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9 avril 2011

Une puanteur de 4 jours

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Une puanteur de 4 jours

 

Homélie pour le 5° dimanche de Carême / Année A

Dimanche 10 Avril 2011

 

Flash-post sur le parfum

Dans ce récit de la résurrection de Lazare, Jean a recours à un curieux procédé littéraire, symétrique du flash-back au cinéma. Il fait en quelque sorte une avance sur image, un flash-post et précise que Marie, la soeur de Lazare, versera du  parfum odoriférant lors de l’onction à Béthanie qui débutera la Semaine Sainte de Jésus en Jn 12.

Pourquoi ?

Sans doute à cause de l’odeur du parfum que Marie versera sur les pieds de Jésus. Le contraste entre le nard  précieux et la senteur fétide du cadavre est si fort qu’il ne peut pas ne pas être voulu.

Une puanteur de 4 jours dans Communauté spirituelle- Le corps de Lazare sent la mort.

- Le corps de Jésus sera oint d’un parfum de grand prix.


- Jésus fait ouvrir le tombeau en roulant la pierre, et la puanteur de la décomposition s’échappe au nez de la foule.

- Marthe ouvrira le flacon de parfum, et « toute la pièce en est remplie ».

 

- Lorsque coulent des larmes de Jésus, des témoins de la scène protestent (v37) contre le gaspillage de temps (v6) qui du coup n’a pas empêché Lazare de mourir.

- Judas protestera contre le gaspillage d’argent que représentera le geste de Marie.

 Lazare dans Communauté spirituelle

 

Marie-parfum / Marthe-senteur

Bizarrement, ce flash-post ne mentionne que pour Marie le lien de famille avec Lazare, alors que Marthe est également sa soeur (11,2) ! Le rédacteur signale ainsi que Marie est du côté du parfum de vie, alors que Marthe est liée à l’odeur de mort (v39). Le verset 45 ne mentionne à nouveau Marie comme soeur de Lazare qu’à la fin de l’épisode.

 

Dure discrimination entre Marie et Marthe, que Jésus aime pourtant toutes les deux (v5).

 

Cette différenciation sur l’odeur n’est donc pas anodine : la figure de Marthe ici sert d’avertissement pour tous ceux qui se laisseraient fasciner par le morbide, par ce qui se décompose, par ce qui va du côté de la mort.

Les déclinologues en tout genre se reconnaîtront dans cette figure…

Hélas, cette tendance morbide est toujours à l’oeuvre, individuellement et collectivement.

À l’inverse, la figure de Marie sert d’invitation à dilater le parfum de vie à toutes les pièces de nos existences, jusqu’à les remplir de « la bonne odeur du Christ ».

 

Les quatre jours

Pourquoi alors insister sur le caractère affreux de l’état du cadavre avec la précision des quatre jours ? ! On se croirait à un épisode de la série « Les Experts », qui vont passer le cadavre au crible et faire parler la chair décomposée.

 

v 17 : Jésus, étant arrivé, trouva que Lazare était déjà depuis quatre jours dans le sépulcre.

v 39 : Marthe, la soeur du mort, lui dit: Seigneur, il sent déjà, car il y a quatre jours qu’il est là.

 

Plusieurs hypothèses sont possibles.

- Une croyance populaire de l’époque décrivait l’âme du défunt tournant autour du corps, tant qu’elle peut le reconnaître. Après quatre jours, quand le visage se décompose, l’âme quittait pour toujours ? pensait-on – les alentours de la tombe.

 

- Trois jours, c’est la durée de la résurrection dans l’Ancien Testament comme dans le Nouveau. Après trois jours donc, normalement, « c’est plié », c’est impossible.

 

Mais rien n’est impossible à Dieu !

Même lorsque la mort paraît avoir gagné à ce point, ce n’est pas encore fini. « Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu » là où n’y avait plus d’espoir.

Car lorsqu’il n’y a plus d’espoir humain, il y a encore l’espérance (à la manière de Dieu).

Vous voyez comment il laisse le champ libre à la mort, il donne ses chances au tombeau, il permet à la décomposition de s’exercer, il n’empêche ni la pourriture ni l’odeur infecte. Il accepte que le séjour des morts se saisisse de Lazare, l’engloutisse, le garde prisonnier. Il agit pour que tout espoir humain soit perdu, et que toute la violence de la désespérance terrestre se déchaîne, afin qu’on voie bien que ce qui va se passer est l’oeuvre de Dieu, non de l’homme. Il reste au même endroit à attendre la mort de Lazare jusqu’à ce qu’il puisse l’annoncer lui-même et déclarer qu’il ira vers lui (saint Pierre Chrysologue : sermon LXIII).

