L'homélie du dimanche (prochain)

8 septembre 2012

Effata : la Forteresse vide

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Effata : la Forteresse vide

Homélie du 23° Dimanche du temps ordinaire / Année B
09/09/12

La forteresse vide par BettelheimMalgré les excès du tout-psychologique dans lesquels il est lui-même tombé, il faut relire Bruno Bettelheim, psychanalyste américain. Et notamment son livre-phare : « La Forteresse vide » où il raconte la renaissance lente et laborieuse d’une enfant nommée Marcia.
Marcia était arrivée dans le centre spécialisé tenu par Bettelheim alors qu’elle était autiste, c’est-à-dire gravement murée en elle-même, ne faisant pas la différence entre les choses et les gens autour d’elle, ne pouvant ni écouter, ni parler. Un petit animal en somme, incapable d’entrer en relation humaine avec d’autres êtres humains. En fait, une personnalité blessée qui s’était construite des remparts pour ne pas vivre ; une forteresse vide. Et puis, peu à peu, grâce à beaucoup d’amour et de confiance, à beaucoup de compétences aussi, ces défenses, ces murailles sont tombées quand elle a commencé à mimer, à gestuer les évènements de sa vie qui l’avaient blessée. Et puis la parole est venue, signe d’une guérison profonde, d’une renaissance étonnante.

N’allez pas vous rassurer trop vite en vous disant que ce n’est qu’un cas extrême, un cas particulier ! Non : la folie de quelques uns nous révèle des tendances inconscientes qui nous habitent tous. Les statistiques nous apprennent que bientôt en Occident 1/3 des hospitalisations seront des hospitalisations pour raisons mentales. En suivant des amis en dépression, en allant rendre visite à d’autres amis en hôpital psychiatrique, chacun de nous sera un jour ou l’autre impressionné et effrayé par ce nouveau cancer, plus terrible encore que les maladies physiques. À la racine de ces maladies mentales, il y a souvent des difficultés de la relation : pouvoir entendre, pouvoir parler, être écouté.

Pouvoir parler, pouvoir écouter la parole d’un Autre : voilà ce qui est au centre de l’Évangile d’aujourd’hui.

C’est bien plus qu’une guérison physique que Jésus opère en rendant au sourd-muet la capacité d’écouter et de parler. Cette guérison est le signe que la foi chrétienne est l’invitation à vivre au maximum, à être au maximum ouvert aux autres, et d’abord à Dieu, le Tout-Autre, en écoutant sa Parole et en annonçant la Bonne Nouvelle. En plaçant ce signe en pleine Décapole, c’est-à-dire en territoire grec, païen, l’évangéliste Marc préfigure l’ouverture des cultures païennes à l’annonce de l’Évangile lorsque plus tard Paul et les autres apôtres sillonneront la Méditerranée.

Pour nous la guérison physique du sourd-muet est l’image de la guérison la plus profonde du handicap intérieur qui gangrène l’Occident : ne plus savoir écouter, ne plus savoir parler. La fermeture de l’esprit, du coeur, de la conscience, de l’action. La sagesse populaire sait bien qu’il n’y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Nous sommes handicapés quand – aveugles - le succès nous éblouit, ou quand la colère ou la mauvaise foi nous aveuglent. Nous sommes sourds quand nous n’écoutons que les mêmes personnes, les mêmes journaux, ou quand nous n’entendons pas le cri des pauvres. Nous sommes muets quand nous refusons d’encourager, de consoler, de défendre, quand nous taisons la difficile vérité. Le monde peut être aveugle à la misère du Tiers-Monde, sourds à ses appels à l’aide. L’Église elle-même, comme nous le rappelait la lettre de St Jacques, peut être muette quand elle ne dénonce pas les injustices sociales ou qu’elle privilégie les riches au détriment des pauvres.

Autour de nous, combien de gens souffrent de la solitude : serons-nous sourds à leurs cris de détresse, à leurs appels au secours ? Chaque été en France, des gens meurent seuls chez eux ; parfois leur corps n’est découvert que bien longtemps après. Une telle solitude est-elle humaine ? Et nous-mêmes, avons-nous la simplicité d’appeler au secours, de demander à d’autres frères chrétiens de nous écouter, de nous aider à parler, à dire notre souffrance ? Nos communautés chrétiennes, nos équipes, nos assemblées du Dimanche devraient être ces lieux où Jésus ressuscité continue de guérir les sourds et les muets que nous sommes.

Oui, créer des lieux fraternels où l’on puisse vraiment communiquer, parler et s’écouter, voilà à quoi nous provoque aujourd’hui cette guérison du sourd-muet : nous sommes le Corps du Christ ; le souffle de l’Esprit habite en nous. Il veut que par nos mains, son Église continue de guérir toutes les formes de surdité et de mutisme qui défigurent nos lieux de vie : école, lycée, quartier, bureau, usine, famille ?

 

Effata : ouvre-toi ! Parole transmise en araméen pour mieux lui conserver sa force originelle.

Effata : ouvre-toi ! Ne cessez pas de communiquer entre vous, par la parole, l’action, les gestes, les regards.

Effata : ouvre-toi ! Manifeste ton amour, manifeste aussi ta souffrance, car une blessure qui ne se dit pas est pire que la mort. Trouver les mots pour la dire est déjà l’amorce de la guérison intérieure, pour peu que le cri soit écouté.

Effata : ouvre-toi ! Ne cessez jamais de vous ouvrir l’un à l’autre, de vous accueillir, d’accueillir vos enfants, vos amis, vos parents ; car le visage aimé est d’une telle profondeur que la plus grande joie est justement de ne jamais épuiser son mystère.

Effata : ouvre-toi ! Sors de toi-même pour accueillir l’autre, le Tout-Autre. Brise la coquille de ton narcissisme qui te fait habiter à l’ombre de la mort.

Le Christ lui est le Verbe de Dieu : Parole faite chair pour que notre chair puisse parler. Par lui, avec lui et en lui, en entrant dans son eucharistie, ouvre-toi, quitte ta surdité et ton mutisme.

Ouvre-toi, sors des forteresses vides qui sont en toi, et deviens à l’image du Christ une table offerte à tous où il fait bon s’écouter et parler ensemble.

