L'homélie du dimanche (prochain)

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20 avril 2025

Un seul cœur, une seule âme

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Un seul cœur, une seule âme

 

Homélie du 2° Dimanche de Pâques / Année C
27/04/25


Cf. également :
 
Croire sans voir : la pédagogie de l’inconditionnel
Quand vaincre c’est croire
Thomas, Didyme, abîme…
L’esprit, l’eau et le sang 
Quel sera votre le livre des signes ?
Lier Pâques et paix
Deux utopies communautaires chrétiennes
Le Passe-murailles de Pâques
Le maillon faible
Que serions-nous sans nos blessures ?
Croire sans voir
Au confluent de trois logiques ecclésiales : la communauté, l’assemblée, le service public
Trois raisons de fêter Pâques
Riches en miséricorde ?


1. La France éparpillée, façon puzzle

« Moi les dingues, j’les soigne, j’m’en vais lui faire une ordonnance, et une sévère, j’vais lui montrer qui c’est Raoul. Aux quatre coins d’Paris qu’on va l’retrouver, éparpillé par petits bouts, façon puzzle… Moi, quand on m’en fait trop, j’correctionne plus, j’dynamite, j’disperse, j’ventile ».

L'Archipel français: Naissance dune nation multiple et diviséeLes cinéphiles auront reconnu une des répliques-cultes ciselées par Michel Audiard dans le film « les Tontons Flingueurs » (1963) ! Eh bien, il faut croire que la France est devenue un peu dingue, plus dingue que Raoul ! En effet, les sociologues et politologues analysant depuis des décennies l’évolution de notre société cumulent des diagnostics de plus en plus inquiétants sur les fractures françaises. Le sentiment d’insécurité culturelle (Laurent Bouvet, 2015) se répand de plus en plus dans certaines catégories populaires ou rurales. C’est un sentiment diffus de dilution de l’identité nationale dans un melting-pot de communautarisme à l’anglo-saxonne. Certaines enclaves paraissent même vivre à l’écart des autres et en dehors du mode de vie traditionnel : ce sont les fameux territoires perdus de la de la république (Georges Bensoussan, 2002).

Cet éparpillement façon puzzle – pour reprendre les mots d’Audiard – conduisent à une dangereuse archipélisation de la France (Jérôme Fourquet, 2019) en de multiples îlots juxtaposés, mais étrangers les uns aux autres. La société française apparaît de plus en plus clivée, où les fractures territoriales, sociales, culturelles, politiques et religieuses s’imbriquent mutuellement. La France périphérique (Christophe Guilluy, 2014) a engendré les manifestations des ‘Gilets jaunes’ en octobre 2018, et continue à dériver loin des métropoles, loin des banlieues et quartiers populaires. Ces oppositions rejoignent les clivages repérés par David Goodhart (The road to somewhere, 2017) entre les Somewhere et les Anywhere, les enracinés et les cosmopolites, les perdants et les gagnants de la mondialisation…

 

Bref : depuis l’effondrement après-guerre de la matrice catholique qui maintenait une certaine unité sociale, la cohésion de la société française est mise à rude épreuve, source de profonds changements à venir, et des violences qui vont avec…

 

2. Un unanimisme de façade ?

Cette archipélisation touche-t-elle l’Église de France ? Les catholiques ne sont-ils pas unis, et ce d’autant plus qu’ils se savent minoritaires ?

La première lecture de ce dimanche (Ac 4,32-35) nous fait rêver. Elle dépeint une communauté chrétienne n’ayant qu’« un seul cœur et une seule âme », partageant ses richesses pour prendre soin des pauvres, rendant témoignage à la résurrection de Jésus « avec grande puissance »… Trop beau pour être vrai ?

Acts 4:33-35 Ananie et SaphireLuc lui-même montre à plusieurs reprises dans les Actes des Apôtres que cette vision de l’Église unie est idyllique. Cela commence tout de suite après le beau tableau précédent avec Ananie et Saphire (Ac 5,1-11) qui trichent dans le partage de leurs biens, ce qui leur vaut une mort symbolique (une excommunication sans doute) par Pierre en personne. Certains dans la communauté avaient donc le cœur trop près du portefeuille ! Visiblement, tous ne jouent pas le jeu de ce communisme ecclésial idéal, et ce dès le début…


Les fractures internes s’aggravent avec les conflits opposant Grecs et Hébreux dans l’Église de Jérusalem : « En ces jours-là, comme le nombre des disciples augmentait, les frères de langue grecque récriminèrent contre ceux de langue hébraïque, parce que les veuves de leur groupe étaient désavantagées dans le service quotidien » (Ac 6,1). Le risque de division est si fort, si grave, qu’on invente alors le ministère diaconal – sous l’inspiration de l’Esprit Saint – pour éviter la rupture (Ac 6,5-6).


Plus tard, un autre conflit opposera les partisans de la circoncision qui veulent l’imposer aux nouveaux baptisés non juifs. Conflit redoublé avec la question des viandes provenant des sacrifices d’animaux faits aux idoles : peut-on les manger ou non ? Il faudra convoquer une assemblée de crise avec tous les courants représentés ; il faudra l’autorité collégiale des Douze, l’autorité singulière que Pierre mettra dans la balance, et la prière et le discernement de tous pour que ce premier concile de Jérusalem apaise quelque peu les tensions (Ac 15).


Le problème n’est pas réglé pour autant, car les judéo-chrétiens continuent de s’attacher aux prescriptions alimentaires et rituelles de la Torah, ce qui les coupent des autres (séparatisme religieux, déjà !). Paul est obligé de tonner contre Pierre en lui reprochant cette complicité avec des pratiques fragmentant la communauté (aujourd’hui, il tournerait contre la cacherout, le halal et autres coutumes séparatistes !) : « Quand Pierre est venu à Antioche, je me suis opposé à lui ouvertement, parce qu’il était dans son tort. En effet, avant l’arrivée de quelques personnes de l’entourage de Jacques, Pierre prenait ses repas avec les fidèles d’origine païenne. Mais après leur arrivée, il prit l’habitude de se retirer et de se tenir à l’écart, par crainte de ceux qui étaient d’origine juive. Tous les autres fidèles d’origine juive jouèrent la même comédie que lui, si bien que Barnabé lui-même se laissa entraîner dans ce jeu. Mais quand je vis que ceux-ci ne marchaient pas droit selon la vérité de l’Évangile, je dis à Pierre devant tout le monde : “Si toi qui es juif, tu vis à la manière des païens et non des Juifs, pourquoi obliges-tu les païens à suivre les coutumes juives ?” » (Ga 2,11-15).

Le même Paul, au caractère visiblement irascible, va se fâcher avec son collègue Barnabé ‑ à cause de Marc –, si bien qu’on faillit en venir aux mains : « L’exaspération devint telle qu’ils se séparèrent l’un de l’autre » (Ac 15,39) ! Même entre apôtres, on peut avoir de telles incompatibilités d’humeur qu’il vaut mieux rester loin l’un de l’autre pour éviter les clashs !

 

Tout cela lézarde significativement le bel unanimisme de façade proclamé dans notre première lecture…

Ces lézardes s’élargiront jusqu’à constituer des gouffres, des schismes, des oppositions meurtrières générant des guerres de religion et massacres en tout genre dans l’histoire des Églises. Le schisme de 1054 entre l’Orient et l’Occident déchire pour longtemps le tissu ecclésial. La réforme de Luther au XVI° siècle a mis l’Europe à feu et à sang. Et depuis, les protestants ne cessent de s’éparpiller façon puzzle : à chaque fois qu’un leader ne pense pas comme les autres, il fonde sa propre Église, à côté. Il existe plus de 45 000 dénominations protestantes dans le monde, d’après le Center for the Study of Global Christianity (ces dénominations incluent des Églises évangéliques, luthériennes, réformées, baptistes, pentecôtistes, adventistes etc.)

 

On voit que le rêve d’être « un seul cœur, une seule âme » s’est évanoui avec les siècles !

 

Le pape François parle de polarisation pour décrire les forces antagonistes et centripètes qui ont malmené l’Église catholique dans la réception du concile Vatican II :

« Le Concile nous rappelle que l’Église, à l’image de la Trinité, est communion (cf. Lumen gentium, n. 4.13). Le diable, au contraire, veut semer l’ivraie de la division. Ne cédons pas à ses flatteries, ne cédons pas à la tentation de la polarisation. Combien de fois, après le Concile, les chrétiens se sont-ils efforcés de choisir un camp dans l’Église, sans se rendre compte qu’ils déchiraient le cœur de leur Mère ! Combien de fois a-t-on préféré être « supporter de son propre groupe » plutôt que serviteurs de tous, progressistes et conservateurs plutôt que frères et sœurs, « de droite » ou « de gauche » plutôt que de Jésus ; s’ériger en « gardiens de la vérité » ou « solistes de la nouveauté », plutôt que de se reconnaître comme enfants humbles et reconnaissants de la Sainte Mère l’Église. Le Seigneur ne nous veut pas ainsi. Tous, nous sommes tous fils de Dieu, tous frères dans l’Église, tous Église, tous. »

Homélie du Pape François pour le 60° anniversaire du Concile Vatican II, 

Basilique Saint-Pierre, Mardi 11 octobre 2022, 

Mémoire de Saint Jean XXIII, Pape.

Un seul cœur, une seule âme dans Communauté spirituelle verresPolaClassiques
Polarisation
est un terme des sciences de l’optique : la lumière blanche du soleil est comme filtrée à travers les verres polarisants, qui ne laissent passer qu’une partie des spectres de cette lumière, en absorbant ou réfléchissant les autres. Une communauté polarisée filtre les lumières qu’elle tire de l’Écriture ou de l’Église, en ne laissant passer que les couleurs qui la conforte dans ses opinions a priori. La polarisation religieuse rejoint ainsi l’enfermement algorithmique par lequel les abonnés des réseaux sociaux ne vont aller regarder que les vidéos qui vont dans leur sens, poussés par les algorithmes qui ont détecté leur préférence.

 

Alors, « un seul cœur et une seule âme » ?

Il se pourrait que le portrait dressé par Luc de la communauté de Jérusalem ne soit pas un reportage journalistique, mais plutôt ce que le sociologue allemand Max Weber appelait un « idéal-type ». Autrement dit un modèle théorique rassemblant des éléments partiellement vécus (ici : l’unité, le partage, l’élan missionnaire) dans une construction « idéale » où s’exprime la vocation de la communauté.

