L'homélie du dimanche (prochain)

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18 mai 2025

Si vous m’aimiez…

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Si vous m’aimiez…


Homélie du 6° Dimanche de Pâques / Année C
25/05/25


Cf. également :
Se réjouir d’un départ 

L’Esprit saint et nous-mêmes avons décidé que…
L’agneau mystique de Van Eyck

Le Paraclet, l’Église, Mohammed et nous
La gestion des conflits
L’Esprit et la mémoire
Dieu nous donne une ville
L’Esprit nous précède
Lier Pâques et paix
La Trinité en actes : le geste de paix
La paix soit avec vous
Les chrétiens sont tous des demeurés
Ton absence…
Ascension : la joyeuse absence

 

1. Ne pleure pas si tu m’aimes

La mort n’est rien, je suis seulement passé de l’autre côté,
Je suis Moi, tu es Toi.
Ce que nous étions l’un pour l’autre, je le suis toujours.
Donne-moi le nom que tu m’as toujours donné,
Parle-moi comme tu l’as toujours fait,
N’emploie pas un ton différent,
Ne prends pas un air solennel ou triste,
Continue à rire de ce qui nous faisait rire ensemble.
Prie. Souris. Pense à moi. Prie pour moi.
Que mon nom soit prononcé à la maison comme il l’a toujours été :
sans emphase d’aucune sorte , sans une trace d’ombre.

La vie signifie toujours ce qu’elle a toujours signifiée,
Elle reste ce qu’elle a toujours été : le fil n’est pas coupé.

Pourquoi serai-je hors de ta pensée ? Simplement parce que je suis hors de ta vue ? 
Je t’attends, je ne suis pas loin, juste de l’autre côté du chemin…

Tu vois, tout est bien…
Ne pleure pas si tu m’aimes !
Si tu savais le don de Dieu et ce qu’est le ciel !
Si tu pouvais d’ici entendre le chant des anges et me voir au milieu d’eux !
Si tu pouvais voir se dérouler sous tes yeux les horizons et les nouveaux sentiers où je marche !

Si un instant, tu pouvais contempler comme moi la Beauté devant laquelle toutes les beautés pâlissent !
Crois-moi, quand la mort viendra briser tes liens comme elle a brisé ceux qui m’enchaînaient, et quand, un jour que Dieu seul connaît, ton âme viendra dans ce ciel où l’a précédée la mienne… ce jour-là, tu me reverras et tu retrouveras mon affection purifiée.
À Dieu ne plaise qu’entrant dans une vie plus heureuse, je sois fidèle aux souvenirs et aux vraies joies de mon autre vie et sois devenu moins aimant.
Tu me reverras donc, transfiguré dans l’extase et le bonheur, non plus attendant la mort, mais avançant, d’instant en instant avec toi, dans les sentiers nouveaux de la Lumière et de la Vie !

Alors… essuie tes larmes, et ne pleure plus…
Si tu m’aimes !…
St Augustin

Ce texte est souvent choisi par les familles en deuil pour accompagner la célébration des obsèques d’un proche. En le lisant, je me rappelle immanquablement les funérailles traditionnelles que j’ai vécues autrefois (il y a 45 ans !) en Afrique Noire. Quand c’est un ‘vieux’ – rassasié de jours – ou un notable qui meurt, le village organise trois jours de fête avec repas et bière de mil à volonté pour tous. Parfois, on sort les masques qui dansent pour accueillir le défunt dans la compagnie des ancêtres. Et puis une longue procession avec tambours, chants, youyous des femmes et pas de danse de la foule transporte le cercueil du défunt jusqu’au cimetière. J’ai vu des cercueils voler en l’air portés par des explosions de vieux fusils et l’allégresse de la multitude se passant le cercueil à bout de bras pour se réjouir du sort du défunt ! Les fanfares de jazz entourant le corbillard dans sa marche funèbre à la Nouvelle-Orléans en Louisiane sont un héritage direct de ce rapport joyeux à la mort, qui en étonne plus d’un…

Et si c’était eux qui avaient raison ? Un certain christianisme européen avait transformé le deuil en tristesse obligée, en chagrin démonstratif, avec catafalques, crêpes noirs et pleureuses de circonstance. La modernité a inversé ce rapport dramatique à la mort en l’évacuant de notre horizon : on meurt à l’hôpital, seul le plus souvent. On incinère discrètement, sans flonflons ni fanfares. On revient au bureau ou à l’usine deux jours après, comme si rien ne s’était passé, comme s’il ne fallait pas en parler.

Entre ces deux extrêmes, l’Évangile de ce dimanche (Jn 14,23-29) nous invite à concevoir l’absence autrement : « Si vous m’aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je pars vers le Père ».

Comment se comprendre ce lien absence–joie établie par le Christ ?

 

2. Vous ne m’aimez pas

Saint Augustin – toujours lui ! – relève d’abord que Jésus gifle ses amis par cette remarque cinglante :

Si vous m’aimiez… dans Communauté spirituelle« Si vous m’aimiez » ; que veulent dire ces mots ? « Si vous m’aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je vais à mon Père. – Si vous m’aimiez », ne signifie-t-il donc pas : « Vous ne m’aimez pas ?  » Mais alors qu’aimez-vous ? La chair que vous voyez et que, pour ce motif, vous, ne voulez pas perdre de vue. Mais « si vous m’aimiez », moi, moi-même qui suis le Verbe existant dès le principe, existant en Dieu et Dieu même, comme le dit encore saint Jean ; « si donc vous m’aimiez » en tant que je suis le Créateur de toutes choses, « vous vous réjouiriez de ce que je vais à mon Père ». […]

Défaites-vous donc de vos désirs trop humains. Il semble que le Seigneur ait dit à ses Apôtres : « Vous ne voulez pas me quitter : tous vous êtes comme celui qui ne veut pas se séparer de son ami et qui lui dit en quelque sorte : Reste avec nous encore un peu de temps, car notre âme se ravive en te voyant ; mais il vous sera plus avantageux de ne plus voir ce corps et de songer davantage à ma divinité ».

(Sermon 264)

 

‘Tu ne m’aimes pas’ : oseriez-vous dire cela à votre ami intime ? à votre conjoint ? à votre collègue ou responsable hiérarchique ?

‘Si vous m’aimiez’ => ‘Vous ne m’aimez pas’ : par cette implication logique, saint Augustin souligne le double courage de Jésus, qui peut devenir le nôtre :

– le courage du constat

– le courage du reproche

 

Constater courageusement

On peut se faire illusion, de bien des manières, et longtemps, afin de sauvegarder l’apparence d’une relation de qualité avec des proches, des amis, des collègues, un conjoint.

Le déni est la stratégie inconsciente la plus répandue pour éviter une difficulté, un conflit, une rupture.

En ce moment par exemple, le déni du risque de guerre en Europe tente à nouveau les pacifistes de tous bords – catholiques, LFI ou RN – au nom de beaux idéaux. Ce même déni a déjà paralysé Chamberlain et Daladier devant Hitler, les communistes français devant les goulags russes, les belles âmes maoïstes devant la Révolution culturelle chinoise ou les camps de rééducation de Pol Pot etc. …

 

Constater un désamour demande du courage. Accepter que le réel soit ce qu’il est demande de quitter sa grille de lecture habituelle.

Un écrivain racontait un jour cette anecdote : lors d’une randonnée en montagne avec un ami, tous deux se perdent au milieu des massifs et des sentiers. Son ami déploie alors une carte, observe attentivement les lignes du relief autour de lui et déclare solennellement : « Ce paysage est faux ! ». Plutôt que de remettre en cause sa lecture des cartes, il préférait s’enfermer dans sa vision idéologique du monde qui l’entoure, quitte à affirmer que ce monde n’existe pas s’il ne correspond pas à ce qu’il veut y lire !

Cette anecdote rappelle le lapsus d’Éric Zemmour pendant la campagne présidentielle de 2022 (03/02/22), qui mérite également une palme : « Je ne vois que ce que je crois ». On ne saurait mieux décrire l’aveuglement idéologique qui empêche de voir le réel (ce qui nous guette tous) !