 

 

1ère lecture : Les merveilles du salut à venir (Is 35, 4-7a)
Lecture du livre d’Isaïe

Dites aux gens qui s’affolent : « Prenez courage, ne craignez pas. Voici votre Dieu : c’est la vengeance qui vient, la revanche de Dieu. Il vient lui-mêmeet va vous sauver. »
Alors s’ouvriront les yeux des aveugles et les oreilles des sourds.
Alors le boiteux bondira comme un cerf, et la bouche du muet criera de joie. L’eau jaillira dans le désert, des torrents dans les terres arides.
Le pays torride se changera en lac ; la terre de la soif en eaux jaillissantes.

Psaume : 145, 7, 8, 9ab.10b

R/ Je te chanterai, Seigneur, tant que je vivrai.

Le Seigneur fait justice aux opprimés ;
aux affamés, il donne le pain ;
le Seigneur délie les enchaînés.

Le Seigneur ouvre les yeux des aveugles,
le Seigneur redresse les accablés,
le Seigneur aime les justes.

Le Seigneur protège l’étranger.
Il soutient la veuve et l’orphelin.

Le Seigneur est ton Dieu pour toujours !

2ème lecture : La dignité des pauvres dans l’Église (Jc 2, 1-5)
Lecture de la lettre de saint Jacques

Mes frères, ne mêlez pas des considérations de personnes avec la foi en Jésus Christ, notre Seigneur de gloire.
Imaginons que, dans votre assemblée, arrivent en même temps un homme aux vêtements rutilants, portant des bagues en or, et un homme pauvre aux vêtements sales.
Vous vous tournez vers l’homme qui porte des vêtements rutilants et vous lui dites : « Prends ce siège, et installe-toi bien » ; et vous dites au pauvre : « Toi, reste là debout », ou bien : « Assieds-toi par terre à mes pieds ».
Agir ainsi, n’est-ce pas faire des différences entre vous, et juger selon des valeurs fausses ?
Écoutez donc, mes frères bien-aimés ! Dieu, lui, n’a-t-il pas choisi ceux qui sont pauvres aux yeux du monde ? Il les a faits riches de la foi, il les a faits héritiers du Royaume qu’il a promis à ceux qui l’auront aimé.

Evangile : Guérison d’un sourd-muet (Mc 7, 31-37)
Acclamation :
 Alléluia. Alléluia. Jésus proclamai la Bonne Nouvelle du Royaume et guérissait son peuple de toute maladie. Alléluia. (cf. Mt 4, 23)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Jésus quitta la région de Tyr ; passant par Sidon, il prit la direction du lac de Galilée et alla en plein territoire de la Décapole.
On lui amène un sourd-muet, et on le prie de poser la main sur lui.
Jésus l’emmena à l’écart, loin de la foule, lui mit les doigts dans les oreilles, et, prenant de la salive, lui toucha la langue.
Puis, les yeux levés au ciel, il soupira et lui dit : « Effata ! », c’est-à-dire : « Ouvre-toi ! »
Ses oreilles s’ouvrirent ; aussitôt sa langue se délia, et il parlait correctement.
Alors Jésus leur recommanda de n’en rien dire à personne ; mais plus il le leur recommandait, plus ils le proclamaient.
Très vivement frappés, ils disaient : « Tout ce qu’il fait est admirable : il fait entendre les sourds et parler les muets. »
Patrick Braud

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18 août 2012

Manquez, venez, quittez, servez

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Manquez, venez, quittez, suivez

 

Homélie du XX° dimanche ordinaire / Année B
19 Août 2012

 

Le livre des Proverbes (9,1-6) apparaît comme une préfiguration de l’invitation eucharistique de l’évangile de ce dimanche (Jn 6,51- 58). La Sagesse personnifiée peut s’interpréter comme l’annonce du Christ invitant au festin, mais également l’Esprit Saint qui remplit nos coeurs de la sobre ivresse eucharistique (cf. la deuxième lecture : Ep 5,15-20).

Les verbes qu’utilise la Sagesse pour lancer ses invitations au banquet résonnent comme autant d’étapes de notre propre chemin spirituel : manquez, venez, quittez, suivez.

 

Manquez

« Si vous manquez de sagesse… »

La première étape est bien d’accepter de manquer.

Reconnaître qu’il y a dans ma vie un manque impossible à combler par moi-même. Être en Manquez, venez, quittez, servez dans Communauté spirituelle 4503_viderecherche d’une sagesse plus haute que les règles de vie ordinaire (manger, boire, dormir, aimer sa famille, travailler). Cette acceptation du manque demande une vraie lucidité, et un refus obstiné des ersatz de sagesse qui pullulent autour de nous. Les faux gourous vous promettent tous du bonheur immédiat, que ce soit à travers des régimes miracles pour perdre du poids, des cures plus ou moins psy ou bio ou les deux, supposées vous libérer et vous purifier, des promotions commerciales à ne pas rater qui nous font courir après des étiquettes, les soi-disant recettes d’épanouissement personnel ou de coaching supposés vous prendre en main…

Manquer de sagesse c’est refuser de se laisser soi-disant combler par les marchands de besoins immédiats. Manquer de sagesse, c’est s’ouvrir aux interrogations les plus fondamentales et avoir envie de se mettre en recherche. Manquer de sagesse est en ce sens le début de la sagesse.

L’invitation de la Sagesse est proclamée sur les hauteurs de la cité, pour atteindre tous les habitants, à la manière d’un haut-parleur de mosquée, d’une volée de cloches de cathédrale ou de lâcher de tracts d’un avion publicitaire ! Voilà une autre caractéristique de la sagesse biblique : elle est pour tous. Elle n’est pas élitiste, réservée à quelques happy few. Elle n’est pas ésotérique, se dissimulant derrière de fausses connaissances compliquées : elle est explicite, simple, s’adressant aux pauvres comme aux riches, aux banlieues comme aux centres-villes.

Venez

« Si vous manquez de sagesse, venez à moi ! »

L’impératif porte ici sur la mise en mouvement ; l’acceptation du manque crée le désir, et 20061120001006_marcher pain dans Communauté spirituelle

le désir met en mouvement tout l’être pour chercher celui que le désir indique. Venir à la sagesse, c’est là encore refuser l’immobilisme de celui qui est trop installé dans l’existence pour chercher autre chose que ce qu’il possède déjà. Et comme le désir souvent est aveugle, la sagesse prend soin de préciser : « venez à moi ! » Orienter notre marche vers quelqu’un et non pas vers quelque chose, fut-ce le bonheur lui-même, car la Sagesse en personne est plus grande que le bonheur.

