L'homélie du dimanche (prochain)

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27 novembre 2010

La limaille et l’aimant

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La limaille et l’aimant


Homélie du 1° dimanche de l’Avent / Année A

Dimanche 28 Novembre 2010

Systèmes d’alarme

Voilà un évangile qui devrait faire la fortune des entreprises commercialisant des systèmes d’alarme ! Pensez donc : au lieu de veiller toute la nuit pour guetter un éventuel cambrioleur, il suffit de brancher l’alarme ! Elle veillera à votre place…

 

- S’endormir sur sa maison en croyant qu’il n’y a rien à craindre, c’est déjà risqué : le voleur peut en « percer le mur » pendant ces périodes d’inattention où on relâche sa surveillance.

- S’endormir sur son travail, en croyant qu’il assure automatiquement le salut, est tout aussi risqué. Même ceux qui partagent le même travail ne peuvent être sûrs de leur avenir : « Deux hommes seront aux champs : l’un est pris, l’autre laissé. Deux femmes seront au moulin : l’une est prise, l’autre laissée… »

- Mais s’endormir en déléguant sa responsabilité propre à d’autres, qui plus est à des systèmes mécaniques non humains, impersonnels, voilà qui expose à des pertes graves et sévères ! La crise financière a pour sa part mis en évidence le danger de ces mécanismes automatisés censés remplacer la décision humaine. Nul logiciel, même le plus performant, ne peut se substituer au discernement humain. Nulle alarme électronique ne peut se substituer à la vigilance humaine. Même les caméras de vidéosurveillance ne peuvent éliminer le besoin de garder un oeil humain sur les personnes et sur les choses. S’en remettre aveuglément à une justice automatique, à une police électronique, ou à un fonctionnement mécanique des marchés financiers, c’est finalement abdiquer de sa responsabilité unique.

« À cette époque, avant le déluge, on mangeait, on buvait, on se mariait, jusqu’au jour où Noé entra dans l’arche… » : saisissante description de la folie immobilière des années de 2000-08, et de la spéculation qui l’a noyée dans des outils financiers éblouissants (titrisation…), aveuglants, anesthésiants.

 

- Personne ne peut veiller à ma place.

Combien plus encore lorsqu’il s’agit d’attendre la « venue » (« l’Avent » en latin ad-ventus) du Fils de l’Homme ! « Vous ne connaissez ni le jour ni l’heure… »

Ce n’est pas notre mort individuelle à chacun de nous que Jésus évoque ici : c’est la résurrection générale, « à la fin des temps ». C’est le fameux jugement dernier peint par Bosch ou Bruegel ou Van Eyck, parce qu’il fascinait et orientait l’histoire collective des XIV° et XV° siècles. C’est la fameuse Parousie (venue du Christ au terme de l’histoire) qui revient comme un leitmotiv obsédant sur les façades de nos églises et cathédrales romanes. Car les XI° et XII° siècles eux aussi été tendus vers l’accomplissement de l’histoire, orientés et façonnés par cette attente de la plénitude pour tous et pour tous.

  La limaille et l'aimant dans Communauté spirituelle 9978923

 

L’assoupissement occidental

Force est de constater que cette attente s’est quasiment absentée de notre époque  moderne.

Qui aujourd’hui se passionne pour un au-delà de l’histoire ?

Qui attend plus qu’un bien-être pour cette vie-ci ?

Qui est prêt à tout miser sur un avenir collectif au-delà de son destin individuel ?

 

Même la mort physique individuelle ne semble guère réveiller les vieux pays d’Europe, assoupis dans leur quête de bien-être dans le travail, dans le couple, la santé, la retraite, la vie longue sans trop de problèmes…

 

Un récent sondage [1] montre que les Français souhaitent le plus possible éviter cette question de la mort.

