L'homélie du dimanche (prochain)

17 avril 2022

Croire sans voir : la pédagogie de l’inconditionnel

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Croire sans voir : la pédagogie de l’inconditionnel

Homélie du 2° Dimanche de Pâques / Année C
24/04/2022

Cf. également :
Quand vaincre c’est croire
Thomas, Didyme, abîme…
Quel sera votre le livre des signes ?
Lier Pâques et paix
Deux utopies communautaires chrétiennes
Le Passe-murailles de Pâques
Le maillon faible
Que serions-nous sans nos blessures ?
Croire sans voir
Au confluent de trois logiques ecclésiales : la communauté, l’assemblée, le service public
Trois raisons de fêter Pâques
Riches en miséricorde ?

C’est dangereux de croire ce que l’on voit
« Moi je ne suis comme saint Thomas : je ne crois que ce que je vois ! » En référence à l’Évangile de ce dimanche (Jn 20,19-31), cette réponse sceptique est devenue proverbiale. Pourtant, il y a longtemps que les philosophes, scientifiques et mêmes journalistes nous avertissent : nos sens nous mentent souvent ! Notre cerveau construit une perception de la réalité qui souvent n’est pas la réalité.
Ainsi Descartes avec son doute méthodique met en évidence que ce que nous voyons peut être une illusion de la folie, ou un rêve, ou une construction de l’esprit etc. Descartes reprend trois arguments justifiant le doute : la faillibilité des sens, qui peuvent tromper le sujet (par exemple, l’image du bâton brisé dans l’eau) ; le risque de la folie ; et la confusion avec le rêve, qui dissipe la frontière avec l’éveil et remet ainsi en cause la réalité du corps.
Fake news

Autrefois, les Soviétiques truquaient les photos officielles, bien avant Photoshop ! Maintenant, ce sont les journalistes qui sont obligés de traquer inlassablement les fake news, pendant la crise du Covid, et pendant la guerre d’Ukraine notamment. Les complotistes antivax inondaient la toile de fausses statistiques, de faux documents dûment estampillés et apparemment officiels, de fausses vidéos datant d’avant la crise ou parlant d’autre chose en fait etc. La guerre d’Ukraine a ressuscité la bonne vieille propagande militaire du XX° siècle, dans les deux camps. La désinformation atteint des sommets ! Les ukrainiens parlaient par exemple de la résistance héroïque de treize soldats gardant « l’Île aux serpents » et tués par la marine russe. En réalité, ils se sont rendus sans résister et la marine ukrainienne a publié un rectificatif après les vidéos ‘héroïques’ qui avaient circulé auparavant. Ils ont également inventé un pilote-fantôme qui aurait abattu des dizaines d’avions russes. Mais c’était des images d’un jeu vidéo hyperréaliste… Dans l’autre camp, les Russes diffusaient de soi-disant vidéos de massacres de russophones, et répandaient la (fausse) rumeur que les soldats ukrainiens retenaient les civils en otages dans les villes assiégées ou se ralliaient à la cause russe avec enthousiasme ; ils déniaient le bombardement du théâtre et de la maternité de Marioupol tuant des femmes enceintes etc. Ils sont même allés jusqu’à essayer de faire passer le torpillage de leur vaisseau amiral par les ukrainiens en Mer noire pour un « accident » qui aurait déclenché un incendie, l’explosion des munitions, et le naufrage du bateau à cause de la mer agitée… L’extrême droite française a diffusé des images de Zelensky mitraillettes au poing tirant sur des députés russophones. Mais c’était un extrait de la série télévisée qui l’a rendu célèbre avant d’être élu, où il joue le rôle d’un professeur d’histoire devenu président et luttant contre la corruption de tous les députés ukrainiens : la scène complète le montre en train de rêver à ce mitraillage, tellement le combat contre la corruption et difficile…

Plus que jamais info et intox sont difficiles à démêler. Plus que jamais les réseaux sociaux répandent fake news et propagande. Plus que jamais, ces images, ces documents, ces paroles et vidéos sont faciles à manipuler, et c’est un défi éducatif énorme que d’apprendre aux jeunes générations à ne surtout pas croire tout ce qu’elles voient sur leurs écrans ! Avec la réalité virtuelle des Métavers qu’annonce Facebook & consorts, cela ne va pas s’arranger…

Les scientifiques nous alertent également depuis longtemps. On connaît depuis l’Antiquité les illusions d’optique qui nous font voir ce qui n’existe pas : images ambiguës (canard ou lapin ?) / illusions géométriques (ex : illusion de Müller-Lyer) / illusion de Ponzo générée par le cerveau (lignes de fuite) / fausse spirale de Fraser / la grille de Herman / l’échiquier d’Adelson / le motif de Kanizsa / la technique du clair-obscur / l’illusion de mouvement etc. [1]. Il nous arrive de ne pas trouver quelque chose qui se trouve pourtant juste sous notre nez, comme nos lunettes. Tant que nous ne regardons pas vraiment avec attention, cette chose n’existe pas en tant que telle pour l’esprit ; il ne peut donc pas la « piocher ». C’est sur cette propension que repose le célèbre jeu pour enfants ‘Où est Charlie’ ?

Et que dire de la mécanique quantique pour qui les particules du réel ne peuvent être approchées que sous le mode probabiliste ! L’exemple du boson de Higgs est instructif. La théorie quantique prévoyait l’existence de cette particule, mais personne ne l’avait jamais observée en laboratoire. Il a fallu l’accélérateur du CERN de Genève pour enfin mettre en évidence que ce boson existait alors que personne ne l’avait jamais vu ! Ce qui est vrai dans l’infiniment petit l’est aussi dans l’infiniment grand : tant de planètes et de galaxies ont été découvertes grâce au télescope Hubble et autre expériences qu’on se dit que le ciel de nos anciens avait de sacrés trous dans la raquette (ce qui au passage ruine la crédibilité scientifique des soi-disant prédictions astrologiques) !

