Le doigt de Dieu
Le doigt de Dieu
Homélie pour le 5° Dimanche de Carême / Année C
06/04/25
Cf. également :
Une spiritualité zéro déchet
La première pierre
Lapider : oui, mais qui ?
L’adultère, la Loi et nous
L’oubli est le pivot du bonheur
Le Capharnaüm de la mémoire : droit à l’oubli, devoir d’oubli
Comme l’oued au désert
Jésus face à la violence mimétique
Les sans-dents, pierre angulaire
Lapidation : le retour !
1. Rendre le mal éphémère
Deux amis marchaient dans le désert. À un moment donné, ils se disputèrent et l’un des deux donna une gifle à l’autre. Ce dernier, endolori mais sans rien dire, écrivit dans le sable : « Aujourd’hui mon meilleur ami m’a donné une gifle ».
Ils continuèrent de marcher, puis trouvèrent une oasis, dans laquelle ils décidèrent de se baigner. Mais celui qui avait été giflé manqua de se noyer et son compagnon le sauva. Quand il eut recouvré ses esprits, il écrivit sur une pierre : « Aujourd’hui mon meilleur ami m’a sauvé la vie ».
Celui qui avait donné la gifle et avait sauvé son camarade lui demanda :
- « Quand je t’ai blessé, tu as écrit sur le sable et maintenant tu écris sur la pierre. Pourquoi ? » Son ami lui répondit :
- « Quand quelqu’un nous blesse, nous devons l’écrire dans le sable, où les vents du pardon peuvent l’effacer. Mais quand quelqu’un nous fait du bien, nous devons le graver dans la pierre, où aucun vent ne peut l’effacer ».
Cette vieille parabole de Lao Tseu semble rejoindre le sens global de notre évangile dit « de la femme adultère » (Jn 8,1-11) de ce dimanche. Jésus écrit quelque chose sur le sable, et au IV° siècle saint Jérôme imaginait contre Pélage que c’était les péchés de la femme que Jésus écrivait ainsi, afin que le vent les disperse et les efface pour toujours.
Pourquoi pas ? C’est bien la miséricorde que le Christ est venu annoncer. Contre Pélage qui voulait faire son salut à la force du poignet, par les mérites et les vertus, Jérôme lisait dans le pardon accordé à la femme adultère la gratuité absolue du salut offert en Jésus.
Rendre le mal éphémère en pratiquant l’oubli des offenses : avouons que ce n’est guère à la mode en notre époque de judiciarisation forcenée (MeToo, CPI, Conseil constitutionnel, nouveaux crimes et délits etc.), qui favorise paradoxalement le retour de la loi du plus fort (Poutine, Trump, Xi Jinping, Kim Jong-un …) au mépris du droit. On peut tout à fait suivre Jérôme en interprétant le pardon accordé à la femme adultère comme un droit à l’oubli que Dieu nous octroie, sans conditions.
Le texte biblique est cependant plus complexe que cette seule interprétation (déjà révolutionnaire !).
Car on ne sait pas vraiment ce que Jésus écrivait.
Et il écrivait sur la terre, pas sur le sable ; et pas une fois, mais deux fois.
Comment comprendre ce double geste étrange ?
2. Name and shame
Comme toujours, une allusion à l’Écriture vient éclairer le geste de Jésus. Il s’agit du seul passage de l’Ancien Testament qui fasse explicitement référence au fait d’écrire sur le sol : « Seigneur, espoir d’Israël, tous ceux qui t’abandonnent seront couverts de honte ; ils seront inscrits sur la terre, ceux qui se détournent de toi, car ils ont abandonné le Seigneur, la source d’eau vive » (Jr 17,13). Selon ce passage, on verrait plutôt Jésus écrire les noms des accusateurs, ces hommes endurcis qui instrumentalisent la Loi pour garder leur pouvoir de domination (sur les femmes ici), préférant ainsi l’eau croupie (la lettre de la Loi) à la source d’eau vive (l’Esprit de Jésus). Un peu à la manière de Wikileaks, Jésus écrivant sur le sol dit aux accusateurs : ‘J’ai une fiche et des documents sur chacun de vous. Votre dossier est rempli de turpitudes. Je suis prêt à le rendre public si vous persévérez à vouloir lapider cette femme’.
