Pour traduire ces pages en anglais, en allemand ou autre, cliquez sur: To translate these pages into English, in German or other, click on: Um diese
Seiten in Englisch, in Deutsch oder anderem zu übersetzen klicken Sie auf:
L’extrait liturgique du livre de Jonas pour notre deuxième dimanche ordinaire est trop pauvre : on veut tellement insister sur le pardon offert qu’on passe sous silence la résistance de Jonas à ce cadeau fait aux païens de Ninive. Or cette résistance est énorme. L’idée que Dieu puisse se soucier d’un autre peuple que le sien met Jonas en colère : il refuse de collaborer à cette trahison de la « préférence nationale » pour le peuple juif. L’idée que Dieu puisse pardonner gratuitement aux pécheurs et les avertir que avant que le châtiment s’abatte – pour qu’il ne s’abatte pas ! – révulse son côté rude et exigeant.
Bref : Jonas est jaloux.
Jaloux du salut des autres.
Jaloux de l’exclusivité juive, quitte à ce qu’elle se fasse aux dépens des autres peuples.
Jaloux de son statut de prophète qu’il ne veut pas mettre au service d’étrangers : ce serait donner de la confiture à des cochons et gaspiller la parole de Dieu que de l’annoncer à Ninive !
Alors Jonas fuit en bateau loin de cette ville qu’il exècre. Mais un fameux poisson (une baleine ?) l’avale et le régurgite ensuite devant les remparts de Ninive qu’il voulait fuir. Jonas s’exécute, contraint, pas de bon coeur : en trois jours symboliques il offre contre son gré une vraie renaissance à cette Las Vegas antique. Il faudra l’épisode du ricin desséché pour qu’il accepte enfin le salut des autres, plus important que la survie de ce ricin destiné à le protéger.
La jalousie de Jonas est légaliste et rigoureuse. Les païens ont refusé l’Alliance. Seul Israël y est entré, et cela ne lui apporte que des ennuis. Alors, si Dieu est généreux envers ceux qui l’ont renié, à quoi ça sert d’être fidèle ? Si le pardon est offert même aux pires, pourquoi se fatiguer à pratiquer la loi juive pour être des justes ? Si Dieu aime les païens, que devient l’élection juive ?
La jalousie de Jonas est la nôtre
Dès que nous croyons détenir un avantage ou une position privilégiée, nous croyons qu’il faut la défendre contre les autres. Dès que nous pensons détenir plus de vérité, que ce soit dans une Église ou dans nos savoirs humains, nous avons un mal fou à imaginer que d’autres aient un accès différent à cette même vérité.
La jalousie ne veut pas partager ce que l’intelligence a découvert. Elle s’approprie ce qui a été donné. Elle se réjouit des failles des autres. Elle a peur de perdre, et croit pour cela qu’il faut empêcher l’autre de gagner. Elle confond choix préférentiel et exclusivité : or Dieu est capable de préférer chacun, sans que cela soit comparable.
La jalousie ne cherche pas à faire grandir des collaborateurs, des enfants, un conjoint. Elle n’appelle pas des compagnons à partager l’aventure, comme Jésus le fait avec Jean et André, Jacques et Jean dans l’évangile d’aujourd’hui. Elle se réserve les dividendes des réussites, elle mutualise les pertes et privatise les profits…
Un antidote de louange
L’inverse de la jalousie serait sans doute la louange.
Se réjouir de ce que Dieu fait de grand chez les autres libère de la possession de ce qu’il accomplit en moi. « Réjouis-toi Marie » est la salutation où Marie se découvre libérée de toute jalousie pour accueillir le travail de l’Esprit Saint en elle. L’émerveillement de Jésus devant la foi d’une libanaise ou d’un centurion le protège contre tout exclusivisme juif qui a dû le tenter pourtant. « Père, je proclame ta louange : au coeur des enfants tu te révèles ». Cette louange admirative ne jalouse pas ce qui est donné ni la manière dont c’est donné. Elle se réjouit pour l’autre, et sans le savoir se prépare ainsi à recevoir davantage !
Quels sont les domaines où la jalousie de Jonas fait encore des ravages de nos jours ?
On pense bien sûr aux relations de travail, où on voudrait nous faire croire que la compétition et la rivalité sont plus efficaces que la coopération et le service. Et puis il y a la famille : les questions d’argent, de réussite sociale et d’héritage révèlent combien la jalousie peut miner des liens fraternels. Mais il ne faut pas oublier non plus les Églises, jalouses les unes des autres, qui se dessèchent au lieu de se réjouir de ce que d’autres ont reçu : d’autres paroisses, d’autres diocèses, d’autres courants spirituels, d’autres Églises, d’autres religions même.
Comme si l’identité de chacun devait se conquérir contre et non avec. Comme si la peur de perdre devait primer sur tout.
Jonas a appris à marcher sur sa jalousie pour servir la parole de Dieu.
Relisons son histoire, de la baleine ou ricin, comme un antidote à notre propre jalousie.
1ère lecture : A l’appel du prophète, les païens se convertissent (Jon 3, 1-5.10)
Lecture du livre de Jonas
La parole du Seigneur fut adressée de nouveau à Jonas :
« Lève-toi, va à Ninive, la grande ville païenne, proclame le message que je te donne sur elle. »
Jonas se leva et partit pour Ninive, selon la parole du Seigneur. Or, Ninive était une ville extraordinairement grande : il fallait trois jours pour la traverser.
Jonas la parcourut une journée à peine en proclamant : « Encore quarante jours, et Ninive sera détruite ! »
Aussitôt, les gens de Ninive crurent en Dieu. Ils annoncèrent un jeûne, et tous, du plus grand au plus petit, prirent des vêtements de deuil.