Bref, ne faire confiance qu’à ce qu’on voit n’est pas rationnel, et peut même devenir dangereux en nous rendant vulnérables à toutes les manipulations !
C’est pourquoi les juifs demandaient au minimum 2 témoins pour déposer devant un tribunal. Les militaires aujourd’hui encore ne valident une information que si elle est recoupée par au moins 3 sources différentes et indépendantes. Et les chrétiens ont retenu 4 Évangiles pour éclairer la vie de Jésus de 4 projecteurs différents.

Méfions-nous donc de ce qui nous paraît évident et « tomber sous le sens »…

 

Toute foi aura sa nuit

Notre Thomas de Pâques a toute sa place dans ce constat que voir et croire ne sont pas identiques. Il nous avertit que tôt ou tard celui qui suit le Christ sera confronté à l’absence, au manque de signes, voire à des signes contraires. La tradition mystique appelle nuit de la foi cette expérience terrible où nous ne voyons plus rien de la réalité pascale. Ils sont nombreux à en avoir parlé : Benoît, Ignace, Thérèse d’Avila, Jean de la Croix, Maître Eckhart, Ruysbroek, les béguines, Mère Teresa… Cela peut se traduire par un sentiment d’absence de Dieu, par l’absence de sensibilité de Dieu dans la prière. Saint François de Sales raconte qu’au cours d’une période de « nuit » il a eu la tentation du suicide !

Mère Teresa en témoignait : « C’est seulement la foi aveugle qui me transporte, parce que, en vérité, tout est obscurité pour moi ». Souvenez-vous de la stupeur du monde apprenant, en 2007, le « tunnel » dans lequel la sainte de Calcutta a passé les cinquante dernières années de sa vie. « Où est ma foi ? » interrogeait-elle dans une lettre à son confesseur, le 3 juillet 1959. « Tant de questions sans réponse vivent en moi. (…) On me dit que Dieu m’aime et pourtant l’obscurité, la froideur et le vide sont une réalité si grande que rien ne touche mon âme ».

Jean de la Croix (XVI° siècle) parle de la nuit des sens et de la nuit de l’esprit. Cette dernière peut frôler la dépression, le sentiment d’inutilité, le désespoir. Le poème « La nuit obscure » en condense l’expérience spirituelle, au travers de la figure de la bien-aimée (l’âme humaine) qui cherche son bien-aimé (le Christ) dans la nuit :

La nuit obscurePendant une nuit obscure,
Enflammée d’un amour inquiet,
Ô l’heureuse fortune !
Je suis sortie sans être aperçue,
Lorsque ma maison était tranquille.

Étant assurée et déguisée,
Je suis sortie par un degré secret,
Ô l’heureuse fortune !
Et étant bien cachée dans les ténèbres,
Lorsque ma maison était tranquille.

Pendant cette heureuse nuit,
Je suis sortie en ce lieu secret
Où personne ne me voyait,
Sans autre lumière,
Que celle qui luit dans mon cœur.

Elle me conduisit
Plus surement que la lumière du midi,
Où m’attendait
celui qui me connait très bien,
Et où personne ne paraissait.

Ô nuit qui m’a conduite !
Ô nuit plus aimable que l’aurore !
Ô nuit qui as uni
le bien-aimé avec la bien-aimée,
en transformant l’amante en son bien-aimé.

La nuit de la foi est la perte de toute image de Dieu, de toute représentation.

Dans ce chemin de la foi, les sens ne sont plus là pour conduire l’âme comme elle en avait l’habitude, ni la nourrir. C’est pour cela qu’elle est comme dans la nuit. Ce n’est donc pas n’importe quelle nuit. C’est la nuit de la foi qui engage ou ouvre une heureuse aventure et qui permet à l’âme de se détacher de ses sens pour aller plus avant en elle-même.

Jean de la Croix utilise une image éclairante (Nuit obscure II,10) : l’être humain est comparable à une bûche de bois que la flamme de l’Esprit veut transformer en feu d’amour, donc en Lui-même. Mais quand le feu attaque le bois, il l’obscurcit avant de le rendre incandescent ; cette phase négative risque d’être mal interprétée comme un enlaidissement spirituel alors que c’est le signe d’une transformation en cours. On pourrait presque dire que plus l’obscurité de la nuit est forte, plus elle annonce une communion intense.
Maître Eckhart (XIII°-XIV° siècles) avait déjà eu recours à cette image de la bûche :

« Lorsque le feu veut attirer le bois dans soi et soi en retour dans le bois, il trouve le bois inégal à lui. À cela il faut du temps. En premier lieu, il le rend chaud et brûlant, et alors il fume et craque, car il lui est inégal ; et plus le bois devient brûlant plus il devient silencieux et tranquille, et plus il est égal au feu plus paisible il est, jusqu’à ce qu’il devienne pleinement feu » (Sermon 11).

Jean de la Croix rend compte de cette obscurité de la nuit par le fait que la foi est une lumière éblouissante pour notre intelligence, en raison de la différence abyssale de nature entre Dieu et l’homme et du péché qui blesse notre humanité. Mais n’oublions pas : s’il y a nuit, c’est en tant que passage vers le plein jour, vers la lumière qui ne finit pas. L’homme est destiné à devenir Dieu par participation, et ce dès cette vie humaine, même si cela ne sera pleinement accompli que dans l’éternité. La nuit a une portée purificatrice : elle nous prépare à nous unir à Dieu et à trouver pleinement le sens de notre vie. Elle a aussi une portée apostolique comme participation à la Passion de Jésus. La longue « nuit de la foi » de Mère Teresa en est un cas saisissant : sentiment intérieur de l’absence de Dieu mais foi constante et croissance dans la charité. La nuit est féconde pour celui qui la traverse mais aussi, à travers lui, pour l’Église.

