L'homélie du dimanche (prochain)

1 août 2014

2, 5, 7, 12 : les nombres au service de l’eucharistie

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2, 5, 7, 12 : les nombres au service de l’eucharistie

Homélie du XVIII° dimanche du temps ordinaire / Année A
03/08/2014

Après le rite juif du repas pascal (le Seder Pessah), les enfants autour de la table entonnent quelques comptines liées à la fête. Et notamment ce curieux « chant des nombres » qui est à lui seul une belle catéchèse sur la symbolique des nombres : 

E’HOD MI YODEA – CHANT DES NOMBRES

« Un, je sais ce qui est un.
Unique est notre Dieu, Lui qui vit et Lui qui plane sur la terre et dans les cieux.

Deux, voilà qui est plus ; je sais ce qui est deux : deux, ce sont les Tables de la Loi.

Unique est notre Dieu…

Treize, voilà qui est plus ; je sais ce qui est treize.
Treize, ce sont les attributs (divins) ;
douze, les tribus d’Israël;
onze, les songes (de Joseph);
dix, les Commandements;
neuf, les mois de la grossesse;
huit, la circoncision;
sept, la célébration du Shabbat;
six, les ordres de la Michna ;
cinq, les Livres de la Thora;
quatre, les Mères ;
trois, les Patriarches;
deux, les Tables de la Loi.

Unique est notre Dieu, Lui qui vit et Lui qui plane sur la terre et dans les cieux. »

On le voit : tout est symbolique dans le repas pascal juif, et l’eucharistie chrétienne assume pleinement cette symbolique. Les aliments (oeuf dur, os d’agneau grillé, herbes amères…), les vêtements (talith…), la lumière (la menorrah), les quatre questions de quatre enfants : tout renvoie à une lecture de l’histoire autre qu’un récit journalistique.

Le chant des nombres s’inscrit dans cette interprétation du monde où les nombres ne sont pas là par hasard, mais pour nous aider à déchiffrer l’événement raconté.

2, 5, 7, 12 : les nombres au service de l'eucharistie dans Communauté spirituelle rdv_pessah_plateau_seder_27

  

La première multiplication : 5,7 et 12

Le nombre 5

bible_4 Bible dans Communauté spirituelleIl en est bien ainsi dans cette première version de la multiplication des pains en Mt 14,13-21. Les nombres qui y sont placés ont un sens. Les 5000 hommes présents ne sont pas comptés à la manière de la préfecture de police ni des manifestants lors d’une même protestation populaire ! Ils renvoient à la signification du nombre 5, multiplié par 1000 (donc étendu à tous). D’après nos enfants du Seder Pessah, il s’agit d’une foule de la Torah (les cinq livres du Pentateuque), essentiellement juive donc. Cela est confirmé par les 5 pains dont disposent les disciples (et non un jeune garçon comme en Mc). Les rompre, c’est ouvrir ces 5 livres, les travailler, les étudier, les interpréter *. Les distribuer à la foule, c’est nourrir le peuple juif d’une interprétation renouvelée de la Torah, où le commandement de l’amour accomplit toute la Loi. La foule n’a pas besoin de s’en aller ailleurs : elle a dans l’Écriture tout ce qu’il lui faut pour nourrir sa faim de vivre et de chercher Dieu.

Le nombre 2

Et les 2 poissons ? Pourquoi sont-ils mentionnés, alors que le texte semble indiquer qu’ils ne sont pas distribués en nourriture avec les cinq pains ? (ils sont pourtant « eucharistiés » : Jésus prononce la bénédiction juive et rituelle sur eux ensemble)

D’après la comptine chantée par les enfants à Pâques, 2 est le nombre des tables de la Toi. Mais ce serait alors une symbolique redondante avec les 5 pains. Saint Augustin, le nombre 2 désigne le couple prêtre / roi qui recevaient l’onction pour gouverner le peuple. Les 2 poissons renvoient alors pour lui à la personne du Christ, l’Oint de Dieu chargé de conduire l’Église. Mais, problème : il manque le prophète, qui lui aussi reçoit l’onction de Dieu.

Pour Saint Ambroise de Milan, les 2 poissons renverraient aux 2 Testaments, destinés à devenir l’unique nourriture du nouvel Israël. Mais, problème : ces deux poissons ne sont justement pas distribués en nourriture…

Il faut sans doute interpréter ensemble le symbolisme du nombre 2 et celui des poissons à qui il est associé ici.

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On a retrouvé des poissons dessinés, gravés et peints sur les murs des catacombes chrétiennes des premiers siècles. C’était un signe de reconnaissance et de ralliement en période de persécutions romaines. Car le mot poisson (ictus en grec) est l’acronyme désignant la véritable identité de Jésus. Iesus Christos Theo Uïos Sôter = Jésus Christ fils de Dieu Sauveur. Le poisson cache donc l’affirmation nouvelle de la foi chrétienne : Jésus est vraiment Dieu et vraiment homme, deux  natures réunies en une seule personne. Les 2 poissons visent sans doute 

cette affirmation christologie si centrale – et si dangereuse – au moment où Mathieu écrit son évangile (70-90). On n’est pas loin de l’interprétation de Saint Augustin, mais c’est l’union du divin et de l’humain en Jésus qui est en jeu plus que celle du roi et du prêtre.

Ajoutons que dans la tradition juive, il faut toujours au moins 2 témoins pour que leurs témoignages soient pris en compte au tribunal. Les 2 poissons attestent que Jésus de Nazareth est vraiment le Christ attendu par Israël, annoncé par l’Écriture, qui conduit l’Église à travers le désert en la nourrissant de la Parole de Dieu partagée à tous.

 

Le nombre 7

 exégèseAu passage se profile le nombre 7 : 5 pains + 2 poissons. La comptine pascale l’associe à juste titre au shabbat. Ce premier récit de la multiplication des pains s’adresse donc à Israël : nulle volonté ici d’abolir le shabbat. Au contraire, Jésus veut lui donner tout son sens. Les premiers chrétiens annonçaient l’Évangile en se servant du réseau des synagogues tout autour de la Méditerranée, et donc en respectant le shabbat, en profitant de la liturgie du samedi à la synagogue pour commenter les Écritures à la lumière de la Pâque du Christ.

Ce n’est qu’après la séparation violente d’avec la synagogue (vers 90) que le dimanche chrétien (le jour du Seigneur) supplantera le shabbat, sans pour autant en perdre le sens du repos et de l’Alliance qu’il véhicule.

En Mt 14, le respect du shabbat est bien en filigrane des premières assemblées judéo-chrétiennes (les adventistes « du septième jour » s’inscrivent dans cette tradition).

 

Le nombre 12

« On ramassa 12 paniers ».

Impossible de ne pas y voir le symbole des 12 apôtres, eux-mêmes prolongeant et accomplissant les 12 tribus d’Israël (cf. les 12 portes de la Jérusalem céleste dans l’Apocalypse). C’est donc la plénitude de l’Église, « l’Israël de Dieu », que visent ces 12 paniers. Toute l’Église est nourrie en plénitude du pain partagé par Jésus : ici le premier Testament, bientôt le pain eucharistique qui y sera associé.

Comme 5 + 7 = 12, on voit que l’on retrouve ce que l’on évoquait précédemment : l’Écriture partagée lors du shabbat nourrit l’Église judéo-chrétienne et lui permet de traverser ses déserts.