En voyant leur réaction, et comment ils se détournaient de leur conduite mauvaise, Dieu renonça au châtiment dont il les avait menacés.
Psaume : Ps 24, 4-5ab, 6-7, 8-9
R/ Fais-nous connaître tes chemins, Seigneur !
Seigneur, enseigne-moi tes voies,
fais-moi connaître ta route.
Dirige-moi par ta vérité, enseigne-moi,
car tu es le Dieu qui me sauve.
Rappelle-toi, Seigneur, ta tendresse,
ton amour qui est de toujours.
Oublie les révoltes, les péchés de ma jeunesse ;
dans ton amour, ne m’oublie pas.
Il est droit, il est bon, le Seigneur,
lui qui montre aux pécheurs le chemin.
Sa justice dirige les humbles,
il enseigne aux humbles son chemin.
2ème lecture : Le monde passe : vivons ce temps pour le Seigneur (1Co 7, 29-31)
Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens
Frères,
je dois vous le dire : le temps est limité. Dès lors, que ceux qui ont une femme soient comme s’ils n’avaient pas de femme, ceux qui pleurent, comme s’ils ne pleuraient pas, ceux qui sont heureux, comme s’ils n’étaient pas heureux, ceux qui font des achats, comme s’ils ne possédaient rien, ceux qui tirent profit de ce monde, comme s’ils n’en profitaient pas. Car ce monde tel que nous le voyons est en train de passer.
Evangile : Jésus invite les hommes à la conversion, et appelle ses premiers Apôtres (Mc 1, 14-20)
Acclamation :Alléluia. Alléluia. Le règne de Dieu est venu jusqu’à vous ; croyez à la Bonne Nouvelle. Alléluia.(Mc 1, 15)
Évangile de Jésus Christ selon saint Marc
Après l’arrestation de Jean Baptiste, Jésus partit pour la Galilée proclamer la Bonne Nouvelle de Dieu ; il disait :
« Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle. »
Passant au bord du lac de Galilée, il vit Simon et son frère André en train de jeter leurs filets : c’étaient des pêcheurs.
Jésus leur dit : « Venez derrière moi. Je ferai de vous des pêcheurs d’hommes. »
Aussitôt, laissant là leurs filets, ils le suivirent.
Un peu plus loin, Jésus vit Jacques, fils de Zébédée, et son frère Jean, qui étaient aussi dans leur barque et préparaient leurs filets.
Jésus les appela aussitôt. Alors, laissant dans la barque leur père avec ses ouvriers, ils partirent derrière lui. Patrick Braud
Homélie du 27° dimanche ordinaire / Année A
02/10/2011
Le mot évoque les douces journées de septembre, avec cette lumière si particulière dans les vignes. Avant les machines colossales qui désormais secouent les ceps et abattent le travail d’une dizaine de travailleurs bien plus rapidement, le mot vendange était lié aux vendangeurs. Des bandes de portugais, d’espagnols et des spécialistes de ces campagnes de coupe parcouraient la France, du bordelais au cognaçais, du pays nantais à l’Alsace, jusqu’au dernier jour de la pourriture noble et des vendanges tardives.
La vendange était synonyme alors d’ouverture à l’étranger : on logeait, nourrissait, travaillait, festoyait avec ces travailleurs itinérants venus d’ailleurs. C’était lourd à assumer pour les propriétaires (cuisine, promiscuité…), c’était dur pour les vendangeurs ; cela pourrait mal se passer (violence, alcool) ou au contraire devenir une famille élargie pendant quelques semaines et chaque année.
En prenant cette réalité de la vendange traditionnelle comme support de sa parabole, Jésus évoque donc un moment de fête, d’ouverture, de dur labeur communautaire où le fruit de la récolte enrichit tous les acteurs.
Mais le désir d’appropriation change le coeur des vignerons, qui veulent tout garder pour eux. Au lieu de rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu, ils sont prêts à tuer pour tout garder.
La parabole vise bien sûr l’attitude des responsables religieux juifs de l’époque, qui refusent de partager avec les païens, et iront jusqu’à tuer le fils, l’envoyé, en le jetant hors de la vigne, hors d’Israël (la crucifixion équivaut à une déchéance de nationalité pour les religieux juifs).
Mais transposez à votre existence. À quel moment avez-vous (ou êtes-vous) en situation de vendange, c’est-à-dire de récolte du fruit de votre travail avec d’autres ?
Vous vendangez lorsque vous mariez votre fils, votre fille.
Vous cueillez les grappes de votre histoire lorsque vous serrez votre petit-fils dans vos bras.
Vous récoltez votre vendange lorsqu’une promotion, une augmentation de salaire, une reconnaissance professionnelle vient saluer votre parcours.
Vous collectez les raisins de votre fécondité sociale lorsque vous recevez une distinction, une médaille, un titre associatif (président, trésorier, secrétaire), une responsabilité confiée par d’autres.
À y regarder de près, les moments de vendange sont très fréquents dans une vie. D’ailleurs nous en avons besoin : sans ces encouragements, sans ces résultats intermédiaires, peu d’entre nous auraient la force de poursuivre.
C’est alors que la tentation des vignerons de la parabole évangélique devient la nôtre : après tout, pourquoi ne pas s’attribuer le maximum ? Maximum de mérite, de reconnaissance, de gloire… La différence est ténue entre celui qui engrange les résultats de sa réussite avec humilité, en saluant ceux à qui il doit son parcours, et celui qui triomphe, immodeste, confisquant le labeur des autres.
