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4 février 2012

Avec Job, faire face à l’excès du mal

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Avec Job, faire face à l’excès du mal

 

Homélie du 5° Dimanche ordinaire  / Année B

05/02/2012

 

La corvée d’exister

Qui ne s’est jamais couché l’angoisse au ventre devant la perspective d’heures  entières à chercher le sommeil en vain ?

Qui ne s’est jamais levé que contraint et forcé pour aller au travail sans enthousiasme ?

Qui n’a jamais ressenti à l’issue d’une journée de travail ce sentiment d’amertume et de désillusion qu’exprimait Job : « vraiment, la vie de l’homme sur la terre est une corvée ; il fait des journées de manoeuvre » ?

Autant dire que chacun de nous peut se reconnaître à un moment ou un autre dans ce Job désabusé !

Ce qui est extraordinaire, c’est que nous ayons laissé ce livre de Job dans la Bible, au lieu de le reléguer parmi les livres cyniques jetant un doute sur la bonté de Dieu, voire sur son existence même.

 

Le mal comme excès

Puisque Job est lu dans toutes les synagogues et toutes les églises, alors c’est qu’il nous Job et l'excès du malest bon d’entrer en procès contre Dieu comme il le fait. Il nous est possible, en tant que croyants, d’oser accuser Dieu de ses contradictions, et surtout de l’accuser de tolérer la présence du mal qui apparemment submerge tout être vivant tôt ou tard.

Job a tout perdu alors qu’il n’avait rien fait de mal. Cette injustice est telle qu’il se retourne contre le créateur de tout cela, et lui reproche vertement de laisser arriver de telles catastrophes.

La pointe de l’expérience de Job, qui est la nôtre parfois, c’est ce que Philippe Nemo appelle fort justement « l’excès du mal », ou plutôt le mal comme un excès qui déborde toute explication, toute théorie, toute consolation.

Perdre bétail, maisons, serviteurs, argent, santé et jusqu’à femme et enfants : Job est plongé dans un enfer de déréliction d’où Dieu est volontairement absent, ce qui est absolument injustifiable, même par Dieu en personne. Cet excès de souffrance et d’injustice chez nous déclenche un doute sur l’existence de Dieu. Chez Job, Dieu est une évidence incontestable, mais l’excès du mal incline Job à trouver la vie humaine insensée, absurde. « Ma vie n’est qu’un souffle » : la brièveté de cette existence exposée au mal en rajoute au malheur, et mieux vaudrait en finir tout de suite, se plaint Job. Il va encore plus loin dans l’accusation : « maudit soit le jour de ma naissance » (Job 3,1).

« Périsse le jour qui me vit naître, et la nuit qui annonça: « Un garçon vient d’être conçu. » (?) Car elle n’a pas fermé sur moi la porte du ventre, pour cacher à mes yeux la souffrance. 11 Pourquoi ne suis-je pas mort au sortir du sein, n’ai-je péri aussitôt enfanté ?

Pourquoi s’est-il trouvé deux genoux pour m’accueillir, deux mamelles pour m’allaiter ?

Maintenant je serais couché en paix, je dormirais d’un sommeil reposant, avec les rois et les grands ministres de la terre, qui ont bâti leurs demeures dans des lieux désolés, 15 ou avec les princes qui ont de l’or en abondance et de l’argent plein leurs tombes.

Ou bien, tel l’avorton caché, je n’aurais pas existé, comme les petits qui ne voient pas le jour. »

 

De l'inconvénient d'être néC’est ce que Cioran appelait « l’inconvénient d’être né » :

« Je sais que ma naissance est un hasard, un accident risible, et cependant, dès que je m’oublie, je me comporte comme si elle était un événement capital, indispensable à la marche et à l’équilibre du monde. »

« Nous ne courons pas vers la mort, nous fuyons la catastrophe de la naissance ». 

 

Cioran ne fait jamais que reprendre la vieille désillusion du Qohélet : « je félicite les morts qui sont déjà morts plutôt que les vivants qui sont encore vivants.  Et plus heureux que tous les deux est celui qui ne vit pas encore et ne voit pas l’iniquité qui se commet sous le soleil » (Qo 4,2).

 Cette désillusion devient encore plus radicalement chez Job une malédiction incompréhensible émanant d’un créateur absent.

 

Oser accuser Dieu

Il refuse la pseudo explication de ses amis venus le consoler avec de pieuses théories qui ne résistent pas au tsunami de l’abandon.

Et Job proteste à longueur de chapitre contre ces religieux qui essaient de faire rentrer l’excès du mal dans la théorie de la rétribution ou de la transcendance divine.

Non il n’a en rien mérité de la catastrophe qui s’abat sur lui.

Non il ne peut accepter que Dieu en soit l’origine.

Non il ne voit aucun signe de la bonté de Dieu dans cette épreuve.

Mais il ose crier face à Dieu. Au lieu de se replier sur sa douleur en silence, il apostrophe ses amis, il traîne Dieu en accusation, il le convoque et le somme de s’expliquer.

 

Les deux excès

À la fin du livre, la réponse de Dieu n’est pas une réponse. Au mal comme excès est opposé Dieu comme un excès plus grand encore. Aucun des deux n’est vraiment compréhensible.

À l’énigme du mal, Dieu semble répondre en se définissant par un mystère plus grand encore. Et ce n’est pas le happy end très Hollywoodien (visiblement rajouté en fin d’histoire pour rassurer le lecteur) qui va résoudre le mystère de cette double question. Tout au plus l’espérance juive affirme-t-elle à la fin la victoire de Dieu comme excès d’amour sur le mal comme excès de souffrance.

L’espérance chrétienne relaiera cette espérance, tout en reconnaissant en Jésus abandonné de tous – et de son Père, suprême blessure – l’accomplissement de la figure de Job.

