L'homélie du dimanche (prochain)

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16 juillet 2023

Le sperme et la zizanie

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Le sperme et la zizanie

Homélie pour le 16° Dimanche du Temps Ordinaire / Année A
23/07/2023

Cf. également :
Accepter l’ivraie en chacun
Le levain dans la pâte : interprétations symboliques
Ecclésia permixta
La patience serait-elle l’arme des forts ?
Foi de moutarde !
Quelle est votre écharde dans la chair ?
Le pur et l’impur en christianisme

Semer la zizanie
Astérix - La Zizanie - n°15
Les fans d’Astérix et Obélix se souviennent du 15° album d’Uderzo et Goscinny : « La zizanie » (1970). On y voyait un petit personnage romain envoyé par César dans l’irréductible village gaulois pour y répandre la discorde afin de l’affaiblir et de l’envahir. Tullius Detritus – le bien nommé – distillait ses petites phrases acides, pleines de sous-entendus, et suscitait ainsi jalousies et disputes. On le recommande à César en ces termes : « vous verrez, JC, c’est un être immonde, mais très efficace. L’horrible visage vert de la discorde apparaît sur son passage ; ça tient du prodige ». Et de fait, la couleur vert pâle puis vert foncé remplit les bulles des dialogues dès que Detritus est dans la pièce…

L’expression semer la zizanie - qui a bien failli vaincre Astérix et les siens en les divisant ! – vient de la parabole de ce dimanche (Mt 13,24-43). Ce que la traduction appelle ivraie est le nom grec ζιζνιον (zizanion), qui a donné zizanie. Au temps de Jésus, zizanion était une céréale, ressemblant beaucoup au blé au début de sa croissance, mais se révélant ensuite être une graminée plutôt nuisible, car étouffant le blé et de mauvais goût. Elle avait même la réputation de rendre ivre. Une espèce de mauvais seigle en somme, qui compromet la qualité de la moisson. Ses racines s’enchevêtrent avec celles du blé, si bien qu’il est impossible d’arracher l’un sans l’autre.

Le mal semé en nos cœurs est à l’image de ce zizanion : indissociablement mêlé au bien, difficile à reconnaître au début, au goût amer, enivrant, capable de compromettre toute une vie…

C’est en référence à notre parabole que le mot latin puis français zizanie a été forgé. Il en est venu à désigner ce qui divise, ce qui compromet la cohésion de la récolte, l’élément étranger qui dresse les uns contre les autres. On a déjà dit que le diable est justement le diviseur (dia-bolos) par opposition au symbole (syn-bolon) qui unit et rassemble. Semer la zizanie est bien œuvre ‘dia-bolique’, au sens où elle veut défaire les liens de communion (koïnonia) et d’amour qui sont les caractéristiques du royaume de Dieu que Jésus veut nous faire imaginer par cette parabole.

Le sperme et la zizanie dans Communauté spirituelle Tullius%2BDetritusOù sont les Tullius Detritus d’aujourd’hui ?

- Dans nos familles, lorsque nous laissons le soupçon, le doute, les non-dits, les sous-entendus miner l’entente fraternelle.
- Dans nos entreprises, lorsque la rivalité entre égos ou l’appât du gain, d’une promotion, d’une reconnaissance etc. sapent peu à peu l’ambiance de travail dans une équipe. Il suffit de peu pour que la couleur verte de la zizanie fasse tache d’huile entre collègues !
- Dans une Église également, Tullius Detritus est à l’œuvre ! Les rumeurs, les jalousies, les silences accumulent les rancœurs et donnent envie de s’éloigner sur la pointe des pieds ou de claquer la porte avec fracas.

Quand sommes-nous complices de ces semeurs de zizanie qui lentement défont les liens entre nous ?

 

La croissance du sperme
 parabole dans Communauté spirituelle
Heureusement, il y a d’abord la force intrinsèque du blé semé. Le grec emploie le mot σπρμα (sperma) = sperme, qui désigne la semence végétale (Gn 1,11–12). Par extension, σπρμα désigne aussi la semence humaine, la fécondité, la postérité accordée à Abraham et ses descendants comme une bénédiction divine. Les Pères de l’Église parlaient du « Logos spermatikos » pour désigner les « semences du Verbe », ces préparations évangéliques répandues dans toutes les cultures bien avant le Christ, comme des pierres d’attente de la révélation pour croître et porter du fruit.

La parabole nous invite à faire confiance à la puissance intrinsèque de ce sperme, de ces germes de vie, ces commencements à la fois si petits et si pleins de promesses. Certes, ces semences sont menacées de toutes parts. Mais elles croissent, elles se renforcent, elles poussent vers le ciel et engendrent de lourds épis qui apportent l’abondance. « Qu’il dorme ou qu’il se lève, le grain pousse tout seul, et il ne sait comment » (Mc 4,26-29).

Lutter contre le mal n’est donc pas s’opposer frontalement à lui, au risque de lui devenir semblable, mais cultiver le bien tout autour, jusqu’à ce que la croissance du blé submerge l’ivraie invasive.

 

Sur le champ, mais quel champ ?
Matthieu met sur les lèvres de Jésus un commentaire allégorique de sa parabole. Gageons que c’est pour Matthieu un moyen d’asseoir sa propre explication telle qu’il l’a entendue dans sa communauté judéo-chrétienne. Nous savons qu’il y en a d’autres !
Attardons-nous sur le champ dans lequel sont semés le sperme et la zizanie. Que peut-il désigner ?

* Le champ, c’est le monde
Image-11 sperme
Voilà la première interprétation proposée par Matthieu. Et c’est vrai que le monde n’est ni blanc ni noir, ni bon ni mauvais totalement. Les utopies politiques qui ont rêvé d’éradiquer le mal du monde pour faire le bonheur des peuples (malgré eux !) se sont révélées catastrophiques et inhumaines. Les socialismes révolutionnaires ont conduit à des dictatures sanglantes, sous prétexte d’imposer à tous la bonne direction de l’Histoire. Cette naïveté vaguement rousseauiste a le sang de millions de morts sur les mains. Montaigne écrivait déjà : « là où il y a l’homme, il y a de l’hommerie ». Et Blaise Pascal insistait : « qui veut faire l’ange fait la bête ». Croire qu’on peut éradiquer le mal ici-bas est une illusion dangereuse et meurtrière.
À l’inverse, ne rien faire en laissant l’ivraie proliférer n’est pas conseillé ! Le semeur de la parabole fait son travail en semant au mieux, le plus serré possible. Ainsi l’ennemi aura moins de latitude pour répandre son venin.

La droite politique française croit que le marché est autorégulateur, elle ne veut pas combattre le mal au nom du respect des supposées ‘lois’ de l’économie. La gauche quant à elle croit que la morale prime sur tout, et que l’indignation suffit à instaurer le royaume de Dieu sur la terre. En réalité, la gauche croit pouvoir séparer le bon grain de l’ivraie dès aujourd’hui, alors que la droite se résigne et compose avec. En d’autres termes, la gauche ne croit pas au péché originel (on pourrait éradiquer le mal) alors que la droite ne croit pas en la rédemption (il n’y aurait rien à faire contre le mal). On devine ce que le courant de la démocratie chrétienne pourrait puiser comme inspiration politique dans notre parabole pour se tenir à distance de ces deux excès…

 

* Le champ, c’est l’Église
 zizanie
Il se peut que Jésus ait pensé avec notre parabole aux Esséniens, aux Pharisiens, aux Samaritains, aux Sadducéens et autres groupes sectaires qui pullulaient en Israël. Matthieu l’a ensuite appliquée aux lapsi pendant les persécutions : à ceux qui voulaient les exclure une fois pour toutes, même s’ils se repentaient, Matthieu répond que Dieu seul est juge pour trier les bons et les mauvais chrétiens, et que cela n’appartient à personne, pas même à l’Église. ‘Soyez patients et espérez la conversion du pécheur sans vouloir l’exclure définitivement de la communauté’, semble-t-il dire avec cette parabole aux purs et durs qui maniaient l’excommunication un peu trop facilement.
Par la suite, les innombrables hérésies des six premiers siècles au moins ont sans cesse fait resurgir ce dilemme face aux déviants : l’exclusion ou le pardon ? la sanction ou la patience ? l’idéal d’une pureté rêvée ou l’humble acceptation du réel mélangé ?

À l’heure où notre Église est déstabilisée par tant de scandales, d’abus et de procès en tous genres, la tentation refait surface : donnons un grand coup de balai pour repartir à zéro ! Éradiquons tous ceux et celles qui sont compromis, et nous redeviendrons la sainte Église…

Quelle illusion, quel orgueil de vouloir ainsi tout maîtriser ! Et où est passée la miséricorde que Jésus a offerte au criminel à sa droite ? Ou la patience qui nous demande d’attendre le jugement dernier avant la moisson finale ?
Nous ne sommes pas les cathares (‘parfaits’) du XXI° siècle, et notre Église est ce champ mélangé où la croissance est plus importante que l’arrachage. Le Catéchisme de l’Église catholique l’avoue humblement en s’appuyant notamment sur notre parabole du bon grain et de l’ivraie :

« Tandis que le Christ saint, innocent, sans tache, venu uniquement pour expier les péchés du peuple, n’a pas connu le péché, l’Église, elle, qui renferme des pécheurs dans son propre sein, est donc à la fois sainte et appelée à se purifier, et poursuit constamment son effort de pénitence et de renouvellement  » (LG 8 cf. UR 3;6). Tous les membres de l’Église, ses ministres y compris, doivent se reconnaître pécheurs (cf. 1Jn 1,8-10). En tous, l’ivraie du péché se trouve encore mêlée au bon grain de l’Évangile jusqu’à la fin des temps (cf. Mt 13,24-30). L’Église rassemble donc des pécheurs saisis par le salut du Christ mais toujours en voie de sanctification (n° 827) ».