« On obtient un idéal-type en accentuant unilatéralement un ou plusieurs points de vue et en enchaînant une multitude de phénomènes donnés isolément, diffus et discrets, que l’on trouve tantôt en grand nombre, tantôt en petit nombre et par endroits pas du tout, qu’on ordonne selon les précédents points de vue unilatéralement, pour former un tableau de pensée homogène. On ne trouvera nulle part empiriquement un pareil tableau dans sa pureté conceptuelle : il est une utopie. » [1]

 

Par exemple, la visée du partage des richesses pour venir en aide aux pauvres est une caractéristique incontournable pour qu’un groupe se dise Église. Mais les modalités pour la réaliser pourront varier dans le temps. À Antioche, les chrétiens ne pratiquent déjà plus le communisme ecclésial de Jérusalem, mais l’entraide, la solidarité, l’aumône, sans vendre la totalité de leurs biens (Ac 11,29). Et dans les Actes des Apôtres, on voit Paul organiser une collecte pour les pauvres de l’Église de Jérusalem sans demander aux baptisés de se déposséder de tout (Ac 11,30 ; 1Co 16,1-3 ; 2Co 8).

 

Prendre soin des pauvres est essentiel. La manière de le faire variera.

Être unis dans la communauté est au cœur du message du Christ. La manière de vivre cette unité variera.

Rendre témoignage à la Résurrection est capital. Les visages de l’activité missionnaire de l’Église seront multiples et changeants.

 

3. La méthode du « consensus différencié »

En matière d’unité, les chrétiens ont très vite abandonné un modèle unitaire unique. Il y avait dans les cinq premiers siècles une pentarchie, c’est-à-dire une communion entre cinq sièges apostoliques (Jérusalem, Rome, Antioche, Constantinople, Alexandrie) qui chacun avait une primauté et une certaine indépendance. On était alors loin du monolithisme ecclésial ! Cette communion entre différents patriarcats ne s’est pas imposée par pragmatisme, mais sous l’influence de l’Esprit Saint, qui puise au cœur de Dieu une communion trinitaire rejaillissant en communion différenciée au sein des Églises et entre elles.


La doctrine de la justification ; déclaration communeLe mouvement œcuménique né du Congrès des Sociétés missionnaires protestantes d’Édimbourg en 1920 a très vite renoncé à la restauration d’une seule Église, pour promouvoir des liens d’affection, de connaissance et reconnaissance mutuelle, de charité entre toutes les Églises.

Depuis 1937, il existe un dialogue non officiel entre des théologiens catholiques et protestants francophones, fondé par l’abbé Paul Couturier (1881-1953) et quelques pasteurs réformés suisses. En 1942, ce groupe prit le nom de Groupe des Dombes. Il a publié, depuis, un certain nombre de rapports de haute valeur comme « Un seul maître. L’autorité doctrinale dans l’Église » en 2006. La méthode est le « consensus différencié » où chacun expose sa foi dans un souci de spécificité pour « entrer dans le point de vue de son frère, pour le mieux comprendre dans sa cohérence et pour s’en enrichir ».


Le 31 octobre 1999, catholiques et luthériens signaient la Déclaration commune sur la doctrine de la justification, mettant fin au conflit théologique sur le salut qui provoqua la Réforme. Le document précise comment chaque Église comprend le rôle premier de la foi dans le salut offert en Christ, tout en reconnaissant que la compréhension des autres Églises, exprimée en des termes différents, n’est pas incompatible avec la sienne.

Les artisans de la Déclaration commune peuvent se féliciter non seulement d’un geste historique, mais aussi d’avoir démontré la pertinence de la méthode du « consensus différencié ». Elle consiste à chercher et trouver les termes d’un consensus dans les vérités fondamentales, sans interdire que subsistent des différences dans le langage et les accentuations de chaque Église. On pourrait dire que les deux doctrines différentes ‑ catholique et luthérienne – représentent deux perspectives différentes sur le même Évangile. De la même manière que si je regarde la cathédrale de Strasbourg de deux côtés différents, je vois des choses différentes, néanmoins, c’est la même Église. Cette approche implique une compréhension de la vérité qui n’impose pas l’uniformité. Le pasteur André Birmelé aime ainsi parler de « consensus différenciant ». « C’est une manière de bien montrer que la différence fait partie du consensus. Que le consensus est lui-même ouvert à la différence, précise-t-il. Le texte biblique nous montre l’exemple d’un consensus différenciant : Matthieu, Jean ou Paul disent la même vérité en se servant de langages tout à fait différents. »

Cette méthode évite les pièges du relativisme comme du dogmatisme. C’est tout à fait différent d’une compréhension postmoderne qui dirait “tout se vaut”. Accepter les différences nécessite d’abord d’identifier ce qui est commun.

 

Les catholiques auraient intérêt à retrouver pour eux-mêmes la pratique de ce consensus différencié et différenciant !

En paroisse, c’est l’acceptation de pratiques liturgiques autres (répertoire de chants, styles de prière, gestes et expressions de foi etc.) sans imposer un seul style à tous les pratiquants, ni fuir ailleurs dès que quelque chose (ou quelqu’un) ne me convient plus…

Entre Églises, c’est la valorisation du charisme particulier propre à chacune. Les Églises orientales catholiques par exemple nous rappellent que les prêtres et diacres peuvent être mariés, que la vénération de l’icône peut avoir autant d’importance que l’adoration eucharistique etc.

Ce consensus différencié se concentre d’abord sur ce qui est commun, le noyau dur de la foi en quelque sorte, et opère un discernement entre les différents niveaux d’importance et de vérité des pratiques et des croyances de chacun.

 

Ce concept de consensus différencié et différenciant pourrait d’ailleurs être une source d’inspiration en entreprise également : cultiver une vision commune de la raison d’être et des valeurs de l’entreprise, tout en promouvant les initiatives diverses sans les aligner sur un seul modèle hiérarchique.

 

Avoir « un seul cœur, une seule âme » suppose de rester plusieurs ! C’est l’enjeu trinitaire de toute évangélisation : « qu’ils soient un comme nous sommes UN » (Jn 17,22), non pas à la manière des sociétés totalitaires, mais à la manière du Dieu-Trinité, dont l’unité résulte des relations d’amour entre les Trois. Sans cette visée « idéaltypique », malgré nos fractures actuelles, nous manquerions à notre vocation chrétienne : « À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (Jn 13,35). Cette unité de cœur et d’âme n’est pas une construction humaine, mais un don de Dieu, à accueillir activement : « Je leur donnerai un seul cœur, un seul chemin, afin qu’ils me craignent chaque jour, pour leur bonheur et celui de leurs fils après eux » (Jr 32,39). Ézéchiel annonçait cette unité comme le fruit de l’Esprit de Dieu : « Je leur donnerai un même cœur, et je mettrai en vous un esprit nouveau. J’ôterai de leur corps le cœur de pierre, et je leur donnerai un cœur de chair » (Ez 11,19). Et les chroniqueurs de la royauté en Judas attribuent à « la main de Dieu » l’élan enthousiaste qui unissait le peuple dans l’exécution de la parole de YHWH : « Dans Juda aussi la main de Dieu se déploya pour leur donner un même cœur et leur faire exécuter l’ordre du roi et des chefs, selon la parole de YHWH » (2Ch 30,12).

 

Être un seul cœur, une seule âme : aspirer à ce don de Dieu demeure la ligne d’horizon de tout groupe se disant chrétien !

 

4. Thomas, ou l’unité par la foi

 archipel dans Communauté spirituelleRevenons à nos lectures de ce dimanche, en regardant Thomas parmi les Douze (Jn 20, 19-31). Curieusement, il n’était pas avec eux « en ce premier jour de la semaine » ; on dirait aujourd’hui qu’il a séché la messe du dimanche ! Ou plus exactement : il a manqué à l’Église en n’étant pas présent. Or déserter l’assemblée, c’est priver le Corps du Christ d’un de ses membres, irremplaçable. Thomas est le premier d’une longue série d’absences qui fracturent l’unité de l’Église : « Ne désertons pas nos assemblées, comme certains en ont pris l’habitude » (He 10,25). Comme quoi l’absentéisme dominical ne date pas d’aujourd’hui… Or c’est un coup de canif dans la tunique sans couture du Christ qu’est l’Église !

 

Thomas fait l’effort d’être là le dimanche suivant, sans doute intrigué par le récit des autres. C’est la rencontre avec le Ressuscité qui le convertira définitivement à l’unité ecclésiale. En touchant ses plaies, Thomas touchait le Corps du Christ (l’Église) et désormais ne le quittera plus.

Sans cette rencontre pascale, comment aimer l’Église, la pratiquer, vivre en communion avec elle ? C’est bien dans cet ordre que nous devons examiner à frais nouveaux l’absence de tant de baptisés à nos assemblées : non pas d’abord l’impératif moral ou une exigence autoritaire (‘aller à la messe’) mais d’abord une expérience pascale, dont découle l’amour de l’Église, en Église (faire corps avec le Christ, comme Thomas).

 

« Un seul cœur, une seule âme » : nous n’avons pas fini de laisser résonner cet appel de Luc ! Dans nos couples, nos familles, nos entreprises, nos paroisses… : où et comment pourrais-je pratiquer la méthode du consensus différencié pour progresser vers cet horizon de communion ?

__________________________________

[1]. Max Weber, L’objectivité de la connaissance dans les sciences et la politique sociales (1904) in Essais sur la théorie de la science, Paris, Pocket, 1992, p. 181.

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Un seul cœur et une seule âme » (Ac 4, 32-35)

Lecture du livre des Actes des Apôtres
La multitude de ceux qui étaient devenus croyants avait un seul cœur et une seule âme ; et personne ne disait que ses biens lui appartenaient en propre, mais ils avaient tout en commun. C’est avec une grande puissance que les Apôtres rendaient témoignage de la résurrection du Seigneur Jésus, et une grâce abondante reposait sur eux tous. Aucun d’entre eux n’était dans l’indigence, car tous ceux qui étaient propriétaires de domaines ou de maisons les vendaient, et ils apportaient le montant de la vente pour le déposer aux pieds des Apôtres ; puis on le distribuait en fonction des besoins de chacun.