Croire sans voir : la pédagogie de l'inconditionnel dans Communauté spirituelle 41jhICFCBUL._SX359_BO1,204,203,200_Faire l’expérience de la nuit de la foi n’est pas réservé à ces géants spirituels. Nous aussi, comme Thomas, nous aurons du mal à croire à l’incroyable dont témoignent pourtant des gens que nous connaissons et aimons. La nuit de Thomas n’a duré qu’une semaine, la nôtre peut s’étendre sur des mois, des années. Lisez ce témoignage d’un prêtre qui l’a consignée  dans un livre [2]C‘était en 1994, quinze jours après la mort de son père dont il était très proche. Un vendredi, le P. Éric Venot-Eiffel, carme âgé de 46 ans, s’allonge dans sa cellule du couvent d’Avon, près de Fontainebleau. Tout à coup, il se sent envahi par la nuit. « C’est plus que des doutes, raconte-t-il. Je ne sais plus où j’en suis. Des questions me taraudent : Dieu existe-t-il vraiment ? À quoi sert de prier ? Ai-je bâti mon existence sur le vide ? » Cette épreuve va durer dix-sept ans, pendant lesquels ce prêtre refuse de dire qu’il a perdu la foi, préférant la métaphore de la marée. « Ma foi s’est retirée comme la mer se retire, et je me sens comme une barque échouée dans la vase, attendant désespérément que la mer remonte pour flotter, poursuit-il. La foi est devenue inatteignable. Je n’ai plus accès à l’homme que j’étais ».

 

La pédagogie de l’inconditionnel

Saint Thomas touchant les plaies du ChristLe Ressuscité ne disqualifie pas l’attitude de Thomas, puisqu’il répond à son attente en se manifestant à lui 8 jours après. Avec amour et patience, sans reproche, Jésus conduit Thomas de la maîtrise à la confiance, de la volonté de mainmise à l’acceptation de l’autre. Le doute qui s’était insinué dans la tête de Thomas était quelque peu diabolique, en ce sens qu’il était structuré comme les trois tentations suggérées par le diable au désert telles que nous les avons lues lors du Mercredi des cendres : « si tu es fils de Dieu… alors… » Thomas duplique ce schéma : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! ».
Autrement dit, Thomas est dans la foi au conditionnel : « à condition que… alors je croirai en toi ». Or quand Dieu aime, c’est sans conditions. C’est d’ailleurs l’assurance donnée à Jésus lors de son baptême dans le Jourdain : « tu es mon fils bien-aimé ». C’est un présent inconditionnel.
Jésus crucifié aimera le criminel sans exiger de lui un préalable : « aujourd’hui, tu seras avec moi en paradis ».
La foi-confiance est sans conditions, et le Ressuscité conduit Thomas à déposer les armes pour accueillir celui qui vient à lui : « Mon Seigneur et mon Dieu ! »

Cette pédagogie de l’inconditionnel peut inspirer et renouveler notre manière d’éduquer les plus jeunes, de proposer la foi à ceux qui ne connaissent pas le Christ, de dialoguer avec nos ennemis… Cette pédagogie est avant tout un cheminement : elle demande du temps (une semaine symbolique pour Thomas), de l’écoute, de la gradualité.
Attention! Cet appel à croire sans voir pourrait conduire à croire n’importe quoi ou n’importa qui. Les gourous le savent bien. Tant d’hommes et de femmes ont été abusés par leurs propres impressions ou par d’autres personnes, bien intentionnées ou non, cherchant à tout prix à neutraliser le sens critique de leur interlocuteur par une formule du genre : « c’est le grand mystère de la foi » ! Or, dans le langage de la Bible, un « mystère » est précisément quelque chose qui était inconnu et qui est maintenant manifesté grâce à Dieu. Il est donc légitime et sage de chercher à voir plus clair afin de croire.
Quand André et Jean demandent à Jésus où il demeure, Jésus les encourage dans cette démarche : « Venez et voyez. Ils allèrent, et ils virent où il demeurait » (Jn 1,39). Jean entre et il est écrit : « il vit et il crut » (Jn 20,3-8). Qu’est-ce que Jean vit qui le fit croire ? Rien puisque le tombeau est vide. Il vit… qu’il n’y avait rien à voir. Il saisit qu’il n’y a rien là-dedans – dans le visible – d’important pour la foi, pour l’espérance, et que l’amour peut se passer du visible. Le tombeau est spirituellement vide… Débarrassés du visible, nous pouvons enfin accéder à la foi, aller du domaine du physique au spirituel, du temps à l’éternité. Dans un sens, oui, il est ainsi indispensable d’accepter de ne pas voir, de dépasser le visible, pour croire (au sens d’avoir la foi).

Thomas nous montre que notre besoin de voir est accueilli par le Christ, qu’il l’accompagne et le transforme.
Croire sans voir s’apprend, Thomas l’atteste !

 

La deuxième Béatitude

Au bonheur des BéatitudesDans l’Évangile de Jean, il n’y a pas le discours des Béatitudes comme chez Mathieu ou Luc. Jean n’a que deux passage où Jésus déclare heureux ceux qu’ils désignent : lors du lavement des pieds à la Cène (« Sachant cela, heureux êtes-vous, si vous le faites » (Jn 13,17), et ici devant Thomas : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu ». La béatitude de la foi sans conditions va ainsi se concilier avec la béatitude du service fraternel (lavement des pieds). C’est donc que croire sans voir est la moitié du bonheur !
Car abandonner le conditionnel est libératoire : plus besoin de comptabiliser les signes, de marchander les grâces, d’accumuler les bonnes œuvres, d’exercer un chantage.
Dès lors, croire sans voir devient jubilatoire, car l’âme est libre de louer et contempler Dieu sans exiger de contrepartie. Le service fraternel en est d’autant plus facilité qu’il ne constitue plus un ticket d’entrée pour le paradis !
Plus besoin de s’épuiser comme Thomas à demander des preuves. Il suffit d’une seule Transfiguration pour aller au plus bas de la Passion. Il suffit d’une seule rencontre avec le Ressuscité pour aller donner sa vie en Inde et dans les îles syro-malabares comme Thomas !
Et si en chemin nous sommes soumis à l’épreuve de la nuit de la foi, appuyons-nous sur le témoignage de ceux et celles qui l’ont traversée avant nous.

