L'homélie du dimanche (prochain)

14 mai 2020

Passons aux Samaritains !

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Passons aux Samaritains !

Homélie du 6° Dimanche de Pâques / Année A
17/05/2020

Cf. également :

Le caillou et la barque
L’agilité chrétienne
Le Paraclet, l’Église, Mohammed et nous
Fidélité, identité, ipséité
Soyez toujours prêts à rendre compte de l’espérance qui est en vous

On se souvient de la célèbre formule d’Ozanam : « Passons aux barbares ! »
Elle fait allusion à la chute de l’empire romain sous les coups de boutoir des invasions barbares aux IV°-V° siècles ap. J.-C., qui pour beaucoup équivalait à la fin du monde chrétien. Passer aux barbares était alors, sous l’impulsion notamment de Saint Augustin, l’appel à ne pas confondre fin d’un monde (Rome) avec fin du monde, et à faire confiance dans la capacité de ce nouveau monde – fut-il barbare – à accueillir l’Évangile. Ce que l’Église a finalement opéré avec brio.
Du temps d’Ozanam, la révolution industrielle avait engendré des misères effroyables. La révolution de 1848 éclate avec son cortège de malheurs de toutes sortes. Il faut mettre en œuvre, et de toute urgence, la charité chrétienne.
En février 1848, Ozanam s’écrie: « Passons aux Barbares et suivons Pie IX ! » Ce cri ne fut pas compris et Ozanam dut s’expliquer: « Aller au peuple c’est à l’exemple de Pie IX, s’occuper de ce peuple qui a trop de besoins et pas assez de droits, qui réclame une plus grande part raisonnable dans les affaires publiques, des garanties pour son travail, des assurances contre sa misère… qui, sans doute, suit de mauvais chefs, mais faute de trouver ailleurs de bons… »

« Passons aux Barbares ! » signifiait : faisons corps avec les souffrances et les espérances des ouvriers écrasés de travail dans les usines géantes qui ont couvert le sol français.
Cet accent prophétique sera peu écouté. Mais Ozanam demeure un des pionniers du catholicisme social qui sera confirmé par « Rerum novarum » en 1891. Béatifié lors des JMJ de Paris en 1997, il laisse un témoignage de la vitalité du catholicisme social lorsqu’il se passionne pour les cultures de son temps.

Bien avant la chute de Rome, notre première lecture de ce dimanche nous montre les chrétiens de Jérusalem en train de « passer aux samaritains ». Événement inouï et improbable avant Pentecôte ! Car les samaritains pour les juifs de Jérusalem sont pires que les barbares pour Rome. L’opposition commence par le schisme de 935 av. J.-C. Le peuple hébreu se scinde alors en deux : le Royaume du nord et le Royaume du sud.

Aux yeux du sud, les samaritains sont des hérétiques (ils n’admettent que les seuls cinq livres de la Torah), des schismatiques (ils ont construit un Temple sur le mont Garizim qui rivalise avec celui de Jérusalem et voudrait le supplanter), des traîtres (des samaritains se sont alliés aux Séleucides pour combattre le royaume du Sud lors de la révolte des Macchabées en 166 avant J.-C. : « Apollonius rassembla une troupe importante de Samarie pour faire la guerre à Israël » 1 M 3,10).

L’addition est lourde ! Ajoutez-y un soupçon de racisme, car lors de la prise du royaume du Nord par les Assyriens en 721 avant J.-C., la population restante s’est mélangée avec les envahisseurs, et ce métissage à la fois ethnique et religieux était source d’un grand mépris de la part des habitants de Jérusalem et de tout le sud.

D’où le constat très froid de Jean : « les juifs ne veulent rien avoir en commun avec les samaritains » (Jn 4,9). Ce constat oublie cependant que les samaritains sont juifs eux aussi, à l’égal de ceux de Jérusalem…

Jésus lui-même mettra du temps à se dégager des préjugés de ses compatriotes au sujet des samaritains : « je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël »(Mt 15,24). Il est obligé de traverser la Samarie pour monter à Jérusalem, mais on sent que c’est à son corps défendant, et rapidement. Pourtant il y guérit dix lépreux, dont un seul à son étonnement revient le remercier : un samaritain. Et Jésus le traite alors d’« étranger » (Lc 17,18) avec la connotation péjorative qu’il pouvait y avoir à traiter quelqu’un ainsi. Or rappelons-le, aujourd’hui encore (il en reste toujours une petite centaine) les samaritains sont des juifs à part entière, héritiers d’Abraham, gardiens de la Torah, circoncis et pratiquant les grandes fêtes et rituels de l’Alliance !

