L'homélie du dimanche (prochain)

11 septembre 2022

Mi-Abbé Pierre, mi-Mélenchon : Amos !

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Mi-Abbé Pierre, mi-Mélenchon : Amos !

Homélie pour le 25° dimanche du Temps Ordinaire / Année C
18/09/2022

Cf. également :

Trompez l’Argent trompeur !
Peut-on faire l’économie de sa religion ?
Éthique de conviction, éthique de responsabilité
Prier pour la France ?
La 12° ânesse
Épiphanie : l’économie du don

L’invasion russe en Ukraine ne cesse de provoquer des remous sur toute la planète. En Europe, l’inflation frôle un taux à deux chiffres ; les peuples se préparent à un hiver sans gaz russe ; les dettes nationales s’envolent à nouveau pour soutenir le pouvoir d’achat et se procurer de l’énergie ailleurs. En Afrique, la pénurie de céréales ukrainiennes peut engendrer une famine en Égypte, au Maroc, et priver d’engrais azotés des millions de cultivateurs. La Chine se sent pousser des ailes pour faire avec Taïwan ce que Poutine a fait avec le Donbass. L’Inde en profite pour devenir plus ultranationaliste que jamais. Et chaque semaine apporte son lot de crimes de guerre, de tortures, d’exactions contre des civils, d’exodes de populations ukrainiennes par milliers.

Mi-Abbé Pierre, mi-Mélenchon : Amos ! dans Communauté spirituelle 412Z6MJ6AJL._SY291_BO1,204,203,200_QL40_ML2_« Rien de nouveau sous le soleil », dirait la Bible (Qo 1,9). À lire l’Ancien Testament, on parcourt les mêmes agressions violentes des empires conquérant des territoires par la force injuste ; les mêmes inégalités prolifèrent entre les nantis et les petites gens ; la même inhumanité est à l’œuvre envers des rivaux étrangers, des opposants intérieurs, des minorités ethniques etc.
Akkad, Sumer, Babylone, Memphis ou Rome n’étaient pas plus tendres que Moscou ou Pékin. La corruption y était aussi grande, les injustices et les inégalités y sévissaient de même.

Mais, en Israël, il y avait les prophètes !

Ces voix courageuse s’élevaient, au prix de leur liberté et de leur vie, pour dénoncer les exactions des puissants, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. La première lecture de ce dimanche nous fait entendre la protestation véhémente d’Amos (Am 8,4-7), qu’il faudrait faire tonner avec fracas dans nos églises au lieu de la lire gentiment à mi-voix au micro… :

« Écoutez ceci, vous qui écrasez le malheureux pour anéantir les humbles du pays, car vous dites : « Quand donc la fête de la nouvelle lune sera-t-elle passée, pour que nous puissions vendre notre blé ? Quand donc le sabbat sera-t-il fini, pour que nous puissions écouler notre froment ? Nous allons diminuer les mesures, augmenter les prix et fausser les balances. Nous pourrons acheter le faible pour un peu d’argent, le malheureux pour une paire de sandales. Nous vendrons jusqu’aux déchets du froment ! » Le Seigneur le jure par la Fierté de Jacob : Non, jamais je n’oublierai aucun de leurs méfaits ».


Crier fort pour tous ceux qu’on écrase

Voilà donc la première mission des prophètes (dont nous sommes depuis notre baptême !) : élever la voix pour dénoncer publiquement ce qui offense Dieu dans le sort fait aux pauvres.
Imaginez que vous vouliez honorer le Christ en l’embrassant et que pour cela vous lui montiez sur les pieds avec de gros souliers ferrés : « eh bien – tonne saint Augustin – le Christ criera plus fort pour ses pieds qu’on écrase que pour sa tête qu’on honore ! »

Au VIII° siècle avant J.-C., le royaume du Nord en Israël était florissant. Il semblait puissant et riche. Seulement, en marge des nantis, il y avait tout une frange de la population qui était exploitée, appauvrie, opprimée par les classes dirigeantes. Oui, il y avait des gens qui devaient se vendre pour une paire de sandales (Am 2,6), qui n’avaient pas de quoi se couvrir la nuit (2,8), qui étaient réduits en esclavage pour n’avoir pas pu payer leurs dettes (8,6), qui étaient victime de magouilles et autres malversations dans le commerce (8,5), les tribunaux (2,7 ; 5,12) etc.

L’anéantissement des petits (8,4) ne doit pas, ne peut pas être accepté passivement. Amos élève la voix, et vocifère à la mesure inverse du silence imposé par les forts à leurs victimes. Il proclame que ces comportements sont des ruptures d’Alliance. Il avertit que tout cela va conduire à la ruine du royaume si rien ne change.

Il y a des accents « amosiens » dans le cri d’appel au secours de l’Abbé Pierre sur les ondes de RTL en plein hiver 1954 : « Mes amis, au secours ! Cette nuit un bébé est mort de froid dans la rue… » Il y a quelques accents « amosiens » dans le bruit et la fureur que Mélenchon voulait répandre pour dénoncer les inégalités en France (ce qui ne valide en rien ses propositions de solutions !)…


La dés-Alliance économique et sociale

Ces deux figures – bien différentes – de la contestation sociale sont dans le droit fil prophétique de l’Ancien Testament. Leur critique est cependant très ‘horizontale’, très sécularisée, alors que celle d’Amos est foncièrement religieuse. Pour Amos, maltraiter les pauvres est une blessure de l’Alliance entre Dieu et son peuple. Truquer les balances et les procès, c’est rendre caduques les belles processions au Temple avec leur sacrifices d’animaux par centaines. Exploiter les indigents, c’est annuler la somptueuse liturgie pleine d’encens qui ravit les juifs pieux. S’habituer au malheur des pauvres, c’est briser les Tables de la Loi une seconde fois.

Les tables brisèesLe non-respect des droits économiques et sociaux des humbles a pour Amos une portée spirituelle : l’idolâtrie de valeurs trop humaines, et une portée religieuse : la rupture de l’Alliance entre YHWH et son peuple. La fidélité rituelle d’Israël cache mal à ses yeux une infidélité éthique. Le rite devient hypocrite et vain lorsqu’il ne s’incarne pas dans une éthique cohérente. Le patriarche Kirill devrait relire Amos avant de célébrer les fastes de la divine liturgie devant Poutine et ses sbires…

« Vous crachez à la face de YHWH si vous méprisez les pauvres gens », ose reprocher Amos aux pratiquants de son époque.
Le même reproche est à crier aujourd’hui encore aux oreilles des chrétiens, des juifs ou des musulmans qui pratiquent en même temps leur liturgie, ses rites et ses croyances, et la violence armée, la déportation des populations, l’annexion par la force, l’enrichissement sans vergogne aux dépens des humbles…

La pratique de la justice sociale est donc un élément constitutif de la foi en YHWH. Est-elle ignorée ou rejetée, c’est la connaissance du Seigneur elle-même qui est amputée ou compromise. « Le combat pour la justice et la participation à la transformation du monde nous apparaissent pleinement comme une dimension constitutive de la prédication de l’Évangile qui est la mission de l’Église pour la rédemption de l’humanité et sa libération de toute situation oppressive ».[1]

D’ailleurs, tôt ou tard, des comportements économiques et sociaux injustes conduisent à l’idolâtrie pure et simple, comme le constate amèrement Amos :

« Ils écrasent la tête des faibles dans la poussière, aux humbles ils ferment la route.
Le fils et le père vont vers la même fille et profanent ainsi mon saint nom.
Auprès des autels, ils se couchent sur les vêtements qu’ils ont pris en gage. Dans la maison de leur Dieu, ils boivent le vin de ceux qu’ils ont frappés d’amende » (Am 2,7-8).
La prostitution sacrée n’est jamais bien loin de l’idolâtrie religieuse au cœur des cultes de fertilité si présents en Canaan…
L’injuste devient vite idolâtre, et réciproquement…


La dé-Création économique et sociale

Amos va plus loin encore. Il présente les crimes contre la justice – qu’ils soient commis par des juifs ou des non-juifs – comme des péchés (pešā‘îm en hébreu, cf. Am 2,6; 3,14; 5,12) contre Dieu créateur.

art_img_8562 alliance dans Communauté spirituelle

En effet, en instaurant le désordre dans le règne de sa Création, les auteurs des exactions énumérées en Am 5,7.10-12 et de celles dénoncées dans les autres oracles du livre (Am 2,6-8; 3,9-10;4,1;6,4-6;8,4-6) s’opposent à Dieu ou entrent en sédition contre Celui qui s’attelle constamment à maintenir un ordre juste et harmonieux dans l’univers. En conséquence, toute situation d’injustice devient indubitablement une atteinte au projet créateur parce qu’elle instaure la confusion au sein de la création. En définitive, Amos révèle que les injustices sont des actes de « dé-Création » : elles font retourner la société au chaos.

