L'homélie du dimanche (prochain)

24 décembre 2023

Le Noël du Prince de la paix

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Le Noël du Prince de la paix

 

Homélie pour la fête de Noël / Année B 

25/12/2023

 

Cf. également :
Noël, l’anti kodokushi
Noël : assumer notre généalogie
Noël : La contagion du Verbe
Y aura-t-il du neuf à Noël ?
Noël : évangéliser le païen en nous
Tenir conte de Noël
Noël : solstices en tous genres
Noël : Il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune…
Noël : la trêve des braves
Noël : croyance dure ou croyance molle ?
Le potlatch de Noël
La bienveillance de Noël
Noël « numérique », version réseaux sociaux…
Noël : « On vous écrira… »
Enfanter le Verbe en nous…
Justice et Paix s’embrassent
Lier Pâques et paix
La Trinité en actes : le geste de paix
La paix soit avec vous

 

La guerre, à nouveau ?

Les deux conflits récents Ukraine–Russie et Israël–Palestine saturent nos écrans, nos fils d’actualité, et les commentaires en tous genres. Ils semblent même s’inviter chez nous en divisant les familles, les amis, en inspirant des attentats, des violences, des manifestations répliquant les fractures à l’œuvre à l’Est et au Moyen-Orient.

Le pire est que la liste ne s’arrête pas là : Sahel, Yémen, Syrie, Libye, Arménie, Éthiopie, Soudan, RDC … Si l’on ajoute les risques de plus en plus réels de guerre à Taiwan, entre [1]. les deux  Corées, ou l’embrasement de tout le Moyen-Orient, on se dit que nous vivons dans un monde plus dangereux que jamais. La paix – que nous voudrions perpétuelle en Europe après les deux guerres mondiales – semble s’éloigner chaque jour davantage.

 

Infographie: L'Europe, un long chemin vers la paix | StatistaC’est pourtant une erreur de perspective, due à notre courte vue historique. Replacez sur le long terme le nombre de victimes des  guerres dans le monde. Sur le graphique ci-contre, qui ne concerne que l’Europe, on voit que les guerres napoléoniennes ont provoqué une saignée invraisemblable rapportée à la population beaucoup plus faible à l’époque : 6,5 millions de morts ! Napoléon a mis l’Europe à feu et à sang, autant qu’Hitler, et bien plus que Poutine. Mais nous lui voulons un culte aveugle et partial. Depuis, le XX° siècle aura été le plus meurtrier de tous (n’oublions pas le génocide au Rwanda, en plus des deux guerres mondiales), si bien qu’on devrait être optimiste à la lecture de ces statistiques ! Malgré son indéniable visage sanglant, le XXI° siècle aura du mal – espérons-le ! – à égaler le triste record du précédent.

Ne désespérons donc pas : la situation n’est pas pire qu’avant. Il ne dépend que de nous de maintenir la paix à nos portes, car c’est en amont que peuvent se soigner les causes profondes des guerres, pas sur le moment.

 

Fêter Noël dans ce contexte est un peu une gageure : proclamer qu’en Jésus est né le Prince de la paix semble contredit dès l’ouverture du journal télévisé. Comment comprendre cette prophétie d’Isaïe de notre première lecture (Is 9,1-6) :

« Oui, un enfant nous est né, un fils nous a été donné ! Sur son épaule est le signe du pouvoir ; son nom est proclamé : « Conseiller-merveilleux, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix » ?

Comment recevoir l’acclamation céleste et liturgique de l’évangile de cette nuit de Noël (Lc 2,1-14) : « paix sur la terre aux hommes qu’Il aime » ?

 

Prince, et non roi

Devant le contraste – la contradiction – entre l’état du monde et le signe messianique promis par Isaïe, les juifs auraient raison de ne pas reconnaître en Jésus le Messie, puisqu’il n’a pas été capable d’apporter au monde la paix. C’est vrai que la venue de Jésus n’a rien changé à l’histoire mondiale sur ce plan. À l’échelle d’un homme ou de plusieurs millénaires, Jésus a échoué à instaurer un règne de paix, de justice et d’amour. Le monde n’est pas meilleur ni moins violent qu’il y a 2000 ans. « Rien de nouveau sous le soleil », énonçait déjà le sage biblique (Qo 1,9), à raison.