 

* Le champ, c’est le royaume des cieux
Le début de notre évangile nous met sur la piste : « le royaume des cieux est comparable à … ». Ce dont parle Jésus est une réalité eschatologique, qui appartient à l’accomplissement de l’histoire (nous ne savons ni quand ni comment). Ce n’est que dans le royaume, « à la fin », que la séparation du bon grain et de l’ivraie aura lieu. D’ici là, impossible de trancher à la place de Dieu.

Une raison de plus d’être contre la peine de mort : Dieu seul est le juge ultime ! Aucune institution ecclésiale ni judiciaire ne peut prétendre incarner cette réalité ultime qu’est la séparation entre le blé et l’ivraie.

De quoi relativiser toute absolutisation de la loi, de la morale, de l’identité communautaire etc…

 

* Le champ, c’est moi
Soyons lucides sur nous-même : « Je ne fais pas le bien que je voudrais, mais je commets le mal que je ne voudrais pas » (Rm 7,19). Il y a en chacun de nous des contradictions internes, indépassables, jusqu’à notre mort. Cette inclination au mal ne vient pas seulement de l’éducation, ou de la société, ou de notre histoire personnelle. Elle est inscrite en nous dès notre naissance « comme une écharde dans notre chair » (2Co 12,7), comme pour nous rappeler à l’humilité, à nous aimer nous-même avec miséricorde.

Chacun a sa part d’ombre. Chacun ses zizanies.
Dieu ne nous promet pas de nous l’enlever, mais de faire grandir en nous la moisson à tel point que la présence de l’ivraie y sera anecdotique.

Pourquoi m’étonner du mal en moi ? Pourquoi m’y résigner ?
Le Christ nous invite à combattre par le bien, le parasite par la surabondance, l’écharde par la marche en avant.

 

* Le champ, c’est l’autre
Du coup, comment ne pas accorder à autrui la même complexité intérieure que celle que je découvre en moi ? Ceux qui sont durs envers les autres le sont d’abord envers eux-mêmes. L’autre est mélangé, comme moi : comment lui en vouloir ? Vouloir le changer – ou l’éliminer – par la force, c’est se condamner soi-même. D’où la stratégie spirituelle de Jésus : « Souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient » (Lc 6,28), que Paul reprendra fidèlement :
« Bénissez ceux qui vous persécutent ; souhaitez-leur du bien, et non pas du mal. (…) Ne rendez à personne le mal pour le mal, appliquez-vous à bien agir aux yeux de tous les hommes. (…) Bien-aimés, ne vous faites pas justice vous-mêmes, mais laissez agir la colère de Dieu. Car l’Écriture dit : C’est à moi de faire justice, c’est moi qui rendrai à chacun ce qui lui revient, dit le Seigneur. Mais si ton ennemi a faim, donne-lui à manger ; s’il a soif, donne-lui à boire : en agissant ainsi, tu entasseras sur sa tête des charbons ardents. Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais sois vainqueur du mal par le bien » (Rm 12,14-21).

Trier les uns et les autres, les bons et les mauvais, trancher, classer, ranger, étiqueter, évaluer, départager, condamner, c’est cela juger : prononcer une parole dernière et définitive sur quelqu’un. C’est un désir spontané, quasiment naturel, mais qui est aussi enseigné aux humains que nous sommes, dès l’enfance. C’est toute une façon de regarder, de penser, d’agir, qui trouve hélas tant de défenseurs !

Mieux vaut parier sur le désir-du-bien caché en l’autre que de vouloir éliminer le mal en lui…

 

Que ce soit dans le monde, dans l’Église, dans le Royaume des cieux, en moi ou en l’autre, parions donc sur la croissance du bien plutôt que de vouloir éradiquer le mal !

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Après la faute tu accordes la conversion » (Sg 12, 13.16-19)

Lecture du livre de la Sagesse
Il n’y a pas d’autre dieu que toi, qui prenne soin de toute chose : tu montres ainsi que tes jugements ne sont pas injustes. Ta force est à l’origine de ta justice, et ta domination sur toute chose te permet d’épargner toute chose. Tu montres ta force si l’on ne croit pas à la plénitude de ta puissance, et ceux qui la bravent sciemment, tu les réprimes. Mais toi qui disposes de la force, tu juges avec indulgence, tu nous gouvernes avec beaucoup de ménagement, car tu n’as qu’à vouloir pour exercer ta puissance. Par ton exemple tu as enseigné à ton peuple que le juste doit être humain ; à tes fils tu as donné une belle espérance : après la faute tu accordes la conversion.

PSAUME
(Ps 85 (86), 5-6, 9ab.10, 15-16ab)
R/ Toi qui es bon et qui pardonnes, écoute ma prière, Seigneur. (cf. Ps 85, 5a.6a)

Toi qui es bon et qui pardonnes,
plein d’amour pour tous ceux qui t’appellent,
écoute ma prière, Seigneur,
entends ma voix qui te supplie.

Toutes les nations, que tu as faites,
viendront se prosterner devant toi,
car tu es grand et tu fais des merveilles,
toi, Dieu, le seul.

Toi, Seigneur, Dieu de tendresse et de pitié,
lent à la colère, plein d’amour et de vérité !
Regarde vers moi,
prends pitié de moi.

DEUXIÈME LECTURE
« L’Esprit lui-même intercède par des gémissements inexprimables » (Rm 8, 26-27)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains
Frères, l’Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas prier comme il faut. L’Esprit lui-même intercède pour nous par des gémissements inexprimables. Et Dieu, qui scrute les cœurs, connaît les intentions de l’Esprit puisque c’est selon Dieu que l’Esprit intercède pour les fidèles.

ÉVANGILE
« Laissez-les pousser ensemble jusqu’à la moisson » (Mt 13, 24-43)
Alléluia. Alléluia. Tu es béni, Père, Seigneur du ciel et de la terre, tu as révélé aux tout-petits les mystères du Royaume ! Alléluia. (cf. Mt 11, 25)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
En ce temps-là, Jésus proposa cette parabole à la foule : « Le royaume des Cieux est comparable à un homme qui a semé du bon grain dans son champ. Or, pendant que les gens dormaient, son ennemi survint ; il sema de l’ivraie au milieu du blé et s’en alla. Quand la tige poussa et produisit l’épi, alors l’ivraie apparut aussi. Les serviteurs du maître vinrent lui dire : ‘Seigneur, n’est-ce pas du bon grain que tu as semé dans ton champ ? D’où vient donc qu’il y a de l’ivraie ?’ Il leur dit : ‘C’est un ennemi qui a fait cela.’ Les serviteurs lui disent : ‘Veux-tu donc que nous allions l’enlever ?’ Il répond : ‘Non, en enlevant l’ivraie, vous risquez d’arracher le blé en même temps. Laissez-les pousser ensemble jusqu’à la moisson ; et, au temps de la moisson, je dirai aux moissonneurs : Enlevez d’abord l’ivraie, liez-la en bottes pour la brûler ; quant au blé, ramassez-le pour le rentrer dans mon grenier.’ »

Il leur proposa une autre parabole : « Le royaume des Cieux est comparable à une graine de moutarde qu’un homme a prise et qu’il a semée dans son champ. C’est la plus petite de toutes les semences, mais, quand elle a poussé, elle dépasse les autres plantes potagères et devient un arbre, si bien que les oiseaux du ciel viennent et font leurs nids dans ses branches. » Il leur dit une autre parabole : « Le royaume des Cieux est comparable au levain qu’une femme a pris et qu’elle a enfoui dans trois mesures de farine, jusqu’à ce que toute la pâte ait levé. »

Et cela, Jésus le dit aux foules en paraboles, et il ne leur disait rien sans parabole, accomplissant ainsi la parole du prophète : J’ouvrirai la bouche pour des paraboles, je publierai ce qui fut caché depuis la fondation du monde. Alors, laissant les foules, il vint à la maison. Ses disciples s’approchèrent et lui dirent : « Explique-nous clairement la parabole de l’ivraie dans le champ. » Il leur répondit : « Celui qui sème le bon grain, c’est le Fils de l’homme ; le champ, c’est le monde ; le bon grain, ce sont les fils du Royaume ; l’ivraie, ce sont les fils du Mauvais. L’ennemi qui l’a semée, c’est le diable ; la moisson, c’est la fin du monde ; les moissonneurs, ce sont les anges. De même que l’on enlève l’ivraie pour la jeter au feu, ainsi en sera-t-il à la fin du monde. Le Fils de l’homme enverra ses anges, et ils enlèveront de son Royaume toutes les causes de chute et ceux qui font le mal ; ils les jetteront dans la fournaise : là, il y aura des pleurs et des grincements de dents. Alors les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père.
Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! »
Patrick BRAUD

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9 juillet 2023

Le semeur de paraboles

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Le semeur de paraboles

Homélie pour le 15° Dimanche du Temps Ordinaire / Année A
16/07/2023

Cf. également :
Prenez-en de la graine !
Semer pour tous
La lectio divina : galerie de portraits
Éléments d’une écologie chrétienne
Le management du non-agir
Le pourquoi et le comment

Polysémie, vous avez dit polysémie ?

Deux personnes descendent par la cheminée.
L’un sort avec un visage propre, l’autre avec un visage sale.
Lequel d’entre eux va aller se laver le visage ?