Israël a accepté la Torah comme règle de son Alliance avec YHWH. Les autres nations ne sont pas dépourvues pour autant de leurs propres lois d’alliance. C’est ce que la Bible appelle les lois noachiques [2] : après le Déluge, Dieu a fait alliance avec Noé pour que le monde ne soit plus livré au chaos, et cette alliance noachique englobe tous les peuples. Un œil moderne verrait là une des sources des Droits de l’Homme actuels : un minimum à respecter pour être humain, quelle que soit sa nationalité, son ethnie, sa religion. La faiblesse des Droits de l’Homme est de n’être fondée que sur la nature humaine (que certains soupçonnent d’y être très – trop ? – occidentale). La force de l’alliance noachique est d’être fondée en Dieu, ce qui garantit son universalité et son inviolabilité.

Sans le savoir ou non, les Chinois qui déportent les Ouïgours ou les Tibétains violent l’Alliance originelle, et contribuent à décréer le monde. Sans le savoir ou non, les Russes qui veulent éradiquer l’identité ukrainienne à tout prix sont complices des forces obscures qui défont l’univers. Et c’est vrai également des Américains qui napalmaient le Vietnam, des Français qui colonisaient par la force, des musulmans qui soumettaient des royaumes par le sabre et développaient la traite des esclaves dans toute l’Afrique dès le VII° siècle etc.

Voici ce qu’Amos reproche aux non-juifs :

- Il proteste contre l’inhumanité brutale de l’armée syrienne : « … (les Syriens) ont foulé Galaad avec des herses de fer » (1,2).
Quelles armées en conquête ne sont pas brutales ?…

– Il proteste contre la déportation des civils, réfugiés livrés à eux-mêmes sans défense. À la suite d’une attaque sur Juda et Israël, une population en fuite cherche un asile en Philistie. Mais les Philistins les repoussent dans les bras des Édomites (v.6). De la même manière, la Phénicie, qui voit d’un mauvais œil l’arrivée massive des étrangers à ses frontières, n’hésite pas, au nom de la sauvegarde de ses intérêts, à trahir le traité de fraternité qui la lie à Israël (1R 5,26, 9,14). Les conséquences sont désastreuses : toute une population de réfugiés, qui a été abandonnée à Édom, devient rapidement une marchandise sur le marché international.
C’est presque un reportage sur les charniers et les massacres des civils en Syrie, en Ukraine, au Yémen, au Mali…

– Le prophète dénonce aussi les actes de cruauté sauvages que les Ammonites perpétuent alors qu’ils cherchent à étendre leur territoire. Ainsi, ils ont éventré les femmes enceintes du Galaad afin d’agrandir leur territoire (v. 13).
Rien de nouveau sous le soleil…

– Il dénonce la colère jamais assouvie, violente et impitoyable. Ainsi « (les Édomites) ont poursuivi leur frère (Israël) avec l’épée en étouffant leur compassion » (v. 11).
Quels soldats aujourd’hui font preuve de compassion envers leurs ennemis ?

– Finalement, Amos s’oppose à la haine qui cherche à effacer jusqu’à la toute dernière trace de son ennemi: « (les Moabites) ont brûlé, calciné, les ossements du roi d’Édom » (2,1). Ainsi, Moab prive le roi d’Édom des honneurs de funérailles décentes que l’on doit même à ses ennemis (1R 2,31; 2R 9,34). Dans l’Ancien Testament, brûler un corps était un fait extrêmement rare (1S 31,12) et essentiellement un signe du jugement de Dieu. Cela démontre à quel point l’identité de l’homme était liée au corps. Or Moab récupérait les corps abandonnés sur le champ de bataille dans un but industriel (faire de la chaux). Ainsi, les considérations économiques dépassent même les honneurs dus à la mémoire d’un homme. Les nazis n’ont rien inventé…

Nos pratiques économiques injustes, notre mépris social des petits – et on ajouterait aujourd’hui : nos habitudes anti-écologiques – sont des actes de dé-Création.
Ce ne sont pas seulement des offenses faites à la nature, et c’est déjà trop.
Ce ne sont pas seulement des violences insupportables faites aux petits, et c’est déjà moralement injustifiable.
C’est – dans le même mouvement – une rupture de l’Alliance créatrice qui unit l’humanité à Dieu.
C’est une blessure qui défigure notre ressemblance avec Dieu.
C’est une offense à nous-même et à Dieu qui rend hypocrite et vaine toute forme de religiosité qui s’accommoderait de ces pratiques inhumaines.


La postérité d’Amos

Il n’y a pas que Mélenchon et l’Abbé Pierre pour prendre le relais d’Amos ! Les Pères de l’Église ont eu des accents prophétiques incroyables !

Pour notre époque, il est intéressant par exemple de relever les 3 citations de notre première lecture opérées dans le Catéchisme de l’Église Catholique (1992) :

Famine rouge : la guerre de Staline en Ukraine– la 1° citation s’applique directement aux marchands de la faim qui cherchent à exploiter le conflit ukrainien à leur avantage, avec pénuries et famines à la clé comme Staline en 1932-33 provoquant 4 millions de morts en Ukraine  :

L’acceptation par la société humaine de famines meurtrières sans s’efforcer d’y porter remède est une scandaleuse injustice et une faute grave. Les trafiquants, dont les pratiques usurières et mercantiles provoquent la faim et la mort de leurs frères en humanité, commettent indirectement un homicide. Celui-ci leur est imputable (cf. Am 8,4-10). (CEC n° 2269)

– la 2° citation d’Amos vise les spéculateurs, les fraudeurs et les optimisations fiscales de tout poil qui exploitent les failles des législations protégeant les droits de chacun :

Toute manière de prendre et de détenir injustement le bien d’autrui, même si elle ne contredit pas les dispositions de la loi civile, est contraire au septième commandement. Ainsi, retenir délibérément des biens prêtés ou des objets perdus ; frauder dans le commerce (cf. Dt 25,13-16) ; payer d’injustes salaires (cf. Dt 24,14-15 JC 5,4) ; hausser les prix en spéculant sur l’ignorance ou la détresse d’autrui (cf. Am 8,4 6). (CEC n° 2409)

– la 3° citation invite à faire une démarche spirituelle – et pas seulement ‘horizontale’ – en reconnaissant la présence du Christ dans les pauvres :

Dès l’Ancien Testament, toutes sortes de mesures juridiques (année de rémission, interdiction du prêt à intérêt et de la conservation d’un gage, obligation de la dîme, paiement quotidien du journalier, droit de grappillage et de glanage) répondent à l’exhortation du Deutéronome :  » Certes les pauvres ne disparaîtront point de ce pays ; aussi je te donne ce commandement : tu dois ouvrir ta main à ton frère, à celui qui est humilié et pauvre dans ton pays  » (Dt 15,11). Jésus fait sienne cette parole :  » Les pauvres, en effet, vous les aurez toujours avec vous : mais moi, vous ne m’aurez pas toujours  » (Jn 12,8). Par là il ne rend pas caduque la véhémence des oracles anciens :  » Parce qu’ils vendent le juste à prix d’argent et le pauvre pour une paire de sandales …  » (Am 8,6), mais il nous invite à reconnaître sa présence dans les pauvres qui sont ses frères (cf. Mt 25,40) (CEC n° 2449).

Amos a toujours inspiré la Doctrine sociale de l’Église.
À titre d’exemple encore, voici un extrait du message des évêques du Congo Brazzaville en 2018 sur la situation économique de leur pays [3]. Ils commencent par citer intégralement notre lecture d’Amos 8,4–7 en la destinant aux créanciers du Congo :

« À tous les créanciers de la République du Congo, nous adressons ce cri du prophète Amos… »

Ils développent ensuite :

Le Congo bénéficie d’une nouvelle extension de sa dette à l'égard de la France. journaldebrazza.com

« À cause de la corruption, de la concussion et du vol, aujourd’hui notre pays est incapable de payer les salaires des travailleurs, les pensions des retraités, les bourses des étudiants qui sont abandonnés à leur triste sort au pays comme à l’étranger. Nos hôpitaux sont délabrés ou ferment, les malades refoulés, la mortalité ne cesse d’augmenter, les cas de suicide se multiplient, tandis dans que nos écoles l’opération du gouvernement sur les tables-bancs n’a pas eu les effets attendus. Dans les familles, même le repas unique qui était devenu la règle apparaît de plus en plus comme un privilège, parce que le prix des denrées alimentaires ne cesse d’augmenter, en dehors de celui de la bière qui ne fait que baisser. Au chômage des jeunes qui était déjà endémique s’ajoute aujourd’hui celui de tous ceux qui perdent leur emploi à cause de la récession.
Cette situation sociale dramatique interpelle notre conscience de Pasteurs, d’autant que certains citoyens exhibent leur richesse, acquise « miraculeusement » en un temps record, tandis que la majorité des congolais croupit dans la misère. Des scandales de corruption de concussion ont été révélés, mais la justice de notre pays peine à les élucider. »

Ne croyons pas qu’Amos soit une vocation à part ! Car l’onction d’huile de notre baptême fait de chacun un prophète en Christ.

