L'homélie du dimanche (prochain)

11 mai 2025

Que peut-il sortir de bien de tout cela ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Que peut-il sortir de bien de tout cela ?

 

Homélie du 5° Dimanche de Pâques / Année C
18/05/25

 

Cf. également :
Ouvrir à tous la porte de la foi

Conjuguer le « oui » et le « non » de Dieu à notre monde
Dieu nous donne une ville
À partir de la fin !
Amoris laetitia : la joie de l’amour
Persévérer dans l’épreuve
Comme des manchots ?
Aimer ses ennemis : un anti-parcours spirituel
J’ai trois amours
Parlez-moi d’amour, redites-moi des choses dures
Le pur amour : pour qui êtes-vous prêts à aller en enfer ?
Conjuguer le verbe aimer à l’impératif
Dieu est un trou noir
Briefer et débriefer à la manière du Christ

 

1. Quand la tête est passée…

Que peut-il sortir de bien de tout cela ? dans Communauté spirituelle vector-illustration-ou-de-dessin-anime-de-la-planete-terre-ou-monde-detruit-grande-explosion-nucleaire-ou-guerre-globale-ou-de-conflit-concept-d-apocalypse-w9y65fNotre monde redevient dangereux. Des soldats nord-coréens se battent en Europe sous les ordres des Russes. La guerre se rapproche de chez nous. L’Inde et le Pakistan, deux puissances nucléaires, sont au bord de la guerre. Bientôt la Chine va envahir Taiwan. Le Moyen Orient reste une poudrière au bord de l’explosion. Des revirements d’alliances incessants déstabilisent la vision du monde héritée de 1945. Tel un catcheur sur le ring (on sait qu’il s’y est essayé en 2007 lors d’un défi célèbre !), Donald Trump multiplie les feintes, les coups de théâtre, les retournements de situation qui rendent la géopolitique imprévisible et chaotique. Dans un match de catch américain, tout est truqué, sauf les gains de la Ligue sur le dos des parieurs… Dans le chaos mondial initié dès l’élection de Trump, tout est truqué également : la vérité, les alliances, les déclarations, les menaces…

Que peut-il sortir de bon de tout cela ?

Les plus optimistes espèrent un règlement du conflit à Gaza (même au prix d’une « Riviera » délirante), et une paix « négociée » en Ukraine (même au prix d’une capitulation devant Poutine et d’un racket de l’Oncle Sam). Les autres se résignent douloureusement à perdre les dividendes de la paix, et se pressent de se réarmer (même au prix d’une dette colossale).

Que va-t-il advenir de l’équilibre ancien ?

 

Ne croyons pas que notre époque soit unique. Des crises, il y en a eu tellement, et de toute nature ! Notre première lecture (Ac 14,21–27) nous montre les Églises de Lystres, Iconium et Antioche exposées à la persécution : « Il nous faut passer par bien des épreuves pour entrer dans le royaume de Dieu » (Ac 14,22).

Notre évangile (Jn 13,31-35) montre Judas sortant du Cénacle, détonateur malgré lui d’une Passion épouvantable.

Mais notre seconde lecture prend le contre-pied de toute tendance pessimiste en osant proclamer : « Voici que je fais toutes choses nouvelles » (Ap 21,1-5).

Vous avez bien entendu : c’est un présent !

Comme toutes les religions ou presque, Jean dans sa vision d’apocalypse commence par faire miroiter la promesse d’un avenir radieux. Il parle alors au futur : « Dieu avec eux, sera leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur » (Ap 21,3-4) ». Mais juste après, il ose parler au présent : « Voici que je fais toutes choses nouvelles ». Et il enfonce le clou : « C’est fait » (Ap 21,6).

Ah bon ?! C’est fait ?! Les larmes des familles des otages massacrés par le Hamas ont séché ? Les cauchemars des familles gazaouies en exil, décimées, se sont évanouis ? L’effroi des ukrainiens sous les missiles russes et leurs dizaines de milliers de morts a disparu ?…

Comment Jean peut-il être d’une si mauvaise foi ? Tu délires, mon bon apôtre…

 

Regardons le texte de près. Il y a bien un futur, donc la promesse n’est pas encore réalisée. Il y a également un présent : quelque chose est donc déjà-là en train de s’accomplir. Tenir ensemble ce déjà-là et le pas encore est la marque de l’eschatologie chrétienne. Tout n’est pas accompli, mais potentiellement c’est déjà fait !

 

Comment comprendre ce paradoxe ?

contraintes-naissance-3-400x200 Apocalypse dans Communauté spirituelleUne amie sage-femme m’a proposé cette belle analogie. Lors d’un accouchement difficile, l’enfant se met à bouger, à se retourner in utero en cherchant à sortir. S’il n’y arrive pas, il faudra ouvrir et la césarienne sera le seul recours. S’il y parvient, on verra d’abord la tête émerger à travers le col. Une fois celle-ci passée, le reste du corps sortira facilement, puisque le passage est ouvert. De même en est-il pour nous. Notre tête, le Christ, est passée à la vie nouvelle. Il est entré dans la nouveauté radicale de sa Pâque. Alors, le reste du corps suivra.

En Christ-Tête, la résurrection est déjà à l’œuvre. Dans son corps qui est l’Église (et le monde), la mort fait encore son œuvre de désolation. Mais le passage viendra.
Paul est peut-être un peu sage-femme quand il utilise lui aussi la métaphore de l’accouchement : « Nous le savons bien, la création tout entière gémit, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore. Et elle n’est pas seule. Nous aussi, en nous-mêmes, nous gémissons ; nous avons commencé à recevoir l’Esprit Saint, mais nous attendons notre adoption et la rédemption de notre corps. Car nous avons été sauvés, mais c’est en espérance… » (Rm 8,22-24).

 

61LqMncWfNL._AC_SL1500_ déjà-làPrenons une autre analogie, hélas davantage dans l’air du temps, très guerrier depuis 2022. Lorsque les Alliés ont débarqué sur les plages de Normandie en Juin 44, tout le monde savait que la guerre était déjà virtuellement gagnée. Inexorablement, l’immense armée allait délivrer une à une les villes étouffant sous l’occupation allemande. Pourtant, l’armistice ne fut signé qu’en Mai 1945, un an après. Pendant ces 12 mois, il y eut Oradour-sur-Glane et ses 643 victimes, les 99 pendus de Tulle, les 442 civils français de Royan et les 37 000 morts allemands ensevelis sous les bombardements des Alliés à Dresde etc.… Autrement dit, l’entre-deux compris entre le débarquement et la victoire, entre le D Day et le V Day, a été une période de dévastations, de souffrances, de deuils, de massacres. Nous sommes dans cet entre-deux, où le débarquement figure la résurrection du Christ et son arrivée auprès du Père, et où la victoire totale ne sera accomplie qu’à la fin des temps.

 

Désespérer de l’évolution de notre monde expert en violence serait se laisser hypnotiser par le mal, qui - tel le dragon blessé à mort - donne encore des coups de queue dévastateurs.

À l’inverse, prôner l’optimisme béat et naïf serait s’évader hors de la réalité sous prétexte de croire en la promesse d’une terre nouvelle.

L’espérance chrétienne tient ensemble le déjà-là et le pas encore du Royaume.

Le présent et le futur.

La résurrection du Christ est notre propre passage au monde nouveau.

Si la Tête est passée, le corps suivra…

 

2. Du nouveau, vraiment ?

« Je fais toutes choses nouvelles ». Il a quand même du toupet, Jean, de faire parler ainsi le Ressuscité ! Car y a-t-il vraiment quelque chose de nouveau dans l’histoire humaine ? Les empires se sont déjà dressés, puis écroulés. Les guerres ont déjà saccagé les peuples et répandu le malheur. L’oppression a déjà soumis, torturé, violé, dispersé depuis des millénaires. Les prédateurs ont déjà pillé et saccagé jusqu’à désolation. Qui oserait prétendre que ce que nous vivons n’a pas d’équivalent dans l’histoire humaine ? L’Ecclésiaste le constatait avec sagesse : « Ce qui a existé, c’est cela qui existera ; ce qui s’est fait, c’est cela qui se fera ; rien de nouveau sous le soleil. Y a-t-il une seule chose dont on dise : “Voilà enfin du nouveau !” – Non, cela existait déjà dans les siècles passés » (Qo 1,9-10).