 

« Sors ! »

L’ordre du Christ est extraordinairement efficace pour nous sortir de nos « 4 jours », de notre fascination pour les odeurs de mort, de nos reproches envers le silence de Dieu devant notre détresse.

 

« Sors ! » : cet ordre est salutaire.

C’est la voix du Maître, l’ordre du Roi, le commandement du Souverain : « Sors ! » Dépose la corruption et retrouve ta peau dans l’incorruption : « Lazare, sors ! » Que les Juifs sachent que l’heure vient où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront sa voix et vivront : « Sors ! » La pierre d’achoppement est ôtée, avance vers moi qui t’appelle : « Sors ! » Je m’adresse à toi comme un ami, mais je t’ordonne comme un maître : « Sors ! » Moi qui fais lever du tombeau un mort de quatre jours, les Juifs sauront qu’à bien plus forte raison je ressusciterai moi-même après trois jours, si je dois goûter à la mort : « Lazare, sors ! » La mort n’est pas une fin. Sors enveloppé de bandelettes et entouré d’un suaire, que les Juifs ne croient pas ta mort simulée. Ils verront tes mains et tes pieds liés, tes yeux recouverts ; qu’ils ne restent pas incrédules devant ce miracle : « Sors ! » L’odeur fétide de ton corps sera le garant de ce que tu es bien revenu à la vie. Les Juifs délieront eux-mêmes les bandelettes qui t’entourent, et reconnaîtront celui qu’ils avaient déposé dans le tombeau : « Sors ! » Recouvre la vie, reprends haleine et marche hors de ton cercueil. Montre comment, en un instant, les morts se retrouvent avec un corps entièrement animé, au son de l’ultime trompette de la résurrection générale des morts : « Sors ! »(saint André de Crète : Discours VIII sur Lazare le mort de quatre jour).

 

·       Quels sont les tombeaux dans lesquels une partie de nous-mêmes est prisonnière, comme le corps de Lazare enserré de bandelettes ?

Quelles sont nos fascinations pour ce qui se décompose ?

Où aller respirer le parfum de vie de Marie ?

Qu’avons-nous enfoui depuis plus de « 4 jours » ?

Pourquoi ne pas croire que Dieu a le pouvoir en Jésus-Christ de réveiller nos Lazares perdus ?

 

 

Résurrection de Lazare

 

Jean  11  1  Il y avait un homme malade, Lazare, de Béthanie, village de Marie et de Marthe, sa soeur.  2  C’était cette Marie qui oignit de parfum le Seigneur et qui lui essuya les pieds avec ses cheveux, et c’était son frère Lazare qui était malade.  3  Les soeurs envoyèrent dire à Jésus: Seigneur, voici, celui que tu aimes est malade.  4 Après avoir entendu cela, Jésus dit: Cette maladie n’est point à la mort; mais elle est pour la gloire de Dieu, afin que le Fils de Dieu soit glorifié par elle.

  5 Or, Jésus aimait Marthe, et sa soeur, et Lazare.

  6 Lors donc qu’il eut appris que Lazare était malade, il resta deux jours encore dans le lieu où il était,  7 et il dit ensuite aux disciples: Retournons en Judée.  8 Les disciples lui dirent: Rabbi, les Juifs tout récemment cherchaient à te lapider, et tu retournes en Judée!

  9 Jésus répondit: N’y a-t-il pas douze heures au jour? Si quelqu’un marche pendant le jour, il ne bronche point, parce qu’il voit la lumière de ce monde;

  10 mais, si quelqu’un marche pendant la nuit, il bronche, parce que la lumière n’est pas en lui.

  11  Après ces paroles, il leur dit: Lazare, notre ami, dort; mais je vais le réveiller.  12  Les disciples lui dirent: Seigneur, s’il dort, il sera guéri.  13  Jésus avait parlé de sa mort, mais ils crurent qu’il parlait de l’assoupissement du sommeil.  14 Alors Jésus leur dit ouvertement: Lazare est mort.  15 Et, à cause de vous, afin que vous croyiez, je me réjouis de ce que je n’étais pas là. Mais allons vers lui.  16 Sur quoi Thomas, appelé Didyme, dit aux autres disciples: Allons aussi, afin de mourir avec lui.