Comment pouvons-nous, chacun et ensemble, reprendre avec courage l’avertissement d’Amos : « Écoutez ceci, vous qui écrasez le malheureux pour anéantir les humbles… » ?

 

 


[1]. Justitia in mundo, Déclaration du Synode des Évêques, 30/11/1971.

[2]. Le Talmud de Babylone les résume ainsi : Ne pas adorer les idoles / Ne pas maudire Dieu / Ne pas commettre de meurtre / Ne pas commettre d’adultère, de bestialité ou d’immoralité sexuelle / Ne pas voler / Ne pas manger de chair arrachée à un animal vivant / Créer des cours de justice.

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
Contre ceux qui « achètent le faible pour un peu d’argent » (Am 8, 4-7)

Lecture du livre du prophète Amos
Écoutez ceci, vous qui écrasez le malheureux pour anéantir les humbles du pays, car vous dites : « Quand donc la fête de la nouvelle lune sera-t-elle passée, pour que nous puissions vendre notre blé ? Quand donc le sabbat sera-t-il fini, pour que nous puissions écouler notre froment ? Nous allons diminuer les mesures, augmenter les prix et fausser les balances. Nous pourrons acheter le faible pour un peu d’argent, le malheureux pour une paire de sandales. Nous vendrons jusqu’aux déchets du froment ! » Le Seigneur le jure par la Fierté de Jacob : Non, jamais je n’oublierai aucun de leurs méfaits.

PSAUME
(Ps 112 (113), 1-2, 5-6, 7-8)
R/ Louez le nom du Seigneur : de la poussière il relève le faible. ou : Alléluia !
(Ps 112, 1b.7a)

Louez, serviteurs du Seigneur,
louez le nom du Seigneur !
Béni soit le nom du Seigneur,
maintenant et pour les siècles des siècles !

Qui est semblable au Seigneur notre Dieu ?
Lui, il siège là-haut.
Mais il abaisse son regard
vers le ciel et vers la terre.

De la poussière il relève le faible,
il retire le pauvre de la cendre
pour qu’il siège parmi les princes,
parmi les princes de son peuple.

DEUXIÈME LECTURE
« J’encourage à faire des prières pour tous les hommes à Dieu qui veut que tous les hommes soient sauvés » (1 Tm 2, 1-8)

Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre à Timothée
Bien-aimé, j’encourage, avant tout, à faire des demandes, des prières, des intercessions et des actions de grâce pour tous les hommes, pour les chefs d’État et tous ceux qui exercent l’autorité, afin que nous puissions mener notre vie dans la tranquillité et le calme, en toute piété et dignité. Cette prière est bonne et agréable à Dieu notre Sauveur, car il veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la pleine connaissance de la vérité. En effet, il n’y a qu’un seul Dieu, il n’y a aussi qu’un seul médiateur entre Dieu et les hommes : un homme, le Christ Jésus, qui s’est donné lui-même en rançon pour tous. Aux temps fixés, il a rendu ce témoignage, pour lequel j’ai reçu la charge de messager et d’apôtre – je dis vrai, je ne mens pas – moi qui enseigne aux nations la foi et la vérité. Je voudrais donc qu’en tout lieu les hommes prient en élevant les mains, saintement, sans colère ni dispute.

ÉVANGILE
« Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent » (Lc 16, 1-13)
Alléluia. Alléluia.
Jésus Christ s’est fait pauvre, lui qui était riche, pour que vous deveniez riches par sa pauvreté. Alléluia. (cf. 2 Co 8, 9)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Un homme riche avait un gérant qui lui fut dénoncé comme dilapidant ses biens. Il le convoqua et lui dit : ‘Qu’est-ce que j’apprends à ton sujet ? Rends-moi les comptes de ta gestion, car tu ne peux plus être mon gérant.’ Le gérant se dit en lui-même : ‘Que vais-je faire, puisque mon maître me retire la gestion ? Travailler la terre ? Je n’en ai pas la force. Mendier ? J’aurais honte. Je sais ce que je vais faire, pour qu’une fois renvoyé de ma gérance, des gens m’accueillent chez eux.’ Il fit alors venir, un par un, ceux qui avaient des dettes envers son maître. Il demanda au premier : ‘Combien dois-tu à mon maître ?’ Il répondit : ‘Cent barils d’huile.’ Le gérant lui dit : ‘Voici ton reçu ; vite, assieds-toi et écris cinquante.’ Puis il demanda à un autre : ‘Et toi, combien dois-tu ?’ Il répondit : ‘Cent sacs de blé.’ Le gérant lui dit : ‘Voici ton reçu, écris 80’.
Le maître fit l’éloge de ce gérant malhonnête car il avait agi avec habileté ; en effet, les fils de ce monde sont plus habiles entre eux que les fils de la lumière. Eh bien moi, je vous le dis : Faites-vous des amis avec l’argent malhonnête, afin que, le jour où il ne sera plus là, ces amis vous accueillent dans les demeures éternelles.
Celui qui est digne de confiance dans la moindre chose est digne de confiance aussi dans une grande. Celui qui est malhonnête dans la moindre chose est malhonnête aussi dans une grande. Si donc vous n’avez pas été dignes de confiance pour l’argent malhonnête, qui vous confiera le bien véritable ? Et si, pour ce qui est à autrui, vous n’avez pas été dignes de confiance, ce qui vous revient, qui vous le donnera ? Aucun domestique ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent. »
Patrick BRAUD

Mots-clés : , , , ,

30 mai 2021

L’Alliance dans le sang

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

L’Alliance dans le sang

Homélie pour la fête du Corps et du Sang du Christ / Année B
06/06/2021

Cf. également :

Les 4 présences eucharistiques
Bénir en tout temps en tout lieu
Les deux épiclèses eucharistiques
Les trois blancheurs
Comme une ancre jetée dans les cieux
Boire d’abord, vivre après, comprendre ensuite
De quoi l’eucharistie est-elle la madeleine ?
Donnez-leur vous-mêmes à manger
Impossibilités et raretés eucharistiques
Je suis ce que je mange
L’eucharistie selon Melchisédech
2, 5, 7, 12 : les nombres au service de l’eucharistie

L’Alliance dans le sang dans Communauté spirituelle rambouilletLa presse n’a guère souligné un aspect terrifiant du meurtre de Stéphanie Monfermé, l’officier de police assassinée le 23 avril dernier dans le commissariat de Rambouillet : son égorgement. Parler d’assassinat d’une policière était déjà suffisamment horrible ; pas besoin d’en rajouter. Pourtant, le fait que l’assassin ait utilisé un poignard et égorgé sa victime en citant le nom d’Allah comme on procède à un sacrifice rituel en islam ou à l’abattage d’un animal selon le rite halal fait immanquablement penser à un sacrifice religieux [1]. Circonstance aggravante : c’était un vendredi, jour de la prière, et le jour ne fut pas choisi au hasard. Et c’était pendant le mois du ramadan pendant lequel les djihadistes croient que leur soi-disant martyr les conduit  directement au paradis d’Allah.

Cette pratique d’égorgement nous est peu familière, depuis que le christianisme a aboli les sacrifices d’animaux en proclamant que le Christ est l’unique victime, rendant inutiles les sacrifices de la première Alliance. Et depuis la destruction du second Temple de Jérusalem en 70 après J.-C., les juifs ne pratiquent plus les sacrifices rituels qui lui étaient réservés, hormis peut-être le traditionnel agneau pascal, mais sans rites particuliers.

Or, nous redécouvrons avec l’abattage rituel que des religions pratiquent encore cet égorgement bestial en croyant obéir à Dieu (les animistes en Afrique, les musulmans partout dans le monde). Le Coran est clair sur ce point :

« Vous sont interdits la bête trouvée morte, le sang, la chair de porc, ce sur quoi on a invoqué un autre nom que celui de Dieu, la bête étouffée, la bête assommée ou morte d’une chute ou morte d’un coup de corne, et celle qu’une bête féroce a dévoré – sauf celle que vous égorgez avant qu’elle ne soit morte » (Sourate 5,3, La Table servie).