Pourtant, depuis que Jean a écrit l’Apocalypse, la poignée de témoins d’hier est devenue une part considérable de l’humanité ; les condamnés livrés aux fauves ont construit Saint-Pierre de Rome et Notre-Dame de Paris ; les humiliés des catacombes ont engendré des génies de l’art et des sciences etc. Les trois premiers siècles après la Pâque du Christ ont été éprouvants, jusqu’à faire renoncer les lapsi, dénoncer des proches, marginaliser les petites cellules d’Église disséminées autour des synagogues… 300 ans à souffrir, entourés de mépris et ostracisés par les classes dirigeantes : que peut-il sortir de bon de tout cela ? Patience, semble répondre Jean : la tête est déjà sortie, le reste du corps suivra bientôt…

 

ExileToBabylon-1-1568x1524 espéranceC’était autrefois la réponse d’Isaïe à la détresse de son peuple. Complètement découragés, les juifs avaient vu Nabuchodonosor détruire le Temple de Jérusalem en -587, effacer la royauté davidique, et disperser Israël en exil à Babylone. Plus de roi, plus de terre, plus de Temple : logiquement, c’était fichu ! Les déportés vivaient un triple deuil, tragique, désespérant. Que pouvait-il sortir de bon de cet exil ?

Loin de leur terre, ils avaient l’impression d’être coupés de leur Dieu et de ne plus pouvoir le prier. Cela est très bien exprimé dans le Psaume 137 (136) : « Comment chanterions-nous un chant du Seigneur sur une terre étrangère ? » Ils avaient en quelque sorte à faire le deuil de leur Dieu. D’ailleurs, ils ne le comprenaient plus. S’ils sont le peuple élu, comment expliquer de si grands malheurs ? C’est au cœur de cette grave crise que le prophète fait résonner la parole de Dieu. Cela représente déjà une nouvelle extraordinaire de découvrir que la voix de Dieu peut les rejoindre jusque dans leur exil. Dieu ne les a pas abandonnés ! Et s’il leur parle, cela signifie qu’il est là avec eux, au cœur de la crise. Ce que Dieu leur exprime est renversant. « Ne faites plus mémoire des événements passés, ne songez plus aux choses d’autrefois. Voici que je fais une chose nouvelle : elle germe déjà, ne la voyez-vous pas ? Oui, je vais faire passer un chemin dans le désert, des fleuves dans les lieux arides » (Is 43,18-19).

Le prophète révèle que la nouveauté est déjà présente, en germe, au cœur même de la crise et du deuil. Parler de germe, c’est évoquer quelque chose qui commence petitement, mais qui porte un dynamisme de croissance.

Le prophète invite par conséquent à un exercice de discernement. Il nous convie à être attentifs pour apercevoir ce que Dieu est en train de faire pousser au cœur même du désastre. Dieu parle au présent. En hébreu, il y a un participe présent au v. 19 : « me voici en train de faire du neuf ». Il s’agit d’une action en cours. Comme si ruines de la catastrophe constituaient l’engrais de ce que Dieu fait germer.

 

Le-Concept-de-Dieu-apres-Auschwitz PâqueVoilà qui résonne à nos oreilles ! Que peut-il sortir de bon de la Shoah et de ses 6 millions de victimes ? Eh bien, l’État d’Israël est né de ce traumatisme collectif ! Le retour des juifs sur leur terre est tout aussi étonnant après-guerre que le retour des juifs de Babylone grâce à Cyrus, le messie perse, en -537. Et la vigilance occidentale sur l’antisémitisme sans cesse renaissant est également héritée de l’horreur et de l’effroi depuis la découverte des charniers et des cendres d’Auschwitz.

Ce qui est dramatique, c’est qu’il faille en passer par là pour donner corps à l’espérance messianique !

 

Avons-nous appris quelque chose des années 30, de nos capitulations devant Hitler, de nos allégeances intellectuelles au communisme et ses millions de meurtres ? Pas sûr… Pourtant, un sursaut européen est peut-être en train de se produire comme jamais auparavant. Pourtant, les contre-pouvoirs américains finiront bien par se réveiller…

 

Au milieu de ces tribulations, les chrétiens connaissent leur part de persécutions, d’exactions, de souffrances au nom de leur foi. « Il nous faut passer par bien des épreuves pour entrer dans le royaume de Dieu ». Celui qui comme Étienne – le premier martyr – périt dans l’entre-deux historique aura comme lui les yeux fixés sur l’horizon de la promesse : « Il déclara : “Voici que je contemple les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu” » (Ac 7,56).

 

3. Tout considérer « à partir de la fin »

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Autrement dit : c’est seulement la puissance de sa résurrection qui nous donne de traverser nos Passions actuelles. C’est la fin qui éclaire le présent, et non l’inverse !

C’est en partant de ce qui doit arriver : la résurrection, que nous pouvons déchiffrer le présent. C’est en étant « lancé vers l’avant »« en courant vers le but », que le passé et le présent trouvent leur signification.

C’est donc que nous sommes invités à regarder les êtres et les choses qui nous entourent « à partir de la fin », et non en fonction de leur passé, quel qu’il soit (glorieux ou sombre).

 

Nous voici donc appelés à regarder cette semaine nos proches en famille, nos collaborateurs au travail, nos rencontres habituelles « à partir de la fin ». Même les choses matérielles, replacées ainsi en perspective, en acquièrent une saveur et une texture nouvelle : relativisées, elles deviennent signes du monde nouveau qui est en train de germer…

Oubliant le passé, libérés des jugements du présent, replaçons chaque visage en perspective par rapport à son but ultime : participer à la résurrection du Christ.

Essayez !

Vous ferez enfin l’expérience d’une vibrante course, à l’image de Paul : « oubliant ce qui est en arrière, lancé vers l’avant, je cours vers le but pour remporter le prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus » (Ph 3,13-14).

Vous goûterez par anticipation le renouvellement profond de toute la Création en Christ : « Voici que je fais toutes choses nouvelles ».

Oui : cette semaine, regardez les êtres et les choses qui vous environnent « à partir de la fin »…

 

Lectures de la messe


Première lecture
« Ayant réuni l’Église, ils rapportèrent tout ce que Dieu avait fait avec eux » (Ac 14, 21b-27)


Lecture du livre des Actes des Apôtres
En ces jours-là, Paul et Barnabé, retournèrent à Lystres, à Iconium et à Antioche de Pisidie ; ils affermissaient le courage des disciples ; ils les exhortaient à persévérer dans la foi, en disant : « Il nous faut passer par bien des épreuves pour entrer dans le royaume de Dieu. » Ils désignèrent des Anciens pour chacune de leurs Églises et, après avoir prié et jeûné, ils confièrent au Seigneur ces hommes qui avaient mis leur foi en lui. Ils traversèrent la Pisidie et se rendirent en Pamphylie. Après avoir annoncé la Parole aux gens de Pergé, ils descendirent au port d’Attalia, et s’embarquèrent pour Antioche de Syrie, d’où ils étaient partis ; c’est là qu’ils avaient été remis à la grâce de Dieu pour l’œuvre qu’ils avaient accomplie. Une fois arrivés, ayant réuni l’Église, ils rapportèrent tout ce que Dieu avait fait avec eux, et comment il avait ouvert aux nations la porte de la foi.


Psaume
(Ps 144 (145), 8-9, 10-11, 12-13ab)
R/ Mon Dieu, mon Roi, je bénirai ton nom toujours et à jamais ! ou : Alléluia.
 (Ps 144, 1)


Le Seigneur est tendresse et pitié,

lent à la colère et plein d’amour ;
la bonté du Seigneur est pour tous,
sa tendresse, pour toutes ses œuvres.