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La seconde multiplication : 3, 4 et 7

Le symbolisme des nombres permet d’interpréter le deuxième récit de multiplication des pains comme s’adressant cette fois-ci aux non-juifs (Mt 15,32?39).

4000 hommes sont nourris et il reste 7 paniers (au lieu de 5000 et 12). On ne sait pas combien il y a de poissons ; par contre on sait que la foule jeûne depuis 3 jours. Le nombre 3 renvoie ici aux 3 jours du Christ au tombeau : la foule est associée à la Passion et la Résurrection de Jésus en jeûnant symboliquement 3 jours avec lui. Nul doute qu’il y ait ici un écho du cheminement catéchuménal des baptisés adultes  venant du paganisme au moment où Mathieu écrit. Les 4000 hommes évoquent alors la totalité de l’humanité nourrie par l’eucharistie (4 = les quatre points cardinaux = l’univers entier). Les 7 paniers ne renvoient plus aux tribus d’Israël, mais à tous les peuples de la terre créée lors des 7 jours symboliques de la Genèse.

Ce second récit est donc une catéchèse eucharistique et ecclésiale pour les païens, alors que le premier l’était pour les juifs.

Les deux multiplications superposées

Nous sommes 2000 ans après l’événement. Nous gardons la mémoire de ces deux catéchèses. Et nous pouvons légitimement les superposer en une seule pour aujourd’hui : l’Église se situe bien dans le prolongement d’Israël, dont elle n’abolit pas la vocation, mais cherche à l’accomplir pour toutes les nations.art-plastique-autel-tibouchi-2 nombresAinsi le premier but de nos assemblées est de rompre le pain de la Parole de Dieu telle que les deux Testaments donnent à la ruminer. Tous doivent y avoir accès : c’est la responsabilité des apôtres. L’eucharistie est indissolublement le lieu où la Parole se multiplie en la partageant, et où le pain eucharistique nourrit la faim  spirituelle des chercheurs de Dieu actuels. « Dum dividetur, augetur » commentait Saint Augustin : lorsqu’il est partagé, le pain (de la parole, de l’eucharistie) augmente.

Il y a donc 2 tables (encore 2 !) à l’eucharistie : la table où l’Écriture se fait Parole, et la table où le corps du Christ est rompu et distribué. L’ambon et l’autel sont inséparables. À tel point que Vatican II a réaffirmé solennellement cette doctrine des deux tables que nous avions un peu oubliée dans le monde catholique :

« L’Église a toujours vénéré les divines Écritures, comme elle l’a toujours fait aussi pour le Corps même du Seigneur, elle qui ne cesse pas, surtout dans la sainte liturgie, de prendre le pain de vie sur la table de la parole de Dieu et sur celle du Corps du Christ, pour l’offrir aux fidèles. »
Concile Vatican II, Dei Verbum 21 (cf. SL 48 ;51 ;56).

La parole et le corps / le corps et la parole : ne séparons pas dans nos assemblées ce que Dieu a uni en Jésus-Christ, comme l’atteste les deux multiplications des pains dans l’évangile de Mathieu.

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* Les 5 maris de la Samaritaine (Jn 4,18) peuvent renvoyer à ces 5 livres de la Loi, les seuls livres que les samaritains ont conservés. On pense également aux 5 vierges sages (Mt 25,2) ou aux 5 mois du mal causé par les criquets (Ap 9,10). Ou encore aux 5 portiques de Béthesda (Jn 5,8), ou aux 5 mois où Elisabeth se tient cachée (Lc 1,24) etc. 

 

1ère lecture : Dieu nourrit son peuple (Is 55, 1-3)

Lecture du livre d’Isaïe

Vous tous qui avez soif, venez, voici de l’eau ! Même si vous n’avez pas d’argent, venez acheter et consommer, venez acheter du vin et du lait sans argent et sans rien payer.
Pourquoi dépenser votre argent pour ce qui ne nourrit pas, vous fatiguer pour ce qui ne rassasie pas ? Écoutez-moi donc : mangez de bonnes choses, régalez-vous de viandes savoureuses !
Prêtez l’oreille ! Venez à moi ! Écoutez, et vous vivrez. Je ferai avec vous une Alliance éternelle, qui confirmera ma bienveillance envers David.

Psaume : Ps 144, 8-9, 15-16, 17-18

R/ Tu ouvres la main : nous voici rassasiés.

Le Seigneur est tendresse et pitié,
lent à la colère et plein d’amour ;
la bonté du Seigneur est pour tous,
sa tendresse, pour toutes ses oeuvres.

Les yeux sur toi, tous, ils espèrent : 
tu leur donnes la nourriture au temps voulu ;
tu ouvres ta main : 
tu rassasies avec bonté tout ce qui vit.

Le Seigneur est juste en toutes ses voies, 
fidèle en tout ce qu’il fait.
Il est proche de ceux qui l’invoquent, 
de tous ceux qui l’invoquent en vérité.

2ème lecture : Rien ne peut nous séparer de l’amour du Christ(Rm 8, 35.37-39)
Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains
Frères, qui pourra nous séparer de l’amour du Christ ? la détresse ? l’angoisse ? la persécution ? la faim ? le dénuement ? le danger ? le supplice ? Non, car en tout cela nous sommes les grands vainqueurs grâce à celui qui nous a aimés. J’en ai la certitude : ni la mort ni la vie, ni les esprits ni les puissances, ni le présent ni l’avenir, ni les astres, ni les cieux, ni les abîmes, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est en Jésus Christ notre Seigneur.

Evangile : Jésus nourrit la foule (Mt 14, 13-21)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Le Seigneur a nourri son peuple au désert, il l’a rassasié du pain du ciel. Alléluia. (cf. Ps 77, 24)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Jésus partit en barque pour un endroit désert, à l’écart. Les foules l’apprirent et, quittant leurs villes, elles suivirent à pied.
En débarquant, il vit une grande foule de gens ; il fut saisi de pitié envers eux et guérit les infirmes.
Le soir venu, les disciples s’approchèrent et lui dirent : « L’endroit est désert et il se fait tard. Renvoie donc la foule : qu’ils aillent dans les villages s’acheter à manger ! »
Mais Jésus leur dit : « Ils n’ont pas besoin de s’en aller. Donnez-leur vous-mêmes à manger. »
Alors ils lui disent : « Nous n’avons là que cinq pains et deux poissons. »
Jésus dit : « Apportez-les moi ici. »
Puis, ordonnant à la foule de s’asseoir sur l’herbe, il prit les cinq pains et les deux poissons, et, levant les yeux au ciel, il prononça la bénédiction ; il rompit les pains, il les donna aux disciples, et les disciples les donnèrent à la foule.
Tous mangèrent à leur faim et, des morceaux qui restaient, on ramassa douze paniers pleins.
Ceux qui avaient mangé étaient environ cinq mille, sans compter les femmes et les enfants.
Patrick BRAUD

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11 juillet 2014

La lectio divina : galerie de portraits

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La lectio divina : galerie de portraits

Homélie du XV° dimanche du temps ordinaire / Année A
13/06/14

Il existe une méthode toute simple pour ruminer un texte biblique.

Vous faites la liste des acteurs intervenant dans ce texte. Puis vous vous identifiez un à un à ces différents acteurs. Tant que cette identification à un personnage nourrit votre réflexion, votre prière, vous restez fixés sur lui, savourant ce qu’il vous révèle, actualisant son message pour vous aujourd’hui. Puis, lorsque votre attention faiblit, vous passez au personnage suivant, avec la même qualité de contemplation et d’actualisation. Et ainsi de suite jusqu’au dernier.