71 % préfèrent ne pas y penser. Ils préfèrent profiter de la vie au maximum (48 %), et craignent la maladie plus que la mort (54 %). Un tiers d’entre eux pense que si on remplit bien sa vie, la mort n’est plus à craindre (30 %), c’est-à-dire que cette existence se suffit à elle-même si elle est « remplie ». Seule faille dans cet épicurisme généralisé : 90 % pensent qu’il est pire de perdre ses proches que de mourir soi-même. Si la « mort de soi » est une non-question, la « mort de toi » (l’être aimé) révèle quelque chose d’une aspiration et d’une interrogation fondamentales. Mais 39 % pensent qu’il est peu probable qu’il y ait quelque chose après la mort… 

Étrange  assoupissement occidental : la mort disparaît du champ social. On la cache, on la marginalise. On doit l’oublier très vite. S’interroger sur un au-delà devient hors champ, absurde, ou folklorique. Comment dès lors réveiller l’attente d’un accomplissement ultime, saisissant tout et tous ? Si même la mort ne peut faire sortir de la torpeur « d’avant Noé »  (« on mangeait, on buvait, on se mariait… on ne se doutait de rien »), comment dès lors allumer l’étincelle du désir eschatologique ?

Faudra-t-il un événement de l’ordre du déluge auquel seul le vigilant Noé a pu échapper ?

Faudra-t-il un cambriolage, personnel ou collectif, sous une forme ou sous une autre, pour ouvrir les yeux sur la vanité de nos murs censés nous protéger de tout ?

 

Une limaille sous influence

Prenez un tas de limaille de fer.

Si vous l’empilez en une masse brute, laissé à lui-même, il restera informe, sans autre but que lui-même. Si vous placez au-dessus de lui, à l’extérieur, un puissant aimant, vous verrez se dessiner des lignes de force ; vous verrez la limaille s’organiser, s’orienter, se dresser, s’élancer, répondre à l’appel d’attraction que cet aimant, même invisible, exerce sur chaque brin de fer…

La venue du Christ à la fin des temps est cet Aimant, qui attire en aimant et aime en attirant.

« Élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes » (Jn 12,32) …

Cette venue organise et ordonne secrètement l’histoire vers son achèvement. À condition que la limaille ne perde pas sa capacité magnétique, elle pourra se laisser orienter vers Celui qui aimante ainsi notre aventure, jusqu’à sa venue.

 

Allez donc contempler à nouveau les tableaux de Bosch, Bruegel ou Van Eyck.

Allez déchiffrer à nouveau les parousies sculptées sur les tympans de nos cathédrales !

 

  Triomphenb aimant dans Communauté spirituelle

Retrouvez la source de notre espérance : notre histoire, individuelle et collective, n’a pas sa fin en elle-même, mais dans un Autre, qui vient vers nous au long des siècles…

 


[1]. cf. Philosophie Magazine n° 44, Novembre 2010.

 

 

1ère lecture : Rassemblement des peuples et paix pour toujours (Is 2, 1-5)

Lecture du livre d’Isaïe

Le prophète Isaïe a reçu cette révélation au sujet de Juda et de Jérusalem :
Il arrivera dans l’avenir que la montagne du temple du Seigneursera placée à la tête des montagnes et dominera les collines. Toutes les nations afflueront vers elle,
des peuples nombreux se mettront en marche, et ils diront : « Venez, montons à la montagne du Seigneur, au temple du Dieu de Jacob. Il nous enseignera ses chemins et nous suivrons ses sentiers. Car c’est de Sion que vient la Loi, de Jérusalem la parole du Seigneur. »
Il sera le juge des nations,l ‘arbitre de la multitude des peuples. De leurs épées ils forgeront des socs de charrue, et de leurs lances, des faucilles. On ne lèvera plus l’épée nation contre nation, on ne s’entraînera plus pour la guerre.
Venez, famille de Jacob, marchons à la lumière du Seigneur.

 

Psaume : Ps 121, 1-2, 3-4ab, 4cd-5, 6-7, 8-9

R/ Allons dans la joie à la rencontre du Seigneur

Quelle joie quand on m’a dit :
« Nous irons à la maison du Seigneur ! » 
Maintenant notre marche prend fin
devant tes portes, Jérusalem ! 

Jérusalem, te voici dans tes murs :
ville où tout ensemble ne fait qu’un! 
C’est là que montent les tribus,
les tribus du Seigneur.

C’est là qu’Israël doit rendre grâce
au nom du Seigneur. 
C’est là le siège du droit, 
le siège de la maison de David. 