 

Constatant cet échec évident à instaurer un règne de paix, les chrétiens vont très vite reporter cette attente sur la seconde venue du Christ : puisque le premier Noël n’a rien changé à la violence du monde, c’est le second Noël – c’est-à-dire la Parousie, la venue ultime du Christ – qui connaîtra cette pacification humainement impossible. Jusque-là, il y aura toujours des meurtres, des conflits, des viols, des bombardements de civils, des réfugiés de guerre, des millions de victimes… Perspective peu réjouissante pour le présent, qui reporte l’espérance sur le futur. Peu opérationnel en quelque sorte, sinon pour maintenir l’attente des croyants en un avenir meilleur.

 

Et pourtant… C’est un prince qu’Isaïe annonce, pas un roi. En latin, prince se dit princeps : ce qui est au principe. À Noël, nous accueillons Jésus qui est comme le principe de la paix, et non un souverain qui établit son règne d’autorité. Il n’est pas « Guide spirituel des guerriers partis combattre tous ceux qui ne croient pas en lui », ni « Chef des armées de la chrétienté boutant les méchants hors de nos pays chrétiens et séparant le monde entre eux et nous ». Il n’annonce pas une campagne militaire contre l’ennemi du moment (l’occupant romain au I° siècle de notre ère, les djihadistes au XXI° siècle, pour ne prendre que quelques exemples).

Si Jésus est le principe de la paix, il inspire – par son Esprit – tous les artisans de paix de toutes les traditions religieuses, pour accueillir la paix comme un don à réaliser, le don fait par Dieu de vivre comme lui, en communion et non en opposition. Si Jésus est prince de paix et non roi, il propose et n’impose rien. Il inspire chacun au lieu de décréter pour tous.

 

Cette différence prince–roi en matière de paix repose chez Isaïe sur la mémoire traumatisée de l’expérience royale en Israël. Au début, les 12 tribus de Canaan vivaient comme une fédération entre égales, et elles se donnaient des Juges pour arbitrer les conflits inévitables. Mais Israël s’est pris de convoitise pour la puissance guerrière de ses voisins, l’Égypte en premier. Il a voulu à tout prix se doter d’un roi « comme les autres nations », s’exposant ainsi à perdre sa différence au profit d’un alignement sur l’organisation politique des païens ! Le prophète Samuel entend avec désolation cette revendication de plus en plus forte de son peuple. Ne pouvant plus la contenir, il capitule devant cette pression suicidaire, et va oindre Saül comme premier roi sur Israël. Mais avant cette onction, il prévient le peuple que ce choix va faire son malheur, car le roi va exploiter son peuple, s’enrichir à ses dépens, l’opprimer par l’impôt et par des guerres de conquête illégitimes (peut-on être plus actuel ?) :

Dragons et merveilles - Le très méchant roi - 1« Samuel rapporta toutes les paroles du Seigneur au peuple qui lui demandait un roi. Et il dit : “Tels seront les droits du roi qui va régner sur vous. Vos fils, il les prendra, il les affectera à ses chars et à ses chevaux, et ils courront devant son char. Il les utilisera comme officiers de millier et comme officiers de cinquante hommes ; il les fera labourer et moissonner à son profit, fabriquer ses armes de guerre et les pièces de ses chars. Vos filles, il les prendra pour la préparation de ses parfums, pour sa cuisine et pour sa boulangerie. Les meilleurs de vos champs, de vos vignes et de vos oliveraies, il les prendra pour les donner à ses serviteurs. Sur vos cultures et vos vignes il prélèvera la dîme, pour la donner à ses dignitaires et à ses serviteurs. Les meilleurs de vos serviteurs, de vos servantes et de vos jeunes gens, ainsi que vos ânes, il les prendra et les fera travailler pour lui. Sur vos troupeaux, il prélèvera la dîme, et vous-mêmes deviendrez ses esclaves. Ce jour-là, vous pousserez des cris à cause du roi que vous aurez choisi, mais, ce jour-là, le Seigneur ne vous répondra pas !” 

