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2 avril 2023

Le casse-croûte du Jeudi saint

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Le casse-croûte du Jeudi saint

Homélie pour le Jeudi Saint / Année A
06/04/2023

Cf. également :

Jeudi Saint : aimer jusqu’au « telos »
La portée animalière du sacrifice du Christ
Jeudi saint : les réticences de Pierre
« Laisse faire » : éloge du non-agir
« Laisse faire » : l’étrange libéralisme de Jésus
Jeudi Saint : pourquoi azyme ?
La commensalité du Jeudi saint
Le Jeudi saint de Pierre
Jeudi Saint / De la bouchée au baiser : la méprise de Judas
Jeudi Saint : la nappe-monde eucharistique
Je suis ce que je mange
La table du Jeudi saint
Le pain perdu du Jeudi Saint
De l’achat au don

Casse-croûte
Casse-croûte
Il fut un temps où le pain était croustillant. Le mordre à pleines dents le faisait craquer de partout, et on avait aux oreilles le bruit si caractéristique de la croûte qui se brise, ce qui double le plaisir. La croûte de la miche de pain était si dure, blonde et noire de cuisson, qu’il fallait la casser au préalable avec un outil spécial au XVIII° siècle pour que les vieillards édentés des hospices puissent quand même savourer la tendre mie à l’intérieur. D’où l’expression « casser la croûte », qui supposait alors connu le but : nourrir les édentés ! Puis l’expression s’est étendue au fait de nourrir son voisin à table, en prenant la miche de pain et on la fractionnant à la main pour la partager avec ses commensaux.

Le casse-croûte était né, qui charrie toujours avec lui un parfum de camaraderie, de partage, de bonne humeur d’être ensemble, ou de pause-travail bien méritée à plusieurs.

Pain rompu pour nourrir
Jésus ne connaissait pas notre bon pain français, mais le pain azyme utilisé lors du repas pascal est aussi croustillant ! Puisqu’il est sans levain, le pain azyme ressemble à une galette craquante, une biscotte géante. C’est le rôle du père de famille lors du repas pascal de prendre la matsa (galette de pain azyme), de la casser et la fracturer pour donner à chacun sa part de pain autour de la table.
MatsaOn n’est pas sûr que le dernier repas de Jésus ait suivi le rituel pascal (le seder Pessah), le rituel très codifié de la nuit pascale, mais on est sûr que Jésus a de multiples fois rompu le pain azyme pour ses disciples, en prononçant les bénédictions juives prévues pour accompagner ce geste.

Dans notre 2° lecture, Paul est donc le premier témoin d’une chaîne de transmission orale qui est formelle sur la fraction du pain :
« Frères, moi, Paul, j’ai moi-même reçu ce qui vient du Seigneur, et je vous l’ai transmis : la nuit où il était livré, le Seigneur Jésus prit du pain, puis, ayant rendu grâce, il le rompit, et dit : « Ceci est mon corps, qui est pour vous » ».
Ce qui est au cœur de ce que nous appelons aujourd’hui l’eucharistie n’est donc pas le pain, mais le pain rompu [1]. Et qui dit ‘pain rompu’ dit ‘pain rompu pour’ : pour partager aux convives, pour le faire qu’un en Christ ajoutera Paul. À tel point que dans les premiers siècles on appelle fraction du pain et non eucharistie le rassemblement du dimanche matin qui singularise les chrétiens des juifs. Les Actes des Apôtres ont gardé la trace de la place centrale de ce geste dans la célébration :

« Chaque jour, d’un même cœur, ils fréquentaient assidûment le Temple, ils rompaient le pain dans les maisons, ils prenaient leurs repas avec allégresse et simplicité de cœur » (Ac 2,46).
« Le premier jour de la semaine, nous étions rassemblés pour rompre le pain… » (Ac 20,7).
« Paul remonta, rompit le pain et mangea ; puis il conversa avec eux assez longtemps, jusqu’à l’aube ; ensuite il s’en alla » (Ac 20,11).
« Ayant dit cela, Paul a pris du pain, il a rendu grâce à Dieu devant tous, il l’a rompu, et il s’est mis à manger » (Ac 27,35).
Et la Didachè, texte chrétien du II° siècle, montre que l’usage était encore en vigueur : « chaque jour du Seigneur, réunissez-vous pour la fraction du pain… ».

Le terme eucharistie (action de grâces) a peu à peu remplacé la fraction du pain, à partir du III° siècle. Il semblait peut-être plus global, car désignant toute la célébration et pas seulement un moment de celle-ci.

Puis le mot messe a remplacé eucharistie, revenant au procédé métonymique où une partie de la célébration - en l’occurrence l’envoi final : ite missa est = maintenant vous êtes envoyés au monde - désigne la totalité.

C’est presque dommage d’avoir remplacé fraction du pain par eucharistie ou messe ! Imaginez que vous disiez un collègue : « le dimanche, je vais à la fraction du pain ». Sa curiosité serait piquée au vif ! Vous lui parleriez alors de ce pain qui est brisé pour nourrir tous les invités. Vous évoqueriez les brisures de la Passion du Christ, comment il a fait de sa vie une nourriture partagée à tous. Vous pourriez même vous confier : les grandes fractures de votre parcours personnel, le sens que vous leur avez donné. Vous lui témoigneriez de la joie qu’il y a à se partager aux autres, à devenir soi-même pain rompu pour ses proches.

Le casse-croûte du Jeudi saint dans Communauté spirituelle 78590504-isol%C3%A9-rompu-%C3%A0-la-place-de-la-matza-carr%C3%A9-shmura-sauv%C3%A9e-par-la-tradition-du-pessa-h-juifLa fraction du pain est l’histoire de notre suite du Christ, lorsque nous expérimentons qu’une vie rompue au service des autres fait la joie de ceux qui sont attablés ensemble.

Au Moyen Âge, on a remplacé l’unique hostie qui était fracturée pour l’assemblée par une multitude de petites hosties rondes prédécoupées. Du coup, le geste de la fraction du pain pendant lequel on doit chanter l’Agneau de Dieu aussi longtemps que nécessaire ne dure que 2 secondes. Et c’est bien dommage. Car qui peut croire en recevant une hostie ronde qu’elle provient d’un seul pain qui a été fracturé ? [2]

La fraction du pain est le signe de l’amour-agapè : l’amour-charité est essentiellement une proexistence, une brisure de soi, une multiplication infinie… « L’amour augmente lorsqu’il est partagé » disait St Augustin. Ce n’est pas le pain comme objet qui est apte à porter la présence du Christ, mais le pain partagé, car l’être même de Dieu est de se livrer, de se donner, de se perdre pour les autres, par amour… Ainsi transparaît l’Amour livré pour le salut du monde. La présence réelle, sacramentelle et agissante, passe par cette brisure.

Pain rompu pour unir
Paul ajoute une autre signification au pain rompu : il écrit aux corinthiens parce qu’ils sont divisés, chamailleurs, querelleurs. Leur Église locale divisée par la rivalité des egos : « j’entends dire que, parmi vous, il existe des divisions, et je crois que c’est assez vrai » (1Co 11,18).

Rien de très neuf en réalité…
Mais du coup, en bon pasteur de la communauté, Paul leur prescrit le seul remède radical qu’il connaisse : communier à la fraction du pain. Car paradoxalement, ce pain rompu est le symbole de notre unité. Il est cassé, fractionné, coupé en de multiples morceaux, mais ceux qui le mangent deviennent un seul corps.
C’est presque un traitement homéopathique : rompre le pain nous donne la force spirituelle de ne pas rompre nos liens fraternels.

wXRp1896993 croûte dans Communauté spirituelleOn a la même idée dans l’Ancien Testament lorsqu’Abraham coupe en deux des carcasses d’animaux pour sceller l’Alliance entre YHWH et lui, dans le fameux et mystérieux passage de « l’Alliance entre les morceaux » :
« Le Seigneur lui dit : ‘Prends-moi une génisse de trois ans, une chèvre de trois ans, un bélier de trois ans, une tourterelle et une jeune colombe.’ Abram prit tous ces animaux, les partagea en deux, et plaça chaque moitié en face de l’autre |…] Après le coucher du soleil, il y eut des ténèbres épaisses. Alors un brasier fumant et une torche enflammée passèrent entre les morceaux d’animaux. Ce jour-là, le Seigneur conclut une alliance avec Abram |…] » (Gn 15,9-18). Paradoxalement, le partage des carcasses symbolise l’union avec YHWH. Dans l’Alliance, le peuple sera en vis-à-vis face à YHWH comme les morceaux d’animaux deux par deux. Le but de la fraction est déjà de ne plus faire qu’un à plusieurs, ce que la Nouvelle Alliance de la fraction du pain accomplira à l’extrême.

1-c39302f2b1 eucharistieSaint Augustin développera sans cesse ce thème du pain rompu pour l’unité des chrétiens :
« Pourquoi donc le corps est-il dans le pain ? Ici encore, ne disons rien de nous-mêmes, écoutons encore l’Apôtre qui, en parlant de ce sacrement, nous dit : Puisqu’il y a un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul corps (1Co 10,17). Comprenez cela et soyez dans la joie : unité, vérité, piété, charité ! Un seul pain : qui est ce pain unique ? Un seul corps, nous qui sommes multitude. Rappelez-vous qu’on ne fait pas du pain avec un seul grain, mais avec beaucoup. Soyez ce que vous voyez, et recevez ce que vous êtes. Voilà ce que l’Apôtre dit du pain » (sermon 272).

Pain rompu pour nourrir,
pain rompu pour unir :
que la fraction du pain ce soir nous entraîne à nous-même devenir rompu pour les autres…

 

 

 

 

______________________________________

[1]. On retrouve l’expression « rompre le pain » dans le miracle du partage des pains (Mt 14, 19.20 ; 15, 36.37 ; Mc 6, 41.43 ; 8, 6.8. 19.20; Lc 9, 17; Jn 6, 11.12.13). b. Puis dans la dernière Cène (Mt 26, 26 ; Mc 14, 22 ; Lc 22, 19; 1 Co 11, 24). c. Et dans cinq autres circonstances : à Emmaüs (Lc 24, 30.35), à Jérusalem (Ac 2, 42.46), à Troas (Ac20, 7.11), sur le navire qui conduit Paul à Rome (Ac 27, 35), à Corinthe (1 Co 10, 16). Dans tous ces passages (au total 16), 14 fois celui qui rompt le pain est nommé : 12 fois c’est Jésus, et 2 fois c’est Paul. Par 2 fois le sujet est la communauté, l’Église locale dans son ensemble.

[2]. La Présentation Générale du Missel Romain (n° 283) demande d’ailleurs qu’on puisse distribuer au moins quelques morceaux du pain rompu à quelques fidèles, et estime « très souhaitable » (n° 564) que l’assemblée reçoive le Corps du Christ avec les hosties consacrées pendant la messe (plutôt qu’avec celles du tabernacle).