Processus un peu terroriste ! Mais la peur n’est-elle pas le commencement de la sagesse (Pr 9,10 ; Ps 111,10) ? Si ces ‘fous de la Loi’ n’entendent rien à la miséricorde, ils seront peut-être sensibles à la menace ! Aujourd’hui, les campagnes de Name and shame prennent le relais de cette pression exercée par Jésus. En dévoilant médiatiquement le nom des entreprises qui ont des pratiques économiques, éthiques ou écologiques peu reluisantes, on les force à changer d’attitude, sous peine de boycott des consommateurs et des clients. Malin ! « Soyez intelligents comme des serpents » (Mt 10,16) avait conseillé Jésus à ses disciples, en leur demandant d’être plus habiles que les fils de ce monde (Lc 16,8). Et c’est efficace : le boycott de Tesla a déjà coûté des milliards de dollars à Elon Musk ! [1]
Menacer de Name and shame (et de boycott) est encore aujourd’hui un moyen évangélique, non-violent, de lutter contre l’impunité des méchants, en dévoilant publiquement leurs contradictions, leurs crimes.
À l’inverse, Jésus invite ses disciples à se réjouir de ce que leurs noms sont écrits (ἐγγράφω, engrafō) dans les cieux (Lc 10,20) : c’est donc qu’il y a une manière divine d‘écrire les noms humains pour les graver à jamais en lui.
Name and rejoice en quelque sorte, au lieu de Name and shame…
Ce que nous pouvons faire nous aussi avec ceux que nous aimons à jamais.
À la manière du grand-prêtre qui portait sur sa poitrine les noms des douze tribus d’Israël : « Les pierres étaient aux noms des fils d’Israël ; comme leurs noms, elles étaient douze, écrites (gravées) dans la pierre à la manière d’un sceau ; chacune portait le nom de l’une des douze tribus » (Ex 39,14).
À la manière également de Paul qui chérit les communautés qu’il a engendrées, et les compare à une lettre écrite par le Christ dans le cœur des fidèles : « Notre lettre de recommandation, c’est vous, elle est écrite dans nos cœurs, et tout le monde peut en avoir connaissance et la lire. De toute évidence, vous êtes cette lettre du Christ, produite par notre ministère, écrite non pas avec de l’encre, mais avec l’Esprit du Dieu vivant, non pas, comme la Loi, sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair, sur vos cœurs » (2Co 3,2-3).
Nos noms sont inscrits dans les cieux, gravés sur le pectoral du Grand-Prêtre, écrits en nos cœurs par l’Esprit du Dieu vivant, formant en nous une lettre de chair au lieu de la Loi de pierre…
À la fin des temps, nous auront la surprise de découvrir notre vrai nom écrit sue la caillou que Dieu remettra en chacun en signe de sa véritable identité divine : « Au vainqueur je donnerai de la manne cachée, je lui donnerai un caillou blanc, et, écrit sur ce caillou, un nom nouveau que nul ne sait, sauf celui qui le reçoit » (Ap 2,17).
Pour la Bible, écrire le nom de quelqu’un sur la pierre, dans les cieux, dans les cœurs ou sur la terre – comme Jésus pourrait l’avoir fait face à ses accusateurs – est donc lourd de sens !
3. Le doigt de Dieu
Une autre particularité de ce texte est le fameux doigt avec le Christ écrit sur le sol. Et seulement la première fois, pas la seconde… Comment ne pas y voir une référence explicite à l’écriture des tables de la Loi au Sinaï ?
Le verbe « lapider » (lithazein Jn 8,5) et le substantif « pierre » (lithos Jn 8,7), qui en grec sont de même racine, font référence au même matériau que celui des « tables de pierre » (plakes lithinai) décrites dans l’Exode. La première fois, Moïse reçoit sur le Sinaï deux tables de pierre écrites par Dieu lui-même, « avec son doigt » (Ex 32,1-35). Mythe fondateur de l’origine transcendante de la Loi juive (un peu comme le mythe de Gabriel censé révéler le Coran à Mohamed). Mais après l’idolâtrie du veau d’or, Moïse brise ces deux premières tables, de colère. Il est obligé de monter à nouveau au Sinaï pour en obtenir deux autres. Seulement, cette fois-ci, le texte ne dit pas que ces tables soient écrites du doigt de Dieu. C’est simplement Moïse qui les réécrit sur la pierre.
