L'homélie du dimanche (prochain)

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26 mai 2024

Communier, est-ce bien moral ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Communier, est-ce bien moral ?

 

Homélie pour la Fête du Saint Sacrement (Fête du Corps et du Sang du Christ) / Année B 

02/06/24

 

Cf. également :

Fêtons le Saint Sacrement avec Chrysostome
Le réel voilé sous le pain et le vin
L’Alliance dans le sang
Les 4 présences eucharistiques
Bénir en tout temps en tout lieu
Les deux épiclèses eucharistiques
Les trois blancheurs
Comme une ancre jetée dans les cieux
Boire d’abord, vivre après, comprendre ensuite
De quoi l’eucharistie est-elle la madeleine ?
Donnez-leur vous-mêmes à manger
Impossibilités et raretés eucharistiques
Je suis ce que je mange
L’eucharistie selon Melchisédech
2, 5, 7, 12 : les nombres au service de l’eucharistie


Le moine et le crapaud

Communier, est-ce bien moral ? dans Communauté spirituelle 220px-Ill_dict_infernal_p0205-189_crapauds_dansant_sabbatCésaire était le prieur de sa communauté cistercienne de Heisterbach, près de Bonn, au XIII° siècle. Ayant remarqué que ses frères communiaient très peu, par peur d’en être indignes, il leur inventa cette fable (exemplum en latin) pour les détourner de leur puritanisme eucharistique [1] : « Celui qui prend en horreur le corps et le sang du Christ est mal avisé, car il est quasiment impossible que l’homme n’encoure pas de péril d’âme ou de corps, si ce n’est des deux. Et à ce sujet je vais donner un exemple vrai et manifeste ». Voici la fable de Césaire :

Un moine n’osait pas communier à la messe du monastère. On ne savait pas pourquoi, mais il fuyait à chaque fois la file de la communion. Déchiré par ce grand écart, le moine finit précisément un Jeudi Saint par quitter bel et bien le monastère, et jette son habit monastique. Il s’assoupit sous un arbre, la bouche ouverte. Un immonde crapaud en profite pour se faufiler dans sa gorge, et s’y cramponne jusqu’à y élire domicile ! Les souffrances que lui inflige l’animal le conduisent à chercher un remède. Il trouve enfin une femme qui parvient à s’adjoindre les services d’une guérisseuse. Placé devant une décoction d’herbes, ouvrant la bouche et fermant les yeux, le moine sent le batracien sortir de son corps par là où il est entré. Assagi par ces épreuves, il retourne au monastère. Il y relate ses déboires et on lui fait boire une potion qui le purge de plus de soixante-dix petits crapauds qui étaient restés dans son corps.

Césaire tire lui-même la leçon de son historiette : c’est à bon droit que celui qui refuse le remède du salut s’expose au danger du poison. Se priver de la communion est suicidaire [2].


On enseignait encore récemment ce puritanisme eucharistique aux fidèles terrorisés : ‘si vous n’êtes pas en état de grâce, votre communion sera votre condamnation et vous irez en enfer’. Mieux valait alors communier le moins possible, car qui sait si je ne suis pas en état de péché mortel sans le savoir ? D’où, en réaction, l’obligation du concile de Latran (1215) de « faire ses Pâques » au moins une fois par an : se confesser et communier tout de suite après (pour ne pas pécher entre-temps) le jour de Pâques. Si bien que 51 dimanches par an on allait « assister à la messe » (sans participer à la communion), et l’on communiait une fois à Pâques.

Durant les siècles marqués par la rigueur janséniste (XVII°-XIX° siècles), l’eucharistie est la récompense rare à un comportement moral exceptionnel. Le pécheur doit être tenu à distance de ce grand mystère. Bien significative est la lettre envoyée par un curé, un soir de Noël à son évêque [3] : « Monseigneur, réjouissez-vous avec moi. Il n’y a pas eu de communion sacrilège aujourd’hui, car je n’ai pas ouvert le tabernacle ». À une époque encore pas si lointaine, Thérèse et ses sœurs du carmel de Lisieux étaient soumises au jugement de leur confesseur qui, seul, pouvait les autoriser à communier.


Kirill et Kigali

Le patriarche Kirill lors d'une messe de Noël à Moscou, le 6 janvier 2023.Le mouvement s’est inversé de façon spectaculaire, et c’est presque l’excès contraire : maintenant : tout le monde communie, sans se poser de questions. ‘Parce que j’y ai droit, parce que je le vaux bien, parce que j’en ai besoin, parce que tous les autres le font et je ne veux pas être à l’écart’ etc. Si bien que les divorcés-remariés ou les catéchumènes voient avec étonnement de fieffés filous, des libertins notoires, des patrons véreux, bref de vrais salauds s’approcher les mains ouvertes en toute innocence sans que personne n’en dise rien, alors que eux n’y ont pas droit. Un peu facile, non ?

Regardez Kirill, chef du patriarcat russe orthodoxe de Moscou. Enseveli sous des kilos d’étoffes rutilantes, de chasubles brodées d’or et d’argent, chamarré comme un cheval de cirque, il célèbre l’eucharistie avec componction et gravité, et se met juste après à remercier Dieu pour « le miracle Poutine » et à faire prier ses fidèles pour la victoire de la Sainte Russie en Ukraine.

À quoi servent ces belles célébrations orthodoxes aux chœurs sublimes si c’est pour contredire en pratique la communion reçue ?


240404_Affiche-Rwanda-300dpi crapaud dans Communauté spirituelleOu encore souvenez-vous du génocide du Rwanda, dont nous avons marqué le triste trentenaire cette année. En avril 1994, 90% de la population du Rwanda était catholique. Tous pratiquants réguliers. Tous allaient à la messe avec enthousiasme, chantaient, dansaient et animaient des célébrations eucharistiques extraordinairement ferventes comme l’Afrique Noire sait en faire. Las, à peine sortie de l’église, ce 7 avril 1994 et après, le pain azyme à peine fondu dans la bouche, ils ont pris leurs machettes et commencé à rompre d’autres corps que celui de l’autel, à verser d’autres sangs que celui du calice. Ils ont gorgé le sol rwandais du sang de 800 000 à 1 million de victimes. Ils ont déchiqueté et démembré des corps plus que les charniers ne pouvaient en contenir. Ils ont massacré ceux avec qui ils communiaient le dimanche… C’est la première fois dans l’histoire de l’humanité que la violence intra-religieuse connaissait un tel niveau d’horreur. Même les guerres de religion en Europe ont fait moins de victimes, et c’était entre catholiques et protestants, pas entre catholiques. À cela il faut ajouter hélas les 10 millions de morts (oui, vous avez bien lu !) que ce confit Hutus/Tutsis a provoqué en République Démocratique du Congo depuis 1994…

À quoi servent alors les belles messe dominicales, les magnifiques costumes endimanchés multicolores, les communions recueillies, les prières à genoux sur les bancs de l’église si c’est pour massacrer les co-paroissiens Tutsis (ou les Hutus ensuite) à la sortie ?


Les responsables politiques français n’étaient pas plus au clair, comme le président Macron l’a enfin reconnu récemment. Mitterrand avait nié en son temps être complice de quoi que ce soit dans ce génocide, « les yeux dans les yeux ». Mais heureusement, lui n’allait pas communier le dimanche…

Kirill et ses sbires, ou les génocidaires du Rwanda et leurs complices feraient bien de relire Saint Jean Chrysostome, liant fermement la communion eucharistique et l’amour de l’autre, le sacrement de l’autel et le sacrement du frère (il a d’ailleurs été condamné à l’exil pour avoir osé refuser à l’empereur la communion en public dans sa cathédrale, parce qu’il sortait des jeux du cirque et avait ainsi du sang sur les mains) :


Calice de messe orné de saphirsQuel avantage y a-t-il à ce que la table du Christ soit chargée de vases d’or, tandis que lui-même meurt de misère ? Commence par rassasier l’affamé et, avec ce qui te restera, tu orneras son autel. Tu fais une coupe en or, et tu ne donnes pas un verre d’eau fraîche ? Et à quoi bon revêtir la table du Christ de voiles d’or, si tu ne lui donnes pas la couverture qui lui est nécessaire ? Qu’y gagnes-tu ? Dis-moi donc : Si tu vois le Christ manquer de la nourriture indispensable, et que tu l’abandonnes pour recouvrir l’autel d’un revêtement précieux, est-ce qu’il va t’en savoir gré ? Est-ce qu’il ne va pas plutôt s’en indigner ? Ou encore, tu vois le Christ couvert de haillons, gelant de froid, tu négliges de lui donner un manteau, mais tu lui élèves des colonnes d’or dans l’église en disant que tu fais cela pour l’honorer. Ne va-t-il pas dire que tu te moques de lui, estimer que tu lui fais injure, et la pire des injures ?

 

Pense qu’il s’agit aussi du Christ, lorsqu’il s’en va, errant, étranger, sans abri ; et toi, qui as omis de l’accueillir, tu embellis le pavé, les murs et les chapiteaux des colonnes, tu attaches les lampes par des chaînes d’argent ; mais lui, tu ne veux même pas voir qu’il est enchaîné dans une prison. Je ne dis pas cela pour t’empêcher de faire de telles générosités, mais je t’exhorte à les accompagner ou plutôt à les faire précéder par les autres actes de bienfaisance. Car personne n’a jamais été accusé pour avoir omis les premières, tandis que, pour avoir négligé les autres, on est menacé de la géhenne, du feu qui ne s’éteint pas, du supplice partagé avec les démons. 

Par conséquent, lorsque tu ornes l’église, n’oublie pas ton frère en détresse, car ce temple-là a plus de valeur que l’autre.

Jean Chrysostome, Homélie sur l’Évangile de Matthieu

Ou Saint Augustin tonnant contre l’hypocrisie de communiants trop dévots pour être honnêtes :


Imaginez – disait-il – que vous vous approchez du Christ pour l’embrasser au visage alors que vous lui écrasez les pieds avec de gros souliers ferrés. Eh bien, le Christ criera plus fort pour ses pieds qu’on écrase que pour sa tête qu’on honore » !

Homélies sur la première épître de saint Jean, X, 8

 

Et le cardinal Ratzinger écrivait autrefois :
« seul célèbre vraiment l’Eucharistie celui qui l’achève dans le service divin de tous les jours qu’est l’amour fraternel » [4].