Plus que Job, Jésus ne mérite rien des insultes, du mépris et de la condamnation de la croix. La déchirure que Job a ressenti traverse Jésus au plus intime de lui-même : son tas de fumier c’est le bois de la croix, sa lèpre c’est l’infamie qui pèse sur lui, sa perte est celle de sa condition de Fils unique, ses pseudo amis sont des disciples en fuite et des murmures cyniques : « qu’il se sauve lui-même ! ». L’épreuve de Jésus est ainsi plus radicale que celle de Job. D’ailleurs, Job est atteint dans ce qu’il possède mais pas dans sa vie même, alors que Jésus – lui – est exposé à tout perdre, même sa vie.

Le but en est également différent. Si Job subit perte sur perte, c’est parce que dans le texte Satan veut démontrer que le pur amour n’existe pas chez l’homme : « est-ce de manière désintéressée que Job craint Dieu ? » (Job 1,9)

Si Jésus subit perte sur perte, c’est qu’il est uni à la volonté de son Père d’aller « chercher et sauver ceux qui étaient perdus » (Lc 19,10).

L’épreuve de Job est un test  autour de l’amour gratuit et désintéressé. La passion du Christ est un plongeon en enfer pour faire corps avec les damnés de la terre, et les faire remonter à la lumière.

 

La résurrection ne sera pas un happy end après un drame convenu. Jésus ressuscité garde les traces de sa passion. Le mal qui s’était acharné « en excès » sur lui n’est pas effacé. Mais la vie « en excès » est donnée par Dieu, sans que ce deuxième mystère vient de résoudre la première énigme.

« Seul l’excès de béatitude sera consonant avec l’excès du mal. Il ne s’agira pas seulement pour Dieu d’effacer le mal donné, mais de se montrer, par la béatitude donnée à l’excès, à la mesure de l’immesurable excès du mal. » (Ph. Nemo)

 

Le courage de faire face

Alors, relisons le livre de Job ! Ses plaintes nous autorisent à nous plaindre avec lui. Ses protestations contre ses amis nous encouragent à ne pas nous satisfaire des solutions conformistes. Sa violence contre Dieu nourrit notre énergie pour ne pas laisser Dieu tranquille, à l’instar de Jacob : « je ne te lâcherai pas que tu ne m’aies béni » (Gn 32,27).

La trajectoire de Job, de la déréliction à la révolte jusqu’à l’inexplicable, pleinement accomplie en Jésus abandonné, peut soutenir nos propres amertumes et désillusions.

« Vraiment la vie de l’homme sur la terre est une corvée. » Mais cette corvée devient en Christ un service ou l’excès du mal est vaincu par l’excès d’amour.

Chacun de nous peut être configuré à Job ou à Jésus à un moment de sa vie.

Qu’ils nous aident à faire face à l’excès du mal avec courage.

 

 

1ère lecture : Détresse de l’homme qui souffre (Jb 7, 1-4.6-7)

Lecture du livre de Job

Job prit la parole et dit :
« Vraiment, la vie de l’homme sur la terre est une corvée, il fait des journées de man?uvre. Comme l’esclave qui désire un peu d’ombre, comme le man?uvre qui attend sa paye, depuis des mois je n’y ai gagné que du néant, je ne compte que des nuits de souffrance. À peine couché, je me dis :’Quand pourrai-je me lever ?’ Le soir n’en finit pas : je suis envahi de cauchemars jusqu’à l’aube. Mes jours sont plus rapides que la navette du tisserand, ils s’achèvent quand il n’y a plus de fil.
Souviens-toi, Seigneur : ma vie n’est qu’un souffle, mes yeux ne verront plus le bonheur. »

 

Psaume : Ps 146, 1.3, 4-5, 6-7

R/ Bénissons le Seigneur qui guérit nos blessures !

Il est bon de fêter notre Dieu,
il est beau de chanter sa louange :
il guérit les c?urs brisés
et soigne leurs blessures. 

Il compte le nombre des étoiles,
il donne à chacune un nom ;
il est grand, il est fort, notre Maître :
nul n’a mesuré son intelligence.

Le Seigneur élève les humbles
et rabaisse jusqu’à terre les impies.
Entonnez pour le Seigneur l’action de grâce,
jouez pour notre Dieu sur la cithare !

2ème lecture : L’Apôtre se fait tout à tous (1Co 9, 16-19.22-23)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères,
si j’annonce l’Évangile, je n’ai pas à en tirer orgueil, c’est une nécessité qui s’impose à moi ; malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile !
Certes, si je le faisais de moi-même, je recevrais une récompense du Seigneur. Mais je ne le fais pas de moi-même, je m’acquitte de la charge que Dieu m’a confiée.
Alors, pourquoi recevrai-je une récompense ? Parce que j’annonce l’Évangile sans rechercher aucun avantage matériel, ni faire valoir mes droits de prédicateur de l’Évangile.
Oui, libre à l’égard de tous, je me suis fait le serviteur de tous afin d’en gagner le plus grand nombre possible.
J’ai partagé la faiblesse des plus les faibles, pour gagner les faibles. Je me suis fait tout à tous pour en sauver à tout prix quelques-uns.
Et tout cela, je le fais à cause de l’Évangile, pour bénéficier, moi aussi, du salut.