C’est d’autant plus facile à faire lorsque le texte est court, comme notre parabole du semeur (Mt 13,1-23), avec des acteurs bien identifiables.

Allons-y ! Faisons l’exercice ensemble.


La liste des acteurs.

La lectio divina : galerie de portraits dans Communauté spirituelle ATO15Lapinbleu403-Mt13_3

Il suffit de relire le texte, stabilo en main, et de surligner ceux qui apparaissent en cours de route : Jésus, la foule, le semeur, les grains, la terre (sous toutes ses formes). Il y a d’autres acteurs mineurs que l’on peut quand même relever : les oiseaux, le soleil, les ronces.

Bigre : pas moins de 8 acteurs ! Vous voyez que si vous prenez ne fût-ce que cinq minutes par personnage, vous pouvez aisément prier 40 minutes sur ce texte sans vous ennuyer une seconde !

Disons quelques mots de la contemplation et de l’actualisation possible pour chaque acteur.

 

Jésus.

S’identifier à Jésus, quelle audace !

Et pourtant, c’est celle de notre baptême, qui par l’onction de l’Esprit Saint fait de nous « d’autres Christs » pour agir et parler en son nom aujourd’hui.

Jésus sort de la maison (de Pierre à Capharnaüm, qui est devenue sa maison, au sens où il y est  comme chez lui). Savoir sortir de chez soi (de son univers, et sa culture…) est donc essentiel pour nourrir les foules.

Jésus s’assoit au bord du lac, puis dans la barque à quelques encablures du rivage. Il sait que là, porté par l’eau calme, sa voix résonnera loin et sera audible par tous. Se préoccuper des conditions, des modalités de son message est au moins aussi important que le message lui-même. D’autant plus que Jésus n’a envoyé aucun tweet pour convoquer les journalistes. Il laisse les foules venir à lui sans les contraindre ni les manipuler. Il laisse le bouche à oreille fonctionner. Il se laisse trouver par ceux qui le cherchent.

Nous pourrions nous inspirer de ce type de parole publique pour nourrir les débats de société. Et parler nous aussi en paraboles à la manière de Jésus. Tout le monde savait à l’époque ce qu’étaient les semailles. Dans une société agraire, le geste du semeur à tout vent ne s’inscrivait pas comme le logo du dictionnaire Larousse, mais comme une scène quotidienne aussi connue que la montée dans le RER B à La Défense aujourd’hui. Partir des réalités culturelles communes à ses contemporains est la base de la pédagogie des paraboles. Si on y était fidèle, on ne parlerait plus semailles ou rendement d’épis de blé, mais carnet de commandes, rentabilité financière, ou fécondité sportive pour l’équipe de football qui réussira à soulever la coupe du monde !

Parler en paraboles est toujours d’actualité. Comment nous inspirons-nous du monde du travail, de la famille, de nos réseaux sociaux et autres marqueurs sociétaux pour y annoncer l’Évangile ?

 

La foule.

Elle est « immense ». Pas d’élitisme donc à avoir en Église. La foule accepte de se laisser rassembler telle qu’elle est, mélangée, sur le rivage. Les chrétiens qui rechignent aux grands rassemblements, aux assemblées bigarrées des communions ou des mariages n’aimeraient pas cette foule pourtant bien évangélique, et ils auraient bien tort ! Manifestement cette foule écoute de toutes ses oreilles (au point d’en oublier de manger, découvrira-t-on plus loin). Et c’est bien ce à quoi nous sommes appelés lors de chaque rassemblement (Église = ekklèsia = assemblée).

Le semeur.

Quelle naïveté ! Ou plutôt telle générosité !

Il sème à tout vent, sachant bien que le pourcentage de réussite ne sera pas terrible. Cela ne le décourage pas pour autant. Les bons professeurs qui se décarcassent pour une classe de 25 ou 30 élèves le savent d’expérience, surtout en ZEP : tous n’en profiteront pas, loin de là. Pourtant s’il n’y en avait qu’un qui pourrait grâce à leur enseignement prendre goût à la matière et faire un beau parcours professionnel ensuite grâce en partie à cela, cela vaudrait la peine. La conviction  du semeur, du pédagogue, du prédicateur ou du leader d’équipe, c’est qu’il faut semer beaucoup pour que un peu soit productif.

Avec le semis en ligne puis les machines, on a rationalisé et optimisé ce geste auguste, et donc l’image ne parle plus. La générosité de l’éducateur - elle - demeure. Ainsi que la conviction de leader en entreprise ou du prêtre en paroisse : il faut livrer beaucoup pour que un peu réussisse, mais ce peu là fait de grandes choses !

 

Les grains.

Drôle d’acteurs me direz-vous ! Mais ils ont au moins le mérite de se laisser faire, de se laisser envoyer un peu n’importe où, au petit bonheur la chance. Les missionnaires qui au XVIII° ou XIX° se sont laissés envoyer en Corée ou en Afrique Noire étaient ainsi. Le matin même de leur départ pour de longs mois en bateau, ils découvraient dans une enveloppe leur destination sans rien en connaître : Séoul, Chandernagor, Conakry…

Dès qu’elles le peuvent, les graines se développent, lèvent au soleil, sans calculer le risque de se dessécher ou d’être picorées. Elles croissent, un point c’est tout, parce que c’est leur nature de donner le meilleur d’elles-mêmes pour manifester la vie, pour donner de la nourriture, de la prospérité. « La rose est sans pourquoi » (Angélus Silésius). Nos graines ne se posent pas de questions. Quels que soient les dangers, elles se livrent, et à Dieu vat ! N’est-ce pas aujourd’hui encore cette gratuité et cette disponibilité qu’on attend des chrétiens plantés dans leur milieu professionnel, associatif ou autre ? « Fleuris là où Dieu t’a planté » aimait à répéter Saint François de Sales…

 

La terre (sous toutes ses formes).

Bord du chemin, sol pierreux ou couvert de ronces, bonne terre : tous ces humus peuvent refléter les différents terrains de l’évangélisation. Certains milieux professionnels sont plus durs à transformer que d’autres (pensez à la corruption, habituelle dans certains métiers), certains milieux sociaux également (pensez aux mafias), sans compter certaines sociétés apparemment très fermées (pensez aux États islamiques).

Cette diversité de terreau peut également refléter différents moments de notre histoire personnelle. À une certaine époque, nous étions peut-être superficiels, sans racines. À une autre, le succès et l’aisance matérielle nous ont peut-être rendu pierreux, desséchés. Et les ronces de la vie se sont peut-être chargées d’étouffer bien de nos désirs les plus vrais…

À quel type de terreau correspondons-nous aujourd’hui ?

Cette diversité peut d’ailleurs exister encore en nous : tel aspect de notre vie est fécond, tel autre est en jachère, tel autre est dur et sec, tel autre est étouffé et encombré par tant de superflu…

 Bible dans Communauté spirituelle 

Les acteurs mineurs.

- Les oiseaux viennent tout manger.

C’est leur métier d’oiseaux ! Il n’y a pas à leur reprocher ! Au moins ils évitent que les graines soient gaspillées… Nous pouvons être ces oiseaux si nous savons aller grappiller avec astuce les trésors que d’autres négligent paresseusement, mais que nous voyons exposés sur le bord de leur chemin.

