L'homélie du dimanche (prochain)

4 septembre 2022

Le Grand Bleu intérieur

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Le Grand Bleu intérieur

Homélie pour le 24° dimanche du Temps Ordinaire / Année C
11/09/2022

Cf. également :

S’accoutumer à Dieu
Avez-vous la nuque raide ?
La brebis et la drachme
La parabole du petit-beurre perdu
Mercredi des Cendres : notre Psaume 50

La CMV

La crise du milieu de vie« Jusqu’ici, j’avais l’impression de gravir une montée à fond de train. Mais quand je suis arrivé soudain au sommet, j’ai découvert un panneau Stop, en face, au bout de la pente, de l’autre côté. Je me suis retourné et j’ai regardé le chemin parcouru. Qu’ai-je bâti dans le fond ? J’ai repoussé certains engagements pour profiter de la vie, et me voilà, comme un c…, seul, du fric en poche, sans autre horizon que la mort. – Moi, j’ai sacrifié ma vie conjugale, familiale, spirituelle, pour mon boulot. Or, ce que j’ai bâti professionnellement ne me comble pas… »
« J’étais assailli de questions : où va ma vie ? Me suis-je trompé dans mes choix ? À quoi bon tout ça ? Qu’est-ce que j’ai fait de mon existence ? Ne devrais-je pas changer de femme, de travail, de maison ? Ne suis-je pas prisonnier de mon mariage, de mon emploi ? Pourquoi est-ce que je me fatigue tant ? Ai-je vraiment accompli quelque chose d’important ? Est-ce que je vaux quelque chose ? Qu’est-ce que cela me donne de croire, de prier ? Pourquoi Dieu ne répond-Il pas à ma détresse ? Qu’est-ce qui me fait vivre ?…
J’étais comme au milieu d’un examen. La moitié du temps s’est écoulée. Dans deux heures, il faut rendre la copie, on n’est pas forcément très content de soi et on se demande si on peut encore changer de sujet ! »

Ce genre de témoignage pullule sur la Toile. C’est la fameuse « crise de milieu de vie », (ou crise de la quarantaine) affectueusement baptisée CMV par les psychologues, qu’on observe souvent chez les hommes (mais pas seulement !) entre 40 et 50 ans environ. Pendant la première moitié de leur vie, ils ont foncé pour se construire un avenir. Ils se sont noyés dans l’action pour obtenir un statut social standard : bosser des années d’études pour un diplôme, trouver un CDI et amorcer une carrière, s’endetter pour acheter une maison, établir son couple, gérer l’arrivée des enfants, le tout saupoudré d’un nuage de reconnaissance sociale grâce à des amis, des loisirs, une vie associative voire ecclésiale etc. Ils ont trimé dur pour en arriver là, et puis tout d’un coup, parvenus au sommet de la côte, ils mettent pied à terre et regarde à la fois derrière eux en se disant : ‘ce n’était donc que cela ?’ et devant eux en s’interrogeant : ‘et maintenant ? quels objectifs pour la suite ?’ D’autant plus qu’au mitan de la vie, la suite, c’est inévitablement la mort qui se profile à l’horizon. Même si c’est encore loin, elle commence à s’imposer dans le paysage. La mort des parents qui peut subvenir dans cette période est une brutale piqûre de rappel.

Le Démon de midiLe malaise, l’angoisse ou la dépression qui s’installent alors se nourrissent de tous les doutes remettant en cause l’œuvre à moitié accomplie : ‘était-ce vraiment moi tout cela ? N’ai-je fait que suivre les rails sur lesquels on me fait rouler depuis mon enfance ? Pourquoi mon couple me laisse-t-il insatisfait ?… Avant je voulais la sécurité, le boulot, la maison, la famille comme tout le monde, la reconnaissance des autres. Maintenant je découvre en moi d’autres besoins, d’autres aspirations, d’autres désirs : découvrir ce qu’il y a en moi et pas seulement à l’extérieur, honorer des aspects de ma personnalité que j’ai refoulés jusqu’à présent, sortir des rails, partir à la recherche de mon identité profonde…’

Dans le couple, cela se manifeste pour beaucoup par une remise en cause des valeurs conjugales de fidélité, de confiance, de tendresse ; par une disparition ou un affaiblissement du projet commun (on pense au divorce) ; un éparpillement dans de nouvelles aventures (le besoin de se prouver sa capacité de séduire) ; une envie de sortir du rôle dans lequel on est enfermé (la recherche d’intimité) ; une fuite de la réalité dans le rêve d’autres possibles (on joue à l’adolescent).

Celui qui vit cette tempête intérieure se met à tout chambouler autour de lui : beaucoup trompent leur compagne pour une plus jeune (c’est le fameux « démon de midi »), certains changent radicalement de métier, d’autres déménagent brusquement, ou plaquent tout. Des gens se convertissent à telle ou telle religion, alors qu’ils étaient indifférents ; un mariage, un décès, une lecture, une rencontre les auront bouleversés, et ils voient soudain en pleine lumière tout ce qu’il leur manquait auparavant sur le plan spirituel…

Le Grand Bleu intérieur dans Communauté spirituelle parab_perdu_monnaieImpossible de ne pas penser à eux en écoutant la parabole de la drachme perdue de l’Évangile de ce dimanche (Lc 15,1-32) :

« Si une femme a dix pièces d’argent et qu’elle en perd une, ne va-t-elle pas allumer une lampe, balayer la maison, et chercher avec soin jusqu’à ce qu’elle la retrouve ? Quand elle l’a retrouvée, elle rassemble ses amies et ses voisines pour leur dire : ‘Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé la pièce d’argent que j’avais perdue !’ »

Certes, Jésus ne l’a pas inventée spécifiquement pour nous aider à traverser la CMV ! Il l’utilise pour illustrer sa volonté de sauver les pécheurs, car il est venu « pour chercher et sauver ceux qui étaient perdus » (Lc 9,10).

Et pourtant, il y a bien des manières de se perdre ! On peut tout perdre - et se perdre - au jeu. On peut dégrader son corps – et se dégrader – en se droguant, en buvant. On peut oublier qui l’on est en se noyant dans les méandres du pouvoir, de l’argent, du plaisir etc. La CMV est une autre façon de se perdre : le Christ ne l’a pas connue (trop jeune !) mais sa parabole s’adapte merveilleusement à cette période.

Laissons Jean Tauler, maître spirituel du XIV° siècle, figure de la mystique rhénane avec Maître Eckhart, nous guider sur ce chemin intérieur. Il a dû rencontrer et accompagner dans son ordre dominicain pas mal de frères souffrant de cette crise pour constater avec réalisme :

« L’homme peut faire ce qu’il veut, s’y prendre comme il veut, il n’atteint pas la paix véritable, il ne devient pas un homme du ciel, selon son être, avant d’avoir atteint la quarantaine. Auparavant, il est accaparé par toutes sortes de choses, ses penchants naturels l’entraînent de-ci, de-là ; et ce qui se passe en lui est bien souvent sous leur domination, alors qu’on s’imagine que c’est tout entier de Dieu. [...] L’homme doit attendre encore dix ans avant que l’Esprit Saint, le Consolateur, lui soit communiqué en vérité, et qu’il puisse enfin savourer la paix du consentement ».

 

Tout bouleverser pour la drachme perdue

La femme avait dix pièces d’argent. Dix, c’est le nombre de juifs (mâles !) minimum pour constituer une assemblée habilitée à célébrer le culte et réciter les prières : un miniane. Ici c’est une femme seule – et non des hommes – qui désire revenir à 10. On peut y voir le symbole d’Israël (le peuple est féminin en hébreu) s’apercevant qu’il lui manque le Messie pour être l’Israël de Dieu en plénitude. Alors cette femme retourne dans sa maison. Au lieu de se disperser à l’extérieur, elle revient en elle-même, dans l’intimité de sa demeure, pour chercher cette part de son trésor qu’elle a perdue.

ill_1854043_f875_theoreme_du_lampadaire CMV dans Communauté spirituelleVous connaissez sûrement ce sketch à la Devos :

Un promeneur marchant à la nuit tombée aperçoit un homme courbé qui semble chercher un objet perdu sous un lampadaire.
- Bonsoir, vous semblez chercher quelque chose ?
- En effet, j’ai perdu mes clefs.
Le promeneur, serviable, commence alors à chercher. Après quelque temps, il interroge à nouveau.
- Êtes-vous certain de l’avoir perdu à cet endroit ?
- Non, répond-il, mais au moins ici il y a de la lumière !

Ce sketch montre l’absurdité d’une quête qui cherche au-dehors ce qui est en dedans. Au lieu de fouiller sous les lampadaires, les enseignes lumineuses et les mirages de la consommation et du paraître, la femme revient à son fond le plus intime, chez elle.
Si vous faites ainsi passer votre centre de gravité « en-bas », comme le culbuto, alors rien ne pourra vous troubler, comme le culbuto qui revient à son centre après les oscillations extérieures. Cela demande de ne pas s’attacher à ses œuvres, de rester libre pour Dieu et pour soi-même. Mais cette plongée intérieure est un voyage en Dieu. Comme le Christ est en bas de l’arbre de Zachée, c’est dans le fond de l’âme que Dieu réside, nous enseigne, nous attend et nous unit à lui.