Heureux ceux qui croient sans avoir vu !
Puissions-nous être de ceux-là…

 


[2]J’ai tant douté de toi, Éd. Médiaspaul, 2012. Cf. https://www.lepelerin.com/foi-et-spiritualite/temoignages-de-foi/la-nuit-de-la-foi/


LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Un seul cœur et une seule âme » (Ac 4, 32-35)

Lecture du livre des Actes des Apôtres
La multitude de ceux qui étaient devenus croyants avait un seul cœur et une seule âme ; et personne ne disait que ses biens lui appartenaient en propre, mais ils avaient tout en commun. C’est avec une grande puissance que les Apôtres rendaient témoignage de la résurrection du Seigneur Jésus, et une grâce abondante reposait sur eux tous. Aucun d’entre eux n’était dans l’indigence, car tous ceux qui étaient propriétaires de domaines ou de maisons les vendaient, et ils apportaient le montant de la vente pour le déposer aux pieds des Apôtres ; puis on le distribuait en fonction des besoins de chacun.

PSAUME
(117 (118), 2-4, 16ab-18, 22-24)
R/ Rendez grâce au Seigneur : Il est bon ! Éternel est son amour ! ou : Alléluia ! (117,1)

Oui, que le dise Israël :
Éternel est son amour !
Que le dise la maison d’Aaron :
Éternel est son amour !

Qu’ils le disent, ceux qui craignent le Seigneur :
Éternel est son amour !
Le bras du Seigneur se lève,
le bras du Seigneur est fort !

Non, je ne mourrai pas, je vivrai
pour annoncer les actions du Seigneur.
Il m’a frappé, le Seigneur, il m’a frappé,
mais sans me livrer à la mort.

La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle :
c’est là l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux.
Voici le jour que fit le Seigneur, qu’il soit pour nous jour de fête et de joie !

DEUXIÈME LECTURE
« Tout être qui est né de Dieu est vainqueur du monde » (1 Jn 5, 1-6)

Lecture de la première lettre de saint Jean
Bien-aimés, celui qui croit que Jésus est le Christ, celui-là est né de Dieu ; celui qui aime le Père qui a engendré aime aussi le Fils qui est né de lui. Voici comment nous reconnaissons que nous aimons les enfants de Dieu : lorsque nous aimons Dieu et que nous accomplissons ses commandements. Car tel est l’amour de Dieu : garder ses commandements ; et ses commandements ne sont pas un fardeau, puisque tout être qui est né de Dieu est vainqueur du monde. Or la victoire remportée sur le monde, c’est notre foi. Qui donc est vainqueur du monde ? N’est-ce pas celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu ?
C’est lui, Jésus Christ, qui est venu par l’eau et par le sang : non pas seulement avec l’eau, mais avec l’eau et avec le sang. Et celui qui rend témoignage, c’est l’Esprit, car l’Esprit est la vérité.

ÉVANGILE
« Huit jours plus tard, Jésus vient » (Jn 20, 19-31)
Alléluia. Alléluia.Thomas, parce que tu m’as vu, tu crois, dit le Seigneur. Heureux ceux qui croient sans avoir vu ! Alléluia. (Jn 20, 29)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
C’était après la mort de Jésus. Le soir venu, en ce premier jour de la semaine, alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! » Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur. Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. » Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. »
Or, l’un des Douze, Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), n’était pas avec eux quand Jésus était venu. Les autres disciples lui disaient : « Nous avons vu le Seigneur ! » Mais il leur déclara : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! »
Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vient, alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d’eux. Il dit : « La paix soit avec vous ! » Puis il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant. » Alors Thomas lui dit : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Jésus lui dit : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu ». Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom.
Patrick Braud

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10 février 2019

Les malheuritudes de Jésus

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 00 min

Les malheuritudes de Jésus

Homélie pour le 6° dimanche du temps ordinaire / Année C
17/02/2019

 Cf. également :
Le bonheur illucide
Aimer Dieu comme on aime une vache ?
La « réserve eschatologique »

Comment peut-on dire à quelqu’un : « malheur à toi ? » Ou pire encore : « maudit sois-tu ! » Nous sommes (relativement) à l’aise avec les quatre béatitudes de Luc dans l’Évangile aujourd’hui (Lc 6, 17.20-26). Mais on passe souvent sous silence les quatre « malheuritudes » (néologisme pour désigner le contraire des béatitudes) qui suivent : « malheur à vous les riches ! à vous riez ! à vous qui êtes repus ! à vous dont tout le monde dit du bien ! » Or la conception du texte montre que ces quatre déclarations de malheur, exactement symétrique des quatre béatitudes, sont nécessaires à l’ensemble pour qu’il y ait une alternative, un choix possible. C’est parce que cette version de Luc est plus dure, plus difficile à porter qu’elle est moins populaire que celle de Matthieu, avec ses huit belles et amples béatitudes sans contrepartie (Mt 5, 1-11). Or l’Évangile de Luc est à juste titre surnommé « l’Évangile de la miséricorde » : y aurait-il contradiction ?

Si on ne peut enlever ces lignes de Luc, c’est donc que déclarer « malheur ! » à quelqu’un fait partie intégrante de notre fonction prophétique d’aujourd’hui, et de la miséricorde que nous devons à notre époque. Sans tomber dans l’excès où nous ne deviendrions plus que des prophètes de malheur, il nous appartient de prendre au sérieux le tragique de l’existence, d’avertir quelqu’un/un groupe/un peuple du malheur qui va fondre sur lui s’il ne change rien. Car béatitudes et malheuritudes ne sont pas des récompenses ni des sanctions : ce sont des constats. Si vous êtes riches, vous avez déjà votre consolation : l’avenir ne vous apportera rien, votre malheur en sera immense. Si vous êtes repus alors que les autres ont faim, vous vous excluez vous-même de la table commune à laquelle tous seront invités. Si vous riez – et c’est souvent aux dépens des autres – vous endurcissez votre cœur en ne ressentant plus de compassion, et vous vous préparez un avenir glacé, amputé de la joie de communier aux autres. Si vous recherchez la renommée, la gloire, l’adulation, vous n’aurez plus la force de contrarier les puissants, de dénoncer les tyrans, de contester les injustices ; vous serez comme les faux prophètes n’annonçant aux princes que ce que les princes ont envie d’entendre…

François Clavairoly, Président de la Fédération protestante de France, fait ainsi le diagnostic du malheur qui s’abat sur Judas après la Cène :