Que tes œuvres, Seigneur, te rendent grâce

et que tes fidèles te bénissent !
Ils diront la gloire de ton règne,
ils parleront de tes exploits.


Ils annonceront aux hommes tes exploits,

la gloire et l’éclat de ton règne :
ton règne, un règne éternel,
ton empire, pour les âges des âges.


Deuxième lecture
« Il essuiera toute larme de leurs yeux » (Ap 21, 1-5a)


Lecture de l’Apocalypse de saint Jean
Moi, Jean, j’ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le premier ciel et la première terre s’en étaient allés et, de mer, il n’y en a plus. Et la Ville sainte, la Jérusalem nouvelle, je l’ai vue qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu, prête pour les noces, comme une épouse parée pour son mari. Et j’entendis une voix forte qui venait du Trône. Elle disait : « Voici la demeure de Dieu avec les hommes ; il demeurera avec eux, et ils seront ses peuples, et lui-même, Dieu avec eux, sera leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur : ce qui était en premier s’en est allé. » Alors celui qui siégeait sur le Trône déclara : « Voici que je fais toutes choses nouvelles. »


Évangile
« Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres » (Jn 13, 31-33a.34-35)
Alléluia. Alléluia.
Je vous donne un commandement nouveau, dit le Seigneur : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés. » Alléluia. (cf. Jn 13, 34)


Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
Au cours du dernier repas que Jésus prenait avec ses disciples, quand Judas fut sorti du cénacle, Jésus déclara : « Maintenant le Fils de l’homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui. Si Dieu est glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera ; et il le glorifiera bientôt.
Petits enfants, c’est pour peu de temps encore que je suis avec vous. Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. »
Patrick BRAUD

 

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7 août 2022

Le grand dragon rouge feu de l’Assomption

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Le grand dragon rouge feu de l’Assomption

Homélie pour la fête de l’Assomption / Année C
15/08/2022

Cf. également :

Assomption : entraîne-moi !
Marie et le drapeau européen
Le Magnificat de l’Assomption : exalter / exulter
Quelle place a Marie dans votre vie ?
Assomption : Ne vous faites pas voler votre espérance
L’Assomption : Marie, bien en chair
Assomption : les sentinelles de l’invisible
L’Assomption de Marie, étoile de la mer
L’Assomption de Marie : une femme entre en Résistance
Marie, parfaite image de l’Église à venir
Marie en son Assomption : une femme qui assume !

Néron 666

Le grand dragon rouge feu de l’Assomption dans Communauté spirituelle 51VvT4YxOGL._SY291_BO1,204,203,200_QL40_ML2_Rome est en feu. Rome brûle. En ce mois de juillet caniculaire de 64 ap. J.C., l’empereur Néron est sur la côte dans sa villa au bord de la mer. Un incendie accidentel se déclare du côté du marché et embrase bientôt les deux tiers de la ville. Il y a des milliers de morts. Plus de 12 000 immeubles consumés. 200 000 habitants se retrouvent sans-abris (à cette époque, Rome compte près de 800 000 habitants).

Néron revient en hâte et met tout en œuvre pour voler au secours des sinistrés, mais le peuple gronde. Il veut des coupables. Alors Néron leur désigne les chrétiens, boucs émissaires tout désignés pour canaliser la colère du peuple. Ne raconte-t-on pas des rumeurs atroces sur les mœurs de cette secte nouvelle ? On dit qu’ils mangent de la chair et boivent du sang lors de leurs rassemblements. Ils refusent d’adorer l’empereur et contestent sa divinité. Ces athées sont subversifs et dangereux. D’ailleurs ce n’est qu’un ramassis d’esclaves et de gens de basse condition : dockers, prostituées, esclaves, le lumpenprolétariat romain, le Quart-Monde de l’époque en quelque sorte. Ce sont des nuisibles qu’il est donc sain et légitime d’éradiquer de la Cité. Alors, tel Hitler désignant les juifs après l’incendie du Reichstag en 1933, Néron désigne les chrétiens à la vindicte populaire comme coupables de l’incendie de la Ville éternelle. Ils sont arrêtés, crucifiés, livrés aux fauves dans les arènes romaines, ou transformés en torches vivantes le soir pour des exécutions publiques qui consolent les Romains après l’incendie : ceux qui ont répandu le feu doivent périr par le feu, c’est bien ainsi.

On comprend que Néron soit devenu pour les communautés chrétiennes de cette époque le symbole de l’opposition au Christ, l’Antéchrist de l’Apocalypse. Dans la tradition juive chaque lettre avait une valeur numérique en hébreu ; or l’addition des lettres de César-Néron en hébreu forme un total de 666, et Jean s’est empressé de coder son allusion au tyran avec ce nombre devenu maudit (Ap 13,18), d’autant plus symbolique qu’il comporte 3 fois – summum de plénitude négative – le chiffre 6, symbolique de l’inachevé puisque coincé entre le 5 de la Torah et le 7 de la Création.
666, c’est le comble de l’inachevé, de l’informe.

 

L’Apocalypse façon Jean Moulin

 666 dans Communauté spirituelleLe livre de l’Apocalypse, première lecture de notre fête de l’Assomption (Ap 11,19a ; 12,1-6a.10ab), est un livre de la Résistance face aux persécuteurs : Jean l’a écrit en pleines persécutions romaines et juives, afin de soutenir la foi et le courage de ceux qui savaient marcher vers leur supplice en demandant le baptême. En ces temps-là, devenir chrétien était risqué, très risqué ; les discriminations étaient nombreuses contre eux dans la fonction publique, les menaces également : perdre son métier, être muté ailleurs, ne jamais être promu, perdre son logement, et dans son quartier être à la merci d’une dénonciation anonyme etc. Il fallait être discret. Le Dominicum - ce rassemblement eucharistique du dimanche caractéristique de l’Église naissante – devait être clandestin. Les messages entre baptisés circulaient sous le manteau, codés et cryptés pour ne pas tomber entre les mains de la police ou de l’armée. À la façon de Jean Moulin coordonnant et unissant les réseaux la Résistance en France, Jean veut par l’Apocalypse encourager les chrétiens de la clandestinité, fortifier leur espérance, les assurer de la victoire finale au bout des persécutions. Voilà pourquoi l’Apocalypse est truffée de symboles réservés aux initiés, d’images codées, d’allusions compréhensibles par les seuls convertis au Christ. Contrairement aux délires des Témoins de Jéhovah ou autre groupes plus ou moins illuminés, l’Apocalypse de Jean n’a jamais voulu prédire l’avenir, annoncer des catastrophes de fin des temps ni se mêler de la politique du XX° siècle ! C’est un livre pour résister en temps d’oppression, un livre pour continuer à espérer alors que l’Église semble mise à mort.

 

Le dragon rouge feu

alors-que-la-femme-c%C3%A9leste-l-organisation-spirituelle-de-dieu-est-sur-le-point-de-donner-naissance-aux-futurs-dirigeants-de-la-terre-appara%C3%AEt-un-dragon-couleur-rouge-feu-avec-7-t%C3%AAtes-et-10-cornes-comme-les-b%C3%AAtes-d-apocalypse-13-et-17 ApocalypseC’est dans ce contexte que notre lecture met en scène deux signes grandioses dans le ciel : une femme et un dragon. On a déjà longuement commenté la figure de la femme couronnée d’étoiles, qui peut être Marie, Israël, l’Église ou l’humanité tout entière.

Intéressons-nous aujourd’hui à la bête extraordinaire des versets 3 à 18.
Ici, c’est un dragon. L’Ancien Testament utilisait déjà ce bestiaire fantastique, par exemple : « Dieu, mon roi dès l’origine, vainqueur des combats sur la face de la terre, c’est toi qui fendis la mer par ta puissance, qui fracassas les têtes des dragons sur les eaux ; toi qui écrasas la tête de Léviathan pour nourrir les monstres marins » (Ps 74, 12-15). Ce Léviathan est décrit dans des poésies cananéennes comme un monstre marin à 7 têtes, qui n’est pas sans rappeler la multicéphale Hydre de Lerne vaincue par Héraclès, créature mythologique ressemblant, encore, au serpent.