MESSE DU SOIR

PREMIÈRE LECTURE
Prescriptions concernant le repas pascal (Ex 12, 1-8.11-14)

Lecture du livre de l’Exode
En ces jours-là, dans le pays d’Égypte, le Seigneur dit à Moïse et à son frère Aaron : « Ce mois-ci sera pour vous le premier des mois, il marquera pour vous le commencement de l’année. Parlez ainsi à toute la communauté d’Israël : le dix de ce mois, que l’on prenne un agneau par famille, un agneau par maison. Si la maisonnée est trop peu nombreuse pour un agneau, elle le prendra avec son voisin le plus proche, selon le nombre des personnes. Vous choisirez l’agneau d’après ce que chacun peut manger. Ce sera une bête sans défaut, un mâle, de l’année. Vous prendrez un agneau ou un chevreau. Vous le garderez jusqu’au quatorzième jour du mois. Dans toute l’assemblée de la communauté d’Israël, on l’immolera au coucher du soleil. On prendra du sang, que l’on mettra sur les deux montants et sur le linteau des maisons où on le mangera. On mangera sa chair cette nuit-là, on la mangera rôtie au feu, avec des pains sans levain et des herbes amères. Vous mangerez ainsi : la ceinture aux reins, les sandales aux pieds, le bâton à la main. Vous mangerez en toute hâte : c’est la Pâque du Seigneur. Je traverserai le pays d’Égypte, cette nuit-là ; je frapperai tout premier-né au pays d’Égypte, depuis les hommes jusqu’au bétail. Contre tous les dieux de l’Égypte j’exercerai mes jugements : Je suis le Seigneur. Le sang sera pour vous un signe, sur les maisons où vous serez. Je verrai le sang, et je passerai : vous ne serez pas atteints par le fléau dont je frapperai le pays d’Égypte.
Ce jour-là sera pour vous un mémorial. Vous en ferez pour le Seigneur une fête de pèlerinage. C’est un décret perpétuel : d’âge en âge vous la fêterez. »

PSAUME
(115 (116b), 12-13, 15-16ac, 17-18)
R/ La coupe de bénédiction est communion au sang du Christ. (cf. 1 Co 10, 16)

Comment rendrai-je au Seigneur
tout le bien qu’il m’a fait ?
J’élèverai la coupe du salut,
j’invoquerai le nom du Seigneur.

Il en coûte au Seigneur
de voir mourir les siens !
Ne suis-je pas, Seigneur, ton serviteur,
moi, dont tu brisas les chaînes ?

Je t’offrirai le sacrifice d’action de grâce,
j’invoquerai le nom du Seigneur.
Je tiendrai mes promesses au Seigneur,
oui, devant tout son peuple.

DEUXIÈME LECTURE
« Chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur » (1 Co 11, 23-26)

Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens
Frères, moi, Paul, j’ai moi-même reçu ce qui vient du Seigneur, et je vous l’ai transmis : la nuit où il était livré, le Seigneur Jésus prit du pain, puis, ayant rendu grâce, il le rompit, et dit : « Ceci est mon corps, qui est pour vous. Faites cela en mémoire de moi. » Après le repas, il fit de même avec la coupe, en disant : « Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang. Chaque fois que vous en boirez, faites cela en mémoire de moi. »
Ainsi donc, chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne.

ÉVANGILE
« Il les aima jusqu’au bout » (Jn 13, 1-15)
Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus ! Je vous donne un commandement nouveau, dit le Seigneur : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus ! (cf. Jn 13, 34)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout.
Au cours du repas, alors que le diable a déjà mis dans le cœur de Judas, fils de Simon l’Iscariote, l’intention de le livrer, Jésus, sachant que le Père a tout remis entre ses mains, qu’il est sorti de Dieu et qu’il s’en va vers Dieu, se lève de table, dépose son vêtement, et prend un linge qu’il se noue à la ceinture ; puis il verse de l’eau dans un bassin. Alors il se mit à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture. Il arrive donc à Simon-Pierre, qui lui dit : « C’est toi, Seigneur, qui me laves les pieds ? » Jésus lui répondit : « Ce que je veux faire, tu ne le sais pas maintenant ; plus tard tu comprendras. » Pierre lui dit : « Tu ne me laveras pas les pieds ; non, jamais ! » Jésus lui répondit : « Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi. » Simon-Pierre lui dit : « Alors, Seigneur, pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête ! » Jésus lui dit : « Quand on vient de prendre un bain, on n’a pas besoin de se laver, sinon les pieds : on est pur tout entier. Vous-mêmes, vous êtes purs, mais non pas tous. » Il savait bien qui allait le livrer ; et c’est pourquoi il disait : « Vous n’êtes pas tous purs. »
Quand il leur eut lavé les pieds, il reprit son vêtement, se remit à table et leur dit : « Comprenez-vous ce que je viens de faire pour vous ? Vous m’appelez “Maître” et “Seigneur”, et vous avez raison, car vraiment je le suis. Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. »
Patrick BRAUD

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26 mars 2023

Le coq défait Pierre

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Le coq défait Pierre

 

Homélie pour le Dimanche des Rameaux / Année A 

02/04/2023

 

Cf. également :

Rameaux : la Passion hallucinée de Jérôme Bosch

Rameaux : la Passion du Christ selon Mel Gibson

Rameaux : vous reprendrez bien un psaume ?

Rameaux : le conflit ou l’archipel
Comment devenir dépassionnés
Rameaux : assumer nos conflits
Rameaux, kénose et relèvement
Briser la logique infernale du bouc émissaire
Les multiples interprétations symboliques du dimanche des rameaux
Le tag cloud de la Passion du Christ
Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?
C’est l’outrage et non pas la douleur
Il a été compté avec les pécheurs
Sortir, partir ailleurs…

Les trois tentations du Christ en croix

Jeudi Saint / De la bouchée au baiser : la méprise de Judas


Un volatile omniprésent

Le coq défait Pierre dans Communauté spirituellePourquoi y a-t-il un coq sur la plupart de nos clochers d’église ? Les minarets sont surmontés d’un croissant de lune, les synagogues sont ornées d’une étoile de David. Pourquoi donc un animal aussi prosaïque qu’un coq ?

Une partie de la réponse pourrait venir des récits de la Passion que nous lisons en ce dimanche des Rameaux et pendant la Semaine Sainte. On entend distinctement le coq chanter dans la cour du grand prêtre où les servantes et les soldats s’intéressent à « l’affaire Jésus », cet obscur galiléen qui se prend pour le Messie. Pierre sait que le coq chante pour lui. Depuis ce célèbre chant, le coq sur nos clochers nous rappelle le triple reniement de Pierre, donc le nôtre, et nous invite à pleurer sur nos péchés.

 « Je ne connais pas cet homme ». Comme « cet homme », c’est celui que Pierre à Césarée a reconnu comme le Messie, il y a là bien plus qu’un reniement : une apostasie.

Le coq est donc un symbole de Pierre. Et doublement ! Car Pierre avait été capable de ‘faire son petit coq  en bombant le torse devant les autres disciples : « Si tous viennent à tomber à cause de toi, moi, je ne tomberai jamais ! » (Mt 26,33-35).

Quel prétentieux petit bonhomme !

Pierre a ‘fait le coq’, et le coq a défait Pierre…

Bien sûr le symbolisme du coq est d’abord solaire : puisque son chant annonce le lever du jour, le coq symbolise le passage des ténèbres à la lumière. En ce sens, cet oiseau est un symbole du Christ. C’est pourquoi le pape Léon IV a décidé en 850 que les clochers de chaque église devraient arborer un coq.

France FFR Home Maillot Rugby Jersey 2021 by Le Coq SportifOn pense également chez nous au coq fièrement cousu sur les maillots de nos rugbymen ou footballeurs. Les rois anglais montraient un lion sur leurs armoiries. Les rois français leur opposaient un coq sur les leurs ! Peut-être à cause de son caractère bagarreur et fier. Mais aussi à cause du jeu de mots latin : gallus signifie à la fois coq (de la famille des gallinacés) et gaulois (pensez à l’Église gallicane). Les Français voient donc dans leurs cochets (coqs de clocher) l’emblème de leur nation et de son lien à l’Église.

Le coq est encore – a contrario de Pierre lorsqu’il renie – l’image des prédicateurs et des évêques (épiscope = sur-veillant, veillant sur) qui réveillent ceux qui dorment pour les avertir du lever imminent du soleil.
Guillaume Durand de Mende, évêque du XIII° siècle, dans son « Manuel pour comprendre la signification symbolique des cathédrales et des églises » nous dit : « Le coq placé sur l’église, est l’image des prédicateurs, car le coq veille dans la nuit sombre, partage les heures par son chant, réveille ceux qui dorment, célèbre le jour qui s’approche ».

coq-clocher-01 coq dans Communauté spirituelleLe coq sur la girouette du clocher suit le vent et indique sa direction : comment ne pas y voir le signe que l’Esprit souffle où il veut, et qu’il suffit de se laisser conduire en s’alignant comme la girouette sur ce que l’Esprit nous souffle de dire et de faire… ?

Un dernier symbolisme du coq est de marquer la 3° veille de la nuit chez les Romains. C’est donc entre la 6° et la 9° heure de la nuit que Pierre a renié son maître, au chant du coq. Et le lendemain, c’est entre la 6° et la 9° heure du jour que les ténèbres se feront.

La 9° heure de la nuit, le triple reniement de Pierre est consommé.

La 9° heure du jour, Jésus meurt en criant que Dieu l’a abandonné. Il y a donc un parallèle entre le reniement de Pierre – notre reniement – et l’abandon qui se généralise autour de Jésus…


Dans l’Évangile de Marc, il n’y a pas 1 mais 2 chants du coq, comme si Marc voulait souligner que Pierre a été averti en cours de route avant que son reniement soit total. Hélas il nous arrive à nous aussi d’ignorer les avertissements salutaires qui pourraient nous éviter d’aller au bout de nos reniements.

Décidément, nous, ce coq et Pierre sommes inséparables : notre vantardise, nos reniements, notre abandon du Christ, nos larmes de remords sont rythmées par le chant de ce gallinacé si imbu de lui-même, et portant messager de l’aurore.

Continuons à picorer quelques détails de ce récit du reniement de Pierre, enchâssé dans la Passion du Christ.


« Toi aussi, tu étais avec le galiléen »

La servante a l’œil : elle reconnaît Pierre entre mille parce qu’elle l’a vu auparavant aux côtés de Jésus. Plutôt : aux côtés du galiléen, ce qui est plutôt méprisant vu la réputation louche que traînait la Galilée pour les juifs de Jérusalem. Un peu comme si elle disait : « toi aussi tu es de la bande de ce mec du 9-3″.

