L'homélie du dimanche (prochain)

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15 décembre 2012

La joie parfaite, et pérenne

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

La joie parfaite, et pérenne

 

Homélie du 3° dimanche de l’Avent / Année C
16/12/2012

 

Ce troisième dimanche de l’Avent est appelé le dimanche de la joie (du Gaudete = réjouis-toi en latin).

Patrick BraudÀ cause bien sûr de l’appel de Sophonie à Jérusalem : « pousse des cris de joie ! ». Et à cause de Paul qui surenchérit : « soyez toujours dans la joie du Seigneur ».

 

Il y a des moments où la joie nous est naturelle et facile. Un succès, une rencontre, une musique… : la liste est longue des événements qui peuvent déclencher en nous cette sérénité joyeuse qui nous transporte ailleurs.

Mais Paul parle de la joie « du Seigneur », et pas de la seule joie humaine. Il conjugue cette joie-là avec l’adverbe toujours : en tout temps, en tout lieu ; même lorsqu’il n’y a pas ces événements sources de joie ordinaire ; même lorsqu’il y a d’autres événements apportant le malheur avec eux. D’ailleurs, au moment où Paul écrit ces mots, il est « dans les chaînes » de sa prison (Ph 1,1-15), et aurait toutes les raisons de désespérer car il sait bien que le pouvoir romain ne va pas le laisser en vie.

 

Comment peut-on rester ancré dans la joie lorsque tout va mal ? ou lorsque tout va gris ?

Comment distinguer la joie humaine – déjà bonne en elle-même – de la joie de Dieu, la joie parfaite (Jn 16,24).

 

Voilà ce que François d’Assise a répondu à son compagnon, frère Léon, qui lui posait en substance la même question.

Patrick Braud« Quand nous arriverons à Sainte-Marie-des-Anges, ainsi trempés par la pluie et glacés par le froid, souillés de boue et tourmentés par la faim, et que nous frapperons à la porte du couvent, et que le portier viendra en colère et dira : « Qui êtes-vous ? » et que nous lui répondrons : « Nous sommes deux de vos frères », et qu’il dira : « Vous ne dites pas vrai, vous êtes même deux ribauds qui allez trompant le monde et volant les aumônes des pauvres; allez-vous en » ; et quand il ne nous ouvrira pas et qu’il nous fera rester dehors dans la neige et la pluie, avec le froid et la faim, jusqu’à la nuit, alors si nous supportons avec patience, sans trouble et sans murmurer contre lui, tant d’injures et tant de cruauté et tant de rebuffades, et si nous pensons avec humilité et charité que ce portier nous connaît véritablement, et que Dieu le fait parler contre nous, ô frère Léon, écris que là est la joie parfaite.

Et si nous persistons à frapper, et qu’il sorte en colère, et qu’il nous chasse comme des vauriens importuns, avec force vilenies et soufflets en disant : « Allez-vous-en d’ici misérables petits voleurs, allez à l’hôpital, car ici vous ne mangerez ni ne logerez », si nous supportons tout cela avec patience, avec allégresse, dans un bon esprit de charité, ô frère Léon, écris que là est la joie parfaite.

Et si nous, contraints pourtant par la faim, et par le froid, et par la nuit, nous frappons encore et appelons et le supplions pour l’amour de Dieu, avec de grands gémissements, de nous ouvrir et de nous faire cependant entrer, et qu’il dise, plus irrité encore : « ceux-ci sont des vauriens importuns, et je vais les payer comme ils le méritent », et s’il sort avec un bâton noueux, et qu’il nous saisisse par le capuchon, et nous jette par terre, et nous roule dans la neige, et nous frappe de tous les noeuds de ce bâton, si tout cela nous le supportons patiemment et avec allégresse, en pensant aux souffrances du Christ béni, que nous devons supporter pour son amour, ô frère Léon, écris qu’en cela est la joie parfaite.

 

Selon François d’Assise, la vraie joie et donc d’être identifié au Christ lorsque, bafoué et rejeté par les siens, il trouve encore la force de ne pas haïr.

 

Qui peut souhaiter d’en arriver à cet extrême ?

La joie en DieuParfois cela arrive, et c’est alors qu’il faut se souvenir de la joie parfaite selon François.

Le plus souvent, ce n’est pas une telle humiliation, mais les contrariétés habituelles qui nous empêchent d’être « toujours dans la joie ». Là, se souvenir que la joie vient de Dieu plus que de l’homme sera utile : la joie de Dieu vient de sa promesse, la joie de l’homme vient de ses oeuvres.

L’une reflue de la fin pour irriguer le présent, en étant toujours disponible ; l’autre célèbre ce qui est, et manque lorsqu’il n’y a rien à célébrer.

La première est eschatologique, comme une ancre jetée dans les cieux (He 6,17). La seconde est existentielle, basée sur nos réussites.

La joie de Dieu est permanente car enracinée en lui. La joie humaine est fragile et éphémère, car soumise aux aléas de la fortune.

 

L’appel de ce dimanche nous invite à unir les deux : savourer les cadeaux de la vie sans perdre de vue le cadeau ultime qui donne sens à tous les autres.

Si nous faisons ainsi, nous réjouirons Dieu de notre joie, ainsi qu’il est écrit dans le livre de Sophonie : « Le Seigneur ton Dieu est en toi, c’est lui, le héros qui apporte le salut. Il aura en toi sa joie et son allégresse, il te renouvellera par son amour ; il dansera pour toi avec des cris de joie, comme aux jours de fête. »

 

Cette inhabitation mutuelle de Dieu en nous et de nous en Dieu est le secret de la pérennité de notre joie. Elle nous est donnée dans la surprise, surabondance de joie que nous n’osions désirer ; elle a un goût pascal parce qu’elle sait ce que traverser la mort signifie ; elle est joie partagée avec l’autre, joie de l’autre, de cet autre en qui est le tout-Autre, infiniment proche…

Que l’Esprit du Christ vienne nous ancrer dans cette sérénité dont Paul souhaite qu’elle soit connue de tous les hommes.