Ainsi en est-il de nos désamours : ils devraient nous crever les yeux, et nous préférons détourner le regard pour continuer à y croire.

Combien se sont laissé détruire par ce refus de voir ce qui est ?

 

Jésus, lui, ne laisse pas s’installer de fausses amitiés, de dangereux sous-entendus.

Non, Pierre, tu n’es pas mon ami si tu veux éviter la Croix.

Non, Judas, tu ne sers pas la cause des pauvres en rêvant de violence et de domination inversée.

Non, Marie, tu n’es pas ma mère si tu mets les liens du sang au-dessus des liens de la Parole.

Il faut prendre conscience de la violence véhiculée par le courage du constat.

Dire : ‘Tu ne m’aimes pas’, c’est violent, c’est risqué. Dans la bouche de Jésus, c’est salvateur, car il appelle ainsi ses amis à une opération-vérité : pouvez-vous m’aimer pour moi-même, et non pour le réconfort que je vous apporte ?

 

Le courage du reproche

coeur-amour-geste-mains-t157h0 amour dans Communauté spirituelleJésus ne s’arrête pas au triste constat : « Vous ne m’aimez pas ». Il formule le grief qu’il ressent à l’encontre de ses amis : « Si vous m’aimiez, vous vous réjouiriez ». Il leur reproche de ne pas se réjouir pour lui, car ils s’attristent pour eux. Ce reproche n’a pas pour but de rompre le lien avec eux : au contraire, il leur indique la voie pour une autre communion d’amour avec lui. Autrement dit, il ne nous reproche pas pour s’éloigner, mais pour nous rendre proches à nouveau.

Il reproche pour rapprocher.

Trouver le ton juste, le bon moment, les paroles qui conviennent à ce type de reproche est l’œuvre de l’Esprit de Dieu en nous.

Proféré avec menace, il peut tout casser.

Dis au mauvais moment, il est inaudible.

Rempli de paroles destructrices, il peut désespérer.

Le reproche dans l’Esprit est une main tendue ; il propose à l’autre une alternative pour contourner l’obstacle ; il désire qu’il change et non qu’il disparaisse.

 

« Celui qui fait la vérité vient à la lumière », et « cette vérité vous rendra libres ». Le reproche ‘façon Jésus’ est l’opération-vérité qui, avec nos collègues, notre famille, nos amis, nous permettra de ne pas mettre sous le tapis les blessures subies, et nous rendra mutuellement libres pour franchir une nouvelle étape dans notre relation.

 

3. Si vous m’aimiez…

depositphotos_63587897-stock-illustration-i-love-jesus-heart-sign JésusQue propose Jésus à ses amis pour surmonter leur égoïsme ? De se réjouir de ce qu’il devient, et non de s’attrister de ce qu’il n’est plus. Reprenez l’image du deuil évoqué par saint Augustin. La plupart des gens pleurent sur eux-mêmes plus que sur leur défunt ! Ils sont tristes de ne plus recevoir de lui affection, chaleur humaine, présence, amour, amitié. Mais ils ne pensent pas un seul instant à ce que le défunt devient en Dieu à travers la mort ! Or, si c’est vraiment la communion avec Dieu et en Dieu qui nous attend, comment pourrait-on être triste pour l’être aimé qui va rejoindre cette plénitude ? Demandez aux mères : la douleur de l’accouchement s’efface devant la joie de voir une autre vie apparaître. Demandez aux parents qui ont appris à se réjouir du départ de leurs enfants, car ils doivent aller vers eux-mêmes.

Il est possible – et même salutaire – de se réjouir de l’absence d’un être aimé…

Sans cette espérance de le savoir en Dieu, il ne reste plus que le chagrin et la blessure.

VentsLeman reproche

Le vent souffle où il veut…

 

Garder sa Parole, c’est vivre dans la liberté de l’Esprit, qui sait tirer du neuf de l’ancien.

C’est ne jamais s’arrêter à ce qu’on a cru comprendre de la foi.

C’est privilégier l’inspiration à la copie, le pont à la barrière, l’Exode à la servitude.

« Le vent souffle où il veut » : si nous aimons le Christ, nous garderons sa Parole dans le souffle de l’Esprit, qui nous conduit vers la vérité tout entière en renouvelant toute chose.

 

Oser reprocher, avec le désir de bâtir une communion plus vraie, plus forte : que la parole du Christ nous apprenne cette patience envers les autres et envers nous-mêmes!
Si toutefois nous aimons le Christ plus que ce qu’il nous apporte…

 


Lectures de la messe


Première lecture
« L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé de ne pas faire peser sur vous d’autres obligations que celles-ci qui s’imposent » (Ac 15, 1-2.22-29)


Lecture du livre des Actes des Apôtres
En ces jours-là, des gens, venus de Judée à Antioche, enseignaient les frères en disant : « Si vous n’acceptez pas la circoncision selon la coutume qui vient de Moïse, vous ne pouvez pas être sauvés. » Cela provoqua un affrontement ainsi qu’une vive discussion engagée par Paul et Barnabé contre ces gens-là. Alors on décida que Paul et Barnabé, avec quelques autres frères, monteraient à Jérusalem auprès des Apôtres et des Anciens pour discuter de cette question. Les Apôtres et les Anciens décidèrent avec toute l’Église de choisir parmi eux des hommes qu’ils enverraient à Antioche avec Paul et Barnabé. C’étaient des hommes qui avaient de l’autorité parmi les frères : Jude, appelé aussi Barsabbas, et Silas. Voici ce qu’ils écrivirent de leur main : « Les Apôtres et les Anciens, vos frères, aux frères issus des nations, qui résident à Antioche, en Syrie et en Cilicie, salut ! Attendu que certains des nôtres, comme nous l’avons appris, sont allés, sans aucun mandat de notre part, tenir des propos qui ont jeté chez vous le trouble et le désarroi, nous avons pris la décision, à l’unanimité, de choisir des hommes que nous envoyons chez vous, avec nos frères bien-aimés Barnabé et Paul, eux qui ont fait don de leur vie pour le nom de notre Seigneur Jésus Christ. Nous vous envoyons donc Jude et Silas, qui vous confirmeront de vive voix ce qui suit : L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé de ne pas faire peser sur vous d’autres obligations que celles-ci, qui s’imposent : vous abstenir des viandes offertes en sacrifice aux idoles, du sang, des viandes non saignées et des unions illégitimes. Vous agirez bien, si vous vous gardez de tout cela. Bon courage ! »


Psaume
(Ps 66 (67), 2-3, 5, 7-8)
R/ Que les peuples, Dieu, te rendent grâce ; qu’ils te rendent grâce tous ensemble !
ou : Alléluia.
 (Ps 66, 4)


Que Dieu nous prenne en grâce et nous bénisse,
que son visage s’illumine pour nous ;
et ton chemin sera connu sur la terre,
ton salut, parmi toutes les nations.


Que les nations chantent leur joie,
car tu gouvernes le monde avec justice ;
tu gouvernes les peuples avec droiture,
sur la terre, tu conduis les nations.


La terre a donné son fruit ;
Dieu, notre Dieu, nous bénit.
Que Dieu nous bénisse,
et que la terre tout entière l’adore !


Deuxième lecture
« Il me montra la Ville sainte qui descendait du ciel » (Ap 21, 10-14.22-23)


Lecture de l’Apocalypse de saint Jean
Moi, Jean, j’ai vu un ange. En esprit, il m’emporta sur une grande et haute montagne ; il me montra la Ville sainte, Jérusalem, qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu : elle avait en elle la gloire de Dieu ; son éclat était celui d’une pierre très précieuse, comme le jaspe cristallin. Elle avait une grande et haute muraille, avec douze portes et, sur ces portes, douze anges ; des noms y étaient inscrits : ceux des douze tribus des fils d’Israël. Il y avait trois portes à l’orient, trois au nord, trois au midi, et trois à l’occident. La muraille de la ville reposait sur douze fondations portant les douze noms des douze Apôtres de l’Agneau. Dans la ville, je n’ai pas vu de sanctuaire, car son sanctuaire, c’est le Seigneur Dieu, Souverain de l’univers, et l’Agneau. La ville n’a pas besoin du soleil ni de la lune pour l’éclairer, car la gloire de Dieu l’illumine : son luminaire, c’est l’Agneau.