Dans la cour, Pierre reste à distance ; il ne veut plus être aux côtés de Jésus, la peur l’éloigne de son ami. Se faire voir aux côtés du Christ, surtout s’il a mauvaise réputation, est pourtant l’engagement du disciple. C’est le nôtre en tout cas. Et cela nous expose. Être à son côté, de son côté, nous expose à la vindicte populaire, à la dénonciation, à l’arrestation.

Quand la servante dit : « toi aussi », elle parle d’autres disciples sans doute arrêtés en même temps que Jésus, peut-être même les deux larrons qui subiront le même sort que lui. « Nous aussi » nous sommes avec le Christ, quitte à être reconnus comme tels, dénoncés et arrêtés pour cela.


L’accent du Nord

51YgFnft6QL._SX408_BO1,204,203,200_ Judas« Sûrement, toi aussi, tu es l’un d’entre eux ! D’ailleurs, ta façon de parler te trahit ». 

Un peu comme Dany Boon dans Les Ch’tis, Pierre ne peut cacher ses origines. Dès qu’il parle, son affreux accent du Nord, l’accent des galiléens à moitié juifs à moitié païens le trahit. À Jérusalem-la-belle, la capitale, les petits gars de Capharnaüm n’ont pas la cote. La bande à Jésus est à leurs yeux un ramassis de pêcheurs du lac de Tibériade : impossible pour eux de se cacher dans la ville de David. Leur métier, leur accent, leurs vêtements : tout les rend étrangers au standing de la capitale.

Assumons notre « accent » avec le Christ : une autre façon de parler, d’autres origines, si différents des gens bien, si loin des centres du pouvoir…


Les larmes du salut

 Passion« Pierre sortit et, dehors, pleura amèrement ».

Dans la version de Matthieu, Pierre n’a même pas besoin de croiser le regard de Jésus (comme chez Marc) pour fondre en larmes. Il lui suffit du chant du coq et de la parole que cela lui rappelle : « Avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois ».

Puisse-t-il nous arriver la même chose : une parole de l’Évangile qui, à l’occasion d’un événement, nous fait fondre en larmes ! Car nos larmes amères nous conduiront comme Pierre à accueillir le pardon.

Le triple « M’aimes-tu ? » du Ressuscité à Pierre guérira son triple reniement. Alors que Judas, lui, juste après la scène du reniement, ne pleurera pas mais laissera le remords le consumer jusqu’à se pendre.

« Car une tristesse vécue selon Dieu produit un repentir qui mène au salut, sans causer de regrets, tandis que la tristesse selon le monde produit la mort » (2Co 7,10).

« Car le juste tombe sept fois mais se relève, alors que les méchants s’effondrent dans le malheur » (Pr 24,16).

N’ayons pas honte de pleurer sur nos reniements. Ces pleurs conduisent au salut. Les larmes de Pierre sont l’antidote au remords de Judas : s’endurcir, s’en vouloir, se taire ou passer à autre chose sont des attitudes suicidaires !

Méditons en cette Semaine Sainte le reniement de Pierre et le suicide de Judas.

Quel chant du coq peut faire jaillir mes larmes ?

 

LECTURES DE LA MESSE

ENTRÉE MESSIANIQUE
(Mt 21, 1-11)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Jésus et ses disciples, approchant de Jérusalem, arrivèrent en vue de Bethphagé, sur les pentes du mont des Oliviers. Alors Jésus envoya deux disciples en leur disant : « Allez au village qui est en face de vous ; vous trouverez aussitôt une ânesse attachée et son petit avec elle. Détachez-les et amenez-les moi. Et si l’on vous dit quelque chose, vous répondrez : ‘Le Seigneur en a besoin’. Et aussitôt on les laissera partir. » Cela est arrivé pour que soit accomplie la parole prononcée par le prophète : Dites à la fille de Sion :Voici ton roi qui vient vers toi, plein de douceur, monté sur une ânesse et un petit âne, le petit d’une bête de somme.
Les disciples partirent et firent ce que Jésus leur avait ordonné. Ils amenèrent l’ânesse et son petit, disposèrent sur eux leurs manteaux, et Jésus s’assit dessus. Dans la foule, la plupart étendirent leurs manteaux sur le chemin ; d’autres coupaient des branches aux arbres et en jonchaient la route. Les foules qui marchaient devant Jésus et celles qui suivaient criaient : « Hosanna au fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Hosanna au plus haut des cieux ! » Comme Jésus entrait à Jérusalem, toute la ville fut en proie à l’agitation, et disait : « Qui est cet homme ? » Et les foules répondaient : « C’est le prophète Jésus, de Nazareth en Galilée. »

 

PREMIÈRE LECTURE
« Je n’ai pas caché ma face devant les outrages, je sais que je ne serai pas confondu » (Is 50, 4-7)

 

Lecture du livre du prophète Isaïe

Le Seigneur mon Dieu m’a donné le langage des disciples, pour que je puisse, d’une parole, soutenir celui qui est épuisé. Chaque matin, il éveille, il éveille mon oreille pour qu’en disciple, j’écoute. Le Seigneur mon Dieu m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas caché ma face devant les outrages et les crachats. Le Seigneur mon Dieu vient à mon secours ; c’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages, c’est pourquoi j’ai rendu ma face dure comme pierre : je sais que je ne serai pas confondu.

 

PSAUME

(Ps 21 (22), 8-9, 17-18a, 19-20, 22c-24a)
R/ Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? (Ps 21, 2a)

 

Tous ceux qui me voient me bafouent,
ils ricanent et hochent la tête :
« Il comptait sur le Seigneur : qu’il le délivre !


Qu’il le sauve, puisqu’il est son ami ! »

Oui, des chiens me cernent,
une bande de vauriens m’entoure.


Ils me percent les mains et les pieds ;
je peux compter tous mes os.

Ils partagent entre eux mes habits
et tirent au sort mon vêtement.


Mais toi, Seigneur, ne sois pas loin :
ô ma force, viens vite à mon aide !

Tu m’as répondu !


Et je proclame ton nom devant mes frères,
je te loue en pleine assemblée.
Vous qui le craignez, louez le Seigneur.

 

DEUXIÈME LECTURE
« Il s’est abaissé : c’est pourquoi Dieu l’a exalté » (Ph 2, 6-11)

 

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Philippiens

Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu.
 Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes.
Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix.
C’est pourquoi Dieu l’a exalté : il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur terre et aux enfers, et que toute langue proclame : « Jésus Christ est Seigneur » à la gloire de Dieu le Père.

 

ÉVANGILE

Passion de notre Seigneur Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 26, 14 – 27, 66)

Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus. Pour nous, le Christ est devenu obéissant, jusqu’à la mort, et la mort de la croix. C’est pourquoi Dieu l’a exalté : il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom. Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus. (cf. Ph 2, 8-9)

 

La Passion de notre Seigneur Jésus Christ selon saint Matthieu

Les sigles désignant les divers interlocuteurs son les suivants :
X = Jésus ; L = Lecteur ; D = Disciples et amis ; F = Foule ; A = Autres personnages

 

L. En ce temps-là, l’un des Douze, nommé Judas Iscariote, se rendit chez les grands prêtres et leur dit : D. « Que voulez-vous me donner, si je vous le livre ? »

L. Ils lui remirent trente pièces d’argent. Et depuis, Judas cherchait une occasion favorable pour le livrer. Le premier jour de la fête des pains sans levain, les disciples s’approchèrent et dirent à Jésus : D. « Où veux-tu que nous te fassions les préparatifs pour manger la Pâque ? » L. Il leur dit : X. « Allez à la ville, chez un tel, et dites-lui : ‘Le Maître te fait dire : Mon temps est proche ; c’est chez toi que je veux célébrer la Pâque avec mes disciples.’ » L. Les disciples firent ce que Jésus leur avait prescrit et ils préparèrent la Pâque.
Le soir venu, Jésus se trouvait à table avec les Douze. Pendant le repas, il déclara : X. « Amen, je vous le dis : l’un de vous va me livrer. » L. Profondément attristés, ils se mirent à lui demander, chacun son tour : D. « Serait-ce moi, Seigneur ? » L. Prenant la parole, il dit : X. « Celui qui s’est servi au plat en même temps que moi, celui-là va me livrer. Le Fils de l’homme s’en va, comme il est écrit à son sujet ; mais malheureux celui par qui le Fils de l’homme est livré ! Il vaudrait mieux pour lui qu’il ne soit pas né, cet homme-là ! » L. Judas, celui qui le livrait, prit la parole : D. « Rabbi, serait-ce moi ? » L. Jésus lui répond : X. « C’est toi-même qui l’as dit ! »
L. Pendant le repas, Jésus, ayant pris du pain et prononcé la bénédiction, le rompit et, le donnant aux disciples, il dit : X. « Prenez, mangez : ceci est mon corps. » L. Puis, ayant pris une coupe et ayant rendu grâce, il la leur donna, en disant : X. « Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude en rémission des péchés. Je vous le dis : désormais je ne boirai plus de ce fruit de la vigne, jusqu’au jour où je le boirai, nouveau, avec vous dans le royaume de mon Père. »
L. Après avoir chanté les psaumes, ils partirent pour le mont des Oliviers. Alors Jésus leur dit : X. « Cette nuit, je serai pour vous tous une occasion de chute ; car il est écrit : Je frapperai le berger, et les brebis du troupeau seront dispersées. Mais, une fois ressuscité, je vous précéderai en Galilée. » L. Prenant la parole, Pierre lui dit : D. « Si tous viennent à tomber à cause de toi, moi, je ne tomberai jamais. » L. Jésus lui répondit : X. « Amen, je te le dis : cette nuit même, avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois. » L. Pierre lui dit : D. « Même si je dois mourir avec toi, je ne te renierai pas. » L. Et tous les disciples dirent de même.