Le peuple refusa d’écouter Samuel et dit : “Non ! il nous faut un roi ! Nous serons, nous aussi, comme toutes les nations ; notre roi nous gouvernera, il marchera à notre tête et combattra avec nous” » (1 S 8,10‑20).

Avec Isaïe, proclamer Jésus prince et non roi c’est racheter la folie royale qui pratique une politique de puissance guerrière, spoliatrice, injuste.

C’est donc une réponse à distance au crime originel d’Israël, l’institution de la royauté, par définition injuste et mortifère selon la Bible, « pharaonique ». Et précisément, en voulant être comme les Nations toutes pourvues d’un roi à l’époque, et un roi féru de conquêtes au dehors et d’exactions au dedans, Israël, dont la Torah voulait faire un peuple de frères et sœurs, se faisait Nation perverse.

Nous sommes aux prises avec ces deux textes à une opposition frontale : la Charte folle du roi selon 1 Samuel 8, et le blason du Prince de paix selon notre Isaïe.

 

Les fils d’Israël avaient résumé cyniquement la Charte du mauvais roi : « Donne-nous un roi qui marche devant nous pour guerroyer nos guerres », insistaient-ils devant Samuel, et c’était pour des guerres de conquête, à l’instar des Nations (1S 8,12). Lorsque les Écritures parlent de YHWH Dieu des Armées, c’est pour confisquer dans les Cieux les armées des rois et des peuples, soit leur folie homicide, ce qu’Israël a refusé. Devenant par là une nation parmi les Nations, Israël se reniait.

 

À Noël, nous fêtons Jésus au principe de la paix véritable, car elle a sa source en Dieu même : vivre des relations de communion comme celles qui unissent Jésus à son Père dans l’Esprit. Jésus–principe peut inspirer les hommes de bonne volonté pour devenir artisans de cette paix promise. Si Jésus avait été roi de paix, il aurait dû inaugurer l’ère messianique sans guerre, ni violence, ni conflit : cela n’est pas arrivé, et c’est pourquoi nous préférons avec Isaïe appeler Jésus prince de la paix et non roi de paix.

 

Une paix irénique ?

Mais de quelle paix Jésus est-il le principe ?

Nous ne savons pas très bien ce qu’est la paix, en réalité. La plupart des historiens doutent  d’ailleurs de son existence. Sur plusieurs millénaires, on observe des périodes d’accalmie, d’entre-deux-guerres, des intervalles de sortie de guerre et de préparation d’une autre, si bien que ce que nous appelons la paix serait plutôt un moment – bref – entre deux conflits. Le juriste Henry Maine écrivait en 1888 : « La guerre semble aussi vieille que l’humanité, mais la paix est une invention moderne ».

Le Noël du Prince de la paix dans Communauté spirituelle Raymond-aron-paix-et-guerreEt Raymond Aron la définit ainsi : « Une suspension plus ou moins durable des modalités violentes de la rivalité entre unités politiques ». Il distinguait 3 types de paix [2] :

•   La paix d’équilibre, lorsque les puissances en présence sont équivalentes.

C’est cette paix qui a prévalu en Europe après les boucheries napoléoniennes, grâce au Congrès de Vienne de 1815 où Talleyrand et Metternich posèrent les bases d’un concert des nations qui a assuré la stabilité européenne vaillent que vaille pendant presque un siècle.

•   La paix d’hégémonie, lorsqu’une puissance devient dominante et limite l’appétit des autres. La France de Louis XIV ou l’Allemagne de Bismarck ont pu jouer ce rôle. Les États-Unis d’Amérique ont pris un temps le relais.

•   La paix d’empire, où une puissance soumet toutes les autres à sa botte, écrasant tout conflit dans l’œuf. La Pax Romana a été une paix d’empire, relativement féconde d’ailleurs.

 

Quel type de paix vivons-nous en France en ce moment ?