Le parallèle avec la femme adultère est frappant : le peuple a commis un adultère en trompant YHWH avec le veau d’or, ce qui oblige Moïse à réécrire la Loi pour tenir compte de leur infidélité. Jésus rappelle aux accusateurs qu’ils sont adultères, comme cette femme, lorsqu’ils instrumentalisent la Loi en idolâtrant la lettre de la Loi (lapider l’adultère) au lieu d’en suivre l’Esprit (pardonner aux pécheurs). Il réécrit alors la Loi (deuxième geste d’écriture), comme Moïse, en évitant de la figer dans une interprétation fixiste, intégriste (d’où l’écriture « sur la terre »).
Les rabbins aujourd’hui encore se souviennent des deux Tables brisées écrites par le doigt de Dieu : elles représentent pour eux la Torah orale, celle qui n’est pas dans les textes, mais dans l’interprétation, dans la tradition orale, qui n’est jamais figée une fois pour toutes dans la pierre, car sans cesse façonnée et renouvelée par l’intelligence spirituelle. Les multiples commentaires de la Torah (Talmud, Michna, Guémara, Zohar, Kabbale etc.) témoignent de cette interprétation infinie qui invite les juifs à « lire aux éclats » selon la belle formule de Marc Alain Ouaknin.
Les chrétiens prolongent cette exégèse en voyant dans l’Esprit Saint la « seconde Loi » communiquée par Jésus. C’est l’Esprit qui fait vivre (cf. le Credo) la lettre gravée dans le texte. C’est l’Esprit qui peut tirer sans cesse du neuf à partir de l’ancien. C’est lui qui met le vin nouveau dans des outres neuves.
En se penchant vers la terre, Jésus ne fait pas seulement un geste d’humilité (s’abaisser). Par ce geste, il montre que la Loi nouvelle n’est pas en surplomb, et n’est pas faite pour humilier. Il dessine par ce geste le parcours même de son Incarnation, de sa kénose : se baisser à terre jusqu’à rejoindre l’humanité dans son péché. Plus encore, il a été pour nous « identifié au péché » (2Co 5,21) afin d’offrir aux pécheurs leur salut.
D’ailleurs, le récit identifie Jésus et la femme adultère.
- Dans la première partie tous deux se trouvent coincés : la femme est déjà inculpée d’adultère (8,4-5), et contre Jésus les accusateurs cherchent une raison pour l’« accuser » (8,6). L’Apocalypse de Jean utilisera ce terme d’accusateur pour désigner Satan lui-même : « Maintenant voici le salut, la puissance et le règne de notre Dieu, voici le pouvoir de son Christ ! Car il est rejeté, l’accusateur de nos frères, lui qui les accusait, jour et nuit, devant notre Dieu » (Ap 12,10). Voilà les ‘fous de la Loi’ ramenés au rang de Satan (« Vous, vous êtes du diable, c’est lui votre père » Jn 8,44) ! …
- Dans la dernière partie, Jésus et la femme sont tous deux libérés : il n’est personne pour condamner la femme (8,11) et pour l’instant Jésus est « laissé seul » et en paix, après le départ silencieux des accusateurs (8,9).
Voilà pourquoi Jésus s’identifie sans peine à la femme adultère, lui qui n’a jamais commis de péché. Jésus subira même plusieurs tentatives de lapidation (Jn 8,59 ; 10,31 ; 11,8).
Il « mime » son incarnation en se mettant en-dessous de la pécheresse, pour la sauver. Le grain de blé tombé en terre porte ainsi beaucoup de fruit (Jn 12,24).
La première fois qu’il écrit sur la terre, Jésus s’ancre dans la révélation faite à Moïse : le doigt de Dieu écrit la Loi de salut pour ceux qui l’accueillent. Jésus a déjà expérimenté cette équivalence lorsqu’il libérait les possédés de leur aliénation : « En revanche, si c’est par le doigt de Dieu que j’expulse les démons, c’est donc que le règne de Dieu est venu jusqu’à vous » (Lc 11,20). Alors que les spécialistes des textes de la Torah – eux – ne veulent même pas pratiquer ce qu’ils enseignent : « Vous aussi, les docteurs de la Loi, malheureux êtes-vous, parce que vous chargez les gens de fardeaux impossibles à porter, et vous-mêmes, vous ne touchez même pas ces fardeaux d’un seul doigt » (Lc 11,46).