 Alors Jésus parvient avec eux à un domaine appelé Gethsémani et leur dit : X. « Asseyez-vous ici, pendant que je vais là-bas pour prier. » L. Il emmena Pierre, ainsi que Jacques et Jean, les deux fils de Zébédée, et il commença à ressentir tristesse et angoisse. Il leur dit alors : X. « Mon âme est triste à en mourir. Restez ici et veillez avec moi. » L. Allant un peu plus loin, il tomba face contre terre en priant, et il disait : X. « Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! Cependant, non pas comme moi, je veux, mais comme toi, tu veux. » L. Puis il revient vers ses disciples et les trouve endormis ; il dit à Pierre : X. « Ainsi, vous n’avez pas eu la force de veiller seulement une heure avec moi ? Veillez et priez, pour ne pas entrer en tentation ; l’esprit est ardent, mais la chair est faible. » L. De nouveau, il s’éloigna et pria, pour la deuxième fois ; il disait : X. « Mon Père, si cette coupe ne peut passer sans que je la boive, que ta volonté soit faite ! » L. Revenu près des disciples, de nouveau il les trouva endormis, car leurs yeux étaient lourds de sommeil. Les laissant, de nouveau il s’éloigna et pria pour la troisième fois, en répétant les mêmes paroles. Alors il revient vers les disciples et leur dit : X. « Désormais, vous pouvez dormir et vous reposer. Voici qu’elle est proche, l’heure où le Fils de l’homme est livré aux mains des pécheurs. Levez-vous ! Allons ! Voici qu’il est proche, celui qui me livre. »
L. Jésus parlait encore, lorsque Judas, l’un des Douze, arriva, et avec lui une grande foule armée d’épées et de bâtons, envoyée par les grands prêtres et les anciens du peuple. Celui qui le livrait leur avait donné un signe : D. « Celui que j’embrasserai, c’est lui : arrêtez-le. » L. Aussitôt, s’approchant de Jésus, il lui dit : D. « Salut, Rabbi ! » L. Et il l’embrassa. Jésus lui dit : X. « Mon ami, ce que tu es venu faire, fais-le ! » L. Alors ils s’approchèrent, mirent la main sur Jésus et l’arrêtèrent. L’un de ceux qui étaient avec Jésus, portant la main à son épée, la tira, frappa le serviteur du grand prêtre, et lui trancha l’oreille. Alors Jésus lui dit : X. « Rentre ton épée, car tous ceux qui prennent l’épée périront par l’épée. Crois-tu que je ne puisse pas faire appel à mon Père ? Il mettrait aussitôt à ma disposition plus de douze légions d’anges. Mais alors, comment s’accompliraient les Écritures selon lesquelles il faut qu’il en soit ainsi ? » L. À ce moment-là, Jésus dit aux foules : X. « Suis-je donc un bandit, pour que vous soyez venus vous saisir de moi, avec des épées et des bâtons ? Chaque jour, dans le Temple, j’étais assis en train d’enseigner, et vous ne m’avez pas arrêté. » L. Mais tout cela est arrivé pour que s’accomplissent les écrits des prophètes. Alors tous les disciples l’abandonnèrent et s’enfuirent.
Ceux qui avaient arrêté Jésus l’amenèrent devant Caïphe, le grand prêtre, chez qui s’étaient réunis les scribes et les anciens. Quant à Pierre, il le suivait à distance, jusqu’au palais du grand prêtre ; il entra dans la cour et s’assit avec les serviteurs pour voir comment cela finirait. Les grands prêtres et tout le Conseil suprême cherchaient un faux témoignage contre Jésus pour le faire mettre à mort. Ils n’en trouvèrent pas ; pourtant beaucoup de faux témoins s’étaient présentés. Finalement il s’en présenta deux, qui déclarèrent : A. « Celui-là a dit : ‘Je peux détruire le Sanctuaire de Dieu et, en trois jours, le rebâtir.’ » L. Alors le grand prêtre se leva et lui dit : A. « Tu ne réponds rien ? Que dis-tu des témoignages qu’ils portent contre toi ? » L. Mais Jésus gardait le silence. Le grand prêtre lui dit : A. « Je t’adjure, par le Dieu vivant, de nous dire si c’est toi qui es le Christ, le Fils de Dieu. » L. Jésus lui répond : X. « C’est toi-même qui l’as dit ! En tout cas, je vous le déclare : désormais vous verrez lFils de l’homme siéger à la droite du Tout-Puissant et venir sur les nuées du ciel. » L. Alors le grand prêtre déchira ses vêtements, en disant : A. « Il a blasphémé ! Pourquoi nous faut-il encore des témoins ? Vous venez d’entendre le blasphème ! Quel est votre avis ? » L. Ils répondirent : F. « Il mérite la mort. » L. Alors ils lui crachèrent au visage et le giflèrent ; d’autres le rouèrent de coups en disant : F. « Fais-nous le prophète, ô Christ ! Qui t’a frappé ? »
L. Cependant Pierre était assis dehors dans la cour. Une jeune servante s’approcha de lui et lui dit : A. « Toi aussi, tu étais avec Jésus, le Galiléen ! » L. Mais il le nia devant tout le monde et dit : D. « Je ne sais pas de quoi tu parles. » L. Une autre servante le vit sortir en direction du portail et elle dit à ceux qui étaient là : A. « Celui-ci était avec Jésus, le Nazaréen. » L. De nouveau, Pierre le nia en faisant ce serment : D. « Je ne connais pas cet homme. » L. Peu après, ceux qui se tenaient là s’approchèrent et dirent à Pierre : A. « Sûrement, toi aussi, tu es l’un d’entre eux ! D’ailleurs, ta façon de parler te trahit. » L. Alors, il se mit à protester violemment et à jurer : D. « Je ne connais pas cet homme. » L. Et aussitôt un coq chanta. Alors Pierre se souvint de la parole que Jésus lui avait dite : « Avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois. » Il sortit et, dehors, pleura amèrement.
Le matin venu, tous les grands prêtres et les anciens du peuple tinrent conseil contre Jésus pour le faire mettre à mort. Après l’avoir ligoté, ils l’emmenèrent et le livrèrent à Pilate, le gouverneur.
Alors, en voyant que Jésus était condamné, Judas, qui l’avait livré, fut pris de remords ; il rendit les trente pièces d’argent aux grands prêtres et aux anciens. Il leur dit : D. « J’ai péché en livrant à la mort un innocent. » L. Ils répliquèrent : A. « Que nous importe ? Cela te regarde ! » L. Jetant alors les pièces d’argent dans le Temple, il se retira et alla se pendre. Les grands prêtres ramassèrent l’argent et dirent : A. « Il n’est pas permis de le verser dans le trésor, puisque c’est le prix du sang. » Après avoir tenu conseil, ils achetèrent avec cette somme le champ du potier pour y enterrer les étrangers. Voilà pourquoi ce champ est appelé jusqu’à ce jour le Champ-du-Sang. Alors fut accomplie la parole prononcée par le prophète Jérémie : Ils ramassèrent les trente pièces d’argent, le prix de celui qui fut mis à prix, le prix fixé par les fils d’Israël, et ils les donnèrent pour le champ du potier, comme le Seigneur me l’avait ordonné.
L. On fit comparaître Jésus devant Pilate, le gouverneur, qui l’interrogea : A. « Es-tu le roi des Juifs ? » L. Jésus déclara : X. « C’est toi-même qui le dis. » L. Mais, tandis que les grands prêtres et les anciens l’accusaient, il ne répondit rien. Alors Pilate lui dit : A. « Tu n’entends pas tous les témoignages portés contre toi ? » L. Mais Jésus ne lui répondit plus un mot, si bien que le gouverneur fut très étonné. Or, à chaque fête, celui-ci avait coutume de relâcher un prisonnier, celui que la foule demandait. Il y avait alors un prisonnier bien connu, nommé Barabbas. Les foules s’étant donc rassemblées, Pilate leur dit : A. « Qui voulez-vous que je vous relâche : Barabbas ? ou Jésus, appelé le Christ ? » L. Il savait en effet que c’était par jalousie qu’on avait livré Jésus. Tandis qu’il siégeait au tribunal, sa femme lui fit dire : A. «
 Ne te mêle pas de l’affaire de ce juste, car aujourd’hui j’ai beaucoup souffert en songe à cause de lui. » L. Les grands prêtres et les anciens poussèrent les foules à réclamer Barabbas et à faire périr Jésus. Le gouverneur reprit : A. « Lequel des deux voulez-vous que je vous relâche ? » L. Ils répondirent : F. « Barabbas ! » L. Pilate leur dit : A. « Que ferai-je donc de Jésus appelé le Christ ? » L. Ils répondirent tous : F. « Qu’il soit crucifié ! » L. Pilate demanda : A. « Quel mal a-t-il donc fait ? » L. Ils criaient encore plus fort : F. « Qu’il soit crucifié ! » L. Pilate, voyant que ses efforts ne servaient à rien, sinon à augmenter le tumulte, prit de l’eau et se lava les mains devant la foule, en disant : A. « Je suis innocent du sang de cet homme : cela vous regarde ! » L. Tout le peuple répondit : F. « Son sang, qu’il soit sur nous et sur nos enfants ! » L. Alors, il leur relâcha Barabbas ; quant à Jésus, il le fit flageller, et il le livra pour qu’il soit crucifié. Alors les soldats du gouverneur emmenèrent Jésus dans la salle du Prétoire et rassemblèrent autour de lui toute la garde. Ils lui enlevèrent ses vêtements et le couvrirent d’un manteau rouge. Puis, avec des épines, ils tressèrent une couronne, et la posèrent sur sa tête ; ils lui mirent un roseau dans la main droite et, pour se moquer de lui, ils s’agenouillaient devant lui en disant : F. « Salut, roi des Juifs ! » L. Et, après avoir craché sur lui, ils prirent le roseau, et ils le frappaient à la tête. Quand ils se furent bien moqués de lui, ils lui enlevèrent le manteau, lui remirent ses vêtements, et l’emmenèrent pour le crucifier.
En sortant, ils trouvèrent un nommé Simon, originaire de Cyrène, et ils le réquisitionnèrent pour porter la croix de Jésus. Arrivés en un lieu dit Golgotha, c’est-à-dire : Lieu-du-Crâne (ou Calvaire), ils donnèrent à boire à Jésus du vin mêlé de fiel ; il en goûta, mais ne voulut pas boire. Après l’avoir crucifié, ils se partagèrent ses vêtements en tirant au sort ; et ils restaient là, assis, à le garder. Au-dessus de sa tête ils placèrent une inscription indiquant le motif de sa condamnation : « Celui-ci est Jésus, le roi des Juifs. » Alors on crucifia avec lui deux bandits, l’un à droite et l’autre à gauche.
Les passants l’injuriaient en hochant la tête ; ils disaient : F. « Toi qui détruis le Sanctuaire et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même, si tu es Fils de Dieu, et descends de la croix ! » L. De même, les grands prêtres se moquaient de lui avec les scribes et les anciens, en disant : A. « Il en a sauvé d’autres, et il ne peut pas se sauver lui-même ! Il est roi d’Israël : qu’il descende maintenant de la croix, et nous croirons en lui ! Il a mis sa confiance en Dieu. Que Dieu le délivre maintenant, s’il l’aime ! Car il a dit : ‘Je suis Fils de Dieu.’ » L. Les bandits crucifiés avec lui l’insultaient de la même manière.
À partir de la sixième heure (c’est-à-dire : midi), l’obscurité se fit sur toute la terre jusqu’à la neuvième heure. Vers la neuvième heure, Jésus cria d’une voix forte : X. « Éli, Éli, lema sabactani ? », L. ce qui veut dire : X. « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » L. L’ayant entendu, quelques-uns de ceux qui étaient là disaient : F. « Le voilà qui appelle le prophète Élie ! » L. Aussitôt l’un d’eux courut prendre une éponge qu’il trempa dans une boisson vinaigrée ; il la mit au bout d’un roseau, et il lui donnait à boire. Les autres disaient : F. « Attends ! Nous verrons bien si Élie vient le sauver. » L. Mais Jésus, poussant de nouveau un grand cri, rendit l’esprit.
(Ici on fléchit le genou et on s’arrête un instant)
Et voici que le rideau du Sanctuaire se déchira en deux, depuis le haut jusqu’en bas ; la terre trembla et les rochers se fendirent. Les tombeaux s’ouvrirent ; les corps de nombreux saints qui étaient morts ressuscitèrent, et, sortant des tombeaux après la résurrection de Jésus, ils entrèrent dans la Ville sainte, et se montrèrent à un grand nombre de gens. À la vue du tremblement de terre et de ces événements, le centurion et ceux qui, avec lui, gardaient Jésus, furent saisis d’une grande crainte et dirent : A. « Vraiment, celui-ci était Fils de Dieu ! »
L. Il y avait là de nombreuses femmes qui observaient de loin. Elles avaient suivi Jésus depuis la Galilée pour le servir. Parmi elles se trouvaient Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques et de Joseph, et la mère des fils de Zébédée.
Comme il se faisait tard, arriva un homme riche, originaire d’Arimathie, qui s’appelait Joseph, et qui était devenu, lui aussi, disciple de Jésus. Il alla trouver Pilate pour demander le corps de Jésus. Alors Pilate ordonna qu’on le lui remette. Prenant le corps, Joseph l’enveloppa dans un linceul immaculé, et le déposa dans le tombeau neuf qu’il s’était fait creuser dans le roc. Puis il roula une grande pierre à l’entrée du tombeau et s’en alla. Or Marie Madeleine et l’autre Marie étaient là, assises en face du sépulcre.
Le lendemain, après le jour de la Préparation, les grands prêtres et les pharisiens s’assemblèrent chez Pilate, en disant : A. « Seigneur, nous nous sommes rappelé que cet imposteur a dit, de son vivant : ‘Trois jours après, je ressusciterai.’ Alors, donne l’ordre que le sépulcre soit surveillé jusqu’au troisième jour, de peur que ses disciples ne viennent voler le corps et ne disent au peuple : ‘Il est ressuscité d’entre les morts.’ Cette dernière imposture serait pire que la première. » L. Pilate leur déclara : A. « Vous avez une garde. Allez, organisez la surveillance comme vous l’entendez ! »
L. Ils partirent donc et assurèrent la surveillance du sépulcre en mettant les scellés sur la pierre et en y plaçant la garde.
Patrick BRAUD