Ce qui est moral, c’est de s’interroger

Le moine et le crapaud nous encouragent à aller communier fréquemment pour trouver la force de lutter contre le mal. Mais à l’inverse, Kirill ou Kigali nous montrent en négatif la contradiction meurtrière qu’il y aurait à communier sans aimer « en actes et en vérité ». D’un côté il nous faut affirmer que communier n’est pas moral, au sens où ce n’est pas une démarche reposant sur la valeur morale de nos actes. D’un autre côté, il nous faut nous souvenir de l’avertissement de Paul sur une communion qui ne porterait aucun fruit éthique de conversion :  « celui qui mange et boit sans discerner le corps mange et boit sa propre condamnation » (1 Co 11,29).

cranium-2028555__340 eucharistieEn cette fête du Saint Sacrement, laissons donc cette question nous tarauder, sans y répondre trop vite : est-ce bien moral que j’aille communier ce dimanche ?

Si je réponds non, je risque de dissocier la foi et l’éthique de manière irresponsable, ou je risque de me condamner à ne jamais y avoir accès car je ne serai jamais à la hauteur. J’avale le crapaud en refusant l’hostie.

Si je réponds oui, je risque de faire de l’eucharistie une récompense, une médaille méritée par mes efforts pour une vie droite.


Dissocier radicalement eucharistie et morale, c’est s’exposer aux aberrations de Kirill et de Kigali.

Lier la communion à mes vertus serait tout aussi dangereux, car cela ferait de l’eucharistie une médaille et non un remède, un sommet uniquement et non une source avant le sommet…

Beaucoup de chrétiens ont encore un crapaud cramponné dans la gorge, les décourageant d’aller communier. Et ce crapaud fait des petits en eux…

Beaucoup d’autres – la majorité sans doute – ne veulent pas faire le lien entre l’hostie et le corps de l’autre, entre le calice et le sang de l’autre. Ils communient par habitude, par conformisme, par superstition, par revendication individuelle, pour leur épanouissement personnel etc.


Y a-t-il une autre voie eucharistique que ces deux-là ?

Ne pas déserter la communion, et ne pas s’y habituer.

S’en approcher en tremblant et la recevoir avec confiance.

S’examiner loyalement à la lumière des textes de la messe, et s’en remettre à Dieu qui seul est Juge.

Communier pour faire le bien, mieux, davantage, et non parce que je suis moralement dans les clous.

Recevoir l’hostie comme un don, un cadeau immérité, une grâce incroyable, et s’engager de toutes mes forces à la faire fructifier en famille, en entreprise, entre voisins, entre nations…


Les non-pratiquants disent souvent pour se justifier : ‘les chrétiens qui vont à la messe ne sont pas meilleurs que les autres’. On peut leur répondre en souriant : ‘Peut-être. Mais qui sait s’ils ne seraient pas pires s’ils n’y allaient pas ?…

Laissons à nouveau la parole à Saint Jean Chrysostome, qui prie ainsi juste avant de recevoir la communion :
Je ne suis pas digne, ô mon Maître et mon Seigneur, de te recevoir sous le toit de mon âme ; mais puisque, dans ton amour des hommes, tu veux habiter en moi, je prends confiance et je m’approche de toi. Tu ordonnes que j’ouvre largement les portes de mon cœur, que toi seul as créées, pour que tu puisses entrer avec cet amour qui est ta nature ; je le crois fermement, tu entreras et tu illumineras mon esprit enténébré. Car tu n’as pas chassé la prostituée venue à toi en larmes, ni repoussé le publicain repentant, ni rejeté le larron qui confessait ton royaume, ni abandonné à lui-même le persécuteur converti. Mais tous ceux qui sont venus à toi par la pénitence, tu les as placés au rang de tes amis, toi qui es le seul béni en tout temps et dans les siècles sans fin. Amen.

 

________________________________________________________

[1]. Cf. François Wallerich, L’eucharistie, l’apostat et le crapaud. Sur un exemplum de Césaire de Heisterbach, Bulletin du centre d’études médiévales d’Auxerre | BUCEMA, 21.2 | 2017, consultable ici : https://journals.openedition.org/cem/14731

[2]. « Nous rompons un même pain qui est remède d’immortalité, antidote pour ne pas mourir, mais pour vivre en Jésus-Christ pour toujours », Ignace d’Antioche, Eph. 20, 2.

[4] . Joseph Ratzinger, Le nouveau peuple de Dieu, Aubier, 1971, p. 17.

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Dieu t’a donné cette nourriture que ni toi ni tes pères n’aviez connue » (Dt 8, 2-3.14b-16a)

Lecture du livre du Deutéronome
Moïse disait au peuple d’Israël : « Souviens-toi de la longue marche que tu as faite pendant quarante années dans le désert ; le Seigneur ton Dieu te l’a imposée pour te faire passer par la pauvreté ; il voulait t’éprouver et savoir ce que tu as dans le cœur : allais-tu garder ses commandements, oui ou non ? Il t’a fait passer par la pauvreté, il t’a fait sentir la faim, et il t’a donné à manger la manne – cette nourriture que ni toi ni tes pères n’aviez connue – pour que tu saches que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui vient de la bouche du Seigneur. N’oublie pas le Seigneur ton Dieu qui t’a fait sortir du pays d’Égypte, de la maison d’esclavage. C’est lui qui t’a fait traverser ce désert, vaste et terrifiant, pays des serpents brûlants et des scorpions, pays de la sécheresse et de la soif. C’est lui qui, pour toi, a fait jaillir l’eau de la roche la plus dure. C’est lui qui, dans le désert, t’a donné la manne – cette nourriture inconnue de tes pères. »

PSAUME
(Ps 147 (147 B), 12-13, 14-15, 19-20)
R/ Glorifie le Seigneur, Jérusalem ! (Ps 147, 12a)

Glorifie le Seigneur, Jérusalem ! Célèbre ton Dieu, ô Sion !
Il a consolidé les barres de tes portes,
dans tes murs il a béni tes enfants.
Il fait régner la paix à tes frontières,
et d’un pain de froment te rassasie.


Il envoie sa parole sur la terre :
rapide, son verbe la parcourt.
Il révèle sa parole à Jacob,
ses volontés et ses lois à Israël.


Pas un peuple qu’il ait ainsi traité ;
nul autre n’a connu ses volontés.


DEUXIÈME LECTURE
« Puisqu’il y a un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul corps » (1 Co 10, 16-17)


Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens
Frères, la coupe de bénédiction que nous bénissons, n’est-elle pas communion au sang du Christ ? Le pain que nous rompons, n’est-il pas communion au corps du Christ ? Puisqu’il y a un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul corps, car nous avons tous part à un seul pain.


SÉQUENCE
Cette séquence (ad libitum) peut être dite intégralement ou sous une forme abrégée à partir de : « Le voici, le pain des anges »
Sion, célèbre ton Sauveur, chante ton chef et ton pasteur par des hymnes et des chants.
Tant que tu peux, tu dois oser, car il dépasse tes louanges, tu ne peux trop le louer.
Le Pain vivant, le Pain de vie, il est aujourd’hui proposé comme objet de tes louanges.
Au repas sacré de la Cène, il est bien vrai qu’il fut donné au groupe des douze frères.
Louons-le à voix pleine et forte, que soit joyeuse et rayonnante l’allégresse de nos cœurs !
C’est en effet la journée solennelle où nous fêtons de ce banquet divin la première institution.
À ce banquet du nouveau Roi, la Pâque de la Loi nouvelle met fin à la Pâque ancienne.
L’ordre ancien le cède au nouveau, la réalité chasse l’ombre, et la lumière, la nuit.
Ce que fit le Christ à la Cène, il ordonna qu’en sa mémoire nous le fassions après lui.
Instruits par son précepte saint, nous consacrons le pain, le vin, en victime de salut.
C’est un dogme pour les chrétiens que le pain se change en son corps, que le vin devient son sang.
Ce qu’on ne peut comprendre et voir, notre foi ose l’affirmer, hors des lois de la nature.
L’une et l’autre de ces espèces, qui ne sont que de purs signes, voilent un réel divin.
Sa chair nourrit, son sang abreuve, mais le Christ tout entier demeure sous chacune des espèces.
On le reçoit sans le briser, le rompre ni le diviser ; il est reçu tout entier.
Qu’un seul ou mille communient, il se donne à l’un comme aux autres, il nourrit sans disparaître.
Bons et mauvais le consomment, mais pour un sort bien différent, pour la vie ou pour la mort.
Mort des pécheurs, vie pour les justes ; vois : ils prennent pareillement ; quel résultat différent !
Si l’on divise les espèces, n’hésite pas, mais souviens-toi qu’il est présent dans un fragment aussi bien que dans le tout.
Le signe seul est partagé, le Christ n’est en rien divisé, ni sa taille ni son état n’ont en rien diminué.
* Le voici, le pain des anges, il devient le pain de l’homme en route, le vrai pain des enfants de Dieu, qu’on ne peut jeter aux chiens.
D’avance il fut annoncé par Isaac en sacrifice, par l’agneau pascal immolé, par la manne de nos pères.
Ô bon Pasteur, notre vrai pain, ô Jésus, aie pitié de nous, nourris-nous et protège-nous, fais-nous voir les biens éternels dans la terre des vivants.
Toi qui sais tout et qui peux tout, toi qui sur terre nous nourris, conduis-nous au banquet du ciel et donne-nous ton héritage, en compagnie de tes saints. Amen.


ÉVANGILE
« Ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson » (Jn 6, 51-58)
Alléluia. Alléluia. Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel, dit le Seigneur ; si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Alléluia. (Jn 6, 51.58)


Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
En ce temps-là, Jésus disait aux foules des Juifs : « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde. » Les Juifs se querellaient entre eux : « Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ? » Jésus leur dit alors : « Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. En effet, ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson. Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui. De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi. Tel est le pain qui est descendu du ciel : il n’est pas comme celui que les pères ont mangé. Eux, ils sont morts ; celui qui mange ce pain vivra éternellement. »
Patrick BRAUD

 

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24 mars 2024

Poème pour le Jeudi Saint

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Poème pour le Jeudi Saint

 

Homélie du Jeudi  Saint Année B

28/03/24

 

Cf. également :

Jeudi Saint : les multiples interprétations du lavement des pieds

Le casse-croûte du Jeudi saint

Jeudi Saint : aimer jusqu’au « telos »
La portée animalière du sacrifice du Christ
Jeudi saint : les réticences de Pierre
« Laisse faire » : éloge du non-agir
« Laisse faire » : l’étrange libéralisme de Jésus
Jeudi Saint : pourquoi azyme ?
La commensalité du Jeudi saint
Le Jeudi saint de Pierre
Jeudi Saint / De la bouchée au baiser : la méprise de Judas
Jeudi Saint : la nappe-monde eucharistique
Je suis ce que je mange
La table du Jeudi saint
Le pain perdu du Jeudi Saint
De l’achat au don

 

En complément des autres pistes de méditation pour le Jeudi saint, voici un court poème de Jules Laforgue, à partir de la nuit d’adoration suivant la Cène, devant le Saint Sacrement exposé…


Poème pour le Jeudi Saint dans Communauté spirituelle
Petite chapelle

Il faudra que j’expose
Dans un ostensoir lourd
Mon cœur rongé d’amour
Que son sang pur arrose.