Quoi qu’il en soit, n’allons pas la confondre avec la paix messianique. La paix du prince de Noël ne relève d’aucune de ces catégories trop humaines. Jésus, sans disqualifier les efforts politiques, tourne notre regard vers une paix qui vient d’ailleurs : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. Que votre cœur ne soit pas bouleversé ni effrayé » (Jn 14,27).

 

800px-Israel_and_Palestine_Peace.svg Aron dans Communauté spirituelleEn hébreu, shalom désigne dans l’Ancien Testament la tranquillité d’Israël au milieu de ses voisins. Shalom est plus encore que l’absence de guerre : c’est une juste relation entre les êtres, une plénitude de communion telle qu’elle est humainement possible. Shalom est par exemple le but d’une justice restaurative et non punitive uniquement. Avec l’Exil et la déportation à Babylone, avec les guerres incessantes, au sein même des 12 tribus (cf. le schisme Juda–Israël), shalom est devenu un terme eschatologique, reportant cette tranquillité à l’arrivée du Messie. Le souhait de Pessah : « l’an prochain à Jérusalem ! » (ville de la paix) devient le souhait d’une paix plus qu’humaine : ‘nous attendons une paix divine, car l’homme ne peut l’établir par lui-même’.

 

Dans la langue grecque des Évangiles, la paix se dit : ερνη (eirēnē), ce qui a donné l’adjectif irénique. Être irénique paraît péjoratif : l’irénique est taxé de naïveté, de compromission, voire de complicité involontaire en se faisant l’idiot utile du mal. Pourtant, eirēnē est si beau qu’on en a fait un prénom. Et Irénée de Lyon a montré que son irénisme n’avait rien de lâche ni de complice : il a combattu les hérésies gnostiques pied à pied, et jusqu’au courage du martyre. La paix de Noël n’est pas un doux arrangement avec le mal pour rester gentil le plus possible. Ce n’est pas sacrifier la vérité sur l’autel de la tranquillité. C’est la dénonciation du mensonge, de tout ce qui nous déshumanise, c’est le choix de la communion plutôt que de la division, c’est l’engagement total jusqu’à livrer sa vie par amour, jusqu’à aimer ses ennemis (qui pourtant sont des ennemis).

 

En regardant les images terribles des massacres terroristes du Hamas et de la riposte militaire d’Israël, nous rêvons à Noël au principe de toute paix : « C’est lui, le Christ, qui est notre paix : des deux, le Juif et le païen, il a fait une seule réalité ; par sa chair crucifiée, il a détruit ce qui les séparait, le mur de la haine » (Ep 2, 14).

Ce principe demande des hommes et des femmes de courage pour négocier, signer des accords de reconnaissance mutuelle, ne plus vouloir l’élimination ni la haine, éduquer les jeunes générations en parlant d’avenir et en oubliant les horreurs du passé…

 

Reprenons les paroles du pape François en 2016 (déjà !) lorsqu’il formulait ses vœux de paix à Noël pour tous les peuples de la terre :

Colombe-Pape-Francois-193x300 guerre« - Paix aux femmes et aux hommes de la bien-aimée Terre Sainte, choisie et préférée par Dieu. Qu’Israéliens et Palestiniens aient le courage et la détermination d’écrire une nouvelle page de l’histoire, où haine et vengeance cèdent la place à la volonté de construire ensemble un avenir de compréhension réciproque et d’harmonie. […]

- Paix à qui a été blessé ou a perdu un être cher à cause d’actes atroces de terrorisme, qui ont semé peur et mort au cœur de tant de pays et de villes. 

- Paix – non en paroles, mais par des actes et des faits concrets – à nos frères et sœurs abandonnés et exclus, à ceux qui souffrent de la faim et à ceux qui sont victimes de violences. 

- Paix aux déplacés, aux migrants et aux réfugiés, à tous ceux qui aujourd’hui sont objet de la traite des personnes. 

- Paix aux peuples qui souffrent à cause des ambitions économiques d’un petit nombre et de l’âpre avidité du dieu argent qui conduit à l’esclavage. 