Le semeur de paraboles dans Communauté spirituelle 2FpAAEGwsJtGJDtJxHvqtglgkBsAmusez-vous à réfléchir à cette énigme rabbinique (qu’on appelle mashal)…
Avec un peu d’imagination, vous trouverez une, puis deux et trois solutions, toutes logiques : celui qui a le visage propre, ou les deux, ou aucun des deux !
Le problème est qu’elles sont contradictoires entre elles ! Et, comble de confusion, on peut même trouver une quatrième qui annule toutes les autres ! (voir en fin d’homélie…)

Cette petite histoire a toutes les caractéristiques d’une parabole évangélique ; elle est construite comme la parabole du semeur de ce dimanche et peut nous aider à la comprendre. En effet, c’est une histoire inventée de toutes pièces, mais inspirée par des scènes de la vie quotidienne. C’est une histoire où il y a de l’étrange, assez pour nous intriguer, nous dérouter, exciter notre curiosité pour aller voir ce qu’il y a à tirer de cette  énigme bizarre…

Provoquer l’étonnement, susciter l’interrogation, encourager la recherche : voilà des caractéristiques de la pédagogie de la parabole que Jésus n’a cessé d’exploiter au maximum. Se comportant ainsi en maître de sagesse, il surprend ses auditeurs, les intéresse, les « accroche », pour les encourager à aller plus loin que leurs certitudes et leurs opinions immédiates.
Belle pédagogie ! Plutôt que de s’opposer frontalement aux pharisiens scandalisés par le bon accueil qu’il fait aux pécheurs, Jésus préfère prendre un chemin détourné : il leur invente des histoires-à-réfléchir, pour qu’ils découvrent par eux-mêmes combien Dieu est « riche en miséricorde »…
« Il leur enseignait en paraboles beaucoup de choses »

Ce genre littéraire de la parabole (mashal en hébreu = enseignement par énigme) était bien connu au temps de Jésus. Mais l’Ancien Testament l’emploie peu (trois ou quatre fois seulement). Le Nouveau Testament y fait recours environ 90 fois !
Jésus a largement utilisé ce mode de prédication qui relève de la sagesse, alors que les autorités religieuses ne se référaient qu’à la Loi, et que les foules n’attendaient avec exaltation qu’un prophète révolutionnaire.

Lire-aux-eclats-Reedition mashal dans Communauté spirituelleRemplacez l’énigme de la cheminée par un passage biblique, et vous avez une des bases de l’exégèse juive : la pluralité des interprétations. Ce que Marc-Alain Ouaknin appelle « lire aux éclats », ou David Banon « la lecture infinie ». Comme le cristal de roche disperse le spectre de la lumière blanche en une infinité de couleurs juxtaposées, de l’ultraviolet invisible au rouge pétant, l’étude d’un texte biblique engendre sans cesse de nouvelles interprétations différentes les unes des autres, voire contradictoires. Et il faut toutes les garder !

Le texte biblique est polysémique : il a plusieurs sens, et nulle lecture ne peut les épuiser.
Les exégètes chrétiens distinguaient autrefois le sens littéral, le sens moral, le sens allégorique, le sens spirituel, le sens mystique. Aujourd’hui, en mettant les lunettes des sciences humaines, on peut faire tour à tour une lecture sociologique, politique, psychologique, psychanalytique, économique, anthropologique etc. du même passage ! Et avec chaque paire de lunettes on trouvera des merveilles, fort différentes !

Méfiez-vous donc des interprétations uniques qui vous dicteraient ce qu’il faut penser de tel passage biblique.
La pluralité des interprétations garantit l’interprétation du réel, qui est pluriel.

 

Pourquoi les paraboles ?
33113999 parabole
Voilà sans doute pourquoi Jésus parle en paraboles.
Avec la parabole du semeur (Mt 13,1 23) de ce dimanche, Matthieu montre Jésus en semeur de paraboles.
Il commence une longue collection de 7 paraboles, ce qui atteste que cette manière d’enseigner est au cœur de sa pédagogie, pour faire découvrir le royaume de Dieu tout proche. L’art  de la parabole reprend celui du mashal, cette énigme de la cheminée qui oblige le lecteur à se creuser la tête, à chercher et à imaginer ce qui n’est pas écrit. Le mashal juif et la parabole font partie du courant biblique qu’on appelle la Sagesse. Il y a trois principaux groupes de livres dans la bibliothèque biblique : la Loi (la Torah, le Pentateuque = les 5 livres de Gn, Ex ; Nb ; Lv, Dt), les Prophètes (Isaïe, Jérémie etc.), et la Sagesse (les Proverbes, les Psaumes, Qohélet, Ben Sirac, et beaucoup de passages enchâssés dans les autres, comme par exemple le cycle de Jacob).
La Loi prescrit, les Prophètes dénoncent, mais la Sagesse fait réfléchir.
La Loi est froide, objective ; les Prophètes sont bouillants, passionnés. Mais la Sagesse interroge, déstabilise. Une parabole comme celle du semeur est faite pour intriguer l’auditeur, le mettre en mouvement, susciter en lui une quête de sens. Que veut dire cette histoire apparemment banale ? De quelle semence s’agit-il ? Que représentent les différents terrains sur lesquels tombent les graines ? Qui est ce semeur ? Etc.

Voici une piste sûre pour annoncer l’Évangile aujourd’hui encore : ne pas recourir à la Loi ou aux Prophètes seulement, mais également à la Sagesse. C’est ce que Jésus fait ici avec talent dans les 7 paraboles rapportées par Matthieu.

 

Pourquoi Jésus ne parle pas plus clairement ?
L’intérêt de cette pédagogie sapientielle des paraboles est de ne rien imposer de l’extérieur à l’auditeur : à lui de faire le chemin pour donner sens à ce qu’il a entendu. Jésus ne veut pas le faire à sa place. Du coup, chacune de ces paraboles est ouverte. Il n’y a pas de leçon de morale en finale comme dans les fables de La Fontaine, comme dans les sermons moralisateurs qui veulent imposer une seule interprétation, le plus souvent celle qui sert les intérêts des puissants.

 polysémie

Et nous : comment jouons-nous de ce registre de la Sagesse ? Lorsque nous répétons : ‘il faut’, ‘tu dois’, ‘fais des efforts’, nous sommes sous le joug de la Loi.
Lorsque nous laissons l’émotion et les cris du cœur nous indigner avec violence, nous sommes dans l’excès  prophétique.
Lorsque nous posons des questions ouvertes en laissant l’autre cheminer à sa manière pour y répondre ce qui lui sera utile, nous pratiquons la pédagogie de la sagesse.

Ainsi, à quelqu’un qui s’enferme dans une secte comme les Témoins de Jéhovah ou un extrême politique, lancer des impératifs catégoriques ou protester la main sur le cœur ne feront pas grand-chose. Par contre, poser de bonnes questions, appeler à réfléchir sur tel événement, énoncer les contradictions qui s’accumulent, ou même témoigner de sa propre histoire sont des bouteilles à la mer que l’autre saisira lorsqu’il voudra, lorsque ce sera le moment pour lui.

9406e4_b02e0ecb51b14abebf16400d47666f6b~mv2 semeurQuand ses disciples lui posent la question : « pourquoi leur parles-tu en paraboles ? », Jésus répond : « À vous il est donné de connaître les mystères du royaume des Cieux, mais ce n’est pas donné à ceux-là. À celui qui a, on donnera, et il sera dans l’abondance ; à celui qui n’a pas, on enlèvera même ce qu’il a. Si je leur parle en paraboles, c’est parce qu’ils regardent sans regarder, et qu’ils écoutent sans écouter ni comprendre ».
Il semble qu’il y ait d’abord un constat, un peu amer : certains ne veulent rien entendre qui les perturbe, rien voir qui les étonnerait. Ils se condamnent eux-mêmes à être sourds et aveugles, à passer à côté du mystère c’est-à-dire des choses cachées que Dieu veut leur révéler. Comment faire boire un âne qui n’a pas soif ? Sinon en attendant que cette soif vienne et lui ouvre le chemin de l’abreuvoir ?
Les paraboles sont adressées et soumises à l’intelligence, à l’interprétation et même à la liberté de l’auditeur, comme en atteste la formule de Jésus dans ce passage, qui résonne comme un appel à rechercher le sens de cette parole : « Celui qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende ! »

Il peut y avoir une deuxième raison à ce parler parabolique : utiliser un langage codé, pour cacher aux yeux des ennemis le cœur subversif du message. Ceux dont le cœur est fermé lisent les paraboles au premier degré, et n’y verront qu’une histoire moralisante certes mais peu dangereuse. Les disciples savent – eux - se mettre en quête d’autres significations plus profondes, plus radicales, véritables appels à la conversion. Ainsi l’Église peut-elle propager l’Évangile sans attirer le soupçon de ses ennemis. La parabole est un peu le Radio-Londres des chrétiens résistants à la domination païenne…

Il pourrait y avoir encore une troisième raison de parler en paraboles : ne pas dévaluer le trésor de l’Évangile en le révélant à n’importe qui n’importe quand. « Les choses saintes aux saints », chantent les orthodoxes avant de distribuer la communion. Il faut être initié (par les trois sacrements de l’initiation chrétienne : baptême, confirmation, eucharistie) pour communier aux saints  mystères, et ceux qui ne sont pas en communion avec l’Église ne peuvent y accéder. « Ne donnez pas aux chiens ce qui est sacré ; ne jetez pas vos perles aux pourceaux, de peur qu’ils ne les piétinent, puis se retournent pour vous déchirer » (Mt 7,6).