« Remettre au propriétaire le produit de la vigne », comme l’exprime la parabole, c’est une attitude de non possession. Vous n’êtes pas propriétaires de vos réussites, qu’elles soient familiales, associatives ou professionnelles. L’eucharistie est justement un antidote à l’appropriation : rendre grâce (eucharistein en grec), c’est rendre la grâce, c’est-à-dire reconnaître que j’ai reçu gratuitement de quoi travailler un vignoble et le vendanger, et que je dois donc reconnaître que tout cela ne vient pas que de moi. Rendre à Dieu ce qui lui appartient empêche ceux qui réussissent de réussir contre les autres, en les dominant, en les humiliant. Comme le dit Paul ailleurs : « Que désormais ceux qui ont une femme vivent comme s’ils n’en avaient pas; ceux qui pleurent, comme s’il ne pleuraient pas; ceux qui sont dans la joie, comme s’ils n’étaient pas dans la joie; ceux qui achètent, comme s’ils ne possédaient pas; ceux qui usent de ce monde, comme s’ils n’en usaient pas vraiment. Car elle passe, la figure de ce monde » (1Co 7,29-31).
S’approprier la vendange pour être maître de la vigne à la place du maître est source de violence. Emprisonner les gêneurs, lapider les prophètes, crucifier le fils sont autant de conséquences d’une attitude anti-eucharistique. La violence sociale dans nos entreprises, dans les quartiers, dans nos familles même, provient souvent de cela.
Les plus belles grappes, si elles sont possédées à la manière des vignerons de la parabole, deviendront vite rouges sang dans le pressoir de la course à la réussite. La vendange plus prometteuse, en degré comme en volume, va rapidement s’aigrir dans les chais de l’arrogance.
Quelles sont vos vendanges actuelles ?
Que signifierait rendre au maître de la vigne le produit de votre vendange ?
1ère lecture : Le Seigneur est déçu par sa vigne bien-aimée (Is 5, 1-7)
Lecture du livre d’Isaïe
Je chanterai pour mon amile chant du bien-aimé à sa vigne. Mon ami avait une vignesur un coteau plantureux. Il en retourna la terre et en retira les pierres, pour y mettre un plant de qualité. Au milieu, il bâtit une tour de gardeet creusa aussi un pressoir. Il en attendait de beaux raisins, mais elle en donna de mauvais. Et maintenant, habitants de Jérusalem, hommes de Juda, soyez donc juges entre moi et ma vigne ! Pouvais-je faire pour ma vigne plus que je n’ai fait ? J’attendais de beaux raisins, pourquoi en a-t-elle donné de mauvais ? Eh bien, je vais vous apprendrece que je vais faire de ma vigne : enlever sa clôture pour qu’elle soit dévorée par les animaux, ouvrir une brèche dans son mur pour qu’elle soit piétinée. J’en ferai une pente désolée ; elle ne sera ni taillée ni sarclée, il y poussera des épines et des ronces ; j’interdirai aux nuages d’y faire tomber la pluie. La vigne du Seigneur de l’univers, c’est la maison d’Israël. Le plant qu’il chérissait, ce sont les hommes de Juda. Il en attendait le droit, et voici l’iniquité ; il en attendait la justice, et voici les cris de détresse.
Psaume : 79, 9-10, 13-14, 15-16a, 19-20
R/ Regarde ta vigne, Seigneur, viens sauver ton peuple
La vigne que tu as prise à l’Égypte,
tu la replantes en chassant des nations.
Tu déblaies le sol devant elle,
tu l’enracines pour qu’elle emplisse le pays.
Pourquoi as-tu percé sa clôture ? Tous les passants y grappillent en chemin ; le sanglier des forêts la ravage et les bêtes des champs la broutent.
Dieu de l’univers revient ! Du haut des cieux, regarde et vois : visite cette vigne, protège-la, celle qu’a plantée ta main puissante.
Jamais plus nous n’irons loin de toi : fais-nous vivre et invoquer ton nom ! Dieu de l’univers, fais-nous revenir ; que ton visage s’éclaire, et nous serons sauvés !
2ème lecture : Dieu donne sa paix à ceux qui sont fidèles (Ph 4, 6-9)
Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens
Frères, ne soyez inquiets de rien, mais, en toute circonstance, dans l’action de grâce priez et suppliez pour faire connaître à Dieu vos demandes. Et la paix de Dieu, qui dépasse tout ce qu’on peut imaginer, gardera votre coeur et votre intelligence dans le Christ Jésus. Enfin, mes frères, tout ce qui est vrai et noble, tout ce qui est juste et pur, tout ce qui est digne d’être aimé et honoré, tout ce qui s’appelle vertu et qui mérite des éloges, tout cela, prenez-le à votre compte. Ce que vous avez appris et reçu, ce que vous avez vu et entendu de moi, mettez-le en pratique. Et le Dieu de la paix sera avec vous.