Venir vers quelqu’un : c’est l’enfant qui lâche les bras de sa mère pour faire ses premiers pas vers quelqu’un qui lui sourit deux mètres plus loin ; c’est l’amoureux qui court vers le visage aimé en descendant du train ; c’est le vieillard qui prépare sa chambre pour la visite de sa famille ; c’est le renard qui habille son coeur pour le rendez-vous avec le petit prince…

Il s’agit dans le texte des Proverbes de venir vers la Sagesse pour manger son pain et boire son vin : pour se réjouir donc, pour se nourrir de sa parole et de sa présence, pour habiter la louange en goûtant la saveur d’être en communion avec elle. Exactement comme pour le repas eucharistique, dont le but est de jouir de la présence du Christ au plus intime de moi, présence dont le pain et le vin sont les symboles efficaces.

Après le manque, c’est donc le mouvement du chemin à prendre qui est la deuxième étape de la sagesse.

Quittez

« Quittez votre folie et vous vivrez ».

En cours de route, on s’aperçoit vite de ce qu’on a laissé derrière soi. Les hébreux ont 7553877-symbole-du-signe-de-quitter-fire-isole-sur-red-chef-droit sagesse

très vite regretté les marmites de viande savoureuse qui remplissaient leurs ventres d’esclaves en Égypte : sur le chemin de l’Exode, ils ont eu du mal à quitter leur addiction aux idoles ; ils ont mis 40 ans à renoncer à leur folie païenne. Et l’histoire montrera qu’ils vont rechuter encore et encore, même après l’entrée triomphale en Terre promise.

Quitter sa folie est une entreprise de longue haleine. Prendre la route vers plus de sagesse ne suffit pas. Ce serait une illusion de croire que la recherche suffit à être libre de toute folie antérieure. À la manière d’un fumeur invétéré qui se fait aider par des patchs et un suivi médical régulier pour arrêter de consommer du poison, celui qui se met en quête de sagesse aura intérêt à se faire aider pour quitter réellement ses folies antérieures. Un accompagnateur spirituel, le soutien d’une communauté chrétienne, la force des sacrements sont la nourriture ordinaire pour tenir bon sur ce chemin de notre libération intérieure.

Savoir quitter est tout un art : savoir ce qu’il faut quitter, comment le faire et à quel moment.

Quitter sa folie : pour certains ce sera mettre un terme à une relation extraconjugale devenant destructrice ; pour d’autres couper court à une addiction dangereuse (alcool, drogue, argent, réussite, informatique… !) ; pour d’autres encore arrêter de courir de régime en thérapie douteuse, d’achats compulsifs en agitation mondaine etc. Quitter une vie sans but est le début de la renaissance. « Quittez votre folie et vous vivrez » nous promet la Sagesse.

Écoutez ceux qui nous racontent leur métamorphose : lorsqu’ils ont largué leurs amarres de folie, ils ont expérimenté un profond sentiment de renaissance. Vivre, enfin vivre…

Suivez

« Suivez le chemin de l’intelligence ».

Quitter pour aller vers la Sagesse demande de trouver le bon itinéraire. Tel le GPS qui wydcrosssydney

vous propose l’itinéraire le plus rapide d’une destination à une autre, « l’intelligence » sera votre guide. Il faut là encore accepter de suivre un guide, et de ne pas s’autoproclamer indépendant : le disciple n’est pas au-dessus de son maître. Il doit d’abord accepter de suivre, au lieu de s’égarer à se suivre lui-même. Il doit ensuite choisir l’intelligence comme guide. Quelle est cette intelligence ? On pense à « l’intelligence des Écritures » (Luc 24) à laquelle le Christ ressuscité ouvre les disciples d’Emmaüs. On pense à l’intelligence du coeur qui donne de discerner ce qui est important et ce qui l’est moins.

Manquez, venez, quittez, suivez : que ces invitations – impératives ! – résonnent en nous comme autant d’étapes à parcourir vers plus de sagesse dans nos choix et nos priorités.

 

1ère lecture : Le banquet de la Sagesse (Pr 9, 1-6)
Lecture du livre des Proverbes

La Sagesse a bâti sa maison, elle a sculpté sept colonnes.
Elle a tué ses bêtes, apprêté son vin, dressé sa table, et envoyé ses servantes. Elle proclame sur les hauteurs de la cité : « Si vous manquez de sagesse, venez à moi ! »
À l’homme sans intelligence elle dit : « Venez manger mon pain, et boire le vin que j’ai apprêté ! Quittez votre folie et vous vivrez, suivez le chemin de l’intelligence. »

Psaume : 33, 2-3, 10-11, 12-13, 14-15

R/ Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur !

Je bénirai le Seigneur en tout temps,
sa louange sans cesse à mes lèvres.
Je me glorifierai dans le Seigneur :
que les pauvres m’entendent et soient en fête !

Saints du Seigneur, adorez-le : 
rien ne manque à ceux qui le craignent.
Des riches ont tout perdu, ils ont faim ; 
qui cherche le Seigneur ne manquera d’aucun bien.

Venez, mes fils, écoutez-moi, 
que je vous enseigne la crainte du Seigneur.
Qui donc aime la vie 
et désire les jours où il verra le bonheur ?

Garde ta langue du mal 
et tes lèvres des paroles perfides.
Évite le mal, fais ce qui est bien, 
poursuis la paix, recherche-la.

2ème lecture : Vivre en chrétiens dans l’action de grâce (Ep 5, 15-20)
Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Éphésiens

Frères, prenez bien garde à votre conduite : ne vivez pas comme des fous, mais comme des sages.
Tirez parti du temps présent, car nous traversons des jours mauvais.
Ne soyez donc pas irréfléchis, mais comprenez bien quelle est la volonté du Seigneur.
Ne vous enivrez pas, car le vin porte à la débauche. Laissez-vous plutôt remplir par l’Esprit Saint.
Dites entre vous des psaumes, des hymnes et de libres louanges, chantez le Seigneur et célébrez-le de tout votre c?ur.
À tout moment et pour toutes choses, rendez grâce à Dieu le Père, au nom de notre Seigneur Jésus Christ.