En cette apothéose
Mille cierges autour
Brûleront nuit et jour
Dans une vapeur rose !

Et blêmes, jour et nuit,
Sangloteront vers lui
Comme vers une Idole

Les cœurs tendres venus
Pour ces maux inconnus
Dont rien ne les console!

Jules Laforgue

 

MESSE DU SOIR

 

PREMIÈRE LECTURE
Prescriptions concernant le repas pascal (Ex 12, 1-8.11-14)

 

Lecture du livre de l’Exode
En ces jours-là, dans le pays d’Égypte, le Seigneur dit à Moïse et à son frère Aaron : « Ce mois-ci sera pour vous le premier des mois, il marquera pour vous le commencement de l’année. Parlez ainsi à toute la communauté d’Israël : le dix de ce mois, que l’on prenne un agneau par famille, un agneau par maison. Si la maisonnée est trop peu nombreuse pour un agneau, elle le prendra avec son voisin le plus proche, selon le nombre des personnes. Vous choisirez l’agneau d’après ce que chacun peut manger. Ce sera une bête sans défaut, un mâle, de l’année. Vous prendrez un agneau ou un chevreau. Vous le garderez jusqu’au quatorzième jour du mois. Dans toute l’assemblée de la communauté d’Israël, on l’immolera au coucher du soleil. On prendra du sang, que l’on mettra sur les deux montants et sur le linteau des maisons où on le mangera. On mangera sa chair cette nuit-là, on la mangera rôtie au feu, avec des pains sans levain et des herbes amères. Vous mangerez ainsi : la ceinture aux reins, les sandales aux pieds, le bâton à la main. Vous mangerez en toute hâte : c’est la Pâque du Seigneur. Je traverserai le pays d’Égypte, cette nuit-là ; je frapperai tout premier-né au pays d’Égypte, depuis les hommes jusqu’au bétail. Contre tous les dieux de l’Égypte j’exercerai mes jugements : Je suis le Seigneur. Le sang sera pour vous un signe, sur les maisons où vous serez. Je verrai le sang, et je passerai : vous ne serez pas atteints par le fléau dont je frapperai le pays d’Égypte.
Ce jour-là sera pour vous un mémorial. Vous en ferez pour le Seigneur une fête de pèlerinage. C’est un décret perpétuel : d’âge en âge vous la fêterez. »

 

PSAUME
(115 (116b), 12-13, 15-16ac, 17-18)
R/ La coupe de bénédiction est communion au sang du Christ. (cf. 1 Co 10, 16)

 

Comment rendrai-je au Seigneur
tout le bien qu’il m’a fait ?
J’élèverai la coupe du salut,
j’invoquerai le nom du Seigneur.

 

Il en coûte au Seigneur
de voir mourir les siens !
Ne suis-je pas, Seigneur, ton serviteur,
moi, dont tu brisas les chaînes ?

 

Je t’offrirai le sacrifice d’action de grâce,
j’invoquerai le nom du Seigneur.
Je tiendrai mes promesses au Seigneur,
oui, devant tout son peuple.

 

DEUXIÈME LECTURE
« Chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur » (1 Co 11, 23-26)

 

Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens
Frères, moi, Paul, j’ai moi-même reçu ce qui vient du Seigneur, et je vous l’ai transmis : la nuit où il était livré, le Seigneur Jésus prit du pain, puis, ayant rendu grâce, il le rompit, et dit : « Ceci est mon corps, qui est pour vous. Faites cela en mémoire de moi. » Après le repas, il fit de même avec la coupe, en disant : « Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang. Chaque fois que vous en boirez, faites cela en mémoire de moi. »
Ainsi donc, chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne.

 

ÉVANGILE
« Il les aima jusqu’au bout » (Jn 13, 1-15)
Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus !Je vous donne un commandement nouveau, dit le Seigneur : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. »
Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus ! (cf. Jn 13, 34)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout.
Au cours du repas, alors que le diable a déjà mis dans le cœur de Judas, fils de Simon l’Iscariote, l’intention de le livrer, Jésus, sachant que le Père a tout remis entre ses mains, qu’il est sorti de Dieu et qu’il s’en va vers Dieu, se lève de table, dépose son vêtement, et prend un linge qu’il se noue à la ceinture ; puis il verse de l’eau dans un bassin. Alors il se mit à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture. Il arrive donc à Simon-Pierre, qui lui dit : « C’est toi, Seigneur, qui me laves les pieds ? » Jésus lui répondit : « Ce que je veux faire, tu ne le sais pas maintenant ; plus tard tu comprendras. » Pierre lui dit : « Tu ne me laveras pas les pieds ; non, jamais ! » Jésus lui répondit : « Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi. » Simon-Pierre lui dit : « Alors, Seigneur, pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête ! » Jésus lui dit : « Quand on vient de prendre un bain, on n’a pas besoin de se laver, sinon les pieds : on est pur tout entier. Vous-mêmes, vous êtes purs, mais non pas tous. » Il savait bien qui allait le livrer ; et c’est pourquoi il disait : « Vous n’êtes pas tous purs. »
Quand il leur eut lavé les pieds, il reprit son vêtement, se remit à table et leur dit : « Comprenez-vous ce que je viens de faire pour vous ? Vous m’appelez “Maître” et “Seigneur”, et vous avez raison, car vraiment je le suis. Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. »

Patrick BRAUD

 

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17 mars 2024

De quoi l’ânon des rameaux est-il le nom ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

De quoi l’ânon des Rameaux est-il le nom ?

 

Homélie pour le Dimanche des Rameaux / Année B 

24/03/2024

 

Cf. également :
Le coq défait Pierre
Rameaux : la Passion du Christ selon Mel Gibson
Rameaux : vous reprendrez bien un psaume ?
Rameaux : la Passion hallucinée de Jérôme Bosch
Rameaux : le conflit ou l’archipel
Comment devenir dépassionnés
Rameaux : assumer nos conflits
Rameaux, kénose et relèvement
Briser la logique infernale du bouc émissaire
Les multiples interprétations symboliques du dimanche des rameaux
Le tag cloud de la Passion du Christ
Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?
C’est l’outrage et non pas la douleur
Il a été compté avec les pécheurs
Sortir, partir ailleurs…


Le Théâtre des deux ânes

2 ânesDe tradition, la France est un pays où l’on aime bien les chansonniers. Ce genre d’humour politique nous est propre : comme les fous du roi autrefois, les chansonniers dans les cabarets et théâtres ont le droit de tout dire sur nos gouvernants, nos responsables politiques, nos célébrités. Et ils ne s’en privent pas ! Aujourd’hui encore, le Caveau de la République à Paris, le Café d’Edgard ou le Théâtre des deux ânes etc. portent chaque semaine à l’affiche des one-man-shows légèrement délirants, des spectacles où les imitateurs, les comédiens, les humoristes nous font rire sans souci des convenances. Chaque vendredi, la chaîne de télévision Paris Première diffuse le show de la ‘Revue de presse’ au Théâtre des deux ânes. Si on aime cet humour décalé, les larmes de rire sont garanties ! Élodie Poux, Bernard Mabille, Philippe Chevallier, Régis Mailhot et autres Guidoni n’arrêtent pas de faire l’âne pendant deux heures en passant nos personnages importants à l’essoreuse de leurs mots d’esprit.

Faire l’âne est une qualité chez nous. Tant que cette impertinence restera autorisée par le pouvoir, nous serons en pays libre.

En ce dimanche des Rameaux, centrons notre regard sur le petit âne qui rentre à Jérusalem, acclamé par la foule :
de quoi l’ânon des Rameaux est-il le nom ?

 

1. L’accomplissement des Écritures

De quoi l’ânon des rameaux est-il le nom ? dans Communauté spirituelle thoraLe choix insolite de Jésus – un cheval eut été plus noble – est aux yeux des évangélistes une façon de montrer qu’il est le Messie annoncé dans les Écritures. La citation de Zacharie l’atteste : « Exulte de toutes tes forces, fille de Sion ! Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem ! Voici ton roi qui vient à toi : il est juste et victorieux, pauvre et monté sur un âne, un ânon, le petit d’une ânesse » (Za 9,9).

 

Comme l’entrée à Jérusalem est le début de la Passion, l’importance de ce rappel est majeur : contrairement aux apparences désastreuses (échec, supplice, mise à mort, déshonneur) ce que va subir Jésus à Jérusalem est bien ce que promettaient les prophètes : un roi juste et victorieux. Juste, car démasquant l’injustice des pouvoirs des puissants de ce monde. Victorieux, car la résurrection viendra couronner le chemin de la Croix. Roi jusqu’au bout, comme l’attestera la pancarte INRI sur le gibet.

Jésus ne subit pas : il choisit de donner sa vie, de donner la Vie en donnant sa vie.

Ce thème de l’accomplissement des Écritures est si important à destination des juifs choqués par la Passion que Mathieu convoquera l’ânesse avec l’ânon (Mt 21,2). Comme cela il y aura deux témoins [1], comme le prescrit la Loi juive (Dt 19,5), pour attester de la messianité de Jésus.

 

Lorsque les événements ne se déroulent pas comme nous l’avions prévu, faisons mémoire de l’ânon des Rameaux : si le Christ monte à notre bord, il transformera nos galères en entrée triomphale !

 

2. Douceur, humilité, non-violence

3IRQQ5HCBLZAECMAGYZIYMLVCQ âne dans Communauté spirituelleL’autre image qui nous vient aussitôt à l’esprit en pensant un petit âne, c’est la douceur, la gentillesse, l’humilité. Imaginez-vous le Président Macron descendant les Champs Élysées le 14 Juillet 2022 dans une Clio deux places et non dans sa luxueuse et blindée DS 7 hybride ?