Tout cela est donc bien une affaire de doigté…
Dans l’Ancien Testament, le seul passage où l’on parle de doigt [2] qui écrive – hors Sinaï – est le fameux banquet royal ou le prophète Daniel déchiffre pour le roi de Babylone (Balthazar) les inscriptions mystérieuses inscrites par « les doigts d’une main d’homme » (mais le message vient de YHWH) sur le mur de la salle du festin, et cela dans un contexte d’idolâtrie (qui fait penser à l’adultère d’Israël) : « Après avoir bu, ils entonnèrent la louange de leurs dieux d’or et d’argent, de bronze et de fer, de bois et de pierre. Soudain on vit apparaître, en face du candélabre, les doigts d’une main d’homme qui se mirent à écrire sur la paroi de la salle du banquet royal. Lorsque le roi vit cette main qui écrivait, il changea de couleur, son esprit se troubla, il fut pris de tremblement, et ses genoux s’entrechoquèrent » (Dn 5,4–6). Les doigts écrivent ici un message d’avertissement salutaire, ou funeste si on l’ignore (Balthazar sera tué lors de la prise de Babylone par les Perses).
Jésus dénonce l’idolâtrie des ‘fous de la Loi’ voulant lapider les pécheurs au nom de la Loi. Comme Daniel avec Balthazar, son écriture sur la terre est un avertissement : ‘changez votre rapport à la Loi, sinon c’est vous qui périrez !’
En point d’orgue de ce développement sur le doigt de Dieu, rappelons que c’est bien ainsi que la liturgie catholique appelle l’Esprit Saint dans le Veni Creator !
Donne-nous les sept dons de ton amour,
Toi le doigt qui œuvres au Nom du Père
(digitus paternae dexterae : le doigt de la droite du Père),
Toi dont il nous promit le règne et la venue,
Toi qui inspires nos langues pour chanter.
Car c’est bien l’Esprit divin qui communique à l’Église son pouvoir de remettre les péchés, grâce au souffle reçu par les apôtres de la bouche-même du Christ au soir de sa résurrection…
L’Esprit est la ‘deuxième Loi’ communiquée par Jésus, et cette Loi n’est pas écrite sur la pierre mais sur la terre, afin que sans cesse le vent de l’Esprit la modèle, la façonne et la renouvelle…
4. La nouvelle Suzanne au bain
L’exégèse du récit n’est pas pour autant épuisée par cette piste du doigt de Dieu ! Car un autre récit de l’Ancien Testament est singulièrement comparable : le fameux épisode de Suzanne au bain, échappant au viol de deux vieillards, mais accusée par eux en représailles. À tel point que l’air de famille entre les deux donne matière à réfléchir. Les ressemblances sont en effet nombreuses. Les deux femmes sont accusées par les chefs spirituels du peuple (Dn 13,41 et Jn 8,3), qui sont présentés d’une manière très négative (voir Jn 8,6) ; enfin toutes deux sont sauvées, grâce à la sagesse d’un homme de Dieu (Daniel / Jésus).
On sait qu’il faut deux témoins au minimum pour porter une accusation ou un plaidoyer devant un tribunal juif (Dt 19,15 ; Jn 8,17 ; 2Co 13,1 ; Ap 11,3). Les deux vieillards témoins contre Suzanne sont aussi véreux que les docteurs de la Loi traînant la femme adultère en comparution immédiate devant Jésus. Leur accusation ne tient pas la route. Pire, elle se retourne contre eux, qui sont en réalité les vrais coupables. Il n’en reste pas un seul à la fin ! Jésus crée une situation dans laquelle il n’y a pas deux témoins pour attester contre la femme, ce qui serait requis par la Loi pour que quelqu’un soit mis à mort. Donc même ainsi, en évitant le piège, il demeure fidèle à la Loi de Moïse. Autrement dit, il violerait la Loi s’il prenait une pierre et la lapidait avec seulement une personne. Ce serait enfreindre la Loi : il faut deux témoins publics pour attester. Si l’on veut un parallèle, souvenons-nous du procès devant le sanhédrin : ils essaient de trouver deux témoignages sur le fait que Jésus aurait dit vouloir détruire le Temple (Mt 26,60-61), car ils ne peuvent le condamner à mort sans au moins deux personnes prêtes à attester publiquement d’un crime. Et c’est ce qui ne se passe pas ici pour cette femme. Il peut donc lui dire : « moi non plus, je ne te condamne pas ».