 

 

1ère lecture : « Fille de Sion, réjouis-toi, car le Seigneur est en toi » (So 3, 14-18)
Lecture du livre de Sophonie

Pousse des cris de joie, fille de Sion ! Éclate en ovations, Israël ! Réjouis-toi, tressaille d’allégresse, fille de Jérusalem !
Le Seigneur a écarté tes accusateurs, il a fait rebrousser chemin à ton ennemi. Le roi d’Israël, le Seigneur, est en toi. Tu n’as plus à craindre le malheur.
Ce jour-là, on dira à Jérusalem : « Ne crains pas, Sion ! Ne laisse pas tes mains défaillir !
Le Seigneur ton Dieu est en toi, c’est lui, le héros qui apporte le salut. Il aura en toi sa joie et son allégresse, il te renouvellera par son amour ; il dansera pour toi avec des cris de joie, comme aux jours de fête. »

Psaume : Is 12, 2, 4bcde, 5-6

R/ Laissons éclater notre joie : Dieu est au milieur de nous.
Voici le Dieu qui me sauve :
j’ai confiance, je n’ai plus de crainte.

Ma force et mon chant, c’est le Seigneur ;
il est pour moi le salut.

Rendez grâce au Seigneur,
proclamez son nom,
annoncez parmi les peuples ses hauts faits !
Redites-le : « Sublime est son nom ! »

Jouez pour le Seigneur,
car il a fait des prodiges que toute la terre connaît.
Jubilez, criez de joie, habitants de Sion,
car il est grand au milieu de toi, le Saint d’Israël !

2ème lecture : Soyez dans la joie : le Seigneur est proche (Ph 4, 4-7)

Lecture de la lettre de saint Paul aux Philippiens

Frères, soyez toujours dans la joie du Seigneur ; laissez-moi vous le redire : soyez dans la joie.
Que votre sérénité soit connue de tous les hommes. Le Seigneur est proche.
Ne soyez inquiets de rien, mais, en toute circonstance, dans l’action de grâce priez et suppliez pour faire connaître à Dieu vos demandes.
Et la paix de Dieu, qui dépasse tout ce qu’on peut imaginer, gardera votre c?ur et votre intelligence dans le Christ Jésus.

Evangile : Jean Baptiste prépare les foules à la venue du Messie (Lc 3, 10-18)

Acclamation : Alléluia, alléluia. Prophète du Très-Haut, Jean est venu préparez la route devant le Seigneur et porter témoignage à la Lumière.Alléluia.

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Les foules qui venaient se faire baptiser par Jean lui demandaient : « Que devons-nous faire ? »
Jean leur répondait : « Celui qui a deux vêtements, qu’il partage avec celui qui n’en a pas ; et celui qui a de quoi manger, qu’il fasse de même ! »
Des publicains (collecteurs d’impôts) vinrent aussi se faire baptiser et lui dirent : « Maître, que devons-nous faire ? »
Il leur répondit : « N’exigez rien de plus que ce qui vous est fixé. »
À leur tour, des soldats lui demandaient : « Et nous, que devons-nous faire ? » Il leur répondit : « Ne faites ni violence ni tort à personne ; et contentez-vous de votre solde. »
Or, le peuple était en attente, et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n’était pas le Messie.
Jean s’adressa alors à tous : « Moi, je vous baptise avec de l’eau ; mais il vient, celui qui est plus puissant que moi. Je ne suis pas digne de défaire la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et dans le feu.
Il tient à la main la pelle à vanner pour nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera le grain dans son grenier ; quant à la paille, il la brûlera dans un feu qui ne s’éteint pas. »
Par ces exhortations et bien d’autres encore, il annonçait au peuple la Bonne Nouvelle.
Patrick Braud

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17 novembre 2012

La destruction créatrice selon l’Évangile

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

La destruction créatrice selon l’Évangile

Homélie du 33° Dimanche ordinaire  / Année B
18/11/12

La petite apocalypse de Mc 13,24-32 commence dans un fracas hollywoodien. Visiblement, les images employées ici sont destinées à impressionner : détresse, obscurité, chute des étoiles, puissances célestes ébranlées… Symboliquement, cela signifie que l’homme ne pourra plus se rassurer par lui-même, que ce qui l’éclairait jusqu’à présent (la raison, la science, la sagesse, la coutume…) ne brillera plus pour lui ; que ce qui était élevé va être abaissé, que ce qui paraissait puissant va bientôt être profondément bouleversé.

Les premiers chrétiens étaient persuadés que les temps troublés qu’ils vivaient étaient annonciateurs du retour imminent du Christ : persécutions, révolte contre Rome, destruction du temple de Jérusalem… Au moment où Marc écrit, l’attente du retour du Christ devient une espérance tangible : c’est pour demain ! Peut-être Jésus lui-même a-t-il cru en cette imminence de son retour ? Heureusement, Marc précise que le Fils lui-même ne sait pas quand cela arrivera pour de bon, ce qui évite de spéculer sur la fin du monde à la manière des Témoins de Jéhovah ou des oracles du 21 décembre 2012.

Reste que la venue du Fils de l’homme à notre porte s’accompagne dans un premier temps de chute, de fracas, de destruction.

Qui n’a jamais vu s’écrouler en quelques instants quelque chose ou quelqu’un de très cher ne sait pas de quoi il est question ici.