Sobre et serviable des années durant, l’âne ne demande pas grand-chose, mais soulève de si lourdes charges et rend tant de services ! Il ne parade pas avec les chevaux en tête de défilé, ni avec les lions sur les podiums de cirque. Quel animal conviendrait mieux que lui pour brosser le portrait d’un Messie « doux et humble de cœur » (Mt 11,29) ? Pas d’attitude guerrière chez Jésus lorsqu’il franchit les portes des remparts de Jérusalem. Au contraire, on l’acclame comme « celui qui sauve » : hosanna ! Littéralement : « sauve-nous ! » « Le salut est avec toi, fils de David ! »

La douceur du Christ est le reflet de la miséricorde du Père. S’il est victorieux, ce n’est pas à la manière des rois guerriers : il est vainqueur du mal et de la mort justement pour en sauver les pires d’entre nous qui s’y adonnent.

La grandeur du Messie n’est pas dans l’or de ses palais ni la taille de son jet présidentiel. Il est grand de ce que nous lui donnons, comme en témoignent les vêtements de la foule qu’elle dépose sur ses pas.

 

Lorsque la tentation de la grandeur nous enivre, dans nos missions, nos responsabilités, nos prises de parole, gardons à l’esprit l’humble ânon des Rameaux, qui a porté le Maître du monde grâce à sa simplicité.

 

3. Filiation

Petit âneC’est d’un ânon dont Jésus a besoin. Pas d’un âne. Car il est question de filiation ici. Le fils de David, le fils unique de Dieu se définit toujours en dépendance de sa source. Il n’est pas à lui-même sa propre origine. Il se reçoit un autre, comme l’ânon reçoit de l’ânesse pour la naissance et le lait.

Avec les Rameaux, c’est bien la question de la filiation qui est posée : comment devenir enfant de Dieu, réellement ? Sur le mont Moriah, Abraham a sacrifié un bélier et non un agneau à la place d’Isaac, car c’était sa paternité qui était en cause. Ici, c’est le petit d’une ânesse qui va désigner le Fils par excellence. Monter sur un ânon nous rappelle que notre vocation est de devenir enfant de Dieu, en vérité.

 

Lorsque le succès, la réussite nous griseront au point de nous croire indépendants, sans devoir rien à personne, regardons l’ânon des Rameaux : quelle est ma source ? de qui ai-je reçu ? de qui suis-je l’enfant ?

 

4. La liberté des enfants de Dieu

Va détacher l'ânon Jésus-Christ en a besoinCet ânon était attaché : c’est plus qu’un détail ! Notre identité filiale est comme ligotée, prisonnière des liens d’attachement à nos œuvres, à notre vaine gloire, à notre volonté d’indépendance. Lorsque Jésus ordonne à ses disciples : « détachez-le et amenez-le », on entend comme un écho de l’ordre donné aux proches de Lazare sortant du tombeau : « déliez-le et laissez-le aller ». L’ânon christophore (qui porte le Christ) est un enfant libre, comme on dirait en Analyse Transactionnelle (à la différence de l’enfant soumis, ou de l’enfant rebelle). Le verbe détacher est répété trois fois dans l’Évangile de Marc 11, tellement c’est capital de libérer les enfants de Dieu pour les rendre disponibles au service de leurs frères, ici le service du Christ entrant à Jérusalem.


On entend également dans ce « détachez-le » un écho inversé de la ligature d’Isaac (Gn 22) : Abraham le père avait lié son fils sur l’autel au nom de ses croyances sanguinaires ; l’ange lui fait utiliser le couteau pour couper les cordes liant en son fils et non pour lui trancher le cou.

En Christ, les fils sont libres, les filles ne sont plus esclaves. Jésus acceptera pour cela d’être lui-même ligoté (Mc 15,1) par les pouvoirs juifs pour aller rejoindre tous ceux qui étaient prisonniers de la Loi, afin de les délier par sa Résurrection.

 

Visualisons l’ânon attaché par une corde à un anneau dans le mur : que voudrait dire délier de leurs attaches nos proches, nos collègues ? Comment faire grandir en moi le désir de les amener au Christ ?

 

4. Nouveauté

 EtchegarayMarc prend soin de préciser que cet âne est tout neuf en quelque sorte, « un ânon sur lequel personne n’était jamais monté ». Un être neuf au début de la Passion.

À la fin de la Passion, ce sera dans un tombeau neuf, « un tombeau qui n’avait jamais servi pour personne » (Jn 19,41), que Jésus mort sera déposé.

D’une nouveauté à l’autre, c’est la radicale innovation du christianisme qui est en jeu : héritier du judaïsme (l’ânesse, le pharisien propriétaire du tombeau neuf), le christianisme sait « tirer du neuf de l’ancien » (Mt 13,52). Jésus avait conscience que sa Passion allait dévoiler quelque chose d’inouï, que l’homme n’aurait jamais pu inventer : l’amour de Dieu vainqueur de la mort par le service et le don de soi.

Que nul n’efface cette différence irréductible !

Que personne n’annule la nouveauté du Christ en « retournant à son vomi » (Pr 26,11) !

« À vin nouveau, outres neuves » (Mt 9,17).

 

Lorsque les audaces évangélisatrice de l’Esprit aujourd’hui nous troublent, nous effraient, revenons à la nouveauté de l’ânon des Rameaux : il y aura toujours de l’inédit dans la foi chrétienne, pourquoi y résister ?

 

5. Gentilité

220px-Palmesel_MNMA_Cl23799 RameauxUne de ces nouveautés chrétiennes, c’est bien sûr l’ouverture aux païens, ceux que l’on appelait les Gentils (et qui ne l’étaient pas tous !). Les Pères de l’Église ont souvent commenté cet épisode des Rameaux en identifiant l’ânesse à Israël, la mère de la Révélation, et l’ânon à l’Église, qui s’est ouverte aux non-juifs, à ceux que la Révélation n’avait pas encore explicitement touché.

Amener un ânon pour porter le Christ, c’est la gentilité de l’Église, c’est l’ardente obligation qui nous est faite de nous ouvrir à l’universel et de permettre à tous les peuples, toutes les cultures, de devenir christophores.

 

Lorsque la tentation nous habite de nous replier sur de petits cercles cathos bien au chaud entre nous, ré-entendons le Christ nous demandant de libérer l’ânon pour lui amener ; laissons son Esprit nous faire « passer aux barbares »…

 

6. Bonnet d’âne

bonnet-d-ane-(photo-dr-rue-des-archives)-1525962569Au XIX° siècle, les instituteurs punissaient les élèves indisciplinés ou paresseux en les mettant au coin, coiffés d’un bonnet d’âne à grandes oreilles. Une façon d’humilier les récalcitrants en les assimilant à des ânes… S’afficher avec un âne n’était alors pas glorieux ! Pourtant, c’est vrai que l’âne a de grandes oreilles, et du coup il est devenu le symbole d’une créature qui écoute. « Écoute » est le premier commandement de la Torah : « Schema Israël », « Écoute Israël » (Dt 6,4). La règle de saint Benoît commence par ces mots : « Écoute, ô mon fils, les préceptes du Maître, et prête l’oreille de ton cœur ». Le moine est souvent représenté avec de grandes oreilles pour écouter mieux la parole de Dieu.

 

Lorsque le bruit incessant de notre société te submerge, concentre-toi sur les grandes oreilles de l’ânon des Rameaux : il est temps d’écouter, quitte à paraître coiffer le bonnet d’âne aux yeux des autres étourdis de non-silence.…

 

7. Tu me fais braire

16494144-une-bande-dessinée-braire-vecteur-âne-et-les-fichiers-haute-résolution-sont-disponiblesL’âne est encore célèbre pour ses braiments à réveiller les morts ! À tel point que, quand on dit à quelqu’un : tu me fais braire, on lui signifie qu’il peut toujours ergoter, l’âne que vous êtes continuera à faire entendre sa voix…

Et La Fontaine nous a prévenus : ne vous fiez pas à l’apparence inoffensive de cet animal ! Lorsque le vieux lion affaibli tombe malade, le coup de pied de l’âne va l’expédier ad patres ! Regardez les sabots de l’âne : une ruade peut être mortelle. La non-violence du Christ n’exclut pas la violence envers le mal (pas envers celui qui le commet) pour l’empêcher de nuire. Samson n’a-t-il pas autrefois terrassé 1000 hommes avec une mâchoire d’âne (Jg 15,15) ?

 

Quelle image plus réaliste que le braiment d’un âne pour symboliser le prophétisme des baptisés ? Comme le Messie, ils proclament la Parole « à temps et à contretemps » (2Tm 4,2), quitte à insupporter les bien-pensants. Rien n’a pu faire taire les martyrs, ni le supplice ni la mort : ils ont proclamé leur foi jusqu’au bout.

 

Lorsqu’on veut vous faire taire parce que votre foi dérange, n’arrêtez pas de braire comme l’ânon des Rameaux !

 

8. Adorer un dieu à tête d’âne

Crucifié tête d'âneOn a retrouvé dans les catacombes romaines un vieux graffiti du II° siècle, montrant des chrétiens adorant un crucifié à tête d’âne. Une caricature façon Charlie Hebdo avant la lettre ! C’est donc que certains Romains identifiaient Jésus à son âne, et se moquaient de ce soi-disant Messie échouant lamentablement sur la croix. Ces critiques mettent pourtant en évidence un trait original la foi : il s’est rangé du côté des exclus, des ânes moqués par tous. Il a fait corps avec les moins-que-rien à qui on déniait toute humanité, jusqu’à les traiter comme des animaux, des bêtes de somme, des ânes…

 

Voilà le message de l’âne des Rameaux : le chrétien doit avoir ce courage de paraître fou pour le monde, de paraître un âne pour les autres, un imbécile, d’être incompris, d’être considéré comme discordant. Il est rejeté, certes, mais c’est lui qui annonce la vérité.

Et d’ailleurs, il est très injuste de dire que l’âne est bête. Il ne l’est pas, il est même beaucoup plus intelligent qu’un cheval. Et en soi, le chrétien n’est pas un imbécile, il est plutôt un incompris, il peut passer pour fou mais il ne l’est pas du tout ! Paul écrit en effet : « Le langage de la croix est folie pour ceux qui vont à leur perte, mais pour ceux qui vont vers leur salut, pour nous, il est puissance de Dieu. […] La sagesse du monde, Dieu ne l’a-t-il pas rendue folle ? Puisque, en effet, par une disposition de la sagesse de Dieu, le monde, avec toute sa sagesse, n’a pas su reconnaître Dieu, il a plu à Dieu de sauver les croyants par cette folie qu’est la proclamation de l’Évangile » (1Co 1,18-21).