D’autres passages évoquent le combat contre le mal incarné par ces bêtes effrayantes :
« Ce jour-là, le Seigneur châtiera de son épée dure et grande et forte, Léviathan, le serpent fuyard, Léviathan, le serpent tortueux ; il tuera le dragon de la mer » (Is 27,1).
« Éveille-toi, éveille-toi, revêts-toi de force, bras du Seigneur ! Éveille-toi comme aux jours anciens, au temps des générations d’autrefois. N’est-ce pas toi qui taillas en pièces Rahab, qui transperças le Monstre marin ? » (Is 51,9)
« Jérusalem dit : Il m’a dévorée, avalée, Nabuchodonosor, le roi de Babylone ; il m’a laissée telle un plat vide. Comme un dragon, il m’a engloutie, il a rempli son ventre de mes délices ; il m’a rejetée » (Jr 51,34).
« Parle. Tu diras : Ainsi parle le Seigneur Dieu : Me voici contre toi, Pharaon, roi d’Égypte, grand dragon tapi parmi les bras du Nil ; tu as dit : il est à moi, le Nil, c’est moi qui l’ai fait. » (Ez 29,3)

Tel Philippe Druillet et son univers BD onirique et fantastique, Jean prolonge cette tradition et imagine un bestiaire qui inspirera longtemps encore des artistes de toutes disciplines, dont les tapisseries de Lurçat à Angers sont un joyau.
Ce dragon est rouge feu. Le feu évoque immédiatement l’incendie de Rome dont Néron s’est servi pour accuser les chrétiens et les pourchasser dans tout l’empire. Sans le vouloir, l’Apocalypse offre un effet de miroir – tragique – à l’Évangile de dimanche dernier (Lc 12,49-53) : « je suis venu allumer un feu sur la terre… ». L’incendie désiré par le Christ est celui de l’amour de Dieu venant embraser le cœur de chacun. Le pouvoir politique idolâtre répond à ce brasier intérieur en transformant le croyant en torche vivante, supplicié dans la liesse générale…

118 Assomption« Avant tout, il y a le dragon rouge, très puissant, avec une manifestation impressionnante et inquiétante du pouvoir sans grâce, sans amour, de l’égoïsme absolu, de la terreur, de la violence. Au moment où saint Jean écrivit l’Apocalypse, pour lui ce dragon était la représentation du pouvoir des empereurs romains anti-chrétiens, de Néron à Domitien. Ce pouvoir apparaissait illimité ; le pouvoir militaire, politique, propagandiste de l’empire romain était tel que devant lui, la foi, l’Église, apparaissait comme une femme sans défense, sans possibilité de survivre, encore moins de vaincre. Qui pouvait s’opposer à ce pouvoir omniprésent, qui semblait capable de tout? Et toutefois, nous savons qu’à la fin, la femme sans défense a vaincu ; ce n’est pas l’égoïsme, ce n’est pas la haine ; mais c’est l’amour de Dieu qui l’a emporté et l’empire romain s’est ouvert à la foi chrétienne » (Homélie du Pape Benoît XVI, 15 Août 2007).

Le rouge du dragon est la couleur du sang, le sang des martyrs qui selon Tertullien est semence de chrétiens lorsqu’il coule à flots sans renier l’amour des ennemis et le pardon des offenses. Mais ce dragon élargit l’image d’un pouvoir sanguinaire à la plupart des empires qui ont dominé le monde connu jusqu’alors. Car il a 7 têtes, et 7 est le chiffre désignant toute la Création (les 7 jours de la semaine, que les Babyloniens avaient adopté pour leur mois lunaire = 4×7 jours). Il n’y a pas que Rome à vouloir se faire adorer comme divinité devant laquelle se prosterner et à qui tout sacrifier. Il y a également l’Égypte, l’Assyrie, Babylone, les Mèdes, la Perse, la Grèce, Rome, 7 empires au moins qui ont ensanglanté la terre, conquis des territoires en incendiant leurs villes. L’ours russe en Ukraine pourrait succéder au dragon rouge feu : rien de nouveau sous le soleil hélas…

Chacune des 7 têtes du dragon était ceinte d’un diadème, ce qui confirme l’interprétation politique de cette bête. Curieusement, elle a 10 couronnes et non 7, ce qui est peu pratique pour les porter sur 7 têtes ! C’est donc là encore une signification cachée : ces 10 diadèmes constituent comme un anti Décalogue, comme un anti miniane, ce groupe de 10 fidèles juifs minimum pour pouvoir célébrer le culte. La Loi à l’envers en quelque sorte.
Jean avertit ainsi les nouveaux convertis que, plus ils brûlent du désir du Christ en eux, plus ils seront haïs, rejetés par les pouvoirs en place : ‘Si vous voulez suivre le Christ, soyez forts, préparez-vous au déchaînement du mal et de la violence sur vous et sur vos proches’.
Sacrée douche froide pour ceux qui n’auraient pas perçu l’enjeu existentiel du baptême ! Soyons réalistes : ils étaient nombreux du coup ceux qui reniaient leur foi devant de tels dangers pesant sur eux et leurs familles. On les appelle les lapsi, ceux qui ont chuté (lapsus) en latin, et il y aura un grand débat dans l’Église ensuite pour savoir s’il faut ou non réintégrer les lapsi qui demandait à revenir après avoir renié.

Les cornes portées par le dragon étaient le symbole de la puissance, celle du taureau encornant tout sur son passage, celle de l’orage grondant dans l’obscurité comme le meuglement du taureau en colère. Il y avait 4 cornes aux 4 coins de l’autel des sacrifices du Temple de Jérusalem, et c’est avec une corne remplie d’huile que Samuel fit l’onction messianique sur la tête de David. Les cornes du dragon font allusion à tous les envahisseurs qui ont causé la ruine d’Israël au cours des exodes et déportations successives, selon Za 2,2 par exemple : « Je dis à l’ange qui me parlait : ‘Ces cornes, que sont-elles ?’ Il me répondit : ‘Ce sont les cornes qui ont dispersé Juda, Israël et Jérusalem’ ».
Avec ses 10 cornes, le dragon de l’Apocalypse semble étendre sa domination sur toute la terre.

Ainsi couronné de 7 têtes, 7 diadèmes, 10 cornes, le grand dragon rouge feu avait de quoi effrayer quiconque voulait naître de la femme-Église, car il est posté devant elle, prêt à dévorer dès leur naissance les baptisés qui sortent du ventre de la mère-Église. Avertissement à ceux qui voudraient devenir chrétiens : dès leur conversion au Christ, le pouvoir les guettera pour détruire leur réputation, les enfermer, les supplicier, en leur enjoignant de renier leur foi pour se prosterner devant César.

 

Les dragons d’aujourd’hui

M02266086111-large dragonLes pouvoirs politiques ou religieux n’ont pas manqué au cours des siècles de poursuivre cette guerre faite aux croyants lorsqu’ils osent contester la prétention totalitaire des régimes en place. De Néron à Poutine en passant par Mao, Pol Pot ou Pinochet, les totalitarismes de tous poils se transforment en dragon rouge feu contre ceux qui, par la seule affirmation de leur foi, les empêchent d’être tout-puissants. Les talibans afghans, les partis communistes encore au pouvoir, les ultranationalistes hindous, les djihadistes de Boko Haram, du Yémen ou du Pakistan, et même l’orthodoxie alliée à Poutine ou le christianisme façon Bolsonaro : la liste des dragons contemporains est trop longue…

« Puissent les chrétiens de cette nation être une force généreuse de renouveau spirituel en chaque milieu de la société. Qu’ils combattent l’attrait du matérialisme qui étouffe les authentiques valeurs spirituelles et culturelles, ainsi que l’esprit de compétition débridée qui génère égoïsme et conflits. Qu’ils rejettent également les modèles économiques inhumains qui créent de nouvelles formes de pauvreté et marginalisent les travailleurs, ainsi que la culture de la mort qui dévalue l’image de Dieu, le Dieu de la vie, et viole la dignité de chaque homme, femme et enfant » (Homélie du Pape François en Corée du Sud pour la fête de l’Assomption, 15 Août 2014).