Est-il privilégié ? Oui parce qu’il évite la douleur de la perte et la morsure de la détresse. Non s’il passe à cause de cela à côté des signes qui annoncent un vrai renouvellement de son existence.

Car la destruction qui accompagne la venue du Fils de l’homme en nos vies se conjugue aussitôt avec une incroyable puissance de résurrection : les branches du figuier deviennent tendres, les feuilles sortent, l’été se rapproche. Il y a ce qui s’écroule et qui fait grand bruit. Il y a ce qui naît en silence. Comme le dit un proverbe africain : « Un arbre qui tombe fait plus de bruit qu’une forêt qui pousse. ».

La venue du Christ en nous s’accompagne selon Marc (et aussi Daniel 12,1-3) d’un double mouvement : chute/relèvement ; obscurité/éveil ; détresse/unité ; bouleversements/puissance.

C’est donc il y a des choses qui s’effacent et d’autres qui naissent, des déclins et des surgissements, des destructions et des re-créations. Le Christ vient à nous sur ces lignes de crête.

 

Schumpeter et la destruction créatrice

Afficher l'image d'origineUn économiste du XXe siècle, Joseph Schumpeter, avait diagnostiqué une réalité semblable en économie. Il l’a formalisé dans le célèbre concept de « destruction créatrice », dans lequel il constate que tout progrès économique, toute innovation majeure s’accompagne d’abord d’une destruction d’emplois et de richesse due à l’obsolescence de la technique et des modes de production antérieurs.

« L’impulsion fondamentale qui met et maintient en mouvement la machine capitaliste est imprimée par les nouveaux objets de consommation, les nouvelles méthodes de production et de transport, les nouveaux marchés, les nouveaux types d’organisation industrielle ? tous éléments créés par l’initiative capitaliste. [...] L’histoire de l’équipement productif d’énergie, depuis la roue hydraulique jusqu’à la turbine moderne, ou l’histoire des transports, depuis la diligence jusqu’à l’avion., l’ouverture de nouveaux marchés nationaux ou extérieurs et le développement des organisations productives, depuis l’atelier artisanal et la manufacture jusqu’aux entreprises amalgamées telles que l’U.S. Steel, constituent d’autres exemples du même processus de mutation industrielle ? si l’on me passe cette expression biologique ? qui révolutionne incessamment de l’intérieur la structure économique, en détruisant continuellement ses éléments vieillis et en créant continuellement des éléments neufs. Ce processus de Destruction Créatrice constitue la donnée fondamentale du capitalisme : c’est en elle que consiste, en dernière analyse, le capitalisme et toute entreprise capitaliste doit, bon gré mal gré, s’y adapter. » 

Joseph Schumpeter, 1943 (Traduction française de 1951) Capitalisme, socialisme et démocratie, Paris, Payot, p.106 et 107.

La destruction créatrice selon l'Évangile dans Communauté spirituelle cit-schumpeter 

Lorsque les métiers à tisser Jacquard vinrent révolutionner l’industrie textile au XIX° siècle, on a cru que c’était la fin du monde pour les canuts de Lyon. Mais ce que les métiers à tisser ont détruit d’emplois s’est réinvesti ailleurs, ou autrement, dans de nouveaux métiers inexistants auparavant. Lorsque l’électricité a concurrencé la vapeur, nombres d’emplois ont dû se transformer et se reconvertir. Lorsque le télégraphe est apparu, les diligences et les compagnies postales se sont écroulées. Aujourd’hui, le tout numérique menace les emplois dédiés au papier et à l’analogique, et en même temps cela crée des dizaines de métiers inconnus jusque-là.

Bref, l’innovation technologique bouleverse, renverse un ordre établi en même temps qu’elle en annonce un autre.

 

Thomas Kühn et le changement de paradigme

Afficher l'image d'origineCe double mouvement de destruction créatrice semble également vrai dans la logique de la découverte scientifique. C’est ce que Thomas Kühn appelle le changement de paradigme. Un paradigme, c’est l’ensemble des hypothèses et des interprétations qui permettent d’avoir une vision relativement cohérente du monde.  C’est une certaine manière de voir le monde (une Weltanschauung dirait Max Weber). C?est  l’ensemble des croyances, valeurs et techniques qui sont partagées par les membres d’une communauté scientifique, au cours d’une période de consensus théorique.

Avec Newton et Galilée, on vivait sous le paradigme d’une mécanique céleste bien huilée et bien ordonnée. Avec Einstein, on est passé à une vision du monde où les anciennes certitudes vacillaient : la masse n’est plus constante, la vitesse dépend de la position d’observateur, l’énergie n’est plus différente fondamentalement de la matière. Avec Planck, Schrödinger et la mécanique quantique, on a basculé dans un monde encore plus troublant et incertain, où on ne sait même plus mesurer la masse et la vitesse d’une particule en même temps. Avec Prigogine et Gleick, on aborde avec étonnement un monde où le chaos fait surgir des formes, où la matière s’organise d’elles-mêmes pour faire émerger de la vie nouvelle.

La lecture pascale des événements

Pourquoi insister longuement sur cette destruction créatrice en économie et autre lettre-aux-catholiques-de-france Apocalypse dans Communauté spirituellechangement de paradigme en sciences ? Parce que ces concepts nous disent tous à leur manière ce que l’Évangile nous exprime dans le langage de son temps : la venue du divin en nous se situe dans les fractures, entre ce qui s’écroule et ce qui naît.

La Lettre aux catholiques de France des évêques en 1996 diagnostiquait elle aussi que pour comprendre ce qui nous arrive, il faut se placer dans la perspective de la destruction créatrice :

« La crise que traverse l’Église aujourd’hui est due, dans une large mesure, à la répercussion, dans l’Église elle-même et dans la vie de ses membres, d’un ensemble de mutations sociales et culturelles rapides, profondes et qui ont une dimension mondiale.