Evangile : Parabole des vignerons meurtriers (Mt 21, 33-43)
Acclamation :Alléluia. Alléluia. Aujourd’hui, Dieu nous parle en son Fils, lui qu’il a établi héritier de toute chose : c’est là l’oeuvre du Seigneur. Alléluia.(cf. He 1, 2 ; Mt 21, 42)
Evangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
Jésus disait aux chefs des prêtres et aux pharisiens : « Écoutez une autre parabole : Un homme était propriétaire d’un domaine ; il planta une vigne, l’entoura d’une clôture, y creusa un pressoir et y bâtit une tour de garde. Puis il la donna en fermage à des vignerons, et partit en voyage. Quand arriva le moment de la vendange, il envoya ses serviteurs auprès des vignerons pour se faire remettre le produit de la vigne. Mais les vignerons se saisirent des serviteurs, frappèrent l’un, tuèrent l’autre, lapidèrent le troisième. De nouveau, le propriétaire envoya d’autres serviteurs plus nombreux que les premiers ; mais ils furent traités de la même façon. Finalement, il leur envoya son fils, en se disant : ‘Ils respecteront mon fils.’ Mais, voyant le fils, les vignerons se dirent entre eux : ‘Voici l’héritier : allons-y ! tuons-le, nous aurons l’héritage !’ Ils se saisirent de lui, le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent. Eh bien, quand le maître de la vigne viendra, que fera-t-il à ces vignerons ? » On lui répond : « Ces misérables, il les fera périr misérablement. Il donnera la vigne en fermage à d’autres vignerons, qui en remettront le produit en temps voulu. » Jésus leur dit : « N’avez-vous jamais lu dans les Écritures : La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre angulaire. C’est là l’oeuvre du Seigneur, une merveille sous nos yeux ! Aussi, je vous le dis : Le royaume de Dieu vous sera enlevé pour être donné à un peuple qui lui fera produire son fruit. » Patrick Braud
« Qui veut garder sa vie la perdra, qui la donne avec moi la trouvera ».
Étonnante, cette loi évangélique du qui-perd-gagne.
Paradoxale, cette stratégie qui mise sur le perdant apparent? Et pourtant?
Qui perd gagne !
· Il y a quelque temps, j’étais invité au repas d’un baptême. Entre le foie gras et le Loupiac, nous découvrons avec mon voisin de table que nous avons été coopérants dans le même pays d’Afrique.
D’où d’interminables souvenirs en commun, et des bouffées africaines qui nous remontaient en pleine figure : les relations humaines si humaines là-bas, les tournées en brousse, le temps vécu si différemment etc. Arrivés au St. Émilion accompagnant la volaille principale, mon voisin regarde soudain la table, son assiette pleine, et se confie à mi-voix : « maintenant, j’ai presque honte de ce que je fais. Je parcours la France entière pour grappiller des marges commerciales (il est VRP), démarcher des clients, séduire pour plus de résultats? Quand les rencontres africaines me reviennent à la mémoire, je me demande si j’ai fait les bons choix? Il y a des moments où l’existence sonne creux, lorsqu’on s’aperçoit qu’on court après du vent? »
Ce VRP nostalgique redécouvrait en fait l’étrange loi formulée par un obscur rabbi juif en Palestine : les vraies richesses sont celles qui nous sont redonnées au-delà de la perte. Comme le dira St Bernard : « au ciel, nous ne possèderons que ce nous aurons donné ». Encore faut-il apprendre à ne pas posséder. Encore faut-il se laisser initier à ce qu’est la« perte »au sens de l’Évangile.
* Savoir perdre, par amour (et non seulement parce que c’est une coutume, comme le fameux fair play britannique).
Par amour, ne pas retenir, mais offrir même ce qui paraît essentiel.
La veuve de Sarepta offre son peu d’huile et de vin. Un fils lui sera donné, au-delà de ses espérances.
Abraham accepta de ne pas posséder le fils de la Promesse. Il en reçut une descendance innombrable.
Jésus ira jusqu’au bout du don de soi, par amour, jusqu’à accepter de mourir. Il en recevra une vie éternelle.
* Savoir perdre, par amour?
Qui croirait que cela intéresse encore ?
Et pourtant?
* Savoir perdre, par amour?
Laissons le poète Pierre-Olivier FINELTIN trouver les mots pour dire combien ces pertes sont fécondes :
Qui perd gagne
Les pertes sont habituelles
Dit l’insouciant étourdi.
Les pertes sont dans la norme
Dit l’efficace militaire.
La perte est grande
Dit le prêtre au bord de la fosse.
Les pertes sont exceptionnelles
Dit le déficitaire banquier.
La perte est une racine de victoire
Dit le politicien battu.
Et – dit le poète-
Que les pertes font du bonheur,
Quand celles des eaux précèdent la naissance !
Que les pertes font du bonheur
Quand l’égaré est retrouvé !
Quand la boucle d’oreille retrouve sa paire !
Et dit – le poète-
Que les pertes font du bonheur,
Quand la perte déguise un don !
Quand l’oubli fait renaître
Quand le démuni rapporte l’objet perdu !
On perd courage
On perd du temps
On perd-dure on perd-siffle
Mais on ne perd jamais d’expérience.
Pas de gain sans perte?
· Une autre histoire très connue dit cela sous forme de conte :
« J’étais allé, mendiant de porte en porte, sur le chemin du village lorsque ton chariot d’or apparut au loin pareil à un rêve splendide et j’admirais quel était ce Roi de tous les rois !
Mes espoirs s’exaltèrent et je pensais : c’en est fini des mauvais jours, et déjà je me tenais prêt dans l’attente d’aumônes spontanées et de richesses éparpillées partout dans la poussière.
Le chariot s’arrêta là où je me tenais. Ton regard tomba sur moi et tu descendis avec un sourire. Je sentis que la chance de ma vie était enfin venue. Soudain, alors, tu tendis ta main droite et dis : « Qu’as-tu à me donner ? »
Ah ! quel jeu royal était-ce là de tendre la main au mendiant pour mendier ! J’étais confus et demeurai perplexe ; enfin, de ma besace, je tirai lentement un tout petit grain de blé et te le donnai.