51DYVRZ82XL._SY291_BO1,204,203,200_QL40_ML2_ crise« L’autre sorte de recherche est bien supérieure à celle-ci. Elle consiste en ce que l’homme rentre dans son propre fonds, au plus intime de lui-même, et y cherche le Seigneur, de la façon qu’il nous a lui-même indiqué, quand il dit : le royaume de Dieu est en vous. Celui qui veut trouver le royaume, c’est-à-dire Dieu avec toute sa richesse, dans sa propre essence et sa propre nature, doit le chercher là où il est, c’est-à-dire dans le fond le plus intime, où Dieu est plus près de l’âme et lui est beaucoup plus intimement présent qu’elle ne l’est à elle-même.

Ce fonds doit être cherché et trouvé. L’homme doit entrer dans cette maison, et en renonçant à tos ses sens, à tout ce qui est sensible, à toutes les images et formes particulières qui sont apportées et déposées en lui par les sens, à toutes les impressions bien déterminées qu’il ait jamais reçu de l’imagination, et à toutes les représentations sensibles, oui même dépasser les représentations rationnelles (…). Quand l’homme entre dans cette maison et cherche Dieu, il la bouleverse de fond en comble » (Tauler, Sermon 33).

Tauler commente :

« On s’engouffre dans cet abîme.
Et dans cet abîme est l’habitation propre de Dieu […].
Dieu ne quitte jamais ce fond. Il n’y a là ni passé ni futur.
Rien ne peut combler ce fond. Rien de créé ne peut le sonder ».

Revenir à notre fond intime s’apparente quelquefois à la plongée en apnée du film « Le Grand Bleu » ! On y laisse forcément des plumes. Quand on entame cette quête, impossible de croire, travailler, d’aimer comme avant… Les représentations de Dieu, de la réussite, du couple, qui jusqu’à présent suffisaient à nous motiver, s’écroulent sur elles-mêmes. Elles sonnent creux, paraissent vides et vaines. C’est ce que Tauler appelle le bouleversement : partir à la recherche de la drachme perdue suppose de bouleverser son existence, ses représentations, ses certitudes antérieures.

« Voici en quoi consiste le bouleversement de la maison et l’action par laquelle Dieu cherche l’homme. Toutes les représentations, toutes les formes, de quelques genres qu’elles soient, par lesquelles Dieu se présente à l’homme, lui sont totalement enlevées lorsque Dieu vient dans cette maison, dans ce fonds intérieur, et tout cela est renversé comme si on ne l’avait jamais possédé. De bouleversement en bouleversement, toutes les idées particulières, toutes les lumières, tout ce qui avait été manifesté et donné à l’homme, tout ce qui s’était antérieurement passé en lui, tout cela est complètement bouleversé dans cette recherche. En ce bouleversement, l’homme qui peut se laisser faire est élevé plus haut qu’on ne saurait dire au-dessus du degré où peuvent le conduire toutes les œuvres, les pratiques ou bonnes intentions qui aient jamais été imaginées et inventées ».

Tauler qualifie ce bouleversement d’heureux, alors que nous le ressentons sur le moment comme tragique. Et justement, c’est à cette inversion qu’il nous invite : regarder autrement le chamboule-tout qui se généralise sous nos yeux lorsque nous secouons la poussière et déplaçons les meubles pour trouver ce que nous avons perdu en cours de route dans la première partie de notre existence.

« Bienheureux bouleversement.
En ce bouleversement, l’homme qui peut se laisser faire est élevé plus haut qu’on ne saurait dire au-dessus du degré où peuvent le conduire toutes les œuvres, les pratiques ou les bonnes résolutions qui aient jamais été imaginées et inventées. Oui, ceux qui parviennent vraiment à cela deviennent de tous les hommes les plus dignes d’amour ».

Une drachme d'argentCelui qui sait persévérer dans ce bouleversement intérieur parviendra comme la femme à découvrir où était cachée la drachme, dont les deux faces gravées symbolisent l’image et la ressemblance d’avec Dieu. Car nous avons été créés à l’image et à la ressemblance de Dieu, et avec le temps ces deux dimensions de notre dignité humaine se ternissent, se perdent dans la poussière de notre volontarisme, sous les meubles de notre confort, ensevelies sous les trophées, peintures et autres décorations qui encombrent désormais notre intérieur, notre fond intime.

Comment pratiquer cette descente en nous, dans ce fond intime ? Ce n’est pas une introspection psychologique, et les techniques de développement personnel n’y peuvent rien ! Il ne s’agit pas de revivre des événements traumatiques du passé, ni d’explorer les déterminismes qui nous ont téléguidé jusqu’à présent (même si ce n’est pas inutile par ailleurs).

Il s’agit de découvrir Dieu au-delà de nos représentations :

« Toutes les représentations, toutes les formes, de quelques genres qu’elles soient, par lesquelles Dieu se présente à l’homme, lui sont totalement enlevées lorsque Dieu vient dans cette maison, dans ce fonds intérieur, et tout cela est renversé comme si on ne l’avait jamais possédé ».

Il s’agit de découvrir l’amour au-delà de nos sentiments :

« Vous ne savez pas ce qu’est l’amour. Vous pensez avoir l’amour quand vous éprouvez de grands sentiments, un goût profond et pleine jouissance de Dieu. Non, ce n’est pas du tout l’amour, ce n’est pas là sa manière. Mais voici ce qu’est l’amour. Quand dans la privation, le dépouillement et le délaissement, on a, au cœur, une ardeur et un tourment constant et continu, sans que pourtant l’on cesse de s’abandonner (à Dieu) ; quand il y a dans le tourment comme une fusion du cœur et, dans la flamme de la privation comme un dessèchement, toujours dans un égal abandon, voilà ce qu’est l’amour. Voilà ce que représente l’allumage de la lanterne ».

Face au sentiment de vide, d’angoisse ou de vanité qui peut nous étreindre, réjouissons-nous ! Car c’est l’invitation à déconstruire nos schémas de réussite antérieurs. C’est l’appel à plus d’intériorité, pour explorer ce fond intime où nous retrouverons la beauté de la divinité enfouie en nous.

 

Se laisser chercher

La femme de la parabole peut donc représenter chacun de nous partant à la recherche de lui-même. Tauler nous avertit d’expérience : aussitôt que l’homme descend en son fond intérieur en bouleversant tout ce qu’il a construit jusque-là, Dieu fait de même ! Il se met lui-même en quête de l’homme éprouvant le manque, et bouleverse tout sur son passage pour aller le rejoindre en ce fond intime :

« Et puis, c’est Dieu qui le cherche : lui aussi met tout sens dessus dessous dans la maison, comme fait celui qui cherche ; il y jette ceci d’un côté, cela d’un autre, jusqu’à ce qu’il ait trouvé ce qu’il cherche : ainsi en arrivera-t-il à cet homme. Quand l’homme est entré dans cette maison et a cherché Dieu dans ce fonds le plus intime, Dieu vient aussi chercher l’homme et bouleverse la maison de fond en comble »

Il y a donc un « lieu » en l’homme (à entendre de manière métaphorique et non de manière substantielle) que Tauler appelle le fond de l’âme, qui est le lieu où Dieu se rend présent à nous et nous pouvons avoir à notre tour accès à lui. En pénétrant dans ce fonds, nous faisons l’expérience d’une intériorité mutuelle entre Dieu et nous.

Voilà une autre interprétation des bouleversements qui chamboulent notre trajectoire à certains moments : et s’ils étaient la trace du mouvement par lequel Dieu se met en quête de nous ? Cette tristesse permanente, cette sensation de vide, ce vertige devant d’autres choix possibles, cette angoisse devant la mort qui s’inscrit à l’horizon, tout cela ne serait-ce pas le signe que Dieu vient me bouleverser de fond en comble pour que je ne me perde pas ?

Maître Eckhart, s’inspirant de la fameuse phrase de l’Apocalypse : « voici que je me tiens à la porte et je frappe » (Ap 3,20), a cette très belle remarque :

« C’est un grand dommage pour l’homme de croire Dieu loin de lui. Que l’homme soit près ou loin, Dieu, lui, ne s’éloigne jamais. Il reste toujours dans le voisinage ; et, s’il ne peut demeurer en nous, il ne va jamais plus loin que l’autre côté de la porte ».

 drachmeLe remède du Docteur Tauler est alors simple, terriblement simple et paradoxal à la fois : il faut tranquillement laisser s’effondrer sur nous la tour de notre suffisance et de notre pharisaïsme et nous abandonner totalement à l’œuvre que, dans cette tourmente, Dieu opère en nous :

« Mon bien cher, laisse-toi couler, couler à pic jusqu’au fond, jusqu’à ton néant et laisse s’écrouler sur toi, avec tous ses étages, la tour (de ta cathédrale de suffisance et de pharisaïsme) ! Laisse-toi envahir par tous les diables de l’enfer ! Le ciel et la terre avec toutes leurs créatures, tout te sera prodigieusement utile ! Laisse-toi tranquillement couler à pic, tu auras alors en partage tout ce qu’il y a de meilleur ».

Dieu choisit juste le moment où nous nous sommes bien installés dans la maison de notre vie pour agir comme une femme qui sème le désordre afin de retrouver sa drachme ; au milieu de notre vie, précisément, nous y sommes bien installés, mais à force d’agir à l’extérieur nous avons perdu la drachme ; Dieu nous plonge alors dans une crise, dans le désordre, pour la retrouver en nous.