Evangile : Jésus est la vraie nourriture (Jn 6, 51-58)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Les yeux sur toi, Seigneur, tous espèrent, et tu leur donnes la nourriture au temps voulu : la chair et le sang de l’Agneau immolé. Alléluia. (cf. Ps 144, 15)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

Jésus disait à la foule : « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie. »
Les Juifs discutaient entre eux : « Comment cet homme-là peut-il nous donner sa chair à manger ? »
Jésus leur dit alors : « Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’aurez pas la vie en vous.
Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour.
En effet, ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson.
Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi je demeure en lui.
De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même aussi celui qui me mangera vivra par moi.

Tel est le pain qui descend du ciel : il n’est pas comme celui que vos pères ont mangé. Eux, ils sont morts ; celui qui mange ce pain vivra éternellement. »  
Patrick Braud

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11 août 2012

Traverser la dépression : le chemin d’Elie

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LE MAL DE VIVRE (BARBARA)

Ça ne prévient pas quand ça arrive, ça vient de loin.
Ça s’est promené de rive en rive, la gueule en coin.
Et puis un matin, au réveil, c’est presque rien
Mais c’est là, ça vous ensommeille au creux des reins.

Le mal de vivre, le mal de vivre qu’il faut bien vivre, vaille que vivre.

On peut le mettre en bandoulière ou comme un bijou à la main
Comme une fleur en boutonnière ou juste à la pointe du sein.
Ce n’est pas forcément la misère, c’est pas Valmy, c’est pas Verdun
Mais c’est des larmes aux paupières au jour qui meurt, au jour qui vient.

Le mal de vivre, le mal de vivre qu’il faut bien vivre, vaille que vivre.

Qu’on soit de Rome ou d’Amérique, qu’on soit de Londres ou de Pékin
Qu’on soit d’Égypte ou bien d’Afrique, de la porte Saint-Martin
On fait tous la même prière, on fait tous le même chemin.
Qu’il est long lorsqu’il faut le faire avec son mal au creux des reins.
Ils ont beau vouloir nous comprendre
Ceux qui nous viennent les mains nues
Nous ne voulons plus les entendre, on ne peut pas, on n’en peut plus.
Et tous seuls dans le silence d’une nuit qui n’en finit plus
Voilà que soudain on y pense à ceux qui n’en sont pas revenus.

Du mal de vivre, leur mal de vivre
Qu’il faut bien vivre, vaille que vivre.

Et sans prévenir, ça arrive, ça vient de loin.
Ça s’est promené de rive en rive, le rire en coin.
Et puis un matin, au réveil, c’est presque rien
Mais c’est là, ça vous émerveille, au creux des reins.

La joie de vivre, la joie de vivre, qu’il faut bien vivre, la joie de vivre.

Traverser la dépression : le chemin d’Élie

Homélie du 19° dimanche / Année B
12/08/12

C’est qu’il nous fait une vraie déprime, en bonne et due forme, notre brave Élie ! Une vraie plongée dans le « mal de vivre » que chantait si bien Barbara dans les années 60.

Comparez les symptômes de 1R 19,4-8 avec ce que vous pouvez observer chez des personnes dépressives autour de vous.

 

LA PLONGÉE DÉPRESSIVE

La fuite

« Le prophète Élie, fuyant… »

 Un prophète en fuite, ce n’est pas très glorieux.

D’autant qu’il vient juste d’affronter avec courage et brio une armée de faux prophètes de Baal qu’il a réussi à exterminer grâce au feu de Dieu descendu du ciel ! Après un tel succès aussi spectaculaire, il aurait dû savourer sa victoire. Mais le voilà en fuite…

Nombre de dépressions viennent-elles aussi à la suite d’un effort intense couronné de succès (rédaction et soutenance d’une thèse, accouchement, réussite professionnelle…) mais débouchant sur une sorte de vide existentiel qui engendre la fuite, réaction de panique devant ce qu’on avait pourtant recherché depuis des mois.

 

L’hostilité

« Le prophète Élie, fuyant l’hostilité de la reine Jézabel… »

 La dépression vient de l’impression de se heurter contre un mur.

C’est le mal de crâne de la mouche qui se cogne et se recogne contre la vitre, obstinément, maudissant la paroi de verre qui se dresse contre elle. Cette hostilité sert d’alibi à la fuite. Elle peut être bien réelle, comme ici la reine Jézabel voulant se venger de celui qui a décimé et humilié ses fonctionnaires royaux (Jézabel symbolise au passage l’acharnement kafkaïen qui à force de s’abattre sur quelqu’un le pousse à sombrer dans la déprime). L’hostilité peut également être imaginaire, inventée, ou virtuelle, supposée. On connaît tous des dépressifs qui se construisent des ennemis et des impossibilités pour justifier leur léthargie.

Hier, l’hostilité de Jézabel stimulait Élie comme prophète.

Aujourd’hui, elle le décourage et le transforme en fuyard.

 

La marche dans le désert

« Le prophète Élie, fuyant l’hostilité de la reine Jézabel, marcha toute une journée dans le désert ».

Traverser la dépression : le chemin d'Elie dans Communauté spirituelleMarcher sans but, un peu hagard, dans un horizon soudain vidé de ses repères habituels : c’est le signal juste avant le plongeon dépressif. Une existence d’automate, d’où ont disparu les finalités antérieures. Élie erre dans le désert, il ne sait plus où il en est, il a l’impression que tout ce qu’il a fait débouche sur un vide immense à la mesure de l’infini du désert désolant.

 

 

 

S’asseoir à l’ombre d’un buisson

« Il vint s’asseoir à l’ombre d’un buisson ».

 Là, c’est le breakdown de celui qui ne peut plus avancer. C’est le burnout de celui qui a trop donné : je m’arrête ; mes pas ne me portent plus.

Cela se traduit alors par une hospitalisation d’urgence ou au moins un arrêt de travail. On cherche un « buisson » derrière lequel disparaître : certains descendent les volets de leur maison et s’y tiennent enfermés ; d’autres ne peuvent plus quitter leur lit. D’autres s’assoient à l’ombre de l’alcool en espérant disparaître du paysage… Or il n’y a pas tant d’ombre que cela derrière un buisson à raz de désert, et l’insolation guette (cf. Jonas et son ricin !). Ce genre de fausses protections (alcool, sommeil, isolement) se révèle vite illusoire, mais la dépression nous fait croire que c’est un refuge possible ; alors, comme il n’y en a pas d’autre, à dieu-vat !