La femme adultère n’est pas innocente comme Suzanne, mais – comme Suzanne – elle dévoile l’iniquité de ceux qui se servent de la Loi pour leurs intérêts. Jésus est le nouveau Daniel qui, prophétiquement, dévoile la perversité de ceux qui veulent la mort du pécheur (pécheresse).
Révéler la malice des accusateurs : telle est bien ici la vocation prophétique de Daniel et de Jésus, qui devient la nôtre par le baptême…
5. La main de justice
Allez ! Encore une dernière pour la route : il se peut que cet épisode de la femme adultère ait une fécondité sociale inattendue dans l’histoire de France ! En effet, nous avons tous en tête une image de notre manuel scolaire d’histoire où l’on voit saint Louis (Louis IX) rendre la justice sous un chêne à Vincennes. Mais, contrairement à la gravure d’Épinal de nos manuels, le roi n’était en réalité pas assis sur un trône, en majesté. La bulle Gloria et laus du pape Boniface VIII canonisant Louis IX précise que Sa Majesté rendait souvent la justice en s’asseyant à même le sol, par terre, sous un chêne à Vincennes. Cette scène du roi rendant justice humblement, sans trône ni faste, est restée célèbre. Elle illustre son souci de proximité avec ses sujets et son engagement en faveur d’une justice équitable et accessible à tous. Comment ne pas y voir un écho du geste de Jésus se penchant à terre, assis à même le sol, pour écrire la nouvelle justice du royaume de Dieu ? D’autant plus que Louis IX a innové en faisant en sorte que la justice royale supplante celle des barons et des seigneurs locaux, empêtrés dans leurs conflits d’intérêts. Il est même allé jusqu’à autoriser à porter plainte contre les abus de l’administration royale, un peu comme Jésus se plaint de la Loi au nom de la Loi… Il généralisa la procédure d’appel à la justice royale et desserra l’étau féodal au double profit des individus et de l’État. De fait, son désir de justice a contribué à affermir l’État comme représentant de la volonté générale, ce qui permet de comprendre que la III° République – ‘la laïque’ de Jules Ferry – ait pu se reconnaître en lui.
Cette justice royale est symbolisée par un bâton de bois surmonté d’une main d’ivoire avec trois doigts ouverts, le pouce symbolisant le Roi, l’index, la raison et le majeur la charité, c’est la main de justice, une variante du sceptre, reçue comme lui au moment du sacre. La main de justice est apparue pour la première fois lors du sacre du jeune Louis IX en 1226. Il jura de faire régner la paix, la justice et d’être miséricordieux. Le symbole a été repris par Napoléon qui fit réaliser pour son sacre une main de justice incorporant l’anneau du trésor de Saint Denis. Elle se trouve aujourd’hui au Louvre.
Cette main de justice, avec ses doigts prêts à écrire, fait furieusement penser à la main de justice de Jésus tendant le doigt pour écrire sur la terre la nouvelle justice de son royaume, faite de droiture, de pardon et d’amour inconditionnel.
Ah, si la justice des hommes pouvait s’inspirer du récit de la femme adultère ! La main de justice de saint Louis devrait orner nos tribunaux et guider nos délibérations…
Ces quelques pistes d’interprétation ne sont pas exhaustives : il y en a bien d’autres ! Que celles-là nous encouragent à discerner ce que le doigt de Dieu écrit dans notre histoire personnelle et collective…
_________________________
[1] La part de marché de Tesla dans les voitures électriques est tombée à 9,6 %, au premier trimestre 2025 contre 21,6 % l’année précédente. Sur le marché global de l’automobile européenne, Tesla ne pèse désormais plus que 1,8 %.
[2] Un autre passage y fait allusion, à propos des prodiges accomplis par le bâton de Moïse : « Les magiciens dirent alors à Pharaon : “C’est le doigt de Dieu !” Mais Pharaon s’obstina ; il n’écouta pas Moïse et Aaron, ainsi que l’avait annoncé le Seigneur » (Ex 8,15). Luc y fait sans doute référence en Lc 11,20 : « Si c’est par le doigt de Dieu que j’expulse les démons, c’est donc que le règne de Dieu est venu jusqu’à vous ».