Passons aux Samaritains ! dans Communauté spirituelle 1280px-Samaritains_garizim_2006_2

Dans cette histoire conflictuelle et ce contexte d’ostracisme (réciproque) entre Jérusalem et Samarie, il n’est que plus étonnant et admirable qu’un disciple du Ressuscité se soit aventuré en terre hérétique et schismatique ! Notons bien d’ailleurs que c’est l’un des Sept, Philippe, qui ose ainsi franchir la frontière. Les apôtres, nous dit le texte, « sont restés à Jérusalem », et ne sont pas les premiers à parcourir les routes hors de la ville. Le ministère de Philippe était à l’origine consacré au service des veuves (cf. Ac 6) pour permettre aux apôtres de se consacrer à l’annonce de la Parole. Or par un curieux renversement plein d’enseignements, c’est Philippe qui est le premier à évangéliser la Samarie, et non les Douze ! C’est donc qu’on ne peut pas enfermer un ministère dans une fiche de poste, toujours trop étroite dès que l’Esprit Saint est de la partie… Avec bonheur, les apôtres ne sont pas jaloux en entendant parler du succès de Philippe en Samarie. Peut-être sont-ils penauds, voire un peu honteux, de réaliser tout d’un coup que c’est eux qui aurait dû y aller ! En tout cas, ils réagissent vite et positivement, en déléguant Pierre et Jean pour assister Philippe sur place. Notons là encore que ce n’est pas Pierre qui déciderait seul, ni même Pierre et Jean : non, c’est le collège des Douze qui envoie deux des leurs (et pas les moindres !) voir sur le terrain comment cela se passe, sans suspicion, plutôt dans la joie et la reconnaissance, même si c’est avec étonnement. Pierre refera la même expérience avec le centurion Corneille, stupéfait que l’Esprit Saint soit accordé à cet étranger romain avant même qu’il ne soit baptisé (Ac 10 ; 15) !

Description de cette image, également commentée ci-aprèsEn Samarie c’est l’inverse : les samaritains ont reçu le baptême (« au nom du Seigneur Jésus », signe que le baptême au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit n’était pas encore généralisé), mais pas l’Esprit Saint ! On comprend mal aujourd’hui cette distinction entre baptême et Esprit Saint. Mais il faut se souvenir que depuis Pentecôte, la marque distinctive de la venue de l’Esprit Saint sur quelqu’un était le parler en langues (glossolalie, plus rarement xénolalie) qui se traduisait très simplement par une prière spontanée au-delà des mots, chantée dans une sorte de ‘scat’ (technique vocale du jazz) jubilatoire que les charismatiques ont retrouvé dans leurs groupes de prières au XX° siècle. D’ailleurs, le texte précise que c’est au cours de la prière avec Pierre et Jean que les samaritains reçurent l’Esprit Saint, l’imposition des mains étant le geste déclencheur de la glossolalie (comme dans les cultes noirs de Harlem chaque dimanche !). Ce geste fait ainsi la jonction entre l’approche charismatique (l’Esprit Saint est libre de se communiquer à qui il veut) et l’approche sacramentelle de l’Église. Ce n’est pas le sacrement de confirmation qui est directement visé ici (comme les catholiques ont essayé de récupérer ce texte ensuite). C’est plutôt l’indication que baptême et effusion de l’Esprit sont liés et que personne ne doit les séparer.

