œuvre pour sauver les coupables, et la morale de convention de Dismas, le bon larron, explose à jamais dans le désaveu évangélique. Étonnamment, Jésus sur la croix rend caduques les condamnations, comme si sa propre condamnation avait levé toute accusation, sur les justes comme sur les coupables. Comment dès lors condamner quelqu’un, puisque Jésus est le Roi des pires ? Pourquoi continuer à chanter que c’est la morale qui sauve, alors que la foi fait entrer le criminel en premier au paradis ?

 

Jésus et les deux larronsReste que les trois étapes de la techouva (retournement) de ce larron vers Jésus sont aussi les nôtres : confesser nos péchés, dire la vérité, demander miséricorde. Les icônes et les peintures de la Crucifixion montrent presque toutes le larron de droite tournant son visage vers Jésus au centre, alors que celui de gauche regarde ostensiblement ailleurs, ou en bas.
Faire techouva, c’est bien se tourner vers le Christ, confiant en sa miséricorde [4]
.

 

« Voyez-vous la confession parfaite ? Voyez-vous comment sur la croix il s’est déchargé de ses fautes ? Car il est écrit : Commence par confesser toi-même tes fautes afin que tu sois justifié. (Is. 43,26.) Personne ne l’a forcé, personne ne lui a fait violence, mais il s’est fait connaître volontairement en disant : Nous du moins nous sommes punis justement, puisque nous souffrons la peine que nos crimes ont méritée ; mais lui n’a fait aucun mal (Lc 23,41-42), et il ajoute ensuite : Souviens-toi de moi, Seigneur, dans ton royaume. Il n’a pas osé dire : Souviens-toi de moi dans ton royaume avant d’avoir déposé par la confession, le fardeau de ses péchés. Comprenez-vous maintenant le prix de la confession ? Le larron se confessa et il ouvrit le ciel; il se confessa et il acquit une telle confiance qu’ayant à peine cessé d’être voleur il demanda le ciel. De quels biens la croix n’a-t-elle pas été pour nous la source ? Vous prétendez à un royaume, mais qu’est-ce qui l’indique ? Des clous, une croix, voilà ce qui nous apparaît; mais cette croix est désormais un signe de royauté. J’appelle Jésus-Christ roi, parce que je le vois crucifié car c’est le propre d’un roi de mourir pour ses sujets. Lui-même a dit : Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis (Jn 10,11), donc aussi le bon roi donne sa vie pour ses sujets. Et parce qu’il a donné sa vie, je l’appelle roi. Souviens-toi de moi, Seigneur, dans ton royaume ».

Homélie de saint Jean Chrysostome (+ 407) sur la croix et le larron.

 

Mauvais larron ou disciple déçu ?

Hans von TubingenUn jésuite espagnol, Ariel Alvarez Valdès, bibliste à l’université pontificale de Salamanque, avance une hypothèse assez audacieuse au sujet des deux larrons : ils seraient probablement des disciples de Jésus, arrêtés avec lui, et non des malfaiteurs sans rapport avec lui [5].

Les arguments en faveur de sa thèse sont nombreux :

– La croix était le châtiment romain réservé, non aux malfaiteurs de droit commun, mais aux criminels politiques : esclaves révoltés (cf. Spartacus), rebelles coupables d’émeute, de sédition, de refus de l’autorité de César. Il est vraisemblable que les deux agitateurs politiques crucifiés en même temps que Jésus aient un lien direct avec lui.

– Il est peu probable par contre que différentes personnes condamnées le même jour, à la même heure, en un même lieu, pour la même raison, par le même gouverneur à une même peine n’aient aucun lien entre elles. Par ailleurs, on n’assistait pas non plus tous les jours à des soulèvements politiques en Judée, ce qui permettrait de supposer qu’il s’agissait de trublions de l’ordre public appartenant à une révolte différente de celle de Jésus. Tous deux subissent « la même peine » que Jésus, et lui sont donc associés, car le terme « peine » (krima, en grec) désigne l’ensemble du procès et de la condamnation, pas seulement le supplice.

– La grande peur de Pierre devant la servante du grand prêtre est d’être reconnu comme un disciple de Jésus, ce qui lui vaudrait la Crucifixion à lui aussi. D’ailleurs, la servante dit : « N’es-tu pas, toi aussi, l’un des disciples de cet homme ? » (Jn 18,17), en employant le pluriel comme si Jésus avait été arrêté avec quelques-uns de ses complices : « N’es-tu pas, toi aussi, l’un des disciples de cet homme ? ». Et quand les gardes disent : « toi aussi… » (Jn 18,25), n’est-ce pas parce qu’ils sont plusieurs à avoir été arrêtés ?