Mais combien fut grande ma surprise lorsque, à la fin du jour, vidant à terre mon sac, je trouvai un tout petit grain d’or parmi le tas de pauvres grains. Je pleurai amèrement alors et pensai : « Que n’ai-je eu le coeur de te donner mon tout ! »
Rabindranath Tagore
L’offrande Lyrique Ed. Gallimard (trad. André Gide)
· Et vous, quel grain de blé vous est-il possible de perdre ?…
1ère lecture : Le prophète doit souffrir pour son Dieu (Jr 20, 7-9)
Lecture du livre de Jérémie
Seigneur, tu as voulu me séduire, et je me suis laissé séduire ; tu m’as fait subir ta puissance, et tu l’as emporté. A longueur de journée je suis en butte à la raillerie, tout le monde se moque de moi.
Chaque fois que j’ai à dire la parole, je dois crier, je dois proclamer : « Violence et pillage ! » À longueur de journée, la parole du Seigneur attire sur moi l’injure et la moquerie.
Je me disais : « Je ne penserai plus à lui, je ne parlerai plus en son nom. » Mais il y avait en moi comme un feu dévorant, au plus profond de mon être. Je m’épuisais à le maîtriser, sans y réussir.
Psaume : Ps 62, 2, 3-4, 5-6, 8-9
R/ Mon âme a soif de toi, Seigneur, mon Dieu
Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube :
mon âme a soif de toi ;
après toi languit ma chair,
terre aride, altérée, sans eau.
Je t’ai contemplé au sanctuaire, j’ai vu ta force et ta gloire. Ton amour vaut mieux que la vie : tu seras la louange de mes lèvres !
Toute ma vie je vais te bénir, lever les mains en invoquant ton nom. Comme par un festin je serai rassasié ; la joie sur les lèvres, je dirai ta louange.
Oui, tu es venu à mon secours : je crie de joie à l’ombre de tes ailes. Mon âme s’attache à toi, ta main droite me soutient.
2ème lecture : Le culte spirituel (Rm 12, 1-2)
Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains
Je vous exhorte, mes frères, par la tendresse de Dieu, à lui offrir votre personne et votre vie en sacrifice saint, capable de plaire à Dieu : c’est là pour vous l’adoration véritable.
Ne prenez pas pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour savoir reconnaître quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait.
Evangile : Le disciple du Christ doit souffrir avec son Maître (Mt 16, 21-27)
Acclamation :Alléluia. Alléluia. Que le Père de notre Seigneur Jésus Christ illumine nos c?urs : qu’il nous fasse voir quelle espérance nous ouvre son apple. Alléluia.(cf. Ep 1, 17-18)
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
Pierre avait dit à Jésus : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant. » A partir de ce moment, Jésus le Christ commença à montrer à ses disciples qu’il lui fallait partir pour Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des anciens, des chefs des prêtres et des scribes, être tué, et le troisième jour ressusciter.
Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches : « Dieu t’en garde, Seigneur ! cela ne t’arrivera pas. »
Mais lui, se retournant, dit à Pierre : « Passe derrière moi, Satan, tu es un obstacle sur ma route ; tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. » Alors Jésus dit à ses disciples : « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la gardera.Quel avantage en effet un homme aura-t-il à gagner le monde entier, s’il le paye de sa vie ? Et quelle somme pourra-t-il verser en échange de sa vie ? Car le Fils de l’homme va venir avec ses anges dans la gloire de son Père ; alors il rendra à chacun selon sa conduite. »
Homélie pour le Dimanche des Rameaux / Année A 17/04/2011
Pourquoi réduire la Passion à la douleur physique ?
La flagellation, les coups, la crucifixion, l’asphyxie de la croix : beaucoup de commentaires de la Passion du Christ ont insisté sur la souffrance qu’il a endurée dans sa chair. Le dolorisme était aux siècles derniers une spiritualité extrémiste s’appuyant sur la contemplation de cette souffrance physique : c’est en proportion de sa douleur que Jésus aurait « mérité » le plus grand salut pour tous.
Le corollaire de cette position doloriste est inquiétant : plus nous souffrons, nous nous serions associés à la Passion du Christ, et donc plus nous contribuerions au salut du monde. D’où des excès insupportables, comme chaque année les crucifiés des Philippines le Vendredi saint, les pénitents fouettés jusqu’au sang, et tous les vieux discours encore entendus sur le thème : « réjouissez-vous si vous souffrez. Offrez votre souffrance. Le Christ vous associe à sa Passion. »
Il peut arriver à des chrétiens de resservir ce discours doloriste révoltant aux malades ou à leurs familles. Comment offrir à Dieu quelque chose qui est mauvais en soi : la douleur ? « Ce que Dieu aime à recevoir, ce ne sont pas nos souffrances, mais la foi, l’espérance, l’amour que Dieu préserve en nous au coeur de nos souffrances » (Xavier Thévenot).
C’est l’outrage et non pas la douleur
Relisons la Passion telle que ce Dimanche des Rameaux nous l’a fait entendre chez Mathieu. C’est essentiellement un drame de la dérision, aboutissant à une solitude extrême. Aucun terme ne traduit une douleur physique exprimée par Jésus, aucun ! Nulle part il est écrit qu’il avait mal, qu’il criait ou pleurait de douleur. Il y a à peine quelques termes évoquant cette dimension : « ils le rouèrent de coups » (Mt 26,67).
Même la crucifixion n’est mentionnée qu’après coup, presque discrètement : « après l’avoir crucifié… » (27,35). On ne peut en faire moins sur cet instant pourtant terriblement douloureux.