Appelez le bonheur sur Jérusalem :
« Paix à ceux qui t’aiment ! 
Que la paix règne dans tes murs,
le bonheur dans tes palais ! » 

À cause de mes frères et de mes proches,
je dirai : « Paix sur toi ! » 
À cause de la maison du Seigneur notre Dieu,
je désire ton bien.

 

2ème lecture : « Le jour est tout proche » (Rm 13, 11-14a)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Frère, vous le savez : c’est le moment, l’heure est venue de sortir de votre sommeil. Car le salut est plus près de nous maintenant qu’à l’époque où nous sommes devenus croyants.
La nuit est bientôt finie, le jour est tout proche. Rejetons les activités des ténèbres, revêtons-nous pour le combat de la lumière.
Conduisons-nous honnêtement, comme on le fait en plein jour, sans ripailles ni beuveries, sans orgies ni débauches, sans dispute ni jalousie,
mais revêtez le Seigneur Jésus Christ.

 

Evangile : « Vous ne connaissez pas le jour où votre Seigneur viendra » (Mt 24, 37-44)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Jésus parlait à ses disciples de sa venue : « L’avènement du Fils de l’homme ressemblera à ce qui s’est passé à l’époque de Noé.
A cette époque, avant le déluge, on mangeait, on buvait, on se mariait, jusqu’au jour où Noé entra dans l’arche.
Les gens ne se sont doutés de rien, jusqu’au déluge qui les a tous engloutis : tel sera aussi l’avènement du Fils de l’homme.
Deux hommes seront aux champs : l’un est pris, l’autre laissé.
Deux femmes seront au moulin : l’une est prise, l’autre laissée.
Veillez donc, car vous ne connaissez pas le jour où votre Seigneur viendra.
Vous le savez bien : si le maître de maison avait su à quelle heure de la nuit le voleur viendrait, il aurait veillé et n’aurait pas laissé percer le mur de sa maison.
Tenez-vous donc prêts, vous aussi : c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra. »
Patrick Braud 

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20 novembre 2010

Un roi pour les pires

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Un roi pour les pires

 

Homélie du Christ Roi / Année C

21/11/2010

 

Le sacre de Napoléon 1°

Un roi pour les pires dans Communauté spirituelle 450px-Jacques-Louis_David%2C_The_Coronation_of_NapoleonSi vous avez vu cette immense toile (10m x 6m!) du peintre Jacques-Louis DAVID au Louvre, vous vous souvenez certainement du geste orgueilleux du nouvel empereur. Au milieu du faste de la cérémonie, il prend lui-même la couronne pour « se faire » empereur. Puis il couronne Joséphine.

Un témoin raconte :

« la couronne étant placée sur l’autel, Napoléon la prit de ses mains et la posa lui-même sur sa tête ; cette couronne était un diadème de feuilles de chêne et de laurier en or ; des diamants formaient les glands et les fruits. Cela fait, l’empereur prit également sur l’autel la couronne destinée à l’impératrice, et la mit sur la tête de Joséphine à genoux devant lui.

[... ] Puis l’empereur, assis, la couronne sur la tête, et la main sur les Saints Évangiles, prononça le serment. » (extraits de Mémoires d’une femme de qualité, Paris, 1830)

 

 

Le sacre du crucifié

Ce couronnement de l’empereur contraste singulièrement avec le couronnement dérisoire du Christ : une tresse d’épines, un titre ironiquement « royal » inscrit sur une pancarte de bois [1], et comme témoins d’intronisation des soldats d’occupation, deux criminels de droit commun ?

  01-INRI Christ dans Communauté spirituelle

D’ailleurs, qui parle de roi, de règne dans cet évangile ?

Les soldats : « si tu es le roi des juifs, sauve-toi toi-même ».

Et le « bon larron » – ou du moins le malfaiteur curieusement appelé ainsi par la tradition, alors qu’il n’est pas meilleur que l’autre ! - : « Jésus souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton règne ».

Les soldats voient la royauté du Christ comme Napoléon voyait son sacre : se couronner soi-même, se sauver soi-même. Une royauté pour soi, pour sa gloire.