Nous sommes en train de changer de monde et de société. Un monde s’efface et un autre est en train d’émerger, sans qu’existe aucun modèle préétabli pour sa construction. Des équilibres anciens sont en train de disparaître, et les équilibres nouveaux ont du mal à se constituer. Or, par toute son histoire, spécialement en Europe, l’Église se trouve assez profondément solidaire des équilibres anciens et de la figure du monde qui s’efface. Non seulement elle y était bien insérée, mais elle avait largement contribué à sa constitution, tandis que la figure du monde qu’il s’agit de construire nous échappe ».

La Lettre continue en invitant les catholiques à pratiquer une « lecture pascale » des évènements, c’est-à-dire à percevoir l’annonce de la Résurrection à travers les effondrements actuels, ce qui est finalement assez proche de la destruction créatrice.

« Nous devons apprendre à pratiquer davantage cette lecture pascale de tous les événements de notre existence et de notre histoire. Si nous ouvrons les Écritures, comme Jésus le fait avec les disciples d’Emmaüs (cf. Lc 24,27), c’est pour comprendre comment dans les souffrances du temps présent se prépare la gloire qui doit se révéler un jour. »

C’est vrai que beaucoup d’indicateurs sont au rouge pour l’Église en France : à peine 6 % de pratiquants, un taux de catéchisation en chute libre, moins de 100 ordinations sacerdotales par an, des finances en péril etc… On peut (et on doit) allonger cette liste des signes du déclin : ce n’est pas en niant la chute qu’on la conjure. Ce n’est pas en se bouchant les oreilles devant le fracas de ce qui s’écroule qu’on va entendre ce qui naît. Ce n’est pas par des discours lénifiants et moralisants qu’on va éviter l’effondrement de ce qui doit mourir. Rien ne sert non plus rejeter la faute à la société environnante : ce serait se mettre hors jeu du renouvellement contenu en germe dans l’effondrement actuel.

Mieux vaut courageusement prendre acte de ce qui meure, et se rendre disponible pour ce qui naît. « Laisse les morts enterrer leurs morts. Toi, suis-moi. »

Mieux vaut scruter attentivement la flore environnante pour y reconnaître les jeunes pousses pleines de promesses, les tendres branches du figuier à côté des tiges desséchées.

 

Nos propres fins d’un monde

Ce qui est vrai de l’économie et de la science ou de l’Église l’est bien sûr de notre vie personnelle.

Celui qui passera par un écroulement complet de sa puissance d’autrefois pourra l’interpréter à la manière du Christ comme l’annonce d’une sur-venue, d’une refondation, d’une fécondité nouvelle. Que ce soit à cause d’un cancer, d’un licenciement, d’une séparation ou d’un deuil, le disciple du Christ pourra finalement entendre dans le fracas de la chute la promesse d’une visite. Il pourra déchiffrer dans ce qui s’efface ainsi l’expérience de ce qui peut en surgir, « à la fin ». Il verra dans les destructions qui frappent son histoire non pas la fin du monde, mais la fin d’un monde, qui n’avait pas les promesses de la vie éternelle. Il recevra d’au-delà de lui-même la force de ne pas se laisser détruire, mais de quitter le vieux monde qui s’en va en lambeaux pour aller vers le nouveau. Avec la sagesse du serpent qui se frotte entre deux pierres aiguisées pour se débarrasser de sa vieille peau, il secouera lui aussi la poussière de ses pieds pour quitter ce qui ne peut plus désormais que mourir, ce qui ne peut plus exprimer son identité profonde.

Puisse l’Esprit du Christ à nous apprendre à lire les signes des temps, pour la société, pour l’Église et pour nous-mêmes, afin d’accueillir les événements qui nous bouleversent de fond en comble comme autant de destructions créatrices où Dieu lui-même se faufile jusqu’en nous.

 

 

1ère lecture : La résurrection des morts (Dn 12, 1-3)
Lecture du livre de Daniel
Moi, Daniel, j’ai entendu cette parole de la part du Seigneur :
« En ce temps-là se lèvera Michel, le chef des anges, celui qui veille sur ton peuple. Car ce sera un temps de détresse comme il n’y en a jamais eu depuis que les nations existent. Mais en ce temps-là viendra le salut de ton peuple, de tous ceux dont le nom se trouvera dans le livre de Dieu.
Beaucoup de gens qui dormaient dans la poussière de la terre s’éveilleront : les uns pour la vie éternelle, les autres pour la honte et la déchéance éternelles.
Les sages brilleront comme la splendeur du firmament, et ceux qui sont des maîtres de justice pour la multitude resplendiront comme les étoiles dans les siècles des siècles. »

Psaume : 15, 5.8, 9-10, 1b.11

R/ Garde-moi, Seigneur mon Dieu, toi, mon seul espoir !

Seigneur, mon partage et ma coupe :
de toi dépend mon sort.
Je garde le Seigneur devant moi sans relâche ;
il est à ma droite : je suis inébranlable.

Mon coeur exulte, mon âme est en fête, 
ma chair elle-même repose en confiance : 
tu ne peux m’abandonner à la mort 
ni laisser ton ami voir la corruption.

Mon Dieu, j’ai fait de toi mon refuge.
Tu m’apprends le chemin de la vie : 
devant ta face, débordement de joie ! 
À ta droite, éternité de délices !