Par contre, relevez toutes les expressions qui évoquent la dérision, la moquerie, l’insulte, ou la déréliction (sentiment d’abandon) :
- mon âme est triste à en mourir 26,38 - s’il est possible que cette coupe passe loin de moi 26,42 - livré aux mains des pécheurs 26,45 - trahi 26,46. 50 - suis-je donc un brigand ? 26,55 - il a blasphémé 26,65 - ils lui crachaient au visage 26,68 - ils le giflaient en disant : fais-nous le prophète, Messie ! 26, 68 - la foule lui préfère Barabbas, un criminel 27,22 - on lui impose la nudité, le manteau rouge, la couronne d’épines, le roseau en guise de sceptre, les agenouillements, tout cela pour se moquer de lui 27, 28-31 - vêtements tirés au sort 27,35 - écriteau parodiant une royauté lamentable 27,37 - insultes des passants, des chefs religieux, des brigands en croix avec lui 27,39-44 - cri de déréliction : Eli, Eli, lama sabbachtani 27,46 - grand cri final 27,50
Cette liste est impressionnante car elle fait ressortir que la Passion du Christ est une descente aux enfers en matière d’injures, d’insultes, de mépris, de moquerie, de dérision et de solitude.
Cette liste est également impressionnante car bon nombre de « moins que rien » de nos sociétés peuvent s’y reconnaître, hélas.
Or cette liste ne parle pas de douleur physique. Jésus n’est pas le champion de la douleur, mais de l’amour offert jusqu’au bout, même à travers la souffrance.
C’est l’outrage, et non pas la douleur, qui est au coeur de la Passion du Christ.
Ce qui caractérise l’attitude du Fils ici, c’est d’aller partager la condition des méprisés, des maudits, des sans-Dieu. Et, pour lui qui est dans l’intimité du Père plus que nul autre, cette séparation est la souffrance la plus haute. Elle est spirituelle. Par amour, le Fils de Dieu va jusqu’au bout de la volonté de son Père : faire corps avec les damnés de la terre pour les ramener à lui ; aller chercher aux enfers et sauver ceux qui étaient perdus, en remontant avec eux.
Pour accomplir cette oeuvre de salut, Jésus va jusqu’à endurer la malédiction juive qui s’attache au crucifié : « maudit soit quiconque pend au bois de la croix » (Ga 3,13 ; Dt 21,23). Les maudits vont ainsi avoir Dieu lui-même comme compagnon de galère?
Au plus bas
Voilà le déchirement intérieur qui parcourt Jésus dans sa Passion : lui – le saint – fait corps avec les damnés ; lui – le Fils – est considéré comme un sans-Dieu ; lui - le juste - est assimilé au criminel ; lui - sur qui repose l’Esprit de communion - fait l’expérience de la solitude absolue (« pourquoi m’as-tu abandonné ? »).
En allant ainsi « jusqu’à l’extrême », Jésus va rejoindre les pécheurs, ceux qui se croyaient exclus de toute espérance, de toute considération humaine, de toute bienveillance divine. Avec lui, ils sortiront de leurs tombeaux : de la haine, de l’exclusion, de la dérision, du mépris, de la solitude, parce que le Christ aura eu la force de les rejoindre au plus bas.
L’offrande véritable
Arrêtons donc de faire l’éloge de la douleur ! Il n’y a rien à offrir dans la souffrance physique.
Par contre, le désir d’aimer peut traverser la douleur et devenir source de vie. Répétons-le : ce n’est pas par la douleur que le Christ a sauvé le monde, mais par sa solidarité avec les damnés de la terre, jusqu’à devenir l’un d’entre eux, et même le pire (blasphémateur et maudit).
Passionnés
Entendre la Passion du Christ, c’est entendre l’appel qu’il nous lance à aller avec lui faire corps avec ceux que l’on considère comme « perdus », ceux dont on se moque, ceux qui sont abandonnés.
Ou bien croire qu’il partage notre condition si nous faisons ces expériences terribles.
Impossible d’avoir ce courage sans la force de l’Esprit en nous ! Supplions donc l’Esprit de nous passionner, en étroite communion avec le Christ outragé, humilié, abandonné, et pourtant en cela vainqueur du mal.
Lecture de la Passion selon St Matthieu
14 Alors l’un des Douze, appelé Judas Iscariote, se rendit auprès des grands prêtres 15 et leur dit: « Que voulez-vous me donner, et moi je vous le livrerai? » Ceux-ci lui versèrent 30 pièces d’argent. 16 Et de ce moment il cherchait une occasion favorable pour le livrer.
Préparatifs du repas pascal
17 Le premier jour des Azymes, les disciples s’approchèrent de Jésus et lui dirent: « Où veux-tu que nous te préparions de quoi manger la Pâque? » 18 Il dit: « Allez à la ville, chez un tel, et dites-lui: Le Maître te fait dire: Mon temps est proche, c’est chez toi que je vais faire la Pâque avec mes disciples. » 19 Les disciples firent comme Jésus leur avait ordonné et préparèrent la Pâque.
Annonce de la trahison de Judas
20 Le soir venu, il était à table avec les Douze. 21 Et tandis qu’ils mangeaient, il dit: « En vérité je vous le dis, l’un de vous me livrera. » 22 Fort attristés, ils se mirent chacun à lui dire: « Serait-ce moi, Seigneur? » 23 Il répondit: « Quelqu’un qui a plongé avec moi la main dans le plat, voilà celui qui va me livrer! 24 Le Fils de l’homme s’en va selon qu’il est écrit de lui; mais malheur à cet homme-là par qui le Fils de l’homme est livré! Mieux eût valu pour cet homme-là de ne pas naître! » 25 A son tour, Judas, celui qui allait le livrer, lui demanda: « Serait-ce moi, Rabbi » — « Tu l’as dit », répond Jésus.