 

On célébrait même une « fête de l’âne » au XIII° siècle dans les cathédrales de Sens, Beauvais, Rouen etc. C’était au moment du solstice d’hiver. Cette fête de l’âne était fort curieuse. Ce jour-là donc, lors de la grand-messe, on faisait entrer un âne solennellement dans la cathédrale, il était revêtu d’un manteau d’or et il avait une grande traîne qui était tenue par quatre des membres les plus éminents du clergé du chapitre. Dans l’église, l’âne se tenait dans le chœur, juste à côté de l’évangile. On célébrait ensuite toute la messe en son honneur. Le peuple répondait « hi-han » en guise d’ « Amen ». La messe se terminait ainsi : le prêtre disait « deo gratias / ite missa est / hi-han », et toute la foule dans la cathédrale disait trois fois « hi-han, hi-han, hi-han »… L’âne des Rameaux (de la crèche et de la fuite en Égypte) a donc eu un succès étonnant jusque dans nos liturgies !

 

Lorsque le dégoût ou le rejet te tente au point de vouloir exclure ceux qui ne correspondent pas à des critères, contemple le crucifié à tête d’âne. Qu’il t’aide à faire le lien entre le Messie triomphant entrant à Jérusalem et le condamné déshonoré, à l’écart…

 

9. Au pas de l’âne

1200x900_queyras-colportage-au-pas-de-l-ane-images-et-reves-197430Terminons par une autre caractéristique de l’âne : contrairement au cheval qui galope à grande allure, l’âne au mieux trottine, le plus souvent marche à pas mesurés. Aller vite ou loin ? Des fois, il faut choisir ! En montagne, il n’y a pas plus sûr par les sentiers pierreux escarpés que le pas de l’âne, lent et mesuré.

Ce chemin pour aller vers Dieu, c’est un chemin qui doit se faire au pas d’un âne. C’est ainsi que doit être notre cheminement dans la foi : tranquillement, avec le temps, en douceur. Pour découvrir Dieu, s’en rapprocher, il faut aller pas à pas, avec une certaine constance et bien tranquillement. La conversion à Dieu n’est pas toujours quelque chose de spectaculaire, c’est un lent trajet. Il faut tout au long de sa vie suive ce chemin, doucement, comme assis sur un âne, sans éclat, sans brutalité, sans violence, en douceur, en toute paix. Et ainsi simplement laisser travailler en soi ce cheminement long et pacifique qui nous rapproche de Dieu.

 

Notre marche à la suite du Christ ferait bien de s’inspirer de ce pas de l’âne, comme l’écrivait non sans humour le cardinal Etchegaray :

 

41qSYdULahL._SY466_J’avance comme un âne

 

J’avance, comme l’âne de Jérusalem 

dont le Messie, un jour des Rameaux, fit une monture royale et pacifique.

Je ne sais pas grand’chose,

mais je sais que je porte le Christ sur mon dos

et j’en suis plus fier que d’être bourguignon ou basque.

Je le porte, mais c’est lui qui me mène :

je sais qu’il me conduit vers son Royaume et j’ai confiance en lui.

 

J’avance à mon rythme. 

Par des chemins escarpés,

loin de ces autoroutes où la vitesse vous empêche

de reconnaître monture et cavalier.

Quand je bute contre une pierre, mon Maître doit être

bien cahoté, mais il ne me reproche rien.

C’est merveilleux comme il est bon et patient avec moi :

il me laisse le temps de saluer la ravissante ânesse de Balaam, 

de rêver devant un champ de lavande,

d’oublier même que je le porte.

 

J’avance, en silence. 

C’est fou comme on se comprend sans parler ; 

d’ailleurs, je n’entends pas trop quand il me souffle des mots à l’oreille.

La seule parole de lui que j’ai comprise semblait être pour moi tout seul 

et je puis témoigner de sa vérité :  » Mon joug est facile à porter et mon fardeau léger. » (Mt 11,30).

C’est comme, foi d’animal, quand je portais allègrement sa mère vers Bethléem, un soir de Noël. 

Jules Supervielle, le poète ami des ânes, l’a bien deviné : 

 »elle pesait peu, n’étant occupée que de l’avenir en elle ».

 

J’avance, dans la joie.

Quand je veux chanter ses louanges,

je fais un boucan de tous les diables, je chante faux.

Lui, alors, il rit de bon cœur, d’un rire qui transforme

les ornières en piste de danse

et mes sabots en sandales de vent.

Ces jours-là, je vous jure, on en fait du chemin !

J’avance, j’avance comme un âne

qui porte le Christ sur son dos.

 

Cardinal Etchegaray (†)

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[1]. Mais on voit mal comment Jésus aurait pu être assis sur les deux à la fois (Mt 21,7) !…

 

 

PROCESSION DES RAMEAUX

Évangile
« Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! » (Mc 11, 1-10)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc
Lorsqu’ils approchent de Jérusalem, vers Bethphagé et Béthanie, près du mont des Oliviers, Jésus envoie deux de ses disciples et leur dit : « Allez au village qui est en face de vous. Dès que vous y entrerez, vous trouverez un petit âne attaché, sur lequel personne ne s’est encore assis. Détachez-le et amenez-le. Si l’on vous dit : ‘Que faites-vous là ?’, répondez : ‘Le Seigneur en a besoin, mais il vous le renverra aussitôt.’ » Ils partirent, trouvèrent un petit âne attaché près d’une porte, dehors, dans la rue, et ils le détachèrent. Des gens qui se trouvaient là leur demandaient : « Qu’avez-vous à détacher cet ânon ? » Ils répondirent ce que Jésus leur avait dit, et on les laissa faire. Ils amenèrent le petit âne à Jésus, le couvrirent de leurs manteaux, et Jésus s’assit dessus. Alors, beaucoup de gens étendirent leurs manteaux sur le chemin, d’autres, des feuillages coupés dans les champs. Ceux qui marchaient devant et ceux qui suivaient criaient : « Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Béni soit le Règne qui vient, celui de David, notre père. Hosanna au plus haut des cieux ! »

MESSE DE LA PASSION


PREMIÈRE LECTURE
« Je n’ai pas caché ma face devant les outrages, je sais que je ne serai pas confondu » (Is 50, 4-7)

Lecture du livre du prophète Isaïe
Le Seigneur mon Dieu m’a donné le langage des disciples, pour que je puisse, d’une parole, soutenir celui qui est épuisé. Chaque matin, il éveille, il éveille mon oreille pour qu’en disciple, j’écoute. Le Seigneur mon Dieu m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas caché ma face devant les outrages et les crachats. Le Seigneur mon Dieu vient à mon secours ; c’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages, c’est pourquoi j’ai rendu ma face dure comme pierre : je sais que je ne serai pas confondu.
 
PSAUME
(21 (22), 8-9, 17-18a, 19-20, 22c-24a)
R/ Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? (21, 2a)

Tous ceux qui me voient me bafouent,
ils ricanent et hochent la tête :
« Il comptait sur le Seigneur : qu’il le délivre !
Qu’il le sauve, puisqu’il est son ami ! »

Oui, des chiens me cernent,
une bande de vauriens m’entoure.
Ils me percent les mains et les pieds ;
je peux compter tous mes os.

Ils partagent entre eux mes habits
et tirent au sort mon vêtement.
Mais toi, Seigneur, ne sois pas loin :
ô ma force, viens vite à mon aide !

Tu m’as répondu !
Et je proclame ton nom devant mes frères,
je te loue en pleine assemblée.
Vous qui le craignez, louez le Seigneur.

DEUXIÈME LECTURE
« Il s’est abaissé : c’est pourquoi Dieu l’a exalté » (Ph 2, 6-11)

Lecture de la lettre de Saint Paul apôtre aux Philippiens
Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu.
Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes.
Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix.
C’est pourquoi Dieu l’a exalté : il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom,
afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur terre et aux enfers,
et que toute langue proclame : « Jésus Christ est Seigneur » à la gloire de Dieu le Père.
 
ÉVANGILE

Passion de notre Seigneur Jésus Christ (Mc 14, 1 – 15, 47)
Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus !
Pour nous, le Christ est devenu obéissant, jusqu’à la mort, et la mort de la croix. C’est pourquoi Dieu l’a exalté : il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom.
Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus ! (cf. Ph 2, 8-9)

La Passion de notre Seigneur Jésus Christ selon saint Marc
Indications pour la lecture dialoguée : Les sigles désignant les divers interlocuteurs son les suivants :
X = Jésus ; = Lecteur ; D = Disciples et amis ; = Foule ; = Autres personnages.