Les malheuritudes de Jésus dans Communauté spirituelle autun-cap017-t« De même, Judas, dans le récit de l’évangile, n’est condamné par quiconque. À l’inverse de Pierre qui n’est pas pris de remord alors qu’il vient sans vergogne de renier son maitre, Judas veut revenir sur sa décision et rendre l’argent de la trahison, il veut faire marche arrière, mais il ne se pardonnera pas son geste ni n’attendra aucun pardon et il se perdra lui-même. Judas est plongé, piégé lui-aussi  dans son malheur, et il s’y noiera, comme Jésus l’avait pressenti  au moment du dernier repas en disant, sans le nommer, d’ailleurs : « Malheur à cet homme par qui le Fils de l’homme est livré ! Mieux eût-il  valu pour lui qu’il ne fût pas né, cet homme-là »

Le suicide est un geste, comme je le disais, placé sous le signe du malheur. Non pas de la malédiction, car alors Dieu prononcerait un verdict de jugement,  mais, pour employer un mot qui n’existe pas et qui dit exactement l’inverse de la béatitude, Judas est sous l’emprise d’une « malheuritude » qui l’enferme et il se perd lui-même, seul, dans sa propre nuit d’une responsabilité trop lourde à porter et que personne ne veut partager autour de lui. » [1]

Dire « malheur à vous ! » est dans la bouche de Jésus un acte d’amour : c’est l’avertissement – porteur de salut – que la voie choisie par certains est une forme de suicide, une impasse, et ne peut que les mener au malheur.

vanner%2B2 béatitude dans Communauté spirituelleJérémie pratiquait cette arme prophétique (première lecture : Jr 17,5-8) : « maudit soit l’homme qui met sa foi dans un mortel tandis que son cœur se détourne du Seigneur : il ne verra pas venir le bonheur ». Transposez cette remarque à la construction européenne par exemple, et vous aurez une idée des ennuis qui vont vous tomber dessus comme ils ont plu sur Jérémie…

Le psaume 1 reprend cette même pédagogie de l’avertissement : « les méchants sont comme de la paille balayée par le vent ; leur chemin se perdra ». C’est là encore un constat désolé et non une condamnation. C’est l’adolescent délinquant qu’on secoue par les épaules avec amour pour lui dire : « réveille-toi, tu es en train de te perdre toi-même ». C’est l’ami confident qui ose reprocher à son ami ses infidélités conjugales, faute de quoi sa famille va dans le mur. C’est plus trivialement le panneau : « attention danger ! » avec une tête de mort qui avertit le promeneur trop curieux qu’il entre dans une zone militaire, un générateur haute tension ou une route effondrée, avec beaucoup de risques et de périls. Ce sont les phrases et photos terribles sur les paquets neutres de cigarettes : « fumer tue ». Et Paul dans la deuxième lecture  (1 Co 15, 12-20) avertit les Corinthiens baptisés : « si nous avons mis cet espoir dans le Christ pour cette vie-ci seulement, nous sommes les plus malheureux de tous les hommes ». Rétrécir l’espérance chrétienne au bien-être dans cette vie-ci nous empêche finalement d’accueillir la vie éternelle promise en Christ au-delà de la mort.

« Malheur à vous… » : Luc et Matthieu sont d’ailleurs spécialistes de cette formule-choc destinée à sortir l’aider de sa torpeur spirituelle, de sa complicité avec le mal.

Mais malheureux êtes-vous, Pharisiens, vous qui versez la dîme de la menthe, de la rue et de tout ce qui pousse dans le jardin, et qui laissez de côté la justice et l’amour de Dieu. C’est ceci qu’il fallait faire, sans négliger cela.
Malheureux êtes-vous, Pharisiens, vous qui aimez le premier siège dans les synagogues et les salutations sur les places publiques.
Malheureux, vous qui êtes comme ces tombes que rien ne signale et sur lesquelles on marche sans le savoir.
Vous aussi, légistes, vous êtes malheureux, vous qui chargez les hommes de fardeaux accablants, et qui ne touchez pas vous-mêmes d’un seul de vos doigts à ces fardeaux.
Malheureux êtes-vous, légistes, vous qui avez pris la clé de la connaissance: vous n’êtes pas entrés vous-mêmes, et ceux qui voulaient entrer, vous les en avez empêchés. (Lc 11, 42-44.46.52)

Malheureux êtes-vous, scribes et Pharisiens hypocrites, vous qui versez la dîme de la menthe, du fenouil et du cumin, alors que vous négligez ce qu’il y a de plus grave dans la Loi: la justice, la miséricorde et la fidélité; c’est ceci qu’il fallait faire, sans négliger cela.
Malheureux êtes-vous, scribes et Pharisiens hypocrites, vous qui purifiez l’extérieur de la coupe et du plat, alors que l’intérieur est rempli des produits de la rapine et de l’intempérance.
Malheureux êtes-vous, scribes et Pharisiens hypocrites, vous qui ressemblez à des sépulcres blanchis: au-dehors ils ont belle apparence, mais au-dedans ils sont pleins d’ossements de morts et d’impuretés de toutes sortes (Mt 23,22.25.27).

L’être humain est ainsi fait : si personne ne l’avertit à temps de ses dérives dangereuses, il est capable de s’enfermer lui-même dans un malheur sans fin. Il aurait fallu plus de ces prophètes de malheur pour empêcher la cupidité bancaire de déclencher la crise de 2008, pour détourner les musulmans de l’islamisme, pour éviter les explosions de colère des oubliés un peu partout en Europe…

crise-cac40-subprimes-2008 malheur

Au nom de notre vocation prophétique, nous ne pouvons pas renoncer à diagnostiquer et rendre public le malheur en train de préparer sa venue et sa domination.

Ce faisant, nous perdrons sans aucun doute l’estime de beaucoup. Nous serons peut-être haïs, insultés, méprisés – selon les mots des Jésus – car nous heurterons de front des intérêts et des idéologies extrêmement puissantes et répandues.