 

Demander la mort

« Il demanda la mort »

2de74ed1 Barbara dans Communauté spirituelleDemander la mort est le moment paroxystique de la déprime : ne plus avoir envie de vivre, vouloir tuer en soi jusqu’à la soif d’exister. Le pire, c’est que Élie demande la mort à Dieu lui-même, lui dont il est le prophète. La plupart des dépressifs demandent la mort à une boîte de médicaments, à une arme, une corde ou un TGV. Or demander à des dieux inertes n’entraîne que le silence. Oser demander à Dieu en personne suscite d’autres réponses.

Ici, Élie semble vouloir entraîner Dieu lui-même dans son anéantissement. Car Dieu est l’auteur de la vie : lui demander la mort, c’est comme lui demander de se suicider en exauçant mon voeu morbide. Dieu se renierait comme Dieu s’il donnait cette mort-là, alors que la mort physique n’a été acceptée par lui que pour être convertie en passage vers la divinisation.

Le drame de la dépression, c’est qu’elle amène des personnes à souhaiter se supprimer, et qu’elle entraîne l’entourage dans cette spirale infernale. Les dégâts sont si importants chez les proches lorsque ce désespoir de l’un d’entre eux les amène à se renier eux-mêmes?

Demander la mort : la question rebondit aujourd’hui à travers le débat de société sur la fin de vie. Euthanasie, droit de mourir dans la dignité, droit au suicide assisté : ces demandes vont exploser avec le nombre de personnes âgées (la déprime du quatrième âge) et des personnes isolées (le sentiment de solitude peut facilement engendrer la dépression).

Faut-il le prendre à la lettre ? Où faut-il comme Dieu réagir en donnant à Élie autre chose que ce qu’il demande ?

 

La dévalorisation de soi

« Il demanda la mort en disant : « Maintenant, Seigneur, c’en est trop ! Reprends ma vie : je ne vaux pas mieux que mes pères » ».

La dès-estime de soi accélère l’effet de vertige de la plongée dépressive.

On remet en cause tout ce qu’on a construit auparavant. Rien n’apparaît plus consistant. Les réussites d’avant semblent insignifiantes ou sont oubliées. « Je ne vaux pas mieux que mes pères » : je n’ai pas réussi à apporter quelque chose de plus dans l’histoire humaine. Notons au passage que le surmoi d’Élie semble l’écraser : il s’était fixé comme mission non seulement d’être à la hauteur de ses pères, mais de les surpasser, ce qui est bien prétentieux.

Élie n’arrive pas accepter sa condition de prophète ordinaire, c’est-à-dire contesté et persécuté. Il regarde en arrière et voit les anciens prophètes d’Israël marginalisés, critiqués, puis lapidés, éliminés. Et il se résigne à ce que cela devienne son sort, jusqu’à vouloir l’anticiper pour au moins ne pas laisser cette victoire à ses ennemis.

Nombre de personnes dépressives auront à faire un sacré travail de relecture de leur histoire familiale pour ne pas tomber dans cette résignation mortifère. Ce n’est pas parce que nos pères auraient sombré dans l’alcool, l’infidélité ou l’échec absolu que nous sommes condamnés d’avance à les suivre sur cette pente.

La revalorisation de soi passe par l’estime de ses pères.
La dévalorisation de soi engendre la tentation suicidaire.

 

La léthargie

« Puis il s’étendit sous le buisson, et s’endormit ».

 Phase ultime de la dépression si elle ne débouche pas sur le suicide : la léthargie.

On se traîne lamentablement de traitement en traitement, de psy en psy, d’arrêt de travail en arrêt de travail, « de rives en rive, la gueule en coin » (Barbara). On n’a plus goût à rien. Comme Élie, on voudrait dormir tout le temps, ne plus être là. On se couche littéralement devant l’adversité, et on reste là, étendu, telle la mouche paralysée par la piqûre de l’araignée.

 

LA SORTIE DE LA DÉPRESSION

Le texte de 1R 19,4-8 ne s’arrête pas heureusement à cette description quasi-clinique de la plongée dépressive. Il trace un chemin de réveil pour Élie, aujourd’hui encore fort efficace.

Un messager extérieur

« Mais voici qu’un ange le toucha… »

 Le mot grec angelos (ange) signifie messager (de la part d’un Autre). Le déclic qui va  dépressiondonner à Élie l’élan pour revivre ne vient pas de lui, de son introspection, de ses propres forces. Non, c’est un contact qui vient de l’extérieur de sa bulle d’isolement (« un ange le toucha »). C’est une parole autre, prononcée au nom du Tout Autre. Toute l’importance du réseau familial et amical est là : pour sortir de la dépression, il faut pouvoir compter sur d’autres que soi-même. Cet ange peut-être le psy de service, l’accompagnateur spirituel, l’ami(e) clairvoyant(e)… Le contact peut se faire par une émotion retrouvée devant un paysage, une musique, ou par une saveur à nouveau délicieuse des choses simples de la vie. La parole est peut être celle dite par quelqu’un à son insu, mais qui va vous faites l’effet d’un électrochoc. Ou bien la parole d’un texte biblique qui va de manière fulgurante vous parler comme jamais.

Accepter ce contact et cette parole de l’extérieur, reconnaître l’ange qui passe à proximité est alors pour Élie le début des retrouvailles. La nourriture prise pour prendre des forces sera tout à la fois matérielle, humaine, spirituelle, sacramentelle.

Deux impératifs

« Lève-toi, et mange ».

La force de ces impératifs ici réside en ce qu’ils viennent de Dieu. La plupart du temps, ce genre de conseil prodigué par des proches exaspérés n’a aucun effet sur un dépressif. Comme le chantait Barbara : « Ils ont beau vouloir nous comprendre, ceux qui nous viennent les mains nues, nous ne voulons plus les entendre, on ne peut pas, on n’en peut plus. ». Il faut qu’il y ait un poids divin dans l’impératif pour susciter une réaction salutaire. Tout dépend donc de qui les profère.

Les deux impératifs portent sur le mouvement : « lève-toi », et sur la nourriture : « mange ».