Le malfaiteur voit la royauté du Christ pour les autres : il espère qu’intronisé, Jésus se souviendra de lui.

La réponse du Christ est étrangement princière, et semble davantage provenir d’un trône que d’une croix infamante :

« Dans la promesse qu’il lui fait, Jésus s’élève au-dessus de la condition de l’homme : il parle en Dieu. Il est là, sur la Croix, semblable à un esclave, au dernier des esclaves ; mais il y a conservé la nature divine ; et parlant d’un haut d’un trône plutôt que d’une croix, il fait acte d’une puissance souveraine : il distribue le Ciel ». 

(saint Léon le Grand : sermon II sur la Passion, 1)

 

N’oublions jamais la malédiction qui s’attachait à un crucifié : « maudit soit quiconque pend au gibet de la croix » (Dt 21,23 // Ga 3,13).

Transformer la croix, ce symbole de l’exclusion, du rejet par les hommes et par Dieu, en un trône royal : voilà ce que fait la parole du criminel à qui Jésus révèle le vrai sens de sa royauté : « aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le paradis »

C’est donc une royauté qui sauve ceux qui font confiance. « Nous avons ce que nous méritons » : eh bien non ! Avec le Christ ce n’est pas « au mérite » ! C’est « à la grâce », à la « merci » d’un don gratuit…

« On lui a infligé cette injure nouvelle de l’associer, lui, l’innocent, à des scélérats. Nous, nous avons tué des hommes qui voulaient vivre, lui a ressuscité des morts ; nous avons pris le bien d’autrui, lui, il a ordonné de distribuer ce que l’on possède ».
(saint Jean Chrysostome : sermon II sur le Bon Larron, 3)

 

Notre royauté baptismale

Par le baptême, nous sommes configurés au Christ, prêtre, prophète et roi.

Retrouvons notre dignité royale à l’image du crucifié, maudit de tous, et pourtant ouvrant aux coupables la porte du paradis.

 

Voilà une piste solide pour exercer notre royauté avec le Christ : offrir gratuitement aux pires d’entre nous une solidarité, une communion réelle (« avec moi ») qui transforme leur présent (« aujourd’hui », « dans le paradis »).

 

- En entreprise, cette royauté baptismale va transformer l’exercice de l’autorité hiérarchique (indispensable) en une farouche volonté de promouvoir ses collaborateurs, de donner sa chance à celui que tous condamnent, de dépasser les rapports marchands pour respecter la personne qui est en face. Et une personne humaine est toujours plus grande que ses actes, les meilleurs comme les pires.

 

- En famille, cette royauté baptismale va mettre enfants et parents à l’école d’une même générosité d’attention à l’autre, pour apprendre à vivre ensemble.

 

- En Église même, cette royauté baptismale devrait faire voir les « titres » et les responsabilités autrement ! Un évêque comme une catéchiste devraient « royalement » se ficher des honneurs et des titres, et ne se passionner que pour le salut des brebis perdues, des enfants « difficiles », des « mécréants » proches du bon larron…

 

Le premier acte du roi Jésus est « aujourd’hui » d’inviter un criminel à partager son paradis (avant Marie elle-même…).

Nous serons rois par lui, avec lui et en lui, si nous répercutons cette invitation à tous les damnés de la terre qui se croient maudits des hommes, maudits de Dieu.

 

 


[1]. INRI = ‘Jésus de Nazareth Roi des Juifs’, en trois langues, ce qui annonce malgré tout l’universalité de cette  étrange royauté ; cf. saint Augustin : « c’était les trois langues qui avaient la prééminence à cette époque : la langue hébraïque, la langue de ceux qui avaient la gloire de posséder la Loi de Dieu ; la langue grecque, la langue de la sagesse humaine, et la langue latine, la langue de ceux qui commandaient à l’univers »

 


1ère lecture : David reçoit l’onction royale (2S 5, 1-3)

Lecture du second livre de Samuel

Toutes les tribus d’Israël vinrent trouver David à Hébron et lui dirent : « Nous sommes du même sang que toi !
Dans le passé déjà, quand Saül était notre roi, tu dirigeais les mouvements de l’armée d’Israël, et le Seigneur t’a dit : ‘Tu seras le pasteur d’Israël mon peuple, tu seras le chef d’Israël.’ »
C’est ainsi que tous les anciens d’Israël vinrent trouver le roi à Hébron. Le roi David fit alliance avec eux, à Hébron, devant le Seigneur. Ils donnèrent l’onction à David pour le faire roi sur Israël.