Se laisser bouleverser par Dieu est plus important que de remettre très vite les choses à leur place. Se laisser chercher par Dieu est plus sûr que de vouloir résoudre la crise par des exercices spirituels, psychologiques ou paramédicaux…

« Si, dans un absolu et aveugle abandon, tu laissais le Seigneur te chercher et bouleverser ta maison autant qu’il le voudrait et de la manière dont il le voudrait, la drachme serait trouvée d’une façon qui dépasse tout ce que l’homme peut imaginer ou comprendre. Si on se laissait bouleverser ainsi, cela nous mènerait bien plus loin que tous les projets, toutes les œuvres et tous les procédés particuliers que le monde entier peut réaliser extérieurement, sous des formes et dans des œuvres sensibles. Si tu étais un homme bien abandonné, tu ne serais jamais mieux qu’au temps où le Seigneur voudrait te chercher. Cela te suffirait, tu éprouverais la vraie paix. Qu’il te veuille dans l’aveuglement, l’obscurité, la froideur ; qu’il te veuille fervent ou qu’il te veuille pauvre, selon qu’il lui plaît, en toute manière, dans l’avoir ou la privation, quel que soit le moyen qu’il prenne pour te chercher, tu te laisserais trouver.
Comme ils sont heureux ceux qui se laissent chercher et trouver de telle sorte que le Seigneur les introduise en lui !
Puissions-nous tous suivre cette voie ! »

41-8Me890dL._SY291_BO1,204,203,200_QL40_ML2_ Grün« On ne peut pénétrer dans le fond de l’âme par ses propres forces, ni par des efforts ascétiques, ni par l’accumulation de prières, insiste le Père Anselm Grün [1]. Ce n’est pas en faisant, mais en se laissant faire, que l’on peut entrer en contact avec son fond le plus intime ».

« Dans la crise du milieu de vie, il s’agit en somme d’une passation de pouvoir intérieure. Ce n’est plus moi qui dois me diriger, mais Dieu. Car c’est bien Dieu qui est dans la crise, et je ne dois pas Lui faire obstacle, afin qu’Il puisse accomplir son œuvre en moi ».

 

Conclusion

Résumons-nous.
Lorsqu’une crise de sens nous tombe dessus :
– réjouissons-nous, car c’est une invitation à gagner en profondeur et vérité.
– pour cela, commençons courageusement à descendre en notre fond intime, notre intériorité la plus personnelle et la plus spirituelle.
– pendant cette plongée en apnée, il nous faudra chambouler tout notre intérieur, le mettre sens dessus dessous, remettre en cause nos schémas antérieurs.
– plus important encore, laissons Dieu nous chercher. Cela relève davantage d’une passivité spirituelle que d’un volontarisme inquiet. Passivité active, car il s’agit d’ouvrir la porte à Dieu qui frappe, mais passivité d’abord car c’est en écoutant, en méditant, en discernant, en me laissant faire, que je serai conduit peu à peu à ma drachme perdue.

Heureux bouleversement que cette pagaille engendrée par la quête de Dieu en moi !
Heureux bouleversement que cette succession d’états d’âme par lesquelles Dieu me fait passer, pour lui-même chercher et trouver ma drachme perdue !
Soyons cette femme balayant tout son intérieur jusqu’à retrouver sa dignité entière.
Laissons Dieu être cette femme qui met notre intériorité sens dessus dessous pour nous redonner à nous-même en plénitude.

 


[1]. Anselm Grün, La crise du milieu de la vie, une approche spirituelle, Médiaspaul, 2005.

 

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Le Seigneur renonça au mal qu’il avait voulu faire » (Ex 32, 7-11.13-14)

Lecture du livre de l’Exode
En ces jours-là, le Seigneur parla à Moïse : « Va, descends, car ton peuple s’est corrompu, lui que tu as fait monter du pays d’Égypte. Ils n’auront pas mis longtemps à s’écarter du chemin que je leur avais ordonné de suivre ! Ils se sont fait un veau en métal fondu et se sont prosternés devant lui. Ils lui ont offert des sacrifices en proclamant : ‘Israël, voici tes dieux, qui t’ont fait monter du pays d’Égypte.’ »
Le Seigneur dit encore à Moïse : « Je vois que ce peuple est un peuple à la nuque raide. Maintenant, laisse-moi faire ; ma colère va s’enflammer contre eux et je vais les exterminer ! Mais, de toi, je ferai une grande nation. » Moïse apaisa le visage du Seigneur son Dieu en disant : « Pourquoi, Seigneur, ta colère s’enflammerait-elle contre ton peuple, que tu as fait sortir du pays d’Égypte par ta grande force et ta main puissante ? Souviens-toi de tes serviteurs, Abraham, Isaac et Israël, à qui tu as juré par toi-même : ‘Je multiplierai votre descendance comme les étoiles du ciel ; je donnerai, comme je l’ai dit, tout ce pays à vos descendants, et il sera pour toujours leur héritage.’ » Le Seigneur renonça au mal qu’il avait voulu faire à son peuple.

PSAUME
(Ps 50 (51), 3-4, 12-13, 17.19)
R/ Oui, je me lèverai, et j’irai vers mon Père.
 (Lc 15, 18)

Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour,
selon ta grande miséricorde, efface mon péché.
Lave-moi tout entier de ma faute,
purifie-moi de mon offense.

Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu,
renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit.
Ne me chasse pas loin de ta face,
ne me reprends pas ton esprit saint.

Seigneur, ouvre mes lèvres,
et ma bouche annoncera ta louange.
Le sacrifice qui plaît à Dieu, c’est un esprit brisé ;
tu ne repousses pas, ô mon Dieu, un cœur brisé et broyé.

DEUXIÈME LECTURE
« Le Christ Jésus est venu dans le monde pour sauver les pécheurs » (1 Tm 1, 12-17)

Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre à Timothée
Bien-aimé, je suis plein de gratitude envers celui qui me donne la force, le Christ Jésus notre Seigneur, car il m’a estimé digne de confiance lorsqu’il m’a chargé du ministère, moi qui étais autrefois blasphémateur, persécuteur, violent. Mais il m’a été fait miséricorde, car j’avais agi par ignorance, n’ayant pas encore la foi ; la grâce de notre Seigneur a été encore plus abondante, avec la foi, et avec l’amour qui est dans le Christ Jésus.
Voici une parole digne de foi, et qui mérite d’être accueillie sans réserve : le Christ Jésus est venu dans le monde pour sauver les pécheurs ; et moi, je suis le premier des pécheurs. Mais s’il m’a été fait miséricorde, c’est afin qu’en moi le premier, le Christ Jésus montre toute sa patience, pour donner un exemple à ceux qui devaient croire en lui, en vue de la vie éternelle. Au roi des siècles, au Dieu immortel, invisible et unique, honneur et gloire pour les siècles des siècles. Amen.

ÉVANGILE
« Il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit » (Lc 15, 1-32)
Alléluia. Alléluia. 
Dans le Christ, Dieu réconciliait le monde avec lui : il a mis dans notre bouche la parole de la réconciliation. Alléluia. (cf. 2 Co 5, 19)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ce temps-là, les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l’écouter. Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui : « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux ! » Alors Jésus leur dit cette parabole : « Si l’un de vous a cent brebis et qu’il en perd une, n’abandonne-t-il pas les 99 autres dans le désert pour aller chercher celle qui est perdue, jusqu’à ce qu’il la retrouve ? Quand il l’a retrouvée, il la prend sur ses épaules, tout joyeux, et, de retour chez lui, il rassemble ses amis et ses voisins pour leur dire : ‘Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé ma brebis, celle qui était perdue !’ Je vous le dis : C’est ainsi qu’il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit, plus que pour 99 justes qui n’ont pas besoin de conversion.
Ou encore, si une femme a dix pièces d’argent et qu’elle en perd une, ne va-t-elle pas allumer une lampe, balayer la maison, et chercher avec soin jusqu’à ce qu’elle la retrouve ? Quand elle l’a retrouvée, elle rassemble ses amies et ses voisines pour leur dire : ‘Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé la pièce d’argent que j’avais perdue !’ Ainsi je vous le dis : Il y a de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se convertit. »
Jésus dit encore : « Un homme avait deux fils. Le plus jeune dit à son père : ‘Père, donne-moi la part de fortune qui me revient.’ Et le père leur partagea ses biens. Peu de jours après, le plus jeune rassembla tout ce qu’il avait, et partit pour un pays lointain où il dilapida sa fortune en menant une vie de désordre. Il avait tout dépensé, quand une grande famine survint dans ce pays, et il commença à se trouver dans le besoin. Il alla s’engager auprès d’un habitant de ce pays, qui l’envoya dans ses champs garder les porcs. Il aurait bien voulu se remplir le ventre avec les gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui donnait rien. Alors il rentra en lui-même et se dit : ‘Combien d’ouvriers de mon père ont du pain en abondance, et moi, ici, je meurs de faim ! Je me lèverai, j’irai vers mon père, et je lui dirai : Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils. Traite-moi comme l’un de tes ouvriers.’ Il se leva et s’en alla vers son père. Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut saisi de compassion ; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers. Le fils lui dit : ‘Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils.’ Mais le père dit à ses serviteurs : ‘Vite, apportez le plus beau vêtement pour l’habiller, mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds, allez chercher le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons, car mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé.’ Et ils commencèrent à festoyer.
Or le fils aîné était aux champs. Quand il revint et fut près de la maison, il entendit la musique et les danses. Appelant un des serviteurs, il s’informa de ce qui se passait. Celui-ci répondit : ‘Ton frère est arrivé, et ton père a tué le veau gras, parce qu’il a retrouvé ton frère en bonne santé.’ Alors le fils aîné se mit en colère, et il refusait d’entrer. Son père sortit le supplier. Mais il répliqua à son père : ‘Il y a tant d’années que je suis à ton service sans avoir jamais transgressé tes ordres, et jamais tu ne m’as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. Mais, quand ton fils que voilà est revenu après avoir dévoré ton bien avec des prostituées, tu as fait tuer pour lui le veau gras !’ Le père répondit : ‘Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. Il fallait festoyer et se réjouir ; car ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé ! »
Patrick BRAUD