Abattage hallalLa tradition musulmane a fixé le déroulement de l’abattage rituel (dhabiha en arabe) pour qu’il soit certifié halal. Il faut tuer l’animal en respectant trois points essentiels :
- il faut qu’il soit conscient, donc non étourdi
- il faut qu’il soit égorgé de façon large jusqu’aux vertèbres cervicales
- il faut que l’animal soit tourné vers La Mecque et que soit prononcée par un musulman agréé la formule : “Bismillah  Allahou Akbar”.
Cette invocation du nom d’Allah au moment de l’égorgement est une obligation. Sans cette invocation, le rituel sacrificiel n’est pas « hallal ».
Cet égorgement ne peut pas être fait par un non musulman.
La saignée doit être réalisée par une personne, forcément musulmane, formée et habilitée par l’un des trois organismes agréés depuis les années 1990 par l’État : la Grande Mosquée de Paris, la Mosquée d’Évry et la Grande Mosquée de Lyon. Par ailleurs, la tête de l’animal abattu doit être tournée vers la Kaaba, la pierre sacrée de La Mecque, pendant qu’il se vide de son sang. Enfin, la viande halal ne doit avoir aucun contact avec des carcasses qui ne le seraient pas.

Dans la pratique, il est très difficile de savoir si ces rites sont respectés. Car l’État n’intervient à aucun moment dans le processus de certification de la viande halal, et n’exerce aucun contrôle sur l’abattage rituel. La certification est donc le fait d’une quarantaine d’organismes privés et indépendants des pouvoirs publics.

Selon des chiffres de la Direction générale de l’alimentation, dépendante du ministère de l’Agriculture, 30% du gros milliard de bêtes abattues en France le sont selon des rites religieux. Mais rapporté au tonnage, la proportion tombe à 14%. Cette différence s’explique par le fait que le mouton ou l’agneau, plus légers que le bœuf ou le veau, sont privilégiés par les clients musulmans ou juifs. Cette production reste pourtant supérieure à la demande. À en croire l’Interbev (association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes), qui regroupe tous les acteurs du secteur, la demande de viande halal dans l’Hexagone représente environ 7% de la consommation totale, auquel il faut ajouter 2,5% pour la demande de viande casher.

Notons au passage qu’il y a un enjeu économique important à ce contrôle par les mosquées. Une rémunération de 10 à 15 centimes d’euros le kilogramme de viande est prélevée au titre de la certification, au bénéfice des organismes certificateurs.

Il y a des débats éthiques – légitimes – sur la souffrance animale provoquée par cet égorgement sans anesthésie, sans étourdissement préalable. Pas sûr que le bien-être animal soit vraiment respecté dans ces coutumes d’un autre âge.

Un boucher montre à des écoliers comment sacrifier un animal pour l'Aïd el-Kebir, Le Caire, Egypte, le 11 novembre 2010.Le sang coule également à flots lors de la fête de l’Aïd (ou Tabaski), la « fête du mouton », lorsque ces animaux sont égorgés par centaines de milliers pour commémorer le remplacement d’Isaac (Ismaël en fait dans la version arrangée du Coran) par un bélier.

Et il (Abraham) dit:  » Moi, je pars vers mon Seigneur et Il me guidera. Seigneur, fais-moi don d’une (progéniture) d’entre les vertueux « .
Nous lui fîmes donc la bonne annonce d’un garçon (Ismaïl) longanime.
Puis quand celui-ci fut en âge de l’accompagner, (Abraham) dit:  » Ô mon fils, je me vois en songe en train de t’immoler Vois donc ce que tu en penses « .
(Ismaël) dit:  » Ô mon cher père, fais ce qui t’es commandé: tu me trouveras, s’il plaît à Allah, du nombre des endurants « .
Puis quand tous deux se furent soumis (à l’ordre d’Allah) et qu’il l’eut jeté sur le front, voilà que Nous l’appelâmes :  » Abraham ! Tu as confirmé la vision C’est ainsi que Nous récompensons les bienfaisants « .
C’était là certes, l’épreuve manifeste. Nous le rançonnâmes d’une immolation généreuse. Et Nous perpétuâmes son renom dans la postérité :  » Paix sur Abraham  » (Sourate 37, 99-109).

Le Christ a rendu inutile ce sacrifice sanglant en prenant sur lui la violence symbolique de ces anciens rites. Quelle régression spirituelle d’en revenir à des sacrifices d’animaux pour célébrer une alliance avec Dieu !

Le rite de la première Alliance que nous avons lu dans la première lecture (Ex 24, 3-8) est certes sanglant : Moïse asperge les 4 points de l’autel avec le sang des bêtes égorgées en l’honneur de HYWH. Dans la Bible, le sang c’est la vie, et la vie appartient à Dieu seul, qui en est le maître. L’homme ne peut donc pas prendre la part de sang qui ne lui revient pas :: en le laissant s’écouler hors de la bête sacrifiée, en le répandant sur l’autel, l’homme reconnaît ainsi symboliquement qu’il n’est pas le maître de la vie, et qu’à Dieu seul revient le titre de Créateur et Seigneur de tous les êtres vivants. Aucun souci hygiénique ou sanitaire dans ces pratiques qui sont avant tout religieuses.

image alliance dans Communauté spirituelleCe que Moïse accomplissait au désert avec le sang des animaux, ce que les prêtres juifs répétaient ensuite au Temple de Jérusalem, Jésus l’a accompli une fois pour toutes avec son propre sang, abolissant ainsi toutes les pratiques anciennes où égorger l’animal était supposé s’attirer les faveurs du divin. Parler de l’unique sacrifice du Christ, réalisé une fois pour toutes, non réitérable, est donc révolutionnaire : le vrai sacrifice dans l’eucharistie est de s’offrir soi-même, uni au Christ, et non d’offrir quelque chose d’extérieur à soi. L’eucharistie ne nous demande pas de tuer (un animal, un ennemi) pour être agréable à Dieu (que ce soit YHWH ou Allah), mais au contraire de donner notre vie pour ceux que nous aimons, et même pour ceux que nous n’aimons pas (nos ennemis).

La subversion du sacrifice est totale en christianisme : le sang de l’Alliance est celui du Christ, unique dans l’histoire humaine, et non celui d’animaux ou d’adversaires. Dans l’eucharistie, nous ne répétons pas cet unique sacrifice, accompli une fois pour toutes comme aime à le répéter cinq fois la Lettre aux Hébreux. Nous nous rendons contemporains de ce sacrifice, pour laisser le Christ nous unir à lui dans cette dépossession de lui-même, par amour, qui le conduit à la mort. « Afin que notre vie ne soit plus à nous-même, mais à lui qui est mort et ressuscité pour nous… », aime à dire la Prière eucharistique n° 4.

1409168298_99225_medium coranDepuis la croix, les sacrifices d’animaux nous paraissent à juste titre des rites régressifs et dangereux. De même que nous paraissent archaïques et obsolètes les interdits alimentaires de la cacherout et du halal, qui reposent sur une vision du monde périmée (le pur et l’impur, le permis et le défendu).

Respecter les autres croyants n’implique pas de supprimer le débat théologique ! Comment ne pas dénoncer le retour à ces pratiques d’un autre âge, qui enchaînent dans la peur et la soumission les enfants de Dieu appelés à la liberté, qui utilisent le sang des animaux comme ‘garantie’ de l’alliance ?

Célébrons donc l’eucharistie avec reconnaissance : nous n’avons plus à faire couler le sang des autres, mais à laisser celui du Christ nous unir à l’offrande de lui-même qu’il fait à son Père, dans la force de l’Esprit. Le sang sacramentel que nous buvons dans la coupe de la nouvelle Alliance est la subversion des anciens sacrifices païens, des sacrifices animistes ou musulmans d’aujourd’hui.

Notons au passage que cela devrait nous faire réfléchir sur l’utilisation de nos compagnons animaux, et notamment sur notre manière de les tuer pour nous nourrir…

Puisse la fête du Corps et du Sang du Christ nous faire voir autrement ce que conclure une alliance de sang signifie : donner sa vie par amour, et non prendre la vie des autres en instrumentalisant le Nom de Dieu, le plus manipulé de tous les noms en ce siècle…

 


[1]. La décapitation du professeur Samuel Paty le 16 octobre 2020 au nom d’Allah relevait d’une logique similaire.