 

Psaume : Ps 121, 1-2, 3-4, 5-6a.7a

R/ Ton règne, Seigneur, est un règne de paix

Quelle joie quand on m’a dit :
« Nous irons à la maison du Seigneur ! »
Maintenant notre marche prend fin
devant tes portes, Jérusalem !

Jérusalem, te voici dans tes murs :
ville où tout ensemble ne fait qu’un !
C’est là que montent les tribus, les tribus du Seigneur,
là qu’Israël doit rendre grâce au nom du Seigneur.

C’est là le siège du droit,
le siège de la maison de David.
Appelez le bonheur sur Jérusalem :
« Que la paix règne dans tes murs ! »

2ème lecture : Dieu nous a fait entrer dans le royaume de son Fils (Col 1, 12-20)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Colossiens

Frères,
rendrez grâce à Dieu le Père, qui vous a rendus capables d’avoir part, dans la lumière, à l’héritage du peuple saint.
Il nous a arrachés au pouvoir des ténèbres, il nous a fait entrer dans le royaume de son Fils bien-aimé, par qui nous sommes rachetés et par qui nos péchés sont pardonnés.
Lui, le Fils, Il est l’image du Dieu invisible, le premier-né par rapport à toute créature, car c’est en lui que tout a été créé dans les cieux et sur la terre, les êtres visibles et les puissances invisibles : tout est créé par lui et pour lui.
Il est avant tous les êtres, et tout subsiste en lui.
Il est aussi la tête du corps, c’est-à-dire de l’Église. Il est le commencement, le premier-né d’entre les morts, puisqu’il devait avoir en tout la primauté.
Car Dieu a voulu que dans le Christ toute chose ait son accomplissement total.
Il a voulu tout réconcilier par lui et pour lui,sur la terre et dans les cieux,en faisant la paix par le sang de sa croix.

 

Evangile : Le Roi crucifié (Lc 23, 35-43)

On venait de crucifier Jésus, et le peuple restait là à regarder. Les chefs ricanaient en disant : « Il en a sauvé d’autres : qu’il se sauve lui-même, s’il est le Messie de Dieu, l’Élu ! »
Les soldats aussi se moquaient de lui. S’approchant pour lui donner de la boisson vinaigrée,
ils lui disaient : « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! »
Une inscription était placée au-dessus de sa tête : « Celui-ci est le roi des Juifs. »
L’un des malfaiteurs suspendus à la croix l’injuriait : « N’es-tu pas le Messie ? Sauve-toi toi-même, et nous avec ! »
Mais l’autre lui fit de vifs reproches : « Tu n’as donc aucune crainte de Dieu ! Tu es pourtant un condamné, toi aussi !
Et puis, pour nous, c’est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n’a rien fait de mal. »
Et il disait : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton Règne. »
Jésus lui répondit : « Amen, je te le déclare : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. »
Patrick Braud

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6 novembre 2010

N’avez-vous pas lu dans l’Écriture ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

N’avez-vous pas lu dans l’Écriture ?

Homélie du 32° Dimanche ordinaire / Année C
07/11/2010


Faites l’expérience : essayez de vous rappeler un livre lu récemment.

Que vous en reste-t-il ? Si vous comparez avec d’autres lecteurs de vos amis, ont-ils « lu » la même chose ?

 

On croit que lire est naturel et identique pour tous. Alors que visiblement, c’est un acte complexe, singulier…

C’est vrai de la Bible comme de tout autre livre. Encore plus même, car la Bible est appelée « l’Écriture ». La Bible est d’abord un texte avant de devenir une parole. Entre l’écriture et la parole, il y a le souffle, la voix…

 

Jésus s’étonne que les sadducéens n’aient pas « lu » dans l’Écriture (la Tora) la même chose N'avez-vous pas lu dans l'Écriture ? dans Communauté spirituelle bible-imageque lui. C’est une charge un peu ironique (répondant à celle, ironique également, des sadducéens lui tendant un piège) car les sadducéens se font forts de n’obéir qu’à l’Écriture (scriptura sola pourrait être leur devise avec anachronisme) et non aux traditions orales des pharisiens.