Ce faisant, nous découvrirons que les quatre béatitudes font système, comme hélas les quatre malheuritudes symétriques. Impossible en effet de résister aux attaques sans avoir un cœur de pauvre qui met son espérance en Dieu et non dans les mortels. Impossible de dénoncer l’injustice sans en payer le prix d’une manière ou d’une autre, sans éprouver la faim, sans pleurer devant le mal progressant sous nos yeux.

Le malheur déclaré à l’autre (« malheur à vous ! ») n’est jamais que l’heure du mal (mal-heur), la conséquence implacable de sa liberté humaine. Pourtant, par essence, cette déclaration est réversible : « si tu changes de voie, alors le malheur s’éloignera de toi ». Et par essence, cette déclaration témoigne de l’attachement à l’autre, sinon on laisserait se perdre en pensant : « bien fait pour lui, je m’en fiche ». Eh bien non ! Comme la correction fraternelle obligeant à révéler un péché à son frère, la malheuritude est le fruit d’un amour inquiet de la perdition de l’autre.

Comment retrouver aujourd’hui cette force de contestation prophétique ?

Peut-être en commençant par se l’appliquer à soi-même, à l’image de Paul : « malheur à moi si je n’annonce pas l’Évangile ! » (1Co 9,16). Chacun de nous peut décliner cette malheuritude pour lui-même : « malheur à moi si j’oublie ceci, si je m’éloigne de cela, si je deviens complice de…. »

Ensuite, nous aurons besoin de nous enraciner longuement en Dieu avant de constater telle ou telle menace sur le bonheur humain. C’est après avoir descendu de la montagne que Jésus enseigne les foules : c’est donc que l’intimité avec Dieu (lors de sa solitude en montagne auparavant) nourrit sa parole démasquant les impasses malheureuses. À parler trop vite, nous risquerions de n’être le porte-voix que de notre ego ou de nos idéologies trop humaines. Sans cette intense fréquentation de l’Esprit de discernement, à travers la prière, l’étude biblique, le silence, l’écoute des événements, nous resterons prisonniers de ce que nous prétendons dénoncer.

Reste que le devoir d’annoncer l’Évangile, à temps et à contretemps, nous fera nous aussi comme le Christ proclamer : « malheur à vous si… », avec les conséquences que cela entraîne.

N’ayons pas peur d’assumer ce rôle prophétique, en politique ou en entreprise, entre voisins ou entre membres d’une association. Car notre bonheur est de voir l’autre (et nous-mêmes !) se détourner du malheur annoncé…

 


[1]. Cf. Le suicide : éléments de réflexion dans une perspective protestante (27 janvier 2016) :  http://www.protestants.org/index.php?id=34057#_msocom_1

 

 

Lectures de la messe

 Première lecture
« Maudit soit l’homme qui met sa foi dans un mortel. Béni soit l’homme qui met sa foi dans le Seigneur » (Jr 17, 5-8)

Lecture du livre du prophète Jérémie

Ainsi parle le Seigneur :
Maudit soit l’homme qui met sa foi dans un mortel, qui s’appuie sur un être de chair, tandis que son cœur se détourne du Seigneur. Il sera comme un buisson sur une terre désolée, il ne verra pas venir le bonheur. Il aura pour demeure les lieux arides du désert, une terre salée, inhabitable.
Béni soit l’homme qui met sa foi dans le Seigneur, dont le Seigneur est la confiance. Il sera comme un arbre, planté près des eaux, qui pousse, vers le courant, ses racines. Il ne craint pas quand vient la chaleur : son feuillage reste vert. L’année de la sécheresse, il est sans inquiétude : il ne manque pas de porter du fruit.

Psaume
(Ps 1, 1-2, 3, 4.6)
R/ Heureux est l’homme qui met sa foi dans le Seigneur.
(Ps 39, 5a)

Heureux est l’homme qui n’entre pas au conseil des méchants,
qui ne suit pas le chemin des pécheurs,
ne siège pas avec ceux qui ricanent,
mais se plaît dans la loi du Seigneur
et murmure sa loi jour et nuit !

Il est comme un arbre planté près d’un ruisseau,
qui donne du fruit en son temps,
et jamais son feuillage ne meurt ;
tout ce qu’il entreprend réussira.

Tel n’est pas le sort des méchants.
Mais ils sont comme la paille balayée par le vent.

Le Seigneur connaît le chemin des justes,
mais le chemin des méchants se perdra.

Deuxième lecture
« Si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi est sans valeur » (1 Co 15, 12.16-20)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères, nous proclamons que le Christ est ressuscité d’entre les morts ; alors, comment certains d’entre vous peuvent-ils affirmer qu’il n’y a pas de résurrection des morts ? Car si les morts ne ressuscitent pas, le Christ non plus n’est pas ressuscité. Et si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi est sans valeur, vous êtes encore sous l’emprise de vos péchés ; et donc, ceux qui se sont endormis dans le Christ sont perdus. Si nous avons mis notre espoir dans le Christ pour cette vie seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes. Mais non ! le Christ est ressuscité d’entre les morts, lui, premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis.

Évangile
« Heureux les pauvres ! Quel malheur pour vous les riches ! » (Lc 6, 17.20-26)
Alléluia. Alléluia.
Réjouissez-vous, tressaillez de joie, dit le Seigneur, car votre récompense est grande dans le ciel.
Alléluia. (Lc 6, 23)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là, Jésus descendit de la montagne avec les Douze et s’arrêta sur un terrain plat. Il y avait là un grand nombre de ses disciples, et une grande multitude de gens venus de toute la Judée, de Jérusalem, et du littoral de Tyr et de Sidon.
Et Jésus, levant les yeux sur ses disciples, déclara : « Heureux, vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous. Heureux, vous qui avez faim maintenant, car vous serez rassasiés. Heureux, vous qui pleurez maintenant, car vous rirez. Heureux êtes-vous quand les hommes vous haïssent et vous excluent, quand ils insultent et rejettent votre nom comme méprisable, à cause du Fils de l’homme. Ce jour-là, réjouissez-vous, tressaillez de joie, car alors votre récompense est grande dans le ciel ; c’est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les prophètes.
Mais quel malheur pour vous, les riches, car vous avez votre consolation ! Quel malheur pour vous qui êtes repus maintenant, car vous aurez faim ! Quel malheur pour vous qui riez maintenant, car vous serez dans le deuil et vous pleurerez ! Quel malheur pour vous lorsque tous les hommes disent du bien de vous ! C’est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les faux prophètes. »
Patrick BRAUD

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7 août 2010

Agents de service

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Agents de service

 

Homélie du 19° Dimanche du temps ordinaire / Année C

08/08/2010

 

Agents de service dans Communauté spirituelle 129fwebTrois béatitudes en quelques lignes : l’événement est suffisamment rare pour ne pas laisser passer cette particularité de notre passage d’Évangile.