– Pourquoi mettre Jésus au milieu des deux autres ? Sinon parce qu’il était leur chef de bande, comme l’attestent toutes les symboliques royales, bibliques et romaines. Au I° siècle, par exemple, Philon d’Alexandrie mentionne le cas d’un fou nommé Carabas que des gens voulaient ridiculiser et qu’ils déguisèrent en roi, tandis que quelques jeunes gens se plaçaient à sa droite et à sa gauche, en simulacre de suite royale.

« La place d’un médiateur est au milieu… 

Sur le Calvaire, Il apparaît au milieu de deux voleurs, et du bon (larron), il se fait connaître pour Dieu » (St Éphrem).

La place de Jésus au milieu pourrait bien indiquer qu’il était le chef des deux autres.

– En l’appelant Messie, le larron injurieux montre qu’il connaît bien la prétention messianique de Jésus. Si cet homme est un délinquant ordinaire, on ne comprend pas son propos. Comment un simple voleur qui ne connaissait pas Jésus pourrait-il croire qu’il est le Messie ? Et pourquoi attendrait-il que ce Messie, l’envoyé de Dieu, le sauve, lui et le complice de ses mauvais coups ? On a donc l’impression que cet homme connaît Jésus, qu’il a participé à son projet messianique et qu’il a été traduit en justice pour l’avoir suivi en tant que Messie. Ainsi, l’on comprend qu’avec son compagnon, il attende le salut, puisqu’ils ont cru en lui.…

– À l’inverse, l’autre larron l’appelle Jésus, ce qui est assez rare dans les Évangiles, et démontre une certaine familiarité entre eux. Ce qui est illogique dans la bouche d’un délinquant qui le verrait pour la première fois. Ce qui s’explique s’il le connaissait avant et avait un certain lien avec lui. D’autre part cet homme est persuadé que Jésus est roi et qu’il a le pouvoir de le faire entrer dans son Royaume. Cela signifie qu’il avait accepté ses enseignements et lui demeurait fidèle, malgré son échec apparent.

- Nous savons qu’en plus des Douze, Jésus avait un groupe de disciples plus nombreux qui l’accompagnaient et coopéraient au sein de son mouvement. Luc mentionne les 72 (Lc 10,1) disciples envoyés deux par deux. Quelques-uns l’aidèrent même pendant les derniers jours à Jérusalem, notamment ceux qui lui prêtèrent l’âne sur lequel il entra dans la ville (Mc 11,1-6), ou qui préparèrent la chambre pour le dernier repas (Mc 14,12-16). C’est peut-être à ce groupe élargi de collaborateurs anonymes que devaient appartenir les deux hommes arrêtés et crucifiés avec Jésus en ce Vendredi saint funeste.

 

On peut cependant faire deux objections à cette thèse :

– Pourquoi les évangiles n’ont-ils jamais précisé que les hommes crucifiés avec Jésus étaient ses disciples ? 

Alvarez Valdès propose une explication : très tôt, la conception de la mort salvatrice de Jésus devint centrale chez les premiers chrétiens. En d’autres termes, on élabora la thèse selon laquelle Jésus avait donné sa vie pour nous, que sa mort sur la croix était rédemptrice et que son sang avait été versé pour le pardon des péchés. Ainsi, la crucifixion devint l’évènement central de sa vie et on lui attribua une valeur salvatrice unique et incomparable. Dans ce contexte, un Jésus mourant pour le Royaume en compagnie de deux autres disciples diminuait la centralité et l’exclusivité de sa mort. C’est pourquoi la tradition a rapidement oublié l’identité de ces deux disciples et le silence se fit à leur sujet, pour conforter la conviction que Jésus est  le seul juste à mourir pour nous.

– S’il est disciple, pourquoi le bon larron reconnaît-t-il qu’il a commis le mal et qu’il n’a que ce qu’il mérite (Lc 23,41) ?