  17  Jésus, étant arrivé, trouva que Lazare était déjà depuis quatre jours dans le sépulcre.  18 Et, comme Béthanie était près de Jérusalem, à quinze stades environ,  19  beaucoup de Juifs étaient venus vers Marthe et Marie, pour les consoler de la mort de leur frère.  20  Lorsque Marthe apprit que Jésus arrivait, elle alla au-devant de lui, tandis que Marie se tenait assise à la maison.  21  Marthe dit à Jésus: Seigneur, si tu eusses été ici, mon frère ne serait pas mort.  22 Mais, maintenant même, je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l’accordera.  23 Jésus lui dit: Ton frère ressuscitera.  24 Je sais, lui répondit Marthe, qu’il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour.

  25 Jésus lui dit: Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi vivra, quand même il serait mort;

  26 et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela?

  27 Elle lui dit: Oui, Seigneur, je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, qui devait venir dans le monde.

  28  Ayant ainsi parlé, elle s’en alla. Puis elle appela secrètement Marie, sa soeur, et lui dit: Le maître est ici, et il te demande.  29 Dès que Marie eut entendu, elle se leva promptement, et alla vers lui.  30 Car Jésus n’était pas encore entré dans le village, mais il était dans le lieu où Marthe l’avait rencontré.  31  Les Juifs qui étaient avec Marie dans la maison et qui la consolaient, l’ayant vue se lever promptement et sortir, la suivirent, disant: Elle va au sépulcre, pour y pleurer.

  32 Lorsque Marie fut arrivée là où était Jésus, et qu’elle le vit, elle tomba à ses pieds, et lui dit: Seigneur, si tu eusses été ici, mon frère ne serait pas mort.  33   Jésus, la voyant pleurer, elle et les Juifs qui étaient venus avec elle, frémit en son esprit, et fut tout ému.  34 Et il dit: Où l’avez-vous mis? Seigneur, lui répondirent-ils, viens et vois.  35 Jésus pleura.  36 Sur quoi les Juifs dirent: Voyez comme il l’aimait.  37 Et quelques-uns d’entre eux dirent: Lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle, ne pouvait-il pas faire aussi que cet homme ne mourût point?  38  Jésus frémissant de nouveau en lui-même, se rendit au sépulcre. C’était une grotte, et une pierre était placée devant.  39 Jésus dit: Ôtez la pierre. Marthe, la soeur du mort, lui dit: Seigneur, il sent déjà, car il y a quatre jours qu’il est là.  40 Jésus lui dit: Ne t’ai-je pas dit que, si tu crois, tu verras la gloire de Dieu?

  41 Ils ôtèrent donc la pierre. Et Jésus leva les yeux en haut, et dit: Père, je te rends grâces de ce que tu m’as exaucé.

  42  Pour moi, je savais que tu m’exauces toujours; mais j’ai parlé à cause de la foule qui m’entoure, afin qu’ils croient que c’est toi qui m’as envoyé.

  43  Ayant dit cela, il cria d’une voix forte: Lazare, sors!  44 Et le mort sortit, les pieds et les mains liés de bandes, et le visage enveloppé d’un linge. Jésus leur dit: Déliez-le, et laissez-le aller.
Patrick BRAUD

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26 mars 2011

Les trois soifs dont Dieu a soif

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Les trois soifs dont Dieu a soif

Homélie pour le 3° dimanche de Carême / Année A
Dimanche 27 Mars 2011

 

Jésus, épuisé, au puits

Curieuse histoire de puits en effet…

Déjà, il faut être un peu fou dans un pays chaud comme Israël pour marcher sur la route en plein midi *, en plein ?cagnard’. Mais c’est le signe que, en Jésus, Dieu  parcourt nos routes humaines même dans la fournaise la plus intense.

En outre, à midi, il n’y a pas d’ombre, et rien ne fera obstacle à la manifestation de l’identité de Jésus.

Évidemment, dans ces conditions, il n’y a pas grand monde à se risquer sur la route en plein soleil ! Fatigué, Jésus s’assoit au bord d’un puits, présent comme par hasard sur le chemin. Le jeu de mots est facile à faire : Jésus est é-puisé au bord de ce puits. Il se vide de lui-même en parcourant nos routes, car il ne rencontre personne à qui se donner.

 

Les trois soifs dont Dieu a soif dans Communauté spirituelle sama1Personne ? Si : cette Samaritaine qui va au puits toute seule, presque honteusement, à l’écart des autres femmes dont elle endure sans doute le mépris à cause de sa situation conjugale.