- Paix à celui qui est touché par les difficultés sociales et économiques et à qui souffre des conséquences des tremblements de terre ou d’autres catastrophes naturelles.
- Et paix aux enfants, en ce jour spécial où Dieu se fait enfant, surtout à ceux qui sont privés des joies de l’enfance à cause de la faim, des guerres et de l’égoïsme des adultes.
- Paix sur la terre à tous les hommes de bonne volonté, qui travaillent chaque jour, avec discrétion et patience, en famille et dans la société pour construire un monde plus humain et plus juste, soutenus par la conviction que c’est seulement avec la paix qu’il y a la possibilité d’un avenir plus prospère pour tous.

Chers frères et sœurs, « un enfant nous est né, un fils nous a été donné »: c’est le « Prince-de-la-paix ». Accueillons-le !

Pape François, Message de Noël 2016

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[2]. Raymond Aron, Paix et guerre entre les nations, Calmann-Lévy, 1962.

 

 

MESSE DE LA NUIT

PREMIÈRE LECTURE
« Un enfant nous est né » (Is 9, 1-6)

Lecture du livre du prophète Isaïe
Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; et sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendi. Tu as prodigué la joie, tu as fait grandir l’allégresse : ils se réjouissent devant toi, comme on se réjouit de la moisson, comme on exulte au partage du butin. Car le joug qui pesait sur lui, la barre qui meurtrissait son épaule, le bâton du tyran, tu les as brisés comme au jour de Madiane. Et les bottes qui frappaient le sol, et les manteaux couverts de sang, les voilà tous brûlés : le feu les a dévorés.
Oui, un enfant nous est né, un fils nous a été donné ! Sur son épaule est le signe du pouvoir ; son nom est proclamé : « Conseiller-merveilleux, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix. » Et le pouvoir s’étendra, et la paix sera sans fin pour le trône de David et pour son règne qu’il établira, qu’il affermira sur le droit et la justice dès maintenant et pour toujours. Il fera cela, l’amour jaloux du Seigneur de l’univers !

PSAUME
(Ps 95 (96), 1-2a, 2b-3, 11-12a, 12b-13a, 13bc)
R/ Aujourd’hui, un Sauveur nous est né : ’est le Christ, le Seigneur.
 (cf. Lc 2, 11)

Chantez au Seigneur un chant nouveau,
chantez au Seigneur, terre entière,
chantez au Seigneur et bénissez son nom !

De jour en jour, proclamez son salut,
racontez à tous les peuples sa gloire,
à toutes les nations ses merveilles !

Joie au ciel ! Exulte la terre !
Les masses de la mer mugissent,
la campagne tout entière est en fête.

Les arbres des forêts dansent de joie
devant la face du Seigneur, car il vient,
car il vient pour juger la terre.

Il jugera le monde avec justice
et les peuples selon sa vérité.

DEUXIÈME LECTURE
« La grâce de Dieu s’est manifestée pour tous les hommes » (Tt 2, 11-14)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre à Tite
Bien-aimé, la grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes. Elle nous apprend à renoncer à l’impiété et aux convoitises de ce monde, et à vivre dans le temps présent de manière raisonnable, avec justice et piété, attendant que se réalise la bienheureuse espérance : la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, Jésus Christ. Car il s’est donné pour nous afin de nous racheter de toutes nos fautes, et de nous purifier pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien.

ÉVANGILE
« Aujourd’hui vous est né un Sauveur » (Lc 2, 1-14)
Alléluia. Alléluia. 
Je vous annonce une grande joie : Aujourd’hui vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur ! Alléluia. (cf. Lc 2, 10-11)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
 En ces jours-là, parut un édit de l’empereur Auguste, ordonnant de recenser toute la terre – ce premier recensement eut lieu lorsque Quirinius était gouverneur de Syrie. Et tous allaient se faire recenser, chacun dans sa ville d’origine. Joseph, lui aussi, monta de Galilée, depuis la ville de Nazareth, vers la Judée, jusqu’à la ville de David appelée Bethléem. Il était en effet de la maison et de la lignée de David. Il venait se faire recenser avec Marie, qui lui avait été accordée en mariage et qui était enceinte.
Or, pendant qu’ils étaient là, le temps où elle devait enfanter fut accompli. Et elle mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune. Dans la même région, il y avait des bergers qui vivaient dehors et passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux. L’ange du Seigneur se présenta devant eux, et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière. Ils furent saisis d’une grande crainte. Alors l’ange leur dit : « Ne craignez pas, car voici que je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple : Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. Et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. » Et soudain, il y eut avec l’ange une troupe céleste innombrable, qui louait Dieu en disant : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime. »
Patrick Braud

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31 juillet 2010

Gardez-vous bien de toute âpreté au gain !