 

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Voici le sang de l’Alliance que le Seigneur a conclue avec vous » (Ex 24, 3-8)

Lecture du livre de l’Exode

En ces jours-là, Moïse vint rapporter au peuple toutes les paroles du Seigneur et toutes ses ordonnances. Tout le peuple répondit d’une seule voix : « Toutes ces paroles que le Seigneur a dites, nous les mettrons en pratique. » Moïse écrivit toutes les paroles du Seigneur. Il se leva de bon matin et il bâtit un autel au pied de la montagne, et il dressa douze pierres pour les douze tribus d’Israël. Puis il chargea quelques jeunes garçons parmi les fils d’Israël d’offrir des holocaustes, et d’immoler au Seigneur des taureaux en sacrifice de paix. Moïse prit la moitié du sang et le mit dans des coupes ; puis il aspergea l’autel avec le reste du sang. Il prit le livre de l’Alliance et en fit la lecture au peuple. Celui-ci répondit : « Tout ce que le Seigneur a dit, nous le mettrons en pratique, nous y obéirons. » Moïse prit le sang, en aspergea le peuple, et dit : « Voici le sang de l’Alliance que, sur la base de toutes ces paroles, le Seigneur a conclue avec vous. »

PSAUME
(115 (116b), 12-13, 15-16ac, 17-18)

R/ J’élèverai la coupe du salut, j’invoquerai le nom du Seigneur.
ou : Alléluia ! (115, 13)

Comment rendrai-je au Seigneur
tout le bien qu’il m’a fait ?
J’élèverai la coupe du salut,
j’invoquerai le nom du Seigneur.

Il en coûte au Seigneur
de voir mourir les siens !
Ne suis-je pas, Seigneur, ton serviteur,
moi, dont tu brisas les chaînes ?

Je t’offrirai le sacrifice d’action de grâce,
j’invoquerai le nom du Seigneur.
Je tiendrai mes promesses au Seigneur,
oui, devant tout son peuple.

DEUXIÈME LECTURE
 Le sang du Christ purifiera notre conscience » (He 9, 11-15)

Lecture de la lettre aux Hébreux

Frères, le Christ est venu, grand prêtre des biens à venir. Par la tente plus grande et plus parfaite, celle qui n’est pas œuvre de mains humaines et n’appartient pas à cette création, il est entré une fois pour toutes dans le sanctuaire, en répandant, non pas le sang de boucs et de jeunes taureaux, mais son propre sang. De cette manière, il a obtenu une libération définitive. S’il est vrai qu’une simple aspersion avec le sang de boucs et de taureaux, et de la cendre de génisse, sanctifie ceux qui sont souillés, leur rendant la pureté de la chair, le sang du Christ fait bien davantage, car le Christ, poussé par l’Esprit éternel, s’est offert lui-même à Dieu comme une victime sans défaut ; son sang purifiera donc notre conscience des actes qui mènent à la mort, pour que nous puissions rendre un culte au Dieu vivant. Voilà pourquoi il est le médiateur d’une alliance nouvelle, d’un testament nouveau : puisque sa mort a permis le rachat des transgressions commises sous le premier Testament, ceux qui sont appelés peuvent recevoir l’héritage éternel jadis promis.

SÉQUENCE

« Lauda Sion » (ad libitum) () Sion, célèbre ton Sauveur, chante ton chef et ton pasteur par des hymnes et des chants. Tant que tu peux, tu dois oser, car il dépasse tes louanges, tu ne peux trop le louer. Le Pain vivant, le Pain de vie, il est aujourd’hui proposé comme objet de tes louanges. Au repas sacré de la Cène, il est bien vrai qu’il fut donné au groupe des douze frères. Louons-le à voix pleine et forte, que soit joyeuse et rayonnante l’allégresse de nos cœurs ! C’est en effet la journée solennelle où nous fêtons de ce banquet divin la première institution. À ce banquet du nouveau Roi, la Pâque de la Loi nouvelle met fin à la Pâque ancienne. L’ordre ancien le cède au nouveau, la réalité chasse l’ombre, et la lumière, la nuit. Ce que fit le Christ à la Cène, il ordonna qu’en sa mémoire nous le fassions après lui. Instruits par son précepte saint, nous consacrons le pain, le vin, en victime de salut. C’est un dogme pour les chrétiens que le pain se change en son corps, que le vin devient son sang. Ce qu’on ne peut comprendre et voir, notre foi ose l’affirmer, hors des lois de la nature. L’une et l’autre de ces espèces, qui ne sont que de purs signes, voilent un réel divin. Sa chair nourrit, son sang abreuve, mais le Christ tout entier demeure sous chacune des espèces. On le reçoit sans le briser, le rompre ni le diviser ; il est reçu tout entier. Qu’un seul ou mille communient, il se donne à l’un comme aux autres, il nourrit sans disparaître. Bons et mauvais le consomment, mais pour un sort bien différent, pour la vie ou pour la mort. Mort des pécheurs, vie pour les justes ; vois : ils prennent pareillement ; quel résultat différent ! Si l’on divise les espèces, n’hésite pas, mais souviens-toi qu’il est présent dans un fragment aussi bien que dans le tout. Le signe seul est partagé, le Christ n’est en rien divisé, ni sa taille ni son état n’ont en rien diminué. * Le voici, le pain des anges, il est le pain de l’homme en route, le vrai pain des enfants de Dieu, qu’on ne peut jeter aux chiens. D’avance il fut annoncé par Isaac en sacrifice, par l’agneau pascal immolé, par la manne de nos pères. Ô bon Pasteur, notre vrai pain, ô Jésus, aie pitié de nous, nourris-nous et protège-nous, fais-nous voir les biens éternels dans la terre des vivants. Toi qui sais tout et qui peux tout, toi qui sur terre nous nourris, conduis-nous au banquet du ciel et donne-nous ton héritage, en compagnie de tes saints. Amen.

ÉVANGILE
« Ceci est mon corps, ceci est mon sang » (Mc 14, 12-16.22-26) Alléluia. Alléluia. Moi, je suis le pain vivant qui est descendu du ciel, dit le Seigneur ; si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Alléluia. (Jn 6, 51)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Le premier jour de la fête des pains sans levain, où l’on immolait l’agneau pascal, les disciples de Jésus lui disent : « Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour que tu manges la Pâque ? » Il envoie deux de ses disciples en leur disant : « Allez à la ville ; un homme portant une cruche d’eau viendra à votre rencontre. Suivez-le, et là où il entrera, dites au propriétaire : “Le Maître te fait dire : Où est la salle où je pourrai manger la Pâque avec mes disciples ?” Il vous indiquera, à l’étage, une grande pièce aménagée et prête pour un repas. Faites-y pour nous les préparatifs. » Les disciples partirent, allèrent à la ville ; ils trouvèrent tout comme Jésus leur avait dit, et ils préparèrent la Pâque. Pendant le repas, Jésus, ayant pris du pain et prononcé la bénédiction, le rompit, le leur donna, et dit : « Prenez, ceci est mon corps. » Puis, ayant pris une coupe et ayant rendu grâce, il la leur donna, et ils en burent tous. Et il leur dit : « Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude. Amen, je vous le dis : je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu’au jour où je le boirai, nouveau, dans le royaume de Dieu. » Après avoir chanté les psaumes, ils partirent pour le mont des Oliviers.
.Patrick Braud

Mots-clés : , , , , , ,

7 septembre 2016

Avez-vous la nuque raide ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Avez-vous la nuque raide ?

 

Homélie du 24° Dimanche du temps ordinaire / Année C
11/09/2016

Cf. également :

La brebis et la drachme
La parabole du petit-beurre perdu
Le berger et la porte
Des brebis, un berger, un loup
Servir les prodigues

Mal au cou ?

En entendant en cette expression : « peuple à la nuque raide », tirée de notre première lecture (Ex 32, 7-14), vous penserez peut-être à une douleur familière. Celle qu’on ressent dans le cou après une longue journée de travail où il a fallu garder la tête droite. Si vous avez en plus un peu d’arthrose, vous n’avez qu’une envie : qu’on vienne vous masser ces cervicales endolories et ces muscles durs comme du bois autour de la nuque et des épaules.

 

Une qualité ?

Afficher l'image d'origineCe n’est pas le premier sens de l’expression utilisée par le livre de l’Exode. Mais c’est quand même un deuxième sens, qui pourrait expliquer pourquoi Dieu s’est pris d’affection pour des tribus avides de fondre un veau d’or dès que Moïse s’absente. En effet, depuis Abraham, le peuple hébreu s’efforce de garder la tête droite, tendue vers le dieu unique. Alors qu’autour de lui toutes les nations sont idolâtres et courbent l’échine devant des statues, Israël invente le monothéisme, à contre-courant. Il va, seul contre tous, témoigner que la nature n’est pas Dieu, qu’il ne sert à rien d’adorer le tonnerre ou les bois sacrés, d’offrir des animaux en sacrifice à la lune au soleil, que l’histoire n’est pas qu’un éternel retour vers l’harmonie supposée des origines.