PSAUME
(117 (118), 2-4, 16ab-18, 22-24)
R/ Rendez grâce au Seigneur : Il est bon ! Éternel est son amour ! ou : Alléluia ! (117,1)


Oui, que le dise Israël :
Éternel est son amour !
Que le dise la maison d’Aaron :
Éternel est son amour !


Qu’ils le disent, ceux qui craignent le Seigneur :
Éternel est son amour !
Le bras du Seigneur se lève,
le bras du Seigneur est fort !


Non, je ne mourrai pas, je vivrai
pour annoncer les actions du Seigneur.
Il m’a frappé, le Seigneur, il m’a frappé,
mais sans me livrer à la mort.


La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle :
c’est là l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux.
Voici le jour que fit le Seigneur, qu’il soit pour nous jour de fête et de joie !


DEUXIÈME LECTURE
« Tout être qui est né de Dieu est vainqueur du monde » (1 Jn 5, 1-6)

Lecture de la première lettre de saint Jean
Bien-aimés, celui qui croit que Jésus est le Christ, celui-là est né de Dieu ; celui qui aime le Père qui a engendré aime aussi le Fils qui est né de lui. Voici comment nous reconnaissons que nous aimons les enfants de Dieu : lorsque nous aimons Dieu et que nous accomplissons ses commandements. Car tel est l’amour de Dieu : garder ses commandements ; et ses commandements ne sont pas un fardeau, puisque tout être qui est né de Dieu est vainqueur du monde. Or la victoire remportée sur le monde, c’est notre foi. Qui donc est vainqueur du monde ? N’est-ce pas celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu ?
C’est lui, Jésus Christ, qui est venu par l’eau et par le sang : non pas seulement avec l’eau, mais avec l’eau et avec le sang. Et celui qui rend témoignage, c’est l’Esprit, car l’Esprit est la vérité.


ÉVANGILE
« Huit jours plus tard, Jésus vient » (Jn 20, 19-31)
Alléluia. Alléluia.Thomas, parce que tu m’as vu, tu crois, dit le Seigneur. Heureux ceux qui croient sans avoir vu ! Alléluia. (Jn 20, 29)


Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
C’était après la mort de Jésus. Le soir venu, en ce premier jour de la semaine, alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! » Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur. Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. » Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. »
Or, l’un des Douze, Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), n’était pas avec eux quand Jésus était venu. Les autres disciples lui disaient : « Nous avons vu le Seigneur ! » Mais il leur déclara : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! »
Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vient, alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d’eux. Il dit : « La paix soit avec vous ! » Puis il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant. » Alors Thomas lui dit : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Jésus lui dit : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu ». Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom.
Patrick Braud

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16 avril 2025

Le baptême est notre Pâque

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 20 h 00 min

Le baptême est notre Pâque

 

Homélie pour le Dimanche de Pâques / Année C
20/04/25


Cf. également :

La danse pascale du labyrinthe

Conjuguer Pâques au passif
Incroyable !
La Madeleine de Pâques
Pâques : le Jour du Seigneur, le Seigneur des jours
Pâques : les 4 nuits
Pâques : Courir plus vite que Pierre
Pâques n’est décidément pas une fête sucrée
Comment annoncer l’espérance de Pâques ?
Trois raisons de fêter Pâques
Le courage pascal
La pierre angulaire : bâtir avec les exclus, les rebuts de la société
Faut-il shabbatiser le Dimanche ?


Cyrille, évêque de Jérusalem au IV° siècle, est connu pour ses catéchèses mystagogiques, c’est-dire des catéchèses qui partaient de la célébration des sacrements pour expliquer, après coup, ce qui était en jeu dans les gestes et symboles. Car pour lui, l’expérience prime sur le contenu, l’adhésion personnelle conditionne l’intelligence du cœur. Il célébrait d’abord, et expliquait ensuite.

Nous qui faisons – hélas – souvent l’inverse (expliquer, puis célébrer), méditons avec Cyrille comment la Pâque du Christ est devenue la nôtre, par le baptême, par toutes les Passions qui nous unissent à Lui.

Cyrille s’adresse aux nouveaux baptisés dans les termes suivants :


Vous avez été conduits par la main à la piscine du baptême, comme le Christ est allé de la croix au tombeau qui est devant vous.


On a demandé à chacun s’il croyait au nom du Père et du Fils, et du Saint-Esprit. Vous avez proclamé la confession de foi qui donne le salut et vous avez été plongés trois fois dans l’eau, et ensuite vous en êtes sortis. C’est ainsi que vous avez rappelé symboliquement la sépulture du Christ pendant trois jours.


De même, en effet, que notre Sauveur a passé trois jours et trois nuits au cœur de la terre, c’est ainsi que vous, en sortant de l’eau pour la première fois, vous avez représenté la première journée du Christ dans la terre ; et la nuit, en étant plongés. Celui qui est dans la nuit ne voit plus rien, tandis que celui qui est dans le jour vit dans la lumière. C’est ainsi qu’en étant plongés comme dans la nuit vous ne voyiez rien ; mais en sortant de l’eau vous vous retrouviez comme dans le jour. Dans un même moment vous mouriez et vous naissiez. Cette eau de salut est devenue à la fois votre sépulture et votre mère.


Ce que Salomon dit à un autre sujet pourrait s’appliquer à vous : Il y a un temps pour enfanter, et un temps pour mourir. Mais pour vous c’était l’inverse : un temps pour mourir et un temps pour naître. Un seul temps a produit les deux effets, et votre naissance a coïncidé avec votre mort.


Le baptême est notre Pâque dans Communauté spirituelle tous-deux-dans-l-eau-de-la-piscine-baptismale-installee-dans-le-choeur-de-l-eglise-saint-vallier-a-messigny-et-vantoux-le-pere-oscar-ruiz-baptise-etienne-31-ans-l-un-des-six-adultes-ayant-recu-ce-sacrement-par-immersion-samedi-photo-lbp-s-t-1681060903Chose étrange et incroyable ! Nous n’avons pas été véritablement morts ni véritablement ensevelis, et nous avons ressuscité sans être véritablement crucifiés. Mais si la représentation ne réalise qu’une image, le salut, lui, est véritable.


Le Christ a été réellement crucifié, réellement enseveli, et il a ressuscité véritablement. Et tout ceci nous est accordé par grâce. Unis par la représentation de ses souffrances, c’est en toute vérité que nous gagnons le salut.


Bonté excessive pour les hommes ! Le Christ a reçu les clous dans ses mains toutes pures, et il a souffert ; et moi, qui n’ai connu ni la souffrance ni la peine, il me fait, par pure grâce, participer au salut !


Personne donc ne doit penser que le baptême consiste simplement dans le pardon des péchés et la grâce de la filiation adoptive ; il en était ainsi pour le baptême de Jean, qui ne procurait que le pardon des péchés. Mais nous savons très précisément que notre baptême, s’il est purification des péchés et nous attire le don de l’Esprit Saint, est aussi l’empreinte et l’image de la passion du Christ. C’est pourquoi saint Paul proclamait : Ne le savez-vous pas ? Nous tous, qui avons été baptisés en Jésus Christ, c’est dans sa mort que nous avons été baptisés. Nous avons donc été mis au tombeau avec lui par le baptême.

 

Catéchèse de Jérusalem aux nouveaux baptisés

Baptisés dans la mort et la résurrection du christ

 


Point statistique sur les baptêmes en France


Une hausse des baptêmes d’adultes et d’adolescents

Baptêmes adultes 2016-2025
En deux ans, le nombre de demandes volontaires de baptême a été multiplié par deux : 10 384 en 2025, contre 5 423 en 2023. Une formation pourtant exigeante, qui dure deux ans. Pour l’Église, cet afflux « n’est pas un épiphénomène ». Le nombre de baptêmes catholiques d’adultes en France ne cesse de progresser. En deux ans, il a même doublé. Aux chiffres de cette année s’ajoutent les baptêmes d’adolescents (entre 12 et 18 ans), qui connaissent, eux aussi, une progression spectaculaire : ils étaient 2 953 en 2023, ils seront 7 404 en 2025. En tout, 17 788 adolescents et adultes seront baptisés, à leur demande, dans l’Église catholique cette année.


Le contrepoint du recul des baptêmes d’enfants

Baptêmes enfants 2000-2023
L’autre facteur de fond expliquant cette hausse des baptêmes d’adolescents et d’adultes est celui de la chute, en France, des baptêmes de petits enfants : en l’an 2000, un bébé sur deux était baptisé ; en 2024, seul un sur trois l’est.


MESSE DU JOUR DE PÂQUES

1ère lecture : « Nous avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts » (Ac 10, 34a.37-43)

 Lecture du livre des Actes des Apôtres
En ces jours-là, quand Pierre arriva à Césarée chez un centurion de l’armée romaine, il prit la parole et dit : « Vous savez ce qui s’est passé à travers tout le pays des Juifs, depuis les commencements en Galilée, après le baptême proclamé par Jean : Jésus de Nazareth, Dieu lui a donné l’onction d’Esprit Saint et de puissance. Là où il passait, il faisait le bien et guérissait tous ceux qui étaient sous le pouvoir du diable, car Dieu était avec lui. Et nous, nous sommes témoins de tout ce qu’il a fait dans le pays des Juifs et à Jérusalem. Celui qu’ils ont supprimé en le suspendant au bois du supplice, Dieu l’a ressuscité le troisième jour. Il lui a donné de se manifester, non pas à tout le peuple, mais à des témoins que Dieu avait choisis d’avance, à nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts. Dieu nous a chargés d’annoncer au peuple et de témoigner que lui-même l’a établi Juge des vivants et des morts. C’est à Jésus que tous les prophètes rendent ce témoignage : Quiconque croit en lui reçoit par son nom le pardon de ses péchés.


Psaume : Ps 117 (118), 1.2, 16-17, 22-23
R/ Voici le jour que fit le Seigneur, qu’il soit pour nous jour de fête et de joie ! (Ps 117, 24)


Rendez grâce au Seigneur : Il est bon !
Éternel est son amour !
Oui, que le dise Israël :
Éternel est son amour !


Le bras du Seigneur se lève,
le bras du Seigneur est fort !
Non, je ne mourrai pas, je vivrai,
pour annoncer les actions du Seigneur.