On est habitué aux quatre « heureux » des béatitudes de Luc (Lc 6), et plus encore au huit béatitudes  qu’on trouve chez Mathieu (Mt 5).

On oublie ces trois autres déclarations de bonheur que Jésus fait ici.

Or ces trois promesses – « qui feront des heureux » – sont toutes en lien avec le service, actif et vigilant :

- « heureux les serviteurs que le maître trouvera en train de veiller »

- « s’il revient à minuit et qu’il les trouve ainsi, heureux sont-ils ! »

- « heureux serviteur que son maître, en arrivant, trouvera à son travail ».

 

L’insistance est si forte qu’on se dit qu’il y a là une clé pour aujourd’hui encore.

Se mettre au service, rester vigilants et actifs en ce service, c’est une source de bonheur pour demain (« lorsque le maître viendra »).

Pour demain : car, contrairement à ce qu’on croit trop facilement (parce qu’on voudrait utiliser la foi pour être heureux, c’est-à-dire se servir de la foi au lieu de la servir?), Jésus ne promet pas ici de bonheur immédiat. Il l’annonce pour le moment du retour du maître, c’est-à-dire de son retour à lui. D’ici là, il faut tenir, veiller sans voir venir, continuer à servir alors qu’apparemment on est tout seul et que le Christ semble bien loin…

 

Allusion sans doute aux premières générations des chrétiens, confrontés à la persécution, qui devaient tenir bon, rester fidèles, sans autre espérance que celle de rencontrer le Christ dans la même Pâque que lui (le martyre).

 

Allusion aujourd’hui à la condition ordinaire des chrétiens : servir.

Servir la croissance du monde à travers leur vie professionnelle.

Servir la croissance de la vie à travers leur famille.

Servir la beauté de la création grâce à la culture, les arts etc…

En ce sens, l’Église est fondamentalement diaconale, parce que être disciple du Christ, c’est durer dans le service, la plupart du temps sans rien voir de l’utilité réelle de ce service (« mon maître tarde à venir »).

Si l’Église ordonne quelques uns diacres, cela c’est justement pour rappeler à tous que la diaconie (= le service) est la condition ordinaire de la responsabilité chrétienne.

Rappelez-vous la béatitude (semblable aux trois nôtres) du lavement des pieds dans l’Évangile de Jean : « heureux serez-vous, si du moins vous le mettez en pratique » (Jn 13,17). Cette promesse liée au lavement des pieds rejoint la promesse liée au service – vigilant et actif – de ce dimanche.

 

Voilà pourquoi on a besoin des diacres : pour rappeler à tout chrétien qu’il est appelé au service, service de Dieu et service du frère, indissociablement unis.

Parce que la vocation de l’Église est d’être diaconale, servante de l’humanité, il faut qu’elle ordonne quelques-uns pour le rappeler à tous.

De même qu’elle ordonne quelques uns prêtres pour rappeler à tous qu’ils ont à vivre leur sacerdoce baptismal, c’est-à-dire à offrir leur vie au Père par le Christ dans l’Esprit.
Vous le savez, c’est le Concile Vatican II qui a ouvert la voie de la restauration du diaconat permanent, si florissant dans les premiers siècles. C’est « en vue du service » que le Concile l’a fait (Lumen Gentium 29, 63). La lettre aux catholiques de France précisait en 1996 : 
« Il est exclu de célébrer en vérité le mystère de la foi en s’en tenant à l’action cultuelle. Car le Dieu sauveur s’est lui-même identifié aux pauvres et aux petits? Le ministère des diacres nous rappelle tout particulièrement ce lien fondamental entre service de Dieu et service des hommes ».

Les diacres permanents nous rappellent cette dimension essentielle de l’Église, pour que le sacrement de l’autel et celui du frère ne soient jamais séparés l’un de l’autre…

 

Où en suis-je de cette attitude fondamentale de service ?

Surtout si j’ai reçu beaucoup (car alors « on me réclamera davantage ») : comment rester actif et éveillé dans la mise à disposition pour autrui de mes talents, de mes charismes ?

 

En entreprise, servir ses collaborateurs est la marque des grandes figures patronales. Loin d’écraser leurs équipes, les grands capitaines d’industrie libèrent l’énergie de leurs associés, leur donnent les moyens de grandir, font confiance, délèguent, catalysent leur enthousiasme…

Le service passe alors par le partage du pouvoir, du vouloir, de l’avoir : servir une aventure professionnelle commune demande cette vigilance active dont parle Jésus. Toujours sur le qui-vive pour promouvoir un collaborateur, un projet, une opportunité ; pour susciter une vision commune où chacun va donner le meilleur de lui-même ; pour partager les informations nécessaires ; pour partager jusqu’aux résultats financiers?

Leon HarmelUtopique ? Tant d’acteurs économiques – employés, ouvriers, cadres, actionnaires – ont été et sont toujours témoins que cette « utopie » du service est bien vivante et très féconde en entreprise ! Celui qui conçoit sa responsabilité comme un service, qu’il soit syndicaliste, opérateur sur une machine, hôtesse de caisse, cadre commercial ou grand patron, celui-là sait ce que Jésus veut dire : « heureux serviteur que son maître, en arrivant, trouvera à son travail ». Et le maître dont parle Jésus, c’est le maître des uns comme des autres, quelque soit leur position hiérarchique.

Chacun peut et doit répondre devant un « patron » plus grand que ceux qui l’entourent, et qui est commun à tous.