Oiseaux de tous pays, unissons-nous pour picorer tout ce qu’il y a de bon à prendre chez ceux qui le dédaignent (cf. les petits chiens qui se nourrissent des miettes tombant de la table de leur maître Mt 15,27).

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- Le soleil se lève et grille les épis naissants qui n’ont pas de racines.

Là encore, rien à lui reprocher. Il assume sans le savoir son rôle de bêta-testeur de la qualité du produit. Nous pouvons jouer ce rôle en invitant comme le soleil les autres (collègues, paroissiens, amis, proches) à se développer, à grandir. Et ce n’est pas notre responsabilité si leur manque de racines leur brûle les ailes en cours de route. En tout cas, ce n’est pas une raison pour ne pas briller.

- Les ronces étouffent et recouvrent tout.

Pour la mission, leur rôle est plutôt négatif. Prenons garde à ne pas endosser ce triste rôle en égratignant et en bloquant les autres !

- Un dernier acteur pourrait être le fruit produit par la bonne terre. Plus qu’un résultat cherché avec obstination, il apparaît plutôt ici comme une résultante. C’est de l’action conjuguée du semeur généreux, de la graine qui se livre sans pourquoi, du sol assez profond et dégagé, et du soleil imperturbable que de tout cela naît un épi, multipliant en lui-même à l’infini la générosité dont il est issu : 30, 60 ou 100 pour un ! Accueillir le fruit produit comme une résultante, « par dessus le marché », permet d’être terriblement efficace, presque sans le vouloir.

Vous le voyez : nous n’avons fait qu’effleurer par écrit ce qu’une longue méditation intérieure vous fera savourer autrement plus en profondeur.

Pratiquez cette galerie de portraits dans votre Lectio Divina (méditation biblique) et vous verrez que vous vous mettrez à régulièrement produire des fruits, sans même le vouloir, sans même vous en apercevoir…

 

 

 

1ère lecture : La parole de Dieu fait germer la terre (Is 55, 10-11)

Lecture du livre d’Isaïe

Ainsi parle le Seigneur : La pluie et la neige qui descendent des cieux n’y retournent pas sans avoir abreuvé la terre, sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer, pour donner la semence au semeur et le pain à celui qui mange ;
ainsi ma parole, qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce que je veux, sans avoir accompli sa mission.

Psaume : Ps 64, 10abcd, 10e-11, 12-13, 12b.14

R/ Tu visites la terre, Seigneur, tu bénis ses semences.

Tu visites la terre et tu l’abreuves,
tu la combles de richesses ;
les ruisseaux de Dieu regorgent d’eau,
tu prépares les moissons.

Ainsi, tu prépares la terre,
tu arroses les sillons ; 
tu aplanis le sol, tu le détrempes sous les pluies, 
tu bénis les semailles.

Tu couronnes une année de bienfaits,
sur ton passage, ruisselle l’abondance.
Au désert, les pâturages ruiselle,
les collines débordent d’allégresse.

Sur ton passage ruiselle l’abondance.
Les herbages se parent de troupeaux 
et les plaines se couvrent de blé. 
Tout exulte et chante !

2ème lecture : La création tout entière participe au salut (Rm 8, 18-23)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Frères,
j’estime donc qu’il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire que Dieu va bientôt révéler en nous.
En effet, la création aspire de toutes ses forces à voir cette révélation des fils de Dieu.
Car la création a été livrée au pouvoir du néant, non parce qu’elle l’a voulu, mais à cause de celui qui l’a livrée à ce pouvoir. Pourtant, elle a gardé l’espérance d’être, elle aussi, libérée de l’esclavage, de la dégradation inévitable, pour connaître la liberté, la gloire des enfants de Dieu.
Nous le savons bien, la création tout entière crie sa souffrance, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore.
Et elle n’est pas seule. Nous aussi, nous crions en nous-mêmes notre souffrance ; nous avons commencé par recevoir le Saint-Esprit, mais nous attendons notre adoption et la délivrance de notre corps.

Evangile : Les paraboles du Royaume. Le semeur (brève : 1-9)(Mt 13, 1-23)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Le Semeur est sorti pour semer la Bonne Nouvelle. Heureux qui la reçoit et la fait fructifier ! Alléluia. (cf. Mt 13, 4.23)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Ce jour-là, Jésus était sorti de la maison, et il était assis au bord du lac.
Une foule immense se rassembla auprès de lui, si bien qu’il monta dans une barque où il s’assit ; toute la foule se tenait sur le rivage.
Il leur dit beaucoup de choses en paraboles :
« Voici que le semeur est sorti pour semer.
Comme il semait, des grains sont tombés au bord du chemin, et les oiseaux sont venus tout manger.
D’autres sont tombés sur le sol pierreux, où ils n’avaient pas beaucoup de terre ; ils ont levé aussitôt parce que la terre était peu profonde.
Le soleil s’étant levé, ils ont brûlé et, faute de racines, ils ont séché.
D’autres grains sont tombés dans les ronces ; les ronces ont poussé et les ont étouffés.
D’autres sont tombés sur la bonne terre, et ils ont donné du fruit à raison de cent, ou soixante, ou trente pour un.
Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! »
Les disciples s’approchèrent de Jésus et lui dirent : « Pourquoi leur parles-tu en paraboles ? »
Il leur répondit :
« À vous il est donné de connaître les mystères du Royaume des cieux, mais à eux ce n’est pas donné.
Celui qui a recevra encore, et il sera dans l’abondance ; mais celui qui n’a rien se fera enlever même ce qu’il a.
Si je leur parle en paraboles, c’est parce qu’ils regardent sans regarder, qu’ils écoutent sans écouter et sans comprendre.
Ainsi s’accomplit pour eux la prophétie d’Isaïe : Vous aurez beau écouter, vous ne comprendrez pas. Vous aurez beau regarder, vous ne verrez pas.
Le c?ur de ce peuple s’est alourdi : ils sont devenus durs d’oreille, ils se sont bouché les yeux, pour que leurs yeux ne voient pas, que leurs oreilles n’entendent pas, que leur c?ur ne comprenne pas, et qu’ils ne se convertissent pas. Sinon, je les aurais guéris !
Mais vous, heureux vos yeux parce qu’ils voient, et vos oreilles parce qu’elles entendent !
Amen, je vous le dis : beaucoup de prophètes et de justes ont désiré voir ce que vous voyez, et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez, et ne l’ont pas entendu.

Vous donc, écoutez ce que veut dire la parabole du semeur.
Quand l’homme entend la parole du Royaume sans la comprendre, le Mauvais survient et s’empare de ce qui est semé dans son c?ur : cet homme, c’est le terrain ensemencé au bord du chemin.

Celui qui a reçu la semence sur un sol pierreux, c’est l’homme qui entend la Parole et la reçoit aussitôt avec joie ; mais il n’a pas de racines en lui, il est l’homme d’un moment : quand vient la détresse ou la persécution à cause de la Parole, il tombe aussitôt.

Celui qui a reçu la semence dans les ronces, c’est l’homme qui entend la Parole ; mais les soucis du monde et les séductions de la richesse étouffent la Parole, et il ne donne pas de fruit.