Le combat contre ces dragons modernes fait partie de notre mission de baptisés :

« La prière avec Marie, en particulier le Rosaire, a aussi cette dimension ‘agonistique’, c’est-à-dire de lutte, une prière qui soutient dans la bataille contre le malin et ses complices » (Homélie du Pape François, 15 Août 2013).

Le livre de l’Apocalypse est là pour que nous ne soyons pas effrayés par ces tyrans rouge feu.
Gardons en tête cet hymne de l’Apocalypse que la Liturgie des Heures nous fait chanter au temps pascal (Ap 12,10–13) :

Maintenant voici le salut +
et le règne et la puissance de notre Dieu, *
voici le pouvoir de son Christ !

L’accusateur de nos frères est rejeté, *
lui qui les accusait, jour et nuit,
 devant notre Dieu.

Ils l’ont vaincu par le sang de l’Agneau, +
par la parole dont ils furent les témoins : *
renonçant à l’amour d’eux-mêmes, jusqu’à mourir.

Soyez donc dans la joie, *
cieux, et vous, habitants des cieux !

 

MESSE DU JOUR

PREMIÈRE LECTURE
« Une Femme, ayant le soleil pour manteau et la lune sous les pieds » (Ap 11, 19a ; 12, 1-6a.10ab)

Lecture de l’Apocalypse de saint Jean
Le sanctuaire de Dieu, qui est dans le ciel, s’ouvrit, et l’arche de son Alliance apparut dans le Sanctuaire.
Un grand signe apparut dans le ciel : une Femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles. Elle est enceinte, elle crie, dans les douleurs et la torture d’un enfantement. Un autre signe apparut dans le ciel : un grand dragon, rouge feu, avec sept têtes et dix cornes, et, sur chacune des sept têtes, un diadème. Sa queue, entraînant le tiers des étoiles du ciel, les précipita sur la terre. Le Dragon vint se poster devant la femme qui allait enfanter, afin de dévorer l’enfant dès sa naissance. Or, elle mit au monde un fils, un enfant mâle, celui qui sera le berger de toutes les nations, les conduisant avec un sceptre de fer. L’enfant fut enlevé jusqu’auprès de Dieu et de son Trône, et la Femme s’enfuit au désert, où Dieu lui a préparé une place. Alors j’entendis dans le ciel une voix forte, qui proclamait : « Maintenant voici le salut, la puissance et le règne de notre Dieu, voici le pouvoir de son Christ ! »

PSAUME
(Ps 44, (45), 11-12a, 12b-13, 14-15a, 15b-16)
R/ Debout, à la droite du Seigneur,se tient la reine, toute parée d’or.(cf. Ps 44, 10b)

Écoute, ma fille, regarde et tends l’oreille ;
oublie ton peuple et la maison de ton père :
le roi sera séduit par ta beauté.

Il est ton Seigneur : prosterne-toi devant lui.
Alors, les plus riches du peuple,
chargés de présents, quêteront ton sourire.

Fille de roi, elle est là, dans sa gloire,
vêtue d’étoffes d’or ;
on la conduit, toute parée, vers le roi.

Des jeunes filles, ses compagnes, lui font cortège ;
on les conduit parmi les chants de fête :
elles entrent au palais du roi.

DEUXIÈME LECTURE
« En premier, le Christ ; ensuite, ceux qui lui appartiennent » (1 Co 15, 20-27a)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens
Frères, le Christ est ressuscité d’entre les morts, lui, premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis. Car, la mort étant venue par un homme, c’est par un homme aussi que vient la résurrection des morts. En effet, de même que tous les hommes meurent en Adam, de même c’est dans le Christ que tous recevront la vie, mais chacun à son rang : en premier, le Christ, et ensuite, lors du retour du Christ, ceux qui lui appartiennent. Alors, tout sera achevé, quand le Christ remettra le pouvoir royal à Dieu son Père, après avoir anéanti, parmi les êtres célestes, toute Principauté, toute Souveraineté et Puissance. Car c’est lui qui doit régner jusqu’au jour où Dieu aura mis sous ses pieds tous ses ennemis. Et le dernier ennemi qui sera anéanti, c’est la mort, caril a tout mis sous ses pieds.

ÉVANGILE
« Le Puissant fit pour moi des merveilles : il élève les humbles » (Lc 1, 39-56)
Alléluia. Alléluia.Aujourd’hui s’est ouverte la porte du paradis : Marie est entrée dans la gloire de Dieu ; exultez dans le ciel, tous les anges ! Alléluia.

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ces jours-là, Marie se mit en route et se rendit avec empressement vers la région montagneuse, dans une ville de Judée. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth. Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. Alors, Élisabeth fut remplie d’Esprit Saint, et s’écria d’une voix forte : « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? Car, lorsque tes paroles de salutation sont parvenues à mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en moi. Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. » Marie dit alors : « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur ! Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse. Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom ! Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent. Déployant la force de son bras, il disperse les superbes. Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides. Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour, de la promesse faite à nos pères, en faveur d’Abraham et sa descendance à jamais. » Marie resta avec Élisabeth environ trois mois, puis elle s’en retourna chez elle.
Patrick BRAUD

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24 novembre 2019

L’Apocalypse, version écolo, façon Greta

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

L’Apocalypse, version écolo, façon Greta

Homélie du 1° dimanche de l’Avent / Année A
01/12/2019

Cf. également :

Encore un Avent…
Bonne année !
Gravity, la nouvelle arche de Noé ?
La limaille et l’aimant
Le syndrome du hamster

Greta, ou la fin du monde en couettes

Greta Thunberg au parlement européenLe visage de Greta Thunberg est fascinant. Elle a les traits ronds et purs de Tintin, et ce n’est peut-être pas pour rien que notre héroïne porte le nom du personnage de Hergé dans son état civil complet : Greta Tintin Eleonora Ernman Thunberg. Comme Tintin, elle incarne la jeunesse et le courage, elle n’a pas peur de s’adresser d’égal à égal aux puissants et elle prétend sauver le monde. Une sainte laïque ? Dans La Révolution des Saints (1965 ; trad. fr. Belin, 1987), le philosophe Michael Walzer a montré comment le radicalisme politique moderne, celui des mouvements et des partis révolutionnaires, était né au moment de la Révolution anglaise du XVIIe siècle avec l’apparition d’un nouvel acteur politique, celui du « saint puritain ». Se con­sidérant comme un élu, détaché des anciennes solidarités, il développe un zèle activiste inédit : il a le sentiment d’agir pour répondre à un appel, il veut échapper à l’angoisse de la damnation grâce à l’action disciplinée dans le monde.                                                                                                         Philo Magazine, article « La croisade de Greta Thunberg », Novembre 2019.

Cet article de la revue « Philosophie Magazine » pointe de manière fort intelligente la sécularisation des thèmes apocalyptiques traversant l’écologie contemporaine. Les textes de ce dimanche parlent bien de la fin des temps : « il arrivera dans les derniers jours… » (Isaïe 12,1–5). « C’est le moment, l’heure est venue… » (Rm 12,11–14). « Ainsi en sera-t-il lors de la venue du fils de l’homme… » (Mt 24,37–44). Mais les différences avec les prophéties de Greta Thunberg sautent aux yeux : Jésus parle de sa venue et non d’événements naturels ; il annonce un monde nouveau et non l’effondrement de l’humanité ; il prêche l’espérance et non la peur.

 

La sécularisation de l’Apocalypse

Déjà au XIX° siècle, les grandes idéologies socialistes avaient repris les thèmes bibliques apocalyptiques pour les transposer à l’évolution de la classe ouvrière. Le capitalisme allait bientôt s’écrouler sous le poids de ses contradictions, crise économique après crise économique, prophétisait le jeune Karl Marx, nourri de sa culture biblique. D’ailleurs, les communistes ont fait de lui un prophète, et la nouvelle religion avait ses saints et ses saintes, comme Louise Michel surnommée la « vierge rouge » de la commune de Paris (1870) et tant d’autres figures révolutionnaires [1]. Le messianisme politique marxiste prenait ainsi le relais du messianisme chrétien, en voulant réaliser ici-bas le royaume de justice et de paix que le Christ annonçait.