2ème lecture : Le sacrifice unique (He 10, 11-14.18)
Lecture de la lettre aux Hébreux
Dans l’ancienne Alliance, les prêtres étaient debout dans le Temple pour célébrer une liturgie quotidienne, et pour offrir à plusieurs reprises les mêmes sacrifices, qui n’ont jamais pu enlever les péchés.
Jésus Christ, au contraire, après avoir offert pour les péchés un unique sacrifice, s’est assis pour toujours à la droite de Dieu. Il attend désormais que ses ennemis soient mis sous ses pieds.Par son sacrifice unique, il a mené pour toujours à leur perfection ceux qui reçoivent de lui la sainteté.
Quand le pardon est accordé, on n’offre plus le sacrifice pour les péchés.

Evangile : La venue du Fils de l’homme (Mc 13, 24-32)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Restez éveillés et priez en tout temps : ainsi vous serez jugés dignes de paraître debout devant le Fils de l’homme. Alléluia. (Lc 21, 36)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Jésus parlait à ses disciples de sa venue :
« En ces temps-là, après une terrible détresse, le soleil s’obscurcira et la lune perdra son éclat. Les étoiles tomberont du ciel, et les puissances célestes seront ébranlées. Alors on verra le Fils de l’homme venir sur les nuées avec grande puissance et grande gloire. Il enverra les anges pour rassembler les élus des quatre coins du monde, de l’extrémité de la terre à l’extrémité du ciel.
Que la comparaison du figuier vous instruise : Dès que ses branches deviennent tendres et que sortent les feuilles, vous savez que l’été est proche. De même, vous aussi, lorsque vous verrez arriver cela, sachez que le Fils de l’homme est proche, à votre porte. Amen, je vous le dis : cette génération ne passera pas avant que tout cela n’arrive. Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas. Quant au jour et à l’heure, nul ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais seulement le Père. »
Patrick Braud

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10 novembre 2012

Les deux sous du don…

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Les deux sous du don…

Homélie du 32° Dimanche / Année B
Dimanche 11 Novembre 2012

Le mil de l’hospitalité

Un coopérant en Afrique racontait cette anecdote :
« Un jour, en pleine saison des pluies, surpris par un gros orage en mobylette en brousse, la piste se transforme en torrent de boue. Je demande l’hospitalité à des cases toutes proches. La famille m’accueille une journée et me nourrit avec des restes froids de mil. Je n’ose pas refuser. Et j’apprends après, en parlant avec eux, en cette période de soudure entre deux récoltes, qu’ils ne préparent le mil que tous les 3 jours jusqu’à la prochaine récolte : ils m’avait donné ce qui leur restait. « Mais, disaient-ils, avec l’aide de Dieu, on tiendra bien les 2 jours qui viennent ». Ils ne connaissaient pas le chapitre 12 de l’Évangile selon St Marc que nous venons de lire, mais ils venaient de l’écrire devant moi avec leur simplicité, leur joie et leur confiance.
Me donner à moi, un étranger, un blanc, même le mil nécessaire pour leur famille !…
J’étais heureux d’avoir pu accepter, car refuser aurait été leur faire injure. »

Enlever à quelqu’un la capacité de donner, de se donner, c’est le priver de toute dignité humaine. Et, dans l’ordre du don sans retour, les pauvres souvent sont nos maîtres.

Personne n’est jamais si pauvre qu’il ne puisse rien donner.

Ce serait même humilier quelqu’un que de ne plus oser lui demander de donner quelque chose de lui-même.

 

Donner à l’autre de se donner

Élie, l’a bien compris : dans sa première lecture, il ose demander à la veuve de Sarepta, le peu de pain qu’elle peut encore faire cuire. Il ose lui demander la seule nourriture qu’il lui reste. Parce qu’il sait l’effet multiplicateur de l’amour : ce que la veuve donnera avec confiance lui sera redonné au centuple.

Élie ne donne rien à la veuve. Il lui donne de donner. Plus encore : il lui donne de se donner.

Personne n’est jamais si pauvre qu’il ne puisse rien donner.

Jésus, lui aussi a bien compris que la dignité de la veuve du Temple réside dans sa capacité à donner encore, malgré sa pauvreté. Enlevez à quelqu’un la possibilité de donner, de se donner, et vous le rabaissez à n’être qu’un assisté perpétuel.

Souvenez-vous des débuts des chiffonniers d’Emmaüs : un désespéré relevant juste d’une tentative de suicide, demande à l’Abbé Pierre de l’aider. L’Abbé lui répond : « je ne peux pas t’aider. Mais toi, tu peux aider ceux qui sont dans la rue. Viens, on va voir ce qu’on peut faire avec eux.’ Et les chiffonniers d’Emmaüs étaient nés ».

Regardez les jeunes des cités actuellement : ils désespèrent, pas d’abord à cause du manque de subventions publiques, mais parce qu’ils n’ont pas pu rencontrer ou écouter des adultes qui les appelleraient à donner d’eux-mêmes : « donne de ton temps pour encadrer des plus jeunes, donne de ta présence pour faire reculer la solitude des plus âgés ; donne de toi-même, de tes talents (musique, théâtre, sport) pour faire vivre ton quartier, on compte sur toi ! »

La meilleure façon d’aider quelqu’un c’est souvent de l’appeler à se donner?

Et personne n’est jamais si pauvre qu’il ne puisse rien donner.

On est alors sur une autre piste que les scribes médiatiques actuels, Téléthon ou autres dîners de galas solidaires, où il faut montrer qu’on signe de gros chèques, comme les riches du Temple de Jérusalem faisaient clinquer les pièces de monnaie dans les troncs.