Institution de l’Eucharistie
26 Or, tandis qu’ils mangeaient, Jésus prit du pain, le bénit, le rompit et le donna aux disciples en disant: « Prenez, mangez, ceci est mon corps. » 27 Puis, prenant une coupe, il rendit grâces et la leur donna en disant: « Buvez-en tous; 28 car ceci est mon sang, le sang de l’alliance, qui va être répandu pour une multitude en rémission des péchés. 29 Je vous le dis, je ne boirai plus désormais de ce produit de la vigne jusqu’au jour où je le boirai avec vous, nouveau, dans le Royaume de mon Père. »
Prédiction du reniement de Pierre
30 Après le chant des psaumes, ils partirent pour le mont des Oliviers. 31 Alors Jésus leur dit: « Vous tous, vous allez succomber à cause de moi, cette nuit même. Il est écrit en effet: Je frapperai le pasteur, et les brebis du troupeau seront dispersées. 32 Mais après ma résurrection je vous précéderai en Galilée. » 33 Prenant la parole, Pierre lui dit: « Si tous succombent à cause de toi, moi je ne succomberai jamais. » 34 Jésus lui répliqua: « En vérité je te le dis: cette nuit même, avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois. » 35 Pierre lui dit: « Dussé-je mourir avec toi, non, je ne te renierai pas. » Et tous les disciples en dirent autant.
A Gethsémani
36 Alors Jésus parvient avec eux à un domaine appelé Gethsémani, et il dit aux disciples: « Restez ici, tandis que je m’en irai prier là-bas. » 37 Et prenant avec lui Pierre et les deux fils de Zébédée, il commença à ressentir tristesse et angoisse. 38 Alors il leur dit: « Mon âme est triste à en mourir, demeurez ici et veillez avec moi. » 39 Etant allé un peu plus loin, il tomba face contre terre en faisant cette prière: « Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi! Cependant, non pas comme je veux, mais comme tu veux. » 40 Il vient vers les disciples et les trouve en train de dormir; et il dit à Pierre: « Ainsi, vous n’avez pas eu la force de veiller une heure avec moi! 41 Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation: l’esprit est ardent, mais la chair est faible. » 42 A nouveau, pour la deuxième fois, il s’en alla prier: « Mon Père, dit-il, si cette coupe ne peut passer sans que je la boive, que ta volonté soit faite! » 43 Puis il vint et les trouva à nouveau en train de dormir; car leurs yeux étaient appesantis. 44 Il les laissa et s’en alla de nouveau prier une troisième fois, répétant les mêmes paroles. 45 Alors il vient vers les disciples et leur dit: « Désormais vous pouvez dormir et vous reposer: voici toute proche l’heure où le Fils de l’homme va être livré aux mains des pécheurs. 46 Levez-vous! Allons! Voici tout proche celui qui me livre. »
L’arrestation de Jésus
47 Comme il parlait encore, voici Judas, l’un des Douze, et avec lui une bande nombreuse armée de glaives et de bâtons, envoyée par les grands prêtres et les anciens du peuple. 48 Or le traître leur avait donné ce signe: « Celui à qui je donnerai un baiser, c’est lui; arrêtez-le. » 49 Et aussitôt il s’approcha de Jésus en disant: « Salut, Rabbi » , et il lui donna un baiser. 50 Mais Jésus lui dit: « Ami, fais ta besogne. » Alors, s’avançant, ils mirent la main sur Jésus et l’arrêtèrent. 51 Et voilà qu’un des compagnons de Jésus, portant la main à son glaive, le dégaina, frappa le serviteur du Grand Prêtre et lui enleva l’oreille. 52 Alors Jésus lui dit: « Rengaine ton glaive; car tous ceux qui prennent le glaive périront par le glaive. 53 Penses-tu donc que je ne puisse faire appel à mon Père, qui me fournirait sur-le-champ plus de douze légions d’anges? 54 Comment alors s’accompliraient les Ecritures d’après lesquelles il doit en être ainsi? » 55 A ce moment-là Jésus dit aux foules: « Suis-je un brigand, que vous vous soyez mis en campagne avec des glaives et des bâtons pour me saisir? Chaque jour j’étais assis dans le Temple, à enseigner, et vous ne m’avez pas arrêté. » 56 Or tout ceci advint pour que s’accomplissent les Ecritures des prophètes. Alors les disciples l’abandonnèrent tous et prirent la fuite.
Jésus devant le Sanhédrin
57 Ceux qui avaient arrêté Jésus l’emmenèrent chez Caïphe le Grand Prêtre, où se réunirent les scribes et les anciens. 58 Quant à Pierre, il le suivait de loin, jusqu’au palais du Grand Prêtre; il pénétra à l’intérieur et s’assit avec les valets, pour voir le dénouement.