La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs
est devenue la pierre d’angle :
c’est là l’œuvre du Seigneur,
la merveille devant nos yeux.


2ème lecture : « Purifiez-vous des vieux ferments, et vous serez une Pâque nouvelle » (1 Co 5, 6b-8)


Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens
Frères, ne savez-vous pas qu’un peu de levain suffit pour que fermente toute la pâte ? Purifiez-vous donc des vieux ferments, et vous serez une pâte nouvelle, vous qui êtes le pain de la Pâque, celui qui n’a pas fermenté. Car notre agneau pascal a été immolé : c’est le Christ.
Ainsi, célébrons la Fête, non pas avec de vieux ferments, non pas avec ceux de la perversité et du vice, mais avec du pain non fermenté, celui de la droiture et de la vérité.


Séquence :
À la Victime pascale, chrétiens, offrez le sacrifice de louange.
L’Agneau a racheté les brebis ;
le Christ innocent a réconcilié l’homme pécheur avec le Père.
La mort et la vie s’affrontèrent en un duel prodigieux.
Le Maître de la vie mourut ; vivant, il règne.
« Dis-nous, Marie Madeleine, qu’as-tu vu en chemin ? »
« J’ai vu le sépulcre du Christ vivant, j’ai vu la gloire du Ressuscité.
J’ai vu les anges ses témoins, le suaire et les vêtements.
Le Christ, mon espérance, est ressuscité ! Il vous précédera en Galilée. »
Nous le savons : le Christ est vraiment ressuscité des morts.
Roi victorieux, prends-nous tous en pitié !
Amen.


Évangile : « Il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts » (Jn 20, 1-9)
Acclamation : Alléluia. Alléluia.
Notre Pâque immolée, c’est le Christ ! Célébrons la Fête dans le Seigneur ! Alléluia. (cf. 1 Co 5, 7b-8a)


Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin ; c’était encore les ténèbres. Elle s’aperçoit que la pierre a été enlevée du tombeau. Elle court donc trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a déposé. » Pierre partit donc avec l’autre disciple pour se rendre au tombeau. Ils couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau. En se penchant, il s’aperçoit que les linges sont posés à plat ; cependant il n’entre pas. Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour. Il entre dans le tombeau ; il aperçoit les linges, posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à part à sa place. C’est alors qu’entra l’autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit, et il crut. Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas compris que, selon l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts.
Patrick BRAUD

 

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15 avril 2025

Vendredi Saint : Éveille-toi, ô toi qui dors !

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Vendredi Saint : Éveille-toi, ô toi qui dors !

 

Homélie pour le Vendredi Saint / Année C
18/04/25


Cf. également :

Le Vendredi Saint du Serviteur souffrant
Le grand silence du Samedi Saint
Vendredi saint : les soldats, libres d’obéir
Vendredi Saint : la Passion musicale
Comme un agneau conduit à l’abattoir
Vendredi Saint : paroles de crucifié
Vendredi Saint : La vilaine mort du Christ
Vendredi Saint : les morts oubliés
Vendredi Saint : la déréliction de Marie
Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?

 

L’office des Lectures du Samedi Saint nous fait lire chaque année ce jour-là une homélie du IV° siècle attribuée à Saint Épiphane de Salamine (IV° siècle). Elle convient également parfaitement à la lecture de la Passion que nous venons d’entendre en ce Vendredi Saint. Qu’elle nous aide à méditer la promesse qui nous est faite aujourd’hui…


Que se passe-t-il ? Aujourd’hui, grand silence sur la terre ; grand silence et ensuite solitude parce que le Roi sommeille. La terre a tremblé et elle s’est apaisée, parce que Dieu s’est endormi dans la chair et il a éveillé ceux qui dorment depuis les origines. Dieu est mort dans la chair et le séjour des morts s’est mis à trembler. 


Vendredi Saint : Éveille-toi, ô toi qui dors ! dans Communauté spirituelle 91fU2UGKiIL._AC_SL1500_C’est le premier homme qu’il va chercher, comme la brebis perdue. Il veut aussi visiter ceux qui demeurent dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort. Oui. c’est vers Adam captif, en même temps que vers Ève, captive elle aussi, que Dieu se dirige, et son Fils avec lui, pour les délivrer de leurs douleurs. 


Le Seigneur s’est avancé vers eux, muni de la croix, l’arme de sa victoire. Lorsqu’il le vit, Adam, le premier homme, se frappant la poitrine dans sa stupeur, s’écria vers tous les autres : « Mon Seigneur avec nous tous ! » Et le Christ répondit à Adam : « Et avec ton esprit ». Il le prend par la main et le relève en disant : Éveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera.


« C’est moi ton Dieu, qui, pour toi, suis devenu ton fils ; c’est moi qui, pour toi et pour tes descendants, te parle maintenant et qui, par ma puissance, ordonne à ceux qui sont dans les chaînes : Sortez. À ceux qui sont dans les ténèbres : Soyez illuminés. À ceux qui sont endormis : Relevez-vous.


Je te l’ordonne : Éveille-toi, ô toi qui dors, je ne t’ai pas créé pour que tu demeures captif du séjour des morts. Relève-toi d’entre les morts : moi, je suis la vie des morts. Lève-toi, œuvre de mes mains ; lève-toi, mon semblable qui as été créé à mon image. Éveille-toi, sortons d’ici. Car tu es en moi, et moi en toi, nous sommes une seule personne indivisible.

C’est pour toi que moi, ton Dieu, je suis devenu ton fils ; c’est pour toi que moi, le Maître, j’ai pris ta forme d’esclave ; c’est pour toi que moi, qui domine les cieux, je suis venu sur la terre et au-dessous de la terre ; c’est pour toi, l’homme, que je suis devenu comme un homme abandonné, libre entre les morts ; c’est pour toi, qui es sorti du jardin, que j’ai été livré aux Juifs dans un jardin et que j’ai été crucifié dans un jardin.


Vois les crachats sur mon visage ; c’est pour toi que je les ai subis afin de te ramener à ton premier souffle de vie. Vois les soufflets sur mes joues : je les ai subis pour rétablir ta forme défigurée afin de la restaurer à mon image.


Vois la flagellation sur mon dos, que j’ai subie pour éloigner le fardeau de tes péchés qui pesait sur ton dos. Vois mes mains solidement clouées au bois, à cause de toi qui as péché en tendant la main vers le bois. 


Je me suis endormi sur la croix, et la lance a pénétré dans mon côté, à cause de toi qui t’es endormi dans le paradis et, de ton côté, tu as donné naissance à Ève. Mon côté a guéri la douleur de ton côté ; mon sommeil va te tirer du sommeil des enfers. Ma lance a arrêté la lance qui se tournait vers toi.


Lève-toi, partons d’ici. L’ennemi t’a fait sortir de la terre du paradis ; moi je ne t’installerai plus dans le paradis, mais sur un trône céleste. Je t’ai écarté de l’arbre symbolique de la vie ; mais voici que moi, qui suis la vie, je ne fais qu’un avec toi. J’ai posté les chérubins pour qu’ils te gardent comme un serviteur; je fais maintenant que les chérubins t’adorent comme un Dieu. 


Le trône des chérubins est préparé, les porteurs sont alertés, le lit nuptial est dressé, les aliments sont apprêtés, les tentes et les demeures éternelles le sont aussi. Les trésors du bonheur sont ouverts et le royaume des cieux est prêt de toute éternité. »

 

Homélie ancienne pour le grand et Saint Samedi

Éveille-toi, ô toi qui dors !

 

 

 

Lectures de l’Office de la Passion


Première lecture
« C’est à cause de nos fautes qu’il a été broyé » (Is 52, 13 – 53, 12)


Lecture du livre du prophète Isaïe
Mon serviteur réussira, dit le Seigneur ; il montera, il s’élèvera, il sera exalté ! La multitude avait été consternée en le voyant, car il était si défiguré qu’il ne ressemblait plus à un homme ; il n’avait plus l’apparence d’un fils d’homme. Il étonnera de même une multitude de nations ; devant lui les rois resteront bouche bée, car ils verront ce que, jamais, on ne leur avait dit, ils découvriront ce dont ils n’avaient jamais entendu parler.
Qui aurait cru ce que nous avons entendu ? Le bras puissant du Seigneur, à qui s’est-il révélé ? Devant lui, le serviteur a poussé comme une plante chétive, une racine dans une terre aride ; il était sans apparence ni beauté qui attire nos regards, son aspect n’avait rien pour nous plaire. Méprisé, abandonné des hommes, homme de douleurs, familier de la souffrance, il était pareil à celui devant qui on se voile la face ; et nous l’avons méprisé, compté pour rien. En fait, c’étaient nos souffrances qu’il portait, nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous pensions qu’il était frappé, meurtri par Dieu, humilié. Or, c’est à cause de nos révoltes qu’il a été transpercé, à cause de nos fautes qu’il a été broyé. Le châtiment qui nous donne la paix a pesé sur lui : par ses blessures, nous sommes guéris. Nous étions tous errants comme des brebis, chacun suivait son propre chemin. Mais le Seigneur a fait retomber sur lui nos fautes à nous tous.
Maltraité, il s’humilie, il n’ouvre pas la bouche : comme un agneau conduit à l’abattoir, comme une brebis muette devant les tondeurs, il n’ouvre pas la bouche. Arrêté, puis jugé, il a été supprimé. Qui donc s’est inquiété de son sort ? Il a été retranché de la terre des vivants, frappé à mort pour les révoltes de son peuple. On a placé sa tombe avec les méchants, son tombeau avec les riches ; et pourtant il n’avait pas commis de violence, on ne trouvait pas de tromperie dans sa bouche. Broyé par la souffrance, il a plu au Seigneur. S’il remet sa vie en sacrifice de réparation, il verra une descendance, il prolongera ses jours : par lui, ce qui plaît au Seigneur réussira.
Par suite de ses tourments, il verra la lumière, la connaissance le comblera. Le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes, il se chargera de leurs fautes. C’est pourquoi, parmi les grands, je lui donnerai sa part, avec les puissants il partagera le butin, car il s’est dépouillé lui-même jusqu’à la mort, et il a été compté avec les pécheurs, alors qu’il portait le péché des multitudes et qu’il intercédait pour les pécheurs.