 

C’est donc que bien souvent nous lisons sans lire ; et pour la Bible l’enjeu est de taille ! Souvent des « pré-textes » nous empêchent de faire attention au texte. Des « dé-lires » nous font lire n’importe quoi.

La liste serait longue des interprétations erronées de la Bible par les Églises chrétiennes dans l’histoire, sur des questions aussi délicates que la peine de mort, l’apartheid, le refus de l’héliocentrisme… toutes positions légitimées en leur temps par des lectures de l’Écriture qui nous paraissent aujourd’hui terriblement idéologiques.

 

« N’avez-vous pas lu dans l’Écriture ? »

L’expression revient 6 fois dans le Nouveau Testament, autour de 4 questions brûlantes.

À chaque fois, Jésus revient à l’Écriture de manière assez subversive vis-à-vis de la religion en place.

Lire l’Écriture lui permet en effet de contester :

- l’absolu du sabbat :

Mt 12,3 : « Mais il leur dit: « N’avez-vous pas lu ce que fit David lorsqu’il eut faim, lui et ses compagnons ? »

Mt 12,5 : « Ou n’avez-vous pas lu dans la Loi que, le jour du sabbat, les prêtres dans le Temple violent le sabbat sans être en faute ? »

- l’absolu du divorce (largement admis dans les mentalités de l’époque comme aujourd’hui) :

Mt 19,4 : « Il répondit: « N’avez-vous pas lu que le Créateur, dès l’origine, les fit homme et femme? »

- l’exclusion religieuse et sociale

Mc 12,10 : « Et n’avez-vous pas lu cette Écriture: « la pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue pierre d’angle »? »

- le matérialisme des sadducéens niant la résurrection :

Mt 22,31 : « Quant à ce qui est de la résurrection des morts, n’avez-vous pas lu l’oracle dans lequel Dieu vous dit? »

Mc 12,26 :  « Quant au fait que les morts ressuscitent, n’avez-vous pas lu dans le Livre de Moïse, au passage du Buisson, comment Dieu lui a dit: Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob? »

 

Sur des questions aussi cruciales que le primat des besoins humains sur les prescriptions rituelles et religieuses, le respect de la différence homme-femme, le renversement des hiérarchies opéré par Dieu, la vie après la mort, Jésus s’appuie sur sa lecture de l’Écriture pour affronter ses adversaires, puissants et installés.

Le quatrième Évangile mentionne 9 fois « l’accomplissement de l’Écriture » comme un critère fondamental de l’action de Jésus (Jn 7,42 ; 10,35 ; 13,1 ; 17,12 ; 19,28 ; 19,36 ; 20,9).

Luc résume ainsi le lien entre la lecture de l’Écriture et Jésus lui-même : « Alors il se mit à leur dire: « Aujourd’hui s’accomplit à vos oreilles ce passage de l’Écriture » » (Lc 4,21).

Le reproche que Jésus adresse aux sadducéens nous touche donc de plein fouet : « Si vous vous égarez, n’est-ce pas faute de connaître les Écritures et la puissance de Dieu ? » (Mc 12,24)

 

N’irons-nous pas lire dans l’Écriture ?

Alors, comment allons-nous aujourd’hui entendre cet appel du Christ à nous appuyer sur une lecture « authentique » (c’est un des sens du mot catholique) de l’Écriture  [1] ?

Non pas en nous coupant de la Tradition orale comme les sadducéens (sans se rendre compte qu’ils épousaient en fait les idées païennes grecques et romaines).

Non pas en survalorisant les traditions humaines comme les pharisiens.

Mais d’abord en revenant au texte.

À la lecture du texte.

Quelques lignes chaque jour.

Quelques pages chaque semaine.

Les moines font le tour des 150 psaumes du psautier chaque semaine : nous pourrions en lire un par jour, ce serait déjà beaucoup…

Les chrétiens redécouvrent actuellement la Lectio Divina : seul ou en petit groupe, prendre le temps de lire, méditer, contempler, ruminer, prier un texte biblique pour qu’il devienne une parole de Dieu pour moi, pour nous.