Se déroule alors un chassé-croisé évolutif dont l’évangéliste Jean est si expert et si friand dans ses récits :

- « Donne-moi à boire » / « c’est toi qui devrais me demander à boire »

- « ton mari » / les six compagnons

- Jérusalem / Garrizim / « en esprit et en vérité »

- « viens manger » / « ma nourriture est autre »

Le texte va de la soif de Jésus à sa vraie nourriture, en passant par la vérité sur la soif amoureuse de cette femme, sur la soif d’adoration des juifs et des samaritains.

 

Dieu a soif de notre soif

Le thème central de ce récit se situe donc autour de la soif : celle de la femme (soif de se désaltérer, soif d’aimer, soif d’adorer), celle du Christ (soif de pouvoir donner à boire à l’humanité).

De la même manière que Jésus se nourrit de la volonté de son Père, ainsi il se désaltère de la soif des hommes. Ce n’est qu’en rencontrant des êtres assoiffés, des êtres de désir, qu’il peut faire « couler de son sein des fleuves d’eau vive » (Jn 7, 38-39) c’est-à-dire la vie « en Esprit et en vérité ».

Les désirs de l’âme ont devant Dieu un grand prix. Dieu a soif de notre soif. Il semblerait qu’on lui procure un avantage quand on lui demande quelque bien. Il a plus de joie à donner que les autres à recevoir (saint Grégoire de Naziance : Discours XL 27).

 

« J’ai soif », supplie Jésus sur la Croix : cette soif est sans doute le ressort le plus intime de sa passion pour l’homme. Et nous ne lui donnons le plus souvent que du vinaigre…

 

 

Les trois soifs

Les trois soifs qui animent la Samaritaine sont toujours les nôtres.

1. Soif d’être dés-altéré

 amour dans Communauté spirituelleCe qui d’ailleurs est assez bizarre ici, car un puits est plutôt rempli d’eau dormante que d’eau vive ! Sauf à être directement relié à une source qui le traverse…

 

Se désaltérer, c’est être rendu à soi-même (s’altérer = devenir un autre / se dés-altérer = ne plus être un autre) : « il m’a dit tout ce que j’ai fait ».

Cette femme, en buvant les paroles de Jésus, peut enfin être elle-même, assumer son histoire (compliquée !), sans honte ni détour.

Elle est si heureuse de pouvoir enfin être elle-même (sans ombre, en plein midi) qu’elle en devient rayonnante, au point d’intriguer les habitants de sa ville, qui voudront du coup eux aussi s’approcher du puits-Jésus.

 

2. Soif d’aimer et d’être aimé

De façon étonnante, Jésus aide cette femme à être vraie sur sa situation amoureuse, sans pour autant la condamner, ni lui demander de changer quoi que ce soit ! Il ne lui demande pas de revenir à son 1° ou à son 5° mari. Il lui permet simplement d’assumer sa situation actuelle sans peur des avis des autres. Et c’est efficace ! Elle qui venait en catimini à ce puits à une heure où elle serait sûre d’être seule, elle va ensuite inviter tous les habitants de la ville à venir avec elle rencontrer Jésus !

 

La première missionnaire dans l’Évangile de Jean est bien cette femme, peu recommandable, à qui Jésus a donné la capacité d’être elle-même, sans honte.

 

3. Soif d’adorer

 CarêmeCette soif-là nous paraît plus étrangère dans notre culture actuelle. Qui se pose aujourd’hui la question de savoir qui adorer et où ? Jérusalem ou Garrizim, christianisme ou islam, méditation zen ou New Age, la question de l’adoration semble reléguée au mieux dans la sphère privée, au pire dans l’insignifiance.

Et pourtant…

À y regarder de plus près, la question de savoir ce qui est le plus important, ce qui doit passer avant tout le reste, est bien au coeur des inquiétudes modernes. Le marché où les droits de l’homme ? La famille ou la liberté morale ? La sécurité ou la bienveillance ? La croissance économique (au prix de l’énergie nucléaire par exemple) ou bien la sécurité de notre énergie (au risque d’une décroissance difficile à supporter) ?