Psaume
(30 (31), 2ab.6, 12, 13-14ad, 15-16, 17.25)
R/ Ô Père, en tes mains je remets mon esprit.
 (cf. Lc 23, 46)

En toi, Seigneur, j’ai mon refuge ;
garde-moi d’être humilié pour toujours.
En tes mains je remets mon esprit ;
tu me rachètes, Seigneur, Dieu de vérité.

Je suis la risée de mes adversaires
et même de mes voisins ;
je fais peur à mes amis,
s’ils me voient dans la rue, ils me fuient.

On m’ignore comme un mort oublié,
comme une chose qu’on jette.
J’entends les calomnies de la foule :
ils s’accordent pour m’ôter la vie.

Moi, je suis sûr de toi, Seigneur,
je dis : « Tu es mon Dieu ! »
Mes jours sont dans ta main : délivre-moi
des mains hostiles qui s’acharnent.

Sur ton serviteur, que s’illumine ta face ;
sauve-moi par ton amour.
Soyez forts, prenez courage,
vous tous qui espérez le Seigneur !

Deuxième lecture
Il apprit l’obéissance et il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel (He 4, 14-16 ; 5, 7-9)


Lecture de la lettre aux Hébreux
Frères, en Jésus, le Fils de Dieu, nous avons le grand prêtre par excellence, celui qui a traversé les cieux ; tenons donc ferme l’affirmation de notre foi. En effet, nous n’avons pas un grand prêtre incapable de compatir à nos faiblesses, mais un grand prêtre éprouvé en toutes choses, à notre ressemblance, excepté le péché. Avançons-nous donc avec assurance vers le Trône de la grâce, pour obtenir miséricorde et recevoir, en temps voulu, la grâce de son secours. Le Christ, pendant les jours de sa vie dans la chair, offrit, avec un grand cri et dans les larmes, des prières et des supplications à Dieu qui pouvait le sauver de la mort, et il fut exaucé en raison de son grand respect. Bien qu’il soit le Fils, il apprit par ses souffrances l’obéissance et, conduit à sa perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel.


Évangile
Passion de notre Seigneur Jésus Christ (Jn 18, 1 – 19, 42)
Le Christ s’est anéanti, prenant la condition de serviteur.

Pour nous, le Christ est devenu obéissant, jusqu’à la mort, et la mort de la croix.
C’est pourquoi Dieu l’a exalté : il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom.
Le Christ s’est anéanti, prenant la condition de serviteur. (cf. Ph 2, 8-9)


La Passion de notre Seigneur Jésus Christ selon saint Jean
Indications pour la lecture dialoguée : les sigles désignant les divers interlocuteurs sont les suivants :
X = Jésus ; L = Lecteur ; D = Disciples et amis ; F = Foule ; A = Autres personnages.


L. En ce temps-là, après le repas, Jésus sortit avec ses disciples et traversa le torrent du Cédron ; il y avait là un jardin, dans lequel il entra avec ses disciples. Judas, qui le livrait, connaissait l’endroit, lui aussi, car Jésus et ses disciples s’y étaient souvent réunis. Judas, avec un détachement de soldats ainsi que des gardes envoyés par les grands prêtres et les pharisiens, arrive à cet endroit. Ils avaient des lanternes, des torches et des armes. Alors Jésus, sachant tout ce qui allait lui arriver, s’avança et leur dit : X « Qui cherchez-vous? » L. Ils lui répondirent : F. « Jésus le Nazaréen. » L. Il leur dit : X « C’est moi, je le suis. » L. Judas, qui le livrait, se tenait avec eux. Quand Jésus leur répondit : « C’est moi, je le suis », ils reculèrent, et ils tombèrent à terre. Il leur demanda de nouveau : X « Qui cherchez-vous? » L. Ils dirent : F. « Jésus le Nazaréen. » L. Jésus répondit : X « Je vous l’ai dit : c’est moi, je le suis. Si c’est bien moi que vous cherchez, ceux-là, laissez-les partir. » L. Ainsi s’accomplissait la parole qu’il avait dite : « Je n’ai perdu aucun de ceux que tu m’as donnés. » Or Simon-Pierre avait une épée ; il la tira, frappa le serviteur du grand prêtre et lui coupa l’oreille droite. Le nom de ce serviteur était Malcus. Jésus dit à Pierre : X « Remets ton épée au fourreau. La coupe que m’a donnée le Père, vais-je refuser de la boire ? » L. Alors la troupe, le commandant et les gardes juifs se saisirent de Jésus et le ligotèrent. Ils l’emmenèrent d’abord chez Hanne, beau-père de Caïphe, qui était grand prêtre cette année-là. Caïphe était celui qui avait donné aux Juifs ce conseil : « Il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple. » Or Simon-Pierre, ainsi qu’un autre disciple, suivait Jésus. Comme ce disciple était connu du grand prêtre, il entra avec Jésus dans le palais du grand prêtre. Pierre se tenait près de la porte, dehors. Alors l’autre disciple – celui qui était connu du grand prêtre – sortit, dit un mot à la servante qui gardait la porte, et fit entrer Pierre. Cette jeune servante dit alors à Pierre : A. « N’es-tu pas, toi aussi, l’un des disciples de cet homme ? » L. Il répondit : D. « Non, je ne le suis pas ! » L. Les serviteurs et les gardes se tenaient là ; comme il faisait froid, ils avaient fait un feu de braise pour se réchauffer. Pierre était avec eux, en train de se chauffer. Le grand prêtre interrogea Jésus sur ses disciples et sur son enseignement. Jésus lui répondit : X « Moi, j’ai parlé au monde ouvertement. J’ai toujours enseigné à la synagogue et dans le Temple, là où tous les Juifs se réunissent, et je n’ai jamais parlé en cachette. Pourquoi m’interroges-tu ? Ce que je leur ai dit, demande-le à ceux qui m’ont entendu. Eux savent ce que j’ai dit. » L. À ces mots, un des gardes, qui était à côté de Jésus, lui donna une gifle en disant : A. « C’est ainsi que tu réponds au grand prêtre ! » L. Jésus lui répliqua : X « Si j’ai mal parlé, montre ce que j’ai dit de mal. Mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? » L. Hanne l’envoya, toujours ligoté, au grand prêtre Caïphe. Simon-Pierre était donc en train de se chauffer. On lui dit : A. « N’es-tu pas, toi aussi, l’un de ses disciples ? » L. Pierre le nia et dit : D. « Non, je ne le suis pas ! » L. Un des serviteurs du grand prêtre, parent de celui à qui Pierre avait coupé l’oreille, insista : A. « Est-ce que moi, je ne t’ai pas vu dans le jardin avec lui ? » L. Encore une fois, Pierre le nia. Et aussitôt un coq chanta. Alors on emmène Jésus de chez Caïphe au Prétoire. C’était le matin. Ceux qui l’avaient amené n’entrèrent pas dans le Prétoire, pour éviter une souillure et pouvoir manger l’agneau pascal. Pilate sortit donc à leur rencontre et demanda : A. « Quelle accusation portez-vous contre cet homme ? » L. Ils lui répondirent : F. « S’il n’était pas un malfaiteur, nous ne t’aurions pas livré cet homme. » L. Pilate leur dit : A. « Prenez-le vous-mêmes et jugez-le suivant votre loi. » L. Les Juifs lui dirent : F. « Nous n’avons pas le droit de mettre quelqu’un à mort. » L. Ainsi s’accomplissait la parole que Jésus avait dite pour signifier de quel genre de mort il allait mourir. Alors Pilate rentra dans le Prétoire ; il appela Jésus et lui dit : A. « Es-tu le roi des Juifs ? » L. Jésus lui demanda : X « Dis-tu cela de toi-même, Ou bien d’autres te l’ont dit à mon sujet ? » L. Pilate répondit : A. « Est-ce que je suis juif, moi ? Ta nation et les grands prêtres t’ont livré à moi : qu’as-tu donc fait ? » L. Jésus déclara : X « Ma royauté n’est pas de ce monde ; si ma royauté était de ce monde, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. En fait, ma royauté n’est pas d’ici. » L. Pilate lui dit : A. « Alors, tu es roi ? » L. Jésus répondit : X « C’est toi-même qui dis que je suis roi. Moi, je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix. » L. Pilate lui dit : A. « Qu’est-ce que la vérité ? » L. Ayant dit cela, il sortit de nouveau à la rencontre des Juifs, et il leur déclara : A. « Moi, je ne trouve en lui aucun motif de condamnation. Mais, chez vous, c’est la coutume que je vous relâche quelqu’un pour la Pâque : voulez-vous donc que je vous relâche le roi des Juifs ? » L. Alors ils répliquèrent en criant : F. « Pas lui ! Mais Barabbas ! » L. Or ce Barabbas était un bandit. Alors Pilate fit saisir Jésus pour qu’il soit flagellé. Les soldats tressèrent avec des épines une couronne qu’ils lui posèrent sur la tête ; puis ils le revêtirent d’un manteau pourpre. Ils s’avançaient vers lui et ils disaient : F. « Salut à toi, roi des Juifs ! » L. Et ils le giflaient. Pilate, de nouveau, sortit dehors et leur dit : A. « Voyez, je vous l’amène dehors pour que vous sachiez que je ne trouve en lui aucun motif de condamnation. » L. Jésus donc sortit dehors, portant la couronne d’épines et le manteau pourpre. Et Pilate leur déclara : A. « Voici l’homme. » L. Quand ils le virent, les grands prêtres et les gardes se mirent à crier : F. « Crucifie-le! Crucifie-le! » L. Pilate leur dit : A. « Prenez-le vous-mêmes, et crucifiez-le ; moi, je ne trouve en lui aucun motif de condamnation. » L. Ils lui répondirent : F. « Nous avons une Loi, et suivant la Loi il doit mourir, parce qu’il s’est fait Fils de Dieu. » L. Quand Pilate entendit ces paroles, il redoubla de crainte. Il rentra dans le Prétoire, et dit à Jésus : A. « D’où es-tu? » L. Jésus ne lui fit aucune réponse. Pilate lui dit alors : A. « Tu refuses de me parler, à moi ? Ne sais-tu pas que j’ai pouvoir de te relâcher, et pouvoir de te crucifier ? » L. Jésus répondit : X « Tu n’aurais aucun pouvoir sur moi si tu ne l’avais reçu d’en haut ; c’est pourquoi celui qui m’a livré à toi porte un péché plus grand. » L. Dès lors, Pilate cherchait à le relâcher ; mais des Juifs se mirent à crier : F. « Si tu le relâches, tu n’es pas un ami de l’empereur. Quiconque se fait roi s’oppose à l’empereur. » L. En entendant ces paroles, Pilate amena Jésus au-dehors; il le fit asseoir sur une estrade au lieu dit le Dallage – en hébreu : Gabbatha. C’était le jour de la Préparation de la Pâque, vers la sixième heure, environ midi. Pilate dit aux Juifs : A. « Voici votre roi. » L. Alors ils crièrent : F. « À mort ! À mort ! Crucifie-le ! » L. Pilate leur dit : A. « Vais-je crucifier votre roi ? » L. Les grands prêtres répondirent : F. « Nous n’avons pas d’autre roi que l’empereur. » L. Alors, il leur livra Jésus pour qu’il soit crucifié. Ils se saisirent de Jésus. Et lui-même, portant sa croix, sortit en direction du lieu dit Le Crâne (ou Calvaire), qui se dit en hébreu Golgotha. C’est là qu’ils le crucifièrent, et deux autres avec lui, un de chaque côté, et Jésus au milieu. Pilate avait rédigé un écriteau qu’il fit placer sur la croix ; il était écrit : « Jésus le Nazaréen, roi des Juifs. » Beaucoup de Juifs lurent cet écriteau, parce que l’endroit où l’on avait crucifié Jésus était proche de la ville, et que c’était écrit en hébreu, en latin et en grec. Alors les grands prêtres des Juifs dirent à Pilate : F. « N’écris pas : “Roi des Juifs” ; mais : “Cet homme a dit : Je suis le roi des Juifs.” » L. Pilate répondit : A. « Ce que j’ai écrit, je l’ai écrit. » L. Quand les soldats eurent crucifié Jésus, ils prirent ses habits ; ils en firent quatre parts, une pour chaque soldat. Ils prirent aussi la tunique ; c’était une tunique sans couture, tissée tout d’une pièce de haut en bas. Alors ils se dirent entre eux : A. « Ne la déchirons pas, désignons par le sort celui qui l’aura. » L. Ainsi s’accomplissait la parole de l’Écriture : Ils se sont partagé mes habits ; ils ont tiré au sort mon vêtement. C’est bien ce que firent les soldats. Or, près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la sœur de sa mère, Marie, femme de Cléophas, et Marie Madeleine. Jésus, voyant sa mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : X « Femme, voici ton fils. » L. Puis il dit au disciple : X « Voici ta mère. » L. Et à partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui. Après cela, sachant que tout, désormais, était achevé pour que l’Écriture s’accomplisse jusqu’au bout, Jésus dit : X « J’ai soif. » L. Il y avait là un récipient plein d’une boisson vinaigrée. On fixa donc une éponge remplie de ce vinaigre à une branche d’hysope, et on l’approcha de sa bouche. Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit : X « Tout est accompli. » L. Puis, inclinant la tête, il remit l’esprit. (Ici on fléchit le genou, et on s’arrête un instant.) Comme c’était le jour de la Préparation (c’est-à-dire le vendredi), il ne fallait pas laisser les corps en croix durant le sabbat, d’autant plus que ce sabbat était le grand jour de la Pâque. Aussi les Juifs demandèrent à Pilate qu’on enlève les corps après leur avoir brisé les jambes. Les soldats allèrent donc briser les jambes du premier, puis de l’autre homme crucifié avec Jésus. Quand ils arrivèrent à Jésus, voyant qu’il était déjà mort, ils ne lui brisèrent pas les jambes, mais un des soldats avec sa lance lui perça le côté ; et aussitôt, il en sortit du sang et de l’eau. Celui qui a vu rend témoignage, et son témoignage est véridique ; et celui-là sait qu’il dit vrai afin que vous aussi, vous croyiez. Cela, en effet, arriva pour que s’accomplisse l’Écriture : Aucun de ses os ne sera brisé. Un autre passage de l’Écriture dit encore : Ils lèveront les yeux vers celui qu’ils ont transpercé. Après cela, Joseph d’Arimathie, qui était disciple de Jésus, mais en secret par crainte des Juifs, demanda à Pilate de pouvoir enlever le corps de Jésus. Et Pilate le permit. Joseph vint donc enlever le corps de Jésus. Nicodème – celui qui, au début, était venu trouver Jésus pendant la nuit – vint lui aussi ; il apportait un mélange de myrrhe et d’aloès pesant environ cent livres. Ils prirent donc le corps de Jésus, qu’ils lièrent de linges, en employant les aromates selon la coutume juive d’ensevelir les morts. À l’endroit où Jésus avait été crucifié, il y avait un jardin et, dans ce jardin, un tombeau neuf dans lequel on n’avait encore déposé personne. À cause de la Préparation de la Pâque juive, et comme ce tombeau était proche, c’est là qu’ils déposèrent Jésus.