Suivre Jésus n’est pas un crime pour lui, et il n’a aucune raison de s’en accuser…

Peut-être Luc, lorsqu’il imagine ce dialogue, que les trois autres évangélistes ne racontent pas, veut-il forcer le contraste entre l’innocence de Jésus et le péché de tout homme ? Il changerait alors le disciple fidèle en larron repenti, pour mieux montrer que Jésus est le seul innocent capable de racheter les coupables. Isaïe l’annonçait : « mon serviteur s’est dépouillé lui-même jusqu’à la mort, et il a été compté avec les pécheurs, alors qu’il portait le péché des multitudes et qu’il intercédait pour les pécheurs » (Is 53,12).

 

Quoiqu’il en soit, l’intérêt de cette thèse d’Alvarez Valdès est de nous montrer combien l’arrestation de Jésus désarçonne et déçoit, même ses proches. Le mauvais larron – qui n’est ni mauvais, ni délinquant ordinaire – est en colère contre Jésus, car son échec est l’échec de ses disciples, qui avaient tout misé sur lui. Sa colère présente est à la mesure de son espérance passée : plus on aimait, plus on est déçu, et plus on est violent envers celui qui a déçu. Les fans brûlent vite ce qu’ils ont adoré si leur idole les déçoit. Les supporters de football descendent sur la pelouse le 1er octobre 2022 et font 125 morts en Indonésie lorsque leur équipe les déçoit en perdant le match…

La colère du « mauvais » larron est à la mesure de son amour pour le Christ : immense, mais  déçu. Pourtant, lui aussi dit la vérité sur Jésus : « N’es-tu pas le Messie ? » Lui aussi implore sa miséricorde : « Sauve-nous avec toi ». N’est-ce pas là également une prière adressée au crucifié ? 

Il est presque plus altruiste que l’autre larron, puisqu’il demande le salut pour les trois (« Sauve-nous »), alors que l’autre ne demande que son salut personnel (« souviens-toi de moi ») !

Pourquoi Jésus n’a-t-il pas exaucé cette prière d’un ancien disciple ? Parce que cela lui demanderait de se renier lui-même. En effet, sans le savoir (mais Luc le sait !), ce disciple déçu utilise le raisonnement tentateur par lequel Satan incite Jésus à se donner à lui-même le salut. « Si tu es… alors… » (Lc 4,1-13). D’ailleurs, Luc fait exprès de mentionner par trois fois cette ultime tentation de Jésus sur la croix : ici avec le larron, avec les chefs du peuple, avec les soldats. La mention par trois fois de ce « sauve-toi toi-même » fait donc explicitement référence aux trois tentations de Jésus au désert. Sur la croix, Jésus combat la tentation ultime d’être à lui-même sa propre source, ce qui le détournerait de son identité fondamentale de fils de Dieu, se recevant tout entier d’un Autre. Le salut vient de l’autre… Jésus ne peut ainsi exaucer le mauvais larron sans se renier lui-même.

 

Christ-Roi : Comme larrons en foire dans Communauté spirituelle prix_mediatransports_l-enferLa tentation occidentale de l’individualisme forcené, de l’auto-rédemption, de l’autonomie absolue, n’est donc pas nouvelle ! C’est toujours notre combat de réfuter cette vision trop libérale de l’être humain comme individu et non comme personne, comme indépendant et non en relation, comme seule source de sa loi et non allié avec Dieu, comme affranchi de toute transcendance et non créature aimée par plus grande qu’elle…

 

Ajoutons que ce larron, qui décidément n’est pas mauvais en soi, n’est pas promis à l’enfer comme l’autre est promis au paradis. Le texte ne dit pas où il a été après sa mort. Nous n’en savons rien, c’est bien ainsi. Entre le pont et l’eau…

La trace de cette dissymétrie entre les deux larrons est la dissymétrie que l’Église catholique maintient entre le ciel et l’enfer : nous savons que l’un est rempli de multitudes, et nous espérons que l’autre soit vide [6]. Nous canonisons Jean-Paul II, sûrs de le savoir en paradis, mais nous ne diabolisons pas Staline, incapables d’affirmer qu’il serait en enfer. Le deuxième larron nous oblige à ne jamais condamner définitivement quelqu’un, même s’il semble s’obstiner. Car en fait, il est peut-être ce disciple attendant trop du Christ, déçu de son impuissance apparente, qui voudrait réveiller l’efficacité magique qu’il lui attribuait. Comme Jésus le constatait pour les soldats le clouant au bois, « il ne sait pas ce qu’il fait », et manifeste à son insu que la tentation ultime est de ne compter que sur soi…

