Laisser le volant à Dieu
Laisser le volant à Dieu
Homélie du 4° Dimanche de l’Avent
Faire l’oeuvre de Dieu, ou laisser Dieu faire son oeuvre en nous ?
Investir son énergie, ses talents, son argent pour construire quelque chose de beau, une trace de soi : la famille, le succès professionnel, le combat associatif…, ou accueillir ce qui est donné par la vie sans compter ni calculer ?
De la tente au cèdre : David et Marie
Le roi David est conduit par le prophète Nathan à passer de l’une à l’autre attitude (1R 7,1-16). « Je vais construire une maison pour Dieu plus belle que ma maison de cèdre » était sa première impulsion.
Un peu gêné sans doute d’habiter dans un palais de cèdre alors que l’arche d’Alliance campait sous une tente.
La même gêne peut-être que ressentent les habitants des beaux quartiers vis-à-vis des familles logées dans des barres d’immeubles délabrés.
Dieu lui répond : « ne te soucie pas de ce que tu peux construire pour moi. Laisse-moi construire pour toi. »
Ce renversement change profondément la royauté de David : il ne cherchera plus à programmer ce qui est bon pour Dieu. Il essaiera d’accueillir ce que Dieu lui donnera, en déchiffrant les événements de sa vie - heureux et malheureux - comme autant d’invitations à le laisser faire.
C’est à de tels tournants que nous sommes appelés : arrêter de vouloir faire pour l’autre, et accueillir activement ce que l’autre fait surgir en moi.
L’annonce faite à Marie relève de cette même logique subversive (Lc 1,26-38) : elle ne peut pas donner un fils à Dieu, mais elle accepte que Dieu fasse cela en elle, sans savoir comment. Ce n’est pas Marie qui se propose de consacrer un fils à la cause d’Israël, c’est le Dieu d’Israël qui surprend Marie en l’associant à son oeuvre incroyable. « Que tout se passe pour moi selon ta parole ».
Quitter la volonté de bâtir pour celle d’accueillir fera paradoxalement réussir l’oeuvre ainsi construite, Temple de Dieu à Jérusalem ou Temple de Dieu dans l’homme qu’est Jésus.
C’est comme une danse où les deux partenaires inventent leur composition au fur et à mesure ensemble, au lieu de l’imposer à l’autre. Lâcher la programmation altruiste pour la danse avec l’autre fait passer David et Marie du côté de ceux qui font de grandes choses, parce qu’ils sont habités, non parce qu’ils veulent les faire.
Laisser le volant
Comment opérer ce renversement ?
En acceptant les événements comme guides.
Ce qui dérange, ce qui surprend, ce qui est imprévu, ce qui est étrange : voilà des indicateurs aussi sûrs qu’un jet de pétrole dans un champ. Il y a là de quoi gratter pour découvrir ce que Dieu désire opérer en nous.
Ne restreignons pas ces événements aux seules remises en causes douloureuses. S’il est vrai qu’une maladie, un deuil, un handicap etc. peuvent faire voir la vie autrement, c’est encore plus vrai d’un amour intense, d’un éblouissement artistique, d’une savoureuse lecture etc. C’est dans la prospérité et la tranquillité enfin acquises que David a fait ce chemin. C’est dans la grâce sereine de Nazareth que Marie a dit son « oui ».
Inutile donc d’attendre des catastrophes pour laisser Dieu prendre le volant de nos vies !
La pleine possession de la réussite peut devenir le moment favorable pour passer sur l’autre versant, celui où l’on est conduit plutôt que de conduire. Il y a des règles et les étapes propres à chacun pour cela.
La croix du Christ, catastrophe à nulle autre pareille en première instance, vient témoigner de ce que les drames de nos existences peuvent eux aussi être intégrés dans ce vaste mouvement de conversion du désir. Malgré leur négativité qui demeure, ces épreuves n’empêchent pas Dieu de nous « construire une maison » comme il l’a fait pour David et Marie.
Soyons donc attentifs à ces annonces.