L. 
La fête de la Pâque et des pains sans levain allait avoir lieu deux jours après. Les grands prêtres et les scribes cherchaient comment arrêter Jésus par ruse, pour le faire mourir. Car ils se disaient : A. « Pas en pleine fête, pour éviter des troubles dans le peuple. »
L. Jésus se trouvait à Béthanie, dans la maison de Simon le lépreux. Pendant qu’il était à table, une femme entra, avec un flacon d’albâtre contenant un parfum très pur et de grande valeur. Brisant le flacon, elle lui versa le parfum sur la tête. Or, de leur côté, quelques-uns s’indignaient : A. « À quoi bon gaspiller ce parfum ? On aurait pu, en effet, le vendre pour plus de trois cents pièces d’argent, que l’on aurait données aux pauvres. » L. Et ils la rudoyaient. Mais Jésus leur dit : X « Laissez-la ! Pourquoi la tourmenter ? Il est beau, le geste qu’elle a fait envers moi. Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous, et, quand vous le voulez, vous pouvez leur faire du bien ; mais moi, vous ne m’avez pas pour toujours. Ce qu’elle pouvait faire, elle l’a fait. D’avance elle a parfumé mon corps pour mon ensevelissement. Amen, je vous le dis : partout où l’Évangile sera proclamé – dans le monde entier –, on racontera, en souvenir d’elle, ce qu’elle vient de faire. »
L. Judas Iscariote, l’un des Douze, alla trouver les grands prêtres pour leur livrer Jésus. À cette nouvelle, ils se réjouirent et promirent de lui donner de l’argent. Et Judas cherchait comment le livrer au moment favorable.
Le premier jour de la fête des pains sans levain, où l’on immolait l’agneau pascal, les disciples de Jésus lui disent : D. « Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour que tu manges la Pâque ? » L. Il envoie deux de ses disciples en leur disant : X « Allez à la ville ; un homme portant une cruche d’eau viendra à votre rencontre. Suivez-le, et là où il entrera, dites au propriétaire : ‘Le Maître te fait dire : Où est la salle où je pourrai manger la Pâque avec mes disciples ?’ Il vous indiquera, à l’étage, une grande pièce aménagée et prête pour un repas. Faites-y pour nous les préparatifs. » L. Les disciples partirent, allèrent à la ville ; ils trouvèrent tout comme Jésus leur avait dit, et ils préparèrent la Pâque.
Le soir venu, Jésus arrive avec les Douze. Pendant qu’ils étaient à table et mangeaient, Jésus déclara : X « Amen, je vous le dis : l’un de vous, qui mange avec moi, va me livrer. » L. Ils devinrent tout tristes et, l’un après l’autre, ils lui demandaient : D. « Serait-ce moi ? » L. Il leur dit : X « C’est l’un des Douze, celui qui est en train de se servir avec moi dans le plat. Le Fils de l’homme s’en va, comme il est écrit à son sujet ; mais malheureux celui par qui le Fils de l’homme est livré ! Il vaudrait mieux pour lui qu’il ne soit pas né, cet homme-là ! » L. Pendant le repas, Jésus, ayant pris du pain et prononcé la bénédiction, le rompit, le leur donna, et dit : X « Prenez, ceci est mon corps. » L. Puis, ayant pris une coupe et ayant rendu grâce, il la leur donna, et ils en burent tous. Et il leur dit : X « Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude. Amen, je vous le dis : je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu’au jour où je le boirai, nouveau, dans le royaume de Dieu. »
L. Après avoir chanté les psaumes, ils partirent pour le mont des Oliviers. Jésus leur dit : X « Vous allez tous être exposés à tomber, car il est écrit : Je frapperai le berger,et les brebis seront dispersées. Mais, une fois ressuscité, je vous précéderai en Galilée. » L. Pierre lui dit alors : D. « Même si tous viennent à tomber, moi, je ne tomberai pas. » L. Jésus lui répond : X « Amen, je te le dis : toi, aujourd’hui, cette nuit même, avant que le coq chante deux fois, tu m’auras renié trois fois. » L. Mais lui reprenait de plus belle : D. « Même si je dois mourir avec toi, je ne te renierai pas. » L. Et tous en disaient autant.
Ils parviennent à un domaine appelé Gethsémani. Jésus dit à ses disciples : X « Asseyez-vous ici, pendant que je vais prier. » L. Puis il emmène avec lui Pierre, Jacques et Jean, et commence à ressentir frayeur et angoisse. Il leur dit : X « Mon âme est triste à mourir. Restez ici et veillez. » L. Allant un peu plus loin, il tombait à terre et priait pour que, s’il était possible, cette heure s’éloigne de lui. Il disait : X « Abba… Père, tout est possible pour toi. Éloigne de moi cette coupe. Cependant, non pas ce que moi, je veux, mais ce que toi, tu veux ! » L. Puis il revient et trouve les disciples endormis. Il dit à Pierre : X « Simon, tu dors ! Tu n’as pas eu la force de veiller seulement une heure ? Veillez et priez, pour ne pas entrer en tentation ; l’esprit est ardent, mais la chair est faible. » L. De nouveau, il s’éloigna et pria, en répétant les mêmes paroles. Et de nouveau, il vint près des disciples qu’il trouva endormis, car leurs yeux étaient alourdis de sommeil. Et eux ne savaient que lui répondre. Une troisième fois, il revient et leur dit : X « Désormais, vous pouvez dormir et vous reposer. C’est fait ; l’heure est venue : voici que le Fils de l’homme est livré aux mains des pécheurs. Levez-vous ! Allons ! Voici qu’il est proche, celui qui me livre. »
L. Jésus parlait encore quand Judas, l’un des Douze, arriva et avec lui une foule armée d’épées et de bâtons, envoyée par les grands prêtres, les scribes et les anciens. Or, celui qui le livrait leur avait donné un signe convenu : D. « Celui que j’embrasserai, c’est lui : arrêtez-le, et emmenez-le sous bonne garde. » L. À peine arrivé, Judas, s’approchant de Jésus, lui dit : D. « Rabbi ! » L. Et il l’embrassa. Les autres mirent la main sur lui et l’arrêtèrent. Or un de ceux qui étaient là tira son épée, frappa le serviteur du grand prêtre et lui trancha l’oreille. Alors Jésus leur déclara : X « Suis-je donc un bandit, pour que vous soyez venus vous saisir de moi, avec des épées et des bâtons ? Chaque jour, j’étais auprès de vous dans le Temple en train d’enseigner, et vous ne m’avez pas arrêté. Mais c’est pour que les Écritures s’accomplissent. » L. Les disciples l’abandonnèrent et s’enfuirent tous. Or, un jeune homme suivait Jésus ; il n’avait pour tout vêtement qu’un drap. On essaya de l’arrêter. Mais lui, lâchant le drap, s’enfuit tout nu.
Ils emmenèrent Jésus chez le grand prêtre. Ils se rassemblèrent tous, les grands prêtres, les anciens et les scribes. Pierre avait suivi Jésus à distance, jusqu’à l’intérieur du palais du grand prêtre, et là, assis avec les gardes, il se chauffait près du feu. Les grands prêtres et tout le Conseil suprême cherchaient un témoignage contre Jésus pour le faire mettre à mort, et ils n’en trouvaient pas. De fait, beaucoup portaient de faux témoignages contre Jésus, et ces témoignages ne concordaient pas. Quelques-uns se levèrent pour porter contre lui ce faux témoignage : A. « Nous l’avons entendu dire : ‘Je détruirai ce sanctuaire fait de main d’homme, et en trois jours j’en rebâtirai un autre qui ne sera pas fait de main d’homme.’ » L. Et même sur ce point, leurs témoignages n’étaient pas concordants. Alors s’étant levé, le grand prêtre, devant tous, interrogea Jésus : A. « Tu ne réponds rien ? Que dis-tu des témoignages qu’ils portent contre toi ? » L. Mais lui gardait le silence et ne répondait rien. Le grand prêtre l’interrogea de nouveau : A. « Es-tu le Christ, le Fils du Dieu béni ? » L. Jésus lui dit : X « Je le suis. Et vous verrez le Fils de l’homme siéger à la droite du Tout-Puissant, et venir parmi les nuées du ciel. » L. Alors, le grand prêtre déchire ses vêtements et dit : A. « Pourquoi nous faut-il encore des témoins ? Vous avez entendu le blasphème. Qu’en pensez-vous ? » L. Tous prononcèrent qu’il méritait la mort. Quelques-uns se mirent à cracher sur lui, couvrirent son visage d’un voile, et le giflèrent, en disant : F. « Fais le prophète ! » L. Et les gardes lui donnèrent des coups.
Comme Pierre était en bas, dans la cour, arrive une des jeunes servantes du grand prêtre. Elle voit Pierre qui se chauffe, le dévisage et lui dit : A. « Toi aussi, tu étais avec Jésus de Nazareth ! » L. Pierre le nia : D. « Je ne sais pas, je ne comprends pas de quoi tu parles. » L. Puis il sortit dans le vestibule, au dehors. Alors un coq chanta. La servante, ayant vu Pierre, se mit de nouveau à dire à ceux qui se trouvaient là : A. « Celui-ci est l’un d’entre eux ! » L. De nouveau, Pierre le niait. Peu après, ceux qui se trouvaient là lui disaient à leur tour : F. « Sûrement tu es l’un d’entre eux ! D’ailleurs, tu es Galiléen. » L. Alors il se mit à protester violemment et à jurer : D. « Je ne connais pas cet homme dont vous parlez. » L. Et aussitôt, pour la seconde fois, un coq chanta. Alors Pierre se rappela cette parole que Jésus lui avait dite : « Avant que le coq chante deux fois, tu m’auras renié trois fois. » Et il fondit en larmes.
L. Dès le matin, les grands prêtres convoquèrent les anciens et les scribes, et tout le Conseil suprême. Puis, après avoir ligoté Jésus, ils l’emmenèrent et le livrèrent à Pilate. Celui-ci l’interrogea : A. « Es-tu le roi des Juifs ? » Jésus répondit : X « C’est toi-même qui le dis. » L. Les grands prêtres multipliaient contre lui les accusations. Pilate lui demanda à nouveau : A. « Tu ne réponds rien ? Vois toutes les accusations qu’ils portent contre toi. » L. Mais Jésus ne répondit plus rien, si bien que Pilate fut étonné. À chaque fête, il leur relâchait un prisonnier, celui qu’ils demandaient. Or, il y avait en prison un dénommé Barabbas, arrêté avec des émeutiers pour un meurtre qu’ils avaient commis lors de l’émeute. La foule monta donc chez Pilate, et se mit à demander ce qu’il leur accordait d’habitude. Pilate leur répondit : A. « Voulez-vous que je vous relâche le roi des Juifs ? » L. Il se rendait bien compte que c’était par jalousie que les grands prêtres l’avaient livré. Ces derniers soulevèrent la foule pour qu’il leur relâche plutôt Barabbas. Et comme Pilate reprenait : A. « Que voulez-vous donc que je fasse de celui que vous appelez le roi des Juifs ? », L. de nouveau ils crièrent : F. « Crucifie-le ! » L. Pilate leur disait : A. « Qu’a-t-il donc fait de mal ? » L. Mais ils crièrent encore plus fort : F. « Crucifie-le ! » L. Pilate, voulant contenter la foule, relâcha Barabbas et, après avoir fait flageller Jésus, il le livra pour qu’il soit crucifié.
Les soldats l’emmenèrent à l’intérieur du palais, c’est-à-dire dans le Prétoire. Alors ils rassemblent toute la garde, ils le revêtent de pourpre, et lui posent sur la tête une couronne d’épines qu’ils ont tressée. Puis ils se mirent à lui faire des salutations, en disant : F. « Salut, roi des Juifs ! » L. Ils lui frappaient la tête avec un roseau, crachaient sur lui, et s’agenouillaient pour lui rendre hommage. Quand ils se furent bien moqués de lui, ils lui enlevèrent le manteau de pourpre, et lui remirent ses vêtements.
Puis, de là, ils l’emmènent pour le crucifier, et ils réquisitionnent, pour porter sa croix, un passant, Simon de Cyrène, le père d’Alexandre et de Rufus, qui revenait des champs. Et ils amènent Jésus au lieu dit Golgotha, ce qui se traduit : Lieu-du-Crâne (ou Calvaire). Ils lui donnaient du vin aromatisé de myrrhe ; mais il n’en prit pas. Alors ils le crucifient, puis se partagent ses vêtements, en tirant au sort pour savoir la part de chacun. C’était la troisième heure (c’est-à-dire : neuf heures du matin) lorsqu’on le crucifia. L’inscription indiquant le motif de sa condamnation portait ces mots : « Le roi des Juifs ». Avec lui ils crucifient deux bandits, l’un à sa droite, l’autre à sa gauche. Les passants l’injuriaient en hochant la tête ; ils disaient : F. « Hé ! toi qui détruis le Sanctuaire et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même, descends de la croix ! » L. De même, les grands prêtres se moquaient de lui avec les scribes, en disant entre eux : A. « Il en a sauvé d’autres, et il ne peut pas se sauver lui-même ! Qu’il descende maintenant de la croix, le Christ, le roi d’Israël ; alors nous verrons et nous croirons. » L. Même ceux qui étaient crucifiés avec lui l’insultaient.
Quand arriva la sixième heure (c’est-à-dire : midi), l’obscurité se fit sur toute la terre jusqu’à la neuvième heure. Et à la neuvième heure, Jésus cria d’une voix forte : X « Éloï, Éloï, lema sabactani ? », L. ce qui se traduit : X « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » L. L’ayant entendu, quelques-uns de ceux qui étaient là disaient : F. « Voilà qu’il appelle le prophète Élie ! » L. L’un d’eux courut tremper une éponge dans une boisson vinaigrée, il la mit au bout d’un roseau, et il lui donnait à boire, en disant : A. « Attendez ! Nous verrons bien si Élie vient le descendre de là ! » L. Mais Jésus, poussant un grand cri, expira.
(Ici on fléchit le genou et on s’arrête un instant)
Le rideau du Sanctuaire se déchira en deux, depuis le haut jusqu’en bas. Le centurion qui était là en face de Jésus, voyant comment il avait expiré, déclara : A. « Vraiment, cet homme était Fils de Dieu ! »