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3 mai 2020

Gestion de crise

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Gestion de crise 


Homélie du 5° Dimanche de Pâques / Année A
10/05/2020

Cf. également :

Que connaissons-nous vraiment les uns des autres ?
Le but est déjà dans le chemin
La pierre angulaire : bâtir avec les exclus, les rebuts de la société
De l’achat au don
Quand Dieu appelle
La gestion des conflits

Suivons notre première lecture (Ac 6, 1-7) qui nous raconte comment une grave crise a secoué l’Église naissante de Jérusalem. Découvrons au fil du texte les éléments et les étapes qui ont permis de surmonter cette crise.

Le nombre de chrétiens peut être un problème
Évidemment, en Occident aujourd’hui, on a un peu perdu de vue ce genre ce souci-là… Mais allez visiter les Églises d’Afrique noire : elles croulent sous le nombre de catéchumènes adultes, de catéchèses d’enfants, de pratiquants remplissant les lieux de culte toutes les heures le dimanche matin dès l’aube… Devant un tel afflux, bien des problèmes se posent. La question de l’authenticité du désir de devenir chrétien par exemple. Les Pères de l’Église au IV° siècle (après l’édit de Constantin) étaient presque nostalgiques des temps des persécutions où demander le baptême était un acte de vie ou de mort. Les ermites fuyaient la tiédeur chrétienne envahissante des villes ; ils ont ainsi ouvert la voie au monachisme, en Égypte et ailleurs. Notre première lecture nous raconte que dès le début, « le nombre des disciples augmentait », provoquant dissensions et récriminations (« murmures », comme dans le désert contre Moïse). Ici, le problème est à la fois ethnique (les Grecs se sentent discriminés) et éthique (les veuves, c’est-à-dire les plus pauvres du groupe, sont désavantagées).

La croissance numérique est une chance mais également une épreuve pour la toute naissante Église de Jérusalem. Ne rêvons pas la santé spirituelle des jeunes Églises de ce siècle : le nombre n’est pas une garantie de vérité, de droiture, de justice. C’est même un piège dans lequel l’Occident est tombé et a largement pataugé. Avec le nombre, l’Église s’enivre de devenir puissante et riche. Avec le nombre, elle veut contrôler toute la vie sociale pour y imposer sa morale, son rythme temporel, sa vision du monde. Avec le nombre, les conflits ethniques importés dans les communautés chrétiennes deviennent explosifs, les injustices se multiplient.

À confondre croissance spirituelle et croissance numérique, les désillusions peuvent être cruelles et les lendemains douloureux. Le cléricalisme des prêtres se comportant comme des chefs de clan engendrera des réactions violentes, la richesse accumulée témoignera contre l’institution ecclésiale, la domination exercée sur les esprits se paiera en rejet indigné et en athéisme généralisé etc. Ne soyons donc pas idolâtres du nombre (de baptêmes, d’ordinations, d’écoles catholiques etc.) mais soyons d’autant plus exigeants que davantage de gens se tournent vers le Christ. La tentation d’une Église minoritaire est le repli identitaire, l’illusion d’être une Église de purs. La tentation d’une Église majoritaire est la tiédeur, la compromission, la domination sociale, la reproduction des injustices et des oppositions en son sein.

Les trois péchés de l’Église naissante

Les ennuis s’accumulent ! Les veuves grecques récriminent parce qu’elles se sentent désavantagées. Les oppositions ethniques (grec vs hébreux ici) sont transposées dans la communauté, contredisant ainsi sa vocation de fraternité universelle. Les injustices se multiplient, parce que dans l’entraide on avantage certains et pas d’autres. Et enfin la division commence à ruiner la communauté, s’alimentant de ces conflits ethniques et de ces injustices criantes.
La crise est donc triple : ethnique, éthique, ecclésiale.

Péché ethnique

Gestion de crise dans Communauté spirituelle 414B7sR04QL._SX258_BO1,204,203,200_Rappelons-nous que l’ensemble du Rwanda était considéré comme chrétien avant que le génocide montre des chrétiens exterminant d’autres chrétiens avec qui il avait chanté et  communié le dimanche précédent à l’église. Souvenons-nous que l’Allemagne avant Hitler était considérée comme chrétienne (luthérienne et catholique), sans que cela empêche le peuple de haïr les juifs et de plébisciter leur Führer jusqu’à la fin. Ou encore que l’Église protestante d’Afrique du Sud a légitimé l’apartheid Bible en main jusqu’à sa chute.

Ce péché ethnique des Églises locales pèse lourd, contre-témoignage flagrant qui éloigne les générations suivantes pour longtemps, non sans raison.

 

Péché éthique

Le péché éthique de l’Église n’est pas moins dramatique. Pour avoir négligé les pauvres du royaume de France au profit des évêques, des puissantes abbayes et des princes, l’Église de France sous l’Ancien Régime a fait monter la colère révolutionnaire du bas clergé et du Tiers État contre cette insolence matérielle étalée sous les yeux du peuple criant famine. Les vandalismes des cathédrales, monastères et autres propriétés d’Église à partir de 1789 expriment le ressentiment des délaissés de l’institution ecclésiale. Prenons garde aujourd’hui encore de par le monde à ne pas désavantager les plus pauvres dans notre vie ecclésiale ! Ils ne nous le pardonneront pas ; et nous nous renierions nous-mêmes.

 

Péché ecclésial

Le dernier péché de la communauté de Jérusalem est ecclésial : ces dissensions abîment la communion fraternelle qui est la vocation même de l’Église. Vatican II la définit comme « le sacrement de la communion trinitaire » (CEC 747 ; 1108) : c’est donc que chacun, quelles que soient ses opinions et même ses croyances, doit pouvoir trouver en elle un avant-goût de la communion qui unit le Père au Fils dans l’Esprit. Les divisions, les clans et les fractures compromettent gravement l’identité même de l’Église, son témoignage. Comment croire que Dieu est Un si les relations des chrétiens entre eux ne reflètent pas – au moins partiellement – cette communion d’amour fondatrice. ?

 

La gestion de la crise
Cette expression nous parle, en cette période de pandémie Coronavirus…
Ac 6 nous livre un processus de gestion de crise exemplaire, dont nous pourrions nous inspirer pour les crises actuelles.
Que faire ?

Conile de Jérusalem - Sanhédrin- D’abord, il faut reconnaître le problème, et oser le nommer. Au lieu de minorer le nombre de morts comme la Chine au début de la crise, au lieu de traiter de « grippounette » la maladie, au lieu d’afficher une confiance imperturbable en l’économie ( -0,1% du PIB français nous disait-on au début !), de « masquer » le nombre de protections disponibles etc., mieux vaut dire la vérité et exposer clairement les difficultés et les enjeux à tous. En tout cas c’est ce que font les Douze, en convoquant l’assemblée (« tous les disciples ») pour leur exposer la situation telle qu’elle est.

Devant une crise, plusieurs attitudes sont possibles. On peut l’exacerber jusqu’au conflit, jusqu’à la rupture (l’histoire des schismes est longue…). On peut nier le problème en l’ensevelissant sous des discours lénifiants (du style : « soyez gentils, soyez patients, tout finira bien par s’arranger »), irréalistes (« mais non, tout va bien »), lénifiants (« Dieu nous envoie cette épreuve »)… Visiblement, ce ne sont pas ces dénis de la crise que choisit la communauté de Jérusalem ! Les Douze convoquent la « foule » des disciples : ils ont conscience de porter la difficulté devant toute la communauté ; c’est la grande assemblée convoquée (ek-klesia en hébreu) qui doit permettre de surmonter la crise (et pas un petit comité d’experts). Dans cette assemblée, il y a des débats, des prises de parole faisant autorité (c’est à dire recueillant un consensus) où les Douze jouent leur rôle, et font jouer un rôle actif à la « foule » (choisir 7 hommes à appeler, prier…). Le dénouement indique que l’Esprit agissait dans l’Église lors de la gestion de cette crise : l

Ne pas tricher, ne pas mentir à son peuple, ne pas minorer ni surjouer l’épreuve : l’attitude des Douze est celle de responsables qui savent avoir besoin de tous pour dépasser la crise. Ainsi, la Parole du Seigneur reprend sa croissance numérique sans compromission…

- Puis il faut proposer des solutions en y impliquant tout le monde.
Les Douze font preuve de créativité et d’imagination en proposant d’établir sept hommes  pour le service des pauvres. Jésus n’avait jamais demandé cela. Leur lavant les pieds, il avait certes demandé à toute l’Église de rester en tenue de service. C’est l’intelligence pratique des Douze qui leur font donc inventer les ministères des Sept, qui deviendra le ministère diaconal. Or, ces Sept-là, Jésus ne les avait pas suscités. C’est l’Esprit (via la prière, l’imposition des mains, le consensus…) qui, au cœur des débats de l’Église convoquée, fait surgir des appels nouveaux pour des temps nouveaux.