Un théologien, Paul Tillich, a montré que nos sociétés occidentales n’ont pas supprimé la question de l’absolu – ce devant quoi on se prosterne - mais l’ont déplacé ailleurs (sur d’autres monts Garrizim…). Chacun se prosterne – même sans le savoir - devant des petits dieux qu’il adore à mesure de l’énergie et du temps qu’il met à les poursuivre. Chacun a son « ultimate concern », ce par quoi il se sent absolument concerné, de manière ultime. Que ce soit le football ou l’écran, la famille ou le boulot, le pouvoir ou l’argent, la reconnaissance sociale ou l’engagement altruiste, cet « ultimate concern » désigner de façon concrète ce que chacun adore, même sans le savoir…

 
 

Quelle soif puis-je offrir à celle du Christ ?

 leurreC’est bien l’interrogation devant laquelle ce texte nous place.

Si, en Jésus, Dieu a soif de nos soifs (se désaltérer / aimer / adorer), où en suis-je  de ces trois quêtes fondamentales ?

Nous ne savons pas que s’il nous demande, c’est pour avoir l’occasion de nous donner bien plus largement que tout ce que nous aurons pu faire pour lui (saint Augustin : « Tractatus in Johannis évangelium » XV 12).

 

Si je suis repu au point de ne plus avoir soif, il est temps que ce carême vienne réveiller en moi mes insatisfactions les plus fortes.

Si je m’égare à chercher dans des flaques d’eau dormante et boueuses l’eau vive que le Christ laisse couler de son côté en abondance, il est temps de réorienter mon énergie et mon temps loin de Jérusalem, loin du mont Garrizim, « en Esprit et en vérité ».

 

Prenons le temps cette semaine d’habiter cette question, sans y répondre trop vite :
quelle soif puis-je offrir à celle du Christ ?

 

 

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* la « 6° heure » après le lever du soleil dans le texte, soit midi : 6 est le chiffre de l’incomplétude, comme les 6 jours de la Création non achevés, comme les 6 compagnons de cette femme.

 

 

1ère lecture : Par Moïse, Dieu donne l’eau à son peuple (Ex 17, 3-7) 

Lecture du livre de l’Exode

Les fils d »Israël campaient dans le désert à Rephidim, et le peuple avait soif. Ils récriminèrent contre Moïse : « Pourquoi nous as-tu fait monter d’Égypte ? Etait-ce pour nous faire mourir de soif avec nos fils et nos troupeaux ? »
Moïse cria vers le Seigneur : « Que vais-je faire de ce peuple ? Encore un peu, et ils me lapideront ! »
Le Seigneur dit à Moïse : « Passe devant eux, emmène avec toi plusieurs des anciens d’Israël, prends le bâton avec lequel tu as frappé le Nil, et va !
Moi, je serai là, devant toi, sur le rocher du mont Horeb. Tu frapperas le rocher, il en sortira de l’eau, et le peuple boira ! »
Et Moïse fit ainsi sous les yeux des anciens d’Israël.
Il donna à ce lieu le nom de Massa (c’est-à-dire : Défi) et Mériba (c’est-à-dire : Accusation), parce que les fils d’Israël avaient accusé le Seigneur, et parce qu’ils l’avaient mis au défi, en disant : « Le Seigneur est-il vraiment au milieu de nous, ou bien n’y est-il pas ? »

Psaume : Ps 94, 1-2, 6-7ab, 7d-8a.9 

R/ Aujourd’hui, ne fermons pas notre coeur, mais écoutons la voix du Seigneur !

Venez, crions de joie pour le Seigneur,
acclamons notre Rocher, notre salut !
Allons jusqu’à lui en rendant grâce,
par nos hymnes de fête acclamons-le !

Entrez, inclinez-vous, prosternez-vous,
adorons le Seigneur qui nous a faits. 
Oui, il est notre Dieu ; 
nous sommes le peuple qu’il conduit.

Aujourd’hui écouterez-vous sa parole ?
« Ne fermez pas votre coeur comme au désert,
où vos pères m’ont tenté et provoqué,
et pourtant ils avaient vu mon exploit. »

2ème lecture : L’amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs (Rm 5, 1-2.5-8) 

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Frères,
Dieu a fait de nous des justes par la foi ; nous sommes ainsi en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ, qui nous a donné, par la foi, l’accès au monde de la grâce dans lequel nous sommes établis ; et notre orgueil à nous, c’est d’espérer avoir part à la gloire de Dieu.
Et l’espérance ne trompe pas, puisque l’amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné.
Alors que nous n’étions encore capables de rien, le Christ, au temps fixé par Dieu, est mort pour les coupables que nous étions.
- Accepter de mourir pour un homme juste, c’est déjà difficile ; peut-être donnerait-on sa vie pour un homme de bien.
Or, la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs.