 

Evangile : Une journée de Jésus au milieu des malades (Mc 1, 29-39)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Jésus a pris sur lui notre faiblesse, il s’est chargé de nos douleurs. Alléluia. (cf. Mt 8, 17)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En quittant la synagogue, Jésus, accompagné de Jacques et de Jean, alla chez Simon et André.
Or, la belle-mère de Simon était au lit avec de la fièvre. Sans plus attendre, on parle à Jésus de la malade. Jésus s’approcha d’elle, la prit par la main, et il la fit lever. La fièvre la quitta, et elle les servait.
Le soir venu, après le coucher du soleil, on lui amenait tous les malades, et ceux qui étaient possédés par des esprits mauvais. La ville entière se pressait à la porte. Il guérit toutes sortes de malades, il chassa beaucoup d’esprits mauvais et il les empêchait de parler, parce qu’ils savaient, eux, qui il était.
Le lendemain, bien avant l’aube, Jésus se leva. Il sortit et alla dans un endroit désert, et là il priait.
Simon et ses compagnons se mirent à sa recherche.
Quand ils l’ont trouvé, ils lui disent : « Tout le monde te cherche. »
Mais Jésus leur répond : « Partons ailleurs, dans les villages voisins, afin que là aussi je proclame la Bonne Nouvelle ; car c’est pour cela que je suis sorti. »
Il parcourut donc toute la Galilée, proclamant la Bonne Nouvelle dans leurs synagogues, et chassant les esprits mauvais.

Patrick Braud

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14 janvier 2012

Quel Éli élirez-vous ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Quel Éli élirez-vous ?


Homélie pour le 2° Dimanche ordinaire / Année B
15/01/2012

Rassurez-vous : il ne s’agit pas d’élection au sens politique du terme. Élire, c’est choisir. Les retraites d’élection dans l’esprit de St Ignace de Loyola constituent par exemple une méthode pour faire des choix accordés à notre vocation la plus personnelle.

Choisir ses compagnons de route n’est pas une mince affaire non plus.

Quel Éli élirez-vous ? dans Communauté spirituelle TEXT-breastplate-smLe jeune Samuel a la chance d’avoir auprès de lui un sage qui va l’aider à interpréter ce qui lui arrive. Il a Éli, sans l’avoir élu, mais en lui faisant confiance il le choisit comme son décodeur particulier.

Le célèbre passage des quatre appels de Samuel dans le Temple (1S 3) nous renvoie en effet à notre propre capacité d’interprétation des événements qui nous réveillent.

Le sommeil de Samuel peut figurer nos assoupissements, nos endormissements : lorsque nous ronronnons sur nos acquis ; lorsque nous ne grandissons plus, à l’instar de Samuel qui attend sans le savoir une parole pour grandir. « Samuel grandit. Le Seigneur était avec lui, et aucune de ces paroles ne demeurait sans effet » (1S 3,19).

Ce sommeil figure également tous les moments où nos barrières sont levées, nos contrôles hors service, nos blocages apaisés. Pour qu’une voix se fasse entendre, il faut souvent ce sommeil de la volonté propre, où tous les check-points sont vides des policiers-douaniers du self-control dont nous les peuplons au réveil.

Alors survient – on ne sait d’où ni comment – cet appel étrange dont on ne découvre que très tardivement dans notre texte la forme exacte : « Samuel, Samuel ! ». Au début c’est une voix, ni extérieure ni intérieure. Elle nous empêche de mener une vie tranquille. Elle nous relance, parfois dans l’inquiétude, parfois dans l’exaltation. Pour Samuel, c’est au début le rappel à sa condition de jeune serviteur du responsable du Temple. Il ne peut interpréter ce mouvement en lui que dans le cadre de ce qu’il connaît, et « Samuel ne connaissait pas encore le Seigneur ». Ainsi, beaucoup de nos contemporains ressentent ces élans intérieurs, ces motions et émotions spirituelles, sans pouvoir leur donner un nom, car « ils ne connaissent pas le Seigneur ». C’est ici que le rôle d’Éli est capital. Samuel se confie à lui. Éli refuse de mettre la main sur ce qui se passe chez ce jeune homme. Il confesse : « je ne t’ai pas appelé ». À la manière de Jean-Baptiste qui confessait : « ce n’est pas moi » (« non sum »), Éli refuse de prendre possession de cette aventure, de se l’attribuer, de dominer Samuel à travers elle. C’est sans doute le premier critère d’un bon accompagnateur spirituel (cf. les fameux Exercices spirituels de St Ignace de Loyola donnés par les jésuites sur 30 jours, ou une semaine) : une attitude de dépossession, une reconnaissance du travail d’un Autre dans lequel l’accompagnateur n’est pour rien au départ. À la manière de Jean-Baptiste qui désigne Jésus à ses disciples : « voici l’agneau de Dieu ». Ce n’est pas moi, c’est lui que vous devez suivre. Je suis là que pour indiquer sa présence et orienter votre désir vers Celui qui en est la source.

À partir de cette triple reconnaissance négative (« je ne t’ai pas appelé ») Éli peut alors aider Samuel à comprendre ce qui lui arrive, à décrypter cette voix qui ne le laisse pas tranquille. Il révèle à Samuel qu’il est travaillé par l’appel de Dieu lui-même. Il lui indique la posture adopter désormais pour tenir compte de cette quête intérieure : « parle Seigneur, ton serviteur écoute ».

Sans Élie, pas de Samuel prophète, et donc pas de promesse messianique faite à David (2S 7,14) et donc pas de Jésus fils de David à l’horizon de l’histoire d’Israël !

Et vous ? Qui joue le rôle d’Éli pour recueillir vos appels intérieurs ? Qui écoute vos rêves ou vos cauchemars, votre quête intérieure, vos interrogations sur les vrais choix à faire ? Quel Éli élirez-vous ?

Si vous restez seul avec les voix qui vous réveillent la nuit, comment allez-vous les interpréter ?