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19 mars 2023

Déliez-le, et laissez-le aller

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Déliez-le, et laissez-le aller

 

Homélie pour le 5° Dimanche de Carême / Année A 

26/03/2023

 

Cf. également :

Inviter Dieu à visiter ce qui nous tue

Reprocher pour se rapprocher

Et Jésus pleura

Une puanteur de 4 jours


Il ne faut pas réveiller la momie qui dort !

Déliez-le, et laissez-le aller dans Communauté spirituelle 286958Vous avez peut-être frissonné en suivant les aventures de Tom Cruise dans le film « La Momie » (2017). Par malheur, une ancienne princesse égyptienne qui avait été momifiée vivante est réveillée par des aventuriers. Grosse erreur ! Parce qu’elle a été consciencieusement enterrée dans un tombeau au fin fond d’un insondable désert, cette princesse va déverser sur notre monde des siècles de rancœurs accumulées et de terreur dépassant l’entendement humain. Des sables du Moyen Orient aux pavés de Londres en passant par les ténébreux labyrinthes d’antiques tombeaux dérobés, La Momie nous transporte dans un monde à la fois terrifiant et merveilleux, peuplé de monstres et de divinités, dépoussiérant au passage un mythe vieux comme le monde.

Il y avait déjà eu un film sur ce thème de la vengeance de la momie réveillée d’entre les morts en 1939, puis un remake en 1999, puis la suite avec « Le retour de la Momie » en 2001, sans oublier les films très proches : « Le Roi scorpion » (2002), « La tombe de l’empereur Dragon » (2008) etc.

Bref : la momie qui se réveille est un filon hollywoodien très populaire depuis plus d’un siècle !

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Il faut croire que Jean l’évangéliste a des talents de cinéaste ! Dans l’Évangile de ce 4e dimanche de Carême (Jn 11,1-45), il met en scène la sortie du tombeau de Lazare avec force détails : la puanteur du cadavre (depuis 4 jours déjà !), les rites funéraires, les pleureuses, le village rassemblé pour soutenir la famille etc.

« Jésus cria d’une voix forte : ‘Lazare, sors dehors !’ Et le mort sortit, les pieds et les mains liés par des bandelettes, le visage enveloppé d’un suaire. Jésus leur dit : ‘Déliez-le, et laissez-le aller’ ».

Voilà donc notre momie-Lazare réveillée d’entre les morts, non pour accomplir une malédiction hollywoodienne, mais au contraire pour que la foule croit que Jésus est l’Envoyé du Père.


Déliez-le et laissez-le aller

Visu-1-6 Carême dans Communauté spirituelleLa scène est impressionnante ; et d’autant plus bizarre qu’on se demande comment Lazare a pu sortir du tombeau alors qu’il était ligoté de partout, pieds et mains liés ! On le voit mal sauter à pieds joints ligoté dans ses bandelettes…

Évidemment, Jean ménage ses effets, et veut insister sur ce qui se passe après la réanimation du corps : il faut le délier de ses linges, et lui redonner sa liberté au lieu de le confiner dans sa famille ou dans le village. La différence avec la résurrection de Jésus saute aux yeux : au matin de Pâques, les bandelettes qui ont entouré le corps du crucifié sont soigneusement roulées et rangées à part, ainsi que le linge qui maintenait sa mâchoire fermée autour de son visage. « Simon-Pierre entre dans le tombeau ; il aperçoit les linges, posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à part à sa place » (Jn 20,6-7). Le Christ n’a pas besoin d’aide humaine pour être relevé d’entre les morts : c’est de Dieu qu’il reçoit directement cette puissance. Il n’a pas besoin d’être délié par les femmes au tombeau. Il n’a pas besoin d’être autorisé pour aller librement à sa guise là où il veut.
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Si Jésus avait la puissance de ressusciter Lazare pourquoi n’a-t-il pas roulé la pierre lui-même ?

Pourquoi n’a-t-il pas transporté miraculeusement Lazare hors du tombeau ?

Pourquoi ne l’a-t-il pas lui-même délivré de ses bandelettes ?

Et si cette mise en scène étrange et prodigieuse avait un sens plus profond que celui déjà tout à fait extraordinaire de la résurrection ?

Pour Lazare, c’est-à-dire pour nous associer à la résurrection du Christ, il faut la médiation de ses amis, de sa famille, de sa communauté. Autrement dit : il faut la médiation de l’Église pour achever en nous la résurrection du Christ : nous délier, nous laisser aller.

Mais de quels liens l’Église peut-elle nous défaire pour nous faire vivre ?


Les liens qui nous retiennent dans la mort

Résurrection de LazareVous sentez-vous parfois comme entravé par des boulets que vous traînez derrière vous depuis des années ? Vous sentez-vous prisonnier de telle habitude, telle dépendance ? Les biens et richesses que vous possédez vous possèdent-ils aussi ? Telle relation mortifère vous empêche-t-elle de respirer à pleins poumons ?…

Alors vous comprenez que la résurrection n’est pas le tout de la foi chrétienne : il faut qu’elle soit complétée en quelque sorte par une libération complète de tout ce qui nous retient encore dans le royaume de la mort.

Le bateau qui s’élance sans couper les amarres sera violemment rappelé à quai.

Quelles sont donc ces amarres, ces bandelettes qui comme Lazare nous empêchent de mettre en œuvre la liberté du Ressuscité ?

Le texte grec dit : λύσατε αυτό = déliez-le. Le verbe grec λω (luō) qui est employé ici l’est également dans d’autres passages du Nouveau Testament qui nous éclairent sur les liens à détacher pour aller librement comme Lazare. Parcourons quelques usages de ce verbe λω  afin d’évoquer ce dont Lazare et nous-mêmes sommes déliés.


Les liens du mutisme

JESUSexorcise délier« Ses oreilles s’ouvrirent ; sa langue se délia (luō), et il parlait correctement » (Mc 7,35).

Le possédé de Transjordanie ne sait plus parler. Il vocifère. Sa parole est en lambeaux comme ses vêtements en haillons et son corps lacéré d’automutilations. Jésus lui rend la possibilité de communiquer humainement avec ses semblables, au lieu de mugir comme une bête blessée.

Voilà une délivrance qui nous sera utile tôt ou tard : apprendre à articuler notre douleur, à trouver les mots pour dire notre souffrance – notre bonheur – et ainsi ne plus nous enfermer dans le mutisme ou l’inaudible. Se taire, vociférer, grogner sont des bandelettes qui nous enserrent et nous maintiennent dans des tombeaux de solitude pires que celui de Lazare.


Les liens qui nous empêchent de servir

Jésus monte un âne ; les gens se servent de palmes pour le saluer, et étendent des vêtements et des branchages sur la route.« Jésus leur dit : Allez au village qui est en face de vous. Dès que vous y entrerez, vous trouverez un petit âne attaché, sur lequel personne ne s’est encore assis. Détachez-le (luō) et amenez-le » (Mc 11,2).

Nous sommes cet ânon attaché au piquet, attendant qu’on nous réquisitionne pour une cause juste… Et porter Jésus dans son entrée à Jérusalem, quelle cause plus belle pour un âne ? Mais si personne ne nous appelle, nous resterons longtemps à nous demander pourquoi nous sommes ainsi au piquet. Rappelez-vous que les chrétiens sont des ekkletoi en grec =  des appelés, ceux que l’Église (ekklesia) appelle pour servir le Christ en nos frères.

Comment servir si personne ne m’appelle ? Je resterai un âne, inutile, tant que je n’entendrai pas les amis de Jésus me dire en quoi ils ont besoin de moi.
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Tant de salariés sont attachés à leur emploi comme l’ânon au piquet : sans savoir à quoi ils servent vraiment, sans voir d’utilité sociale, écologique ou même personnelle à leur job qui est alimentaire avant tout.

Tant de jeunes gaspillent leur énergie, leur force, leur créativité dans la drogue, la délinquance, les écrans, l’étourdissement des plaisirs faciles. Ils attendent – le plus souvent sans le savoir – qu’on les appelle, qu’on les détache, qu’on leur donne un objectif noble à servir.

Je suis cet âne qu’il faut délier pour servir la Pâque…


Les courroies de sa sandale

7W2y-sarnTi_d6pWh8tsmz4GZQ4@150x110 Lazare

« C’est lui qui vient derrière moi, et je ne suis pas digne de délier (luō) la courroie de sa sandale » (Jn 1,27).

Variante de l’appel précédent, le Baptiste évoque l’humble service domestique de l’esclave qui défait les lacets des chaussures de son maître. Quand j’étais enfant, c’était une joie d’accueillir mon père revenant de sa journée de travail à l’usine en lui tendant ses chaussons : « tiens mon petit papa, mets-toi à l’aise, souffle un peu, tu es chez nous ».