La Parole de Dieu est trop précieuse pour être délivrée entre deux grivoiseries, ou au cœur d’une polémique violente : ce serait la dévaloriser, ce serait gâcher toutes ses chances de grandir en prenant racine. Il vaut mieux parfois se taire, cacher le trésor de l’Évangile derrière des histoires apparemment banales plutôt qu’il soit foulé aux pieds par des soudards…

 

Parabole, symbole, diabole, hyperbole
Terminons en passant en revue les différents usages du verbe jeter (balleïn en grec) de notre parabole du semeur.

Le mot parabole nous met sur la voie d’un parallélisme entre l’observation du réel et la révélation de Dieu / de l’homme. En effet, para-balleïn signifie étymologiquement : mettre côte à côte des réalités différentes (jeter/balleïn, à côté/para).
C’est donc un procédé de comparaison : mettre en parallèle la miséricorde divine et le comportement du semeur permet de s’interroger, fait réfléchir et progresser chacun, sans lui asséner une vérité extérieure. En méditant sur les paraboles, pour y trouver sans cesse de nouveaux sens cachés, l’auditeur sera conduit toujours plus loin dans l’infini de la révélation divine au-dedans de lui, sans extériorité…

Le SymboleLe symbole (syn – balleïn en grec = jeter ensemble) est l’art de réunir.
La parabole donne à l’auditeur des morceaux d’un puzzle éparpillé, qu’il assemblera d’une manière unique selon sa vision des choses, composant ainsi un tableau très personnel. Le symbole permet de recoller les morceaux en quelque sorte. Ainsi l’eucharistie met-elle ensemble, symboliquement, le corps personnel de Jésus ressuscité, le pain et le vin et l’assemblée–Église pour qu’ils ne soient qu’un. C’est pour cela que le texte du Credo est fort justement appelé un Symbole (le Symbole des Apôtres par exemple) : le fait de le réciter ensemble permet symboliquement à l’assemblée de se reconnaître une et unie au Christ.

L’hyperbole est une réalité largement au-dessus (hyper – balleïn = jeter au-dessus) d’une autre (c’est donc une exagération voulue). Le langage hyperbolique exagère à dessein pour faire prendre conscience de la grandeur de ce qui est évoqué.

Le diable (dia – balleïn = jeter en dispersant) est celui qui divise et éparpille (dia), en empêchant de réunir ce qui est distinct, alors que le symbole unit (syn).
Le diable prend un « malin » plaisir à dissocier tout ce qui pourrait s’agréger à l’unité symbolique, afin que la communion à autrui ne soit plus possible.

Bien sûr, nous sommes des gens du symbolique, et parler en paraboles est l’une des meilleures annonces du Christ que nous pouvons faire.
Méditons donc cette semaine la parabole du semeur, afin que nous devenions nous-mêmes semeur de paraboles.

 

Bonus : l’énigme de la cheminée aux deux visages

visages-suie-propreUn rabbin mettait un jour à l’épreuve un jeune ultra-diplômé qui était persuadé de pouvoir étudier la Tora :
Deux personnes descendent par la cheminée. L’un sort avec un visage propre, l’autre avec un visage sale. Lequel d’entre eux va aller se laver le visage ?
Les yeux du jeune philosophe se sont agrandis.
Est-ce un test de logique ? !
Le rabbin  hocha la tête. Le jeune diplômé répondit :
Eh bien, bien sûr, celui avec le visage sale !
Faux-, répondit le rabbin. Réfléchis logiquement : celui qui a un visage sale regarde quelqu’un dont le visage est propre et décide que son visage est propre aussi. Celui qui a un visage propre regardera le visage sale et pensera qu’il est sale aussi et ira se laver le visage.
Intelligent ! – dit l’étudiant. – Allez, Rabbi, donnez-moi un autre test !

Très bien, jeune homme. Deux hommes descendent par la cheminée. L’un sort avec un visage propre, l’autre avec un visage sale. Lequel d’entre eux va se laver ?
Mais nous avons déjà répondu : celui qui a le visage propre !
Faux, dit le rabbin. Les deux vont se laver le visage. Pense logiquement : celui qui a le visage propre regardera celui qui a le visage sale et décidera que son visage est sale aussi. Celui qui a le visage sale verra l’autre aller se laver, se rendra compte que son visage est sale et ira se laver aussi
- Je n’avais pas pensé à ça ! Incroyable – j’ai fait une erreur de logique ! Rabbi, faisons un autre test !

- Très bien. Deux hommes descendent par la cheminée. L’un sort avec un visage propre, l’autre avec un visage sale. Lequel d’entre eux va se laver ?
- Facile : Les deux vont se laver.
- Faux. Aucun des deux ne va se laver. Réfléchis logiquement : celui dont le visage est sale regardera celui dont le visage est propre et n’ira pas se laver. Celui qui a un visage propre verra que celui dont le visage est sale ne lavera pas son propre visage et se rendra compte que son visage est propre et ne se lavera pas non plus.
Le jeune homme est désespéré :
- Croyez-moi, je peux étudier le Talmud ! Demandez-moi autre chose !

- Très bien, répondit le rabbin. Deux hommes descendent par la cheminée…
- Oh, mon Dieu ! s’écria l’étudiant. Aucun des deux ne va se laver ! !!
- Faux, répondit le rabbin. Maintenant tu es convaincu que connaître tous les diplômes du monde ne sont pas suffisants pour étudier le Talmud ? Dis-moi, comment se peut-il que deux personnes descendent dans le même tuyau et que l’une d’entre elles se salisse le visage et pas l’autre ? ! Tu ne comprends pas ? Toute cette question n’a aucun sens, et si tu passes ta vie à répondre à des questions dénuées de sens, toutes tes réponses seront également dénuées de sens … !

Cf. https://perditions-ideologiques.com/2021/11/28/une-parabole-juive/

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« La pluie fait germer la terre » (Is 55, 10-11)

Lecture du livre du prophète Isaïe
Ainsi parle le Seigneur : « La pluie et la neige qui descendent des cieux n’y retournent pas sans avoir abreuvé la terre, sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer, donnant la semence au semeur et le pain à celui qui doit manger ; ainsi ma parole, qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce qui me plaît, sans avoir accompli sa mission. »

PSAUME
(Ps 64 (65), 10abcd, 10e-11, 12-13, 14)
R/ Tu visites la terre et tu l’abreuves, Seigneur, tu bénis les semailles. (cf. Ps 64, 10a.11c)

Tu visites la terre et tu l’abreuves,
tu la combles de richesses ;
les ruisseaux de Dieu regorgent d’eau,
tu prépares les moissons.

Ainsi, tu prépares la terre,
tu arroses les sillons ;
tu aplanis le sol, tu le détrempes sous les pluies,
tu bénis les semailles.

Tu couronnes une année de bienfaits,
sur ton passage, ruisselle l’abondance.
Au désert, les pâturages ruissellent,
les collines débordent d’allégresse.

Les herbages se parent de troupeaux
et les plaines se couvrent de blé.
Tout exulte et chante !

DEUXIÈME LECTURE
« La création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu » (Rm 8, 18-23)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains
Frères, j’estime qu’il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire qui va être révélée pour nous. En effet la création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu. Car la création a été soumise au pouvoir du néant, non pas de son plein gré, mais à cause de celui qui l’a livrée à ce pouvoir. Pourtant, elle a gardé l’espérance d’être, elle aussi, libérée de l’esclavage de la dégradation, pour connaître la liberté de la gloire donnée aux enfants de Dieu. Nous le savons bien, la création tout entière gémit, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore. Et elle n’est pas seule. Nous aussi, en nous-mêmes, nous gémissons ; nous avons commencé à recevoir l’Esprit Saint, mais nous attendons notre adoption et la rédemption de notre corps.

ÉVANGILE
« Le semeur sortit pour semer » (Mt 13, 1-23)
Alléluia. Alléluia. La semence est la parole de Dieu ; le semeur est le Christ ; celui qui le trouve demeure pour toujours. Alléluia.

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
Ce jour-là, Jésus était sorti de la maison, et il était assis au bord de la mer. Auprès de lui se rassemblèrent des foules si grandes qu’il monta dans une barque où il s’assit ; toute la foule se tenait sur le rivage. Il leur dit beaucoup de choses en paraboles : « Voici que le semeur sortit pour semer. Comme il semait, des grains sont tombés au bord du chemin, et les oiseaux sont venus tout manger. D’autres sont tombés sur le sol pierreux, où ils n’avaient pas beaucoup de terre ; ils ont levé aussitôt, parce que la terre était peu profonde. Le soleil s’étant levé, ils ont brûlé et, faute de racines, ils ont séché. D’autres sont tombés dans les ronces ; les ronces ont poussé et les ont étouffés. D’autres sont tombés dans la bonne terre, et ils ont donné du fruit à raison de cent, ou soixante, ou trente pour un. Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! »

Les disciples s’approchèrent de Jésus et lui dirent : « Pourquoi leur parles-tu en paraboles ? » Il leur répondit : « À vous il est donné de connaître les mystères du royaume des Cieux, mais ce n’est pas donné à ceux-là. À celui qui a, on donnera, et il sera dans l’abondance ; à celui qui n’a pas, on enlèvera même ce qu’il a. Si je leur parle en paraboles, c’est parce qu’ils regardent sans regarder, et qu’ils écoutent sans écouter ni comprendre. Ainsi s’accomplit pour eux la prophétie d’Isaïe : Vous aurez beau écouter, vous ne comprendrez pas. Vous aurez beau regarder, vous ne verrez pas. Le cœur de ce peuple s’est alourdi : ils sont devenus durs d’oreille, ils se sont bouché les yeux, de peur que leurs yeux ne voient, que leurs oreilles n’entendent, que leur cœur ne comprenne, qu’ils ne se convertissent, – et moi, je les guérirai. Mais vous, heureux vos yeux puisqu’ils voient, et vos oreilles puisqu’elles entendent ! Amen, je vous le dis : beaucoup de prophètes et de justes ont désiré voir ce que vous voyez, et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez, et ne l’ont pas entendu.