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

« Gardez-vous bien de toute âpreté au gain ! »

 

Homélie du 18° Dimanche du temps ordinaire / Année C

01/08/2010

 

 

« Gardez-vous bien de toute âpreté au gain ! »

Voilà une phrase qui n’a rien perdu de son actualité !

Gardez-vous bien de toute âpreté au gain ! dans Communauté spirituelle meilleurs-traders-16898Si certains banquiers et leurs traders avaient écouté cette phrase simple du prophète de Nazareth, il n’aurait sûrement pas mis en place des produits financiers si complexes (les subprimes) parce que si « âpres au gain ».

Si les fonds de pension américains avaient entendu l’avertissement de Jésus, ils n’auraient pas exigé des rendements à deux chiffres pour leurs actions…

Si les agents immobiliers avaient pris au sérieux la parabole de Jésus sur l’âpreté au gain, ils n’aurait pas construit autant de ?greniers’, ils n’auraient pas fait rêver les familles pauvres américaines d’avoir chacune leur maison en propre, avec si peu d’argent…

Les gens savants parlent de l’hybris grecque = l’excès, la démesure, qui a poussé les spéculateurs: excès de cupidité, excès de sophistication, excès de dématérialisation etc… Cette hybris a bel et bien été l’une des causes majeures de la crise financière de 2008.

 

Bref, les phrases à consonances nettement économiques sont si rares dans l’Évangile qu’on devrait les en écouter d’autant plus !

 

« Gardez-vous bien de toute âpreté au gain ! ».

Jésus fait écho au fameux : « tu ne convoiteras pas » du Décalogue. Ce n’est pas le gain qui est dangereux, c’est l’âpreté au gain, c’est la convoitise.

Les disciples du Christ devraient pouvoir s’investir dans les rouages de l’économie de leur temps, sans pour autant tomber dans le piège de la course effrénée à l’accumulation des biens matériels ou des profits.

 

41TRD9GCW7L._SL500_AA300_ Aron dans Communauté spirituelleC’est la thèse célèbre de Max Weber, sociologue allemand du début du 20e siècle. Selon lui, il y a une « affinité élective » entre l’éthique protestante et l’esprit du capitalisme. Des puritains protestants, prenant à la lettre cet avertissement de Jésus sur l’âpreté au gain, se sont contentés d’une vie frugale et simple, alors qu’ils travaillaient énormément pour vérifier leur élection par Dieu à travers la réussite de leurs affaires (la richesse et le succès sont des bénédictions divines dans l’Ancien Testament).

Travailler sans compter, vivre frugalement sans tout dépenser dans le bling-bling, mais en le réinvestissant dans l’outil de travail : voilà le secret du capitalisme américain, selon Max Weber.

Raymond Aron commente : « l’éthique protestante enjoint aux croyants de se méfier des biens de ce monde et d’adopter un comportement ascétique. Or travailler rationnellement en vue du profit et ne pas dépenser le profit, est par excellence une conduite nécessaire au développement du capitalisme, car elle est synonyme de continuels réinvestissements du profit non  consommé » (Les étapes de la pensée sociologique, Gallimard, 1967)

 

Même si cette thèse peut être débattue, elle a le mérite de démontrer qu’il y a vraiment un lien entre ce que l’on croit et l’activité économique mise en oeuvre.

Il y a réellement une « affinité élective » entre la foi chrétienne et certains comportements économiques.

De la même manière, l’essor de la finance islamique par exemple montre qu’il y a un lien entre l’islam et un autre rapport aux prêts à intérêts.

Les croyants auraient donc tout intérêt (c’est le cas de le dire !) à explorer les dimensions proprement économiques de leurs choix. Ils apporteraient ainsi au monde  une originalité, une spécificité, une fécondité uniques.