Évangile
« L’Esprit Saint vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit » (Jn 14, 23-29)
Alléluia. Alléluia.
Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, dit le Seigneur ; mon Père l’aimera, et nous viendrons vers lui. Alléluia. (Jn 14, 23)


Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure. Celui qui ne m’aime pas ne garde pas mes paroles. Or, la parole que vous entendez n’est pas de moi : elle est du Père, qui m’a envoyé. Je vous parle ainsi, tant que je demeure avec vous ; mais le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit.
Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. Que votre cœur ne soit pas bouleversé ni effrayé. Vous avez entendu ce que je vous ai dit : Je m’en vais, et je reviens vers vous. Si vous m’aimiez, vous seriez dans la joie puisque je pars vers le Père, car le Père est plus grand que moi. Je vous ai dit ces choses maintenant, avant qu’elles n’arrivent ; ainsi, lorsqu’elles arriveront, vous croirez. »
Patrick BRAUD

 

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11 mai 2025

Que peut-il sortir de bien de tout cela ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Que peut-il sortir de bien de tout cela ?

 

Homélie du 5° Dimanche de Pâques / Année C
18/05/25

 

Cf. également :
Ouvrir à tous la porte de la foi

Conjuguer le « oui » et le « non » de Dieu à notre monde
Dieu nous donne une ville
À partir de la fin !
Amoris laetitia : la joie de l’amour
Persévérer dans l’épreuve
Comme des manchots ?
Aimer ses ennemis : un anti-parcours spirituel
J’ai trois amours
Parlez-moi d’amour, redites-moi des choses dures
Le pur amour : pour qui êtes-vous prêts à aller en enfer ?
Conjuguer le verbe aimer à l’impératif
Dieu est un trou noir
Briefer et débriefer à la manière du Christ

 

1. Quand la tête est passée…

Que peut-il sortir de bien de tout cela ? dans Communauté spirituelle vector-illustration-ou-de-dessin-anime-de-la-planete-terre-ou-monde-detruit-grande-explosion-nucleaire-ou-guerre-globale-ou-de-conflit-concept-d-apocalypse-w9y65fNotre monde redevient dangereux. Des soldats nord-coréens se battent en Europe sous les ordres des Russes. La guerre se rapproche de chez nous. L’Inde et le Pakistan, deux puissances nucléaires, sont au bord de la guerre. Bientôt la Chine va envahir Taiwan. Le Moyen Orient reste une poudrière au bord de l’explosion. Des revirements d’alliances incessants déstabilisent la vision du monde héritée de 1945. Tel un catcheur sur le ring (on sait qu’il s’y est essayé en 2007 lors d’un défi célèbre !), Donald Trump multiplie les feintes, les coups de théâtre, les retournements de situation qui rendent la géopolitique imprévisible et chaotique. Dans un match de catch américain, tout est truqué, sauf les gains de la Ligue sur le dos des parieurs… Dans le chaos mondial initié dès l’élection de Trump, tout est truqué également : la vérité, les alliances, les déclarations, les menaces…

Que peut-il sortir de bon de tout cela ?

Les plus optimistes espèrent un règlement du conflit à Gaza (même au prix d’une « Riviera » délirante), et une paix « négociée » en Ukraine (même au prix d’une capitulation devant Poutine et d’un racket de l’Oncle Sam). Les autres se résignent douloureusement à perdre les dividendes de la paix, et se pressent de se réarmer (même au prix d’une dette colossale).

Que va-t-il advenir de l’équilibre ancien ?

 

Ne croyons pas que notre époque soit unique. Des crises, il y en a eu tellement, et de toute nature ! Notre première lecture (Ac 14,21–27) nous montre les Églises de Lystres, Iconium et Antioche exposées à la persécution : « Il nous faut passer par bien des épreuves pour entrer dans le royaume de Dieu » (Ac 14,22).

Notre évangile (Jn 13,31-35) montre Judas sortant du Cénacle, détonateur malgré lui d’une Passion épouvantable.

Mais notre seconde lecture prend le contre-pied de toute tendance pessimiste en osant proclamer : « Voici que je fais toutes choses nouvelles » (Ap 21,1-5).

Vous avez bien entendu : c’est un présent !

Comme toutes les religions ou presque, Jean dans sa vision d’apocalypse commence par faire miroiter la promesse d’un avenir radieux. Il parle alors au futur : « Dieu avec eux, sera leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur » (Ap 21,3-4) ». Mais juste après, il ose parler au présent : « Voici que je fais toutes choses nouvelles ». Et il enfonce le clou : « C’est fait » (Ap 21,6).

Ah bon ?! C’est fait ?! Les larmes des familles des otages massacrés par le Hamas ont séché ? Les cauchemars des familles gazaouies en exil, décimées, se sont évanouis ? L’effroi des ukrainiens sous les missiles russes et leurs dizaines de milliers de morts a disparu ?…

Comment Jean peut-il être d’une si mauvaise foi ? Tu délires, mon bon apôtre…

 

Regardons le texte de près. Il y a bien un futur, donc la promesse n’est pas encore réalisée. Il y a également un présent : quelque chose est donc déjà-là en train de s’accomplir. Tenir ensemble ce déjà-là et le pas encore est la marque de l’eschatologie chrétienne. Tout n’est pas accompli, mais potentiellement c’est déjà fait !

 

Comment comprendre ce paradoxe ?

contraintes-naissance-3-400x200 Apocalypse dans Communauté spirituelleUne amie sage-femme m’a proposé cette belle analogie. Lors d’un accouchement difficile, l’enfant se met à bouger, à se retourner in utero en cherchant à sortir. S’il n’y arrive pas, il faudra ouvrir et la césarienne sera le seul recours. S’il y parvient, on verra d’abord la tête émerger à travers le col. Une fois celle-ci passée, le reste du corps sortira facilement, puisque le passage est ouvert. De même en est-il pour nous. Notre tête, le Christ, est passée à la vie nouvelle. Il est entré dans la nouveauté radicale de sa Pâque. Alors, le reste du corps suivra.

En Christ-Tête, la résurrection est déjà à l’œuvre. Dans son corps qui est l’Église (et le monde), la mort fait encore son œuvre de désolation. Mais le passage viendra.
Paul est peut-être un peu sage-femme quand il utilise lui aussi la métaphore de l’accouchement : « Nous le savons bien, la création tout entière gémit, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore. Et elle n’est pas seule. Nous aussi, en nous-mêmes, nous gémissons ; nous avons commencé à recevoir l’Esprit Saint, mais nous attendons notre adoption et la rédemption de notre corps. Car nous avons été sauvés, mais c’est en espérance… » (Rm 8,22-24).

 

61LqMncWfNL._AC_SL1500_ déjà-làPrenons une autre analogie, hélas davantage dans l’air du temps, très guerrier depuis 2022. Lorsque les Alliés ont débarqué sur les plages de Normandie en Juin 44, tout le monde savait que la guerre était déjà virtuellement gagnée. Inexorablement, l’immense armée allait délivrer une à une les villes étouffant sous l’occupation allemande. Pourtant, l’armistice ne fut signé qu’en Mai 1945, un an après. Pendant ces 12 mois, il y eut Oradour-sur-Glane et ses 643 victimes, les 99 pendus de Tulle, les 442 civils français de Royan et les 37 000 morts allemands ensevelis sous les bombardements des Alliés à Dresde etc.… Autrement dit, l’entre-deux compris entre le débarquement et la victoire, entre le D Day et le V Day, a été une période de dévastations, de souffrances, de deuils, de massacres. Nous sommes dans cet entre-deux, où le débarquement figure la résurrection du Christ et son arrivée auprès du Père, et où la victoire totale ne sera accomplie qu’à la fin des temps.

 

Désespérer de l’évolution de notre monde expert en violence serait se laisser hypnotiser par le mal, qui - tel le dragon blessé à mort - donne encore des coups de queue dévastateurs.