Patrick BRAUD

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30 mars 2025

Le doigt de Dieu

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Le doigt de Dieu

 

Homélie pour le 5° Dimanche de Carême / Année C
06/04/25


Cf. également :

Une spiritualité zéro déchet
La première pierre
Lapider : oui, mais qui ?
L’adultère, la Loi et nous
L’oubli est le pivot du bonheur
Le Capharnaüm de la mémoire : droit à l’oubli, devoir d’oubli
Comme l’oued au désert
Jésus face à la violence mimétique
Les sans-dents, pierre angulaire
Lapidation : le retour !

 

1. Rendre le mal éphémère

Le doigt de Dieu dans Communauté spirituelle Pierre-sableDeux amis marchaient dans le désert. À un moment donné, ils se disputèrent et l’un des deux donna une gifle à l’autre. Ce dernier, endolori mais sans rien dire, écrivit dans le sable : « Aujourd’hui mon meilleur ami m’a donné une gifle ».

Ils continuèrent de marcher, puis trouvèrent une oasis, dans laquelle ils décidèrent de se baigner. Mais celui qui avait été giflé manqua de se noyer et son compagnon le sauva. Quand il eut recouvré ses esprits, il écrivit sur une pierre : « Aujourd’hui mon meilleur ami m’a sauvé la vie ». 

Celui qui avait donné la gifle et avait sauvé son camarade lui demanda : 

- « Quand je t’ai blessé, tu as écrit sur le sable et maintenant tu écris sur la pierre. Pourquoi ? » Son ami lui répondit : 

- « Quand quelqu’un nous blesse, nous devons l’écrire dans le sable, où les vents du pardon peuvent l’effacer. Mais quand quelqu’un nous fait du bien, nous devons le graver dans la pierre, où aucun vent ne peut l’effacer ».

 

Cette vieille parabole de Lao Tseu semble rejoindre le sens global de notre évangile dit « de la femme adultère » (Jn 8,1-11) de ce dimanche. Jésus écrit quelque chose sur le sable, et au IV° siècle saint Jérôme imaginait contre Pélage que c’était les péchés de la femme que Jésus écrivait ainsi, afin que le vent les disperse et les efface pour toujours. 

Pourquoi pas ? C’est bien la miséricorde que le Christ est venu annoncer. Contre Pélage qui voulait faire son salut à la force du poignet, par les mérites et les vertus, Jérôme lisait dans le pardon accordé à la femme adultère la gratuité absolue du salut offert en Jésus.

 

Rendre le mal éphémère en pratiquant l’oubli des offenses : avouons que ce n’est guère à la mode en notre époque de judiciarisation forcenée (MeToo, CPI, Conseil constitutionnel, nouveaux crimes et délits etc.), qui favorise paradoxalement le retour de la loi du plus fort (Poutine, Trump, Xi Jinping, Kim Jong-un …) au mépris du droit. On peut tout à fait suivre Jérôme en interprétant le pardon accordé à la femme adultère comme un droit à l’oubli que Dieu nous octroie, sans conditions.

 

Le texte biblique est cependant plus complexe que cette seule interprétation (déjà révolutionnaire !).
Car on ne sait pas vraiment ce que Jésus écrivait.
Et il écrivait sur la terre, pas sur le sable ; et pas une fois, mais deux fois. 

Comment comprendre ce double geste étrange ?

 

2. Name and shame

 adultère dans Communauté spirituelleComme toujours, une allusion à l’Écriture vient éclairer le geste de Jésus. Il s’agit du seul passage de l’Ancien Testament qui fasse explicitement référence au fait d’écrire sur le sol : « Seigneur, espoir d’Israël, tous ceux qui t’abandonnent seront couverts de honte ; ils seront inscrits sur la terre, ceux qui se détournent de toi, car ils ont abandonné le Seigneur, la source d’eau vive » (Jr 17,13). Selon ce passage, on verrait plutôt Jésus écrire les noms des accusateurs, ces hommes endurcis qui instrumentalisent la Loi pour garder leur pouvoir de domination (sur les femmes ici), préférant ainsi l’eau croupie (la lettre de la Loi) à la source d’eau vive (l’Esprit de Jésus). Un peu à la manière de Wikileaks, Jésus écrivant sur le sol dit aux accusateurs : ‘J’ai une fiche et des documents sur chacun de vous. Votre dossier est rempli de turpitudes. Je suis prêt à le rendre public si vous persévérez à vouloir lapider cette femme’.

Processus un peu terroriste ! Mais la peur n’est-elle pas le commencement de la sagesse (Pr 9,10 ; Ps 111,10) ? Si ces ‘fous de la Loi’ n’entendent rien à la miséricorde, ils seront peut-être sensibles à la menace ! Aujourd’hui, les campagnes de Name and shame prennent  le relais de cette pression exercée par Jésus. En dévoilant médiatiquement le nom des entreprises qui ont des pratiques économiques, éthiques ou écologiques peu reluisantes, on les force à changer d’attitude, sous peine de boycott des consommateurs et des clients. Malin ! « Soyez intelligents comme des serpents » (Mt 10,16) avait conseillé Jésus à ses disciples, en leur demandant d’être plus habiles que les fils de ce monde (Lc 16,8). Et c’est efficace : le boycott de Tesla a déjà coûté des milliards de dollars à Elon Musk !  [1]


Menacer de Name and shame (et de boycott) est encore aujourd’hui un moyen évangélique, non-violent, de lutter contre l’impunité des méchants, en dévoilant publiquement leurs contradictions, leurs crimes.