Evangile : La Samaritaine et le don de l’eau vive (Jn 4, 5-42 [lecture brève: 4, 5-15.19b-26.39a.40-42])

 

Acclamation : Gloire au Christ, Sagesse éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur. Le Sauveur du monde, Seigneur, c’est toi ! Donne-nous de l’eau vive, et nous n’aurons plus soif. Gloire au Christ, Sagesse éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur. (cf. Jn 4, 42.15)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

Jésus arrivait à une ville de Samarie, appelée Sykar, près du terrain que Jacob avait donné à son fils Joseph, et où se trouve le puits de Jacob. Jésus, fatigué par la route, s’était assis là, au bord du puits. Il était environ midi.
Arrive une femme de Samarie, qui venait puiser de l’eau.
Jésus lui dit : « Donne-moi à boire. »
(En effet, ses disciples étaient partis à la ville pour acheter de quoi manger.)
La Samaritaine lui dit : « Comment ! Toi qui es Juif, tu me demandes à boire, à moi, une Samaritaine ? » (En effet, les Juifs ne veulent rien avoir en commun avec les Samaritains.)
Jésus lui répondit : « Si tu savais le don de Dieu, si tu connaissais celui qui te dit : ‘Donne-moi à boire’, c’est toi qui lui aurais demandé, et il t’aurait donné de l’eau vive. »
Elle lui dit : « Seigneur, tu n’as rien pour puiser, et le puits est profond ; avec quoi prendrais-tu l’eau vive ? Serais-tu plus grand que notre père Jacob qui nous a donné ce puits, et qui en a bu lui-même, avec ses fils et ses bêtes ? »
Jésus lui répondit : « Tout homme qui boit de cette eau aura encore soif ;
mais celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui source jaillissante pour la vie éternelle. »
La femme lui dit : « Seigneur, donne-la-moi, cette eau : que je n’aie plus soif, et que je n’aie plus à venir ici pour puiser. »
Jésus lui dit : « Va, appelle ton mari, et reviens. »
La femme répliqua : « Je n’ai pas de mari. » Jésus reprit : « Tu as raison de dire que tu n’as pas de mari, car tu en as eu cinq, et celui que tu as maintenant n’est pas ton mari : là, tu dis vrai. »
La femme lui dit : « Seigneur, je le vois, tu es un prophète. Alors, explique-moi : nos pères ont adoré Dieu sur la montagne qui est là, et vous, les Juifs, vous dites que le lieu où il faut l’adorer est à Jérusalem. »
Jésus lui dit : « Femme, crois-moi : l’heure vient où vous n’irez plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem pour adorer le Père.
Vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous adorons, nous, celui que nous connaissons, car le salut vient des Juifs.
Mais l’heure vient – et c’est maintenant – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité : tels sont les adorateurs que recherche le Père.
Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent, c’est en esprit et vérité qu’ils doivent l’adorer. »
La femme lui dit : « Je sais qu’il vient, le Messie, celui qu’on appelle Christ. Quand il viendra, c’est lui qui nous fera connaître toutes choses. »
Jésus lui dit : « Moi qui te parle, je le suis. »
Là-dessus, ses disciples arrivèrent ; ils étaient surpris de le voir parler avec une femme. Pourtant, aucun ne lui dit : « Que demandes-tu ? » ou : « Pourquoi parles-tu avec elle ? »
La femme, laissant là sa cruche, revint à la ville et dit aux gens :
« Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait. Ne serait-il pas le Messie ? »
Ils sortirent de la ville, et ils se dirigeaient vers Jésus.

Pendant ce temps, les disciples l’appelaient : « Rabbi, viens manger. »
Mais il répondit : « Pour moi, j’ai de quoi manger : c’est une nourriture que vous ne connaissez pas. »
Les disciples se demandaient : « Quelqu’un lui aurait-il apporté à manger ? »
Jésus leur dit : « Ma nourriture, c’est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et d’accomplir son oeuvre.
Ne dites-vous pas : ‘Encore quatre mois et ce sera la moisson’ ? Et moi je vous dis : Levez les yeux et regardez les champs qui se dorent pour la moisson.
Dès maintenant, le moissonneur reçoit son salaire : il récolte du fruit pour la vie éternelle, si bien que le semeur se réjouit avec le moissonneur.
Il est bien vrai, le proverbe : ‘L’un sème, l’autre moissonne.’
Je vous ai envoyés moissonner là où vous n’avez pas pris de peine, d’autres ont pris de la peine, et vous, vous profitez de leurs travaux. »

Beaucoup de Samaritains de cette ville crurent en Jésus, à cause des paroles de la femme qui avait rendu ce témoignage : « Il m’a dit tout ce que j’ai fait. »
Lorsqu’ils arrivèrent auprès de lui, ils l’invitèrent à demeurer chez eux. Il y resta deux jours.
Ils furent encore beaucoup plus nombreux à croire à cause de ses propres paroles, et ils disaient à la femme : « Ce n’est plus à cause de ce que tu nous as dit que nous croyons maintenant ; nous l’avons entendu par nous-mêmes, et nous savons que c’est vraiment lui le Sauveur du monde. »
Patrick Braud 

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20 mars 2010

À partir de la fin !