Celui qui a reçu la semence dans la bonne terre, c’est l’homme qui entend la Parole et la comprend ; il porte du fruit à raison de cent, ou soixante, ou trente pour un. »
Patrick BRAUD

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2 mars 2013

Les multiples interprétations symboliques du buisson ardent

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Les multiples interprétations symboliques du buisson ardent

Homélie du 3° Dimanche de Carême / Année C
03/03/2013

Ce célébrissime épisode du buisson ardent contient une multitude de pistes (il est polysémique, dirait-on pour faire savant) : la continuité pour Moïse entre le métier de berger dans le désert et celui de leader de l’Exode; la révélation de la transcendance ; le tétragramme (Y. H. W. H.) ; le lien entre la vision de Moïse, celle de Dieu (« j’ai vu ») et la libération de l’esclavage, les résistances de Moïse à se laisser envoyer au service de cette libération (cf. les résistances de Moïse et les nôtres) etc…

Limitons-nous en ce Dimanche au symbolisme de buisson ardent.
Pourquoi une telle bizarrerie ? que peut-elle bien signifier ?

Parcourons avec la sagesse juive quelques-unes des interprétations les plus vivifiantes de cet événement étrange.

 

1. Le buisson, symbole de l’humilité de Dieu

Quoi de plus raz de terre qu’un buisson dans l’immensité d’un désert ? Ce n’est pas un arbre majestueux qui dominerait le plateau caillouteux. Ce n’est pas une forêt puissante ni une palmeraie accueillante. Non, ce n’est qu’une boule de ronces qui essaie de survivre en s’accrochant à un sol ingrat. Et Dieu se manifesterait dans ce végétal rachitique ?

Eh bien justement, le grand Dieu transcendant, celui que rien ne peut contenir ni les cieux  ni les galaxies, choisit de se manifester dans ce modeste amas d’épines. C’est donc que Dieu peut s’incarner dans les réalités les plus dérisoires de notre monde.

Le buisson est ainsi le signe de l’immanence de Dieu dans les zones les plus humbles de la création.

Un non juif demanda à R. Yochoua ben Korha : pourquoi Dieu a-t-il  choisi de parler à Moïse à partir du buisson ?  Il lui répondit: et si c’était  à partir d’un caroubier ou d’un sycomore, m’aurais-tu également posé  la question ?!? Enfin, pour ne pas te laisser sans réponse, apprends que cela nous révèle que nul endroit au monde n’est dénué  de Présence divine, et même le buisson.  Exode Raba 2, 5 (Commentaire du V-VI° siècle)
Rabbi  Eliezer disait: de même que le buisson est le plus bas de tous les arbustes, ainsi les fils Israël étaient vils et humiliés en  Égypte; et c’est  pourquoi Dieu les sauva.

Les chrétiens n’auront aucun mal à plus tard à faire le lien avec le pain eucharistique : ce modeste bout de pain peut flamboyer de la présence divine ; il suffit que Dieu le veuille ainsi.
Et Jésus, l’humble messie humilié, sera lui-même en personne l’incarnation du Dieu tout-puissant et en même temps si proche.

 

2. Le buisson ardent, symbole de l’existence éternelle du peuple d’Israël et de l’Église

Un buisson, c’est fait d’épines. Cela évoque donc la souffrance de ce qui s’enfonce dans la chair au point de provoquer douleur et sang versé. En se révélant à Moïse du coeur d’un buisson, Dieu annonce que le peuple libéré par Moïse connaîtra l’épreuve de l’Exil, puis l’horreur de la Shoah.

Rabbi  Yossi disait : de même que le buisson est l’arbuste le plus hostile, de sorte que tout oiseau qui y pénètre ne peut en sortir indemne, ainsi l’esclavage en Égypte dépassa tout ce que l’on connaîtra par la  suite.

La liberté d’Israël lui coûtera cher, car les hommes ne la supporteront pas.
Mais puisque ces épines brûlent sans se consumer, c’est donc que même l’Exil, même la Shoah ne pourront rayer Israël de la carte des peuples de la terre. La promesse est ainsi faite au serviteur souffrant qu’est Israël que, même à travers le feu des pogroms et des rejets en tout genre qu’on lui fera subir, il continuera jusqu’au terme de l’histoire humaine à témoigner du Dieu unique : Y.H.W.H.

Et pour quelle raison Dieu se révéla t-il à Moïse  de  cette façon ?   C’est que celui-ci portait l’inquiétude dans son coeur : les Égyptiens ne sont-ils pas capables d’exterminer le peuple d’Israël ?  Dieu lui montra  alors le feu qui ne dévorait pas le buisson, et lui dit : ainsi les Égyptiens ne parviendront pas à détruire Israël ! (Chemot Raba 2,5)

Ce grand prodige : c’est le premier signe mentionné dans la Torah que Dieu fit à son  prophète Moïse. C’est pourquoi Il lui dit : « ce sera pour toi un signe que Je t’ai envoyé »»  (Exode 3,12). Et ceci constitue un bon signe, car l’ennemi est comparé au feu et Israël au  buisson ; c’est pourquoi il ne se consume pas.
Abraham ibn Ezra (1089?1164)

Les chrétiens n’auront aucun mal à superposer à cette interprétation collective l’interprétation individuelle ou Jésus, couronné d’épines, connaît le feu de la passion sans être dévoré ni par la mort, ni par la haine, ni par le mal. Hélas, certaines traditions auront tendance à substituer la deuxième à la première ; mais il faut absolument garder les deux ensemble.

Le buisson que les flammes ne peuvent anéantir est à la fois le Messie humble, humilié, et son peuple qui fait corps avec lui, Israël et l’Église indissolublement unis. « Les portes de la mort ne pourront rien contre elle », prédira Jésus.

 

3. Le buisson, symbole de l’angoisse de Moïse

Un buisson ne porte pas de fruits, mais seulement des épines, sur une terre désolée. En contemplant le buisson du désert, Moïse pouvait y reconnaître son angoisse devant la condition de son peuple : prisonnier de l’esclavage comme un buisson enserré dans ces épines, stérile puisque condamné à n’être pas un peuple, et condamné à voir ses premiers-nés mourir à cause de la peur de ses maîtres devant son désir de vie (sa démographie jugée galopante). Moïse peut légitimement se demander si son appartenance hébreu n’est plus qu’un mauvais souvenir : il est devenu berger, héritier probable du riche Jethro, marié avec bonheur à sa fille Cippora, enfin loin des troubles de la cour égyptienne.

Pourtant, chaque buisson fait remonter en lui cette bouffée d’angoisse de celui qui se souvient que les siens sont restés là-bas, comme des brindilles bientôt sèches, stériles et mortes.

Salutaire angoisse, lorsqu’elle nous rappelle les libération inachevées auxquels nous devons nous atteler.

Salutaire angoisse qui nous empêche d’oublier nos solidarités les plus vraies, avec ceux qui sont les vaincus de l’histoire officielle.

Les chrétiens n’ont aucun mal à faire le lien avec Jésus pleurant sur Jérusalem à cause de son infécondité, ou immensément déçu devant la stérilité du figuier dont il attendait des fruits.

L’angoisse de Jésus est également que son peuple porte des fruits. Israël et l’Église sont indissolublement unis dans cette angoisse qui pousse Jésus à s’offrir « pour la vie du monde ».

 

4. Le buisson ardent, symbole de la Torah

Dans le désert, les bergers utilisent les buissons pour former des haies très efficaces, protégeant ainsi leur bétail des prédateurs, des fennecs et autres rapaces à l’affût de proies faciles.