Comme le plongeur qui tape du pied sur le fond de la piscine lorsqu’il a coulé au plus bas, Élie va s’appuyer sur cet ordre pour rebondir.

 

Une humble patience

« Il mangea, il but, et se rendormit.
Une seconde fois, l’ange du Seigneur le toucha et lui dit : « Lève-toi, et mange ! Autrement le chemin serait trop long pour toi ». Élie se leva, mangea et but ».

Mais cela ne se fait pas en une seule fois.

La première fois, Élie est si épuisé qu’il ne peut même pas se lever. Il semble manger et boire à même le sol, retrouvant la fonction animale élémentaire : manger et boire. Ensuite il se rendort. C’est donc que la personne dépressive met du temps à s’en sortir. Elle connaît des rechutes. Elle est d’abord comme un animal blessé qui réapprend le B-A BA du goût de vivre. Il lui faut beaucoup de patience envers elle-même pour accepter cette durée de guérison. Et beaucoup de patience de la part de son entourage pour ne pas trop exiger d’elle trop vite.

Une humble patience envers soi-même fortifiera le chemin de guérison.
Une humble patience des proches consolidera ses premiers pas hésitants.
Grâce à elle, Élie finit par pouvoir se lever, manger, et marcher de nouveau.

 

De nouveaux objectifs

« Puis, fortifié par cette nourriture, il marcha quarante jours et quarante nuits jusqu’à l’Horeb, la montagne de Dieu ».

Et il ne marche plus au hasard, hagard, dans le désert. Il se dirige vers la montagne de Dieu, l’Horeb. Il avait été précipité en bas de la montagne de l’idéal qui s’était lui-même fixé (le mont Carmel et l’envie de victoire sur Baal). Il est maintenant conduit vers la montagne où Dieu lui confiera sa véritable mission prophétique : révéler aux hommes que Dieu est dans la brise légère et non dans l’ouragan ni les éclairs ni le feu du mont Carmel.

Élie passe d’un objectif irréaliste et inconsidéré (le mont Carmel) à un objectif plus simple et plus vrai (l’Horeb : goûter la présence divine dans les choses simples de la vie, cf. la brise légère).

La sortie de la dépression est totale parce que la marche reprend, non plus vers les anciens objectifs qui ne convenaient pas à la personnalité, mais vers de nouvelles finalités, plus simples et plus vraies.

Comment traverser la dépression ?

Puisse le chemin d’Élie inspirer ceux qui sont happés par ce mécanisme infernal.

Puisse-t-il aider les proches à comprendre ceux des leurs qui se débattent avec ce mal de vivre.

Et que personne ne soit si orgueilleux qu’il se croit lui-même à l’abri de ce genre de piège !

 

 

1ère lecture : Élie fortifié par le pain de Dieu (1R 19, 4-8)
Lecture du premier livre des Rois

Le prophète Élie, fuyant l’hostilité de la reine Jézabel, marcha toute une journée dans le désert. Il vint s’asseoir à l’ombre d’un buisson, et demanda la mort en disant : « Maintenant, Seigneur, c’en est trop ! Reprends ma vie : je ne vaux pas mieux que mes pères. »
Puis il s’étendit sous le buisson, et s’endormit. Mais voici qu’un ange le toucha et lui dit : « Lève-toi, et mange ! »
Il regarda, et il y avait près de sa tête un pain cuit sur la braise et une cruche d’eau. Il mangea, il but, et se rendormit.
Une seconde fois, l’ange du Seigneur le toucha et lui dit : « Lève-toi, et mange ! Autrement le chemin serait trop long pour toi. »
Élie se leva, mangea et but. Puis, fortifié par cette nourriture, il marcha quarante jours et quarante nuits jusqu’à l’Horeb, la montagne de Dieu.

Psaume : 33, 2-3, 4-5, 6-7, 8-9
R/ Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur !

Je bénirai le Seigneur en tout temps, 
sa louange sans cesse à mes lèvres.
Je me glorifierai dans le Seigneur : 
que les pauvres m’entendent et soient en fête !

Magnifiez avec moi le Seigneur, 
exaltons tous ensemble son nom.
Je cherche le Seigneur, il me répond : 
de toutes mes frayeurs, il me délivre.

Qui regarde vers lui resplendira, 
sans ombre ni trouble au visage.
Un pauvre crie ; le Seigneur entend : 
il le sauve de toutes ses angoisses.

L’ange du Seigneur campe à l’entour 
pour libérer ceux qui le craignent.
Goûtez et voyez : le Seigneur est bon ! 
Heureux qui trouve en lui son refuge !

2ème lecture : Vivez dans l’amour (Ep 4, 30-32; 5, 1-2)
Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Éphésiens

Frère, en vue du jour de votre délivrance, vous avez reçu en vous la marque du Saint Esprit de Dieu : ne le contristez pas. Faites disparaître de votre vie tout ce qui est amertume, emportement, colère, éclats de voix ou insultes, ainsi que toute espèce de méchanceté. Soyez entre vous pleins de générosité et de tendresse. Pardonnez-vous les uns aux autres, comme Dieu vous a pardonné dans le Christ.

Oui, cherchez à imiter Dieu, puisque vous êtes ses enfants bien-aimés. Vivez dans l’amour, comme le Christ nous a aimés et s’est livré pour nous en offrant à Dieu le sacrifice qui pouvait lui plaire.

Evangile : Le pain de la vie éternelle (Jn 6, 41-51)
Acclamation : Alléluia. Alléluia. Tu es le pain vivant venu du ciel, Seigneur Jésus. Qui mange de ce pain vivra pour toujours. Alléluia. (cf. Jn 6, 50-51)
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

Comme Jésus avait dit : « Moi, je suis le pain qui est descendu du ciel », les Juifs récriminaient contre lui : « Cet homme-là n’est-il pas Jésus, fils de Joseph ? Nous connaissons bien son père et sa mère. Alors comment peut-il dire : ‘Je suis descendu du ciel’ ? »
Jésus reprit la parole : « Ne récriminez pas entre vous. Personne ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire vers moi, et moi, je le ressusciterai au dernier jour. Il est écrit dans les prophètes : Ils seront tous instruits par Dieu lui-même. Tout homme qui écoute les enseignements du Père vient à moi. Certes, personne n’a jamais vu le Père, sinon celui qui vient de Dieu : celui-là seul a vu le Père. Amen, amen, je vous le dis : celui qui croit en moi a la vie éternelle. Moi, je suis le pain de la vie.
Au désert, vos pères ont mangé la manne, et ils sont morts ; mais ce pain-là, qui descend du ciel, celui qui en mange ne mourra pas. Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie. »
Patrick Braud