 L. Il y avait aussi des femmes, qui observaient de loin, et parmi elles, Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques le Petit et de José, et Salomé, qui suivaient Jésus et le servaient quand il était en Galilée, et encore beaucoup d’autres, qui étaient montées avec lui à Jérusalem. Déjà il se faisait tard ; or, comme c’était le jour de la Préparation, qui précède le sabbat, Joseph d’Arimathie intervint. C’était un homme influent, membre du Conseil, et il attendait lui aussi le règne de Dieu. Il eut l’audace d’aller chez Pilate pour demander le corps de Jésus. Pilate s’étonna qu’il soit déjà mort ; il fit appeler le centurion, et l’interrogea pour savoir si Jésus était mort depuis longtemps. Sur le rapport du centurion, il permit à Joseph de prendre le corps. Alors Joseph acheta un linceul, il descendit Jésus de la croix, l’enveloppa dans le linceul et le déposa dans un tombeau qui était creusé dans le roc. Puis il roula une pierre contre l’entrée du tombeau.
Or, Marie Madeleine et Marie, mère de José, observaient l’endroit où on l’avait mis.
Patrick BRAUD

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28 janvier 2024

Sacrée belle-mère !

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Sacrée belle-mère !

 

Homélie pour le 5° Dimanche du Temps ordinaire  /  Année B 

04/02/2024

 

Cf. également :
Bonheur à moi si j’annonce l’Évangile !
Des sommaires pas si sommaires
Sortir, partir ailleurs…
Avec Job, faire face à l’excès du mal
Vers un diaconat féminin ?
Conjuguer Pâques au passif
La Résurrection est un passif
Recevoir de se recevoir

 

La matrone de Capharnaüm

Blague - Sacrée Belle-mèreCe pourrait être une blague belge :

– Pourquoi Pierre a-t-il trahi Jésus, trois fois ?

– Parce qu’il a guéri sa belle-mère, une fois…

Les belles-mères ont mauvaise réputation, c’est bien connu ! C’est sans doute freudien : une histoire de rivalité d’attachements possessifs…

Mais dans l’Évangile de Marc, la belle-mère est carrément une icône, un modèle pour la communauté croyante. À l’image de l’autre belle-mère célèbre dans la Bible – Noémi – qui a accueilli chez elle Ruth l’étrangère de Moab lorsque celle-ci est devenue veuve. C’est grâce à sa belle-mère que Ruth put épouser Booz, devenir juive, et incarner ainsi l’une des plus belles figures d’Israël à tel point qu’un livre de la Bible lui est entièrement dédié. Comme Noémi, la belle-mère de Pierre a accueilli chez elle sa fille, sans doute parce que le couple avait besoin d’une habitation près du lac où Pierre exerçait son métier de pêcheur. Le premier pape était donc marié [1], comme tout bon juif adulte qui se respecte (Jésus en restant célibataire est hors normes, voire choquant). Plus tard, il emmènera sa femme lors de ses missions, comme l’atteste Paul (marié également, mais qui lui s’est sans doute séparé de sa femme pour ses voyages missionnaires) : « N’aurions-nous pas le droit d’emmener avec nous une femme croyante, comme les autres apôtres, les frères du Seigneur et Pierre ? » (1Co 9,5). La tradition attribue même à Pierre une fille nommée Pétronille, honorée comme martyre dans la catacombe romaine de Domitille, puis au sein même de la basilique Saint-Pierre.

 

La belle-mère de Pierre assumait donc la vie ordinaire de cette petite famille chez elle, et en plus elle assurait l’intendance régulièrement pour le groupe des disciples qui venaient manger et se réunir chez elle.

 

Mettons-nous donc dans la peau de cette belle-mère iconique, en éprouvant pour nous-mêmes les étapes de son parcours à Capharnaüm. Suivons-la avec les 4 qualificatifs qui jalonnent son parcours : elle est successivement alitée / fiévreuse / relevée / servante.

 

Alitée

Sacrée belle-mère ! dans Communauté spirituelle agyhoz-kotott-betegRappelez-vous quand vous avez été obligé de rester au lit : à cause d’une grippe, du Covid, après une opération, parce que vous étiez exténué etc. Être alité est signe d’une faiblesse généralisée, où l’on ne tient plus sur ses pieds. Comme le paralysé couché sur son brancard (Mc 2,4), comme les foules des malades couchés sous les colonnades de la piscine de Bethzatha (Jn 5,2-3), la belle-mère de Pierre est momentanément impotente, incapable de faire quoi que ce soit par elle-même, sinon garder le lit.

 

Nous avons tous de ces périodes où le corps dit : ‘stop’, où l’esprit exige de s’arrêter pour récupérer. Je me souviens d’un ami hospitalisé après une prothèse de hanche. Il trouvait le temps long, trop long, lui d’habitude si actif. Je lui ai dit, avec le plus de douceur possible : « mon ami, c’est le moment d’expérimenter ta radicale inutilité… » 

Conseil un peu scandaleux dans un monde où chacun se définit par ce qu’il fait. Et plus il fait, plus il existe aux yeux de tous. Mais voilà que la maladie ou autre motif de faiblesse oblige à être passif, alité (professionnellement, socialement, spirituellement etc.). Comment dès lors continuer à se définir par ses titres, ses cartes de visite, ses missions importantes ? Ce serait risquer de condamner tous les inutiles à être sans valeur : handicapés, malades psychiatriques, seniors trop âgés, et tous ceux qui ne peuvent ‘rien faire’ aux yeux de l’activisme ambiant.

Apprendre à être alité fait donc partie de la maturité spirituelle. Il s’agit de ne pas s’attacher à ses œuvres (réussite professionnelle, famille, responsabilité, réalisations diverses). La faiblesse de la belle-mère de Pierre nous sera salutaire si elle nous libère de la vanité d’exister par nous-même.

 

Et vous, quand avez-vous été alité d’une manière ou d’une autre ? Qu’est-ce cela vous a appris sur votre ‘radicale inutilité’ ?

 

Fiévreuse

coloriage-fievre-dl11754 belle-mère dans Communauté spirituelleLa fièvre est plus qu’une fièvre dans la Bible. À travers la poussée de température, elle y voit la symbolique du feu dévorant des passions humaines consumant chacun dans des convoitises épuisantes. En hébreu, le mot fièvre קַדַּחַת qaddachath vient de קָדַח qadach qui veut dire brûler comme un feu : feu de bois qui flambe (Dt 32,22 ; Is 50,11 ; 64,2), c’est également le feu de la colère de Dieu (Dt 32,22 ; Jr 15,14 ; 17,4).

De plus, le mot belle-mère en hébreu se dit חָמוֹת (chamowth) qui vient de la racine חָם (cham) signifiant beau-père mais également chaud, bouillant :

« Voyez notre pain : il était encore chaud (cham) quand nous en avons fait provision… » (Jos 9,12). « Toi, dont les habits sont trop chauds (cham)  quand repose la terre au vent du midi… » (Jb 37,17).

La belle-mère brûle donc ‘par nature’ pourrait-on dire avec humour : les beaux-parents ont toujours une certaine difficulté à laisser leur fille partir avec un autre… C’est chaud-bouillant !

 

En tout cas cette fièvre est symbole de jalousie et d’amertume.

Fiévreuse, la belle-mère de Pierre est la figure de notre humanité en proie au feu intérieur du désir d’avoir toujours plus : plus de richesse, plus de pouvoir, plus de reconnaissance etc. Cette soif inextinguible se trompe de cible : elle nous fait brûler pour des idoles alors que la vraie libération est de brûler nos idoles, comme Moïse a brûlé le veau d’or au désert pour affranchir les hébreux de son esclavage. Et Moïse les a forcés à boire les cendres du veau d’or fondu (« Il se saisit du veau qu’ils avaient fait, le brûla, le réduisit en poussière, qu’il répandit à la surface de l’eau. Et cette eau, il la fit boire aux fils d’Israël » Ex 32,20), pour que « la fièvre de l’or » ne les consume plus et qu’ils en soient dégoûtés à jamais.