C’est pourquoi les rabbins ont souvent vu dans le buisson un des symboles de la Torah. Comme ces épineux, la Torah pose des limites et éduque ainsi le désir d’Israël, à l’image du  buisson indiquant au troupeau qu’au-delà il est en danger de mort.

Patrick Braud

La Torah protège Israël, mieux que les remparts Jérusalem, mieux que les buissons les troupeaux du désert. C’est la Torah qui préserve Israël de l’anéantissement. C’est en flamboyant de la présence divine qu’elle lui permet de résister à tous les prédateurs, depuis les empires antiques jusqu’aux idéologies modernes. 

« Cette vision fait référence à Moïse, lorsque l’Éternel donnera la Tora  par son intermédiaire, à cet endroit précis et par  le feu, et que tout  Israël y entendra les dix commandements  [?]  Le « s.  n.  eh »  (buisson) est comme le Si.  n.  aï: ici, il est dit  » le buisson était en  feu », et plus loin (Devarim 5, 19) « la montagne était en feu »!  » (commentaire Haemek Davar)

 Ce commentaire juif souligne fort justement la cohérence de l’épisode du buisson ardent avec celui du don de la loi à Moïse sur le mont Sinaï, au milieu du feu et de la nuée. Les tables de la loi sont gravées dans le feu et par le feu : car écrire sur un parchemin reste encore trop extérieur. En effet l’encre qui sèche sur une peau ou sur un papier se surajoute à ce support, mais n’en fait pas vraiment partie. C’est une excroissance, rajoutée par-dessus. La loi au contraire surgit de l’intérieur de la conscience du peuple habité par Dieu. C’est pourquoi le feu grave les 10 paroles en creux, à même la pierre, au  lieu de la plaquer de l’extérieur. Comme le feu brûle le buisson de l’intérieur.

Ainsi le feu du buisson ardent rejoint-il de celui du Sinaï fumant pour indiquer à l’homme que le premier détour qu’il ait à faire pour trouver la loi de vie, c’est en lui-même. Car elle est gravée en son coeur, s’il sait l’écouter.

Les chrétiens n’auront aucun mal à garder le meilleur de cet amour de la Torah qui protège son peuple de l’anéantissement. Pour eux, le feu qui transforme la ligne de boules de ronces en une flamboyante et paisible sécurité sera le feu de l’Esprit Saint, qui vient transfigurer la lettre de la loi pour qu’elle soit source de vie.

Recueillons au passage cet indice précieux : faire un détour pour scruter la loi / les Écritures est le début de la libération authentique (cf. traverser la dépression : le chemin d’Elie)

 

5. Le buisson ardent, symbole de la curiosité spirituelle

Normalement, un buisson épineux n’intrigue personne. Pas besoin de faire un détour pour mieux l’apercevoir : on le connaît par coeur. Mais un buisson qui brûle sans se consumer, voilà qui interroge, voilà qui mérite de se détourner de sa route !

Si Moïse n’avait pas eu cette curiosité-là, s’il n’avait pas pris le temps d’aller voir exprès, il aurait continué son chemin sans entendre Dieu lui parler, et il ne serait jamais devenu le libérateur des esclaves hébreux.

Dieu ne cesse de jalonner notre itinéraire d’humbles réalités devenues intrigantes sous le feu de sa présence. Encore faut-il que nous ayons cette capacité à nous étonner, à nous détourner de la route prévue. Encore faut-il que la curiosité spirituelle soit assez vivre en nous pour nous faire trouver le temps et l’envie d’aller voir, pour accepter les détours que nous impose cette soif de connaître.

De multiples autres interprétations du buisson ardent existent encore dans la littérature juive ou chrétienne :

- le buisson, symbole d’un Israël « mélangé »

« De même que le buisson produit des  épines et des  roses, ainsi Israël comporte des justes et aussi des méchants. »  

Les chrétiens n’auront aucun mal à prolonger cette acceptation réaliste en l’appliquant à l’Église. Ecclesia permixta (une Église mélangée), disait saint Augustin : non pas un peuple de purs mais d’appelés à la liberté ; pas un peuple de parfaits mais un signe de l’unique sainteté de Dieu.

- le buisson, symbole des justes qui suffisent à sauver tout un peuple

Rabbi  Nahman disait : tous les  arbustes ont une, deux ou trois feuilles ? ainsi le myrte possède trois  feuilles, mais le buisson, lui, est doté de cinq  feuilles; ainsi, dit  l’Éternel à Moïse : les fils Israël seront sauvés grâce au mérite de cinq justes :  Abraham, Isaac, Jacob, par le tien et par celui d’Aaron. »   

Les chrétiens n’auront aucun mal là encore à prolonger cette intercession salvifique de quelques-uns en faveur de tous dans la communion des saints : il suffit de quelques personnalités pour transformer tout un peuple ; il ne faut quelquefois que la prière de quelques saints pour conjurer le malheur menaçant tout le peuple.

Vous le voyez : le symbolisme du buisson ardent est quasiment inépuisable, à l’image du feu qui le transfigure.

Il suffira pour chacun de nous d’entendre quelle harmonique de cette image est d’actualité pour nous :

- reconnaître Dieu dans l’humilité de sa création et de ses créatures les plus « basses ».
- croire qu’aucun mal, aucune épreuve ne peut consumer ceux qui comptent sur Dieu.
- éprouver de l’angoisse devant les stérilités de notre propre vie ou de celle de nos proches.
- raviver notre amour de la Loi, ou plutôt de l’Esprit venant habiter la Loi pour que les commandements deviennent source de vie.
- cultiver la curiosité idée spirituelle et oser les détours qu’elle implique.

Choisissez ce qui va ainsi devenir votre détour vers Pâque.

 

 

 LECTURES DE LA MESSE

1ère lecture : Le Dieu Sauveur se révèle à Moïse (Ex 3, 1-8a.10.13-15)

Lecture du livre de l’Exode

Moïse gardait le troupeau de son beau-père Jéthro, prêtre de Madiane. Il mena le troupeau au-delà du désert et parvint à l’Horeb, la montagne de Dieu.L’ange du Seigneur lui apparut au milieu d’un feu qui sortait d’un buisson. Moïse regarda : le buisson brûlait sans se consumer.
Moïse se dit alors : « Je vais faire un détour pour voir cette chose extraordinaire : pourquoi le buisson ne brûle-t-il pas ? »
Le Seigneur vit qu’il avait fait un détour pour venir regarder, et Dieu l’appela du milieu du buisson : « Moïse ! Moïse ! » Il dit : « Me voici ! »
Dieu dit alors : « N’approche pas d’ici ! Retire tes sandales, car le lieu que foulent tes pieds est une terre sainte ! Je suis le Dieu de ton père, Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob. » Moïse se voila le visage car il craignait de porter son regard sur Dieu.
Le Seigneur dit à Moïse : « J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte, et j’ai entendu ses cris sous les coups des chefs de corvée. Oui, je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens et le faire monter de cette terre vers une terre spacieuse et fertile, vers une terre ruisselant de lait et de miel, vers le pays de Canaan. Et maintenant, va ! Je t’envoie chez Pharaon : tu feras sortir d’Égypte mon peuple, les fils d’Israël. »
Moïse répondit : « J’irai donc trouver les fils d’Israël, et je leur dirai : ‘Le Dieu de vos pères m’a envoyé vers vous.’ Ils vont me demander quel est son nom ; que leur répondrai-je ? »
Dieu dit à Moïse : « Je suis celui qui suis. Tu parleras ainsi aux fils d’Israël : ‘Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est : JE-SUIS.’»
Dieu dit encore à Moïse : « Tu parleras ainsi aux fils d’Israël : ‘Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est YAHVÉ, c’est LE SEIGNEUR, le Dieu de vos pères, Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob.’ C’est là mon nom pour toujours, c’est le mémorial par lequel vous me célébrerez, d’âge en âge. »

Psaume : Ps 102, 1-2, 3-4, 6-7, 8.11

R/ Le Seigneur est tendresse et pitié.