Désormais, le baptême nous rend dignes de soulager autrui de ce qui est lourd et douloureux pour lui, afin de lui procurer le repos et le réconfort du foyer.


Les liens qui nous possèdent

la-femme-courbee momie« Cette femme, une fille d’Abraham, que Satan avait liée voici dix-huit ans, ne fallait-il pas la délivrer (luō) de ce lien le jour du sabbat ? » (Lc 13,16).

Les possessions à l’époque de Jésus désignent toutes les maladies, infirmités et attachements qui amoindrissent une existence, la rendant inhumaine. Cette femme qui a visiblement une vie tordue comme son dos était emprisonnée dans ce handicap comme Lazare dans son tombeau. Aujourd’hui, la médecine s’occupe des liens organiques. Mais les  liens spirituel demeurent, et il en est d’épouvantables qui maintiennent des êtres comme au tombeau : la haine, l’addiction sous toutes ses formes, l’idolâtrie (argent, sexe, pouvoir, gloire…). Ils sont nombreux ces liens que ‘Satan’ utilise pour ligoter une liberté !

À chacun d’examiner honnêtement ce qui le possède et le manipule, telle une marionnette prenant plaisir à faire le mal…


Les liens du péché

442px-Emblem_of_the_Papacy_SE.svgFinalement, les liens de possession les plus forts relèvent de ce que nous appelons le péché. Et c’est bien pour nous rendre libres face au péché que le Christ a fondé son Église.

Pour ouvrir nos cadenas, il a confié le pouvoir des clés, à Pierre d’abord : « Je te donnerai les clés du royaume des Cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié (luōsur la terre sera délié (luōdans les cieux » (Mt 16,19). Puis finalement à toute l’Église que nous sommes : « Amen, je vous le dis : tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous aurez délié (luō) sur la terre sera délié (luōdans le ciel » (Mt 18,18).

Délier du péché, c’est faire sortir notre Lazare intérieur du tombeau ! Par le sacrement de réconciliation bien sûr, mais d’abord par le pardon mutuel, l’oubli des fautes, l’amour des ennemis, l’alliance fraternelle renouvelée sans cesse, jusqu’à pardonner 70 fois 7 fois…


Les liens du livre et des 7 sceaux

« Puis j’ai vu un ange plein de force, qui proclamait d’une voix puissante : ‘Qui donc est digne d’ouvrir le Livre et d’en briser (luōles sceaux ?’ [...] Mais l’un des Anciens me dit : ‘Ne pleure pas. Voilà qu’il a remporté la victoire, le lion de la tribu de Juda, le rejeton de David : il ouvrira (luōle Livre aux sept sceaux’ » (Ap 5,2.5).

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La promesse de la résurrection nous ouvre l’avenir dès maintenant : le livre de nos vies n’est plus fermé, les 7 sceaux qui scellaient notre histoire personnelle et collective sont rompus. Un horizon se dessine, un avenir est ouvert : voilà ce que nous – momies éblouies par le retour de la lumière – nous expérimentons à l’appel de du Christ uni à son Église.

L’absurde n’aura pas le dernier mot.

La résurrection libère notre intelligence pour briser les sceaux, lire, déchiffrer, espérer ce qui autrefois était inaccessible.


Les liens de la mort

10572804« Dieu l’a ressuscité en le délivrant (luōdes douleurs de la mort, car il n’était pas possible qu’elle le retienne en son pouvoir » (Ac 2,24).

De manière ultime, les derniers liens que Dieu vaincra en nous mieux que les bandelettes de Lazare sont les liens de la mort elle-même !

Ce que Dieu a fait en Christ, il le réalise en nous dès maintenant : il nous fait sortir hors de nos tombeaux, il nous donne des frères et des sœurs pour nous délier et apprendre à vivre libres, il nous délie de la mort dès maintenant et à jamais…
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Que la momie Lazare nous fasse entendre pour nous-mêmes l’appel du Christ à son Église : « déliez-le et laissez-le aller »… !

 

 

LECTURES DE LA MESSE

 

PREMIÈRE LECTURE
« Je mettrai en vous mon esprit, et vous vivrez » (Ez 37, 12-14)

 

Lecture du livre du prophète Ézékiel

Ainsi parle le Seigneur Dieu : Je vais ouvrir vos tombeaux et je vous en ferai remonter, ô mon peuple, et je vous ramènerai sur la terre d’Israël. Vous saurez que Je suis le Seigneur, quand j’ouvrirai vos tombeaux et vous en ferai remonter, ô mon peuple ! Je mettrai en vous mon esprit, et vous vivrez ; je vous donnerai le repos sur votre terre. Alors vous saurez que Je suis le Seigneur : j’ai parlé et je le ferai – oracle du Seigneur.

 

PSAUME

(Ps 129 (130), 1-2, 3-4, 5-6ab, 7bc-8)
R/ Près du Seigneur est l’amour, près de lui abonde le rachat. (Ps 129, 7bc)

 

Des profondeurs je crie vers toi, Seigneur,
Seigneur, écoute mon appel !
Que ton oreille se fasse attentive
au cri de ma prière !

 

Si tu retiens les fautes, Seigneur,
Seigneur, qui subsistera ?
Mais près de toi se trouve le pardon
pour que l’homme te craigne.

 

J’espère le Seigneur de toute mon âme ;
je l’espère, et j’attends sa parole.
Mon âme attend le Seigneur
plus qu’un veilleur ne guette l’aurore.

 

Oui, près du Seigneur, est l’amour ;
près de lui, abonde le rachat.
C’est lui qui rachètera Israël
de toutes ses fautes.

 

DEUXIÈME LECTURE

« L’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus habite en vous » (Rm 8, 8-11)

 

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Frères, ceux qui sont sous l’emprise de la chair ne peuvent pas plaire à Dieu. Or, vous, vous n’êtes pas sous l’emprise de la chair, mais sous celle de l’Esprit, puisque l’Esprit de Dieu habite en vous. Celui qui n’a pas l’Esprit du Christ ne lui appartient pas. Mais si le Christ est en vous, le corps, il est vrai, reste marqué par la mort à cause du péché, mais l’Esprit vous fait vivre, puisque vous êtes devenus des justes. Et si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus, le Christ, d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous.

 

ÉVANGILE

« Je suis la résurrection et la vie » (Jn 11, 1-45)
Gloire à toi, Seigneur, gloire à toi. Moi, je suis la résurrection et la vie, dit le Seigneur. Celui qui croit en moi ne mourra jamais. Gloire à toi, Seigneur, gloire à toi. (cf. Jn 11, 25a.26)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

 En ce temps-là, il y avait quelqu’un de malade, Lazare, de Béthanie, le village de Marie et de Marthe, sa sœur. Or Marie était celle qui répandit du parfum sur le Seigneur et lui essuya les pieds avec ses cheveux. C’était son frère Lazare qui était malade. Donc, les deux sœurs envoyèrent dire à Jésus : « Seigneur, celui que tu aimes est malade. » En apprenant cela, Jésus dit : « Cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié. » Jésus aimait Marthe et sa sœur, ainsi que Lazare. Quand il apprit que celui-ci était malade, il demeura deux jours encore à l’endroit où il se trouvait. Puis, après cela, il dit aux disciples : « Revenons en Judée. » Les disciples lui dirent : « Rabbi, tout récemment, les Juifs, là-bas, cherchaient à te lapider, et tu y retournes ? » Jésus répondit : « N’y a-t-il pas douze heures dans une journée ? Celui qui marche pendant le jour ne trébuche pas, parce qu’il voit la lumière de ce monde ; mais celui qui marche pendant la nuit trébuche, parce que la lumière n’est pas en lui. » Après ces paroles, il ajouta : « Lazare, notre ami, s’est endormi ; mais je vais aller le tirer de ce sommeil. » Les disciples lui dirent alors : « Seigneur, s’il s’est endormi, il sera sauvé. » Jésus avait parlé de la mort ; eux pensaient qu’il parlait du repos du sommeil. Alors il leur dit ouvertement : « Lazare est mort, et je me réjouis de n’avoir pas été là, à cause de vous, pour que vous croyiez. Mais allons auprès de lui ! » Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), dit aux autres disciples : « Allons-y, nous aussi, pour mourir avec lui ! »
À son arrivée, Jésus trouva Lazare au tombeau depuis quatre jours déjà. Comme Béthanie était tout près de Jérusalem – à une distance de quinze stades (c’est-à-dire une demi-heure de marche environ) –, beaucoup de Juifs étaient venus réconforter Marthe et Marie au sujet de leur frère. Lorsque Marthe apprit l’arrivée de Jésus, elle partit à sa rencontre, tandis que Marie restait assise à la maison. Marthe dit à Jésus : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. Mais maintenant encore, je le sais, tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l’accordera. » Jésus lui dit : « Ton frère ressuscitera. » Marthe reprit : « Je sais qu’il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour. » Jésus lui dit : « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? » Elle répondit : « Oui, Seigneur, je le crois : tu es le Christ, le Fils de Dieu, tu es celui qui vient dans le monde. » Ayant dit cela, elle partit appeler sa sœur Marie, et lui dit tout bas : « Le Maître est là, il t’appelle. » Marie, dès qu’elle l’entendit, se leva rapidement et alla rejoindre Jésus. Il n’était pas encore entré dans le village, mais il se trouvait toujours à l’endroit où Marthe l’avait rencontré. Les Juifs qui étaient à la maison avec Marie et la réconfortaient, la voyant se lever et sortir si vite, la suivirent ; ils pensaient qu’elle allait au tombeau pour y pleurer. Marie arriva à l’endroit où se trouvait Jésus. Dès qu’elle le vit, elle se jeta à ses pieds et lui dit : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. » Quand il vit qu’elle pleurait, et que les Juifs venus avec elle pleuraient aussi, Jésus, en son esprit, fut saisi d’émotion, il fut bouleversé, et il demanda : « Où l’avez-vous déposé ? » Ils lui répondirent : « Seigneur, viens, et vois. » Alors Jésus se mit à pleurer. Les Juifs disaient : « Voyez comme il l’aimait ! » Mais certains d’entre eux dirent : « Lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle, ne pouvait-il pas empêcher Lazare de mourir ? »
Jésus, repris par l’émotion, arriva au tombeau. C’était une grotte fermée par une pierre. Jésus dit : « Enlevez la pierre. » Marthe, la sœur du défunt, lui dit : « Seigneur, il sent déjà ; c’est le quatrième jour qu’il est là. » Alors Jésus dit à Marthe : « Ne te l’ai-je pas dit ? Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu. » On enleva donc la pierre. Alors Jésus leva les yeux au ciel et dit : « Père, je te rends grâce parce que tu m’as exaucé. Je le savais bien, moi, que tu m’exauces toujours ; mais je le dis à cause de la foule qui m’entoure, afin qu’ils croient que c’est toi qui m’as envoyé. » Après cela, il cria d’une voix forte : « Lazare, viens dehors ! » Et le mort sortit, les pieds et les mains liés par des bandelettes, le visage enveloppé d’un suaire. Jésus leur dit : « Déliez-le, et laissez-le aller. » Beaucoup de Juifs, qui étaient venus auprès de Marie et avaient donc vu ce que Jésus avait fait, crurent en lui.
Patrick Braud

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12 mars 2023

Les faits sont têtus !