À l’inverse, prôner l’optimisme béat et naïf serait s’évader hors de la réalité sous prétexte de croire en la promesse d’une terre nouvelle.

L’espérance chrétienne tient ensemble le déjà-là et le pas encore du Royaume.

Le présent et le futur.

La résurrection du Christ est notre propre passage au monde nouveau.

Si la Tête est passée, le corps suivra…

 

2. Du nouveau, vraiment ?

« Je fais toutes choses nouvelles ». Il a quand même du toupet, Jean, de faire parler ainsi le Ressuscité ! Car y a-t-il vraiment quelque chose de nouveau dans l’histoire humaine ? Les empires se sont déjà dressés, puis écroulés. Les guerres ont déjà saccagé les peuples et répandu le malheur. L’oppression a déjà soumis, torturé, violé, dispersé depuis des millénaires. Les prédateurs ont déjà pillé et saccagé jusqu’à désolation. Qui oserait prétendre que ce que nous vivons n’a pas d’équivalent dans l’histoire humaine ? L’Ecclésiaste le constatait avec sagesse : « Ce qui a existé, c’est cela qui existera ; ce qui s’est fait, c’est cela qui se fera ; rien de nouveau sous le soleil. Y a-t-il une seule chose dont on dise : “Voilà enfin du nouveau !” – Non, cela existait déjà dans les siècles passés » (Qo 1,9-10).

Pourtant, depuis que Jean a écrit l’Apocalypse, la poignée de témoins d’hier est devenue une part considérable de l’humanité ; les condamnés livrés aux fauves ont construit Saint-Pierre de Rome et Notre-Dame de Paris ; les humiliés des catacombes ont engendré des génies de l’art et des sciences etc. Les trois premiers siècles après la Pâque du Christ ont été éprouvants, jusqu’à faire renoncer les lapsi, dénoncer des proches, marginaliser les petites cellules d’Église disséminées autour des synagogues… 300 ans à souffrir, entourés de mépris et ostracisés par les classes dirigeantes : que peut-il sortir de bon de tout cela ? Patience, semble répondre Jean : la tête est déjà sortie, le reste du corps suivra bientôt…

 

ExileToBabylon-1-1568x1524 espéranceC’était autrefois la réponse d’Isaïe à la détresse de son peuple. Complètement découragés, les juifs avaient vu Nabuchodonosor détruire le Temple de Jérusalem en -587, effacer la royauté davidique, et disperser Israël en exil à Babylone. Plus de roi, plus de terre, plus de Temple : logiquement, c’était fichu ! Les déportés vivaient un triple deuil, tragique, désespérant. Que pouvait-il sortir de bon de cet exil ?

Loin de leur terre, ils avaient l’impression d’être coupés de leur Dieu et de ne plus pouvoir le prier. Cela est très bien exprimé dans le Psaume 137 (136) : « Comment chanterions-nous un chant du Seigneur sur une terre étrangère ? » Ils avaient en quelque sorte à faire le deuil de leur Dieu. D’ailleurs, ils ne le comprenaient plus. S’ils sont le peuple élu, comment expliquer de si grands malheurs ? C’est au cœur de cette grave crise que le prophète fait résonner la parole de Dieu. Cela représente déjà une nouvelle extraordinaire de découvrir que la voix de Dieu peut les rejoindre jusque dans leur exil. Dieu ne les a pas abandonnés ! Et s’il leur parle, cela signifie qu’il est là avec eux, au cœur de la crise. Ce que Dieu leur exprime est renversant. « Ne faites plus mémoire des événements passés, ne songez plus aux choses d’autrefois. Voici que je fais une chose nouvelle : elle germe déjà, ne la voyez-vous pas ? Oui, je vais faire passer un chemin dans le désert, des fleuves dans les lieux arides » (Is 43,18-19).

Le prophète révèle que la nouveauté est déjà présente, en germe, au cœur même de la crise et du deuil. Parler de germe, c’est évoquer quelque chose qui commence petitement, mais qui porte un dynamisme de croissance.

Le prophète invite par conséquent à un exercice de discernement. Il nous convie à être attentifs pour apercevoir ce que Dieu est en train de faire pousser au cœur même du désastre. Dieu parle au présent. En hébreu, il y a un participe présent au v. 19 : « me voici en train de faire du neuf ». Il s’agit d’une action en cours. Comme si ruines de la catastrophe constituaient l’engrais de ce que Dieu fait germer.

 

Le-Concept-de-Dieu-apres-Auschwitz PâqueVoilà qui résonne à nos oreilles ! Que peut-il sortir de bon de la Shoah et de ses 6 millions de victimes ? Eh bien, l’État d’Israël est né de ce traumatisme collectif ! Le retour des juifs sur leur terre est tout aussi étonnant après-guerre que le retour des juifs de Babylone grâce à Cyrus, le messie perse, en -537. Et la vigilance occidentale sur l’antisémitisme sans cesse renaissant est également héritée de l’horreur et de l’effroi depuis la découverte des charniers et des cendres d’Auschwitz.

Ce qui est dramatique, c’est qu’il faille en passer par là pour donner corps à l’espérance messianique !

 

Avons-nous appris quelque chose des années 30, de nos capitulations devant Hitler, de nos allégeances intellectuelles au communisme et ses millions de meurtres ? Pas sûr… Pourtant, un sursaut européen est peut-être en train de se produire comme jamais auparavant. Pourtant, les contre-pouvoirs américains finiront bien par se réveiller…

 

Au milieu de ces tribulations, les chrétiens connaissent leur part de persécutions, d’exactions, de souffrances au nom de leur foi. « Il nous faut passer par bien des épreuves pour entrer dans le royaume de Dieu ». Celui qui comme Étienne – le premier martyr – périt dans l’entre-deux historique aura comme lui les yeux fixés sur l’horizon de la promesse : « Il déclara : “Voici que je contemple les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu” » (Ac 7,56).

 

3. Tout considérer « à partir de la fin »

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Autrement dit : c’est seulement la puissance de sa résurrection qui nous donne de traverser nos Passions actuelles. C’est la fin qui éclaire le présent, et non l’inverse !

C’est en partant de ce qui doit arriver : la résurrection, que nous pouvons déchiffrer le présent. C’est en étant « lancé vers l’avant »« en courant vers le but », que le passé et le présent trouvent leur signification.

C’est donc que nous sommes invités à regarder les êtres et les choses qui nous entourent « à partir de la fin », et non en fonction de leur passé, quel qu’il soit (glorieux ou sombre).

 

Nous voici donc appelés à regarder cette semaine nos proches en famille, nos collaborateurs au travail, nos rencontres habituelles « à partir de la fin ». Même les choses matérielles, replacées ainsi en perspective, en acquièrent une saveur et une texture nouvelle : relativisées, elles deviennent signes du monde nouveau qui est en train de germer…

Oubliant le passé, libérés des jugements du présent, replaçons chaque visage en perspective par rapport à son but ultime : participer à la résurrection du Christ.

Essayez !

Vous ferez enfin l’expérience d’une vibrante course, à l’image de Paul : « oubliant ce qui est en arrière, lancé vers l’avant, je cours vers le but pour remporter le prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus » (Ph 3,13-14).

Vous goûterez par anticipation le renouvellement profond de toute la Création en Christ : « Voici que je fais toutes choses nouvelles ».

Oui : cette semaine, regardez les êtres et les choses qui vous environnent « à partir de la fin »…

 

Lectures de la messe


Première lecture
« Ayant réuni l’Église, ils rapportèrent tout ce que Dieu avait fait avec eux » (Ac 14, 21b-27)


Lecture du livre des Actes des Apôtres
En ces jours-là, Paul et Barnabé, retournèrent à Lystres, à Iconium et à Antioche de Pisidie ; ils affermissaient le courage des disciples ; ils les exhortaient à persévérer dans la foi, en disant : « Il nous faut passer par bien des épreuves pour entrer dans le royaume de Dieu. » Ils désignèrent des Anciens pour chacune de leurs Églises et, après avoir prié et jeûné, ils confièrent au Seigneur ces hommes qui avaient mis leur foi en lui. Ils traversèrent la Pisidie et se rendirent en Pamphylie. Après avoir annoncé la Parole aux gens de Pergé, ils descendirent au port d’Attalia, et s’embarquèrent pour Antioche de Syrie, d’où ils étaient partis ; c’est là qu’ils avaient été remis à la grâce de Dieu pour l’œuvre qu’ils avaient accomplie. Une fois arrivés, ayant réuni l’Église, ils rapportèrent tout ce que Dieu avait fait avec eux, et comment il avait ouvert aux nations la porte de la foi.