Pourquoi ne pas continuer à pratiquer cette même créativité, en matière de ministères notamment, sous l’impulsion de l’Esprit Saint ? Pourquoi ne pas appeler aujourd’hui des femmes à ce ministère diaconal ? Ou inventer d’autres formes de charges pastorales adaptées aux situations locales (comme l’ont fait par exemple au XIX° siècle les Pères Blancs avec les catéchistes laïcs en Afrique noire ) ?

Dans le choix des Sept, il faut souligner l’implication active de la communauté. Ce ne sont pas les Douze qui choisissent, mais tout le monde. « On » (= tous) présente aux apôtres sept hommes, qui a priori ne sont pas candidats eux-mêmes (pas d’élections, pas de campagne électorale) mais qu’on appelle. « Nous avons besoin d’hommes comme vous pour résoudre la crise et pour maintenir notre Église servante et fraternelle. Acceptez-vous ? Nous sommes libres de vous appeler. Vous êtes libres de dire oui ou non. » Autrement dit, la vocation à ce ministère diaconal (comme au ministère presbytéral) ne relève pas d’abord du désir individuel de candidats qui se proposeraient d’eux-mêmes, mais du discernement de la communauté qui choisit, appelle et présente aux apôtres ceux qu’elle désire établir diacres. Pastorale des vocations et qualité de vie communautaire sont liées, dirait-on aujourd’hui. Au lieu de réduire la vocation à un parcours individuel où quelqu’un se sentirait appelé par Dieu en direct, les Actes des Apôtres nous montrent l’appel pratiqué par une communauté, en fonction de ses besoins.

Beaucoup de nos dérives cléricales viennent d’un certain gauchissement de cette procédure d’appel…

Si on transpose sur le plan politique (ou sanitaire), l’adhésion, l’implication et la participation de tous aux mesures d’urgence se révèle être une condition indispensable pour l’efficacité des décisions prises. Ce qui demande d’élaborer ces décisions avec ceux qui sont sur le terrain, et non pas au-dessus d’eux ou contre eux (cf. les déplorables polémiques sur la chloroquine, ou sur les masques etc.). La co-construction des chemins de sortie de crise ne sera jamais remplacée par l’opinion – au demeurant utile – des experts ou de la technostructure. C’est quelquefois plus long (quoique, avec les moyens numériques contemporains, on peut aller aussi vite que la communauté de Jérusalem pour choisir les Sept !). Mais sans l’adhésion, la participation et l’engagement de tous, les décisions prises au sommet seront inopérantes, voire contre-productives. Un exemple parmi d’autres : dès le début la crise, la Direction Générale d’un géant de la grande distribution (Auchan) a annoncé très vite une prime de 1000 € pour les salariés en magasin, c’est-à-dire en première ligne pour nourrir les habitants, exposés à la contamination. Décision patronale pour une fois saluée  unanimement par tous, syndicats y compris, comme une reconnaissance du travail accompli par ces héros de l’ordinaire (même si des masques, des gants, des protections auraient été utiles dès les premières semaines en magasin…). Las ! La mise en œuvre de cette décision passe par les mains de la Direction des Ressources Humaines ou plutôt de ses techniciens qui raisonnent en frais de personnel. Ils décident alors - selon une logique toute comptable - de proratiser cette prime en fonction du temps de travail. Tollé chez les syndicats, émotion dans l’opinion publique, incompréhension des salariés pour qui le risque de contamination n’est pas proportionnel à leur temps de présence au contact des clients… Et voilà comment une bonne décision à l’origine est ‘gâtée’ (comme on dirait en Afrique !) par une mise en œuvre d’une technostructure soi-disant experte (et donc croyant n’avoir pas besoin de concertation avec le terrain)… Un vrai gâchis !

image BAPTEME EUCHARISTIE MINISTERE

Bref : articuler le communautaire (tout le monde), le collégial (les Douze), et le personnel (cf. le rôle de Pierre dans les autres résolutions de conflits comme Ac 15 etc.) demeurent un triptyque indispensable à toute gestion de crise, à toute action politique authentiquement humaine [1].

La fin du récit d’Actes 6 montre la résolution du conflit et ses conséquences : la croissance reprend, cette fois-ci qualitative et quantitative, et même les prêtres juifs (les Cohen) embrassent la foi au Christ (ce qui posera d’autres problèmes plus tard, comme la sacerdotalisation du ministère presbytéral… mais ceci est une autre histoire !).
La foi peut se nourrir des crises pour grandir.
On pourrait presque poser un regard hégélien sur cet épisode des Sept à Jérusalem. La crise est utile en ce sens qu’elle force la communauté à affronter ses conflits internes, à progresser dans la compréhension de sa vocation, à inventer de nouveaux chemins pour surmonter les contradictions présentes. La crise comme moteur de l’histoire en somme ! Cette Aufhebung [2] ecclésiale n’est pas unique dans les Actes des Apôtres : relisez le remplacement de Judas par Matthias, l’hypocrisie d’Ananie et Saphire, la visite de Pierre chez le centurion Corneille, le conflit sur la circoncision ou sur les nourritures interdites, les algarades entre Pierre et Paul sur ces sujets, la séparation de Paul avec Barnabé, le reniement de certains par peur des persécutions etc.

Affronter les crises avec le livre des Actes comme mode d’emploi est sain, utile, nécessaire.
Au lieu de nous lamenter des conflits qui traversent notre Église ou notre société, apprenons donc à les déchiffrer autrement : comme une invitation à progresser « vers la vérité tout entière » en nous réformant sans cesse, grâce au courage et à l’imagination que l’Esprit ne cesse de souffler à son Église, à la société.

 


[1]. « Le ministère ordonné devrait être exercé selon un mode personnel, collégial et communautaire.
Le ministère ordonné doit être exercé selon un mode personnel.
Une personne ordonnée pour proclamer l’Évangile et appeler la communauté à servir le Seigneur dans l’unité de la vie et du témoignage manifeste le plus effectivement la présence du Christ au milieu de son peuple.
Le ministère ordonné doit être exercé selon un mode collégial, c’est-à-dire qu’il faut qu’un collège de ministres ordonnés partage la tâche de représenter les préoccupations de la communauté.
Finalement, la relation étroite entre le ministère ordonné et la communauté doit trouver son expression dans une dimension communautaire, c’est-à-dire que l’exercice du ministère ordonné doit être enraciné dans la vie de la communauté et qu’il requiert sa participation effective dans la recherche de la volonté de Dieu et de la conduite de l’Esprit », Document œcuménique Baptême-Eucharistie-Ministère, n° 26, 1982.

[2]. Terme de la philosophie hégélienne qui désigne la troisième étape de la dialectique  thèse/antithèse/synthèse, soit l’intégration et le dépassement de la contradiction dans un niveau de pensée supérieur.

 

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Ils choisirent sept hommes remplis d’Esprit Saint » (Ac 6, 1-7)

Lecture du livre des Actes des Apôtres
En ces jours-là, comme le nombre des disciples augmentait, les frères de langue grecque récriminèrent contre ceux de langue hébraïque, parce que les veuves de leur groupe étaient désavantagées dans le service quotidien. Les Douze convoquèrent alors l’ensemble des disciples et leur dirent : « Il n’est pas bon que nous délaissions la parole de Dieu pour servir aux tables. Cherchez plutôt, frères, sept d’entre vous, des hommes qui soient estimés de tous, remplis d’Esprit Saint et de sagesse, et nous les établirons dans cette charge. En ce qui nous concerne, nous resterons assidus à la prière et au service de la Parole. » Ces propos plurent à tout le monde, et l’on choisit : Étienne, homme rempli de foi et d’Esprit Saint, Philippe, Procore, Nicanor, Timon, Parménas et Nicolas, un converti au judaïsme, originaire d’Antioche. On les présenta aux Apôtres, et après avoir prié, ils leur imposèrent les mains. La parole de Dieu était féconde, le nombre des disciples se multipliait fortement à Jérusalem, et une grande foule de prêtres juifs parvenaient à l’obéissance de la foi.

PSAUME
(Ps 32 (33), 1-2, 4-5, 18-19)
R/ Que ton amour, Seigneur, soit sur nous, comme notre espoir est en toi !ou : Alléluia ! (Ps 32, 22)

Criez de joie pour le Seigneur, hommes justes !
Hommes droits, à vous la louange !
Rendez grâce au Seigneur sur la cithare,
jouez pour lui sur la harpe à dix cordes.

Oui, elle est droite, la parole du Seigneur ;
il est fidèle en tout ce qu’il fait.
Il aime le bon droit et la justice ;
la terre est remplie de son amour.