Revenons à nos barbares.
Pierre et Jean, par leur venue et leur imposition des mains, reconnaissent que Philippe a eu raison de passer en Samarie, et donc que l’Église ne peut rester confinée dans Jérusalem (la Pentecôte était l’amorce de ce déconfinement). Il leur faut se risquer sur les chemins d’autres univers culturels, bientôt d’autres civilisations, s’ils veulent être fidèles à l’envoi du Ressuscité : « vous serez mes témoins, à Jérusalem, dans toute la Judée, la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1,8). C’est le plan géographique du livre des Actes des Apôtres. C’est la dynamique permanente et perpétuelle de l’Église, missionnaire (= envoyée, missa en latin, qui a donné le mot messe) par nature (et non par tactique ou opportunisme). Passer aux barbares est un appel qui nous est constamment adressé. Cet appel nous oblige à ne pas nous installer trop longtemps ni trop confortablement dans une culture quelle qu’elle soit. Car toute civilisation est mortelle (cf. la chute de Rome), et toute culture recèle des trésors de « préparation évangélique », de « semences du Verbe » (pour parler comme les Pères de l’Église) qui attendent d’être fécondés par l’Évangile.

Passer aux samaritains, c’est rejoindre ceux dont les pensées nous semblent confuses (‘hérétiques’), qui sont assez loin de nos Églises (‘schismatiques’), mais qui cherchent avec passion un sens plus profond à leur existence. On pense aux innombrables courants écologiques, flirtant parfois avec d’anciennes pratiques comme le chamanisme ou le panthéisme, suscitant d’étonnantes communautés d’habitat et de modes de vie. On pense également aux multiples propositions de bien-être holistique, de développement personnel, de groupes New Age, de thérapies alternatives etc. qui traduisent une soif d’approche globale et d’harmonie qui pourrait être partagée avec le christianisme. On pourrait même penser aux immenses populations de l’islam qui ne connaissent le Christ qu’à travers le Coran et qui un jour voudraient le découvrir autrement…

Nous avons tous des samaritains en nous et autour de nous.

- En nous, car il y a sûrement dans l’histoire de chacun des métissages quelquefois douteux avec d’autres pensées, des partis pris étroits, des coupures d’avec nos sources profondes. Annoncer l’Évangile à cette part ‘hérétique’ et ‘schismatique’ de nous-mêmes, c’est reconnaître que je suis le premier à avoir besoin d’être évangélisé. C’est par là même renouveler sans cesse en soi la joie des convertis, la fraîcheur de la foi des catéchumènes, l’humilité de ceux qui se savent en chemin et non au but.

- Autour de nous, les samaritains sont nombreux. Collègues de travail apparemment éloignés des questions religieuses, amis et relations mettant leur confort individuel au-dessus de tout, famille plus ou moins unie… Raison de plus pour ne pas les traiter en ‘étrangers’, ou ‘perdus pour la cause’. Au contraire, chacun peut comme Philippe faire le voyage de Jérusalem à Samarie, de sa culture à celle de l’autre, pour découvrir sur place ce qui peut être baptisé des convictions, des valeurs, des pratiques de l’autre. Viendra ensuite le moment où il faudra appeler symboliquement Pierre et Jean pour imposer les mains, c’est-à-dire où il faudra faire la jonction avec l’Église institutionnelle pour qu’elle reconnaisse ce qui se joue dans cet ailleurs, pour que l’Esprit Saint puisse s’y manifester à profusion.

Parfois l’Esprit vient avant le baptême, comme le montre par exemple l’histoire extraordinaire des lettrés de Corée étudiant la Bible par eux-mêmes au XVIII° siècle, sans aucun missionnaire, et en être bouleversés au point de demander à la Chine voisine d’envoyer des prêtres pour baptiser et nourrir par l’eucharistie.
Parfois le baptême vient avant l’Esprit, comme les traditions des revivals pentecôtistes américains l’expérimentent depuis trois siècles.
Peu importe ! L’essentiel est de cultiver l’audace du diacre Philippe pour aller en terre étrangère, et le sens de la communion de Pierre et Jean pour agréger à l’Église ceux que l’Esprit Saint lui donne…

Passons aux samaritains !
Ceux de l’intérieur, ceux de l’extérieur.
Sortons de nos Jérusalem trop confinées pour faire se rencontrer l’Évangile et les cultures environnantes, pour imposer les mains à ceux que l’Esprit Saint nous donne comme compagnons de route.