Celle faite à Marie est la figure des annonces dont Dieu jalonne nos vies, mieux que le Petit Poucet son chemin…
1ère lecture : Promesse du Messie, fils de David (2S 7, 1-5.8b-12.14a.16)
Lecture du second livre de Samuel
Le roi David était enfin installé dans sa maison, à Jérusalem. Le Seigneur lui avait accordé des jours tranquilles en le délivrant de tous les ennemis qui l’entouraient. Le roi dit alors au prophète Nathan : « Regarde ! J’habite dans une maison de cèdre, et l’arche de Dieu habite sous la tente ! » Nathan répondit au roi : « Tout ce que tu as l’intention de faire, fais-le, car le Seigneur est avec toi. »
Mais, cette nuit-là, la parole du Seigneur fut adressée à Nathan : « Va dire à mon serviteur David : Ainsi parle le Seigneur : Est-ce toi qui me bâtiras une maison pour que j’y habite ? C’est moi qui t’ai pris au pâturage, derrière le troupeau, pour que tu sois le chef de mon peuple Israël. J’ai été avec toi dans tout ce que tu as fait, j’ai abattu devant toi tous tes ennemis. Je te ferai un nom aussi grand que celui des plus grands de la terre. Je fixerai en ce lieu mon peuple Israël, je l’y planterai, il s’y établira et il ne tremblera plus, et les méchants ne viendront plus l’humilier, comme ils l’ont fait depuis le temps où j’ai institué les Juges pour conduire mon peuple Israël. Je te donnerai des jours tranquilles en te délivrant de tous tes ennemis.
Le Seigneur te fait savoir qu’il te fera lui-même une maison. Quand ta vie sera achevée et que tu reposeras auprès de tes pères, je te donnerai un successeur dans ta descendance, qui sera né de toi, et je rendrai stable sa royauté. Je serai pour lui un père, il sera pour moi un fils. Ta maison et ta royauté subsisteront toujours devant moi, ton trône sera stable pour toujours. »
Psaume : 88, 4-5, 27-28, 29-30
R/ Dieu ! Tu as les paroles d’Alliance éternelle.
« Avec mon élu, j’ai fait une alliance,
j’ai juré à David, mon serviteur :
J’établirai ta dynastie pour toujours,
je te bâtis un trône pour la suite des âges.
« Il me dira : Tu es mon Père,
mon Dieu, mon roc et mon salut !
Et moi, j’en ferai mon fils aîné,
le plus grand des rois de la terre !
« Sans fin je lui garderai mon amour,
mon alliance avec lui sera fidèle ;
je fonderai sa dynastie pour toujours,
son trône aussi durable que les cieux. »
2ème lecture : Le mystère de Dieu révélé en Jésus Christ (Rm 16, 25-27)
Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains
Gloire à Dieu, qui a le pouvoir de vous rendre forts conformément à l’Évangile que je proclame en annonçant Jésus Christ. Oui, voilà le mystère qui est maintenant révélé : il était resté dans le silence depuis toujours, mais aujourd’hui il est manifesté. Par ordre du Dieu éternel, et grâce aux écrits des prophètes, ce mystère est porté à la connaissance de toutes les nations pour les amener à l’obéissance de la foi. Gloire à Dieu, le seul sage, par Jésus Christ et pour les siècles des siècles. Amen.
Evangile : Le Messie sera fils de Marie (Lc 1, 26-38)
Acclamation : Alléluia. Alléluia. La Vierge Maire accueille la Parole : « Je suis la servante du Seigneur, que s’accomplisse la Bonne Nouvelle ! » Alléluia. (Lc 1, 38)
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
L’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, à une jeune fille, une vierge, accordée en mariage à un homme de la maison de David, appelé Joseph ; et le nom de la jeune fille était Marie.
L’ange entra chez elle et dit : « Je te salue, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi. »
À cette parole, elle fut toute bouleversée, et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation.
L’ange lui dit alors : « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. »
Marie dit à l’ange : « Comment cela va-t-il se faire, puisque je suis vierge ? »
L’ange lui répondit : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint, et il sera appelé Fils de Dieu. Et voici qu’Élisabeth, ta cousine, a conçu, elle aussi, un fils dans sa vieillesse et elle en est à son sixième mois, alors qu’on l’appelait : ‘la femme stérile’. Car rien n’est impossible à Dieu. »
Marie dit alors : « Voici la servante du Seigneur ; que tout se passe pour moi selon ta parole. »
Alors l’ange la quitta.
Patrick Braud