Bénis le Seigneur, ô mon âme,
bénis son nom très saint, tout mon être !
Bénis le Seigneur, ô mon âme,
n’oublie aucun de ses bienfaits !

Car il pardonne toutes tes offenses
et te guérit de toute maladie ;
il réclame ta vie à la tombe
et te couronne d’amour et de tendresse.

Le Seigneur fait ?uvre de justice,
il défend le droit des opprimés.
Il révèle ses desseins à Moïse,
aux enfants d’Israël ses hauts faits.

Le Seigneur est tendresse et pitié,
lent à la colère et plein d’amour ;
Comme le ciel domine la terre,
fort est son amour pour qui le craint.

2ème lecture : Les leçons de l’exode : appel à la conversion (1 Co 10, 1-6.10-12)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères, je ne voudrais pas vous laisser ignorer ce qui s’est passé lors de la sortie d’Égypte. Nos ancêtres ont tous été sous la protection de la colonne de nuée, et tous ils ont passé la mer Rouge.
Tous, ils ont été pour ainsi dire baptisés en Moïse, dans la nuée et dans la mer ; tous, ils ont mangé la même nourriture, qui était spirituelle ; tous, ils ont bu à la même source, qui était spirituelle ; car ils buvaient à un rocher qui les accompagnait, et ce rocher, c’était déjà le Christ.
Cependant, la plupart n’ont fait que déplaire à Dieu, et ils sont tombés au désert.
Ces événements étaient destinés à nous servir d’exemple, pour nous empêcher de désirer le mal comme l’ont fait nos pères.
Cessez de récriminer contre Dieu comme l’ont fait certains d’entre eux : ils ont été exterminés.
Leur histoire devait servir d’exemple, et l’Écriture l’a racontée pour nous avertir, nous qui voyons arriver la fin des temps.
Ainsi donc, celui qui se croit solide, qu’il fasse attention à ne pas tomber.

Evangile : Sans cesse, Dieu nous invite à nous convertir (Lc 13, 1-9)

Acclamation : Gloire au Christ, Sagesse éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur. Ouvre nos coeurs à ton appel, Seigneur, rends-nous la joie d’être sauvés. Gloire au Christ, Sagesse éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur. (cf. Ps 50, 14)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Un jour, des gens vinrent rapporter à Jésus l’affaire des Galiléens que Pilate avait fait massacrer pendant qu’ils offraient un sacrifice.
Jésus leur répondit : « Pensez-vous que ces Galiléens étaient de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens, pour avoir subi un tel sort ?
Eh bien non, je vous le dis ; et si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous comme eux.
Et ces dix-huit personnes tuées par la chute de la tour de Siloé, pensez-vous qu’elles étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ?
Eh bien non, je vous le dis ; et si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de la même manière. »
Jésus leur disait encore cette parabole : « Un homme avait un figuier planté dans sa vigne. Il vint chercher du fruit sur ce figuier, et n’en trouva pas.
Il dit alors à son vigneron : ‘Voilà trois ans que je viens chercher du fruit sur ce figuier, et je n’en trouve pas. Coupe-le. À quoi bon le laisser épuiser le sol ?’
Mais le vigneron lui répondit : ‘Seigneur, laisse-le encore cette année, le temps que je bêche autour pour y mettre du fumier.
Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir. Sinon, tu le couperas.’ »
Patrick Braud

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6 novembre 2010

N’avez-vous pas lu dans l’Écriture ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

N’avez-vous pas lu dans l’Écriture ?

Homélie du 32° Dimanche ordinaire / Année C
07/11/2010


Faites l’expérience : essayez de vous rappeler un livre lu récemment.

Que vous en reste-t-il ? Si vous comparez avec d’autres lecteurs de vos amis, ont-ils « lu » la même chose ?

 

On croit que lire est naturel et identique pour tous. Alors que visiblement, c’est un acte complexe, singulier…

C’est vrai de la Bible comme de tout autre livre. Encore plus même, car la Bible est appelée « l’Écriture ». La Bible est d’abord un texte avant de devenir une parole. Entre l’écriture et la parole, il y a le souffle, la voix…

 

Jésus s’étonne que les sadducéens n’aient pas « lu » dans l’Écriture (la Tora) la même chose N'avez-vous pas lu dans l'Écriture ? dans Communauté spirituelle bible-imageque lui. C’est une charge un peu ironique (répondant à celle, ironique également, des sadducéens lui tendant un piège) car les sadducéens se font forts de n’obéir qu’à l’Écriture (scriptura sola pourrait être leur devise avec anachronisme) et non aux traditions orales des pharisiens.

 

C’est donc que bien souvent nous lisons sans lire ; et pour la Bible l’enjeu est de taille ! Souvent des « pré-textes » nous empêchent de faire attention au texte. Des « dé-lires » nous font lire n’importe quoi.

La liste serait longue des interprétations erronées de la Bible par les Églises chrétiennes dans l’histoire, sur des questions aussi délicates que la peine de mort, l’apartheid, le refus de l’héliocentrisme… toutes positions légitimées en leur temps par des lectures de l’Écriture qui nous paraissent aujourd’hui terriblement idéologiques.

 

« N’avez-vous pas lu dans l’Écriture ? »

L’expression revient 6 fois dans le Nouveau Testament, autour de 4 questions brûlantes.

À chaque fois, Jésus revient à l’Écriture de manière assez subversive vis-à-vis de la religion en place.

Lire l’Écriture lui permet en effet de contester :

- l’absolu du sabbat :

Mt 12,3 : « Mais il leur dit: « N’avez-vous pas lu ce que fit David lorsqu’il eut faim, lui et ses compagnons ? »

Mt 12,5 : « Ou n’avez-vous pas lu dans la Loi que, le jour du sabbat, les prêtres dans le Temple violent le sabbat sans être en faute ? »

- l’absolu du divorce (largement admis dans les mentalités de l’époque comme aujourd’hui) :

Mt 19,4 : « Il répondit: « N’avez-vous pas lu que le Créateur, dès l’origine, les fit homme et femme? »

- l’exclusion religieuse et sociale

Mc 12,10 : « Et n’avez-vous pas lu cette Écriture: « la pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue pierre d’angle »? »

- le matérialisme des sadducéens niant la résurrection :

Mt 22,31 : « Quant à ce qui est de la résurrection des morts, n’avez-vous pas lu l’oracle dans lequel Dieu vous dit? »

Mc 12,26 :  « Quant au fait que les morts ressuscitent, n’avez-vous pas lu dans le Livre de Moïse, au passage du Buisson, comment Dieu lui a dit: Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob? »

 

Sur des questions aussi cruciales que le primat des besoins humains sur les prescriptions rituelles et religieuses, le respect de la différence homme-femme, le renversement des hiérarchies opéré par Dieu, la vie après la mort, Jésus s’appuie sur sa lecture de l’Écriture pour affronter ses adversaires, puissants et installés.