 

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE

« Pierre et Jean leur imposèrent les mains, et ils reçurent l’Esprit Saint » (Ac 8, 5-8.14-17)

Lecture du livre des Actes des Apôtres

En ces jours-là, Philippe, l’un des Sept, arriva dans une ville de Samarie, et là il proclamait le Christ. Les foules, d’un même cœur, s’attachaient à ce que disait Philippe, car elles entendaient parler des signes qu’il accomplissait, ou même les voyaient. Beaucoup de possédés étaient délivrés des esprits impurs, qui sortaient en poussant de grands cris. Beaucoup de paralysés et de boiteux furent guéris. Et il y eut dans cette ville une grande joie.
Les Apôtres, restés à Jérusalem, apprirent que la Samarie avait accueilli la parole de Dieu. Alors ils y envoyèrent Pierre et Jean. À leur arrivée, ceux-ci prièrent pour ces Samaritains afin qu’ils reçoivent l’Esprit Saint ; en effet, l’Esprit n’était encore descendu sur aucun d’entre eux : ils étaient seulement baptisés au nom du Seigneur Jésus. Alors Pierre et Jean leur imposèrent les mains, et ils reçurent l’Esprit Saint.

 

PSAUME

(Ps 65 (66), 1-3a, 4-5, 6-7a, 16.20)
R/ Terre entière, acclame Dieu, chante le Seigneur ! ou : Alléluia ! (Ps 65, 1)

Acclamez Dieu, toute la terre ;
fêtez la gloire de son nom,
glorifiez-le en célébrant sa louange.

Dites à Dieu : « Que tes actions sont redoutables ! »
« Toute la terre se prosterne devant toi,
elle chante pour toi, elle chante pour ton nom. »

Venez et voyez les hauts faits de Dieu,
ses exploits redoutables pour les fils des hommes.

Il changea la mer en terre ferme :
ils passèrent le fleuve à pied sec.

De là, cette joie qu’il nous donne.
Il règne à jamais par sa puissance.

Venez, écoutez, vous tous qui craignez Dieu :
je vous dirai ce qu’il a fait pour mon âme ;

Béni soit Dieu qui n’a pas écarté ma prière,
ni détourné de moi son amour !

 

DEUXIÈME LECTURE

« Dans sa chair, il a été mis à mort ; dans l’esprit, il a reçu la vie » (1 P 3, 15-18)

Lecture de la première lettre de saint Pierre apôtre

Bien-aimés, honorez dans vos cœurs la sainteté du Seigneur, le Christ. Soyez prêts à tout moment à présenter une défense devant quiconque vous demande de rendre raison de l’espérance qui est en vous ; mais faites-le avec douceur et respect. Ayez une conscience droite, afin que vos adversaires soient pris de honte sur le point même où ils disent du mal de vous pour la bonne conduite que vous avez dans le Christ. Car mieux vaudrait souffrir en faisant le bien, si c’était la volonté de Dieu, plutôt qu’en faisant le mal. Car le Christ, lui aussi, a souffert pour les péchés, une seule fois, lui, le juste, pour les injustes, afin de vous introduire devant Dieu ; il a été mis à mort dans la chair ; mais vivifié dans l’Esprit.

 

ÉVANGILE

« Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur » (Jn 14, 15-21)
Alléluia. Alléluia.Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, dit le Seigneur ; mon Père l’aimera, et nous viendrons vers lui. Alléluia (Jn 14, 23)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements. Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous : l’Esprit de vérité, lui que le monde ne peut recevoir, car il ne le voit pas et ne le connaît pas ; vous, vous le connaissez, car il demeure auprès de vous, et il sera en vous. Je ne vous laisserai pas orphelins, je reviens vers vous. D’ici peu de temps, le monde ne me verra plus, mais vous, vous me verrez vivant, et vous vivrez aussi. En ce jour-là, vous reconnaîtrez que je suis en mon Père, que vous êtes en moi, et moi en vous. Celui qui reçoit mes commandements et les garde, c’est celui-là qui m’aime ; et celui qui m’aime sera aimé de mon Père ; moi aussi, je l’aimerai, et je me manifesterai à lui. »
Patrick BRAUD

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24 avril 2010

« Passons aux barbares »…

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

« Passons aux barbares »…

 

Homélie du 4° Dimanche de Pâques / année C

25/04/2010

 

« Nous nous tournons vers les païens ».