Nos salons sont encombrés de décodeurs, de boxs, de modems et autres interfaces qui  appel dans Communauté spirituellenous permettent de déchiffrer tous les signaux numériques codés qui nous sont envoyés en masse. Sans ces appareils, la prise téléphonique resterait incompréhensible, le câble d’antenne rempli de borborygmes inhumains, les DVD saturés de hiéroglyphes, les MP3 énigmatiques…

Si nous savons nous entourer des bons objets pour traduire les signaux matériels qui nous assaillent, combien plus devrions-nous choisir les bons accompagnateurs spirituels pour interpréter dans les événements de nos vies les appels qui viennent de Dieu et ceux qui ne viennent pas de lui.

Ces Élis modernes peuvent revêtir bien des figures : de la médiation d’un groupe de parole à un réel accompagnement personnel régulier ; de la fréquentation d’auteurs spirituels à la participation à une communauté ecclésiale ; de l’écriture pour soi au témoignage pour d’autres ; de la retraite en abbaye aux voyages sabbatiques qui permettent une rupture … : les ressources sont immenses et variées !

On peut l’appeler direction de conscience comme autrefois, accompagnement spirituel, tutorat herméneutique, compagnonnage, initiation à une école de pensée ou tout autre vocable.

L’essentiel est de trouver l’Éli de votre croissance personnelle.

Et pour cela de ne pas étouffer ce qui vous réveille la nuit, d’accepter d’en parler à un autre, d’accepter d’être aidé pour comprendre.

Alors, quel Éli élirez-vous ?

 

 

 

1ère lecture : Vocation de Samuel (1S 3, 3b-10.19)
Lecture du premier livre de Samuel

Samuel couchait dans le temple du Seigneur, où se trouvait l’arche de Dieu. Le Seigneur appela Samuel, qui répondit : « Me voici ! » Il courut vers le prêtre Éli, et il dit : « Tu m’as appelé, me voici. » Éli répondit : « Je ne t’ai pas appelé. Retourne te coucher. » L’enfant alla se coucher. De nouveau, le Seigneur appela Samuel. Et Samuel se leva. Il alla auprès d’Éli, et il dit : « Tu m’as appelé, me voici. » Éli répondit : « Je ne t’ai pas appelé, mon fils. Retourne te coucher. » Samuel ne connaissait pas encore le Seigneur, et la parole du Seigneur ne lui avait pas encore été révélée.
Une troisième fois, le Seigneur appela Samuel. Celui-ci se leva. Il alla auprès d’Éli, et il dit : « Tu m’as appelé, me voici. » Alors Éli comprit que c’était le Seigneur qui appelait l’enfant, et il lui dit : « Retourne te coucher, et si l’on t’appelle, tu diras : ‘Parle, Seigneur, ton serviteur écoute.’ » Samuel retourna se coucher. Le Seigneur vint se placer près de lui et il appela comme les autres fois : « Samuel ! Samuel ! » et Samuel répondit : « Parle, ton serviteur écoute. »
Samuel grandit. Le Seigneur était avec lui, et aucune de ses paroles ne demeura sans effet.

Psaume : 39, 2abc.4ab, 7-8a, 8b-9, 10cd.11cd
R/ Me voici, Seigneur, je viens faire ta volonté.

D’un grand espoir j’espérais le Seigneur :
il s’est penché vers moi.
En ma bouche il a mis un chant nouveau,
une louange à notre Dieu.

Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice,
tu as ouvert mes oreilles ;
tu ne demandais ni holocauste ni victime,
alors j’ai dit : « Voici, je viens. »

Dans le livre, est écrit pour moi
ce que tu veux que je fasse.
Mon Dieu, voilà ce que j’aime :
ta loi me tient aux entrailles.

Vois, je ne retiens pas mes lèvres,
Seigneur, tu le sais.
J’ai dit ton amour et ta vérité
à la grande assemblée.

2ème lecture : Notre corps appartient au Seigneur (1Co 6, 13b-15a.17-20)
Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens
Frères,
notre corps n’est pas fait pour la débauche, il est pour le Seigneur Jésus, et le Seigneur est pour le corps ; et Dieu, par sa puissance, a ressuscité le Seigneur et nous ressuscitera nous aussi. Ne le savez-vous pas ? Vos corps sont les membres du Christ. Quand on s’unit au Seigneur, cela ne fait qu’un seul esprit. Fuyez la débauche. Tous les péchés que l’homme peut commettre sont extérieurs à son corps ; mais la débauche est un péché contre le corps lui-même.
Ne le savez-vous pas ? Votre corps est le temple de l’Esprit Saint, qui est en vous et que vous avez reçu de Dieu ; vous ne vous appartenez plus à vous-mêmes, car le Seigneur a payé le prix de votre rachat. Rendez donc gloire à Dieu dans votre corps.

Evangile : Vocation des trois premiers disciples (Jn 1, 35-42)
Acclamation : Alléluia. Alléluia.
En Jésus Christ, nous avons reconnu le Messie : par lui nous viennent grâce et vérité. Alléluia. (cf. Jn 1, 41.17)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

Jean Baptiste se trouvait avec deux de ses disciples. Posant son regard sur Jésus qui allait et venait, il dit :
« Voici l’Agneau de Dieu. »
Les deux disciples entendirent cette parole, et ils suivirent Jésus. Celui-ci se retourna, vit qu’ils le suivaient, et leur dit :
« Que cherchez-vous ? »
Ils lui répondirent : « Rabbi (c’est-à-dire : Maître), où demeures-tu ? »
Il leur dit : « Venez, et vous verrez. »
Ils l’accompagnèrent, ils virent où il demeurait, et ils restèrent auprès de lui ce jour-là.
C’était vers quatre heures du soir.
André, le frère de Simon-Pierre, était l’un des deux disciples qui avaient entendu Jean Baptiste et qui avaient suivi Jésus. Il trouve d’abord son frère Simon et lui dit : « Nous avons trouvé le Messie (autrement dit : le Christ).
André amena son frère à Jésus. Jésus posa son regard sur lui et dit : « Tu es Simon, fils de Jean ; tu t’appelleras Képha » (ce qui veut dire : pierre).
Patrick Braud

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7 janvier 2012

L’inquiétude et la curiosité d’Hérode

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

L’inquiétude et la curiosité d’Hérode


Homélie pour la fête de l’Épiphanie
08/01/2012

Qu’est-ce qui soucie les rois ?