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Les faits sont têtus !

Homélie pour le 4° Dimanche de Carême / Année A
19/03/2023

Cf. également :

Rousseur et cécité : la divine embauche !
Témoin, à la barre !
Faut-il shabbatiser le Dimanche ?
La barre de fraction de la foi
Ne vous habituez pas à vivre dans le mensonge
La violence a besoin du mensonge

Faites tourner la danseuse…
Les faits sont têtus ! dans Communauté spirituelle danseuse-deux-sensRegardez bien cette image. Voyez la danseuse tourner.
Oui, mais dans quel sens ? Fixez-la un certain temps et vous serez surpris de la voir tourner en sens inverse, alors qu’évidemment l’image n’a pas changé d’un iota ! Le plus étrange, c’est qu’à aucun moment nous n’avons conscience de la moindre ambiguïté : on est sûr de la voir tourner comme ceci ou comme cela. L’ambiguïté n’apparaît qu’après coup, quand on se rend compte que notre point de vue a changé alors que le film est toujours le même. Cette perception, que l’on appelle perception bistable oscille entre deux interprétations possibles.
Comme quoi notre cerveau nous joue des tours, il ne voit que ce qu’il veut bien voir…
Ces illusions d’optique sont connues et exploitées depuis longtemps. Il faut croire malheureusement que l’aveugle-né de notre évangile (Jn 9,1-41) est un peu une danseuse aux yeux des pharisiens : ils veulent qu’il tourne dans un sens, et ne comprennent pas pourquoi lui dit tourner en sens inverse !

Niels Bohr vs Albert Einstein

Niels Bohr vs Albert Einstein

Les faits sont têtus
C’est le propre des idéologues que de tordre la réalité jusqu’à ce qu’elle corresponde plus ou moins à leur conception théorique.
En science, ce genre d’aveuglement a empêché de grands savants d’accepter des théories nouvelles pourtant plus performantes. Bien sûr on se souvient de l’Église romaine, si imbue de son interprétation (littérale) de la Bible qu’elle ne pouvait accepter la réalité d’une Terre tournant autour du soleil et non l’inverse.
Même le grand Einstein est tombé par deux fois dans ce piège. Quand il a voulu sauver la fixité de l’univers à laquelle il croyait dur comme fer, a priori, il a rajouté une « constante cosmologique » dans ses équations de l’univers pour que la réalité s’ajuste à son schéma préconçu. Et quand il a voulu prouver que « Dieu ne joue pas aux dés » dans sa célèbre controverse avec Niels Bohr. Il a perdu, car le hasard est bel et bien à l’œuvre dans l’infiniment petit. Et ce fut un échec cuisant, très difficile à accepter pour Einstein car cela heurtait toutes ses idées sur le réel. Si même Einstein a voulu tordre la réalité pour qu’elle colle à ses représentations, n’espérons pas éviter cette tentation, ce piège de l’intelligence et du cœur.
Comme quoi un schéma préconçu peut empêcher de constater l’évidence physique ! Rassurez-vous, il paraît qu’il y encore 9 % de ‘platistes’ en France, c’est-à-dire de gens qui croient que la Terre est plate ! 

Pendant le Covid, nous avons eu droit aux théories délirantes des antivax et autres complotistes refusant de constater la réalité et bricolant de faux arguments pour contredire les faits. Pendant la guerre en Ukraine, nous avons droit aux contrevérités ahurissantes doctement énoncées par Poutine et ses sbires, mentant ‘les yeux dans les yeux’ à la caméra comme autrefois Mitterrand devant Chirac dans un débat télévisé célèbre… Il faut dire que côté russe, le déni de la réalité est une tradition de plus de 70 ans, et ça laisse des traces. Le sultan d’une époque ancienne aurait dit à propos de l’ambassadeur de Russie, le comte Ignatov : « Cet homme est tellement menteur que même le contraire de ce qu’il dit n’est pas toujours vrai ». TRUTH___PRAVDA_by_asyenka-257x300 aveugle dans Communauté spirituelleUne vieille blague soviétique circulait au sujet de la Pravda (« Vérité ») et Izvestia (« Les informations »), les deux grands journaux de l’URSS : « Il n’y a aucune vérité dans Les informations, et pas la moindre information dans La Vérité ».

On attribue à Lénine la phrase apparemment solide : « les faits sont têtus ». Il l’emploie pour la première fois dans une « lettre aux camarades » de 1917, à propos du soulèvement paysan en Russie :
« Le fait capital dans la vie actuelle de la Russie, c’est le soulèvement paysan. Voilà comment s’effectue en réalité le passage du peuple aux côtés des bolcheviks ; la démonstration est faite non point en paroles, mais en actes. […] Ainsi, les faits confirment la justesse de la ligne du bolchévisme et ses progrès. […] C’est un fait. Les faits sont têtus ». En réalité, il va choisir dans les évènements ceux qui confortent sa thèse…
Il réemploie l’expression pour opposer les matelots de Petrograd, qui se révoltaient, à leurs amiraux en fuite : « Ce sont les héroïques matelots qui combattent, mais cela n’a pas empêché deux amiraux de prendre la fuite avant la prise de l’île d’Œsel !! C’est un fait. Les faits sont têtus. Les faits prouvent que des amiraux sont capables de trahir tout comme Kornilov. Le commandement est partisan de Kornilov, c’est un fait incontestable ».
On apprend quand même au détour d’une autre lettre de 1918 que Lénine reconnaît avoir emprunté le dicton à la sagesse anglaise…
On sait surtout que ce même Lénine, que l’on présente quelquefois comme un ‘doux’ que Staline aurait trahi, était partisan du mensonge, et même de la terreur, pour faire aboutir la cause bolchevique :
« Si pour l’œuvre du communisme il nous fallait exterminer les neuf dixièmes de la population, nous ne devrions pas reculer devant ces sacrifices », écrit-il froidement. Il  ajoute : « Le mensonge n’est pas seulement un moyen qu’il est permis d’employer, c’est le moyen le plus éprouvé de la lutte bolchévique ». Parfois le masque se lève.
C’est lui qui écrivit au Commissaire du peuple Koursky en 1921 : « Camarade Koursky, d’après moi il faut étendre l’application de la fusillade… Pour compléter notre conversation je vous envoie une esquisse d’un paragraphe supplémentaire du Code pénal….La pensée de base, j’espère, est claire, malgré tous les défauts du brouillon : il faut exposer ouvertement une position véridique du point de vue des principes et de la politique (et non pas étroitement juridique), de façon à motiver l’essence et la justification de la terreur, sa nécessité, ses limites. La Justice ne doit pas supprimer la terreur (promettre cela serait tromper ou se tromper) mais la fonder et la légitimer en principe, clairement, sans faux-fuyants ni ornements ».

citation4-1 cécité

Le mensonge totalitaire comme moyen de gouvernement impose par le contrôle des communications et par la terreur répressive une vérité obligatoire, conduisant au double langage et à la construction d’une « surréalité » sans rapport avec le réel.
Tordre la réalité est légitime aux yeux de Lénine si c’est pour faire réussir la lutte ! Malheureusement, le mensonge et la terreur vont de pair comme l’avait si bien diagnostiqué Soljenitsyne : le communisme est le règne du mensonge, et il est terrifiant. Le pouvoir russe actuel est le digne héritier de ces pratiques soviétiques.
Vous me direz : les mensonges des Américains pour envahir l’Irak n’étaient pas plus vrais ! Et vous aurez raison. Et il faut y ajouter pêle-mêle les affolantes ‘post-vérités’ de Donald Trump, l’obstination déraisonnable des climatosceptiques, le déni du génocide arménien par les Turcs, des Vendéens par la République française, des Ouïghours par les Chinois, le refus de la différence sexuée en Occident, le négationnisme contestant la réalité de la Shoah ou de l’Holodomor, le déni de la réalité de l’IVG etc.
Arrêtons là, car la liste est épouvantable.
 

Il n’y a pas pire aveugle…
Jésus et les PharisiensDécidément, l’aveuglement des pharisiens est de toutes les époques et de toutes les cultures, hélas !
Le pauvre aveugle de naissance a beau leur fournir son dossier médical, la preuve de son opération par Jésus, et son état actuel de voyant, les pharisiens n’en démordent pas : Jésus n’est qu’un pécheur, donc il ne peut pas guérir, encore moins un jour de shabbat, donc soit l’aveugle n’est pas vraiment guéri, soit il n’était pas vraiment aveugle.
Croit-on ce que l’on voit ou voit-on ce que l’on croit ?
Nier la réalité ne change pas la réalité mais la perception que nous en avons.
Un peu comme la danseuse qui tourne dans un sens ou dans un autre selon ce que le cerveau a décidé de voir, les témoins de la scène de l’aveugle-né tournent comme des girouettes au vent de leurs croyances.
« N’est-ce pas celui qui se tenait là pour mendier ? » Les uns disaient : « C’est lui. » Les autres disaient : « Pas du tout, c’est quelqu’un qui lui ressemble ».
Et lui est obligé de réaffirmer l’évidence : « c’est bien moi ».
Pour être juste avec les pharisiens, il faut noter qu’ils sont divisés eux aussi. Certains croient une réalité, d’autres une autre :
« Certains pharisiens disaient : « Celui-là ne vient pas de Dieu, puisqu’il n’observe pas le repos du sabbat ». D’autres répliquaient : « Comment un homme pécheur pourrait-il accomplir des signes pareils ? » Ainsi donc ils étaient divisés ».
Les parents de l’aveugle restent prudents : ils se contentent de constater les faits, mais refusent de les interpréter, par peur des juifs.
« Nous savons que c’est bien notre fils, et qu’il est né aveugle. Mais comment peut-il voir à présent, nous ne le savons pas ; et qui lui a ouvert les yeux, nous ne le savons pas non plus. Interrogez-le, il est assez grand pour s’expliquer ».
Pour la seconde fois, les pharisiens veulent tordre la réalité des faits jusqu’à ce qu’ils correspondent à leur vision a priori :
« Rends gloire à Dieu ! Nous savons, nous, que cet homme est un pécheur ».
Et à nouveau le pauvre homme les ramène à la réalité des faits, que lui ne peut nier car il en est le centre :
« Est-ce un pécheur ? Je n’en sais rien ; mais il y a une chose que je sais : j’étais aveugle, et maintenant je vois ».
Décidément, il y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir !
 