Ce tournant historique, Paul et Barnabé l’ont pris à Antioche. Pressés par l’hostilité – et même les poursuites – d’un certain nombre de juifs « furieux » de leur succès, ils vont emmener les autres à se tourner vers les « païens » de l’époque, c’est-à-dire ceux que justement les croyants convaincus considéraient comme des idolâtres, des gens impurs.

 

Comme quoi les difficultés rencontrées dans la mission peuvent devenir une source d’élargissement de celle-ci !

La persécution d’Étienne avait déjà engendré une « heureuse » dispersion des disciples hors de Jérusalem.

Puis la manière dont Pierre et ses compagnons ont enduré les persécutions impressionneront leurs adversaires et en convertiront beaucoup.

De même pour les innombrables martyrs qui donneront leur vie avec tant d’amour et de paix – même pour ceux qui les livraient au tribunal et aux lions – que les foules des arènes en seront bouleversées…

 

« Nous nous tournons vers les païens ».

Ce virage est toujours à renégocier.

Cette docilité à l’Esprit Saint qui mène les apôtres dans d’autres cultures est toujours à réactualiser.

 

·      Le passage à la philosophie.

On se souvient du « passage de la philosophie » qu’ont représenté les conciles oecuméniques des premiers siècles. Adopter le langage grec de « nature » et de « substance » pour évoquer l’humanité et la divinité de Jésus (1) : c’est assurément un audacieux tournant !

 

·      La chute de l’empire romain.

On se souvient encore de Saint Augustin : le bruit des armées barbares à la porte de Rome effrayait les chrétiens, qui croyaient que tout était perdu. Augustin les invite courageusement à accepter la fin d’un monde – l’empire romain – et à évangéliser le Nouveau Monde barbare venu d’ailleurs.

 

·      La révolution industrielle.

On se souvient plus près de nous de la célèbre formule d’Ozanam : « passons aux barbares ! »

La révolution industrielle avait engendré des misères effroyables. La Révolution de 1848 éclate avec son cortège de malheurs de toutes sortes. Il faut mettre en oeuvre, et de toute urgence, la charité chrétienne.

Ozanam s’écrie: « Passons aux Barbares et suivons Pie IX. » Ce cri ne fut pas compris et Ozanam dut « Passons aux barbares »... dans Communauté spirituelle 9782204080613s’expliquer: « Aller au peuple c’est à l’exemple de Pie IX, s’occuper de ce peuple qui a trop de besoins et pas assez de droits, qui réclame une plus grande part raisonnable dans les affaires publiques, des garanties pour son travail, des assurances contre sa misère… qui, sans doute, suit de mauvais chefs, mais faute de trouver ailleurs de bons… »

« Passer au peuple, ce n’est pas faire le jeu des Mazzini, des Ochsenhein et des Henri Heine, mais passer au service des masses en y comprenant celles des campagnes aussi bien que des villes. Voilà comment, passer au peuple, c’est passer aux Barbares, mais pour les arracher à la barbarie, faire d’eux des citoyens en en faisant des chrétiens, les faire monter dans la vérité et dans la moralité, pour les rendre ainsi dignes et capables de la liberté des enfants de Dieu. »

Homme ouvert, il ne veut pas que la religion se cantonne dans une minorité bourgeoise, ni dans un parti, elle doit aller aux masses, aux pauvres que le Christ a déclarés bienheureux.

« Passons aux Barbares ! »

Cet accent prophétique sera peu écouté.  Mais Ozanam demeure un des pionniers du catholicisme social qui sera confirmé par « Rerum novarum » en 1891. Béatifié lors des JMJ de Paris en 1997, il laisse un témoignage de la vitalité du catholicisme social lorsqu’il se passionne pour les cultures de son temps.

 

·      Et aujourd’hui ?

Maintenant encore, vers quels « païens » devons-nous nous tourner pour rester fidèles à Paul et Barnabé ? Vers quelle culture « barbare » nous tourner pour l’illuminer de l’Évangile, tout en récoltant ce que l’Esprit y a déjà semé ?

 

- On pourrait penser à la culture scientifique et technique, dont l’Église a eu si peur aux siècles précédents (alors qu’elle avait enfantée !).