Ce témoignage monothéiste est si tendu que maintes fois le peuple en paiera le prix : humiliations, déportations, pillages… Depuis Abraham, Isaac et Jacob, l’Alliance que Dieu a voulu conclure coûte très cher à ce peuple.

Dieu sait qu’il a la nuque raide à force de ne pas se courber devant les idoles étrangères. C’est d’ailleurs parce qu’il lui reconnaît ce mérite que finalement Dieu va passer de la colère à la miséricorde en agréant la prière d’intersession de Moïse suite au veau d’or. D’ailleurs, Moïse lui rappelle habilement qu’Israël a été choisi unilatéralement par Dieu. Le peuple n’avait rien demandé ! C’est Dieu qui est venu le chercher, quasi de force. « À main  forte et à bras étendus ». C’est lui qui l’a séduit, emmené hors de Canaan, puis conduit en exil en Égypte pendant près de quatre siècles. Alors quand Dieu dit : « ton peuple », avec un air de reproche, Moïse a beau jeu de lui retourner le reproche : c’est bien « ton peuple », que tu es venu chercher de force, que tu as fait sortir au forceps alors que lui regrettait déjà des marmites de viande de l’esclavage. On croirait entendre un couple se disputer au sujet de leur enfant…
‘Je t’avais prévenu’, semble répliquer Moïse. ‘Ce peuple n’est pas prêt pour l’Alliance, pas près pour le monothéisme. C’est toi Dieu qui brûles les étapes, et tu voudrais qu’il soit parfait, qu’il soit déjà arrivé au terme ? ! Tu voudrais qu’il t’aime comme tu l’aimes ! ? Mais laisse-leur du temps ! Tu vas trop vite…’

Afficher l'image d'origine

Devant cet argument de Moïse, Dieu semble touché : Moïse marque un point. Dieu n’oppose plus de reproches et regrette d’avoir été malhabile dans sa relation amoureuse. « Le Seigneur regretta le mal qu’il avait voulu faire à son peuple ».

 

Avoir la nuque raide est donc une qualité tout autant qu’un défaut, signe de son élection en même temps que de son infidélité. S’il n’avait pas eu la nuque raide, Israël se serait converti aux religions de ceux qui n’ont cessé de le dominer et de l’envahir. Ce peuple à la nuque raide n’a finalement jamais baissé le regard devant un tyran, ou une idole. Il a refusé de s’incliner, d’adorer ce que les puissants lui commandaient. Esther et Judith, les martyrs d’Israël, David contre Goliath, Moïse contre pharaon : l’histoire de ce peuple depuis 4000 ans est une histoire d’insoumission et de rébellion d’abord spirituelle, militaire ensuite.

Les chrétiens lui ont emboîté le pas, refusant eux aussi d’adorer l’empereur et les divinités romaines ou grecques, quitte à devenir la proie des fauves dans le cirque. Pendant trois siècles, les martyrs chrétiens ont eu la nuque raide en préférant mourir plutôt que de s’incliner devant César et de renier leur foi. Hélas, cela continue aujourd’hui dans tant de pays où on veut les faire plier devant une religion d’État ou une idéologie idolâtre.

 

Un défaut ?

Reste que ce peuple à la nuque raide est aussi celui qui résistait à Dieu.
Le Seigneur dit encore à Moïse : « J’ai vu que ce peuple est un peuple à la nuque raide. Maintenant, laisse-moi faire ; ma colère va s’enflammer contre eux et je vais les exterminer ! Mais, de toi, je ferai une grande nation. » (Ex 32,9)
Les 10 usages bibliques de l’expression racontent la désolation de Dieu devant sa bien-aimée (le peuple est féminin en hébreu) qui le trompe avec des dieux étrangers, dont le veau d’or est l’archétype :
Baruch  2 : je sais qu’ils ne m’écouteront point; c’est un peuple à la nuque raide
Deutéronome  9 : Sache aujourd’hui que ce n’est pas ta juste conduite qui te vaut de recevoir de Yahvé ton Dieu cet heureux pays pour domaine: car tu es un peuple à la nuque raide
Exode  34 :   » Si vraiment, Seigneur, j’ai trouvé grâce à tes yeux, que mon Seigneur veuille bien aller au milieu de nous, bien que ce soit un peuple à la nuque raide, pardonne nos fautes et nos péchés et fais de nous ton héritage. » 

Dans le Nouveau Testament, le seul usage vient du diacre Etienne qui n’hésite pas à tonner devant ceux qui vont le mettre à mort :
Actes  7,51 :   » Nuques raides, oreilles et coeurs incirconcis, toujours vous résistez à l’Esprit Saint ! Tels furent vos pères, tels vous êtes !  »

Afficher l'image d'origineJonas avait la nuque raide lorsqu’il fuyait l’appel de Dieu à annoncer le salut à ces salauds de païens de Ninive.
Pierre avait la nuque raide lorsqu’il n’imaginait pas que le centurion Corneille, cet incirconcis, pouvait lui aussi être rempli d’Esprit Saint.
Catholiques et protestants ont eu la nuque raide lorsque au XVIe siècle ils se sont entre-tués au nom de leurs doctrines érigées en veaux d’or.
Israël a du mal à courber la tête devant cet allié divin encombrant qu’il n’avait pas demandé. Alors il lui résiste. Il se cabre. Il se laisse tenter par le veau d’or sorti des bijoux de famille.

 

Avez-vous la nuque raide ?

Il est facile de se reconnaître, chacun de nous, dans ce portrait biface du peuple à la nuque raide.
Côté pile, nous savons bien être inflexibles : devant la haine attisée par des attentats de Daech par exemple, ou devant telles injustices autour de nous, tels débats de société sur la dignité des plus petits etc. Ne pas plier lorsque l’essentiel est en jeu relève du courage de la foi.

Rappelez-vous : quand avez-vous refusé de baisser la tête alors qu’on voulait vous soumettre ou vous humilier ? Devant qui n’avez-vous pas plié le genou alors que tout le monde le faisait ? Devant quelle idole (argent, promotion, haine, vaine gloire, jalousie, vengeance, mépris…) avez-vous choisi de ne pas vous incliner ?

Pour tous ces moments où vous avez eu la nuque heureusement raide, Dieu vous sera mille fois plus miséricordieux en retour.

Mais soyez honnêtes et revisitez également le côté face de cette rigidité de la nuque. Quand avez-vous tourné le dos à Dieu (en lui présentant votre nuque et non votre visage) ? Comment avez-vous déjoué la tendresse divine en refusant de vous laisser conduire (à travers des événements, des rencontres, des lectures…) ? Dans quel domaine vous arrive-t-il d’être si raide, têtu, si obstiné que vous devenez sourd à tout appel à changer, à vous convertir ? Quels bijoux (talents, qualités, charismes…) avez-vous fait fondre pour fabriquer quel veau d’or devant lequel vous vous prosternez ?

« Vraiment ce peuple a la nuque raide », constate YHWH, admiration et colère mêlées.

Serons-nous l’écouter quand il le dit de nous ?

_______________________________ 

Suggestion : allez écouter ici le commentaire du veau d’or par Émeric Deutsch, sociologue juif et psychanalyste

 

1ère lecture : « Le Seigneur renonça au mal qu’il avait voulu faire » (Ex 32, 7-11.13-14)
Lecture du livre de l’Exode

En ces jours-là, le Seigneur parla à Moïse : « Va, descends, car ton peuple s’est corrompu, lui que tu as fait monter du pays d’Égypte. Ils n’auront pas mis longtemps à s’écarter du chemin que je leur avais ordonné de suivre ! Ils se sont fait un veau en métal fondu et se sont prosternés devant lui. Ils lui ont offert des sacrifices en proclamant : ‘Israël, voici tes dieux, qui t’ont fait monter du pays d’Égypte.’ » Le Seigneur dit encore à Moïse : « Je vois que ce peuple est un peuple à la nuque raide. Maintenant, laisse-moi faire ; ma colère va s’enflammer contre eux et je vais les exterminer ! Mais, de toi, je ferai une grande nation. » Moïse apaisa le visage du Seigneur son Dieu en disant : « Pourquoi, Seigneur, ta colère s’enflammerait-elle contre ton peuple, que tu as fait sortir du pays d’Égypte par ta grande force et ta main puissante ? Souviens-toi de tes serviteurs, Abraham, Isaac et Israël, à qui tu as juré par toi-même : ‘Je multiplierai votre descendance comme les étoiles du ciel ; je donnerai, comme je l’ai dit, tout ce pays à vos descendants, et il sera pour toujours leur héritage.’ » Le Seigneur renonça au mal qu’il avait voulu faire à son peuple.