Vous donc, écoutez ce que veut dire la parabole du semeur. Quand quelqu’un entend la parole du Royaume sans la comprendre, le Mauvais survient et s’empare de ce qui est semé dans son cœur : celui-là, c’est le terrain ensemencé au bord du chemin. Celui qui a reçu la semence sur un sol pierreux, c’est celui qui entend la Parole et la reçoit aussitôt avec joie ; mais il n’a pas de racines en lui, il est l’homme d’un moment : quand vient la détresse ou la persécution à cause de la Parole, il trébuche aussitôt. Celui qui a reçu la semence dans les ronces, c’est celui qui entend la Parole ; mais le souci du monde et la séduction de la richesse étouffent la Parole, qui ne donne pas de fruit. Celui qui a reçu la semence dans la bonne terre, c’est celui qui entend la Parole et la comprend : il porte du fruit à raison de cent, ou soixante, ou trente pour un. »
Patrick BRAUD

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2 juillet 2023

La guerre, pile et face

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

La guerre, pile et face

Homélie pour le 14° Dimanche du Temps Ordinaire / Année A
09/07/2023

Cf. également :
La sécession des élites selon Jésus
Faut-il être humble ou jupitérien pour gouverner ?
C’est dans la fournaise qu’on voit l’humble
En joug, et à deux !
Épiphanie : que peuvent les religions en temps de guerre ?
Petite théologie de la guerre
Justice et Paix s’embrassent

Un patriarche ne devrait pas dire ça
La guerre, pile et face dans Communauté spirituelle 578231-patriarche-kirill-vladimir-poutine-fevrier
Le 25 septembre 2022 Kirill – le patriarche orthodoxe de Moscou – institue une invocation liturgique de son invention : « Voici que la bataille est engagée contre la Sainte Rus’ pour diviser son peuple indivis. Lève-toi, ô Dieu de la force, afin de le secourir et accorde-nous la victoire par ta puissance » Il ajoute solennellement cette supplique belliciste, qu’il rend obligatoire dans la liturgie.
Ioann Koval est ukrainien de nationalité, originaire de Louhansk, dans le Donbass, venu à Moscou étudier la théologie où il a épousé une Russe enseignante en littérature. Il est ordonné en 2004 et consacre son ministère aux patients des hôpitaux psychiatriques. Nommé second curé de Saint André, le voilà cependant qui, pendant la liturgie, substitue publiquement au mot « victoire » le mot « paix » : ‘accorde-nous la paix par ta puissance’
Dénoncé, il est renvoyé de l’état clérical le 11 mai 2023 par un tribunal ecclésiastique qui invoque sa « désobéissance » : selon le docile archiprêtre Vladislav Tsypine, vice-président du tribunal, le délinquant récidiviste « a violé son serment d’obéissance inconditionnelle à la hiérarchie de l’Église en émettant une opinion politique incompatible avec le sacerdoce ».

Comment Kirill et ses sbires vont-ils pouvoir écouter la première lecture de ce dimanche (Za 9,-10) sans broncher ? En entendant le prophète Zacharie annoncer un roi pauvre et pacifique, ils devraient être fort mal à l’aise :
« Ce roi fera disparaître d’Éphraïm les chars de guerre, et de Jérusalem les chevaux de combat ; il brisera l’arc de guerre, et il proclamera la paix aux nations ».
Ils devraient d’ailleurs arracher de la Bible toutes les pages décrivant le royaume de Dieu comme royaume de justice et de paix, et notamment les Béatitudes célébrant les artisans de paix, et Isaïe espérant un Messie instaurant la paix universelle : « Il sera juge entre les nations et l’arbitre de peuples nombreux. De leurs épées, ils forgeront des socs, et de leurs lances, des faucilles. Jamais nation contre nation ne lèvera l’épée ; ils n’apprendront plus la guerre » (Is 2,4).

Une guerre d’agression comme celle de la Russie contre l’Ukraine est évidemment en pleine contradiction avec le message biblique. Pour d’autres guerres, on pourrait hésiter : était-il légitime de déclarer la guerre à Hitler comme l’ont fait les Alliés occidentaux ? ou de signer avec lui un traité de paix comme le pacte germano-soviétique ? Était-il légitime d’envoyer des troupes en Iran, Irak, Afghanistan, au Mali etc. ? Comment se fait-il que l’Europe supposée de tradition chrétienne ait engendré des guerres incessantes depuis 15 siècles au moins, dont les deux plus sanglantes au siècle dernier ? Pourquoi des théologiens comme Augustin ou Thomas d’Aquin ont-ils développé le concept de guerre juste, comme s’il fallait couvrir les exactions des rois très chrétiens mettant le continent à feu et à sang ?
Tentons d’examiner froidement, rationnellement, le pour et le contre : les guerres sont-elles nécessaires, évitables, utiles ou stériles ?

 

Le côté pile de la guerre
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, les arguments en faveur de la guerre ne manquent pas.
- Progrès technologique et scientifique
La guerre a souvent stimulé le progrès technologique et scientifique. Les conflits armés ont conduit à des avancées spectaculaires dans les domaines de la médecine (soins d’urgence, chirurgie, prothèses, appareillages etc.), de l’aéronautique, de la communication (Internet par exemple est une création militaire [1]) et bien d’autres domaines technologiques. Les technologies du nucléaire, du spatial doivent aux V2 et à la bombe H leur formidable essor civil…

- Cohésion sociale et identité nationale
Certains soutiennent que la guerre peut renforcer la cohésion sociale et l’identité nationale. L’unité et la solidarité entre les citoyens peuvent être renforcées en temps de conflit, créant ainsi un sentiment d’appartenance commun et de mobilisation collective. Dans les tranchées de 14-18 par exemple, « les deux Frances » – la calotte et la laïque – se sont réconciliés en devenant frères d’armes dans la boue et les éclats d’obus des tranchées. Le statut des femmes qui avaient remplacé dans les fermes et les usines les hommes partis à la guerre s’en est trouvé changé irréversiblement.
De même, il est clair que l’Ukraine se perçoit aujourd’hui comme une nation alors qu’avant 2014 ce sentiment national était encore minoritaire, chaque ville ou province jouant sa partie de son côté.

Le plan Marshall de 1947 ou comment reconstruire l’Europe- Redressement économique
Après une guerre, certains pays ont connu des périodes de redressement économique. La reconstruction et les investissements dans l’industrie de défense peuvent stimuler l’emploi, la croissance économique et l’innovation technologique. Le plan Marshall est l’exemple d’une politique économique keynésienne réussie, qui a transformé l’après-guerre allemand en une formidable opportunité d’investissements, d’équipements, d’infrastructures etc. La richesse allemande actuelle doit beaucoup paradoxalement aux ruines de 39-45 accueillant les dollars US…

- Avancées politiques et sociales
Dans certains cas, la guerre a été associée à des avancées politiques et sociales. Par exemple, des mouvements pour les droits civils et l’égalité ont émergé à la suite de guerres, conduisant à des réformes et des changements sociaux significatifs.

- Protection des droits et de la liberté
Lorsque la guerre est engagée pour protéger les droits et la liberté d’un peuple opprimé, ce qui est alors une guerre défensive, elle semble largement justifiée lorsque les autres moyens pour rétablir ces droits ont échoué. Dans certaines situations, la guerre est le seul   moyen de résister à l’injustice et de garantir des valeurs fondamentales. La guerre d’indépendance entre les futurs États-Unis et l’Angleterre est de celles-là. La guerre contre les nazis et leurs alliés également.

- La santé morale des peuples
Le dernier argument peut paraître choquant. C’est Friedrich Hegel qui le développe ainsi :
« La santé morale des peuples est maintenue dans son indifférence en face de la fixation des spécifications finies, de même que les vents protègent la mer contre la paresse où la plongerait une tranquillité durable, comme une paix durable ou éternelle y plongerait les peuples » (Principes de la Philosophie du droit. § 324).
Hegel utilise l’image des vents qui protègent la mer contre la stagnation de ses eaux. Métaphore saisissante. Une paix durable et éternelle serait vectrice de mort éthique, de putréfaction, de pétrification de la vie éthique comme l’absence de vent engendrerait le pourrissement des eaux maritimes. On ne peut critiquer plus sévèrement le projet kantien d’une paix perpétuelle ! Rien n’est moins souhaitable pour Hegel que ce « doux rêve » s’il s’accomplit sur la lâcheté et la complicité morale avec l’injuste.
Et c’est vrai que le danger pour des nations en paix est de s’endormir sur leurs valeurs, de se laisser aller dans un confort matériel et une tranquillité où se dilue leur raison d’être. Ce que Soljenitsyne appelait « le déclin du courage » en Occident. Ou ce que les historiens appellent la décadence de l’Empire romain, lorsque leurs légions n’étaient plus composées que de mercenaires se battant au loin (des ancêtres de la milice Wagner en quelque sorte !) pendant que le peuple de Rome se vautrait dans le luxe et l’oisiveté.
Il ne faudrait pas pour autant faire d’Hegel le philosophe belliqueux de l’Europe ! Car il fait plus un constat qu’une préconisation : à l’heure actuelle, il y encore des conflits armés, et au moins on peut essayer de les faire servir au progrès moral des peuples. Mais on devrait pouvoir trouver d’autres façons de résoudre ces conflits, d’autres moyens de préserver la santé morale des peuples. En instituant un débat rationnel, en forgeant une conscience universelle, une capacité à surmonter dialectiquement les oppositions, le recours à la guerre selon Hegel pourrait être dépassé grâce au mouvement de la Raison qui préserve de l’immobilisme décadent, grâce au déploiement de l’Esprit dans l’histoire, grâce aux négociations garanties par un ordre politique mondial.