 

Comme larrons en foire

Icône les deux amisL’expression vient du Moyen Âge, où les foires au bétail sur les places publiques des villages attiraient les voleurs de tout genre. Ils opéraient souvent par paire, comme les enfants Roms détroussant les voyageurs du métro : l’un détourne l’attention, l’autre glisse la main dans le sac ou subtilise le portefeuille. S’entendre comme larrons en foire est le signe d’une complicité manifeste, et efficace, pour le mal en l’occurrence. Jésus et l’un des criminels s’entendent comme larrons en foire, mais cette fois-ci pour faire le bien. En cette fête du Christ Roi, le Golgotha pourrait bien être cette Foire du Trône ou le Roi de gloire, sur son trône paradoxal, s’entend à merveille avec les criminels qui se tournent vers lui.

Quitte à provoquer l’incompréhension des ‘gens bien’, car si même les pires coupables sont les premiers en paradis, à quoi sert de vouloir être ‘impeccable’ ?

 

Comme le chantait Georges Brassens (L’Assassinat) :

Alors, prise d’un vrai remords Elle eut chagrin du mort
Et, sur lui, tombant à genoux, Ell’ dit :  » Pardonne-nous ! « 

Quand les gendarm’s sont arrivés En pleurs ils l’ont trouvée
C’est une larme au fond des yeux Qui lui valut les cieux

Et le matin qu’on la pendit Ell’ fut en paradis
Certains dévots, depuis ce temps Sont un peu mécontents

 

Laissons la scène du Golgotha faire son chemin en nous cette semaine, et la royauté du Christ nous aidera à « espérer pour tous », et d’abord pour nous-même… 

« Ils ne se dirent rien d’autre, les deux crucifiés, en ce jour d’angoisse et de souffrance, mais ces quelques paroles, qui jaillissent péniblement de leurs gorges desséchées, se font encore entendre aujourd’hui et elles résonnent toujours comme un signe de confiance et de salut pour celui qui a péché mais qui aussi a cru et espéré, fût-ce à la toute dernière extrémité de sa vie ».

Méditation de Benoît XVI, Onzième Station du chemin de Croix du Vendredi saint 2017.

 

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[1]. Si on prend les mots du Christ au pied de la lettre, le bon larron est censé avoir précédé de trois jours au Paradis le Christ et les âmes qu’il ramenait avec lui des Enfers. Ce n’est pas la moindre des difficultés de cette version de Luc…

[2]. « On a mis au point des systèmes de détention plus efficaces pour garantir la sécurité à laquelle les citoyens ont droit, et qui n’enlèvent pas définitivement au coupable la possibilité de se repentir. C’est pourquoi l’Église enseigne, à la lumière de l’Évangile, que la peine de mort est inadmissible car elle attente à l’inviolabilité et à la dignité de la personne, et elle s’engage de façon déterminée en vue de son abolition partout dans le monde » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 2267).

[3]. Les quatre Évangiles ne précisent ni le nom des larrons, ni l’emplacement de leurs croix. Mais l’Évangile de Nicodème (apocryphe) au IV° siècle baptise le Bon et le Mauvais Larron Dysmas et Gestas, et les place respectivement à droite et à gauche du Christ, en position d’honneur et en position d’infamie traditionnelles pour les cours des rois de ce monde, ainsi que pour le Jugement dernier (Mt 25).

[4]. Cf. un très bon article sur les deux larrons dans la peinture : https://artifexinopere.com/blog/interpr/iconographie/la-croix-du-bon-larron/1-distinguer-les-larrons/

[6]. Cf. Hans Urs von Balthasar, Espérer pour tous, DDB, 1993.

 

Le mauvais larron
Paroles et musique de Georges Moustaki

J’aurais pu être celui-là
Qui t’a vu mourir sous la croix,
Un de tes derniers compagnons,
Le mauvais larron.
Bien sûr, j’ai mérité la corde
Plutôt que la miséricorde.
Je suis du gibier des prisons,
Le mauvais larron – mauvais larron – mauvais larron.

Bref, j’étais capable de tout
à part de tendre l’autre joue.
Je n’ai pas demandé pardon
D’être un larron.
J’ai pris ce que je pouvais prendre,
Les coups, l’argent, les filles tendres.
Elles trouvaient bien assez bon
Le mauvais larron – mauvais larron – mauvais larron.