« Lorsqu’il apprit cela, Hérode fut pris d’inquiétude, et tout Jérusalem avec lui. »
Pourquoi un roi s’inquiète-t-il ?

L'inquiétude et la curiosité d'Hérode dans Communauté spirituelle photo_hd_pdt_3015

Qu’est-ce qui fait peur aux grands de ce monde ? Décevoir leur peuple, échouer dans leur mission ? L’inquiétude d’Hérode semble bien plus vulgaire dans cet évangile de l’Épiphanie : il a tout simplement peur de perdre sa place. Il est inquiet de cette vague rumeur au sujet d’un roi concurrent. Il se demande s’il doit lui accorder du crédit. Alors, au cas où, il navigue entre deux eaux : ?revenez me voir pour que je me prosterne devant lui’. Évidemment, on pense tout de suite à une ruse de sa part : utiliser les mages comme patrouille de repérage pour localiser le concurrent et l’éliminer ensuite est une stratégie somme toute courante chez les « N° 1 » de chaque époque. Peut-être va-t-on trop vite. Peut-être Hérode est-il sincère à cet instant de son règne : il cherche à savoir qui est cet enfant. Si c’est vraiment un « N+1 », pourquoi ne pas se prosterner devant lui ? C’est un bon calcul politique. D’ailleurs, on retrouve la même curiosité d’Hérode à la fin de l’histoire de Jésus. Il veut le voir, car il est impressionné par sa renommée de prophète et de guérisseur. Du coup, lorsque Jésus comparaît devant lui, Hérode a encore la curiosité de l’épisode des mages. Mais il sera vite déçu par ce thaumaturge qui ne fait rien d’éblouissant devant lui, par cet illuminé enchaîné qui se prend pour un roi différent.

 

Hérode est décidément l’homme de l’inquiétude et de la curiosité.

Devant Jean-Baptiste, il perçoit la grandeur du personnage. Il en est inquiet, car Jean-Baptiste ose contester publiquement son union avec la femme de son frère, et ça fait tache lorsque le cortège royal se fait ainsi insulter en public par cette hirsute vêtu de poils de chameau ! Là encore il navigue entre deux eaux. Il fait emprisonner Jean-Baptiste, car ?trop c’est trop’, et un puissant ne peut pas supporter un tel effet miroir de ses fautes. Cependant, il répugne à le faire mourir. Il faudra toute la séduction de Hérodiade pour qu’à regret il livre la tête de sa conscience sur un plateau d’argent à sa belle-fille.

 

L’inquiétude d’Hérode devant les mages aurait pu le conduire à la crèche.

La curiosité d’Hérode devant l’étoile aurait pu lui faire accepter d’être moins grand que Jésus.

Ni l’un ni l’autre : Hérode ne bougera pas de Jérusalem. Il instrumentalisera les mages pour faire le chemin à sa place. Un peu comme les seigneurs des XII° et XIII° siècles payaient des mercenaires pour faire les croisades à leur place ou le pèlerinage de Saint Jacques de Compostelle en leur nom.

Cette ruse est éventée grâce au songe des mages. Hérode laissera la peur du concurrent le dominer : il éliminera tout rival potentiel en tuant les nouveau-nés mâles de Bethléem.

 

Nos inquiétudes


L’inquiétude et la curiosité d’Hérode pourraient bien être les nôtres.

Combien de fois vivons-nous comme lui entrent deux eaux, essayant de jouer sur tous les tableaux ? Lorsque l’inquiétude d’un rival nous assaille, que ce soit sur le plan professionnel, affectif ou social, comment réagissons-nous ? À la manière d’Hérode qui hésite, explore toutes les voies pour finalement se résoudre à éliminer le concurrent par tous les moyens ? À la manière de Jean-Baptiste qui salue avec joie un plus grand que lui ? Repérez dans votre vie les moments où l’inquiétude et la curiosité se sont trouvés mêlées : laquelle des deux l’a emporté ? Souvenez-vous des moments où on vous a parlé de quelqu’un plus grand que vous, comme les mages à Hérode : comment avez-vous réagi ? Comment passer d’Hérode à Jean-Baptiste dans notre réponse à ces situations de rivalité apparente ?

 

S’il n’y avait qu’Hérode, si cela ne concernait que lui… Mais l’évangile précise qu’Hérode fut saisi d’inquiétude, « et tout Jérusalem avec lui ». Il est roi, et il entraîne la ville avec lui dans son inquiétude bientôt meurtrière.

 

Chacun de nous a le pouvoir, même s’il n’est pas roi, d’entraîner ainsi d’autres autour de lui dans des inquiétudes dangereuses. Inquiétude au sujet de ceux qui seraient sensés vouloir prendre notre place. Inquiétude sur la menace que des petits pourtant bien faibles pourraient à terme représenter pour notre bien-être. Inquiétude devant une étoile qui se lève alors qu’elle annonce une grande espérance.

Prenons conscience de la responsabilité qui est la nôtre lorsque nous entraînons d’autres autour de nous dans nos inquiétudes malsaines.

 

Gardons d’Hérode sa curiosité et son interrogation devant l’étoile et les mages d’aujourd’hui.

Gardons de Jean-Baptiste sa joie à reconnaître un plus grand que lui, à le manifester (épiphanie = dévoilement, manifestation) à tous.