Préférer mourir plutôt que de sacrifier sa liberté, risquer sa vie pour garantir le droit et la justice est le signe d’une conscience morale plus humaine que le consentement à l’ordre injuste pour avoir une fausse paix.

Cinq ans de conflit en Syrie | Statista

 

Le côté face de la guerre
Malheureusement, il s’impose à nous. Prenez par exemple le bilan chiffré de la guerre en Syrie, qu’on avait un peu oubliée depuis l’invasion russe en Ukraine : 5 millions de réfugiés syriens dans les pays voisins, 300 000 morts au moins, des blessés à proportion, un pays en ruines…

Les effets négatifs des guerres ne sont hélas que trop évidents :

- Pertes humaines
La guerre entraîne la mort de soldats et de civils, causant des souffrances et des traumatismes émotionnels considérables. Les pertes humaines sont une tragédie incontestable et constituent l’un des aspects les plus néfastes de la guerre.

https://histoire-image.org/sites/default/files/2021-11/dau6_bousu_001f.jpg- Destruction physique
Les conflits armés entraînent la destruction de villes, d’infrastructures, de monuments historiques et de biens matériels, ce qui a un impact dévast
ateur sur les sociétés et les économies touchées. La reconstruction peut prendre des années, voire des décennies.

- Déplacement et réfugiés
Les guerres provoquent des déplacements massifs de population et la création de réfugiés. Les individus et les familles sont forcés de fuir leur foyer, souvent dans des conditions précaires, ce qui entraîne une crise humanitaire et des problèmes socio-économiques.

- Impact sur l’environnement
Les activités liées à la guerre, telles que l’utilisation d’armes chimiques, les bombardements et la pollution générée par les conflits, ont un impact dévastateur sur l’environnement. La biodiversité est menacée, les terres agricoles sont dévastées et les écosystèmes sont perturbés. Le risque nucléaire est terrifiant.

- Cicatrices sociales et divisions
La guerre peut laisser des cicatrices profondes et durables au sein des sociétés, créant des divisions ethniques, religieuses ou politiques. Les traumatismes collectifs peuvent persister pendant des générations, alimentant les tensions et les conflits futurs. La haine qui s’établit entre l’Ukraine et la Russie par exemple marquera longtemps les relations entre ces pays et leurs familles. Il faudra des décennies pour guérir tant de blessures…
citation-guerre-paul-valery gospel dans Communauté spirituelle
- Coût économique
Les guerres ont un coût financier énorme, affectant les budgets nationaux, les infrastructures et les services sociaux. Les ressources qui pourraient être utilisées pour des besoins essentiels tels que l’éducation, les soins de santé, la transition écologique et l’éradication de la pauvreté sont détournées vers l’effort de guerre.

- Instabilité régionale et mondiale
Les conflits armés peuvent déstabiliser des régions entières et avoir des répercussions géopolitiques à l’échelle mondiale. Ils peuvent engendrer des rivalités, des tensions et des réactions en chaîne qui menacent la paix et la sécurité internationale. Il suffit de lister les pays en guerre aujourd’hui pour mesurer le malheur des peuples exposés à ces conflits : Syrie, Ukraine, Arménie, Iran, Yémen, Soudan, Éthiopie, République Démocratique du Congo, pays du Sahel, Haïti, Pakistan…

 

L’engagement chrétien pour la paix
La Vie Catholique Illustrée N° 1053 - Du 13 Au 19 Octobre 1965.   de Paul VI (6) : Plus jamais la guerre! / Ce que le Père Avril a vu en Chine (4 pages) / L'éléphant, ce colosse sentimental (3 p.) / Cinéma : Marie-Chantal (Marie Laforêt) contre le docteur Kah (1 page).  Format Broché
Le cri lancé par Paul VI, la gorge nouée, dans l’enceinte de l’ONU le 4 octobre 1965 à l’occasion de son 20° anniversaire résonne encore dans nos mémoires :
« Jamais plus les uns contre les autres, jamais, plus jamais !
N’est-ce pas surtout dans ce but qu’est née l’Organisation des Nations unies : contre la guerre et pour la paix ? (…) Il n’est pas besoin de longs discours pour proclamer la finalité suprême de votre institution. Il suffit de rappeler que le sang de millions d’hommes, que des souffrances inouïes et innombrables, que d’inutiles massacres et d’épouvantables ruines sanctionnent le pacte qui vous unit en un serment qui doit changer l’histoire ­future du monde : jamais plus la guerre, jamais plus la guerre ! C’est la paix, la paix, qui doit guider le destin des peuples et de toute l’humanité ! »

De la trêve de Dieu au Moyen Âge à la diplomatie vaticane et ses médiations de conciliation dans les conflits modernes, l’Église catholique n’a jamais cessé d’espérer voir s’accomplir la prophétie de Zacharie et Isaïe : briser l’arc de guerre, surmonter les oppositions par la négociation, établir la justice qui garantira la paix. Sans ce combat pour la paix, la foi chrétienne serait réduite à une spiritualité intimiste et individualiste. Or l’Évangile a par nature cette composante sociale et politique qui nous oblige à œuvrer pour la paix.

On le sait peu, mais la référence française la plus fondatrice pour un projet de paix perpétuelle ne vient pas de Rousseau ni d’autres Lumières, mais d’un prêtre français, l’abbé Castel de Saint-Pierre qui a écrit en 1713 un livre fondateur : « Projet pour rendre la paix perpétuelle en Europe ». Cet ouvrage sera la référence de tous les textes ultérieurs, même de ceux qui le critiquent. On y trouve déjà l’idée de confédérer les nations sous une seule autorité, afin de circonscrire une sphère pacifiée où le Droit international primerait sur les intérêts particuliers, où la guerre serait interdite. Emmanuel Kant systématisera cette solution politique à la guerre avec son fameux traité de 1795 : « Vers la paix perpétuelle : un projet philosophique ». Il y plaide pour l’établissement d’un Droit international garanti  par une fédération politique mondiale où les conflits se régleront par des moyens pacifiques. Il plaide également pour une éducation des citoyens « favorisant une culture de paix et de respect mutuel ».
On voit ce que la Société des Nations puis l’ONU doivent à ces penseurs du XVIII° siècle, lassés de voir l’Europe s’entre-déchirer par des guerres fratricides.

L’engagement de chaque chrétien pour la paix devrait être en consonance avec celui de l’Église catholique actuellement. : offrir des médiations, rappeler le droit et la justice, éduquer au pardon, pratiquer l’amour des ennemis, dénoncer toute instrumentalisation du Nom de Dieu dans les conflits actuels (cf. Que peuvent les religions en temps de guerre ?).

Puissions-nous chacun et ensemble réaliser ce que « briser l’arc de guerre » signifie, et nous y engager de toutes nos forces !
Alors nous pourrons chanter le vieux negro spiritual immortalisé par Louis Armstrong : Down by the riverside.
I’m gonna lay down my sword and shield
Down by the riverside
And I ain’t gonna study war no more”:
Je vais déposer mon épée et mon bouclier au bord du fleuve (de mon baptême),
et je n’apprendrai jamais plus la guerre…

 


[1]. Dans les années 1960, le département de la Défense des États-Unis a lancé un projet de recherche appelé ARPANET (Advanced Research Projects Agency Network) dans le but de créer un réseau de communication robuste et résilient qui pourrait survivre à une attaque nucléaire. Ce projet a été réalisé par des chercheurs et des universités en collaboration avec des entreprises du secteur privé. ARPANET a introduit des concepts fondamentaux tels que la commutation de paquets et le protocole TCP/IP (Transmission Control Protocol/Internet Protocol), qui sont encore utilisés aujourd’hui dans le fonctionnement d’Internet. Au fil du temps, ARPANET a évolué pour devenir l’Internet que nous connaissons aujourd’hui.

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Voici ton roi qui vient à toi : il est pauvre » (Za 9, 9-10)

Lecture du livre du prophète Zacharie
Ainsi parle le Seigneur : « Exulte de toutes tes forces, fille de Sion ! Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem ! Voici ton roi qui vient à toi : il est juste et victorieux, pauvre et monté sur un âne, un ânon, le petit d’une ânesse. Ce roi fera disparaître d’Éphraïm les chars de guerre, et de Jérusalem les chevaux de combat ; il brisera l’arc de guerre, et il proclamera la paix aux nations. Sa domination s’étendra d’une mer à l’autre, et de l’Euphrate à l’autre bout du pays. »

PSAUME
(Ps 144 (145), 1-2, 8-9, 10-11, 13cd-14)
R/ Mon Dieu, mon Roi, je bénirai ton nom toujours et à jamais ! ou : Alléluia ! (Ps 144, 1)

Je t’exalterai, mon Dieu, mon Roi ;
je bénirai ton nom toujours et à jamais !
Chaque jour je te bénirai,
je louerai ton nom toujours et à jamais.

Le Seigneur est tendresse et pitié,
lent à la colère et plein d’amour.
La bonté du Seigneur est pour tous,
sa tendresse, pour toutes ses œuvres.

Que tes œuvres, Seigneur, te rendent grâce
et que tes fidèles te bénissent !
Ils diront la gloire de ton règne,
ils parleront de tes exploits.