Psaume : Ps 50 (51), 3-4, 12-13, 17.19

R/ Oui, je me lèverai, et j’irai vers mon Père.  (Lc 15, 18)

Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour,
selon ta grande miséricorde, efface mon péché.
Lave-moi tout entier de ma faute,
purifie-moi de mon offense.

Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu,
renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit.
Ne me chasse pas loin de ta face,
ne me reprends pas ton esprit saint.

Seigneur, ouvre mes lèvres,
et ma bouche annoncera ta louange.
Le sacrifice qui plaît à Dieu, c’est un esprit brisé ;
tu ne repousses pas, ô mon Dieu, un cœur brisé et broyé.

2ème lecture : « Le Christ Jésus est venu dans le monde pour sauver les pécheurs » (1 Tm 1, 12-17)

Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre à Timothée

Bien-aimé, je suis plein de gratitude envers celui qui me donne la force, le Christ Jésus notre Seigneur, car il m’a estimé digne de confiance lorsqu’il m’a chargé du ministère, moi qui étais autrefois blasphémateur, persécuteur, violent. Mais il m’a été fait miséricorde, car j’avais agi par ignorance, n’ayant pas encore la foi ; la grâce de notre Seigneur a été encore plus abondante, avec la foi, et avec l’amour qui est dans le Christ Jésus. Voici une parole digne de foi, et qui mérite d’être accueillie sans réserve : le Christ Jésus est venu dans le monde pour sauver les pécheurs ; et moi, je suis le premier des pécheurs. Mais s’il m’a été fait miséricorde, c’est afin qu’en moi le premier, le Christ Jésus montre toute sa patience, pour donner un exemple à ceux qui devaient croire en lui, en vue de la vie éternelle. Au roi des siècles, au Dieu immortel, invisible et unique, honneur et gloire pour les siècles des siècles. Amen.

Evangile : « Il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit » (Lc 15, 1-32)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. 
Dans le Christ, Dieu réconciliait le monde avec lui : il a mis dans notre bouche la parole de la réconciliation.
Alléluia. (cf. 2 Co 5, 19)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là, les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l’écouter. Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui : « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux ! » Alors Jésus leur dit cette parabole : « Si l’un de vous a cent brebis et qu’il en perd une, n’abandonne-t-il pas les 99 autres dans le désert pour aller chercher celle qui est perdue, jusqu’à ce qu’il la retrouve ? Quand il l’a retrouvée, il la prend sur ses épaules, tout joyeux, et, de retour chez lui, il rassemble ses amis et ses voisins pour leur dire : ‘Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé ma brebis, celle qui était perdue !’ Je vous le dis : C’est ainsi qu’il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit, plus que pour 99 justes qui n’ont pas besoin de conversion.

Ou encore, si une femme a dix pièces d’argent et qu’elle en perd une, ne va-t-elle pas allumer une lampe, balayer la maison, et chercher avec soin jusqu’à ce qu’elle la retrouve ? Quand elle l’a retrouvée, elle rassemble ses amies et ses voisines pour leur dire : ‘Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé la pièce d’argent que j’avais perdue !’ Ainsi je vous le dis : Il y a de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se convertit. »

Jésus dit encore : « Un homme avait deux fils. Le plus jeune dit à son père : ‘Père, donne-moi la part de fortune qui me revient.’ Et le père leur partagea ses biens. Peu de jours après, le plus jeune rassembla tout ce qu’il avait, et partit pour un pays lointain où il dilapida sa fortune en menant une vie de désordre. Il avait tout dépensé, quand une grande famine survint dans ce pays, et il commença à se trouver dans le besoin. Il alla s’engager auprès d’un habitant de ce pays, qui l’envoya dans ses champs garder les porcs. Il aurait bien voulu se remplir le ventre avec les gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui donnait rien. Alors il rentra en lui-même et se dit : ‘Combien d’ouvriers de mon père ont du pain en abondance, et moi, ici, je meurs de faim ! Je me lèverai, j’irai vers mon père, et je lui dirai : Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils. Traite-moi comme l’un de tes ouvriers.’ Il se leva et s’en alla vers son père. Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut saisi de compassion ; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers. Le fils lui dit : ‘Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils.’ Mais le père dit à ses serviteurs : ‘Vite, apportez le plus beau vêtement pour l’habiller, mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds, allez chercher le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons, car mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé.’ Et ils commencèrent à festoyer.

Or le fils aîné était aux champs. Quand il revint et fut près de la maison, il entendit la musique et les danses. Appelant un des serviteurs, il s’informa de ce qui se passait. Celui-ci répondit : ‘Ton frère est arrivé, et ton père a tué le veau gras, parce qu’il a retrouvé ton frère en bonne santé.’ Alors le fils aîné se mit en colère, et il refusait d’entrer. Son père sortit le supplier. Mais il répliqua à son père : ‘Il y a tant d’années que je suis à ton service sans avoir jamais transgressé tes ordres, et jamais tu ne m’as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. Mais, quand ton fils que voilà est revenu après avoir dévoré ton bien avec des prostituées, tu as fait tuer pour lui le veau gras !’ Le père répondit : ‘Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. Il fallait festoyer et se réjouir ; car ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé ! »
Patrick BRAUD

Mots-clés : , , , ,

25 février 2012

Une recette cocktail pour nos alliances

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Une recette cocktail pour nos alliances

 

1° Dimanche de Carême  / Année B

26/02/2012

 

« Quand on verra l’arc dans la nuée,  je me souviendrai de mon alliance entre moi, vous, et tout être vivant… »

 

Ce célèbre passage marque la première d’une longue série d’alliances. Il y aura après cette alliance noachique l’alliance abrahamique (la circoncision, l’alliance « entre les morceaux »), l’alliance davidique (avec l’onction d’huile pour introniser le roi) etc., jusqu’à la nouvelle Alliance en Jésus (le pain et le vin eucharistiques).

Ces alliances ont une structure commune, qui peut nous aider à faire vivre les alliances qui sont les nôtres, qu’elles soient amicales, sociales, ecclésiales, associatives etc…

Leur but ultime est finalement l’amour, à travers quatre composantes essentielles : l’amour demande des signes, une parole, une  mémoire, il est un appel à l’unité trinitaire.

 

1. Une alliance demande des signes

L’arc dans la nuée, c’est d’abord un signe, signe visible pour qui sait relever la tête et ne pas toujours rester le nez sur ses souliers. Un signe comme il nous en est souvent donné dans une relation profonde.

Que ce soit en amour, en amitié, dans une aventure professionnelle ou ecclésiale, chacun de nous a dans le coeur mille petits signes de son existence qu’après coup, nous pouvons interpréter comme des clins d’oeil divins, des clins d’yeux pourrait-on dire, si l’on craignait que Dieu n’attrape une crampe à la paupière à force de nous faire des signes… À nous de continuer sans cesse à déchiffrer les événements de notre vie pour y lire les signes de la venue de Dieu vers vous.

 

Encore faut-il savoir lever la tête et scruter le ciel pour y voir l’arc en ciel, au lieu de rester collé à la surface de soi-même, ce que trop de gens font, en croyant que c’est le matériel qui est le plus important à assurer. D’où l’importance des temps de prière, de retraite, de dialogue (le fameux « devoir de s’asseoir ») etc…

On remarque d’ailleurs qu’un arc en ciel n’est jamais seul : il y a toujours un deuxième arc, estompé, en léger décalage avec le premier. Comme si Dieu, connaissant notre tête dure, redoublait d’attention pour nous faire signe !

 

2. Une alliance demande à être parlée

L’arc-en-ciel est donc un signe, mais qui demande d’être interprété par une parole humaine, dans un dialogue entre deux partenaires d’alliance.

 

Dieu dit à Noé: « Je vais établir mon Alliance avec vous et votre descendance, et l’arc en sera un signe ». Dès lors, au lieu d’avoir peur de ce phénomène cosmique, au lieu d’être fasciné et paralysé par cet événement autrefois terrifiant, Noé, grâce à cette parole, y verra l’invitation que Dieu lui fait d’humaniser la terre par sa science et ses techniques. Les chrétiens savent depuis  longtemps combien ce « désenchantement du monde » permet de développer la responsabilité et le travail de l’homme. Le monde n’est pas Dieu: il nous parle de Dieu. Nous n’avons rien à craindre de la nature, qui nous est donnée comme une partenaire, une soeur, une amie. Les événements de notre vie non plus ne sont pas terrifiants: ils sont à interpréter à la lumière de la Parole de Dieu. C’est pourquoi Jésus n’arrête pas de dire à ses disciples : « confiance, c’est moi; n’ayez pas peur ».