 

- Ou encore à la culture économique, où la « barbarie » peut toujours faire des merveilles et des dégâts immenses, selon l’orientation donnée à la création de richesses…

 

- Ou encore à la culture médiatique, si loin apparemment des valeurs évangéliques ; et pourtant les formidables moyens de liaison et de communication entre les hommes représentent une chance historique pour y annoncer un évangile de communion, de relation…

 

« Je parie sur l’avenir du christianisme précisément parce que, en tant qu’historien, j’ai constaté qu’au cours des siècles, et malgré des pesanteurs, il avait manifesté un extraordinaire dynamisme et de très remarquables possibilités d’évolution. Il est parvenu à s’intégrer dans la civilisation gréco-romaine avant de « passer aux Barbares » (pour reprendre la formule d’Ozanam). Cette « conversion » aux Barbares a été extrêmement enrichissante, puisqu’elle a permis la création d’une civilisation chrétienne. Je reste persuadé que le rôle du christianisme a été majeur dans trois domaines, qui sont, il est vrai, objets de discussion : la naissance de la science ; l’épanouissement des droits de l’homme ; l’amélioration du statut de la femme. Le christianisme a su être porteur de culture et s’adapter. Rien n’indique qu’il soit arrivé à la fin de son parcours et qu’il ait achevé ses adaptations aux périodes successives et à la diversité des civilisations. Je parie sur cette capacité d’adaptation, et c’est la raison pour laquelle je ne désespère pas de son avenir. »
(Jean Delumeau ; cf. http://www.cairn.info/article_p.php?ID_ARTICLE=ETU_005_0689)

 

Passons donc aux barbares !

- Collectivement : en discernant dans les cultures environnantes les « pierres d’attente » de l’Évangile, les « semences du Verbe » comme disaient les Pères de l’Église pour désigner les aspirations barbares toutes proches de l’Évangile.

- Personnellement : en étant attentif à ce que des non-chrétiens manifestent autour de moi comme attentes profondes, comme sagesse remarquable, comme capacité d’accueil du message évangélique.

 

« Pour la gloire de Dieu et le salut du monde », répétons-nous à chaque eucharistie en écho aux apôtres à Antioche : « pour que le salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre ».

Que l’Esprit du Ressuscité nous entraîne à nous tourner vers les païens d’aujourd’hui !

« Passons aux barbares »…

 

 

1. Une seule personne divine assumant les deux natures, divine et humaine : c’est ce qu’on appelle « l’union hypostatique » dans le vocabulaire philosophique des conciles, s’inspirant des Grecs.

 

1ère lecture : L’Évangile annoncé aux païens (Ac 13, 14.43-52)

 

Lecture du livre des Actes des Apôtres

Paul et Barnabé étaient arrivés à Antioche de Pisidie. Le Jour du sabbat, ils entrèrent à la synagoque. 
Quand l’assemblée se sépara, beaucoup de Juifs et de convertis au judaïsme les suivirent. Paul et Barnabé, parlant avec eux, les encourageaient à rester fidèles à la grâce de Dieu.
Le sabbat suivant, presque toute la ville se rassembla pour entendre la parole du Seigneur.
Quand les Juifs virent tant de monde, ils furent remplis de fureur ; ils repoussaient les affirmations de Paul avec des injures.
Paul et Barnabé leur déclarèrent avec assurance : « C’est à vous d’abord qu’il fallait adresser la parole de Dieu. Puisque vous la rejetez et que vous-mêmes ne vous jugez pas dignes de la vie éternelle, eh bien ! nous nous tournons vers les païens.
C’est le commandement que le Seigneur nous a donné :J’ai fait de toi la lumière des nations pour que, grâce à toi,le salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre.
En entendant cela, les païens étaient dans la joie et rendaient gloire à la parole du Seigneur ; tous ceux que Dieu avait préparés pour la vie éternelle devinrent croyants.
Ainsi la parole du Seigneur se répandait dans toute la région.
Mais les Juifs entraînèrent les dames influentes converties au judaïsme, ainsi que les notables de la ville ; ils provoquèrent des poursuites contre Paul et Barnabé, et les expulsèrent de leur territoire.
Ceux-ci secouèrent contre eux la poussière de leurs pieds et se rendirent à Iconium,
tandis que les disciples étaient pleins de joie dans l’Esprit Saint.
Patrick BRAUD

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