Dieu veille sur ceux qui le craignent,
qui mettent leur espoir en son amour,
pour les délivrer de la mort,
les garder en vie aux jours de famine.

DEUXIÈME LECTURE
« Vous êtes une descendance choisie, un sacerdoce royal » (1 P 2, 4-9)

Lecture de la première lettre de saint Pierre apôtre
Bien-aimés, approchez-vous du Seigneur Jésus : il est la pierre vivante rejetée par les hommes, mais choisie et précieuse devant Dieu. Vous aussi, comme pierres vivantes, entrez dans la construction de la demeure spirituelle, pour devenir le sacerdoce saint et présenter des sacrifices spirituels, agréables à Dieu, par Jésus Christ. En effet, il y a ceci dans l’Écriture : Je vais poser en Sion une pierre angulaire,une pierre choisie, précieuse ;celui qui met en elle sa foine saurait connaître la honte. Ainsi donc, honneur à vous les croyants, mais, pour ceux qui refusent de croire, il est écrit : La pierre qu’ont rejetée les bâtisseursest devenue la pierre d’angle,une pierre d’achoppement,un rocher sur lequel on trébuche. Ils achoppent, ceux qui refusent d’obéir à la Parole, et c’est bien ce qui devait leur arriver. Mais vous, vous êtes une descendance choisie, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple destiné au salut, pour que vous annonciez les merveilles de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière.

ÉVANGILE
« Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14, 1-12)
Alléluia. Alléluia. Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie, dit le Seigneur. Personne ne va vers le Père sans passer par moi. Alléluia. (Jn 14, 6)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Que votre cœur ne soit pas bouleversé : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures ; sinon, vous aurais-je dit : ‘Je pars vous préparer une place’ ? Quand je serai parti vous préparer une place, je reviendrai et je vous emmènerai auprès de moi, afin que là où je suis, vous soyez, vous aussi. Pour aller où je vais, vous savez le chemin. » Thomas lui dit : « Seigneur, nous ne savons pas où tu vas. Comment pourrions-nous savoir le chemin ? » Jésus lui répond : « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ; personne ne va vers le Père sans passer par moi. Puisque vous me connaissez, vous connaîtrez aussi mon Père. Dès maintenant vous le connaissez, et vous l’avez vu. » Philippe lui dit : « Seigneur, montre-nous le Père ; cela nous suffit. » Jésus lui répond : « Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe ! Celui qui m’a vu a vu le Père. Comment peux-tu dire : ‘Montre-nous le Père’ ? Tu ne crois donc pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ! Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même ; le Père qui demeure en moi fait ses propres œuvres. Croyez-moi : je suis dans le Père, et le Père est en moi ; si vous ne me croyez pas, croyez du moins à cause des œuvres elles-mêmes. Amen, amen, je vous le dis : celui qui croit en moi fera les œuvres que je fais. Il en fera même de plus grandes, parce que je pars vers le Père »
Patrick BRAUD

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15 avril 2020

Le bienfait collatéral de la crise

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 8 h 00 min

Le bienfait collatéral de la crise

 

Bien sûr il y a la souffrance des malades, des ventilés qui cherchent leur souffle sur leur lit de réanimation, des familles en deuil qui ne peuvent dire adieu…
Mais il y a également les familles qui sont réunies avec de grands enfants étudiants, les innombrables dévouements ordinaires pour soigner, nourrir, nettoyer, sécuriser etc.
Cette crise – comme toutes les crises – charrie son lot de malheurs et de découvertes, de blessures et de renaissances.

Je voudrais vous citer longuement une romancière, Christiane Singer, qui nous livre quelques éléments fort précieux pour considérer autrement cette période, dans un essai qui s’intitule justement “ du bon usage des crises ”, publié il y a déjà 24 ans.

 

Du bon usage des crises.

Le bienfait collatéral de la crise dans Communauté spirituelle 51dhQ9p6ueL._SX300_BO1,204,203,200_Ne soyons pas mesquins, et disons du bon usage des [déluges], crises, catastrophes, drames, naufrages divers. J’ai gagné la certitude, en cours de route, que les catastrophes sont là pour nous éviter le pire. Et le pire, comment pourrais-je exprimer ce qu’est le pire ? Le pire, c’est bel et bien d’avoir traversé la vie sans naufrages, d’être resté à la surface des choses, d’avoir dansé au bal des ombres, d’avoir pataugé dans ce marécage des on-dit, des apparences, de n’avoir jamais été précipité dans une autre dimension. Les crises, dans la société où nous vivons, sont vraiment ce qu’on a encore trouvé de mieux, à défaut de maître [spirituel], quand on n’en a pas à portée de la main, pour entrer dans l’autre dimension.

Dans notre société, toute l’ambition, toute la concentration est de nous détourner, de détourner notre attention de tout ce qui est important. Un système de fils barbelés, d’interdits pour ne pas avoir accès à notre profondeur.

C’est une immense conspiration, la plus gigantesque conspiration d’une civilisation contre l’âme, contre l’esprit. Dans une société où tout est barré, où les chemins ne sont pas indiqués pour entrer dans la profondeur, il n’y a que la crise pour pouvoir briser ces murs autour de nous. La crise qui sert en quelque sorte de bélier pour enfoncer les portes de ces forteresses où nous nous tenons murés, avec tout l’arsenal de notre personnalité, tout ce que nous croyons être.

Récemment sur une autoroute périphérique de Berlin où il y a de terribles embouteillages, un tagueur de génie avait inscrit sur un pont la formule suivante [...] : “Détrompe-toi, tu n’es pas dans un embouteillage, l’embouteillage, c’est toi !”

Nous sommes tous spécialisés dans l’esquive, dans le détournement, dans le “divertissement” tel que le voyait Pascal. [...] J’ai rencontré, voilà quatre jours, en faisant une conférence à Vienne, une femme ; et c’est une belle histoire qu’elle m’a racontée qui exprime cela à la perfection. Elle me disait, à la perte de son unique enfant, avoir été pendant des mois et des mois ravagée de larmes et de désespoir, et un jour, elle s’est placée devant un miroir, et elle a dit :  “Voilà le visage ravagé d’une femme qui a perdu son enfant unique”, et à cet instant, dans cette fissure, cette seconde de non-identification, où un être sort d’un millimètre de son désastre et le regarde, s’est engouffré la grâce. Dans cet instant, dans une espèce de joie indescriptible, elle a su : “Mais nous ne sommes pas séparés”, et avec cette certitude, le déferlement d’une joie indescriptible qu’exprimait encore son visage. C’était une femme rayonnante de cette plénitude et de cette présence qu’engendre la traversée du désastre”.

« Comment se joue la crise ? On pourrait utiliser ce mot de retournement, de renversement. Qu’est-ce qui se passe dans la crise ? Il se passe à peu près ceci qu’une voix s’adresse à vous, et vous dit : « Tu as construit une vie, oui bravo, eh bien détruis-la ; tu as construit une personnalité, formidable, bravo, détruis-la ; tu t’es battu, tu as été courageux, un courage extraordinaire, mais l’heure de la reddition est venue, à genoux ! ». Ou encore, comme pour Abraham : « Tu as mis un fils au monde, bravo, rends-le moi ! ». Tous ces moments de l’intolérable, de l’inacceptable, qui dans l’ordre des choses vécues, dans l’ordre de l’immédiat sont le scandale absolu ! Rends-moi ce que je t’ai donné ! Pour moi la plus extraordinaire histoire qui les symbolise toutes est celle de Job. J’adore cette histoire de Job, j’y reviens toujours. Job a été vraiment le serviteur de Dieu, l’homme de tous les succès. Une vie accomplie, entourée de richesse, de troupeaux de bœufs, ses femmes, ses fils, ses serviteurs, une richesse que Dieu bénie. Ce même homme, Job maudit, Job sur son tas d’immondices qui gratte ses ulcères, Job qui ne lâche pas prise, qui dit : « Je m’adresserai à Toi mon Dieu, jusqu’à ce que Tu m’expliques la raison qui me ferait accepter l’inacceptable, j’attends de Toi une réponse qui me convainque ». Et cette interrogation qui le pousse pendant des jours et des semaines et des mois, à ne pas lâcher prise et cette phrase qui est pour moi une des phrases les plus poignantes : « Pourquoi ne peux-Tu pas donner raison à l’homme contre Toi-même ? ».

Aussi longtemps que Job demande à Dieu de paraître devant lui, et de lui expliquer l’inexplicable, de lui dire la raison de toute cette horreur, de tout ce désespoir, de tout ce désastre d’une existence : « Viens ! Viens, je n’ai plus que la peau sur les os lui dit-il, viens, parle-moi ». Dieu ne vient pas, Dieu ne parle pas. Arrivent tous les amis, tous les copains, les thérapeutes, qui lui expliquent : « Écoute, je suis persuadé que tu as fait une erreur, écoute, réfléchis, souviens-toi ! » Mais Job ne les écoute pas.  »

Christiane SINGER, Du bon usage des crises, éditions Albin Michel, 1996

 

Dans les six derniers mois de sa vie, en 2006, Christiane Singer affronte le cancer qui devait l’emporter et tient un journal publié sous le titre : Derniers fragments d’un long voyage, dans lequel elle écrit ceci :

« Les Vivants n’ont pas d’âge. Seuls les morts-vivants comptent les années et s’interrogent fébrilement sur les dates de naissance des voisins. Quant à ceux qui voient dans la maladie un échec ou une catastrophe, ils n’ont pas encore commencé à vivre. Car la vie commence au lieu où se délitent les catégories. C’est un immense espace de liberté. (…) On peut aussi monter en maladie vers un chemin d’initiation, à l’affût des fractures qu’elle opère dans tous les murs qui nous entourent, des brèches qu’elle ouvre vers l’infini. Elle devient alors l’une des plus hautes aventures de la vie. Si tant est que quelqu’un veuille me la disputer, je ne céderais pas ma place pour un empire ».