 

Joindre la parole aux gestes, et les gestes à la parole… : c’est tout l’enjeu du symbole d’alliance, que le oui sacramentel du mariage symbolise au plus haut point, par l’anneau glissé au doigt l’un de l’autre.

 

3. Une alliance est un mémorial

Alors, quand il est parlé dans l’amour, ce signe d’alliance devient un mémorial.

« Je me souviendrai de mon alliance, dit Dieu, lorsque je verrai l’arc-en-ciel ». Les gens Une recette cocktail pour nos alliances dans Communauté spirituelle mariagemariés se souviennent lorsqu’ils touchent ou regardent leur anneau à leur doigt. Mais plus encore lorsqu’ils font mémoire de tout ce qui a jalonné leur vie. Leur alliance à leur annulaire est le « mémorial portatif » de la promesse d’aujourd’hui, où Dieu les donne l’un à l’autre. Le mémorial des moments heureux et des moments difficiles traversés ensemble. L’anamnèse des transformations que la parole d’amour et les gestes d’amour auront pu provoquer en eux. Graver dans sa tête et dans son coeur ces moments-là est un atout précieux lorsque l’horizon s’assombrit.

Les peuples ou les couples sans mémoire sont des peuples ou des couples fragiles.

Parce qu’ils croient que leur histoire n’a pas de poids, parce qu’ils ne voient pas la sainteté de leur histoire commune, ils risquent de sacrifier trop vite ce que des années avaient mis à construire. Dans et par le mémorial, un peuple peut non seulement se souvenir, mais aussi retrouver la confiance fondamentale en Dieu et en l’autre: nous avons déjà traversé des moments merveilleux, ne les renions pas; nous avons traversé des moments difficiles, ne les oublions pas. Ce que Dieu a fait pour nous hier, il le refait aujourd’hui, même si nous ne savons pas comment, à cet instant précis. Car Dieu est fidèle à son amour. Le mémorial eucharistique devient ici vraiment une nourriture et un chemin de vie pour le couple, qui sait associer sa propre histoire à celle du Christ, qui sait offrir sa vie avec celle du Christ dans le pain et le vin sur l’autel.

 

Dieu est fidèle. Il a d’ailleurs promis à Noé que jamais, jamais plus les eaux du Déluge ne submergeraient la terre. En voyant l’arc dans la nuée, l’homme retrouve confiance dans la bonté de la vie et de la Création. D’ailleurs, l’arc dans le ciel est justement l’arc du guerrier, mais retourné à l’horizontale, comme une arme accrochée au porte-manteau signifie que la guerre est finie. Le mal ne peut plus avoir le dernier mot. Et c’est encore plus vrai depuis la Résurrection du Christ.

 

4. L’alliance appelle à l’unité trinitaire

Une dernière interprétation symbolique de l’arc-en-ciel peut aider à deviner la beauté de nos propres alliances.

Qu’est-ce qu’un arc-en-ciel en effet, sinon le mariage du feu et de l’eau, c’est-à-dire l’union des contraires ? Le feu du soleil et l’eau de la pluie composent dans le ciel cette figure unique de plénitude et d’harmonie… C’est l’annonce que Dieu et l’homme, si différents l’un de l’autre tellement Dieu est transcendant par rapport à l’homme, sont faits pour se mêler, pour s’allier. Éloge de la différence, éloge de l’unité aussi.

 

Les sciences physiques nous disent la même chose: dans l’arc-en-ciel, l’unique lumière du soleil est diffractée en une infinité de couleurs à travers les mille gouttelettes d’eau en suspension dans l’air. Dieu, la lumière une et inaccessible, donne naissance aux mille couleurs de l’existence humaine. Le blanc n’est-il pas la somme de l’infinité de toutes les couleurs possibles, qui en dérivent et y participent ? Et inversement, quand les hommes vivent entre eux la communion de l’amour, ils deviennent eux-mêmes la lumière divine. C’est donc que l’amour humain, en conjuguant l’un et le multiple, est capable de diviniser l’homme. De cela, les couples mariés sont pour nous des sacrements vivants: en s’aimant mutuellement comme le Christ aime l’Église, ils marchent vers cette unité lumineuse dont témoigne l’arc-en-ciel. En devenant un à la manière trinitaire, ils diffractent vers l’Église, et vers l’humanité entière, leur vocation ultime: vivre pleinement la communion trinitaire, où l’amour sait conjuguer l’un et le multiple, la différence et l’identité, l’intimité et la distance, l’altérité et la proximité…

 

Dans nos engagements de tous ordres, dans nos amitiés, nos amours, nous devenons les signes vivants qu’une alliance de paix est possible entre amis, entre groupes différents, entre un homme et une femme, entre le Christ et son Église, entre l’humanité et Dieu.

 

Pendant ce Carême qui commence, revisitons les alliances qui sont les nôtres, de tous ordres, pour qu’elles retrouvent la force et la solidité de l’alliance avec Noé.

Signe, parole, mémoire, unité : où en sommes-nous ?

Entraînons à repérer ces ‘arcs-en-ciel’ dont Dieu jalonne nos routes.


1ère lecture : Dieu fait une alliance avec l’homme (Gn 9, 8-15)

Lecture du livre de la Genèse

Après le déluge, Dieu dit à Noé et à ses fils : « Voici que moi, j’établis mon alliance avec vous, avec tous vos descendants, et avec tous les êtres vivants qui sont autour de vous : les oiseaux, les animaux domestiques, toutes les bêtes sauvages, tout ce qui est sorti de l’arche pour repeupler la terre. Oui, j’établis mon alliance avec vous : aucun être vivant ne sera plus détruit par les eaux du déluge, il n’y aura plus de déluge pour ravager la terre. »
Dieu dit encore : « Voici le signe de l’alliance que j’établis entre moi et vous, et avec tous les êtres vivants qui sont autour de vous, pour toutes les générations à venir : je mets mon arc au milieu des nuages, pour qu’il soit le signe de l’alliance entre moi et la terre. Lorsque je rassemblerai les nuages au-dessus de la terre, et que l’arc-en-ciel paraîtra au milieu des nuages, je me souviendrai de mon alliance avec vous et avec tous les êtres vivants, et les eaux ne produiront plus le déluge, qui détruit tout être vivant. »

 

Psaume : 24, 4-5ab, 6-7, 8-9, 10.14

R/ Tes chemins, Seigneur, sont amour et vérité pour qui garde ton alliance

Seigneur, enseigne-moi tes voies,
fais-moi connaître ta route.
Dirige-moi par ta vérité, enseigne-moi,
car tu es le Dieu qui me sauve.

Rappelle-toi, Seigneur, ta tendresse,
ton amour qui est de toujours.
Oublie les révoltes, les péchés de ma jeunesse ;
dans ton amour, ne m’oublie pas.

Il est droit, il est bon, le Seigneur,
lui qui montre aux pécheurs le chemin.
Sa justice dirige les humbles,
il enseigne aux humbles son chemin.

2ème lecture : L’eau du baptême nous sauve de nos péchés (1P 3, 18-22)

Lecture de la première lettre de saint Pierre Apôtre

Frères, le Christ est mort pour les péchés, une fois pour toutes ; lui, le juste, il est mort pour les coupables afin de vous introduire devant Dieu. Dans sa chair, il a été mis à mort ; dans l’esprit, il a été rendu à la vie. C’est ainsi qu’il est allé proclamer son message à ceux qui étaient prisonniers de la mort. Ceux-ci, jadis, s’étaient révoltés au temps où se prolongeait la patience de Dieu, quand Noé construisit l’arche, dans laquelle un petit nombre de personnes, huit en tout, furent sauvées à travers l’eau. C’était une image du baptême qui vous sauve maintenant : être baptisé, ce n’est pas être purifié de souillures extérieures, mais s’engager envers Dieu avec une conscience droite, et participer ainsi à la résurrection de Jésus Christ qui est monté au ciel, au-dessus des anges et de toutes les puissances invisibles, à la droite de Dieu.

 

Evangile : Jésus au début de sa mission (Mc 1, 12-15)

Acclamation : Ta Parole, Seigneur, est vérité, et ta loi, délivrance. L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole venant de la bouche de Dieu. Ta Parole, Seigneur, est vérité, et ta loi, délivrance. (Mt 4, 4)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Jésus venait d’être baptisé. Aussitôt l’Esprit le pousse au désert. Et dans le désert il resta quarante jours, tenté par Satan. Il vivait parmi les bêtes sauvages, et les anges le servaient.
Après l’arrestation de Jean Baptiste, Jésus partit pour la Galilée proclamer la Bonne Nouvelle de Dieu ; il disait : « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle. »

Patrick Braud 

Mots-clés : , , , , , ,
12