À l’inverse, Jésus invite ses disciples à se réjouir de ce que leurs noms sont écrits (ἐγγράφω, engrafō) dans les cieux (Lc 10,20) : c’est donc qu’il y a une manière divine d‘écrire  les noms humains pour les graver à jamais en lui.
Name and rejoice en quelque sorte, au lieu de Name and shame
Ce que nous pouvons faire nous aussi avec ceux que nous aimons à jamais.
À la manière du grand-prêtre qui portait sur sa poitrine les noms des douze tribus d’Israël : « Les pierres étaient aux noms des fils d’Israël ; comme leurs noms, elles étaient douze, écrites (gravées) dans la pierre à la manière d’un sceau ; chacune portait le nom de l’une des douze tribus » (Ex 39,14).
À la manière également de Paul qui chérit les communautés qu’il a engendrées, et les compare à une lettre écrite par le Christ dans le cœur des fidèles : « Notre lettre de recommandation, c’est vous, elle est écrite dans nos cœurs, et tout le monde peut en avoir connaissance et la lire. De toute évidence, vous êtes cette lettre du Christ, produite par notre ministère, écrite non pas avec de l’encre, mais avec l’Esprit du Dieu vivant, non pas, comme la Loi, sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair, sur vos cœurs » (2Co 3,2-3).
Nos noms sont inscrits dans les cieux, gravés sur le pectoral du Grand-Prêtre, écrits en nos cœurs par l’Esprit du Dieu vivant, formant en nous une lettre de chair au lieu de la Loi de pierre…
À la fin des temps, nous auront la surprise de découvrir notre vrai nom écrit sue la caillou que Dieu remettra en chacun en signe de sa véritable identité divine : « Au vainqueur je donnerai de la manne cachée, je lui donnerai un caillou blanc, et, écrit sur ce caillou, un nom nouveau que nul ne sait, sauf celui qui le reçoit » (Ap 2,17).
Pour la Bible, écrire le nom de quelqu’un sur la pierre, dans les cieux, dans les cœurs ou sur la terre – comme Jésus pourrait l’avoir fait face à ses accusateurs –  est donc lourd de sens !

3. Le doigt de Dieu

Moïse reçoit les Tables de la Loi de Dieu sur le mont SinaïUne autre particularité de ce texte est le fameux doigt avec le Christ écrit sur le sol. Et seulement la première fois, pas la seconde… Comment ne pas y voir une référence explicite à l’écriture des tables de la Loi au Sinaï ?

Le verbe « lapider » (lithazein Jn 8,5) et le substantif « pierre » (lithos Jn 8,7), qui en grec sont de même racine, font référence au même matériau que celui des « tables de pierre » (plakes lithinai) décrites dans l’Exode. La première fois, Moïse reçoit sur le Sinaï deux tables de pierre écrites par Dieu lui-même, « avec son doigt » (Ex 32,1-35). Mythe fondateur de l’origine transcendante de la Loi juive (un peu comme le mythe de Gabriel censé révéler le Coran à Mohamed). Mais après l’idolâtrie du veau d’or, Moïse brise ces deux premières tables, de colère. Il est obligé de monter à nouveau au Sinaï pour en obtenir deux autres. Seulement, cette fois-ci, le texte ne dit pas que ces tables soient écrites du doigt de Dieu. C’est simplement Moïse qui les réécrit sur la pierre.


Le parallèle avec la femme adultère est frappant : le peuple a commis un adultère en trompant YHWH avec le veau d’or, ce qui oblige Moïse à réécrire la Loi pour tenir compte de leur infidélité. Jésus rappelle aux accusateurs qu’ils sont adultères, comme cette femme, lorsqu’ils instrumentalisent la Loi en idolâtrant la lettre de la Loi (lapider l’adultère) au lieu d’en suivre l’Esprit (pardonner aux pécheurs). Il réécrit alors la Loi (deuxième geste d’écriture), comme Moïse, en évitant de la figer dans une interprétation fixiste, intégriste (d’où l’écriture « sur la terre »).

 

Les rabbins aujourd’hui encore se souviennent des deux Tables brisées écrites par le doigt de Dieu : elles représentent pour eux la Torah orale, celle qui n’est pas dans les textes, mais dans l’interprétation, dans la tradition orale, qui n’est jamais figée une fois pour toutes dans la pierre, car sans cesse façonnée et renouvelée par l’intelligence spirituelle. Les multiples commentaires de la Torah (Talmud, Michna, Guémara, Zohar, Kabbale etc.) témoignent de cette interprétation infinie qui invite les juifs à « lire aux éclats » selon la belle formule de Marc Alain Ouaknin.

Les chrétiens prolongent cette exégèse en voyant dans l’Esprit Saint la « seconde Loi »  communiquée par Jésus. C’est l’Esprit qui fait vivre (cf. le Credo) la lettre gravée dans le texte. C’est l’Esprit qui peut tirer sans cesse du neuf à partir de l’ancien. C’est lui qui met le vin nouveau dans des outres neuves.

 

 doigtEn se penchant vers la terre, Jésus ne fait pas seulement un geste d’humilité (s’abaisser). Par ce geste, il montre que la Loi nouvelle n’est pas en surplomb, et n’est pas faite pour humilier. Il dessine par ce geste le parcours même de son Incarnation, de sa kénose : se baisser à terre jusqu’à rejoindre l’humanité dans son péché. Plus encore, il a été pour nous « identifié au péché » (2Co 5,21) afin d’offrir aux pécheurs leur salut. 


D’ailleurs, le récit identifie Jésus et la femme adultère.
- Dans la première partie tous deux se trouvent coincés : la femme est déjà inculpée d’adultère (8,4-5), et contre Jésus les accusateurs cherchent une raison pour l’
« accuser » (8,6). L’Apocalypse de Jean utilisera ce terme d’accusateur pour désigner Satan lui-même : « Maintenant voici le salut, la puissance et le règne de notre Dieu, voici le pouvoir de son Christ ! Car il est rejeté, l’accusateur de nos frères, lui qui les accusait, jour et nuit, devant notre Dieu » (Ap 12,10). Voilà les ‘fous de la Loi’ ramenés au rang de Satan (« Vous, vous êtes du diable, c’est lui votre père » Jn 8,44) ! …

- Dans la dernière partie, Jésus et la femme sont tous deux libérés : il n’est personne pour condamner la femme (8,11) et pour l’instant Jésus est « laissé seul » et en paix, après le départ silencieux des accusateurs (8,9). 

Voilà pourquoi Jésus s’identifie sans peine à la femme adultère, lui qui n’a jamais commis de péché. Jésus subira même plusieurs tentatives de lapidation (Jn 8,59 ; 10,31 ; 11,8).

Il « mime » son incarnation en se mettant en-dessous de la pécheresse, pour la sauver. Le grain de blé tombé en terre porte ainsi beaucoup de fruit (Jn 12,24).

 

La première fois qu’il écrit sur la terre, Jésus s’ancre dans la révélation faite à Moïse : le doigt de Dieu écrit la Loi de salut pour ceux qui l’accueillent. Jésus a déjà expérimenté cette équivalence lorsqu’il libérait les possédés de leur aliénation : « En revanche, si c’est par le doigt de Dieu que j’expulse les démons, c’est donc que le règne de Dieu est venu jusqu’à vous » (Lc 11,20). Alors que les spécialistes des textes de la Torah – eux – ne veulent même pas pratiquer ce qu’ils enseignent : « Vous aussi, les docteurs de la Loi, malheureux êtes-vous, parce que vous chargez les gens de fardeaux impossibles à porter, et vous-mêmes, vous ne touchez même pas ces fardeaux d’un seul doigt » (Lc 11,46). 

Tout cela est donc bien une affaire de doigté

 

LE FESTIN DE BALTHAZARDans l’Ancien Testament, le seul passage où l’on parle de doigt [2] qui écrive – hors Sinaï – est le fameux banquet royal ou le prophète Daniel déchiffre pour le roi de Babylone (Balthazar) les inscriptions mystérieuses inscrites par « les doigts d’une main d’homme » (mais le message vient de YHWH) sur le mur de la salle du festin, et cela dans un contexte d’idolâtrie (qui fait penser à l’adultère d’Israël) : « Après avoir bu, ils entonnèrent la louange de leurs dieux d’or et d’argent, de bronze et de fer, de bois et de pierre. Soudain on vit apparaître, en face du candélabre, les doigts d’une main d’homme qui se mirent à écrire sur la paroi de la salle du banquet royal. Lorsque le roi vit cette main qui écrivait, il changea de couleur, son esprit se troubla, il fut pris de tremblement, et ses genoux s’entrechoquèrent » (Dn 5,4–6). Les doigts écrivent ici un message d’avertissement salutaire, ou funeste si on l’ignore (Balthazar sera tué lors de la prise de Babylone par les Perses). 

Jésus dénonce l’idolâtrie des ‘fous de la Loi’ voulant lapider les pécheurs au nom de la Loi. Comme Daniel avec Balthazar, son écriture sur la terre est un avertissement : ‘changez votre rapport à la Loi, sinon c’est vous qui périrez !’

 

En point d’orgue de ce développement sur le doigt de Dieu, rappelons que c’est bien ainsi que la liturgie catholique appelle l’Esprit Saint dans le Veni Creator ! 

Donne-nous les sept dons de ton amour,
Toi le doigt qui œuvres au Nom du Père 

  (digitus paternae dexterae : le doigt de la droite du Père),
Toi dont il nous promit le règne et la venue,
Toi qui inspires nos langues pour chanter.

Car c’est bien l’Esprit divin qui communique à l’Église son pouvoir de remettre les péchés, grâce au souffle reçu par les apôtres de la bouche-même du Christ au soir de sa résurrection…

 

L’Esprit est la ‘deuxième Loi’ communiquée par Jésus, et cette Loi n’est pas écrite sur la pierre mais sur la terre, afin que sans cesse le vent de l’Esprit la modèle, la façonne et la renouvelle…

 

4. La nouvelle Suzanne au bain

 lapidationL’exégèse du récit n’est pas pour autant épuisée par cette piste du doigt de Dieu ! Car un autre récit de l’Ancien Testament est singulièrement comparable : le fameux épisode de Suzanne au bain, échappant au viol de deux vieillards, mais accusée par eux en représailles. À tel point que l’air de famille entre les deux donne matière à réfléchir. Les ressemblances sont en effet nombreuses. Les deux femmes sont accusées par les chefs spirituels du peuple (Dn 13,41 et Jn 8,3), qui sont présentés d’une manière très négative (voir Jn 8,6) ; enfin toutes deux sont sauvées, grâce à la sagesse d’un homme de Dieu (Daniel / Jésus).