Psaume
(Ps 144 (145), 8-9, 10-11, 12-13ab)
R/ Mon Dieu, mon Roi, je bénirai ton nom toujours et à jamais ! ou : Alléluia.
 (Ps 144, 1)


Le Seigneur est tendresse et pitié,

lent à la colère et plein d’amour ;
la bonté du Seigneur est pour tous,
sa tendresse, pour toutes ses œuvres.


Que tes œuvres, Seigneur, te rendent grâce

et que tes fidèles te bénissent !
Ils diront la gloire de ton règne,
ils parleront de tes exploits.


Ils annonceront aux hommes tes exploits,

la gloire et l’éclat de ton règne :
ton règne, un règne éternel,
ton empire, pour les âges des âges.


Deuxième lecture
« Il essuiera toute larme de leurs yeux » (Ap 21, 1-5a)


Lecture de l’Apocalypse de saint Jean
Moi, Jean, j’ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le premier ciel et la première terre s’en étaient allés et, de mer, il n’y en a plus. Et la Ville sainte, la Jérusalem nouvelle, je l’ai vue qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu, prête pour les noces, comme une épouse parée pour son mari. Et j’entendis une voix forte qui venait du Trône. Elle disait : « Voici la demeure de Dieu avec les hommes ; il demeurera avec eux, et ils seront ses peuples, et lui-même, Dieu avec eux, sera leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur : ce qui était en premier s’en est allé. » Alors celui qui siégeait sur le Trône déclara : « Voici que je fais toutes choses nouvelles. »


Évangile
« Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres » (Jn 13, 31-33a.34-35)
Alléluia. Alléluia.
Je vous donne un commandement nouveau, dit le Seigneur : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés. » Alléluia. (cf. Jn 13, 34)


Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
Au cours du dernier repas que Jésus prenait avec ses disciples, quand Judas fut sorti du cénacle, Jésus déclara : « Maintenant le Fils de l’homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui. Si Dieu est glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera ; et il le glorifiera bientôt.
Petits enfants, c’est pour peu de temps encore que je suis avec vous. Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. »
Patrick BRAUD

 

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10 mai 2025

Pourquoi rester dans l’Église ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Pourquoi rester dans l’Église ?

 

Homélie du 4° Dimanche de Pâques / Année C
11/05/25


Cf. également :
Dieu fait feu de tout bois

Il est fou, le voyageur qui…
Secouez la poussière de vos pieds
Un manager nommé Jésus
Des brebis, un berger, un loup
L’agneau mystique de Van Eyck
« Passons aux barbares »…
Du bon usage des leaders et du leadership
La différence entre martyr et kamikaze ou djihadiste
À partir de la fin !
Comme une ancre jetée dans les cieux
L’événement sera notre maître intérieur
La parresia, ou l’audace de la foi

 

Lumière des nations
Pourquoi rester dans l’Église ? dans Communauté spirituelle maxresdefaultÀ Pâques 2024, 7 135 adultes ont été baptisés (environ 11 200 sur l’année). Réjouissant ! Évidemment, cela ne comble pas le déficit des baptêmes d’enfants (qui s’écroulent), mais c’est un signe fort. À condition que ces néophytes (nouvelles plantes, en grec) prennent racine et restent dans le terreau commun pour porter du fruit avec les ‘anciens’ baptisés. Or beaucoup de néophytes décrochent après le  temps fort pascal. On ne sait pas combien exactement (certains estiment les départs à 75 % !), mais cela pose question. Pourquoi ? Par manque d’accompagnement sans doute : livrés à eux-mêmes après le temps fort du catéchuménat, ces néophytes n’ont plus d’équipe à leurs côtés, et trouve bien décevante la grisaille paroissiale après l’intensité de leur parcours initiatique. Finalement, ils rejoignent la cohorte de ceux qui désertent peu à peu nos assemblées, sur la pointe des pieds, sans rien dire.

 

Tout cela pose la question : pourquoi rester dans l’Église ? Comme interrogeait Jésus : « Et vous, voulez-vous partir vous aussi ? » (Jn 6,67)

Il faut bien avouer que le visage de l’Église catholique n’est guère brillant en ce moment dans notre pays : abus sexuels en masse (au point de se demander si ce n’est pas ‘systémique’…), conservatisme moral et liturgique, abus de pouvoir, cléricalisme, retour des croyances magiques et désuètes… Il faut avoir le cœur bien accroché pour ne pas s’enfuir à la vue des tumeurs défigurant le corps ecclésial !

Chaque période sombre de l’histoire de l’Église fait ainsi revenir le doute : pourquoi rester ?

La conviction de Paul dans notre première lecture (Ac 13,14-52) nous heurte alors de plein fouet : « Nous nous tournons vers les nations païennes. C’est le commandement que le Seigneur nous a donné : J’ai fait de toi la lumière des nations pour que, grâce à toi, le salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre ».

https://s1.1zoom.me/big0/437/Lighthouses_Night_Fog_465001.jpgPaul ne peut ni ne veut déserter, malgré l’adversité, car cette vocation héritée du prophète Isaïe va le tenir debout, jusqu’au martyre. Isaïe le premier a conscience en effet de jouer un rôle universel : « Moi, le Seigneur, je t’ai appelé selon la justice ; je te saisis par la main, je te façonne, je fais de toi l’alliance du peuple, la lumière des nations » (Is 42,6). « C’est trop peu que tu sois mon serviteur pour relever les tribus de Jacob, ramener les rescapés d’Israël : je fais de toi la lumière des nations, pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre » (Is 49,6). Nouvel Isaïe, Jésus assumera au plus haut point l’universalisme de la foi biblique, n’hésitant pas à accomplir la Torah pour qu’elle serve la Nouvelle Alliance de tous les peuples avec YHWH. Dans l’élan de son Esprit, les chrétiens continueront à annoncer que l’Évangile est pour tous et à croire que la lumière émanant du Christ est universelle. Jean dira ainsi que la Jérusalem nouvelle, la ville ultime que l’Église anticipe ici-bas, sera le centre d’attraction du monde entier : « Les nations marcheront à sa lumière, et les rois de la terre y porteront leur gloire » (Ap 21,24). Il reprend ainsi la prophétie d’Isaïe annonçant avec audace que le petit bourg de Jérusalem deviendra un phare illuminant toutes les nations : « Les nations marcheront vers ta lumière, et les rois, vers la clarté de ton aurore » (Is 60,3).

 

Quel contraste entre la vocation universaliste de Jérusalem/l’Église et leur apparence actuelle !

Même réduite à quelques poignées de condamnés promis aux fauves des cirques romains, l’Église naissante n’a pas déserté, car elle était habitée par la conviction de détenir en elle un trésor pour tous, même pour ses bourreaux.

 

Lunaire Église

S’interrogeant sur son identité et sa vocation, l’Église catholique réunie au concile Vatican II a commencé sa Constitution dogmatique sur l’Église par ces termes :

040c9e2a92f71ecc583f1107595a3144 Eglise dans Communauté spirituelle« Le Christ est la lumière des peuples : réuni dans l’Esprit Saint, le saint Concile souhaite donc ardemment, en annonçant à toutes les créatures la bonne nouvelle de l’Évangile, répandre sur tous les hommes la clarté du Christ qui resplendit sur le visage de l’Église » (Lumen Gentium n°1).