L’Apocalypse, version écolo, façon Greta dans Communauté spirituelle 519J2ztgilL._SX300_BO1,204,203,200_Ces idéologies ont implosé avec la chute du mur de Berlin en 1989, commémorée récemment, et la dislocation de l’empire soviétique qui s’en est suivi. On oublie d’ailleurs trop souvent le rôle joué par Jean-Paul II dans la dénonciation du mensonge soviétique et de sa violence meurtrière. Revanche de l’Évangile sur « Le Capital » en quelque sorte…

Aujourd’hui, il n’y a plus guère que deux grandes idéologies pour prendre le relais de la contestation anticapitaliste qu’incarnait le socialisme autrefois : l’islam et l’écologie. L’islam propose une vision politique, une société alternative aux démocraties occidentales, fondée sur la charia et non sur la liberté individuelle, sur le Coran et non les Droits de l’homme, la soumission structurant toute la vie sociale. Les jeunes occidentaux ne semblent pas prêts d’épouser facilement cette idéologie politico-religieuse. Alors ils se tournent massivement vers le seul courant de pensée qui leur paraît crédible : l’écologie. Ou plutôt les écologies, tant les courants et conceptions d’un juste équilibre entre humanité et planète sont nombreux !

Luc Ferry en son temps en avait distingué trois :

•   le mouvement environnementaliste, de nature démocratique, vise la protection des intérêts bien compris de l’homme à travers la protection de la nature, qui n’a pas de valeur intrinsèque mais dont la destruction fait courir un danger à l’homme ;
•   la seconde tendance, utilitariste, considère que la souffrance animale doit être prise en compte moralement, comme l’est la souffrance humaine. Dès lors les animaux deviennent des sujets de droit, ce qui est la justification utilisée par certains des mouvements de « libération animale » ;
•   la troisième attribue des droits à la nature elle-même, y compris sous ses formes non animales. Ferry rattache à cette tendance le courant de l’écologie profonde ainsi que les idées des philosophes Hans Jonas et Michel Serres.
                                                                                               Le Nouvel Ordre écologique, L’arbre, l’animal et l’homme, Luc Ferry, Grasset, 1992.

Nul doute que Greta Thunberg se rattache plutôt au troisième courant, parfois appelé la deep ecology par les Américains. Cette écologie prophétise l’écroulement (collapse) de notre civilisation sur elle-même, comme autrefois Marx pour le capitalisme. Elle en vient à considérer l’homme comme le problème et non la solution, et pense survie de la planète avant développement humain. Les collapsologues utilisent les mêmes images terrifiantes que l’Apocalypse pour prédire le déferlement de catastrophes naturelles qui vont s’abattre sur notre monde à cause de l’activité humaine.

 

L’absence d’altérité

limits_2bto_2bgrowth-640 Apocalypse dans Communauté spirituelleÀ force de souligner la continuité entre toutes les formes du vivant, de l’arbre à l’homme, la collapsologie s’enferme dans un principe d’immanence, où tout est déjà contenu dans tout : il ne peut rien arriver de neuf sinon l’aboutissement final de la logique économique et industrielle actuelle en effondrement quasi-total. Antihumanistes, ces courants annoncent la fin du monde sans s’attarder à la fin du mois (selon l’expression qui a fleuri sur les manifestations des gilets jaunes). Il n’y a pas de salut à attendre d’un autre ; il n’y a pas d’autres logiques à respecter que celle (supposée) de la Nature quasi déifiée. C’est le même monde qui doit rester identique à lui-même sous peine d’engloutir l’homme comme un détail insignifiant et éphémère. C’est un raisonnement finalement très conservateur, qui ne veut pas penser d’autres évolutions possibles, notamment grâce à l’intelligence humaine, sa capacité d’adaptation, ou même celle de la nature, qui en a connu d’autres !

Or Jésus parle d’un monde autre – celui de la Résurrection – et non de la fin de ce monde. Il évoque sa venue, promesse de renouvellement et non de destruction. Il rappelle que l’engloutissement du déluge du temps de Noé a marqué l’émergence d’une Alliance nouvelle (cf. l’arc-en-ciel) avec une humanité renouvelée.

 

Prêcher la peur ou l’espérance ?

Pas de salut venant de l’homme ou de Dieu dans la contestation écologique radicale donc.

La deuxième différence – majeure – avec l’apocalyptique biblique réside dans le levier choisi pour transformer le monde.

Greta Thunberg à l'ONU, le 23 septembre 2019.Comme les « saints puritains », Greta Thunberg admet voir le monde « principalement en noir ou blanc » et est venue à la politique par vocation personnelle. À 15 ans, sous le coup de la découverte de la menace climatique, elle a traversé une dépression, arrêtant de s’alimenter, d’aller à l’école et même de parler. Sa rhétorique retrouve les intonations de cette tradition. S’adressant au Parlement européen à Strasbourg, elle entend saisir ses interlocuteurs d’effroi : « Je veux vous faire paniquer. » À l’ONU, c’est la culpabilité qu’elle mobilise : « Je ne devrais pas être là, je devrais être à l’école, de l’autre côté de l’océan. […] Comment osez-vous ? Vous avez volé mes rêves et mon enfance avec vos paroles creuses. » Parfois, ses discours prennent la forme de sermons : « Si vous comprenez vraiment la situation, tout en continuant d’échouer, c’est que vous êtes mauvais, et ça, je refuse de le penser. » Tandis qu’elle n’hésite pas à se faire menaçante si une réforme radicale n’était pas engagée : « Si vous décidez de nous laisser tomber, je vous le dis : nous ne vous pardonnerons jamais ! Nous ne vous laisserons pas vous en sortir. » Quant à l’enjeu, il engage « notre survie » et il a l’urgence d’une guerre. Si nous étions vraiment conscients de notre responsabilité, affirme Greta Thunberg, « nous ne parlerions jamais de rien d’autre, comme si c’était une guerre mondiale qui était en cours ». Face à ce retour de la figure de la sainteté en politique, on ne sait pas trop si l’on doit se réjouir que les jeunes renouent avec le radicalisme ou si l’on doit s’inquiéter de la forme puritaine que prend ce retour.
                                                                                          Philo Magazine, article « La croisade de Greta Thunberg », Novembre 2019.

non-violence ChaneeLa tonalité des avertissements bibliques est de nature totalement opposée. Les textes de ce dimanche en donnent quelques exemples : « de leurs épées ils forgeront des socs, et de leurs lances des faucilles. Jamais plus nation contre nation ne lèvera l’épée ; on ne se fera plus la guerre » (1° lecture). On ne peut pas dire qu’Isaïe cherche à terroriser son auditoire ! Il cherche au contraire à réveiller l’espérance du peuple dans un monde autre, pacifique et juste. De même Paul dans la 2° lecture interprète la venue du Christ comme une chance et non une menace : « le salut est plus près de nous qu’à l’époque où nous devenions croyants. Le jour est tout proche ». Quant à Jésus il ne cherche pas à faire peur, mais à réveiller la conscience de l’homme : « veillez donc, car vous ne savez pas quel jour votre Seigneur vient ».