Or, lui répondre par le service – vigilant et actif – est le fondement du bonheur à venir…

 

Où en suis-je de cette attitude fondamentale de service ?…

 

Léon Harmel, figure du patronat chrétien « social »

 

1ère lecture : Dieu vient la nuit sauver son peuple (Sg 18, 6-9)

La nuit de la délivrance pascale avait été connue d’avance par nos Pères ; assurés des promesses auxquelles ils avaient cru, ils étaient dans la joie. Et ton peuple accueillit à la fois le salut des justes et la ruine de leurs ennemis. En même temps que tu frappais nos adversaires, tu nous appelais pour nous donner ta gloire. Dans le secret de leurs maisons, les fidèles descendants des justes offraient un sacrifice, et ils consacrèrent d’un commun accord cette loi divine : que les saints partageraient aussi bien le meilleur que le pire ; et déjà ils entonnaient les chants de louange des Pères.

Psaume : Ps 32, 1.12, 18-19, 20.22

R/ Bienheureux le peuple de Dieu !

 

Criez de joie pour le Seigneur, hommes justes !
Hommes droits, à vous la louange  !
Heureux le peuple dont le Seigneur est le Dieu,
heureuse la nation qu’il s’est choisie pour domaine  !

Dieu veille sur ceux qui le craignent,
qui mettent leur espoir en son amour,
pour les délivrer de la mort,
les garder en vie aux jours de famine.

Nous attendons notre vie du Seigneur :
il est pour nous un appui, un bouclier.
Que ton amour, Seigneur, soit sur nous
comme notre espoir est en toi !

2ème lecture : La foi d’Abraham, modèle de la nôtre (brève : 1-2.8-12) (He 11, 1-2.8-19)

Frères,
la foi est le moyen de posséder déjà ce qu’on espère, et de connaître des réalités qu’on ne voit pas.
Et quand l’Écriture rend témoignage aux anciens, c’est à cause de leur foi.
Grâce à la foi, Abraham obéit à l’appel de Dieu : il partit vers un pays qui devait lui être donné comme héritage. Et il partit sans savoir où il allait.
Grâce à la foi, il vint séjourner comme étranger dans la Terre promise ; c’est dans un campement qu’il vivait, ainsi qu’Isaac et Jacob, héritiers de la même promesse que lui,
car il attendait la cité qui aurait de vraies fondations, celle dont Dieu lui-même est le bâtisseur et l’architecte.
Grâce à la foi, Sara, elle aussi, malgré son âge, fut rendue capable d’avoir une descendance parce qu’elle avait pensé que Dieu serait fidèle à sa promesse.
C’est pourquoi, d’un seul homme, déjà marqué par la mort, ont pu naître des hommes aussi nombreux que les étoiles dans le ciel et les grains de sable au bord de la mer, que personne ne peut compter.
C’est dans la foi qu’ils sont tous morts sans avoir connu la réalisation des promesses ; mais ils l’avaient vue et saluée de loin, affirmant que, sur la terre, ils étaient des étrangers et des voyageurs.
Or, parler ainsi, c’est montrer clairement qu’on est à la recherche d’une patrie.
S’ils avaient pensé à celle qu’ils avaient quittée, ils auraient eu la possibilité d’y revenir.
En fait, ils aspiraient à une patrie meilleure, celle des cieux. Et Dieu n’a pas refusé d’être invoqué comme leur Dieu, puisqu’il leur a préparé une cité céleste.
Grâce à la foi, quand il fut soumis à l’épreuve, Abraham offrit Isaac en sacrifice. Et il offrait le fils unique, alors qu’il avait reçu les promesses
et entendu cette parole :C’est d’Isaac que naîtraune descendance qui portera ton nom.
Il pensait en effet que Dieu peut aller jusqu’à ressusciter les morts : c’est pourquoi son fils lui fut rendu ; et c’était prophétique.

 

Evangile : Se tenir prêts pour le retour du Seigneur (brève : 35-40) (Lc 12, 32-48)

Jésus disait à ses disciples : « Sois sans crainte, petit troupeau, car votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume.
Vendez ce que vous avez et donnez-le en aumône. Faites-vous une bourse qui ne s’use pas, un trésor inépuisable dans les cieux, là où le voleur n’approche pas, où la mite ne ronge pas.
Car là où est votre trésor, là aussi sera votre coeur.
Restez en tenue de service, et gardez vos lampes allumées.
Soyez comme des gens qui attendent leur maître à son retour des noces, pour lui ouvrir dès qu’il arrivera et frappera à la porte.
Heureux les serviteurs que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller. Amen, je vous le dis : il prendra la tenue de service, les fera passer à table et les servira chacun à son tour.
S’il revient vers minuit ou plus tard encore et qu’il les trouve ainsi, heureux sont-ils !
Vous le savez bien : si le maître de maison connaissait l’heure où le voleur doit venir, il ne laisserait pas percer le mur de sa maison.
Vous aussi, tenez-vous prêts : c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra. »
Pierre dit alors : « Seigneur, cette parabole s’adresse-t-elle à nous, ou à tout le monde ? »
Le Seigneur répond : « Quel est donc l’intendant fidèle et sensé à qui le maître confiera la charge de ses domestiques pour leur donner, en temps voulu, leur part de blé ?
Heureux serviteur, que son maître, en arrivant, trouvera à son travail.
Vraiment, je vous le déclare : il lui confiera la charge de tous ses biens.
Mais si le même serviteur se dit : ‘Mon maître tarde à venir’, et s’il se met à frapper serviteurs et servantes, à manger, à boire et à s’enivrer,
son maître viendra le jour où il ne l’attend pas et à l’heure qu’il n’a pas prévue ; il se séparera de lui et le mettra parmi les infidèles.
Le serviteur qui, connaissant la volonté de son maître, n’a pourtant rien préparé, ni accompli cette volonté, recevra un grand nombre de coups.
Mais celui qui ne la connaissait pas, et qui a mérité des coups pour sa conduite, n’en recevra qu’un petit nombre. A qui l’on a beaucoup donné, on demandera beaucoup ; à qui l’on a beaucoup confié, on réclamera davantage.
»
Patrick Braud

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