Ceux qui voient deviennent aveugles
D’où le constat amer que fait Jésus à la fin : « Je suis venu en ce monde pour une remise en question : pour que ceux qui ne voient pas puissent voir, et que ceux qui voient deviennent aveugles ».
La remise en question (en grec κρίμα = krima= jugement) apportée par Jésus nous concerne chacun et tous.
C’est bien rare si à l’échelle d’une vie vous n’aurez pas de radicales questions à vous poser, de radicales remises en cause à opérer, dans un domaine ou un autre.
 LénineD’anciens marxistes disciples de Che Guevara comme Régis Debray ont ouvert les yeux sur la folie de leur engagement de jeunesse. Des traders de Lehman Brothers n’ont échappé au suicide que par une reconversion totale. Des salariés démissionnent d’un bullshit job après que les confinements successifs leur aient fait voir l’inanité ou la dangerosité de leur emploi. Bienheureuse crise qui nous lave le regard…. !

Une vraie crise personnelle relève du traitement de Siloé : de la boue pour se rappeler l’humus de notre condition humaine, s’en frotter les yeux pour qu’une nouvelle Création débute comme à la Genèse, une marche vers Siloé pour apprendre à être autonome, un plongeon dans la piscine pour se laver de ce qui nous empêchait de voir, un retour parmi les nôtres pour témoigner de la réalité de l’action du Christ en nous…

Bienheureuse crise qui verra s’effondrer nos certitudes idéologiques aveuglantes !
Bienheureuse boue qui nous obligera à nettoyer en profondeur notre manière de voir les choses et les êtres !
Quand cette crise, quand ce jugement arrive, réjouissons-nous, laissons-nous faire !
Et surtout ne laissons pas les autres raconter à notre place ce qui nous est arrivé…

 

LECTURES DE LA MESSE

1ère lecture : Dieu choisit David comme roi de son peuple (1S 16, 1b.6-7.10-13a)

Lecture du premier livre de Samuel
Le Seigneur dit à Samuel : « J’ai rejeté Saül. Il ne règnera plus sur Isaraël. Je t’envoie chez Jessé de Bethléem, car j’ai découvert un roi parmi ses fils. Prends une corne que tu rempliras d’huile, et pars ! »
En arrivant, Samuel aperçut Éliab, un des fils de Jessé, et il se dit : « Sûrement, c’est celui que le Seigneur a en vue pour lui donner l’onction ! »
Mais le Seigneur dit à Samuel : « Ne considère pas son apparence ni sa haute taille, car je l’ai écarté. Dieu ne regarde pas comme les hommes, car les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le cœur. »
Jessé présenta ainsi à Samuel ses sept fils, et Samuel lui dit : « Le Seigneur n’a choisi aucun de ceux-là. N’as-tu pas d’autres garçons ? »
Jessé répondit : « Il reste encore le plus jeune, il est en train de garder le troupeau. »
Alors Samuel dit à Jessé : « Envoie-le chercher : nous ne nous mettrons pas à table tant qu’il ne sera pas arrivé. »
Jessé l’envoya chercher : le garçon était roux, il avait de beaux yeux, il était beau.
Le Seigneur dit alors : « C’est lui ! donne-lui l’onction. »
Samuel prit la corne pleine d’huile, et lui donna l’onction au milieu de ses frères. L’esprit du Seigneur s’empara de David à partir de ce jour-là.

Psaume : Ps 22, 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6
R/ Le Seigneur est mon berger : rien ne saurait me manquer.

Le Seigneur est mon berger :
je ne manque de rien.
Sur des prés d’herbe fraîche,
il me fait reposer. 

Il me mène vers les eaux tranquilles
et me fait revivre ; 
il me conduit par le juste chemin 
pour l’honneur de son nom. 

Si je traverse les ravins de la mort, 
je ne crains aucun mal, 
car tu es avec moi : 
ton bâton me guide et me rassure. 

Tu prépares la table pour moi 
devant mes ennemis ; 
tu répands le parfum sur ma tête, 
ma coupe est débordante. 

Grâce et bonheur m’accompagnent 
tous les jours de ma vie ; 
j’habiterai la maison du Seigneur 
pour la durée de mes jours.

2ème lecture : Vivre dans la lumière (Ep 5, 8-14)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtres aux Éphésiens
Frères,
autrefois, vous étiez ténèbres ; maintenant, dans le Seigneur, vous êtes devenus lumière ; vivez comme des fils de la lumière ? or la lumière produit tout ce qui est bonté, justice et vérité ? et sachez reconnaître ce qui est capable de plaire au Seigneur.
Ne prenez aucune part aux activités des ténèbres, elles ne produisent rien de bon ; démasquez-les plutôt.
Ce que ces gens-là font en cachette, on a honte d’en parler.
Mais quand ces choses-là sont démasquées, leur réalité apparaît grâce à la lumière, et tout ce qui apparaît ainsi devient lumière. C’est pourquoi l’on chante :
Réveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera.

Évangile : L’aveugle-né (Jn 9, 1-41 [Lecture brève : 9, 1.6-9.13-17.34-38])
Acclamation : Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus. Lumière du monde, Jésus Christ, celui qui marche à ta suite aura la lumière de la vie.
Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus. (cf. Jn 8, 12)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
En sortant du Temple, Jésus vit sur son passage un homme qui était aveugle de naissance.
Ses disciples l’interrogèrent : « Rabbi, pourquoi cet homme est-il né aveugle ? Est-ce lui qui a péché, ou bien ses parents ? »Jésus répondit : « Ni lui, ni ses parents. Mais l’action de Dieu devait se manifester en lui. Il nous faut réaliser l’action de celui qui m’a envoyé, pendant qu’il fait encore jour ; déjà la nuit approche, et personne ne pourra plus agir. Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde. »

Cela dit, il cracha sur le sol et, avec la salive, il fit de la boue qu’il appliqua sur les yeux de l’aveugle, et il lui dit : « Va te laver à la piscine de Siloé » (ce nom signifie : Envoyé). L’aveugle y alla donc, et il se lava ; quand il revint, il voyait.
Ses voisins, et ceux qui étaient habitués à le rencontrer ? car il était mendiant ? dirent alors : « N’est-ce pas celui qui se tenait là pour mendier ? »
Les uns disaient : « C’est lui. » Les autres disaient : « Pas du tout, c’est quelqu’un qui lui ressemble. » Mais lui affirmait : « C’est bien moi. »
Et on lui demandait : « Alors, comment tes yeux se sont-ils ouverts ? »
Il répondit : « L’homme qu’on appelle Jésus a fait de la boue, il m’en a frotté les yeux et il m’a dit : ‘Va te laver à la piscine de Siloé.’ J’y suis donc allé et je me suis lavé ; alors, j’ai vu. »
Ils lui dirent : « Et lui, où est-il ? » Il répondit : « Je ne sais pas. »
On amène aux pharisiens cet homme qui avait été aveugle.
Or, c’était un jour de sabbat que Jésus avait fait de la boue et lui avait ouvert les yeux.
À leur tour, les pharisiens lui demandèrent : « Comment se fait-il que tu voies ? » Il leur répondit : « Il m’a mis de la boue sur les yeux, je me suis lavé, et maintenant je vois. »
Certains pharisiens disaient : « Celui-là ne vient pas de Dieu, puisqu’il n’observe pas le repos du sabbat. » D’autres répliquaient : « Comment un homme pécheur pourrait-il accomplir des signes pareils ? » Ainsi donc ils étaient divisés.

Alors ils s’adressent de nouveau à l’aveugle : « Et toi, que dis-tu de lui, puisqu’il t’a ouvert les yeux ? » Il dit : « C’est un prophète. »
Les Juifs ne voulaient pas croire que cet homme, qui maintenant voyait, avait été aveugle. C’est pourquoi ils convoquèrent ses parents
et leur demandèrent : « Cet homme est bien votre fils, et vous dites qu’il est né aveugle ? Comment se fait-il qu’il voie maintenant ? »
Les parents répondirent : « Nous savons que c’est bien notre fils, et qu’il est né aveugle.
Mais comment peut-il voir à présent, nous ne le savons pas ; et qui lui a ouvert les yeux, nous ne le savons pas non plus. Interrogez-le, il est assez grand pour s’expliquer. »
Ses parents parlaient ainsi parce qu’ils avaient peur des Juifs. En effet, les Juifs s’étaient déjà mis d’accord pour exclure de la synagogue tous ceux qui déclareraient que Jésus est le Messie.
Voilà pourquoi les parents avaient dit : « Il est assez grand, interrogez-le ! »

Pour la seconde fois, les pharisiens convoquèrent l’homme qui avait été aveugle, et ils lui dirent : « Rends gloire à Dieu ! Nous savons, nous, que cet homme est un pécheur. »
Il répondit : « Est-ce un pécheur ? Je n’en sais rien ; mais il y a une chose que je sais : j’étais aveugle, et maintenant je vois. »
Ils lui dirent alors : « Comment a-t-il fait pour t’ouvrir les yeux ? »
Il leur répondit : « Je vous l’ai déjà dit, et vous n’avez pas écouté. Pourquoi voulez-vous m’entendre encore une fois ? Serait-ce que vous aussi vous voulez devenir ses disciples ? »
Ils se mirent à l’injurier : « C’est toi qui es son disciple ; nous, c’est de Moïse que nous sommes les disciples. Moïse, nous savons que Dieu lui a parlé ; quant à celui-là, nous ne savons pas d’où il est. »
L’homme leur répondit : « Voilà bien ce qui est étonnant ! Vous ne savez pas d’où il est, et pourtant il m’a ouvert les yeux. Comme chacun sait, Dieu n’exauce pas les pécheurs, mais si quelqu’un l’honore et fait sa volonté, il l’exauce. Jamais encore on n’avait entendu dire qu’un homme ait ouvert les yeux à un aveugle de naissance. Si cet homme-là ne venait pas de Dieu, il ne pourrait rien faire. »
Ils répliquèrent : « Tu es tout entier plongé dans le péché depuis ta naissance, et tu nous fais la leçon ? » Et ils le jetèrent dehors.

Jésus apprit qu’ils l’avaient expulsé. Alors il vint le trouver et lui dit : « Crois-tu au Fils de l’homme ? »
Il répondit : « Et qui est-il, Seigneur, pour que je croie en lui ? »
Jésus lui dit : « Tu le vois, et c’est lui qui te parle. »
Il dit : « Je crois, Seigneur ! », et il se prosterna devant lui.
Jésus dit alors : « Je suis venu en ce monde pour une remise en question : pour que ceux qui ne voient pas puissent voir, et que ceux qui voient deviennent aveugles. »
Des pharisiens qui se trouvaient avec lui entendirent ces paroles et lui dirent : « Serions-nous des aveugles, nous aussi ? »
Jésus leur répondit : « Si vous étiez des aveugles, vous n’auriez pas de péché ; mais du moment que vous dites : ‘Nous voyons !’ votre péché demeure. »
Patrick Braud

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