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4 août 2012

Éveiller à d’autres appétits

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Éveiller à d’autres appétits


Homélie du 18° dimanche ordinaire / Année B
05/08/12

 

À 22 heures, trouverait-il encore une épicerie ouverte ? Rentré tard du travail, Éric, jeune cadre dynamique, erre dans la rue, la faim au ventre, à la recherche d’une simple tranche de jambon. Soudain, à l’angle du boulevard, il entend une voix intérieure lui murmurer : « Éric, ta vie est plus vide que ton garde-manger ». Parole choc qui fut l’origine d’une conversion foudroyante. Lorsque des années plus tard, devenu moine, Éric faisait le récit de cet événement fondateur, il le concluait en disant avec un beau sourire : « et moi qui ne cherchais qu’une tranche de jambon ! »

L’histoire de ce cadre à la recherche d’une tranche de jambon rejoint celle de la foule affamée sur laquelle Jésus ne se fait aucune illusion : « vous me cherchez, non parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez mangé du pain et que vous avez été rassasiés ».

 

De bas en haut de la pyramide

Pourtant, Jésus ne méprise pas cette première fin basique, fondamentale, à la base de la Éveiller à d'autres appétits dans Communauté spirituelle pyramide_maslowpyramide des besoins de Maslow. Il a pris grand soin de nourrir cette foule dont il a pitié. Les besoins élémentaires des foules ont toujours ému Jésus au plus haut point, jusqu’à déclencher cet acte inouï : distribuer cinq pains et deux poissons pour 5000 hommes !

Les humanitaires de tous poils seront rassurés : l’Église, dans la foulée de Jésus, sera toujours à leurs côtés pour nourrir les peuples du Sahel ou d’Asie, soigner, apporter l’eau potable à disposition du plus grand nombre etc. Mais à la différence des humanitaires, Jésus ne s’arrête pas à cette fin primaire. Pour lui, éveiller la foule à d’autres appétits est tout aussi essentiel que de satisfaire son appétit matériel. « Ne travaillez pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui se garde jusque dans la vie éternelle ».

Le ventre plein ne garantit pas un coeur empli de vraies richesses. Il est des ventres creux qui témoignent de plus d’humanité que des nantis. Bien souvent, il faut d’abord apporter nourriture et boisson avant que de pouvoir évoquer d’autres finalités (c’est le sens de la hiérarchie des besoins dans la pyramide de Maslow). Mais pas toujours. Bien des Européens venus en toute bonne conscience sauver de la famine des populations en détresse sont repartis bouleversés par ce qu’ils ont appris : une vraie joie peut exister chez les plus démunis, le sens de l’existence peut apparaître plus lumineux, plus simple et riche à la fois chez des gens pourtant en grande détresse matérielle.

Donner du pain ne suffit pas, car l’homme se nourrit de bien plus substantiel encore : la parole, la relation, l’échange. Jésus a rassasié la foule au bord du lac de Tibériade. Du coup, cette masse a eu assez d’énergie et d’envie pour prendre des barques et le risque de traverser le lac afin de rejoindre Jésus sur l’autre rive. Comme quoi le premier rassasiement n’était que de courte durée ! Au moins cela les a assez motivés pour chercher à suivre Jésus, jusqu’à affronter la traversée du lac.

 

Assumer des appétits mélangés

Cette ambiguïté du désir des foules est très rassurante pour nous. D’autant que Jésus a assumé cette ambiguïté, en cherchant à l’orienter vers un désir plus grand. Chacun peut se mettre en mouvement pour des causes multiples, pas forcément très glorieuses au début. On met un cierge pour réussir un examen. On se met à prier pour conjurer la maladie d’un proche. On partage un peu de son argent pour bénéficier des réductions fiscales. On fait un boulot pour gagner sa vie etc. Un ancien évêque de Koudougou (Burkina Faso) racontait avec humour qu’il était devenu prêtre parce que, enfant, il passait derrière la cuisine des Pères et trouvait que cela sentait délicieusement bon…

 appétit dans Communauté spirituelle

Rien de déshonorant à tout cela, puisque le Christ n’a pas dédaigné nourrir les foules. Ce qui serait désespérant, ce serait d’en rester là. Ce serait de se satisfaire de tonnes de riz envoyées en urgence, ou de se satisfaire de combler ses besoins élémentaires pour soi-même.

Il y a un autre pain, plus substantiel que celui qu’il faut pourtant distribuer à ceux qui en manquent. Le « pain de vie » dont parle Jésus en parlant de lui-même demande un appétit d’une autre nature. C’est cet appétit que l’Église doit éveiller au coeur de nos contemporains, surtout dans la vieille Europe à la fois si comblée matériellement et si inquiète de ce seul matériel.

Révéler d’autre faims, faire surgir d’autres soifs, accueillir et accompagner celles qui déjà se font jour (sur la qualité de vie, sur le respect de l’environnement, sur la recherche de relations plus humaines etc.) : la nouvelle évangélisation de l’Europe demande de re-susciter des appétits plus exigeants que les seules revendications matérielles légitimes (en temps de crise encore plus).

 

Des appétits nouveaux

Des signes encourageants existent en ce sens.

Durant l’été par exemple, les hôtelleries des monastères ne désemplissent pas, 783088 faimfréquentées par des personnes de tous horizons religieux à la recherche d’intériorité, de silence, d’écoute.

Autre exemple : les expositions, les musées, les festivals, les manifestations culturelles de tous ordres pullulent en France avec un succès croissant entre juin et septembre, signe que les touristes ne se contentent pas de sable et de soleil.

Regardez encore ces jeunes prêts à donner une année de leur carrière au service d’une cause qui leur tient à coeur. Le service civique, la coopération au développement, les engagements associatifs prouvent qu’il existe d’autres moteurs à l’action que la maximisation du profit personnel.

Dans la multiplicité des aspirations écologiques actuelles émergent également des appétits différents : habiter autrement, mieux gérer l’équilibre vie privé/vie professionnelle, réintroduire une certaine sobriété dans la consommation et une certaine simplicité dans le train de vie etc.