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À partir de la fin !

  • Avez-vous remarqué dans quel ordre Paul parle de la passion de la résurrection ? Pas selon l’ordre normal, mais à partir de la fin : « il s’agit de connaître le Christ, d’éprouver la puissance de sa résurrection et de communier aux souffrances de sa passion ». Autrement dit : c’est seulement la puissance de sa résurrection qui nous donne de traverser nos passions actuelles.

C’est la fin qui éclaire le présent, et non l’inverse !

À partir de la fin ! dans Communauté spirituelle the_flagellation_of_christ C’est en partant de ce qui doit arriver : la résurrection, que nous pouvons déchiffrer le présent. C’est en étant « lancé vers l’avant », « en courant vers le but », que le passé et le présent trouvent leur signification.

  • Cette inversion volontaire de Paul entre passion et résurrection rejoint le thème de l’avenir absolu offert par Dieu dans les autres lectures : « ne vous souvenez plus d’autrefois, ne songez plus au passé. Voici que je fais un monde nouveau » (Isaïe 43).

Et Jésus refusera d’enfermer la femme adultère dans son passé au nom de cet avenir absolu : « je ne te condamne pas : va » (Jn 8).

Dans l’Apocalypse, le ressuscité assumera pleinement en sa personne ce primat de l’avenir qui transforme le présent : « voici que je fais toutes choses nouvelles ». (Apocalypse)

 

C’est donc que nous sommes invités à regarder les êtres et les choses qui nous entourent « à partir de la fin », et non en fonction de leur passé, quel qu’il soit (glorieux ou sombre).

 

Ainsi Jésus regarde cette femme telle qu’elle est, ou plutôt telle qu’elle sera en Dieu : libre et pardonnée. Du coup, même son adultère passé ne peut abîmer sa vocation divine : ce qu’elle est appelée à devenir est plus fort que ce que la vie a fait d’elle jusqu’à présent…

  • C’est parce qu’il les regarde « à partir de la fin », à partir de leur transformation en Dieu à travers la résurrection, que Jésus peut poser sur les pécheurs un regard différent, un regard étonnant qui relève et change tout.

C’est parce qu’il anticipe ce que la puissance de la résurrection peut opérer en chacun que le regard du Christ n’enferme jamais, mais révèle un avenir ouvert, un avenir absolu qui déjà transforme le présent.

Alors Lévy le douanier collaborateur, Zachée le fonctionnaire malhonnête, Marie de Magdala esclave de ses démons, ou même Simon Pierre le lâche, chacun entendra une parole libératrice qui lui vient de devant, du but « auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus » .

 

« Le connaître, lui le Christ, avec la puissance de sa résurrection, et communier aux souffrances de sa passion… » : c’est comme un scaphandre dont il faut s’entourer lorsque l’on plonge en eau profonde. S’il n’y a pas cette armure, cette protection, comment résister aux grandes pressions et à l’asphyxie des profondeurs ?

 

  • Nous voici donc appelé à regarder cette semaine nos proches en famille, nos collaborateurs au travail, nos rencontres habituelles « à partir de la fin ». Même les choses matérielles, replacées ainsi en perspective, en acquièrent une saveur et une texture nouvelle : relativisées, elles deviennent signes du monde nouveau qui est en train de germer…

 

Oubliant le passé, libérés des jugements du présent, replaçons chaque visage en perspective par rapport à son but ultime : partager la résurrection du Christ.

 

Essayez !

Vous ferez alors l’expérience de vous taire souvent, à l’image du Christ silencieux lorsque les accusateurs veulent enfermer cette femme dans son passé.

 

Vous ferez encore l’expérience d’une infinie douceur, celle de Jésus ouvrant délicatement à l’accusée un avenir inouï : « femme, où sont-ils donc, ceux qui t’avait jugé et condamné ? »

 

Vous ferez enfin l’expérience d’une vibrante course, à l’image de Paul : « oubliant ce qui est en arrière, lancé vers l’avant, je cours vers le but pour remporter le prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus ».