 

 

Nota Bene :

Il faut garder à l’esprit l’échelle du nombre de morts par grande cause dans le monde.
Où l’on voit que les autres épidémies beaucoup plus meurtrières n’émeuvent pas grand monde en comparaison du coronavirus; pourquoi ?….

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3 avril 2020

Que ferons-nous de cette épreuve ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 18 h 23 min

Que ferons-nous de cette épreuve ?


Image saisissante et unique dans l’histoire de Rome : le 27 Mars, le pape, tout seul au milieu de l’esplanade du Vatican, prie à haute voix pour l’humanité affrontée à la tempête de la pandémie. Fidèle à la tradition chrétienne qui voit dans toute crise un appel à la conversion, François nous invite à faire le tri, à filtrer (crisis = tamis en grec) l’essentiel de l’accessoire à la lumière des événements liés au Coronavirus :

« Le soir venu » (Mc 4, 35). Ainsi commence l’Évangile que nous avons écouté. Depuis des semaines, la nuit semble tomber. D’épaisses ténèbres couvrent nos places, nos routes et nos villes ; elles se sont emparées de nos vies en remplissant tout d’un silence assourdissant et d’un vide désolant, qui paralyse tout sur son passage : cela se sent dans l’air, cela se ressent dans les gestes, les regards le disent. Nous nous retrouvons apeurés et perdus. Comme les disciples de l’Évangile, nous avons été pris au dépourvu par une tempête inattendue et furieuse. Nous nous nous rendons compte que nous nous trouvons dans la même barque, tous fragiles et désorientés, mais en même temps tous importants et nécessaires, tous appelés à ramer ensemble, tous ayant besoin de nous réconforter mutuellement. Dans cette barque… nous nous trouvons tous. Comme ces disciples qui parlent d’une seule voix et dans l’angoisse disent : « Nous sommes perdus » (v. 38), nous aussi, nous nous nous apercevons que nous ne pouvons pas aller de l’avant chacun tout seul, mais seulement ensemble » (Moment extraordinaire de prière en temps d’épidémie, présidée par le pape François, Parvis de la basilique Saint-Pierre, Vendredi 27 mars 2020).

Le pape François prononce la traditionnelle bénédiction \"Urbi et Orbi\" devant une place Saint-Pierre totalement vide à cause de la pandémie de coronavirus, vendredi 27 mars 2020.

Il n’est pas trop tôt - sans nous démobiliser du combat actuel - pour évoquer quelques pistes où changer d’habitudes va devenir vital. C’est encore un peu une liste à la Prévert, car ce n’est qu’après coup que nous verrons réellement se dessiner les lignes de force du monde nouveau façonné par cette épreuve. Mais s’y préparer dès maintenant n’est pas inutile pour le faire advenir.

Voici quelques chantiers, trop rapidement listés, qui devrait nous occuper après l’épidémie, si nous voulons qu’elle soit utile malgré tout.

 

1.   Reconsidérer la nature, « alliée hostile » de l’homme.

Coronavirus : le jour où les animaux se révoltèrent contre les humains…Tout a commencé lorsque des hommes, sur des marchés chinois douteux et humides (« wet markets ») ont acheté chauve-souris et pangolin. Le Covid 19 relève donc de ce qu’on appelle une zoonose, une maladie d’origine animale qui se transmet à l’homme (comme le SRAS et Ebola). Certains en tirent la conclusion qu’il y a continuité entre animaux et humains, et même une certaine hybridation. D’autres pensent au contraire que l’abolition de la frontière naturelle entre l’humain et l’animal peut causer notre perte. Les vegan et antispécistes suivront le premiers avis et souligneront la continuité du vivant, la communauté de destin entre les êtres sensibles. Les humanistes préféreront la deuxième interprétation, rappelant que les interdits culinaires sont tout autant structurants que l’interdit de l’inceste ou du meurtre dans les civilisations traditionnelles : l’homme doit maintenir une distance avec l’animal s’il veut survivre, physiquement comme moralement.

Plus généralement, nous redécouvrons que la nature est très souvent hostile à l’homme, et pas seulement à cause de ses errements. Nos ancêtres préhistoriques vivaient peu d’années, confrontés au froid glaciaire, aux animaux dangereux, à des famines, des sécheresses, des conditions de survie épouvantables dont ils n’étaient pas responsables. Domestiquer la nature inhospitalière a été la grande affaire des premiers millénaires de l’humanité, on l’oublie trop facilement. L’écologie moderne ne peut reposer sur une vision naïve de notre environnement naturel. Il nous manque pour cela une philosophie de la nature, que les notions de droit naturel ou de loi naturelle assuraient autrefois, et qui sont à refonder aujourd’hui.

Comme la grippe espagnole de 1919 ou la grande peste du XIV° siècle, la pandémie du Covid 19 nous réapprend notre fragilité, notre insignifiance aux yeux de l’univers : une bestiole microscopique peut nous décimer sans que les étoiles s’en émeuvent un instant.

La nature est certes une alliée, une amie prodiguant ressources et beauté. Mais c’est une alliée hostile, devant laquelle la moindre défaillance de vigilance de notre part se paie cash.

 

2. Revaloriser les métiers au bas de l’échelle des salaires.

Au Super U de Châteaubourg, les hôtesses de caisses sont séparées des clients par une protection en plexiglas.Nous célébrons tous - à juste titre -l’héroïsme ordinaire des soignants en les applaudissant à nos fenêtres à 20 heures chaque soir. Cette reconnaissance s’étend également aux hôtesses de caisse, aux employés des hypers et supermarchés sans lesquels nous mourrions de fin : ils risquent leur vie derrière leur mince plexiglas en caisses ou leur masque - quand ils en ont - en rayons. Sans oublier les éboueurs qui continuent à travailler pour notre hygiène, alors que les poubelles regorgent de sources de contamination. Et encore les routiers, la logistique, les policiers, les aides à domicile, les pompiers… C’est la revanche des métiers les plus humbles, et souvent les plus mal payés. Sans eux le pays s’effondrerait. Alors que les traders ne sont guère utiles en cette période… Il faudra donc après la crise réfléchir au statut de ces ‘invisibles’ dont nous avons redécouvert l’importance vitale. Les revaloriser supposera de mieux les payer (comment vivre avec deux enfants et un temps partiel au SMIG actuel en région parisienne ?). Cela demandera également de mieux les écouter : infirmières et soignants étaient en grève depuis quasiment un an dans l’indifférence générale, sans rien obtenir. La prime de 1000 € nets versés par de nombreuses entreprises à ceux qui continuent à travailler en physique est un premier signe en ce sens. Il en faudra beaucoup d’autres.

 

3. Revaloriser les activités gratuites, sources de liens et de solidarité.

L’homme ne se nourrit pas que de pain. Avec le confinement, l’arrêt des activités bénévoles nous fait ressentir cette autre pénurie : l’absence de visites des personnes âgées ou isolées, l’absence de soupes populaires et autres Restos du cœur, le manque de rendez-vous sportifs qui fédèrent etc. La France compte des millions de bénévoles qui incarnent la fraternité à travers un tissu associatif remarquable. Cela nous manque terriblement, et plus encore aux démunis qui attendent qui secours et amitié. C’est cela le fameux tissu des corps intermédiaires dont nous ne pouvons pas nous passer, sinon l’individu reste seul face à l’État. Compter sur ces corps intermédiaires, les faire participer aux décisions sociales qui ont besoin d’être co-construites avec elles, voilà un objectif d’après crise qu’il ne faudra pas oublier.

 

4. Travailler autrement.

Trois conseils pour être performant en télétravailLe 17 mars, en 48 heures, environ un tiers des salariés français ont été mis en télétravail, alors qu’on croyait cela impossible la veille. On leur a trouvé ou acheté du matériel, ouvert des accès informatiques, et finalement fait confiance pour s’autogérer à la maison. Plus de trajet domicile-bureau consommateur de temps, d’énergie, de pollution urbaine ! Le comble est que toutes les études montrent que les télétravailleurs font plus et mieux qu’au bureau. Parce que chez soi, on module ses horaires en fonction de ses impératifs familiaux et privés, parce qu’on est moins dérangé par d’incessantes petites demandes, parce que du coup on peut se concentrer mieux qu’au bureau etc. Bien sûr, il faudrait conserver un ou deux jours présentiels par semaine pour les réunions d’équipe et les contacts réels. Mais on peut imaginer que ce télétravail massif se poursuivra après la crise : les entreprises, les salariés et l’écologie y trouveraient bien des avantages. Le XIX° siècle avait séparé le paysan de son domicile en le transformant en ouvrier à l’usine. Puisse ce XXI° siècle ramener le travailleur chez lui (pour les métiers qui le peuvent et pour les volontaires), tout en gardant les liens collectifs nécessaires.