On sait qu’il faut deux témoins au minimum pour porter une accusation ou un plaidoyer devant un tribunal juif (Dt 19,15 ; Jn 8,17 ; 2Co 13,1 ; Ap 11,3). Les deux vieillards témoins contre Suzanne sont aussi véreux que les docteurs de la Loi traînant la femme adultère en comparution immédiate devant Jésus. Leur accusation ne tient pas la route. Pire, elle se retourne contre eux, qui sont en réalité les vrais coupables. Il n’en reste pas un seul à la fin ! Jésus crée une situation dans laquelle il n’y a pas deux témoins pour attester contre la femme, ce qui serait requis par la Loi pour que quelqu’un soit mis à mort. Donc même ainsi, en évitant le piège, il demeure fidèle à la Loi de Moïse. Autrement dit, il violerait la Loi s’il prenait une pierre et la lapidait avec seulement une personne. Ce serait enfreindre la Loi : il faut deux témoins publics pour attester. Si l’on veut un parallèle, souvenons-nous du procès devant le sanhédrin : ils essaient de trouver deux témoignages sur le fait que Jésus aurait dit vouloir détruire le Temple (Mt 26,60-61), car ils ne peuvent le condamner à mort sans au moins deux personnes prêtes à attester publiquement d’un crime. Et c’est ce qui ne se passe pas ici pour cette femme. Il peut donc lui dire : « moi non plus, je ne te condamne pas ».

 

La femme adultère n’est pas innocente comme Suzanne, mais – comme Suzanne – elle dévoile l’iniquité de ceux qui se servent de la Loi pour leurs intérêts. Jésus est le nouveau Daniel qui, prophétiquement, dévoile la perversité de ceux qui veulent la mort du pécheur (pécheresse).

 

Révéler la malice des accusateurs : telle est bien ici la vocation prophétique de Daniel et de Jésus, qui devient la nôtre par le baptême…

 

5. La main de justice

140px-Hand_of_justice_Louvre_MS85 loiAllez ! Encore une dernière pour la route : il se peut que cet épisode de la femme adultère ait une fécondité sociale inattendue dans l’histoire de France ! En effet, nous avons tous en tête une image de notre manuel scolaire d’histoire où l’on voit saint Louis (Louis IX) rendre la justice sous un chêne à Vincennes. Mais, contrairement à la gravure d’Épinal de nos manuels, le roi n’était en réalité pas assis sur un trône, en majesté. La bulle Gloria et laus du pape Boniface VIII canonisant Louis IX précise que Sa Majesté rendait souvent la justice en s’asseyant à même le sol, par terre, sous un chêne à Vincennes. Cette scène du roi rendant justice humblement, sans trône ni faste, est restée célèbre. Elle illustre son souci de proximité avec ses sujets et son engagement en faveur d’une justice équitable et accessible à tous. Comment ne pas y voir un écho du geste de Jésus se penchant à terre, assis à même le sol, pour écrire la nouvelle justice du royaume de Dieu ? D’autant plus que Louis IX a innové en faisant en sorte que la justice royale supplante celle des barons et des seigneurs locaux, empêtrés dans leurs conflits d’intérêts. Il est même allé jusqu’à autoriser à porter plainte contre les abus de l’administration royale, un peu comme Jésus se plaint de la Loi au nom de la Loi… Il généralisa la procédure d’appel à la justice royale et desserra  l’étau féodal au double profit des individus et de l’État. De fait, son désir de justice a contribué à affermir l’État comme représentant de la volonté générale, ce qui permet de comprendre que la III° République – ‘la laïque’ de Jules Ferry – ait pu se reconnaître en lui.


Cette justice royale est symbolisée par un bâton de bois surmonté d’une main d’ivoire avec trois doigts ouverts, le pouce symbolisant le Roi, l’index, la raison et le majeur la charité, c’est la main de justice, une variante du sceptre, reçue comme lui au moment du sacre. La main de justice est apparue pour la première fois lors du sacre du jeune Louis IX en 1226. Il jura de faire régner la paix, la justice et d’être miséricordieux. Le symbole a été repris par Napoléon qui fit réaliser pour son sacre une main de justice incorporant l’anneau du trésor de Saint Denis. Elle se trouve aujourd’hui au Louvre.

 

Cette main de justice, avec ses doigts prêts à écrire, fait furieusement penser à la main de justice de Jésus tendant le doigt pour écrire sur la terre la nouvelle justice de son royaume, faite de droiture, de pardon et d’amour inconditionnel.

Ah, si la justice des hommes pouvait s’inspirer du récit de la femme adultère ! La main de justice de saint Louis devrait orner nos tribunaux et guider nos délibérations…

 

Ces quelques pistes d’interprétation ne sont pas exhaustives : il y en a bien d’autres ! Que celles-là nous encouragent à discerner ce que le doigt de Dieu écrit dans notre histoire personnelle et collective…

 

_________________________

[1] La part de marché de Tesla dans les voitures électriques est tombée à 9,6 %, au premier trimestre 2025 contre 21,6 % l’année précédente. Sur le marché global de l’automobile européenne, Tesla ne pèse désormais plus que 1,8 %.

[2] Un autre passage y fait allusion, à propos des prodiges accomplis par le bâton de Moïse : « Les magiciens dirent alors à Pharaon : “C’est le doigt de Dieu !” Mais Pharaon s’obstina ; il n’écouta pas Moïse et Aaron, ainsi que l’avait annoncé le Seigneur » (Ex 8,15). Luc y fait sans doute référence en Lc 11,20 : « Si c’est par le doigt de Dieu que j’expulse les démons, c’est donc que le règne de Dieu est venu jusqu’à vous ».

 

 

Lectures de la messe

Première lecture

« Voici que je fais une chose nouvelle, je vais désaltérer mon peuple » (Is 43, 16-21)


Lecture du livre du prophète Isaïe
Ainsi parle le Seigneur, lui qui fit un chemin dans la mer, un sentier dans les eaux puissantes, lui qui mit en campagne des chars et des chevaux, des troupes et de puissants guerriers ; les voilà tous couchés pour ne plus se relever, ils se sont éteints, consumés comme une mèche. Le Seigneur dit : « Ne faites plus mémoire des événements passés, ne songez plus aux choses d’autrefois. Voici que je fais une chose nouvelle : elle germe déjà, ne la voyez-vous pas ? Oui, je vais faire passer un chemin dans le désert, des fleuves dans les lieux arides. Les bêtes sauvages me rendront gloire – les chacals et les autruches – parce que j’aurai fait couler de l’eau dans le désert, des fleuves dans les lieux arides, pour désaltérer mon peuple, celui que j’ai choisi. Ce peuple que je me suis façonné redira ma louange. »

Psaume
(Ps 125 (126), 1-2ab, 2cd-3, 4-5, 6)
R/ Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous : nous étions en grande fête !
 (Ps 125, 3)

Quand le Seigneur ramena les captifs à Sion,
nous étions comme en rêve !
Alors notre bouche était pleine de rires,
nous poussions des cris de joie.

Alors on disait parmi les nations :
« Quelles merveilles fait pour eux le Seigneur ! »
Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous :
nous étions en grande fête !

Ramène, Seigneur, nos captifs,
comme les torrents au désert.
Qui sème dans les larmes
moissonne dans la joie.

Il s’en va, il s’en va en pleurant,
il jette la semence ;
il s’en vient, il s’en vient dans la joie,
il rapporte les gerbes.

Deuxième lecture
« À cause du Christ, j’ai tout perdu, en devenant semblable à lui dans sa mort » (Ph 3, 8-14)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Philippiens
Frères, tous les avantages que j’avais autrefois, je les considère comme une perte à cause de ce bien qui dépasse tout : la connaissance du Christ Jésus, mon Seigneur. À cause de lui, j’ai tout perdu ; je considère tout comme des ordures, afin de gagner un seul avantage, le Christ, et, en lui, d’être reconnu juste, non pas de la justice venant de la Loi de Moïse mais de celle qui vient de la foi au Christ, la justice venant de Dieu, qui est fondée sur la foi. Il s’agit pour moi de connaître le Christ, d’éprouver la puissance de sa résurrection et de communier aux souffrances de sa Passion, en devenant semblable à lui dans sa mort, avec l’espoir de parvenir à la résurrection d’entre les morts. Certes, je n’ai pas encore obtenu cela, je n’ai pas encore atteint la perfection, mais je poursuis ma course pour tâcher de saisir, puisque j’ai moi-même été saisi par le Christ Jésus. Frères, quant à moi, je ne pense pas avoir déjà saisi cela. Une seule chose compte : oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l’avant, je cours vers le but en vue du prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus.

Évangile
« Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à jeter une pierre » (Jn 8, 1-11)
Gloire à toi, Seigneur.
 Gloire à toi. Maintenant, dit le Seigneur, revenez à moi de tout votre cœur, car je suis tendre et miséricordieux. Gloire à toi, Seigneur. Gloire à toi. (cf. Jl 2, 12b.13c)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
En ce temps-là, Jésus s’en alla au mont des Oliviers. Dès l’aurore, il retourna au Temple. Comme tout le peuple venait à lui, il s’assit et se mit à enseigner. Les scribes et les pharisiens lui amènent une femme qu’on avait surprise en situation d’adultère. Ils la mettent au milieu, et disent à Jésus : « Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère. Or, dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. Et toi, que dis-tu ? » Ils parlaient ainsi pour le mettre à l’épreuve, afin de pouvoir l’accuser. Mais Jésus s’était baissé et, du doigt, il écrivait sur la terre. Comme on persistait à l’interroger, il se redressa et leur dit : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre. » Il se baissa de nouveau et il écrivait sur la terre. Eux, après avoir entendu cela, s’en allaient un par un, en commençant par les plus âgés. Jésus resta seul avec la femme toujours là au milieu. Il se redressa et lui demanda : « Femme, où sont-ils donc ? Personne ne t’a condamnée ? » Elle répondit : « Personne, Seigneur. » Et Jésus lui dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. »
Patrick BRAUD

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