 

Oui : cette semaine, regardez les êtres et les choses qui vous environnent « à partir de la fin »?

 

1ère lecture : Promesse du nouvel exode (Is 43, 16-21)

Ainsi parle le Seigneur,lui qui fit une route à travers la mer,un sentier au milieu des eaux puissantes,
lui qui mit en campagne des chars et des chevaux,des troupes et de puissants guerriers ;et les voilà couchés pour ne plus se relever,ils se sont éteints,ils se sont consumés comme une mèche.Le Seigneur dit :
Ne vous souvenez plus d’autrefois,ne songez plus au passé.
Voici que je fais un monde nouveau :il germe déjà, ne le voyez-vous pas ?Oui, je vais faire passer une route dans le désert,des fleuves dans les lieux arides.
Les bêtes sauvages me rendront gloire- les chacals et les autruches -parce que j’aurai fait couler de l’eau dans le désert,des fleuves dans les lieux arides,pour désaltérer le peuple, mon élu.
Ce peuple que j’ai formé pour moiredira ma louange.

 

Psaume : Ps 125, 1-2ab, 2cd-3, 4-5, 6

R/ Le Seigneur a fait merveille : nous voici dans la joie

Quand le Seigneur ramena les captifs à Sion,
nous étions comme en rêve!
Alors notre bouche était pleine de rires,
nous poussions des cris de joie;

Alors on disait parmi les nations :
« Quelles merveilles fait pour eux le Seigneur!»
Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous
nous étions en grande fête!

Ramène, Seigneur, nos captifs,
comme les torrents au désert.
Qui sème dans les larmes
moissonne dans la joie :

Il s’en va, il s’en va en pleurant,
il jette la semence;
il s’en vient, il s’en vient dans la joie,
il rapporte les gerbes.

 

2ème lecture : Renoncer à tout pour être avec le Christ (Ph 3, 8-14)

Frères, tous les avantages que j »avais autrefois, je les considère maintenant comme une perte à cause de ce bien qui dépasse tout : la connaissance du Christ Jésus, mon Seigneur. À cause de lui, j »ai tout perdu ; je considère tout comme des balayures, en vue d »un seul avantage, le Christ, en qui Dieu me reconnaîtra comme juste. Cette justice ne vient pas de moi-même – c’est-à-dire de mon obéissance à la loi de Moïse – mais de la foi au Christ : c’est la justice qui vient de Dieu et qui est fondée sur la foi.
Il s’agit de connaître le Christ, d’éprouver la puissance de sa résurrection et de communier aux souffrances de sa passion, en reproduisant en moi sa mort,
dans l’espoir de parvenir, moi aussi, à ressusciter d’entre les morts.
Certes, je ne suis pas encore arrivé, je ne suis pas encore au bout, mais je poursuis ma course pour saisir tout cela, comme j’ai moi-même été saisi par le Christ Jésus.
Frères, je ne pense pas l’avoir déjà saisi. Une seule chose compte : oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l’avant,
je cours vers le but pour remporter le prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus.

 

Evangile : Jésus et la femme adultère : « Va, et ne pèche plus » (Jn 8, 1-11)

Jésus s’était rendu au mont des Oliviers ; de bon matin, il retourna au Temple. Comme tout le peuple venait à lui, il s’assit et se mit à enseigner.
Les scribes et les pharisiens lui amènent une femme qu’on avait surprise en train de commettre l’adultère. Ils la font avancer,
et disent à Jésus : « Maître, cette femme a été prise en flagrant délit d’adultère.
Or, dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. Et toi, qu’en dis-tu ? »
Ils parlaient ainsi pour le mettre à l’épreuve, afin de pouvoir l’accuser. Mais Jésus s’était baissé et, du doigt, il traçait des traits sur le sol.
Comme on persistait à l’interroger, il se redressa et leur dit : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter la pierre. »
Et il se baissa de nouveau pour tracer des traits sur le sol.
Quant à eux, sur cette réponse, ils s’en allaient l’un après l’autre, en commençant par les plus âgés. Jésus resta seul avec la femme en face de lui.
Il se redressa et lui demanda : « Femme, où sont-il donc ? Alors, personne ne t’a condamnée ? »
Elle répondit : « Personne, Seigneur. » Et Jésus lui dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus.»
Patrick BRAUD 

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