 

Puiser dans le don de l’autre la force de son propre don

Jésus s’émerveille de la capacité de don qu’a cette femme, pauvre et seule. Le regard de Jésus sait discerner dans la foule du Temple, non pas ceux qui veulent être vus, mais celle qui donne tout ce qu’elle a pour vivre. Il reconnaît en elle une soeur, sa soeur, car lui aussi va bientôt sur la Croix donner toute sa vie, pauvre et seul. Peut-être même puise-t-il chez cette femme le courage d’aller lui aussi jusqu’au bout du don de soi ?…

 

Changer de regard

Patrick BraudEn tout cas, pour observer cette scène, Jésus a dû se retirer dans le parvis des femmes. Car vous savez qu’au Temple de Jérusalem, les hommes et les femmes ne se mélangeaient pas. Une vaste cour carrée entourée de colonnades était réservée aux femmes qui pouvaient assister aux cérémonies depuis une galerie. C’est sans doute sur l’une des marches de l’escalier qui permettait aux femmes d’accéder à la salle du Trésor que Jésus a passé un long moment à observer la foule de ceux qui déposaient de l’argent dans les 13 troncs.

Et c’est en se plaçant du côté des femmes, dans le Temple, que Jésus a pu s’émerveiller de la force du don de soi.

Bonne Nouvelle : pour Dieu, la manière dont nous donnons est beaucoup plus importante que le montant versé. Jésus ne regarde pas les zéros alignés sur le chèque, mais le coeur de celui qui donne (ce qui d’ailleurs n’empêche pas les zéros, mais les remet à leur place, seconde).

Personne n’est si pauvre qu’il ne puisse rien donner?

St Vincent de Paul – « Monsieur Vincent » – disait : « Heureusement pour les pauvres qu’il y a des pauvres : eux savent donner ». 

 

Une veuve à deux sous…

Les Pères de l’Église ont vu dans cette pauvre veuve la figure de l’Église : son époux est mort, mais elle donne au monde, avec confiance, les 2 pièces de la foi et de la charité. Une « veuve à deux sous » en quelque sorte, comme il y a des ‘romans de quatre sous’?

Ou bien encore les 2 pièces peuvent figurer l’image et la ressemblance de l’homme avec Dieu, car l’Église sait que le Trésor de Dieu, c’est l’humanité vivante.

Mais cette veuve à 2 sous continue de nous émerveiller lorsque, sous les traits de telle ou telle personne modeste, elle donne ce qu’elle a pour vivre. Jusqu’à donner le pain eucharistique qui chaque jour se renouvelle, comme pour la veuve de Sarepta. Jusqu’à se donner soi-même, comme le Christ sur la Croix :

Personne n’est si pauvre qu’il ne puisse rien donner?.

Que l’Esprit du Christ nous donne de discerner avec émerveillement la qualité du don de chacun, au-delà des apparences. Jusqu’à nous aussi oser donner de notre nécessaire, de notre indigence même.

 

1ère lecture : La veuve de Sarepta (1R 17, 10-16)

Lecture du premier livre des Rois

Le prophète Élie partit pour Sarepta, et il parvint à l’entrée de la ville. Une veuve ramassait du bois ; il l’appela et lui dit : « Veux-tu me puiser, avec ta cruche, un peu d’eau pour que je boive ? »
Elle alla en puiser. Il lui dit encore : « Apporte-moi aussi un morceau de pain. »
Elle répondit : « Je le jure par la vie du Seigneur ton Dieu : je n’ai pas de pain. J’ai seulement, dans une jarre, une poignée de farine, et un peu d’huile dans un vase. Je ramasse deux morceaux de bois, je rentre préparer pour moi et pour mon fils ce qui nous reste. Nous le mangerons, et puis nous mourrons. »
Élie lui dit alors : « N’aie pas peur, va, fais ce que tu as dit. Mais d’abord cuis-moi un petit pain et apporte-le moi, ensuite tu feras du pain pour toi et ton fils.
Car ainsi parle le Seigneur, Dieu d’Israël : Jarre de farine point ne s’épuisera, vase d’huile point ne se videra, jusqu’au jour où le Seigneur donnera la pluie pour arroser la terre. »
La femme alla faire ce qu’Élie lui avait demandé, et longtemps, le prophète, elle-même et son fils eurent à manger.
Et la jarre de farine ne s’épuisa pas, et le vase d’huile ne se vida pas, ainsi que le Seigneur l’avait annoncé par la bouche d’Élie.

Psaume : 145, 5-6a, 6c-7ab, 8bc-9a, 9b.10

R/ Je te chanterai, Seigneur, tant que je vivrai.

Heureux qui s’appuie sur le Dieu de Jacob,
qui met son espoir dans le Seigneur son Dieu,
lui qui a fait le ciel et la terre.

Il garde à jamais sa fidélité, 
il fait justice aux opprimés ; 
aux affamés, il donne le pain. 

Le Seigneur redresse les accablés,
le Seigneur aime les justes,
le Seigneur protège l’étranger. 

Il soutient la veuve et l’orphelin.
D’âge en âge, le Seigneur régnera : 
ton Dieu, ô Sion, pour toujours ! 

2ème lecture : Le sacerdoce du ciel (He 9, 24-28)

Lecture de la lettre aux Hébreux

Le Christ n’est pas entré dans un sanctuaire construit par les hommes, qui ne peut être qu’une copie du sanctuaire véritable ; il est entré dans le ciel même, afin de se tenir maintenant pour nous devant la face de Dieu.
Il n’a pas à recommencer plusieurs fois son sacrifice, comme le grand prêtre qui, tous les ans, entrait dans le sanctuaire en offrant un sang qui n’était pas le sien ; car alors, le Christ aurait dû plusieurs fois souffrir la Passion depuis le commencement du monde. Mais c’est une fois pour toutes, au temps de l’accomplissement, qu’il s’est manifesté pour détruire le péché par son sacrifice.
Et, comme le sort des hommes est de mourir une seule fois, puis de comparaître pour le jugement, ainsi le Christ, après s’être offert une seule fois pour enlever les péchés de la multitude, apparaîtra une seconde fois, non plus à cause du péché, mais pour le salut de ceux qui l’attendent.