Commentant ce texte auquel il avait contribué en tant que jeune expert théologien, le futur pape Benoît XVI repartait de l’allégorie patristique Christ–soleil/Église-lune [1] pour expliquer pourquoi lui restait dans l’Église alors que beaucoup la quittaient – déjà ! – dans les années 70 :

« Comment peut-on, au regard de la situation actuelle, justifier le fait de demeurer dans l’Église ? […] 

J’aimerais […] fournir une première réponse sous forme d’une analogie. […] Nous avions dit qu’en examinant l’Église de trop près nous avions fini par perdre de vue l’ensemble. On peut approfondir cette idée en la rapprochant d’une image que les Pères de l’Église ont mise en évidence dans leur interprétation symbolique du monde et de l’Église.

Ils expliquèrent que la lune figurait dans l’organisation du cosmos ce qu’était l’Église dans l’organisation du salut, au sein du cosmos intellectuel et spirituel. […]

L’Église reflète la lumière du Christ !

Pour les Pères, l’application à l’Église de la symbolique de la lune découlait de deux idées principales : d’une part de la correspondance entre la lune et la femme (la mère), d’autre part de l’idée que la lune n’est pas source de lumière, puisqu’elle la reçoit d’Hélios. Sans lui, elle ne serait qu’obscurité ; elle brille, mais sa lumière n’est pas sa lumière, c’est la lumière d’un autre. Elle est lumière et obscurité à la fois. Elle-même n’est qu’obscurité, mais elle dispense une clarté, qui lui vient d’un autre, dont la lumière se propage par son intermédiaire. C’est exactement en cela qu’elle représente l’Église, qui illumine bien qu’elle ne soit elle-même qu’obscurité : elle ne puise pas la lumière en elle-même, mais elle la reçoit du véritable Hélios, le Christ, si bien qu’elle peut, bien qu’elle ne soit elle-même qu’un amas de pierre […], éclairer les ténèbres dans lesquelles nous vivons de par notre éloignement de Dieu – « la lune nous raconte le mystère du Christ » (Saint Ambroise).

 

Cette image patristique affirmant que l’Église est au Christ ce que la lune est au soleil permet de tenir ensemble deux lignes :

– L’Église n’est pas le Christ. 

Elle en dépend tout entière. Elle ne s’annonce pas elle-même. Elle n’a pas pour but de sa croissance, son pouvoir, sa réussite. Elle désire seulement refléter pour tous l’unique lumière qu’est le Christ, telle la lune pour le soleil. Il y a donc une réelle distance entre le Christ et l’Église, aussi grande que celle qui sépare la lune du soleil !

– L’Église est inséparable du Christ.

Elle vit par lui et pour lui. Sans elle, le monde marche dans les ténèbres comme lors des nuits sans lune.

En effet, si l’Église est distincte du Christ, dont elle est un signe, elle n’est pas seulement un signe du salut offert en Jésus-Christ, elle en est également un moyen, un instrument (comme l’écrit Vatican II). C’est toute la différence entre le simple signe et le symbole, dans une approche symbolique de la réalité sacramentelle. Le signe ne fait que désigner un autre que lui-même; le symbole (sacrement) rend présent ce qu’il annonce. C’est dire que l’Église est le signe efficace qui manifeste la présence de Dieu, elle est le symbole réel qui contient et rend présent Celui qu’elle révèle. Celui qu’elle signifie n’est pas séparé d’elle. Elle n’est pas un intermédiaire, mais une médiation dans l’Esprit-Saint, car « la communication du Christ, c’est l’Esprit Saint » [2]. Elle n’est pas simplement l’échafaudage nécessaire dans la construction d’une tour (le Royaume), qu’on enlève une fois la tour terminée parce qu’on n’en a plus besoin; elle est elle-même l’échafaudage et le matériau de la tour encore inachevée. C’est parce qu’elle est sacrement du salut que l’Église est la « société de l’Esprit » (St Augustin).

 

illustration-chr%C3%A9tienne-logo-de-l-%C3%A9glise-la-croix-est-un-symbole-du-salut-monde-bible-dieux-r%C3%A9v%C3%A9l%C3%A9-v%C3%A9rit%C3%A9-261729704 luneJoseph Ratzinger devenu pape reprendra cette double dépendance de l’Église : de Dieu, pour le monde : « elle ne devrait pas se regarder elle-même, mais parler de l’autre, pour l’autre » (16/09/2010). Lumen Gentium opère ainsi un décentrement de l’Église vers Dieu pour caractériser l’identité la plus profonde de l’Église. Gaudium et Spes opérera un décentrement similaire, de l’Église vers les hommes de ce temps, vers le monde à évangéliser.
Vatican II inscrit donc au cœur de l’identité ecclésiale un double exode, une double ex-stase, vers Dieu et vers les hommes. L’Église se reçoit de Dieu dans son être et dans sa mission, avant d’agir, pour et avec les hommes. Elle existe à partir d’un Autre qu’elle-même, et pour le communiquer à d’autres. Une Église qui est appelée à se dépouiller, dans l’humilité et la pauvreté qui sont celles de l’amour trinitaire, afin qu’à travers elle, un Autre se révèle.

Cette vision d’une « Église servante et pauvre » [3], en exode d’elle-même pour un monde lui-même en exode et en attente du retour en Dieu, est l’une des intuitions-clés de Vatican II. Impossible de s’installer dans cette marche au désert ! Cette double pro–existence fait entrer l’Église dans le mouvement eucharistique du Christ lui-même. Le pour Dieu fonde le pour les hommes qui vérifie le sérieux du pour Dieu. Le pour Dieu est le gage d’une fidélité à l’Évangile, d’une parole qui nous est donnée sans nous appartenir. Le pour les hommes est le gage de l’incarnation véritable de cette parole dans l’histoire. Le pour Dieu dit la communion comme visée et comme chemin. Le pour les hommes ancre ce désir de communion dans une transformation véritable de l’histoire humaine. Tenir ce double décentrement, vivre cette double pro–existence est une tension inhérente à la nature de l’Église : « rendre grâce à Dieu » et « vivre en grâce avec nos frères ». Une telle tension empêche de durcir les fausses oppositions entre liturgie et mission, entre Église rassemblée et Église à faire naître, entre visibilité et enfouissement etc…

 

Vatican II exprime ce double lien Christ–Église en termes de sacrement : « L’Église est dans le Christ en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité du genre humain » (LG 1).

Comme la lune renvoie au soleil, l’Église est signe parce qu’elle renvoie à un autre qu’elle-même. Elle en indique la direction, comme le panneau routier fait signe et indique vers où aller.

Comme la lune reflète la lumière du soleil, l’Église est un moyen parce que n’est pas extérieure à la communion d’amour qu’elle annonce : en son sein, chacun peut déjà goûter l’union intime avec Dieu et l’unité fraternelle.

 

Des phases plus ou moins lumineuses

Saint Cyrille d’Alexandrie écrit : « L’Église est auréolée par la lumière divine du Christ, qui est la seule lumière dans le royaume des âmes. Il y a donc une seule lumière : mais dans cette unique lumière, l’Église resplendit aussi, sans pour autant être le Christ lui-même ». L’Église ne peut pas mourir mais elle connaît des phases plus ou moins lumineuses.

Dans les périodes les plus sombres, celles où l’Église, de par son caractère lunaire, semble ne plus beaucoup refléter la lumière du Christ, il est bon de se souvenir de cette symbolique patristique pour ne pas perdre l’espérance et pour demeurer fidèles à ce que l’Église a toujours tenu pour vrai à cause de sa conformité avec l’enseignement du Christ. Si des paroles d’hommes d’Église se détournent du message évangélique, par des interprétations et des adaptations douteuses, elles ne doivent pas être occasion pour nous de tristesse incontrôlée mais invitation à renouveler notre propre vie spirituelle, à demeurer fidèles à ce qui appartient à jamais à la lumière du Christ.

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L’Église est lunatique, c’est-à-dire changeante comme la lune :

– tantôt mouvante comme le dernier quartier de lune, elle semble sur le point de disparaître tellement elle offre peu de surface à la réflexion de l’unique lumière divine.

– tantôt rayonnante comme la pleine lune, elle semble tout baigner de lumière et infuse dans la société des fruits de justice, de bonté, de beauté.