Le quatrième Évangile mentionne 9 fois « l’accomplissement de l’Écriture » comme un critère fondamental de l’action de Jésus (Jn 7,42 ; 10,35 ; 13,1 ; 17,12 ; 19,28 ; 19,36 ; 20,9).

Luc résume ainsi le lien entre la lecture de l’Écriture et Jésus lui-même : « Alors il se mit à leur dire: « Aujourd’hui s’accomplit à vos oreilles ce passage de l’Écriture » » (Lc 4,21).

Le reproche que Jésus adresse aux sadducéens nous touche donc de plein fouet : « Si vous vous égarez, n’est-ce pas faute de connaître les Écritures et la puissance de Dieu ? » (Mc 12,24)

 

N’irons-nous pas lire dans l’Écriture ?

Alors, comment allons-nous aujourd’hui entendre cet appel du Christ à nous appuyer sur une lecture « authentique » (c’est un des sens du mot catholique) de l’Écriture  [1] ?

Non pas en nous coupant de la Tradition orale comme les sadducéens (sans se rendre compte qu’ils épousaient en fait les idées païennes grecques et romaines).

Non pas en survalorisant les traditions humaines comme les pharisiens.

Mais d’abord en revenant au texte.

À la lecture du texte.

Quelques lignes chaque jour.

Quelques pages chaque semaine.

Les moines font le tour des 150 psaumes du psautier chaque semaine : nous pourrions en lire un par jour, ce serait déjà beaucoup…

Les chrétiens redécouvrent actuellement la Lectio Divina : seul ou en petit groupe, prendre le temps de lire, méditer, contempler, ruminer, prier un texte biblique pour qu’il devienne une parole de Dieu pour moi, pour nous.

D’autres emportent leur Bible de poche dans le métro, au bureau, et en profitent comme d’un journal (mieux qu’un journal !).

D’autres l’ont déjà donc sur iPad, sur leur smartphone, et la consultent à temps perdu.

 

Quelque soit le moyen ou l’endroit où la méthode, l’essentiel est bien d’abord de lire l’Écriture.

Cette lecture rend libre, comme le Christ, devant les interprétations hâtives, fondamentalistes ou pleines de peur.

 

Alors, ne serait-ce que 5 minutes par jour, n’irons-nous pas lire dans l’Écriture ?

 


[1]. À noter cette symétrie amusante : la psychanalyse est une parole (de patients) qui fait écrire (les psys !). La Bible est un écrit (inspiré) qui fait parler (les lecteurs).

 

 


Sept frères meurent martyrs dans l’espérance de la résurrection
 (2M 7, 1-2.9-14)

 Lecture du second livre des Martyrs d’Israël

Sept frères avaient été arrêtés avec leur mère. A coups de fouet et de nerf de boeuf, le roi Antiochus voulut les contraindre à manger du porc, viande interdite.
L’un d’eux déclara au nom de tous : « Que cherches-tu à savoir de nous ? Nous sommes prêts à mourir plutôt que de transgresser les lois de nos pères. »
Le deuxième frère lui dit, au moment de rendre le dernier soupir : « Tu es un scélérat, toi qui nous arraches à cette vie présente, mais puisque nous mourons par fidélité à ses lois, le Roi du monde nous ressuscitera pour une vie éternelle. »
Après celui-là, le troisième fut mis à la torture. Il tendit la langue aussitôt qu’on le lui ordonna, et il présenta les mains avec intrépidité,
en déclarant avec noblesse : « C’est du Ciel que je tiens ces membres, mais à cause de sa Loi je les méprise, et c’est par lui que j’espère les retrouver. »
Le roi et sa suite furent frappés du courage de ce jeune homme qui comptait pour rien les souffrances.
Lorsque celui-ci fut mort, le quatrième frère fut soumis aux mêmes tortures.
Sur le point d’expirer, il parla ainsi : « Mieux vaut mourir par la main des hommes, quand on attend la résurrection promise par Dieu, tandis que toi, tu ne connaîtras pas la résurrection pour la vie éternelle. »

 

Psaume : Ps 16, 1.3ab, 5-6, 8.15 

R/ Le jour viendra, Seigneur, où je m’éveillerai en ta présence

Seigneur, écoute la justice !
Entends ma plainte, accueille ma prière.
Tu sondes mon coeur, tu me visites la nuit,
tu m’éprouves, sans rien trouver.

J’ai tenu mes pas sur tes traces,
jamais mon pied n’a trébuché.
Je t’appelle, toi, le Dieu qui répond :
écoute-moi, entends ce que je dis.

Garde-moi comme la prunelle de l’?il ;
à l’ombre de tes ailes, cache-moi.
Et moi, par ta justice, je verrai ta face :
au réveil, je me rassasierai de ton visage.

2ème lecture : Exhortation à la persévérance (2Th 2, 16-17; 3, 1-5)

Lecture de la seconde lettre de saint Paul Apôtre aux Thessaloniciens

Frères,
laissez-vous réconforter par notre Seigneur Jésus Christ lui-même et par Dieu notre Père, lui qui nous a aimés et qui, dans sa grâce, nous a pour toujours donné réconfort et joyeuse espérance ;qu’ils affermissent votre coeur dans tout ce que vous pouvez faire et dire de bien.
Priez aussi pour nous, frères, afin que la parole du Seigneur poursuive sa course, et qu’on lui rende gloire partout comme chez vous.
Priez pour que nous échappions à la méchanceté des gens qui nous veulent du mal, car tout le monde n’a pas la foi.
Le Seigneur, lui, est fidèle : il vous affermira et vous protégera du Mal.
Et, dans le Seigneur, nous avons pleine confiance en vous : vous faites et vous continuerez à faire ce que nous vous ordonnons.
Que le Seigneur vous conduise à l’amour de Dieu et à la persévérance pour attendre le Christ.

 

Evangile : Les morts ressusciteront (brève : 27…38) (Lc 20, 27-38)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Des sadducéens – ceux qui prétendent qu’il n’y a pas de résurrection – vinrent trouver Jésus,
et ils l’interrogèrent : « Maître, Moïse nous a donné cette loi : Si un homme a un frère marié mais qui meurt sans enfant, qu’il épouse la veuve pour donner une descendance à son frère.
Or, il y avait sept frères : le premier se maria et mourut sans enfant ;
le deuxième,
puis le troisième épousèrent la veuve, et ainsi tous les sept : ils moururent sans laisser d’enfants.
Finalement la femme mourut aussi.
Eh bien, à la résurrection, cette femme, de qui sera-t-elle l’épouse, puisque les sept l’ont eue pour femme ? »
Jésus répond : « Les enfants de ce monde se marient.
Mais ceux qui ont été jugés dignes d’avoir part au monde à venir et à la résurrection d’entre les morts ne se marient pas,
car ils ne peuvent plus mourir : ils sont semblables aux anges, ils sont fils de Dieu, en étant héritiers de la résurrection.
Quant à dire que les morts doivent ressusciter, Moïse lui-même le fait comprendre dans le récit du buisson ardent, quand il appelle le Seigneur : ‘le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob’.
Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants ; tous vivent en effet pour lui. »
Patrick Braud 

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