Sinon, la sombre prophétie de Max Weber à la fin de son livre (l’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, 1905) risque fort de se réaliser :

Aujourd’hui, l’esprit de l’ascétisme religieux s’est échappé de la cage – définitivement? qui saurait le dire… Quoi qu’il en soit, le capitalisme vainqueur n’a plus besoin de ce soutien depuis qu’il repose sur une base mécanique. Il n’est pas jusqu’à l’humeur de la philosophie des Lumières, la riante héritière de cet esprit, qui ne semble définitivement s’altérer; et l’idée d’accomplir son « devoir » à travers une besogne hante désormais notre vie, tel le spectre de croyances religieuses disparues. Lorsque l’ « accomplissement » [du devoir] professionnel ne peut être directement rattaché aux valeurs spirituelles et culturelles les plus élevées – ou bien, inversement, lorsqu’il ne peut plus être ressenti comme une simple contrainte économique – l’individu renonce, en général, à le justifier. Aux États-Unis, sur les lieux mêmes de son paroxysme, la poursuite de la richesse, dépouillée de son sens éthico-religieux, a tendance aujourd’hui à s’associer aux passions purement agonistiques, ce qui lui confère le plus souvent le caractère d’un sport.

Nul ne sait encore qui, à l’avenir, habitera la cage, ni si, à la fin de ce processus gigantes­que, apparaîtront des prophètes entièrement nouveaux, ou bien une puissante renaissance des pensers et des idéaux anciens, ou encore – au cas où rien de cela n’arriverait - une pétrifica­tion mécanique, agrémentée d’une sorte de vanité convulsive. En tout cas, pour les « derniers hommes » de ce développement de la civilisation, ces mots pourraient se tourner en vérité – « Spécialistes sans vision et voluptueux sans c?ur – ce néant s’imagine avoir gravi un degré de l’humanité jamais atteint jusque-là. »

S’il n’y a plus de racines spirituelles à l’activité professionnelle, si une vision plus large ne sous-tend pas l’enrichissement économique, tout ceci peut se retourner contre l’humain? 

Prenez Habitat et Humanisme : fondée par un prêtre (Bernard Devert), cette association veut justement éviter l’âpreté au gain dans le domaine immobilier.

Grâce à une épargne solidaire, à l’implication de professionnels de l’immobilier bien loin de ceux des subprimes, grâce à de nombreux bénévoles, Habitat et Humanisme gère maintenant environ 1800 logements en propre, et près de 3000 en location, pour arriver à loger et accompagner 1500 nouvelles familles chaque année, 12000 familles  depuis sa création en 1985.

 

Le refus de « l’âpreté au gain » peut donc devenir une source d’inspiration pour l’action en faveur du logement.

Et dans tant d’autres domaines ! Le micro-crédit (cf. l’initiative du diocèse de Dijon : www.fondation-rita.org , le partenariat pour le développement, l’éducation…

 

 capitalisme

 

La raison profonde de cette sagesse, qui évite la « vanité des vanités » qu’est la course insensée au seul profit, se trouve dans l’acceptation de la mort. « Tu es fou : cette nuit même, on va te redemander ta vie ». Que feras-tu de tes greniers ? « La vie d’un homme, fût-il dans l’abondance, dépend pas de ses richesses ».

 

Un ami a vécu cela, mot pour mot.

Il était riche, par héritage. Une nuit, il s’est couché et ne s’est jamais réveillé. Mort dans son sommeil, il avait pourtant écouté la parabole du Christ : les seuls greniers où il entassait ses richesses étaient sa femme et ses enfants, avec ses nombreux amis. Il vivait simplement, mettant son argent à disposition de causes utiles, sans ostentation. Aucune âpreté au gain : au-delà de la mort, il a sûrement découvert l’étendue de son vrai patrimoine, c’est-à-dire ses liens, ses engagements, ses amours, ses combats?

 

Puissions-nous refuser pour nous-mêmes toute âpreté au gain !