 

LECTURES DE LA MESSE

1ère lecture : Les nations païennes marchent vers la lumière de Jérusalem (Is 60, 1-6)

Debout, Jérusalem ! Resplendis : elle est venue, ta lumière, et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi. Regarde : l’obscurité recouvre la terre, les ténèbres couvrent les peuples ; mais sur toi se lève le Seigneur, et sa gloire brille sur toi. Les nations marcheront vers ta lumière, et les rois, vers la clarté de ton aurore. Lève les yeux, regarde autour de toi : tous, ils se rassemblent, ils arrivent ; tes fils reviennent de loin, et tes filles sont portées sur les bras. Alors tu verras, tu seras radieuse, ton c?ur frémira et se dilatera. Les trésors d’au-delà des mers afflueront vers toi avec les richesses des nations. Des foules de chameaux t’envahiront, des dromadaires de Madiane et d’Épha. Tous les gens de Saba viendront, apportant l’or et l’encenset proclamant les louanges du Seigneur.

 

Psaume : Psaume 71 71, 1-2, 7-8, 10-11, 12-13

R/ Parmi toutes les nations, Seigneur, on connaîtra ton salut

Dieu, donne au roi tes pouvoirs,
à ce fils de roi ta justice.
Qu’il gouverne ton peuple avec justice,
qu’il fasse droit aux malheureux ! 

En ces jours-là, fleurira la justice,
grande paix jusqu’à la fin des lunes !
Qu’il domine de la mer à la mer,
et du Fleuve jusqu’au bout de la terre !

Les rois de Tarsis et des Iles apporteront des présents.
les rois de Saba et de Seba feront leur offrande.
Tous les rois se prosterneront devant lui,
tous les pays le serviront.

Il délivrera le pauvre qui appelle
et le malheureux sans recours.
Il aura souci du faible et du pauvre,
du pauvre dont il sauve la vie.

 

2ème lecture : L’appel au salut est universel (Ep 3, 2-3a.5-6)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Ephésiens

Frères,
vous avez appris en quoi consiste la grâce que Dieu m’a donnée pour vous ; par révélation, il m’a fait connaître le mystère du Christ.
Ce mystère, il ne l’avait pas fait connaître aux hommes des générations passées, comme il l’a révélé maintenant par l’Esprit à ses saints Apôtres et à ses prophètes. Ce mystère, c’est que les païens sont associés au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile.

 

Evangile : Les mages païens viennent se prosterner devant Jésus (Mt 2, 1-12)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Nous avons vu se lever son étoile, et nous sommes venus adorer le Seigneur. Alléluia. (cf. Mt 2, 2)

 

Lecture de la première lettre de saint Jean

Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. Or, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu se lever son étoile et nous sommes venus nous prosterner devant lui. » En apprenant cela, le roi Hérode fut pris d’inquiétude, et tout Jérusalem avec lui. Il réunit tous les chefs des prêtres et tous les scribes d’Israël, pour leur demander en quel lieu devait naître le Messie. Ils lui répondirent : « A Bethléem en Judée, car voici ce qui est écrit par le prophète : Et toi, Bethléem en Judée, tu n’es certes pas le dernier parmi les chefs-lieux de Judée ; car de toi sortira un chef, qui sera le berger d’Israël mon peuple. » Alors Hérode convoqua les mages en secret pour leur faire préciser à quelle date l’étoile était apparue ; puis il les envoya à Bethléem, en leur disant : « Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant. Et quand vous l’aurez trouvé, avertissez-moi pour que j’aille, moi aussi, me prosterner devant lui. »
Sur ces paroles du roi, ils partirent.
Et voilà que l’étoile qu’ils avaient vue se lever les précédait ; elle vint s’arrêter au-dessus du lieu où se trouvait l’enfant. Quand ils virent l’étoile, ils éprouvèrent une très grande joie. En entrant dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à genoux, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe.
Mais ensuite, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.
Patrick BRAUD

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23 décembre 2011

Le potlatch de Noël

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Le potlatch de Noël

 

Homélie du 5° Dimanche de l’Avent

 

Mon collègue mérite-t-il un cadeau ?

Dans un service de cols blancs, un mail circule au bureau à l’approche de Noël. « Venez Le potlatch de Noël dans Communauté spirituellefêter ça autour d’une auberge espagnole : chacun apporte pour le repas de quoi partager avec tous ». Jusque-là, tous sont d’accord. « Prévoyez un cadeau (valeur maximale 10?) que vous offrirez à un collègue dont nous vous enverrons le nom dans un prochain mail ». Et là bizarrement, levée de boucliers : comment ? ! On nous impose d’offrir des cadeaux ? Et en plus à un collègue inconnu ? Pourquoi mettre de l’argent dans ce geste artificiel et hypocrite ?

Un vaste débat s’ensuit à la cantine de midi sur le sens des cadeaux que l’on s’échange en cette période de Noël.

 

Le retour de l’éternel présent

Au-delà de la réaction épidermique de ceux qui contestent ce cadeau imposé comme de ceux qui sollicitent un peu de générosité festive au boulot, la question du sens des cadeaux de Noël reste incontournable. S’agit-il d’un consumérisme écoeurant qui verse dans une course matérielle pour s’acheter l’affection des autres ? S’agit-il d’une sacralisation de l’échange qui témoigne d’un reste d’humanité au milieu de relations calculées et froides ?

Faut-il jouer le blasé, le désintéressé pour couvrir en fait sa lassitude devant un rituel obligé si répétitif ? Ou faut-il transformer cette occasion en joie de donner et de recevoir pour se dire qu’en fin de compte on s’aime bien sûr, on s’ai cadeau dans Communauté spirituelleme quand même, on s’aime vraiment ?

 

Peut-on faire l’économie du don ?