Aujourd’hui je suis comme toi,
Quand tu n’avais dessus ta croix
Pour ultime fréquentation
Que les deux larrons.
Je n’ai plus rien qui me console.
Peut-être, en guise d’auréole,
On verra briller sur mon front
Le mauvais larron – mauvais larron – mauvais larron.

C’était peut-être un vendredi
Qu’il est allé au paradis
Par le chemin de la Passion
Des mauvais larrons.
Abandonné entre deux mondes
Jusqu’à sa dernière seconde,
Ainsi chantait de sa prison
Le mauvais larron – mauvais larron – mauvais larron.

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Ils donnèrent l’onction à David pour le faire roi sur Israël » (2 S 5, 1-3)

Lecture du deuxième livre de Samuel

En ces jours-là, toutes les tribus d’Israël vinrent trouver David à Hébron et lui dirent : « Vois ! Nous sommes de tes os et de ta chair. Dans le passé déjà, quand Saül était notre roi, c’est toi qui menais Israël en campagne et le ramenais, et le Seigneur t’a dit : ‘Tu seras le berger d’Israël mon peuple, tu seras le chef d’Israël.’ » Ainsi, tous les anciens d’Israël vinrent trouver le roi à Hébron. Le roi David fit alliance avec eux, à Hébron, devant le Seigneur. Ils donnèrent l’onction à David pour le faire roi sur Israël.

 

PSAUME
(Ps 121 (122), 1-2, 3-4, 5-6)
R/ Dans la joie, nous irons à la maison du Seigneur.
 (cf. Ps 121, 1)

 

Quelle joie quand on m’a dit :
« Nous irons à la maison du Seigneur ! »
Maintenant notre marche prend fin
devant tes portes, Jérusalem !

 

Jérusalem, te voici dans tes murs :
ville où tout ensemble ne fait qu’un !
C’est là que montent les tribus, les tribus du Seigneur,
là qu’Israël doit rendre grâce au nom du Seigneur.

 

C’est là le siège du droit,
le siège de la maison de David.
Appelez le bonheur sur Jérusalem :
« Paix à ceux qui t’aiment ! »

 

DEUXIÈME LECTURE
« Dieu nous a placés dans le Royaume de son Fils bien-aimé » (Col 1, 12-20)

 

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Colossiens

Frères, rendez grâce à Dieu le Père, qui vous a rendus capables d’avoir part à l’héritage des saints, dans la lumière. Nous arrachant au pouvoir des ténèbres, il nous a placés dans le Royaume de son Fils bien-aimé : en lui nous avons la rédemption, le pardon des péchés.  Il est l’image du Dieu invisible, le premier-né, avant toute créature : en lui, tout fut créé, dans le ciel et sur la terre. Les êtres visibles et invisibles, Puissances, Principautés, Souverainetés, Dominations, tout est créé par lui et pour lui. Il est avant toute chose, et tout subsiste en lui. Il est aussi la tête du corps, la tête de l’Église : c’est lui le commencement, le premier-né d’entre les morts, afin qu’il ait en tout la primauté. Car Dieu a jugé bon qu’habite en lui toute plénitude et que tout, par le Christ, lui soit enfin réconcilié, faisant la paix par le sang de sa Croix, la paix pour tous les êtres sur la terre et dans le ciel.

 

ÉVANGILE
« Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume » (Lc 23, 35-43)
Alléluia. Alléluia.
 Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. Béni soit le Règne qui vient, celui de David notre père. Alléluia. (cf. Mc 11, 9b.10a)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là, on venait de crucifier Jésus, et le peuple restait là à observer. Les chefs tournaient Jésus en dérision et disaient : « Il en a sauvé d’autres : qu’il se sauve lui-même, s’il est le Messie de Dieu, l’Élu ! » Les soldats aussi se moquaient de lui ; s’approchant, ils lui présentaient de la boisson vinaigrée, en disant : « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! »
Il y avait aussi une inscription au-dessus de lui : « Celui-ci est le roi des Juifs. » L’un des malfaiteurs suspendus en croix l’injuriait : « N’es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même, et nous aussi ! » Mais l’autre lui fit de vifs reproches : « Tu ne crains donc pas Dieu ! Tu es pourtant un condamné, toi aussi ! Et puis, pour nous, c’est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons
. Mais lui, il n’a rien fait de mal. » Et il disait : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. » Jésus lui déclara : « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. »

Patrick BRAUD

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