Evangile : L’ostentation des scribes – L’aumône de la pauvre veuve (brève : 41-44) (Mc 12, 38-44)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Heureux les pauvres de c?ur : le Royaume des cieux est à eux ! Alléluia. (Mt 5, 3)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Dans son enseignement, Jésus disait : « Méfiez-vous des scribes, qui tiennent à sortir en robes solennelles et qui aiment les salutations sur les places publiques,
les premiers rangs dans les synagogues, et les places d’honneur dans les dîners.
Ils dévorent les biens des veuves et affectent de prier longuement : ils seront d’autant plus sévèrement condamnés. »
Jésus s’était assis dans le Temple en face de la salle du trésor, et regardait la foule déposer de l’argent dans le tronc. Beaucoup de gens riches y mettaient de grosses sommes.
Une pauvre veuve s’avança et déposa deux piécettes.
Jésus s’adressa à ses disciples : « Amen, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis dans le tronc plus que tout le monde. Car tous, ils ont pris sur leur superflu, mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a tout donné, tout ce qu’elle avait pour vivre. »
Patrick Braud

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27 octobre 2012

Bartimée et Jésus : les deux fois deux fils

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Bartimée et Jésus : les deux fois deux fils

Homélie du 30° dimanche ordinaire Année B
28/10/12

 

Le fils de Timée et le Fils de David

L’épisode de la rencontre de Jésus et de Bartimée à la sortie de Jéricho est célèbre (Mc 10,46-52). On y voit souvent une preuve de la puissance du Christ. Ou son désir de réintégrer socialement tous les exclus qui comme cet aveugle restent au bord de la route au sens propre comme au sens figuré. Ou on y lit avec raison le symbole du baptisé qui quitte ses aveuglement pour suivre Jésus sur la voie de l’évangile.

On peut aussi y voir la rencontre de deux fils, l’un donnant à l’autre d’assumer sa filiation.
Voyons comment.

Les noms bibliques ont une signification.

Ils ne sont jamais là par hasard dans un texte de la Bible, comme les chiffres d’ailleurs.

Bartimée et Jésus : les deux fois deux fils dans Communauté spirituelleJéricho par exemple, vient du nom hébreu : lune (« jareah »). Jéricho est donc la ‘ville de la lune’ en hébreu. Or la lune croît et décroît, elle change sans cesse (par opposition au soleil) : elle est devenue dans le monde de Jésus le symbole de la disparition et du déclin. L’évangéliste Marc précise bien que Jésus sort de Jéricho avec ses disciples : symboliquement c’est l’invitation à sortir de nos déclins, à ne pas se résigner à la disparition.

       Sortir d’une logique dépressive du déclin, c’est par exemple reconnaître que notre Église est bien vivante, et se renouvelle en profondeur. Nous sommes à l’image de cette foule « assez nombreuse » (traduction plus exacte du texte) qui entoure Jésus dans le passage d’aujourd’hui : ni majoritaire, ni marginale. Une foule qui va apprendre à être instrument du salut en transmettant l’appel du Christ à l’aveugle.

         Sortir de Jéricho est aussi l’invitation à quitter nos déclins intérieurs : lorsque décline notre soif de Dieu, notre soif de vivre ; lorsque baisse l’intensité de notre amour pour Dieu, l’intensité de notre amour pour les autres, sortons de ces Jérichos-là avec le Christ ! Quittons nos logiques dépressives…

D’autant plus que Jésus se met en route vers Jérusalem : autre nom symbolique.

Yerou-shalaïm : la ville de la paix (shalom) ou de la plénitude (shelemout). Jésus passe de Jéricho à Jérusalem : il nous fait passer avec lui du déclin à la paix, de la disparition à la plénitude.

       Deux autres noms ont toute leur importance dans ce texte : « Bar-timée » et « fils de David ».

C’est tellement important que Marc précise : « Bar-Timée » c’est le fils de Timée. Or Timée vient d’une racine grecque qui signifie : « châtiment ». Bar-Timée est donc le fils du châtiment ; ce que traduit bien hélas sa condition d’aveugle, puisqu’à l’époque beaucoup croyaient que la cécité était un châtiment de Dieu (ce que Jésus ne cessera de dénoncer).

Le fils de Timée croise le « fils de David ». Et David veut dire : « Bien Aimé ». Voici donc que le fils du châtiment rencontre le fils Bien Aimé !

Choc terrible : qui va l’emporter : la peur du châtiment ou la foi en la puissance de l’amour ?

La peur ou la foi ? : dilemme terriblement actuel !

Lorsque des intégristes religieux de tous bords voudraient revenir à la peur comme moteur de la conversion vers Dieu.

Lorsque les questions de violence sociale (dans nos écoles ou nos cités) risquent d’être instrumentalisées dans les débats politiques.

Les Évêques français appellent depuis longtemps à revaloriser la famille comme lieu primordial  d’éducation à la confiance : « la famille est le premier lieu où les hommes et les femmes apprennent la confiance en eux-mêmes et la confiance dans les autres » (Message du 18/10/2006). On croirait entendre la « foule – Église » de notre évangile, qui finalement transmet au fils de Timée l’appel du Fils de David : « confiance, lève-toi, il t’appelle ».