- Le potlatch

Les anthropologues ont montré tout l’intérêt de ces échanges de cadeaux. Ainsi Marcel Mauss analyse dans son célèbre « Essai sur le don » l’intérêt pour des tribus de pratiquer ce système où il faut donner / recevoir/ rendre. C’est ce qu’il appelle un « fait social total », c’est-à-dire une pratique qui constitue et institue une communauté en tant que telle. Les liens (échange de femmes, de commerce, d’objets) se tissent grâce à cet échange généralisé (le « potlatch ») que l’économie moderne étendra à toutes les productions devenues marchandes.

 

- Le père Noël supplicié

D’autres anthropologues verront dans le Père Noël et ses avatars les résurgences de grands mythes païens fédérateurs d’identité commune. Ainsi Claude Lévi-Strauss qui analyse un curieux fait divers impensable aujourd’hui. En 1951, le clergé dijonnais avait brûlé en place publique un mannequin à l’effigie du Père Noël pour dénoncer sans doute une concurrence déloyale avec la crèche… Lévi-Strauss relève le paradoxe suivant :

« Le Père Noël, symbole de l’irréligion, quel paradoxe ! Car, dans cette affaire, tout se passe comme si c’était l’Église qui adoptait un esprit critique avide de franchise et de vérité, tandis que les rationalistes se font les gardiens de la superstition. Cette apparente inversion des rôles suffit à suggérer que cette naïve affaire recouvre des réalités plus profondes. Nous sommes en présence d’une manifestation symptomatique d’une très rapide évolution des m?urs et des croyances, d’abord en France, mais sans doute aussi ailleurs. Ce n’est pas tous les jours que l’ethnologue trouve ainsi l’occasion d’observer, dans sa propre société, la croissance subite d’un rite, et même d’un culte ; d’en rechercher les causes et d’en étudier l’impact sur les autres formes de la vie religieuse ; enfin d’essayer de comprendre à quelles transformations d’ensemble, à la fois mentales et sociales, se rattachent des manifestations visibles sur lesquelles l’Église ? forte d’une expérience traditionnelle en ces matières ? ne s’est pas trompée, au moins dans la mesure où elle se bornait à leur attribuer une valeur significative. » (Revue : Les Temps Modernes, Mars 1952, « Le Père Noël supplicié », pp. 13-14)

Il analyse alors la résurgence de ce mythe du Père Noël avec ses cadeaux comme la résurgence des rituels initiatiques pour se concilier la faveur des morts, représentés par les enfants qui prennent leur place :

« Avec beaucoup de profondeur, Salomon Reinach a écrit que la grande différence entre religions antiques et religions modernes tient à ce que « les païens priaient les morts, tandis que les chrétiens prient pour les morts ». Sans doute y a-t-il loin de la prière aux morts à cette prière toute mêlée de conjurations, que chaque année et de plus en plus, nous adressons aux petits-enfants ? incarnation traditionnelle des morts ? pour qu’ils consentent, en croyant au Père Noël, à nous aider à croire en la vie. Nous avons pourtant débrouillé les fils qui témoignent de la continuité entre ces deux expressions d’une identique réalité. Mais l’Église n’a certainement pas tort quand elle dénonce, dans la croyance au Père Noël, le bastion le plus solide, et l’un des foyers les plus actifs du paganisme chez l’homme moderne. Reste à savoir si l’homme moderne ne peut pas défendre lui aussi ses droits d’être païen.(?) Grâce à l’autodafé de Dijon, voici donc le héros reconstitué avec tous ses caractères, et ce n’est pas le moindre paradoxe de cette singulière affaire qu’en voulant mettre fin au Père Noël, les ecclésiastiques dijonnais n’aient fait que restaurer dans sa plénitude, après une éclipse de quelques millénaires, une figure rituelle dont ils se sont ainsi chargés, sous prétexte de la détruire, de prouver eux-mêmes la pérennité. » (ibid., pp. 49-51)

 

- Le cadeau et la dette

Les psychologues rappelleront que les cadeaux permettent de gérer la dette symbolique qui circule entre les générations. Bien des parents offrent des jouets trop chers et trop luxueux, comme pour se faire pardonner leurs absences et leurs manques. Et à l’inverse, sans cadeaux, la reconnaissance finit par ne plus jouer en famille : on ne reconnaît plus celui dont on ne reçoit plus rien.

Le cadeau est donc un moyen de réparer un lien social qui se dégrade.

 

- Le cadeau gaspillage ?

L’intrigue des cadeaux de Noël hante également les économistes. Parmi eux, Joël Waldfogel, professeur à Yale, s’applique à démontrer en quoi cette déferlante de cadeaux représente un gigantesque gâchis économique. Comme les cadeaux offerts ne correspondent jamais complètement à l’attente de l’autre, ils coûtent plus cher en fait que ce que nous aurions acheté nous-mêmes (d’où la montée en puissance des chèques cadeaux comme à la FNAC par exemple). Waldfogel va même jusqu’à chiffrer à 12 milliards de dollars cette perte en 2007 aux États-Unis !

L’explosion des sites Internet où chacun peut revendre d’occasion le cadeau mal choisi par un tiers démontre que gaspillage et Noël vont souvent ensemble.

 

- Le cadeau-roman

Le monde des romanciers comme Charles Dickens a magnifié le Noël familial avec son réveillon : son « Cantique de Noël » en 1843 va consacrer la figure du Noël rassemblant tous les membres de la famille autour de la table dans la nuit froide.

 

Le cadeau évangélique

Mais l’évangile lui, que dit-il de cette irrésistible manie de se faire des cadeaux ?

Il ne semble pas la mépriser le moins du monde. Les trois mages chargés d’or, d’encens et de myrrhe redisent à leur manière qu’on devient sage en acceptant de reconnaître un plus petit que soi comme digne des plus grands cadeaux de la terre. Ils n’attendent rien en échange. Ils repartiront appauvris et heureux.