 

Jésus en guérissant la belle-mère de Pierre nous libère de nos fièvres intérieures, de nos passions brûlantes d’un désir mal orienté.

 

Et vous : de quoi êtes-vous fiévreux en ce moment ?

 

Relevée

2021-02-07-Hitda-EvangeliarHeilungSchwiegermutter-Guerison-belle-mere-de-Pierre-731x1024 CapharnaümMarc fait exprès d’inverser les moments logiques de la guérison. Normalement, Jésus aurait dû prendre la belle-mère par la main avant de la relever. Là c’est l’inverse : « il la fit se lever / en lui prenant la main ». C’est pour souligner la primauté de la résurrection : le verbe se lever (γερω = egeirō) est celui que Marc et les évangélistes emploient pour la résurrection de Jésus : « Dieu l’a relevé d’entre les morts » (Ac 13,30). « Christ s’est levé d’entre les morts » (Rm 6,4). La belle-mère est la figure du disciple parce qu’elle est ressuscitée, gratuitement, et se conduit ensuite comme telle. Mais le don de la résurrection est premier.

Elle ne demande rien. Elle n’a rien fait pour mériter cela. Jésus la guérit sans conditions. Rien n’est dit sur la qualité de sa foi, ni de ses œuvres avant. Jésus lui offre son secours gratuitement, inconditionnellement. Telle est la chance du chrétien, ressuscité par grâce pour porter du fruit. Autrement dit, les bonnes œuvres viennent après le don reçu, comme une conséquence et non pas avant comme une condition.

 

Être chrétien est donc d’abord un passif : se laisser aimer, recevoir le don de la résurrection dès maintenant, accepter d’être guéri au lieu de vouloir se guérir soi-même. C’est cependant un passif actif : la belle-mère saisit la main tendue. Elle l’agrippe. Elle se remet sur pieds et aussitôt se met à servir la petite communauté qui squatte chez elle. Marie est d’ailleurs le plus bel exemple de cette passivité active, elle qui accueille le don de la vie en son sein et y coopère de toutes ses forces.

 

À nous de redécouvrir sans cesse le bon ordre de la séquence : résurrection–œuvres, salut reçu–charité donnée, afin d’accomplir les œuvres que Dieu veut et non les nôtres.

 

Et vous : que pourrait signifier ‘être ressuscité’ pour vous dès maintenant ? Qu’est-ce que cela changerait dans les chantiers que vous menez ?

 

Servante

diaconessesDiaconesse serait le mot exact : elle les servait (ιακονω = diakoneō). Comme, juste avant,  les anges servaient le Christ au désert selon Mc 1,13 : « dans le désert, il resta quarante jours, tenté par Satan. Il vivait parmi les bêtes sauvages, et les anges le servaient ». En servant le corps du Christ qui est la communauté, la belle-mère est l’ange de l’Église…

Comme seules les femmes savent le faire jusqu’au bout : « Il y avait aussi des femmes, qui observaient de loin, et parmi elles, Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques le Petit et de José, et Salomé, qui suivaient Jésus et le servaient quand il était en Galilée, et encore beaucoup d’autres, qui étaient montées avec lui à Jérusalem » (Mc 15,40-41).

Servir est la vraie manière d’être configuré au Christ, « car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Mc 10,45). Ce sont les quatre seuls usages du verbe servir chez Marc.

 

Normalement la fièvre, même après avoir baissé, laisse le malade affaibli. Pourtant la belle-mère de Pierre n’eut pas besoin de prendre un temps de repos pour retrouver toutes ses forces. Cette guérison immédiate est typique des miracles de Jésus : il s’agit toujours d’une restauration totale et immédiate des forces et de la santé. Ce que Dieu ressuscite  est plus neuf que le neuf !

Pour la belle-mère de Pierre, comme pour nous, la reconnaissance se manifeste dans le service. Le temps employé (l’aoriste = un imparfait qui se prolonge) implique une action qui dure, et non un service occasionnel. C’est donc que la belle-mère de Pierre remplit longtemps cet office : servir l’Église, à travers Jésus et les Douze.

La diaconie du Christ-serviteur trouve dès le début de l’Évangile une figure féminine pour l’incarner : la belle-mère de Pierre, première diaconesse en quelque sorte !, en tout cas la première dans l’Évangile de Marc à servir Jésus et ses disciples, juste après les anges….

De quoi renouveler la réflexion sur le diaconat féminin, dont le Nouveau Testament et les Pères de l’Église gardent une trace bien vivante pendant plusieurs siècles.

 

Recevoir la vie de ressuscité en plénitude se manifeste donc aussitôt par le service. C’est un indicateur précieux pour discerner si je progresse dans la mise en œuvre du don reçu : servir est-il pour moi un vrai bonheur, une évidence intérieure, une seconde nature ? ou un devoir, une performance, une preuve à donner ?

 

Notons que c’est un jour de shabbat que la guérison a eu lieu : cela n’empêche pas la belle-mère de reprendre son rôle de matrone de Capharnaüm en allumant le feu et en remuant chaudrons et ustensiles pour la communauté, toutes activités interdites le jour du shabbat. La résurrection affranchit du shabbat. Ce n’est plus l’observance de la Loi qui compte, mais la force de la reconnaissance pour le salut offert.

 

Servir ainsi n’est pas forcément multiplier les actions en volume. C’est plutôt une qualité de relation, une façon d’être.

Servir n’est pas une question de quantité. La grâce n’est pas stakhanoviste ! Bernadette Soubirous a passé des années à Nevers à accomplir les tâches ménagères de son couvent avec amour, sans rien faire d’extraordinaire, mais en servant, par reconnaissance, par amour, jusque dans sa maladie où elle était ‘radicalement inutile’. Et c’est pour cela qu’elle a été reconnue sainte, pas pour ses visions à Lourdes.

 

Et vous : votre désir de servir est-il hypertendu, forcé, dicté par un surmoi exigeant ? Ou découle-t-il avec simplicité de votre expérience spirituelle intérieure ?

 

Alitée, fiévreuse, relevée, servante : la belle-mère de Pierre, c’est vous, c’est moi, c’est nous. Elle est la figure du disciple qui a conscience du présent offert, et en tire toutes les conséquences.

À nous de saisir la main tendue…

 __________________________________________

[1]. Selon Eusèbe de Césarée, citant saint Clément d’Alexandrie, l’épouse de Pierre serait morte martyre avant son mari. Il l’assista et l’encouragea dans l’épreuve (Histoire Ecclésiastique, 3, ch. 30).

 

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Je ne compte que des nuits de souffrance » (Jb 7, 1-4.6-7)

Lecture du livre de Job
Job prit la parole et dit : « Vraiment, la vie de l’homme sur la terre est une corvée, il fait des journées de manœuvre. Comme l’esclave qui désire un peu d’ombre, comme le manœuvre qui attend sa paye, depuis des mois je n’ai en partage que le néant, je ne compte que des nuits de souffrance. À peine couché, je me dis : “Quand pourrai-je me lever ?” Le soir n’en finit pas : je suis envahi de cauchemars jusqu’à l’aube. Mes jours sont plus rapides que la navette du tisserand, ils s’achèvent faute de fil. Souviens-toi, Seigneur : ma vie n’est qu’un souffle, mes yeux ne verront plus le bonheur. »

PSAUME
(Ps 146 (147a), 1.3, 4-5, 6-7)
R /  Bénissons le Seigneur qui guérit nos blessures ! ou : Alléluia ! (Ps 146, 3)

Il est bon de fêter notre Dieu,
il est beau de chanter sa louange :
il guérit les cœurs brisés
et soigne leurs blessures.

Il compte le nombre des étoiles,
il donne à chacune un nom ;
il est grand, il est fort, notre Maître :
nul n’a mesuré son intelligence.

Le Seigneur élève les humbles
et rabaisse jusqu’à terre les impies.
Entonnez pour le Seigneur l’action de grâce,
jouez pour notre Dieu sur la cithare !

DEUXIÈME LECTURE
« Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile ! » (1 Co 9, 16-19.22-23)

Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens
Frères, annoncer l’Évangile, ce n’est pas là pour moi un motif de fierté, c’est une nécessité qui s’impose à moi. Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile ! Certes, si je le fais de moi-même, je mérite une récompense. Mais je ne le fais pas de moi-même, c’est une mission qui m’est confiée. Alors quel est mon mérite ? C’est d’annoncer l’Évangile sans rechercher aucun avantage matériel, et sans faire valoir mes droits de prédicateur de l’Évangile. Oui, libre à l’égard de tous, je me suis fait l’esclave de tous afin d’en gagner le plus grand nombre possible. Avec les faibles, j’ai été faible, pour gagner les faibles. Je me suis fait tout à tous pour en sauver à tout prix quelques-uns. Et tout cela, je le fais à cause de l’Évangile, pour y avoir part, moi aussi.

ÉVANGILE
« Il guérit beaucoup de gens atteints de toutes sortes de maladies » (Mc 1, 29-39)
Alléluia. Alléluia. Le Christ a pris nos souffrances, il a porté nos maladies. Alléluia. (Mt 8, 17)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc
En ce temps-là, aussitôt sortis de la synagogue de Capharnaüm, Jésus et ses disciples allèrent, avec Jacques et Jean, dans la maison de Simon et d’André. Or, la belle-mère de Simon était au lit, elle avait de la fièvre. Aussitôt, on parla à Jésus de la malade. Jésus s’approcha, la saisit par la main et la fit lever. La fièvre la quitta, et elle les servait.
Le soir venu, après le coucher du soleil, on lui amenait tous ceux qui étaient atteints d’un mal ou possédés par des démons. La ville entière se pressait à la porte. Il guérit beaucoup de gens atteints de toutes sortes de maladies, et il expulsa beaucoup de démons ; il empêchait les démons de parler, parce qu’ils savaient, eux, qui il était.
Le lendemain, Jésus se leva, bien avant l’aube. Il sortit et se rendit dans un endroit désert, et là il priait. Simon et ceux qui étaient avec lui partirent à sa recherche. Ils le trouvent et lui disent : « Tout le monde te cherche. » Jésus leur dit : « Allons ailleurs, dans les villages voisins, afin que là aussi je proclame l’Évangile ; car c’est pour cela que je suis sorti. »
Et il parcourut toute la Galilée, proclamant l’Évangile dans leurs synagogues, et expulsant les démons.
Patrick BRAUD

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