59 Or, les grands prêtres et le Sanhédrin tout entier cherchaient un faux témoignage contre Jésus, en vue de le faire mourir; 60 et ils n’en trouvèrent pas, bien que des faux témoins se fussent présentés en grand nombre. Finalement il s’en présenta deux, 61 qui déclarèrent: « Cet homme a dit: Je puis détruire le Sanctuaire de Dieu et le rebâtir en trois jours. » 62 Se levant alors, le Grand Prêtre lui dit: « Tu ne réponds rien? Qu’est-ce que ces gens attestent contre toi? » 63 Mais Jésus se taisait. Le Grand Prêtre lui dit: « Je t’adjure par le Dieu Vivant de nous dire si tu es le Christ, le Fils de Dieu » – 64 »Tu l’as dit, lui dit Jésus. D’ailleurs je vous le déclare: dorénavant, vous verrez le Fils de l’homme siégeant à droite de la Puissance et venant sur les nuées du ciel. » 65 Alors le Grand Prêtre déchira ses vêtements en disant: « Il a blasphémé! qu’avons-nous encore besoin de témoins? Là, vous venez d’entendre le blasphème! 66 Qu’en pensez-vous? » Ils répondirent: « Il est passible de mort. »
67 Alors ils lui crachèrent au visage et le giflèrent; d’autres lui donnèrent des coups 68 en disant: « Fais le prophète, Christ, dis-nous qui t’a frappé. »
Reniements de Pierre
69 Cependant Pierre était assis dehors, dans la cour. Une servante s’approcha de lui en disant: « Toi aussi, tu étais avec Jésus le Galiléen. » 70 Mais lui nia devant tout le monde en disant: « Je ne sais pas ce que tu dis. » 71 Comme il s’était retiré vers le porche, une autre le vit et dit à ceux qui étaient là: « Celui-là était avec Jésus le Nazôréen. » 72 Et de nouveau il nia avec serment: « Je ne connais pas cet homme. » 73 Peu après, ceux qui se tenaient là s’approchèrent et dirent à Pierre: « Sûrement, toi aussi, tu en es: et d’ailleurs ton langage te trahit. » 74 Alors il se mit à jurer avec force imprécations: « Je ne connais pas cet homme. » Et aussitôt un coq chanta. 75 Et Pierre se souvint de la parole que Jésus avait dite: « Avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois. » Et, sortant dehors, il pleura amèrement.
Jésus est livré à Pilate
27 1 Le matin étant arrivé, tous les grands prêtres et les anciens du peuple tinrent un conseil contre Jésus, en sorte de le faire mourir. 2 Et, après l’avoir ligoté, ils l’emmenèrent et le livrèrent à Pilate le gouverneur.
Mort de Judas
3 Alors Judas, qui l’avait livré, voyant qu’il avait été condamné, fut pris de remords et rapporta les 30 pièces d’argent aux grands prêtres et aux anciens: 4 »J’ai péché, dit-il, en livrant un sang innocent. » Mais ils dirent: « Que nous importe? A toi de voir. » 5 Jetant alors les pièces dans le sanctuaire, il se retira et s’en alla se pendre. 6 Ayant ramassé l’argent, les grands prêtres dirent: « Il n’est pas permis de le verser au trésor, puisque c’est le prix du sang. » 7 Après délibération, ils achetèrent avec cet argent le « champ du potier » comme lieu de sépulture pour les étrangers. 8 Voilà pourquoi ce champ-là s’est appelé jusqu’à ce jour le « Champ du Sang. » 9 Alors s’accomplit l’oracle de Jérémie le prophète: Et ils prirent les 30 pièces d’argent, le prix du Précieux qu’ont apprécié des fils d’Israël, 10 et ils les donnèrent pour le champ du potier, ainsi que me l’a ordonné le Seigneur.
Jésus devant Pilate
11 Jésus fut amené en présence du gouverneur et le gouverneur l’interrogea en disant: « Tu es le Roi des Juifs? » Jésus répliqua: « Tu le dis. » 12 Puis, tandis qu’il était accusé par les grands prêtres et les anciens, il ne répondit rien. 13 Alors Pilate lui dit: « N’entends-tu pas tout ce qu’ils attestent contre toi? » 14 Et il ne lui répondit sur aucun point, si bien que le gouverneur était fort étonné.
15 A chaque Fête, le gouverneur avait coutume de relâcher à la foule un prisonnier, celui qu’elle voulait. 16 On avait alors un prisonnier fameux, nommé Barabbas. 17 Pilate dit donc aux gens qui se trouvaient rassemblés: « Lequel voulez-vous que je vous relâche, Barabbas, ou Jésus que l’on appelle Christ? » 18 Il savait bien que c’était par jalousie qu’on l’avait livré.
19 Or, tandis qu’il siégeait au tribunal, sa femme lui fit dire: « Ne te mêle point de l’affaire de ce juste; car aujourd’hui j’ai été très affectée dans un songe à cause de lui. »
20 Cependant, les grands prêtres et les anciens persuadèrent aux foules de réclamer Barabbas et de perdre Jésus. 21 Prenant la parole, le gouverneur leur dit: « Lequel des deux voulez-vous que je vous relâche? » Ils dirent: « Barabbas. » 22 Pilate leur dit: « Que ferai-je donc de Jésus que l’on appelle Christ? » Ils disent tous: « Qu’il soit crucifié! » 23 Il reprit: « Quel mal a-t-il donc fait? » Mais ils criaient plus fort: « Qu’il soit crucifié! » 24 Voyant alors qu’il n’aboutissait à rien, mais qu’il s’ensuivait plutôt du tumulte, Pilate prit de l’eau et se lava les mains en présence de la foule, en disant: « Je ne suis pas responsable de ce sang; à vous de voir! » 25 Et tout le peuple répondit: « Que son sang soit sur nous et sur nos enfants! » 26 Alors il leur relâcha Barabbas; quant à Jésus, après l’avoir fait flageller, il le livra pour être crucifié.
Le couronnement d’épines
27 Alors les soldats du gouverneur prirent avec eux Jésus dans le Prétoire et ameutèrent sur lui toute la cohorte. 28 L’ayant dévêtu, ils lui mirent une chlamyde écarlate, 29 puis, ayant tressé une couronne avec des épines, ils la placèrent sur sa tête, avec un roseau dans sa main droite. Et, s’agenouillant devant lui, ils se moquèrent de lui en disant: « Salut, roi des Juifs! » 30 et, crachant sur lui, ils prenaient le roseau et en frappaient sa tête. 31 Puis, quand ils se furent moqués de lui, ils lui ôtèrent la chlamyde, lui remirent ses vêtements et l’emmenèrent pour le crucifier. Patrick Braud