D’autres emportent leur Bible de poche dans le métro, au bureau, et en profitent comme d’un journal (mieux qu’un journal !).

D’autres l’ont déjà donc sur iPad, sur leur smartphone, et la consultent à temps perdu.

 

Quelque soit le moyen ou l’endroit où la méthode, l’essentiel est bien d’abord de lire l’Écriture.

Cette lecture rend libre, comme le Christ, devant les interprétations hâtives, fondamentalistes ou pleines de peur.

 

Alors, ne serait-ce que 5 minutes par jour, n’irons-nous pas lire dans l’Écriture ?

 


[1]. À noter cette symétrie amusante : la psychanalyse est une parole (de patients) qui fait écrire (les psys !). La Bible est un écrit (inspiré) qui fait parler (les lecteurs).

 

 


Sept frères meurent martyrs dans l’espérance de la résurrection
 (2M 7, 1-2.9-14)

 Lecture du second livre des Martyrs d’Israël

Sept frères avaient été arrêtés avec leur mère. A coups de fouet et de nerf de boeuf, le roi Antiochus voulut les contraindre à manger du porc, viande interdite.
L’un d’eux déclara au nom de tous : « Que cherches-tu à savoir de nous ? Nous sommes prêts à mourir plutôt que de transgresser les lois de nos pères. »
Le deuxième frère lui dit, au moment de rendre le dernier soupir : « Tu es un scélérat, toi qui nous arraches à cette vie présente, mais puisque nous mourons par fidélité à ses lois, le Roi du monde nous ressuscitera pour une vie éternelle. »
Après celui-là, le troisième fut mis à la torture. Il tendit la langue aussitôt qu’on le lui ordonna, et il présenta les mains avec intrépidité,
en déclarant avec noblesse : « C’est du Ciel que je tiens ces membres, mais à cause de sa Loi je les méprise, et c’est par lui que j’espère les retrouver. »
Le roi et sa suite furent frappés du courage de ce jeune homme qui comptait pour rien les souffrances.
Lorsque celui-ci fut mort, le quatrième frère fut soumis aux mêmes tortures.
Sur le point d’expirer, il parla ainsi : « Mieux vaut mourir par la main des hommes, quand on attend la résurrection promise par Dieu, tandis que toi, tu ne connaîtras pas la résurrection pour la vie éternelle. »

 

Psaume : Ps 16, 1.3ab, 5-6, 8.15 

R/ Le jour viendra, Seigneur, où je m’éveillerai en ta présence

Seigneur, écoute la justice !
Entends ma plainte, accueille ma prière.
Tu sondes mon coeur, tu me visites la nuit,
tu m’éprouves, sans rien trouver.

J’ai tenu mes pas sur tes traces,
jamais mon pied n’a trébuché.
Je t’appelle, toi, le Dieu qui répond :
écoute-moi, entends ce que je dis.

Garde-moi comme la prunelle de l’?il ;
à l’ombre de tes ailes, cache-moi.
Et moi, par ta justice, je verrai ta face :
au réveil, je me rassasierai de ton visage.

2ème lecture : Exhortation à la persévérance (2Th 2, 16-17; 3, 1-5)

Lecture de la seconde lettre de saint Paul Apôtre aux Thessaloniciens

Frères,
laissez-vous réconforter par notre Seigneur Jésus Christ lui-même et par Dieu notre Père, lui qui nous a aimés et qui, dans sa grâce, nous a pour toujours donné réconfort et joyeuse espérance ;qu’ils affermissent votre coeur dans tout ce que vous pouvez faire et dire de bien.
Priez aussi pour nous, frères, afin que la parole du Seigneur poursuive sa course, et qu’on lui rende gloire partout comme chez vous.
Priez pour que nous échappions à la méchanceté des gens qui nous veulent du mal, car tout le monde n’a pas la foi.
Le Seigneur, lui, est fidèle : il vous affermira et vous protégera du Mal.
Et, dans le Seigneur, nous avons pleine confiance en vous : vous faites et vous continuerez à faire ce que nous vous ordonnons.
Que le Seigneur vous conduise à l’amour de Dieu et à la persévérance pour attendre le Christ.