Le Seigneur est vrai en tout ce qu’il dit,
fidèle en tout ce qu’il fait.
Le Seigneur soutient tous ceux qui tombent,
il redresse tous les accablés.

DEUXIÈME LECTURE
« Si, par l’Esprit, vous tuez les agissements de l’homme pécheur, vous vivrez » (Rm 8, 9.11-13)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains
Frères, vous, vous n’êtes pas sous l’emprise de la chair, mais sous celle de l’Esprit, puisque l’Esprit de Dieu habite en vous. Celui qui n’a pas l’Esprit du Christ ne lui appartient pas. Mais si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus, le Christ, d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous. Ainsi donc, frères, nous avons une dette, mais elle n’est pas envers la chair pour devoir vivre selon la chair. Car si vous vivez selon la chair, vous allez mourir ; mais si, par l’Esprit, vous tuez les agissements de l’homme pécheur, vous vivrez.

ÉVANGILE
« Je suis doux et humble de cœur » (Mt 11, 25-30)
Alléluia. Alléluia. Tu es béni, Père, Seigneur du ciel et de la terre, tu as révélé aux tout-petits les mystères du Royaume ! Alléluia. (cf. Mt 11, 25)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
En ce temps-là, Jésus prit la parole et dit : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. Oui, Père, tu l’as voulu ainsi dans ta bienveillance. Tout m’a été remis par mon Père ; personne ne connaît le Fils, sinon le Père, et personne ne connaît le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler.
Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme. Oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau, léger. »
Patrick BRAUD

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25 juin 2023

Je vis tranquille au milieu des miens

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Je vis tranquille au milieu des miens

Homélie pour le 13° Dimanche du Temps Ordinaire / Année A
02/07/2023

Cf. également :
Construisons donc une chambre haute pour notre Élisée intérieur
Dieu est le plus court chemin d’un homme à un autre
Le jeu du qui-perd-gagne
Honore ton père et ta mère
Aimer nos familles « à partir de la fin »
Prendre sa croix
Chandeleur : les relevailles de Marie
Zachée : le juste, l’incisé et la figue
Comme une épée à deux tranchants

Salutations africaines
Si vous allez au Burkina Faso, en Afrique de l’Ouest, surtout dans des villages de brousse, observez deux Mossis (l’ethnie majoritaire du centre) qui se saluent sur la route. Vous entendrez une très longue litanie de salutations très codifiées échangées de part et d’autre :
Je vis tranquille au milieu des miens dans Communauté spirituelle Image5– Kiemame ? (comment allez-vous ?)
- Laafi bala (la paix seulement)
– La zakramba, kiemame ? (et la famille, comment ça va ?)
- Laafi bala (la paix seulement)
– La villagedamba, kiemame ? (et les gens du village ?)
- Laafi bala (la paix seulement) … etc.
À chaque demande pour savoir si les proches de l’interlocuteur vont bien, l’autre répond : laafi bala, la paix seulement. Et réciproquement ! Ces salutations durent donc de longues minutes, sans regarder l’autre dans les yeux pour ne pas le gêner ni être agressif. Évidemment, les Blancs (« nassaara ») habitués à un furtif « ça va ? » dont ils n’attendent même pas la réponse pour passer à autre chose sont désemparés devant ce rituel d’apprivoisement réciproque qui demande du temps, de la présence à l’autre, de la délicatesse. Le leitmotiv « laafi bala » qui rythme cette coutume et tout le parler mossi traduit la valeur prépondérante accordée à la paix, l’harmonie, la cohésion sociale dans cette culture. L’idéal du Mossi est de vivre en paix au milieu des siens. Même s’il est malade ou si ses greniers sont vides, il commencera toujours par répondre : « laafi bala »…
Cet objectif de vie très simple est visiblement partagé par la Sunamite de notre première lecture (2 R 4,8-16). Voyons comment.

 

1. La Sunamite qui veut le rester
En la remerciant pour son hospitalité digne du meilleur AirBnb (et en plus c’est gratuit !), Élisée voudrait l’introduire auprès des hautes sphères du royaume :
sunamite-m Elisée dans Communauté spirituelle« Que peut-on faire pour toi ? Faut-il parler pour toi au roi ou au chef de l’armée ? » (2R 4,13). Ce qui reviendrait à l’extraire de son humble condition sociale pour la propulser dans la haute société princière. La réponse de la Sunamite est d’une simplicité profonde : « je vis (demeure יָשַׁבya.shav / οκω oikeō) tranquille au milieu des miens ». Le verbe employé  évoque l’atmosphère familière de la maisonnée (oikeō), et surtout le fait de demeurer (ya.shav) avec les siens. On y entend déjà en filigrane l’annonce du Prologue de Jean : « il est venu demeurer chez les siens ». D’ailleurs Élisée va demeurer chez elle à chacune de ses escales, ce qui transformera toute la maisonnée.

La Sunamite préfère rester au milieu de son village, de son peuple, plutôt que d’aller à la cour du roi. Elle ne rêve pas d’être ailleurs que là où elle est. C’est sans doute cela, la présence : habiter le présent avec ceux qui sont là, sans se projeter ailleurs, ni avant, ni après. Saint François de Sales traduira cette sagesse en une belle maxime : « Fleuris là où Dieu t’a semé ». Nous passons notre temps à vouloir être ailleurs, être quelqu’un d’autre, être à une autre époque, et du coup nous ne sommes plus vraiment là.
Comme quoi savoir demeurer quelque part est tout un art !

Elle veut vivre tranquillement au milieu des siens.
Un peu plus loin, on la voit réagir à l’insolation qui a frappé ce fils inattendu et qu’on croit mort. À son mari inquiet qui lui demande ce qui se passe, elle répond tranquillement : « tout va bien » (שָׁלוֹם shalom) 2R 4,23, alors que le danger est grand. On retrouve le mot shalom cher aux Mossis du Burkina (sous la forme laafi) : la paix. Être en paix, même en plein danger, vivre en paix, faire la paix avec soi-même et les autres, pacifier le tumulte intérieur des passions désordonnées pour se caler en son centre de gravité spirituelle, aligné sur ses valeurs, tenant résolument le cap choisi.

Il faut pouvoir le prononcer ce « tout va bien » quand tout va mal à l’intérieur, quand la déception est à son comble, quand la douleur de l’absence d’un enfant est ravivée, quand tout le rêve en un instant devient cauchemar… Mais par contraste, la voilà la belle aventure de la foi : faire confiance en l’avenir envers et contre tout, espérer contre toute espérance. En dignes enfants d’Abraham : « Espérant contre toute espérance, il a cru ; ainsi est-il devenu le père d’un grand nombre de nations, selon cette parole : Telle sera la descendance que tu auras ! » (Rm 4,18).

Être ainsi ancré dans un lieu, un peuple, dans les valeurs qui me constituent revient à être ancré en Dieu même. Comme le disait le psalmiste : « je tiens mon âme égale et silencieuse ; mon âme est en moi comme un enfant, comme un petit enfant contre sa mère » (Ps 131,2).
Pourtant, la Sunamite aurait eu des raisons de vouloir autre chose ! Elle et son mari ne roulent pas sur l’or. Ils doivent travailler encore malgré leur âge. Et surtout cette femme ne peut avoir d’enfant. Cela ne trouble pas sa tranquillité spirituelle. Elle a cette force intérieure qui lui permet d’accueillir ce qui est pour en tirer le meilleur. Comme dira Paul : « j’ai appris à me contenter de ce que j’ai. Je sais vivre de peu, je sais aussi être dans l’abondance. J’ai été formé à tout et pour tout : à être rassasié et à souffrir la faim, à être dans l’abondance et dans les privations. Je peux tout en celui qui me donne la force » (Ph 4,11-13)

Et vous : où souhaitez-vous demeurer parmi les vôtres ? Où en est votre tranquillité de  cœur ?

 

2. Éloge du désintéressement
Le pur amour : pour qui êtes-vous prêts à aller en enfer ?
L’hospitalité accordée à Élisée aurait pu être intéressée. Pensez donc : si c’est un prophète, peut-être fera-t-il quelque chose pour moi ? Or l’aménagement de la chambre haute pour Élisée n’est accompagné d’aucune demande, ni explicite ni implicite. À tel point qu’Élisée ne connaît même pas la souffrance de celle qui l’accueille (ne pas avoir d’enfant). Sans calcul, sans autre motif que la valeur de ce prophète et la valeur de l’hospitalité comme règle de conduite, cette femme se retire avec discrétion en laissant Élisée se reposer, sans l’importuner avec ses soucis. Elle se fait simplement une joie d’accueillir cet homme de Dieu, sans arrière-pensée, gratuitement, pour rien.

Et vous : c’était quand, la dernière fois où vous avez agi ‘pour rien’ ?

 

3. Et par-dessus le marché : la fécondité
Femmes de la bible la Sunamite Elisée
La Sunamite, par pudeur et par discrétion, mais aussi pour ne pas peser sur l’homme de Dieu, ne lui avait rien dit de sa stérilité. C’est une souffrance majeure à cette époque, plus encore qu’aujourd’hui, sur le plan social en tout cas. Une femme sans enfant était déconsidérée, voire moquée et méprisée, discriminée. Anne par exemple passait des heures à pleurer devant YHWH, écrasée par la honte de ne pouvoir être mère : « Seigneur de l’univers ! Si tu veux bien regarder l’humiliation de ta servante, te souvenir de moi, ne pas m’oublier, et me donner un fils… » (1S 1,11). Et Rachel suppliait Jacob : « Voyant qu’elle n’avait pas donné d’enfant à Jacob, Rachel devint jalouse de sa sœur. Elle dit à Jacob : ‘Donne-moi des fils, sinon je vais mourir !’ » (Gn 30,1). Lorsqu’elle met Joseph au monde, elle s’écrie : « Dieu a enlevé ma honte » (Gn 30,23). Car c’était une terrible humiliation, une honte socialement lourde à porter que de ne pas avoir d’enfant.
Malgré cette blessure intime si profonde, la Sunamite ne s’est pas laissée aigrir ni rabougrir par le drame de sa stérilité (ou de celle de son mari ?). Elle a su donner un autre sens à sa vie que les enfants.