L’espérance est un levier plus puissant que la peur, et plus intelligent. L’écologie dite punitive se fourvoie lorsqu’elle met la sanction au-dessus de l’éducation. L’écologie « terrifiante » se trompe également parce qu’elle noircit les scénarios à venir décrivant les conséquences de l’économie contemporaine. Toute tempête devient un signe annonciateur de la fin des temps ; la fonte des glaciers engendre des submersions marines catastrophiques ; les tsunamis ou autres éruptions volcaniques se multiplient, les évolutions climatiques également, multipliant les exodes, les sécheresses, les famines, et les guerres qui vont avec. Telle une pensée magique (que Karl Popper aurait qualifiée d’infalsifiable, car voulant échapper à la contradiction), la collapsologie interprète tout phénomène naturel anormal comme une confirmation de sa thèse…

 

D’autres écologies sont possibles

Pourtant, tous les écologistes ne raisonnent pas ainsi, heureusement ! Citons comme seul exemple Aurélien Brulé, qui au lieu de vouloir faire peur à tous entreprend de protéger les forêts… en les rachetant !

klassi écologieBasé depuis plus de vingt ans à Bornéo en Indonésie, Aurélien Brulé, alias Chanee, un Franco-Indonésien de 40 ans, est un écologiste de terrain. Son quotidien se partage entre le centre de préservation des gibbons – le plus petit des grands singes – qu’il a créé au beau milieu de la forêt de Bornéo, le sauvetage d’animaux aussi divers que des singes, des panthères, des cobras ou des crocodiles, et Kalaweit, l’association qu’il a fondée (www.kalaweit.org). C’est avec Kalaweit que Chanee a décidé de combattre les compagnies d’huile de palme en achetant des hectares de forêt pour protéger les animaux et les mettre à l’abri de la déforestation et du braconnage. Une méthode très peu utilisée par les ONG écologistes, qui peut surprendre, mais qui est en train de prouver son efficacité. Chanee tient chaque semaine une chronique dans l’émission « Vivement dimanche » présentée par Michel Drucker, sur France 2. Il poste également de nombreuses vidéos de ses actions sur sa chaîne YouTube : Chanee Kalaweit.

Utiliser la logique de l’économie de marché pour sauver l’économie de marché n’est sans doute pas impossible. Un peu comme le rachat des esclaves autrefois préparait les mentalités à l’abandon de l’esclavage, cette protection immédiate et surprenante des forêts primaires menacées peut préparer les consciences à d’autres investissements, d’autres rentabilités, d’autres énergies.

La majorité des catholiques n’attend plus guère le retour du Christ en gloire au jour du Jugement dernier ! Malgré la récitation du Credo le dimanche, rares sont les pratiquants qui intègrent cette venue comme un principe structurant de leur foi. La plupart confondent la venue du Christ avec leur mort individuelle ! Or l’espérance chrétienne est bien plus grande que la seule attente d’une survie individuelle : c’est un monde entièrement renouvelé que nous attendons, « des cieux nouveaux et une terre nouvelle », où la résurrection de tous en Christ instaurera des modes de relation inédits et indescriptibles, au-delà de toutes nos représentations humaines. C’est la grandeur de cette espérance qui nous permettra d’écouter le meilleur des aspirations écologiques d’aujourd’hui sans jamais aplatir cette espérance aux prédictions culpabilisantes ou terrifiantes qui prolifèrent.

Soyons témoins de cette espérance, qui nourrit notre amour de la planète comme compagne de route de l’humanité, alliée et amie de son développement intégral.



[1]. Une autre femme est également connue sous le terme de « vierge rouge du socialisme » : Marta Desrumeaux (1897-1982), communiste du Nord, syndicaliste CGT et résistante (déportée 3 ans à Ravensbrück), l’une des seize premières femmes représentantes parlementaires en France en 1945.

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE

Le Seigneur rassemble toutes les nations dans la paix éternelle du royaume de Dieu (Is 2, 1-5)

Lecture du livre du prophète Isaïe

Parole d’Isaïe, – ce qu’il a vu au sujet de Juda et de Jérusalem.
Il arrivera dans les derniers jours que la montagne de la maison du Seigneur se tiendra plus haut que les monts, s’élèvera au-dessus des collines. Vers elle afflueront toutes les nations et viendront des peuples nombreux. Ils diront : « Venez ! montons à la montagne du Seigneur, à la maison du Dieu de Jacob ! Qu’il nous enseigne ses chemins, et nous irons par ses sentiers. » Oui, la loi sortira de Sion, et de Jérusalem, la parole du Seigneur.
 Il sera juge entre les nations et l’arbitre de peuples nombreux. De leurs épées, ils forgeront des socs, et de leurs lances, des faucilles. Jamais nation contre nation ne lèvera l’épée ; ils n’apprendront plus la guerre.
 Venez, maison de Jacob ! Marchons à la lumière du Seigneur.

PSAUME

(Ps 121 (122), 1-2, 3-4ab, 4cd-5, 6-7, 8-9)
R/ Dans la joie, nous irons à la maison du Seigneur. (cf. Ps 121, 1)

Quelle joie quand on m’a dit :
« Nous irons à la maison du Seigneur ! »
Maintenant notre marche prend fin
devant tes portes, Jérusalem !

Jérusalem, te voici dans tes murs :
ville où tout ensemble ne fait qu’un !
C’est là que montent les tribus,
les tribus du Seigneur.

C’est là qu’Israël doit rendre grâce
au nom du Seigneur.
C’est là le siège du droit,
le siège de la maison de David.

Appelez le bonheur sur Jérusalem :
« Paix à ceux qui t’aiment !
Que la paix règne dans tes murs,
le bonheur dans tes palais ! »

À cause de mes frères et de mes proches,
je dirai : « Paix sur toi ! »
À cause de la maison du Seigneur notre Dieu,
je désire ton bien.

DEUXIÈME LECTURE
« Le salut est plus près de nous » (Rm 13, 11-14a)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Frères, vous le savez : c’est le moment, l’heure est déjà venue de sortir de votre sommeil. Car le salut est plus près de nous maintenant qu’à l’époque où nous sommes devenus croyants. La nuit est bientôt finie, le jour est tout proche. Rejetons les œuvres des ténèbres, revêtons-nous des armes de la lumière. Conduisons-nous honnêtement, comme on le fait en plein jour, sans orgies ni beuveries, sans luxure ni débauches, sans rivalité ni jalousie, mais revêtez-vous du Seigneur Jésus Christ.

ÉVANGILE

Veillez pour être prêts (Mt 24, 37-44)
Alléluia. Alléluia.Fais-nous voir, Seigneur, ton amour, et donne-nous ton salut. Alléluia. (Ps 84, 8)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Comme il en fut aux jours de Noé, ainsi en sera-t-il lors de la venue du Fils de l’homme. En ces jours-là, avant le déluge, on mangeait et on buvait, on prenait femme et on prenait mari, jusqu’au jour où Noé entra dans l’arche ; les gens ne se sont doutés de rien, jusqu’à ce que survienne le déluge qui les a tous engloutis : telle sera aussi la venue du Fils de l’homme. Alors deux hommes seront aux champs : l’un sera pris, l’autre laissé. Deux femmes seront au moulin en train de moudre : l’une sera prise, l’autre laissée. Veillez donc, car vous ne savez pas quel jour votre Seigneur vient. Comprenez-le bien : si le maître de maison avait su à quelle heure de la nuit le voleur viendrait, il aurait veillé et n’aurait pas laissé percer le mur de sa maison. Tenez-vous donc prêts, vous aussi : c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra. »
Patrick BRAUD

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16 novembre 2013

« Même pas peur »…

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

« Même pas peur »…

Homélie du 33° Dimanche / Année C
Dimanche 17 Novembre 2013
Journée nationale du Secours Catholique

  

La peur de la fin du monde est comme une constante de l’histoire de l’humanité.

À croire que cette peur est utile à certains qui l’exploitent.

Du temps de Jésus, la peur de la fin du monde, c’était la peur de l’anéantissement d’Israël par les Romains, la peur de la destruction du temple de Jérusalem évoquée par Jésus, ou l’arrivée triomphale du Messie Juif. Mais ce n’était jamais que la fin d’un monde (et non la fin du monde).

Plus près de nous, les deux dernières guerres mondiales ont ravivé cette peur.

Puis il y a eu la guerre froide et la peur de l’auto-destruction nucléaire.

Le marxisme chantait d’ailleurs à l’époque l’écroulement inéluctable de l’économie de marché, et manipulait cette peur pour hâter la venue d’une société nouvelle d’après le cataclysme.

Certains courants écologiques ont pris le relais, prophétisant la fin de la planète…

Ou certains courants politiques ont utilisé la peur du 11 septembre comme la menace de la fin de notre monde.