Puissions-nous réfléchir sur les transformations économiques et professionnelles  que cette « résistance » peut susciter et féconder…

 

 

 

1ère lecture : Vanité des richesses (Qo 1, 2; 2, 21-23)

Vanité des vanités, disait l’Ecclésiaste. Vanité des vanités, tout est vanité !
Un homme s’est donné de la peine ; il était avisé, il s’y connaissait, il a réussi. Et voilà qu’il doit laisser son bien à quelqu’un qui ne s’est donné aucune peine. Cela aussi est vanité, c’est un scandale.
En effet, que reste-t-il à l’homme de toute la peine et de tous les calculs pour lesquels il se fatigue sous le soleil ?
Tous les jours sont autant de souffrances, ses occupations sont autant de tourments : même la nuit, son coeur n’a pas de repos. Cela encore est vanité.

Psaume : Ps 89, 3-4, 5-6, 12-13, 14.17abc

R/ D’âge en âge, Seigneur, tu as été notre refuge

 

Tu fais retourner l’homme à la poussière ;
tu as dit : « Retournez, fils d’Adam ! »
A tes yeux, mille ans sont comme hier,
c’est un jour qui s’en va, une heure dans la nuit.

Tu les as balayés : ce n’est qu’un songe ;
dès le matin, c’est une herbe changeante : 
elle fleurit le matin, elle change ;
le soir, elle est fanée, desséchée.

Apprends-nous la vraie mesure de nos jours :
que nos coeurs pénètrent la sagesse. 
Reviens, Seigneur, pourquoi tarder ?
Ravise-toi par égard pour tes serviteurs. 

Rassasie-nous de ton amour au matin,
que nous passions nos jours dans la joie et les chants.
Que vienne sur nous la douceur du Seigneur notre Dieu.
Consolide pour nous l’ouvrage de nos mains.

2ème lecture : Avec le Christ, de l’homme ancien à l’homme nouveau (Col 3, 1-5.9-11)

Frères, vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d’en haut : c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu.
Tendez vers les réalités d’en haut, et non pas vers celles de la terre.
En effet, vous êtes morts avec le Christ, et votre vie reste cachée avec lui en Dieu.
Quand paraîtra le Christ, votre vie, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui en pleine gloire.
Faites donc mourir en vous ce qui appartient encore à la terre : débauche, impureté, passions, désirs mauvais, et cet appétit de jouissance qui est un culte rendu aux idoles.
Plus de mensonge entre vous ; débarrassez-vous des agissements de l’homme ancien qui est en vous,
et revêtez l’homme nouveau, celui que le Créateur refait toujours neuf à son image pour le conduire à la vraie connaissance.
Alors, il n’y a plus de Grec et de Juif, d’Israélite et de païen, il n’y a pas de barbare, de sauvage, d’esclave, d’homme libre, il n’y a que le Christ : en tous, il est tout.

Evangile : Parabole de l’homme qui amasse pour lui-même (Lc 12, 13-21)

Du milieu de la foule, un homme demanda à Jésus : « Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage. »
Jésus lui répondit : « Qui m’a établi pour être votre juge ou pour faire vos partages ? »
Puis, s’adressant à la foule : « Gardez-vous bien de toute âpreté au gain ; car la vie d’un homme, fût-il dans l’abondance, ne dépend pas de ses richesses. »
Et il leur dit cette parabole : « Il y avait un homme riche, dont les terres avaient beaucoup rapporté.
Il se demandait : ‘Que vais-je faire ? Je ne sais pas où mettre ma récolte.’
Puis il se dit : ‘Voici ce que je vais faire : je vais démolir mes greniers, j’en construirai de plus grands et j’y entasserai tout mon blé et tout ce que je possède.
Alors je me dirai à moi-même : Te voilà avec des réserves en abondance pour de nombreuses années. Repose-toi, mange, bois, jouis de l’existence.’
Mais Dieu lui dit : ‘Tu es fou : cette nuit même, on te redemande ta vie. Et ce que tu auras mis de côté, qui l’aura ?’
Voilà ce qui arrive à celui qui amasse pour lui-même, au lieu d’être riche en vue de Dieu. »
Patrick BRAUD

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