– tantôt renaissante comme le premier quartier de lune, elle émerge d’une période sombre où elle n’était plus que l’ombre d’elle-même, comme si sa face cachée avait tout envahi. Mais le Christ lui donne de se renouveler – grâce notamment aux saints, aux théologiens, aux missionnaires etc. – et un nouvel âge d’or succède à l’éclipse précédente.

 

Joseph Ratzinger poussait la comparaison jusqu’à évoquer l’aridité de l’Église sans le Christ :

Surface-Lunaire Vatican IIL’astronaute ou la sonde lunaire ne découvrent sur la lune qu’un désert, des pierres, du sable et des montagnes, mais aucune source de lumière : la lune n’est en définitive que cela, elle n’est qu’un désert de sable et de pierres. Et pourtant, elle est, non pas en soi, mais parce qu’elle reçoit et réfléchit la lumière, source de lumière et elle le reste à l’époque des voyages dans l’espace. […] 

Alors je pose la question : n’avons-nous pas là une image véritable de l’Église ? Celui qui emprunte la navette spatiale pour faire des prélèvements sur l’Église et l’étudier, ne découvrira que le désert, le sable et les pierres, ne découvrira que l’humanité de l’homme et de son histoire avec ses déserts, sa poussière et ses montagnes. C’est ce qui lui est propre. Mais ce n’est pas ce qui la caractérise. L’essentiel est qu’elle est lumière bien qu’elle ne soit elle-même que sable et pierres, lumière provenant du Seigneur, provenant de l’Autre : ce qui ne lui est pas propre est en réalité véritablement ce qui lui est propre, sa caractéristique particulière, oui, elle trouve son essence dans le fait qu’elle n’a aucune valeur en elle-même, dans le fait que ce qui compte chez elle est précisément ce qu’elle n’est pas, et qu’elle n’existe que pour être dépossédée – qu’elle est source de lumière, alors qu’elle n’est pas lumière et que, de ce fait même, elle est néanmoins lumière. […]

Les astronautes qui posent leur scaphandre sur le sol lunaire ne voient que cailloux, poussière, atmosphère hostile. Ainsi l’Église sous la lunette des sociologues, des historiens, des analystes en tous genres. L’Église n’a pas grand-chose en elle-même pour plaire : son éclat lui vient d’un autre, du Christ, et non de ses trouvailles ou même de son génie. Dans ces périodes pitoyables où elle est défigurée et méconnaissable, l’Église garde pourtant sa beauté secrète : refléter quelque chose de la beauté du Christ, transmettre son Évangile, annoncer un Dieu-Trinité communion d’amour offerte à tous, que les sacrements permettent déjà de goûter. Lorsqu’elle vit de son message, l’Église est lumineuse comme la pleine lune. Lorsqu’elle le contredit en paroles ou en actes, l’Église n’est plus que poussière caillouteuse et inhospitalière. Même là cependant, elle demeure un signe qui indique ‑ faiblement – le Christ, un moyen pour aller vers lui.

 

Pour revenir à notre problématique de départ, le caractère lunaire de l’Église peut désormais nous aider à ne pas désespérer de la voir si affaiblie, ou si laide, ou si froide. Même déformée et obscurcie par elle, la lumière des nations qu’est le Christ continuera à guider notre marche. Voilà pourquoi rester dans l’Église, surtout à ses heures les plus sombres, est vital : déserter serait se condamner soi-même à marcher dans la nuit noire…

______________________________________

[1]. « Pourquoi je suis encore dans l’Église », Joseph Ratzinger, Conférence de Munich, 4 juin 1970, à l’occasion du 60°  anniversaire du concile Vatican II.
[2]. Irénée de Lyon, Adversus Haereses, t.1.III c 24,1.
[3]. L’expression vient de St Augustin, cf. CONGAR Y., Pour une Église servante et pauvre, Cerf, coll. L’Église aux cent visages, Paris, 1963.


Lectures de la mess


Première lecture

« Nous nous tournons vers les nations païennes » (Ac 13, 14.43-52)


Lecture du livre des Actes des Apôtres
En ces jours-là, Paul et Barnabé poursuivirent leur voyage au-delà de Pergé et arrivèrent à Antioche de Pisidie. Le jour du sabbat, ils entrèrent à la synagogue et prirent place. Une fois l’assemblée dispersée, beaucoup de Juifs et de convertis qui adorent le Dieu unique les suivirent. Paul et Barnabé, parlant avec eux, les encourageaient à rester attachés à la grâce de Dieu. Le sabbat suivant, presque toute la ville se rassembla pour entendre la parole du Seigneur. Quand les Juifs virent les foules, ils s’enflammèrent de jalousie ; ils contredisaient les paroles de Paul et l’injuriaient. Paul et Barnabé leur déclarèrent avec assurance : « C’est à vous d’abord qu’il était nécessaire d’adresser la parole de Dieu. Puisque vous la rejetez et que vous-mêmes ne vous jugez pas dignes de la vie éternelle, eh bien ! nous nous tournons vers les nations païennes. C’est le commandement que le Seigneur nous a donné : J’ai fait de toi la lumière des nations pour que, grâce à toi, le salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre. » En entendant cela, les païens étaient dans la joie et rendaient gloire à la parole du Seigneur ; tous ceux qui étaient destinés à la vie éternelle devinrent croyants. Ainsi la parole du Seigneur se répandait dans toute la région. Mais les Juifs provoquèrent l’agitation parmi les femmes de qualité adorant Dieu, et parmi les notables de la cité ; ils se mirent à poursuivre Paul et Barnabé, et les expulsèrent de leur territoire. Ceux-ci secouèrent contre eux la poussière de leurs pieds et se rendirent à Iconium, tandis que les disciples étaient remplis de joie et d’Esprit Saint.


Psaume
(Ps 99 (100), 1-2, 3, 5)
R/ Nous sommes son peuple, son troupeau. ou : Alléluia.
 (cf. Ps 99, 3c)


Acclamez le Seigneur, terre entière,

servez le Seigneur dans l’allégresse,
venez à lui avec des chants de joie !


Reconnaissez que le Seigneur est Dieu :

il nous a faits, et nous sommes à lui,
nous, son peuple, son troupeau.


Oui, le Seigneur est bon,

éternel est son amour,
sa fidélité demeure d’âge en âge.


Deuxième lecture
« L’Agneau sera leur pasteur pour les conduire aux sources des eaux de la vie » (Ap 7, 9.14b-17)


Lecture de l’Apocalypse de saint Jean
Moi, Jean, j’ai vu : et voici une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant le Trône et devant l’Agneau, vêtus de robes blanches, avec des palmes à la main. L’un des Anciens me dit : « Ceux-là viennent de la grande épreuve ; ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies par le sang de l’Agneau. C’est pourquoi ils sont devant le trône de Dieu, et le servent, jour et nuit, dans son sanctuaire. Celui qui siège sur le Trône établira sa demeure chez eux. Ils n’auront plus faim, ils n’auront plus soif, ni le soleil ni la chaleur ne les accablera, puisque l’Agneau qui se tient au milieu du Trône sera leur pasteur pour les conduire aux sources des eaux de la vie. Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux. »


Évangile
« À mes brebis, je donne la vie éternelle » (Jn 10, 27-30)
Alléluia. Alléluia.
 Je suis, le bon Pasteur, dit le Seigneur ; je connais mes brebis et mes brebis me connaissent. Alléluia. (Jn 10, 14)


Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
En ce temps-là, Jésus déclara : « Mes brebis écoutent ma voix ; moi, je les connais, et elles me suivent. Je leur donne la vie éternelle : jamais elles ne périront, et personne ne les arrachera de ma main. Mon Père, qui me les a données, est plus grand que tout, et personne ne peut les arracher de la main du Père. Le Père et moi, nous sommes UN. »
Patrick BRAUD

 

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9 mai 2025

Léon XIV : premiers indices

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 38 min

Léon XIV : premiers indices

Quelques éléments pour commencer à comprendre la personnalité du nouveau pape :

1. Un seul jour de conclave !
Il n’a fallu que 4 scrutins pour choisir le nouveau pape ! Les commentateurs chagrins auraient souhaité que ça traîne, afin de souligner les divisions qui selon eux minent l’Église. Que nenni ! Avec cette élection ultra-rapide, les cardinaux ont voulu souligner l’unité fondamentale de l’Église catholique, à travers toute sa diversité. N’en déplaise aux oiseaux de malheur…

2. Élu le jour de la Victoire
Il est élu le 08/05/2025, soit 80 ans après l’armistice du 8 mai 1945 qui scellait enfin la victoire sur le nazisme. Heureux clin d’œil du calendrier, que le pape a salué par cette conviction : « le mal ne prévaudra pas ». C’est certes un écho de la promesse de Jésus à Pierre (« Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle » Mt 16,18). Mais l’actualité guerrière fait de ce 8 Mai l’annonce et l’espérance d’une victoire sur le mal d’aujourd’hui, victoire à laquelle nous pouvons et devons œuvrer.