Les innombrables célibataires – par choix par force – de nos sociétés modernes pourraient trouver en elle une belle figure d’épanouissement personnel, en passant d’un célibat subi à un célibat choisi. En se tournant vers les autres, en rendant service autant qu’elle le peut, tranquillement au milieu des siens, cette femme sans enfant est devenue une référence à Sunam. Une de ces justes ordinaires sans lesquels le monde ne tiendrait pas. Elle est populaire chez les siens, parce qu’elle trouve son plaisir à faire le bien, non pour une éventuelle récompense mais parce que cela est bien, tout simplement. Elle se désigne elle-même comme servante (2R 4,16), diaconesse avant l’heure (comme le sera la belle-mère de Pierre une fois guérie : « elle les servait » Mc 1,31). Sa joie de servir a sublimé sa douleur de ne pas avoir d’enfant. Elle ne s’attarde pas sur sa souffrance, et fait de sa disponibilité familiale un moteur pour aller vers les autres, pour les accueillir chez elle.

Alors, nous dit le texte, la conséquence de ce détachement intérieur est paradoxalement de retrouver la fécondité perdue : « l’année prochaine, tu tiendras un fils dans tes bras » (2R 4,16). C’est tellement fou qu’elle-même n’y croit pas : ne te moque pas de moi, dit-elle à Élisée. Comme Sarah riait incrédule devant l’improbable annonce des trois visiteurs lui promettant une grossesse impossible, la Sunamite ne veut pas souffrir à nouveau en vain en espérant une grossesse qu’elle a sagement effacée de son horizon. Redisons-le : son équilibre de vie, sa tranquillité au milieu des siens, son sens du service faisait qu’elle ne demandait rien à Élisée. Son accueil est vraiment totalement désintéressé !

Aussi l’annonce finale de la naissance ne sonne pas comme une « récompense » au sens classique du terme, mais bien plutôt comme une conséquence logique de son ouverture au passage de Dieu dans sa vie. Autrement dit : la naissance ne sera pas une médaille comme en recherchent les grands de ce monde. Ce sera un cadeau, un excès de bonté divine, un plus, « par-dessus le marché » comme disait Jésus : « cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste vous sera donné par-dessus le marché » (M 6,33). Dans l’Évangile de ce dimanche (Mt 10, 37-42), Matthieu emploie trois fois le terme récompense (μισθς = misthos) pour saluer les conséquences de l’accueil d’un prophète, d’un juste, d’un disciple. En bon juif converti à Jésus, Matthieu est légèrement obsédé par la problématique de la Loi juive et de son accomplissement. Il emploie 10 fois (comme les 10 commandements) le mot récompense dans son Évangile [1], justement afin de montrer l’accomplissement de la Loi dans la foi chrétienne. Il se débat avec la doctrine pharisienne de la rétribution, qui voudrait n’accorder à l’homme que ce qu’il mériterait en retour de ses actes. On traduit : récompense, mais également salaire, au sens de ce qui est dû pour le travail accompli, ce qui est normal de recevoir une fois la journée effectuée. Ce n’est donc que justice. Et c’est dans l’ordre des choses – telles que YHWH les a faites – que l’accueil désintéressé transforme celui qui accueille à l’image de celui qu’il accueille, comme l’orant est transformé à l’image de l’icône qu’il contemple.

Cette récompense n’est pas le moteur de notre empressement à accueillir. Ce n’est pas une rétribution, un mérite.
Nous ne pratiquons pas l’hospitalité pour ‘gagner le paradis’. Nous le faisons pour rien, par pur amour aurait dit Madame Guyon (cf. Le pur amour : pour qui êtes-vous prêts à aller en enfer ?).
Nous ne sommes pas ‘intéressés’ par la vie éternelle : c’est elle qui s’offre à nous, par-dessus le marché.

Et vous, quelle fécondité pouvez-vous accepter de recevoir, ‘par-dessus le marché’ ?

 

4. Déceler le besoin de l’autre
Elisée et la Sunamite
Terminons en essayant d’être moins balourd qu’Élisée ! Il n’avait rien vu de la situation de la Sunamite. C’est son serviteur Guéhazi qui lui révèle : « elle n’a pas de fils ». Élisée est tout surpris, et confus, de se rendre compte qu’il est passé à côté de la souffrance de son hôte. C’est encore le cas quand il la revoit plus tard sans deviner la maladie mortelle qui a couché son fils (« son âme est dans l’amertume. Le Seigneur me l’a caché, il ne m’a rien annoncé » 2R 4,27). C’est encore le cas quand il pense à tort que son seul bâton sera suffisant, sans lui, pour guérir l’enfant apparemment mort (2R 4,29–32).
Heureusement qu’il y a le brave Guéhazi pour lui souffler à chaque fois la solution… Tout  prophète qu’il est, Élisée ne fait pas assez attention aux petites gens qu’il croise, même ceux qui lui font du bien.
Il nous faut donc nous appuyer sur d’autres yeux que les nôtres, d’autres sensibilités, d’autres proximités sociales et spirituelles pour déceler le besoin de l’autre.

Et vous : sur qui pouvez-vous vous appuyer pour déchiffrer les réels besoins des gens qui vous entourent, au travail, en famille, en Église ?

 


[1]. Mt 5,12.46 ; 6,1.2.5.16 ; 10,41.42 ; 20,8

 

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Celui qui s’arrête chez nous est un saint homme de Dieu » (2 R 4, 8-11.14-16a)

Lecture du deuxième livre des Rois
Un jour, le prophète Élisée passait à Sunam ; une femme riche de ce pays insista pour qu’il vienne manger chez elle. Depuis, chaque fois qu’il passait par là, il allait manger chez elle. Elle dit à son mari : « Écoute, je sais que celui qui s’arrête toujours chez nous est un saint homme de Dieu. Faisons-lui une petite chambre sur la terrasse ; nous y mettrons un lit, une table, un siège et une lampe, et quand il viendra chez nous, il pourra s’y retirer. »
Le jour où il revint, il se retira dans cette chambre pour y coucher. Puis il dit à son serviteur : « Que peut-on faire pour cette femme ? » Le serviteur répondit : « Hélas, elle n’a pas de fils, et son mari est âgé. » Élisée lui dit : « Appelle-la. » Le serviteur l’appela et elle se présenta à la porte. Élisée lui dit : « À cette même époque, au temps fixé pour la naissance, tu tiendras un fils dans tes bras. »

PSAUME
(Ps 88 (89), 2-3, 16-17, 18-19)
R/ Ton amour, Seigneur, sans fin je le chante ! (Ps 88, 2a)

L’amour du Seigneur, sans fin je le chante ;
ta fidélité, je l’annonce d’âge en âge.
Je le dis : C’est un amour bâti pour toujours ;
ta fidélité est plus stable que les cieux.

Heureux le peuple qui connaît l’ovation !
Seigneur, il marche à la lumière de ta face ;
tout le jour, à ton nom il danse de joie,
fier de ton juste pouvoir.

Tu es sa force éclatante ;
ta grâce accroît notre vigueur.
Oui, notre roi est au Seigneur ;
notre bouclier, au Dieu saint d’Israël.

DEUXIÈME LECTURE
Unis, par le baptême, à la mort et à la résurrection du Christ (Rm 6, 3-4.8-11)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains
Frères, ne le savez-vous pas ? Nous tous qui par le baptême avons été unis au Christ Jésus, c’est à sa mort que nous avons été unis par le baptême. Si donc, par le baptême qui nous unit à sa mort, nous avons été mis au tombeau avec lui, c’est pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi, comme le Christ qui, par la toute-puissance du Père, est ressuscité d’entre les morts. Et si nous sommes passés par la mort avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui. Nous le savons en effet : ressuscité d’entre les morts, le Christ ne meurt plus ; la mort n’a plus de pouvoir sur lui. Car lui qui est mort, c’est au péché qu’il est mort une fois pour toutes ; lui qui est vivant, c’est pour Dieu qu’il est vivant. De même, vous aussi, pensez que vous êtes morts au péché, mais vivants pour Dieu en Jésus Christ.

ÉVANGILE
« Celui qui ne prend pas sa croix n’est pas digne de moi. Qui vous accueille m’accueille » (Mt 10, 37-42)
Alléluia. Alléluia. Descendance choisie, sacerdoce royal, nation sainte, annoncez les merveilles de Celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière. Alléluia. (cf. 1 P 2, 9)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
En ce temps-là, Jésus disait à ses Apôtres : « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi. Qui a trouvé sa vie la perdra ; qui a perdu sa vie à cause de moi la gardera. Qui vous accueille m’accueille ; et qui m’accueille accueille Celui qui m’a envoyé. Qui accueille un prophète en sa qualité de prophète recevra une récompense de prophète ; qui accueille un homme juste en sa qualité de juste recevra une récompense de juste. Et celui qui donnera à boire, même un simple verre d’eau fraîche, à l’un de ces petits en sa qualité de disciple, amen, je vous le dis : non, il ne perdra pas sa récompense. »
Patrick BRAUD

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