Car le premier cadeau de Noël c’est bien évidemment Jésus lui-même. Dans l’étable de Bethléem, alors qu’on n’a pas fait à Marie enceinte arrivée à son terme le cadeau d’une place à l’auberge, Dieu se donne, sans restriction, personnellement et entièrement. Jésus aurait pu s’appeler Dieu-donné ! En recevant le prénom de Ieshoua (« Dieu sauve ») il nous annonce un salut-cadeau. En incarnant l’Emmanuel, « Dieu avec nous », il nous promet une présence-cadeau sans les jetons qui vont avec.

 

Alors, allons-nous faire des cadeaux à Noël ?

Sans aucun doute, et de toutes sortes. Le présent d’une visite, d’un déplacement, un lien à renouveler. Le plaisir d’un bon moment partagé à table sans arrière-pensée, le bonheur d’une trêve où l’on affirme que ce qui sépare est moins fort que ce qui unit.

Pour les chrétiens, le charme de Noël et des cadeaux de Noël sera exponentielle : le don de Dieu, c’est Dieu lui-même ; et ce cadeau-là précède toutes nos réponses en échange. Ce cadeau-là se déballe sans cesse et on n’a jamais fini d’explorer la largesse d’un tel donateur. Ce cadeau-là « emballe » sans cesse le désir de celui qui le reçoit.

 

Apprenons donc à échanger des cadeaux dans l’esprit de Bethléem.

Ni pression obligée et insupportable, ni dédouanement facile et hypocrite, le paquet déposé dans l’assiette du réveillon ou devant la crèche nous humanise, nous relie les uns aux autres et avec Dieu.

Sans démesure ni pingrerie, fêtons Noël avec ses gestes enrubannés qui renvoient au véritable et premier cadeau de la crèche.

Et que cette veillée d’échange inspire un « potlatch spirituel » tout au long de l’année !

 

Les différentes formes du don, à la lumière de la sociologie de Marcel Mauss :

Mauss-don

 

 

 

Messe de la nuit de la Nativité

1ère lecture : Le prince de la paix (Is 9, 1-6)

Lecture du livre d’Isaïe

Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; sur ceux qui habitaient le pays de l’ombre, une lumière a resplendi. Tu as prodigué l’allégresse, tu as fait grandir la joie : ils se réjouissent devant toi comme on se réjouit en faisant la moisson, comme on exulte en partageant les dépouilles des vaincus. Car le joug qui pesait sur eux, le bâton qui meurtrissait leurs épaules, le fouet du chef de corvée, tu les as brisés comme au jour de la victoire sur Madiane. Toutes les chaussures des soldats qui piétinaient bruyamment le sol, tous leurs manteaux couverts de sang, les voilà brûlés : le feu les a dévorés.
Oui ! un enfant nous est né, un fils nous a été donné ; l’insigne du pouvoir est sur son épaule ; on proclame son nom : « Merveilleux-Conseiller, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix ». Ainsi le pouvoir s’étendra, la paix sera sans fin pour David et pour son royaume. Il sera solidement établi sur le droit et la justice dès maintenant et pour toujours. Voilà ce que fait l’amour invincible du Seigneur de l’univers.

 

Psaume : 95, 1-2a, 2b-3, 11-12a, 12b-13a.c

R/ Aujourd’hui, un Sauveur nous est né : c’est le Christ, le Seigneur.

Chantez au Seigneur un chant nouveau,
chantez au Seigneur, terre entière,
chantez au Seigneur et bénissez son nom !

De jour en jour, proclamez son salut,
racontez à tous les peuples sa gloire,
à toutes les nations ses merveilles !

Joie au ciel ! Exulte la terre !
Les masses de la mer mugissent,
la campagne tout entière est en fête.

Les arbres des forêts dansent de joie
devant la face du Seigneur, car il vient,
pour gouverner le monde avec justice.

 

2ème lecture : La grâce de Dieu s’est manifesté (Tt 2, 11-14)

Lecture de la lettre de saint Paul à Tite

La grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes. C’est elle qui nous apprend à rejeter le péché et les passions d’ici-bas, pour vivre dans le monde présent en hommes raisonnable, justes et religieux, et pour attendre le bonheur que nous espérons avoir quand se manifestera la gloire de Jésus Christ, notre grand Dieu et notre Sauveur. Car il s’est donné pour nous afin de nous racheter de toutes nos fautes, et de nous purifier pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien.

 

Evangile : Naissance de Jésus (Lc 2, 1-14)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Je vous annonce une grande joie. Aujourd’hui nous est né un Sauveur : c’est le Messie, le Seigneur ! Alléluia. (cf. Lc 2, 10-11)

 

Evangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ces jours-là, parut un édit de l’empereur Auguste, ordonnant de recenser toute la terre ? ce premier recensement eut lieu lorsque Quirinius était gouverneur de Syrie. ? Et chacun allait se faire inscrire dans sa ville d’origine.
Joseph, lui aussi, quitta la ville de Nazareth en Galilée, pour monter en Judée, à la ville de David appelée Bethléem, car il était de la maison et de la descendance de David. Il venait se faire inscrire avec Marie, son épouse, qui était enceinte.
Or, pendant qu’ils étaient là, arrivèrent les jours où elle devait enfanter. Et elle mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune.
Dans les environs se trouvaient des bergers qui passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux. L’ange du Seigneur s’approcha, et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière. Ils furent saisis d’une grande crainte, mais l’ange leur dit : « Ne craignez pas, car voici que je viens vous annoncer une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple : Aujourd’hui vous est né un Sauveur, dans la ville de David. Il est le Messie, le Seigneur. Et voilà le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. »
Et soudain, il y eut avec l’ange une troupe céleste innombrable, qui louait Dieu en disant : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’il aime. »
Patrick Braud 

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