3. Un look « best of »
Léon XIV
Moi qui ai vu se succéder tous les papes depuis Jean XXIII, j’ai trouvé que Léon XIV réunissait une sorte de « best of » de certains :
– de Paul VI, il a les petites lunettes et un air d’intellectuel timide, presque froid au début.
- de Jean-Paul Ier, il a le beau sourire qui fait fondre ses interlocuteurs.
– de Jean-Paul II, il a le côté « athlète de Dieu » combatif, dénonçant le mal et travaillant à sa défaite.
– de Benoît XVI, il a sûrement la rigueur théologique et canoniste, enrichie de la rigueur du mathématicien diplômé.
– de François, il a l’humilité, la simplicité, le sens des pauvres. Il a fait applaudir son prédécesseur, et s’inscrit visiblement en continuité avec lui, notamment dans son enseignement social (et sa dénonciation de l’idéologie de Trump ou JD Vance !)

Ce « best of » pourrait bien se révéler un cocktail explosif !


4. Une personnalité inclassable

Le parcours complexe et cosmopolite de ce pape le fait – heureusement ! – échapper à toutes les grilles d’analyse politique ou religieuse en vigueur chez nous. Américain, mais ayant aussi la nationalité péruvienne où il a passé une vingtaine d’années, de père français, de mère italienne, ayant étudié les mathématiques, la philosophie, le Droit canon, la théologie, puis préfet du puissant dicastère des évêques : ce cardinal Prévost (c’est presque un nom ch’ti !) est décidément inclassable, ni conservateur ni progressiste, ni de droite ni de gauche.


5. La paix avant tout

La paix est le premier mot qui lui vient la bouche : « Que la paix soit avec vous tous ! » En liant cette paix à la résurrection du Christ, le pape nous invite à entrer dans la dynamique pascale, qui fait surgir la vie de la mort. Nul doute que tous les conflits armés du monde soient visés par cette déclaration de paix…


6. Un nom-programme

Le nom qu’il s’est choisi est bien sûr tout un programme ! C’est un hommage à Léon XIII, qui fut l’initiateur de la Doctrine Sociale de l’Église, ensemble d’encycliques et de prise de position très structurées sur les questions sociales de chaque époque. On pourrait donc s’attendre à un renouveau de cette Doctrine Sociale, dénonçant aussi bien l’inhumanité du libéralisme que l’erreur anthropologique meurtrière du communisme, et portant une écologie intégrale à la suite du Pape François, réconciliant la défense de la vie – de sa conception à sa mort – et la sauvegarde des écosystèmes. Refuser l’utilitarisme qui réduit les êtres et l’environnement à des ressources jetables après exploitation (François parlait de « la culture du déchet ») est une constante de cette Doctrine Sociale de l’Église.


7. La mosette rouge

Le pape François l’avait abandonnée et ne portait qu’une soutane blanche. Léon XIV a repris l’usage de la mosette, camail en velours rouge traditionnel. Signe qu’il veut s’inscrire dans la Tradition, tant vestimentaire que liturgique. Sa formation en Droit canon le rendra plus attentif que son prédécesseur aux précisions théologiques, disciplinaires et liturgiques à apporter dans ses décisions. Il avait par exemple pris quelques distances avec le flou canonique et disciplinaire du texte de François ouvrant la possibilité de bénir des couples homosexuels.


8. Les latinos

Léon XIV a parlé en italien bien sûr mais également en espagnol, fidèle attestation de son passage au Pérou. Les latinos catholiques ont de plus en plus de poids dans l’Église…


9. Un religieux succède à un religieux

C’est assez rare pour être signalé.
Les religieux font des vœux de pauvreté que ne font pas les diocésains ; ils vivent en communauté ; ils sont souvent missionnaires au loin ou aux marges. Belle reconnaissance de l’importance de la vie religieuse pour l’Église, mais petit signe inquiétant de la dévitalisation du clergé diocésain ?


10. Un augustinien remplace un ignatien

François était jésuite, avec tout ce que cela implique de colonne vertébrale intellectuelle, de spiritualité ignatienne, et de sens tactique. Il y avait adjoint le sens de la pauvreté en se nommant François. Léon XIV est augustinien, il l’a rappelé d’emblée. Or les augustiniens font en plus des trois vœux religieux le vœu de l’humilité. Ce qui explique le côté « timide » de ses apparitions. Mais Augustin est également le géant théologique de la Méditerranée, unissant Carthage et Rome dans la préparation du monde d’après la chute de l’empire dévasté par les barbares…

Cette veine augustinienne va irriguer les textes à venir d’une manière assez différente de ceux de François.


11. Son premier 
« tag cloud »

D’ailleurs, là où les autres papes s’exprimaient au balcon de Saint-Pierre en parlant sans notes, de l’abondance du cœur, Léon XIV a surpris en sortant un texte soigneusement dactylographié et imprimé, fruit d’une pensée précise et articulée [1]. Petit détail significatif…

Passer à la moulinette du « nuage de mots » la première prise de parole si soignée de Léon XIV est révélateur :

Léon XIV

               Nuage de mots du premier discours de Léon XIV


Un des mots les plus employés est le mot paix (9 occurrences). Tous les observateurs ont noté et salué cet accent qui marquera sans aucun doute son pontificat.
Mais ils n’ont pas vu que, à égalité, les mots Dieu–toujours–Église (9 occurrences) et les mots monde-Christ (6 occurrences) viennent ancrer ce discours dans une solide vision théologique : l’Église est de toujours à toujours, dans le Christ, de Dieu pour le monde.
Partir de Dieu redonne la priorité à l’expérience spirituelle ;
dire toujours assume la continuité de toute la Tradition ;
insister sur la vocation de l’Église pour le monde annonce – sinon un recentrement – du moins un souci ecclésial et une pensée ecclésiologique qui étaient peu présents chez François.

 

Mot

Dieu

paix

toujours

Église

monde

Christ

Occurrences

9

9

9

9

6

6


Terminer ce premier discours par un Ave Maria est là aussi traditionnel, trait d’union avec la piété populaire qui rassurera ceux qui s’inquiétaient…


Bref : répétons-le, ce pape-là échappe à nos grilles d’analyse occidentale ! Il conduira l’Église selon ses premiers mots prononcés le jour de la Victoire : paix–Dieu (Christ)–toujours–Église–monde, dans cet ordre…

________________________


[1]
Texte intégral ici :
https://www.vatican.va/content/leo-xiv/fr/messages/urbi/documents/20250508-prima-benedizione-urbietorbi.html

 

NB : Le quotidien La Croix du 09/05/25 listait ainsi ‘les 12 travaux d’Hercule’ qui attendent Léon XIV :

  1. La place des femmes et des laïcs
  2. Éthique sexuelle et familiale : répondre aux attentes opposées des fidèles
  3. Tirer toutes les leçons de la crise des abus
  4. Annoncer l’Évangile à des sociétés sécularisées
  5. Gérer les relations avec Donald Trump et J. D. Vance
  6. Écologie intégrale : réconcilier les combats
  7. Rassurer le monde juif
  8. Redresser les finances vaticanes
  9. Rendre visite aux chrétiens de Chine
  10. Déminer la question liturgique
  11. Renouer le dialogue avec le monde orthodoxe
  12. Soutenir les chrétiens d’Orient

 

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