Au-delà du télétravail, les enjeux de vie et de mort imposée par la pandémie nous obligent à nous poser à nouveau la question de l’utilité réelle de notre travail. Quelle est la raison d’être de mon activité professionnelle ? De mon entreprise ? Contribue-t-elle au bien commun (santé, alimentation, éducation, culture etc.) ou au contraire dégrade-t-elle la planète et notre humanité ? Choisir la finalité de son travail redevient une attente de ceux qui constatent, immobilisés par le confinement, que leur savoir-faire professionnel n’est pas si essentiel que cela puisque le pays peut bien s’en passer un mois ou deux.

 

5. Consommer autrement

L’origine animale de la pandémie nous montre que nous en sommes arrivés à manger n’importe quoi… Le jeûne  financier qu’engendre le confinement nous est bon pour notre portefeuille : même si nous craquons encore sur Internet pour acheter, nous dépensons beaucoup moins que d’habitude (vêtements, chaussures, carburants, transports, voyages…). Le confinement nous oblige à une désintoxication forcée de notre surconsommation de masse ; ce pourrait être salutaire. Un bon livre, une musique inspirante, un jeu de société en famille, une balade près de chez nous : il n’y a pas besoin d’être sans cesse dans un cycle d’achat pour être heureux ! La frugalité est une vertu de crise que nous pouvons goûter avec bonheur. Au lieu de relancer la surconsommation destructrice dès la fin du confinement (ce qui hélas est le plus probable), nous devrions réfléchir à une vie plus sobre.

semaine développement durable 2014 

6. Cultiver le goût de l’intériorité

Un mois sans sortir ou presque ! Les personnes vivant seules (10 millions de Français quand même) ont dû puiser en elles les ressources pour habiter leur solitude sans la subir. Alors que des familles entassées à trois ou quatre dans quelques mètres carrés d’un HLM de banlieue parisienne auraient bien voulu avoir un peu d’espace pour s’isoler de temps en temps. Nous devons apprendre aux plus jeunes l’art de « cultiver notre jardin » intérieur (comme l’écrivait Voltaire). Le divertissement pascalien prend aujourd’hui la forme des écrans, des consoles, des réseaux sociaux. Heureux ceux qui savent briser cet asservissement du toujours connecté ! « Tout le malheur de l’homme vient de ce qu’il ne sait pas rester au repos dans sa chambre » (Blaise Pascal). Cela s’apprend. Éduquer à l’intériorité faite aussi partie des impératifs d’après crise. Sinon, nous fabriquerons des générations abruties de numérique compulsif, incapables de s’arrêter pour contempler, réfléchir, faire silence, sans avoir peur de la solitude.

moissac 

7. Réorienter la mondialisation

C’est l’une des conversions les plus spectaculaires de la crise ! Voilà que des mots auparavant tabous deviennent raisonnables. On entend Emmanuel Macron ou Édouard Philippe parler de relocalisations, de souveraineté nationale, d’indépendance, de productions vitales, planification d’État, de contrôle des frontières, voire même de nationalisations, et d’un ‘autre capitalisme’ ! La pandémie nous a mis sous les yeux les failles d’une mondialisation devenue folle : faire venir de Chine ou de si loin tant de produits essentiels, voyager autant en consommant tant d’énergie et en polluant autant, imbriquer nos économies au point d’en faire des colosses aux pieds d’argile, quelle folie !

Saurons-nous réformer le système actuel des échanges une fois la crise passée ?
Rien n’est moins sûr : la crise de 2008 devrait nous amener à transformer le système bancaire, et nous n’avons rien fait…

Rationalité économique et mondialisation

8. Réhabiliter le long terme

Que ferons-nous de cette épreuve ? dans Communauté spirituelle ThumbPara227187Pénurie de masques, de tests de dépistage, d’appareils de ventilation, de médicaments, de personnel ad hoc : la dégradation de notre santé publique est la conséquence de 40 ans de politiques court-termistes. La rentabilité financière, l’obsession du résultat comptable ont transformé nos services publics en entreprise soi-disant marchandes soumises à des impératifs qui n’ont plus rien à voir avec leur mission initiale. Or la santé n’est pas une marchandise ! De même l’éducation, la police, la culture etc. Le marché est incapable de raisonner à long terme. Il ne produit pas automatiquement le bien commun, au contraire ! On ne gouverne pas un hôpital comme une entreprise du CAC 40.

Réhabiliter le long-terme en politique et en économie après la crise demanderait tant de conversion que cela semble presque impossible, sauf à changer radicalement de système (et donc de leaders !).
En aurons-nous le courage ?

 

9. L’homme est bon, mais pas que.

518QjwEzp3L._SX373_BO1,204,203,200_ coronavirus dans Communauté spirituelleChaque soir à 20 heures nous applaudissons les soignants, véritable héros de guerre. Nous admirons à juste titre tous ceux qui, de l’hôtesse de caisse au livreur en passant par les éboueurs etc. se dévouent au risque de leur vie. Oui il y a des élans extraordinaires de solidarité, de don de soi, de générosité en ces temps difficiles. C’est la part lumineuse de l’homme. Mais les policiers ont également dressé 360 000 contraventions pour non-respect de confinement en 15 jours ; le marché noir des masques ou de la chloroquine profite aux mafias ; des États peu scrupuleux vont surenchérir pour les emporter sur le tarmac des aéroports ; certains voisins veulent éloigner les soignants de leur immeuble par peur de la contamination etc. Les égoïsmes ne sont pas qu’individuels : des régimes autoritaires mentent à leur peuple sur l’état de santé du pays, l’Afrique et l’Inde vont devoir se débrouiller toutes seules, les riches fuient dans leur résidence secondaire au début du confinement sans souci de la dissémination du virus (plus d’un million de parisiens ont rejoint le 16 Mars la Bretagne, l’Île de Ré ou le Lavandou !) etc. La pandémie met en lumière quelque chose de très banal en fait : chacun de nous est capable du meilleur comme du pire, l’homme est bon grain et ivraie inextricablement mêlés. Loin de la vision rousseauiste de l’homme qui voudrait nous faire croire que c’est la société qui corrompt la bonté foncière de l’homme, loin également des pessimistes et des cyniques ne voyant en l’homme qu’une bête à contenir, ce temps de crise nous redit que l’homme est mélangé, et qu’il faut en tenir compte avec réalisme. Manager un peuple comme un âne - à la carotte et au bâton - est indigne et inefficace. Faire l’impasse sur le mal, la méchanceté, l’égoïsme dont nous sommes capables serait une erreur tout aussi grande. L’Église catholique assume cette tension en affirmant que l’homme est à l’image de Dieu, même si cette image est troublée et déformée par le péché, dès les origines, se transmettant de génération en génération plus massivement qu’un virus hélas.
Impossible que cette dualité n’ait pas de conséquences dans la vie à société, en entreprise, en famille etc.

 

Une deux pistes supplémentaires pour les chrétiens.

10. Faire signe à tous.

Si l’Église doit être « sacrement du salut » (Vatican II), elle doit être un signe public de compassion, de fraternité, de don de soi. Cela passe par le Secours catholique, Emmaüs, les hôpitaux et les écoles catholiques, les réseaux au plus près des souffrants etc. Cela passe également par une parole publique forte dont nous manquons cruellement : pour éclairer la situation, encourager le bien, soutenir l’espérance, mobiliser les énergies, dénoncer les mensonges.

 

11. Ne pas recourir à la pensée magique pour expliquer ou encore moins traiter l’épidémie.

Dieu n’est pour rien là-dedans ! S’il y a un lien avec le péché humain, c’est notre manque de sagesse et d’intelligence pour gouverner le monde en évitant ce genre de propagation. Mais un virus n’a rien d’un châtiment divin. Et ni la prière (souvenez-vous qu’un culte évangélique de 2000 personnes a disséminé le virus dans toute la France à partir de Mulhouse), ni les pèlerinages, ni les processions, ni les médailles miraculeuses ou autres pratiques superstitieuses ne pourront protéger ! Ne reproduisons pas les erreurs de l’Église des crises passées qui essayait d’instrumentaliser la peste, la grippe ou les catastrophes naturelles pour asseoir son emprise…

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Cette liste de chantiers à la Prévert n’est pas exhaustive. Le pape François nous invite la créativité :

« Embrasser la croix, c’est trouver le courage d’embrasser toutes les contrariétés du temps présent, en abandonnant un moment notre soif de toute puissance et de possession, pour faire place à la créativité que seul l’Esprit est capable de susciter. C’est trouver le courage d’ouvrir des espaces où tous peuvent se sentir appelés, et permettre de nouvelles formes d’hospitalité et de fraternité ainsi que de solidarité. Par sa croix, nous avons été sauvés pour accueillir l’espérance et permettre que ce soit elle qui renforce et soutienne toutes les mesures et toutes les pistes possibles qui puissent aider à nous préserver et à sauvegarder. Étreindre le Seigneur pour embrasser l’espérance, voilà la force de la foi, qui libère de la peur et donne de l’espérance. »

On croirait entendre Paul : « tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu » (Rm 8,28).

Préparons dès maintenant l’après-crise, sinon tout reprendra très vite comme si de rien n’était…

 

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