Lectures de la messe
Première lecture
« Voici que je fais une chose nouvelle, je vais désaltérer mon peuple » (Is 43, 16-21)
Lecture du livre du prophète Isaïe
Ainsi parle le Seigneur, lui qui fit un chemin dans la mer, un sentier dans les eaux puissantes, lui qui mit en campagne des chars et des chevaux, des troupes et de puissants guerriers ; les voilà tous couchés pour ne plus se relever, ils se sont éteints, consumés comme une mèche. Le Seigneur dit : « Ne faites plus mémoire des événements passés, ne songez plus aux choses d’autrefois. Voici que je fais une chose nouvelle : elle germe déjà, ne la voyez-vous pas ? Oui, je vais faire passer un chemin dans le désert, des fleuves dans les lieux arides. Les bêtes sauvages me rendront gloire – les chacals et les autruches – parce que j’aurai fait couler de l’eau dans le désert, des fleuves dans les lieux arides, pour désaltérer mon peuple, celui que j’ai choisi. Ce peuple que je me suis façonné redira ma louange. »
Psaume
(Ps 125 (126), 1-2ab, 2cd-3, 4-5, 6)
R/ Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous : nous étions en grande fête ! (Ps 125, 3)
Quand le Seigneur ramena les captifs à Sion,
nous étions comme en rêve !
Alors notre bouche était pleine de rires,
nous poussions des cris de joie.
Alors on disait parmi les nations :
« Quelles merveilles fait pour eux le Seigneur ! »
Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous :
nous étions en grande fête !
Ramène, Seigneur, nos captifs,
comme les torrents au désert.
Qui sème dans les larmes
moissonne dans la joie.
Il s’en va, il s’en va en pleurant,
il jette la semence ;
il s’en vient, il s’en vient dans la joie,
il rapporte les gerbes.
Deuxième lecture
« À cause du Christ, j’ai tout perdu, en devenant semblable à lui dans sa mort » (Ph 3, 8-14)
Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Philippiens
Frères, tous les avantages que j’avais autrefois, je les considère comme une perte à cause de ce bien qui dépasse tout : la connaissance du Christ Jésus, mon Seigneur. À cause de lui, j’ai tout perdu ; je considère tout comme des ordures, afin de gagner un seul avantage, le Christ, et, en lui, d’être reconnu juste, non pas de la justice venant de la Loi de Moïse mais de celle qui vient de la foi au Christ, la justice venant de Dieu, qui est fondée sur la foi. Il s’agit pour moi de connaître le Christ, d’éprouver la puissance de sa résurrection et de communier aux souffrances de sa Passion, en devenant semblable à lui dans sa mort, avec l’espoir de parvenir à la résurrection d’entre les morts. Certes, je n’ai pas encore obtenu cela, je n’ai pas encore atteint la perfection, mais je poursuis ma course pour tâcher de saisir, puisque j’ai moi-même été saisi par le Christ Jésus. Frères, quant à moi, je ne pense pas avoir déjà saisi cela. Une seule chose compte : oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l’avant, je cours vers le but en vue du prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus.
Évangile
« Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à jeter une pierre » (Jn 8, 1-11)
Gloire à toi, Seigneur. Gloire à toi. Maintenant, dit le Seigneur, revenez à moi de tout votre cœur, car je suis tendre et miséricordieux. Gloire à toi, Seigneur. Gloire à toi. (cf. Jl 2, 12b.13c)
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
En ce temps-là, Jésus s’en alla au mont des Oliviers. Dès l’aurore, il retourna au Temple. Comme tout le peuple venait à lui, il s’assit et se mit à enseigner. Les scribes et les pharisiens lui amènent une femme qu’on avait surprise en situation d’adultère. Ils la mettent au milieu, et disent à Jésus : « Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère. Or, dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. Et toi, que dis-tu ? » Ils parlaient ainsi pour le mettre à l’épreuve, afin de pouvoir l’accuser. Mais Jésus s’était baissé et, du doigt, il écrivait sur la terre. Comme on persistait à l’interroger, il se redressa et leur dit : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre. » Il se baissa de nouveau et il écrivait sur la terre. Eux, après avoir entendu cela, s’en allaient un par un, en commençant par les plus âgés. Jésus resta seul avec la femme toujours là au milieu. Il se redressa et lui demanda : « Femme, où sont-ils donc ? Personne ne t’a condamnée ? » Elle répondit : « Personne, Seigneur. » Et Jésus lui dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. »
Patrick BRAUD