 

Renoncer à l’instrumentalisation

En accompagnant et confortant ces aspirations, l’Église aura à coeur d’aller encore plus loin : en tout homme existe le désir de profondeur intérieure, de dialogue avec Dieu, de libres interrogations sur le sens de la mort, de la souffrance, de l’injustice.

Quand Jésus nourrissait les foules, il leur donnait du pain et des paroles vitales, sans instrumentaliser l’un au service de l’autre.

On sait que la tentation de tous les intégrismes réside justement dans cette instrumentalisation. Faire du social pour asservir au pouvoir religieux est la tactique des Frères musulmans en Égypte ou ailleurs. L’Église doit dénoncer cet asservissement et refuser de le pratiquer. Quand le Secours Catholique donne, il n’exige aucune contrepartie – surtout pas religieuse – en retour. Quand l’Abbé Pierre a fondé Emmaüs, et le Père Joseph Wrezinski ATD Quart-Monde, ils ont tout de suite rendus leur association non confessionnelle, pour éviter cette confusion. Ce qui n’empêche pas un certain esprit évangélique d’y souffler ; et ce qui rend libre d’être une force d’inspiration, une proposition sans contrainte.

On n’instrumentalise pas la misère ou les difficultés économiques d’un peuple pour le ranger sous une bannière quelconque.

La nouvelle évangélisation doit s’inspirer de cette gratuité fondatrice : nourrir les foules avec du pain pour le ventre et du « pain de vie » pour tout l’être, sans instrumentalisation aucune.

Cela commence par chacun de nous.

Quelle est ma nourriture ? Quelle est la nourriture que je donne à ceux qui m’entourent ?

 

 

1ère lecture : Le don de la manne au désert (Ex 16, 2-4.12-15)
Lecture du livre de l’Exode
Dans le désert, toute la communauté des fils d’Israël récriminait contre Moïse et son frère Aaron. Les fils d’Israël leur dirent : « Ah ! Il aurait mieux valu mourir de la main du Seigneur, au pays d’Égypte, quand nous étions assis près des marmites de viande, quand nous mangions du pain à satiété ! Vous nous avez fait sortir dans ce désert pour faire mourir de faim tout ce peuple assemblé ! » 

Le Seigneur dit à Moïse : « Voici que, du ciel, je vais faire pleuvoir du pain. Le peuple sortira pour recueillir chaque jour sa ration quotidienne, et ainsi je vais le mettre à l’épreuve : je verrai s’il obéit, ou non, à ma loi. J’ai entendu les récriminations des fils d’Israël. Tu leur diras : ‘Après le coucher du soleil, vous mangerez de la viande et, le lendemain matin, vous aurez du pain à satiété. Vous reconnaîtrez alors que moi, le Seigneur, je suis votre Dieu.’ »  Le soir même, surgit un vol de cailles qui recouvrirent le camp ; et, le lendemain matin, il y avait une couche de rosée autour du camp. Lorsque la couche de rosée s’évapora, il y avait, à la surface du désert, une fine croûte, quelque chose de fin comme du givre, sur le sol. Quand ils virent cela, les fils d’Israël se dirent l’un à l’autre : « Mann hou ? » (ce qui veut dire : Qu’est-ce que c’est ?) car ils ne savaient pas ce que c’était. Moïse leur dit : « C’est le pain que le Seigneur vous donne à manger. »

Psaume : 77, 3.4ac, 23-24, 25.52a.54a

R/ Donne-nous Seigneur, le pain du ciel !

Nous avons entendu et nous savons
ce que nos pères nous ont raconté ;
nous le redirons à l’âge qui vient,
les titres de gloire du Seigneur,

Il commande aux nuées là-haut,
il ouvre les écluses du ciel :
pour les nourrir il fait pleuvoir la manne,
il leur donne le froment du ciel.

Chacun se nourrit du pain des forts,
il les pourvoit de vivres à satiété.
Tel un berger, il conduit son peuple,
Il les fait entrer dans son domaine sacré.

2ème lecture : L’homme nouveau (Ep 4, 17.20-24 )

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Ephésiens

Frères, je vous le dis, je vous l’affirme au nom du Seigneur : vous ne devez plus vous conduire comme les païens qui se laissent guider par le néant de leur pensée. Lorsque vous êtes devenus disciples du Christ, ce n’est pas cela que vous avez appris, si du moins c’est bien lui qu’on vous a annoncé et enseigné, selon la vérité de Jésus lui-même. Il s’agit de vous défaire de votre conduite d’autrefois, de l’homme ancien qui est en vous, corrompu par ses désirs trompeurs. Laissez-vous guider intérieurement par un esprit renouvelé. Adoptez le comportement de l’homme nouveau, créé saint et juste dans la vérité, à l’image de Dieu.

Evangile : Le pain venu du ciel (Jn 6, 24-35)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Le Seigneur a nourri son peuple au désert, il l’a rassasié du pain du ciel. Alléluia. (cf. Ps 77, 24)
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

La foule s’était aperçue que Jésus n’était pas au bord du lac, ni ses disciples non plus. Alors les gens prirent les barques et se dirigèrent vers Capharnaüm à la recherche de Jésus.
L’ayant trouvé sur l’autre rive, ils lui dirent : « Rabbi, quand es-tu arrivé ici ? »
Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : vous me cherchez, non parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez mangé du pain et que vous avez été rassasiés. Ne travaillez pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui se garde jusque dans la vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’homme, lui que Dieu, le Père, a marqué de son empreinte. »
Ils lui dirent alors : « Que faut-il faire pour travailler aux ?uvres de Dieu ? » Jésus leur répondit :
« L’?uvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé. »
Ils lui dirent alors : « Quel signe vas-tu accomplir pour que nous puissions le voir, et te croire ? Quelle oeuvre vas-tu faire ? Au désert, nos pères ont mangé la manne ; comme dit l’Écriture : Il leur a donné à manger le pain venu du ciel. »
Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : ce n’est pas Moïse qui vous a donné le pain venu du ciel ; c’est mon Père qui vous donne le vrai pain venu du ciel.
Le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde. »
Ils lui dirent alors : « Seigneur, donne-nous de ce pain-là, toujours. »
Jésus leur répondit : « Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura plus jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura plus jamais soif. »
Patrick Braud

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