 « Même pas peur »... dans Communauté spirituelle 561186-meme-pas-peur-du-haka

Vous voyez, chaque période crée sa peur, comme un miroir. 

Or, Jésus refuse de se laisser entraîner dans cette excitation apocalyptique.

Il nous avertit : « Quand vous entendrez parler de ces catastrophes, ne vous effrayez pas. Ce ne sera pas tout de suite la fin ».

Ne vous laissez donc pas prendre à la fascination des grandes catastrophes.

Ne vous laissez pas entraîner par ce pessimisme ambiant qui laisse la peur dominer sur la raison.

Ne soyez pas effrayés par ceux qui vous annoncent la fin du monde, ou même la fin d’un monde.

D’ailleurs, pour nous chrétiens, la fin du monde a déjà eu lieu !

Aussi étonnant que cela puisse paraître, dans l’évangile, la fin du monde est déjà arrivée, le Règne de Dieu est déjà au milieu de nous !

Ce n’est pas au terme de l’histoire que sera révélée la vérité de l’homme, c’est au milieu de l’histoire que cela a été accompli, dans la Passion-Résurrection du Christ.

Voilà pourquoi nous sommes libres de ne pas courir après les dernières peurs à la mode.

Quand le Christ prononce : « Tout est accompli » sur la croix, c’est réellement la fin, la plénitude, le terme qui est déjà à l’oeuvre, présent dans nos vies.

Regardez les façade de nos cathédrales romanes : le Christ dans la mandorle de gloire attire à lui tous les hommes, toute l’histoire, tout l’univers.

C’est le Christ de l’Ascension qui a déjà tout accompli lorsqu’il est élevé auprès du Père.

C’est en même temps le Christ de la fin des temps qui reviendra manifester la vérité du monde.

Mais depuis l’Ascension, notre monde a déjà basculé en Christ du côté de la Résurrection, de la divinisation de l’homme.

 

Quelles sont les conséquences pratiques de cette conception chrétienne de la fin du monde au milieu de l’histoire ?

- D’abord ne plus avoir peur.

Les prophètes de malheur ne pourront jamais nous détourner de ce qui est pleinement accompli en Christ.

- Ensuite, nous sommes libres :

* Libres de témoigner de cet avenir déjà présent, jusque dans la persécution s’il le faut.

* Libres de ne pas être fascinés par les chiffres, par le quantitatif, car si le Royaume est déjà là sous forme de graine, cela suffit pour tout transformer.

* Libres de combattre tout catastrophisme, toute « terreur sacrée » où l’on voudrait nous embrigader dans des pensées inhumaines, comme le marxisme autrefois, sous prétexte de fin du monde. 

* Libres enfin de travailler – comme les martyrs des 1er siècles alors que l’empire romain s’écroulait – à l’émergence d’un monde nouveau que Dieu façonne sans cesse.

Ne nous résignons pas à la résignation ambiante.

Nous avons oublié l’eschatologie (c’est-à-dire l’espérance en l’accomplissement final) et sa réalité profonde : l’Éternel est présent dans le temps et les signes du Royaume de Dieu sont semés dans la lourde pâte de notre monde. À nous de discerner cette pédagogie divine à base de confiance.

Demandez aux 65 000 bénévoles du Secours catholique s’ils se résignent ! Demandez aux 1000 salariés du Secours s’ils s’affolent ! La pauvreté augmente en France, c’est vrai. Mais en cette journée Nationale du Secours Catholique, nous ne cédons pas au catastrophisme.

Partout, notre don agit. Le Secours catholique est un service de l’Église de France pour faire rayonner la charité, pour que partout votre don agisse, par la prière, le don matériel, le soutien scolaire, en créant des groupes de parole, des lieux de fraternité, en interpellant la société au sujet des plus faibles. Le rapport annuel du Secours Catholique sur la pauvreté en France insistait notamment sur la détresse grandissante de ce que l’on appelle pudiquement : ‘les familles monoparentales’, c’est-à-dire les femme seules avec enfants. Mais ce n’est pas nous faire peur que le Secours nous informe, c’est pour agir !…

Si on vous parle de catastrophes et de fin du monde, ne vous effrayez donc pas, nous redit Jésus aujourd’hui. « N’y allez pas ! N’y courez pas ! » (Lc 17,23).

Gardez en vous cette distance intérieure, cette « réserve eschatologique » (Jean-Baptiste Metz) qui vient de votre appartenance à l’autre monde, celui que le Christ a déjà inauguré par sa Résurrection et son Ascension au plus haut.

Ne vous laissez pas égarer par les dernières peurs à la mode…

 

 

1ère lecture : De l’esclavage du péché au service de Dieu (Rm 6, 12-18)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Frères, il ne faut pas que le péché règne dans votre corps mortel et vous fasse obéir à ses désirs. Ne mettez pas les membres de votre corps au service du péché pour mener le combat du mal : mettez-vous au contraire au service de Dieu comme des vivants revenus de la mort, et offrez à Dieu vos membres pour le combat de sa justice. Car le péché n’aura plus sur vous aucun pouvoir : en effet, vous n’êtes plus sujets de la Loi, vous êtes sujets de la grâce de Dieu.
Alors ? Puisque nous ne sommes pas sujets de la Loi, mais de la grâce, allons-nous recommencer à pécher ? Absolument pas. Vous le savez bien : en vous mettant au service de quelqu’un pour lui obéir comme esclaves, vous voilà esclaves de celui à qui vous obéissez : soit du péché, qui est un chemin de mort ; soit de l’obéissance à Dieu, qui est un chemin de justice. Mais rendons grâce à Dieu : vous qui étiez esclaves du péché, vous avez maintenant obéi de tout votre c?ur à l’enseignement de base auquel Dieu vous a soumis. Vous avez été libérés du péché, vous êtes devenus les esclaves de la justice.

Psaume : 123, 2-3, 4-5, 7
R/ Notre secours est dans le nom du Seigneur.

Sans le Seigneur qui était pour nous
quand des hommes nous assaillirent,
alors ils nous avalaient tout vivants,
dans le feu de leur colère.

Alors le flot passait sur nous, 
   le torrent nous submergeait ; 
alors nous étions submergés 
   par les flots en furie.

Comme un oiseau, nous avons échappé 
   au filet du chasseur ; 
le filet s’est rompu : 
   nous avons échappé.

Evangile : Attendre le retour du Seigneur : parabole de l’intendant fidèle (Lc 12, 39-48)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Heureux celui qui veille dans la prière : il sera jugé digne de paraître debout devant le Fils de l’homme. Alléluia.(cf. Lc 21, 36)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Jésus disait à ses disciples : « Vous le savez bien : si le maître de maison connaissait l’heure où le voleur doit venir, il ne laisserait pas percer le mur de sa maison. Vous aussi, tenez-vous prêts : c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra. »
Pierre dit alors : « Seigneur, cette parabole s’adresse-t-elle à nous, ou à tout le monde ? »
Le Seigneur répond : « Quel est donc l’intendant fidèle et sensé à qui le maître confiera la charge de ses domestiques pour leur donner, en temps voulu, leur part de blé ?
Heureux serviteur, que son maître, en arrivant, trouvera à son travail. Vraiment, je vous le déclare : il lui confiera la charge de tous ses biens.
Mais si le même serviteur se dit : ‘Mon maître tarde à venir’, et s’il se met à frapper serviteurs et servantes, à manger, à boire et à s’enivrer, son maître viendra le jour où il ne l’attend pas et à l’heure qu’il n’a pas prévue ; il se séparera de lui et le mettra parmi les infidèles.
Le serviteur qui, connaissant la volonté de son maître, n’a pourtant rien préparé, ni accompli cette volonté, recevra un grand nombre de coups.
Mais celui qui ne la connaissait pas, et qui a mérité des coups pour sa conduite, n’en recevra qu’un petit nombre. À qui l’on a beaucoup donné, on demandera beaucoup ; à qui l’on a beaucoup confié, on réclamera davantage. »
Patrick Braud

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