20030919142921_medium amour dans Communauté spirituelle         La rencontre des 2 fils d’aujourd’hui nous fait passer de la peur du châtiment à la confiance en l’amour : « ta foi t’a sauvé » constate Jésus, dont le nom signifie justement : « Dieu sauve ». A la fin du récit, l’aveugle n’est plus le fils de Timée mendiant assis au bord de la route, mais un homme – enfin ! – qui suit Jésus sur la route. Il a changé de filiation.

         Et vous : êtes-vous fils de Timée ou de David ?

C’est si important de savoir de qui on est le fils / la fille…

Dans la préparation au mariage, c’est toujours une étape capitale du dialogue avec les fiancés : de qui êtes-vous l’enfant ? Comment ces 2 filiations vont-elles pouvoir se rencontrer ? Au prix de quelle conversions personnelles ? Moyennant quelles guérisons du passé familial de chacun ?

Le fils du châtiment croise le fils du Bien Aimé, et la confiance d’emporte alors sur la peur.

Souvenez-vous des 2 autres fils de Mc 10,35-45 (juste avant notre passage sur Bartimée) : les fils de Zébédée, dont le nom signifie « mon cadeau » étaient en train de renier leur père puisque justement ils voulaient s’approprier les 1° places, au lieu de recevoir « comme un cadeau » la place que Jésus leur donnerait.

Que dois-je assumer dans la filiation qui est la mienne, à l’image des fils de Zébédée ?

Quelle guérison y a-t-il à entreprendre dans cette filiation, à l’image du fils de Timée ?

Quelle promesse ma filiation contient-elle, à l’image du Fils de David ?

         Impossible de nous rencontrer en vérité, sans violence, si nous ne savons pas de qui nous sommes le fils / la fille !

         Que l’Esprit du Christ, qui continue d’agir dans son Église comme autrefois dans la foule, nous donne d’entendre chacun personnellement, l’appel du Christ transmis par la foule : « Confiance ! Que tu sois fils de l’amour ou du hasard, de la promesse ou de la peur, confiance, lève-toi, il t’appelle ».

 

 

 

1ère lecture : Retour joyeux des rescapés d’Israël (Jr 31, 7-9)

Lecture du livre de Jérémie

Ainsi parle le Seigneur : Poussez des cris de joie pour Jacob, acclamez la première des nations ! Faites résonner vos louanges et criez tous : « Seigneur, sauve ton peuple, le reste d’Israël ! »
Voici que je les fais revenir du pays du Nord, et que je les rassemble des extrémités du monde. Il y a même parmi eux l’aveugle et le boiteux, la femme enceinte et la jeune accouchée ; c’est une grande assemblée qui revient.
Ils étaient partis dans les larmes, dans les consolations je les ramène ; je vais les conduire aux eaux courantes par un bon chemin où ils ne trébucheront pas. Car je suis un père pour Israël, Éphraïm est mon fils aîné. Parole du Seigneur.

Psaume : 125, 1-2ab, 2cd-3, 4-5, 6

R/ Le Seigneur a fait merveille : nous voici dans la joie.

Quand le Seigneur ramena les captifs à Sion,
nous étions comme en rêve !
Alors notre bouche était pleine de rires,
nous poussions des cris de joie ; 

Alors on disait parmi les nations : 
« Quelles merveilles fait pour eux le Seigneur ! » 
Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous : 
nous étions en grande fête ! 

Ramène, Seigneur, nos captifs, 
comme les torrents au désert. 
Qui sème dans les larmes 
moissonne dans la joie. 

Il s’en va, il s’en va en pleurant, 
il jette la semence ; 
il s’en vient, il s’en vient dans la joie, 
il rapporte les gerbes.

2ème lecture : Jésus, grand prêtre à la manière de Melkisédek (He 5, 1-6)

Lecture de la lettre aux Hébreux

Le grand prêtre est toujours pris parmi les hommes, et chargé d’intervenir en faveur des hommes dans leurs relations avec Dieu ; il doit offrir des dons et des sacrifices pour les péchés. Il est en mesure de comprendre ceux qui pèchent par ignorance ou par égarement, car il est, lui aussi, rempli de faiblesse ; et, à cause de cette faiblesse, il doit offrir des sacrifices pour ses propres péchés comme pour ceux du peuple. On ne s’attribue pas cet honneur à soi-même, on le reçoit par appel de Dieu, comme Aaron.
Il en est bien ainsi pour le Christ : quand il est devenu grand prêtre, ce n’est pas lui-même qui s’est donné cette gloire ; il l’a reçue de Dieu, qui lui a dit : Tu es mon Fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré, et qui déclare dans un autre psaume : Tu es prêtre pour toujours selon le sacerdoce de Melkisédek.

Evangile : Guérison d’un aveugle à Jéricho (Mc 10, 46-52)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Béni soit le Seigneur notre Dieu : sur ceux qui habitent les ténèbres, il a fait resplendir sa lumière. Alléluia.(cf. Lc 1, 68.79)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Tandis que Jésus sortait de Jéricho avec ses disciples et une foule nombreuse, un mendiant aveugle, Bartimée, le fils de Timée, était assis au bord de la route.
Apprenant que c’était Jésus de Nazareth, il se mit à crier : « Jésus, fils de David, aie pitié de moi ! »
Beaucoup de gens l’interpellaient vivement pour le faire taire, mais il criait de plus belle : « Fils de David, aie pitié de moi ! »
Jésus s’arrête et dit : « Appelez-le. » On appelle donc l’aveugle, et on lui dit : « Confiance, lève-toi ; il t’appelle. »
L’aveugle jeta son manteau, bondit et courut vers Jésus.
Jésus lui dit : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? ? Rabbouni, que je voie. »
Et Jésus lui dit : « Va, ta foi t’a sauvé. » Aussitôt l’homme se mit à voir, et il suivait Jésus sur la route.
Patrick Braud

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