 

Evangile : Les morts ressusciteront (brève : 27…38) (Lc 20, 27-38)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Des sadducéens – ceux qui prétendent qu’il n’y a pas de résurrection – vinrent trouver Jésus,
et ils l’interrogèrent : « Maître, Moïse nous a donné cette loi : Si un homme a un frère marié mais qui meurt sans enfant, qu’il épouse la veuve pour donner une descendance à son frère.
Or, il y avait sept frères : le premier se maria et mourut sans enfant ;
le deuxième,
puis le troisième épousèrent la veuve, et ainsi tous les sept : ils moururent sans laisser d’enfants.
Finalement la femme mourut aussi.
Eh bien, à la résurrection, cette femme, de qui sera-t-elle l’épouse, puisque les sept l’ont eue pour femme ? »
Jésus répond : « Les enfants de ce monde se marient.
Mais ceux qui ont été jugés dignes d’avoir part au monde à venir et à la résurrection d’entre les morts ne se marient pas,
car ils ne peuvent plus mourir : ils sont semblables aux anges, ils sont fils de Dieu, en étant héritiers de la résurrection.
Quant à dire que les morts doivent ressusciter, Moïse lui-même le fait comprendre dans le récit du buisson ardent, quand il appelle le Seigneur : ‘le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob’.
Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants ; tous vivent en effet pour lui. »
Patrick Braud 

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31 octobre 2010

Toussaint : le bonheur illucide

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Toussaint : le bonheur illucide

 

Homélie du 01/11/2010
Fête de tous les Saints / Année C

 

Savoir qu’on est heureux, c’est déjà ne plus l’être

«  Le bonheur, comme l’amour, est illucide ou il n’est pas : car savoir qu’on est heureux, c’est d’emblée savoir que le bonheur ne dure pas, et donc vouloir qu’il dure; or, vouloir être encore heureux, c’est déjà ne plus l’être. En matière de bonheur, la fin du début, c’est le début de la fin. «  

Raphaël Enthoven

 

Cette analyse du philosophe Raphaël Enthoven peut éclairer de manière intéressante les Béatitudes de cette fête de Toussaint. En effet, Jésus révèle à certains qu’ils sont heureux, alors qu’ils l’ignoraient totalement !

« Heureux-vous les pauvres » ne signifie pas qu’il faille rechercher la pauvreté pour être heureux, ni qu’il faille canoniser la pauvreté en ne cherchant pas à la faire reculer…

C’est plutôt une révélation, qui surprend les premiers concernés : comment ? On galère pour le logement, les boulots précaires, la survie ordinaire… et toi le prophète tu nous dis que nous sommes heureux ? ! Première nouvelle !

 

Pourtant Jésus insiste, huit fois.

Huit fois, il dévoile que la situation extrêmement dure ou dense vécue par certains de ses auditeurs contient en fait une immense source de bonheur. C’est comme si vous disiez à un aveugle : « heureux es-tu, même si tu ne le sais pas, la beauté du monde t’est promise, t’est donnée. »

 

Le rayon de ténèbre

Toussaint : le bonheur illucide dans Communauté spirituelle 9782020251556FSSaint Jean de la Croix prenait la métaphore de la flamme et du spectateur.

Quand je regarde le monde à la lueur d’une flamme, je le vois en pleine lumière, mais je ne suis pas dans la lumière. Tant que je reste extérieur à la flamme, je crois voir, mais je ne vois que l’extérieur de la flamme. Si j’entre en elle, je ne peux plus voir le monde, je crois être dans le noir, alors qu’en fait je ne fais qu’un avec la lumière.

Si cette « vive flamme d’amour » nous brûle, alors nous ne savons plus que nous sommes heureux au moment où nous sommes pourtant à la pointe la plus incandescente de ce bonheur.

« C’est là la propriété de l’esprit purifié et anéanti quant à tout ce qui est particulier en matière de connaissance et d’affect : ne goûtant et n’entendant rien de spécial, demeurant vide, en obscurité et ténèbres, il embrasse tout avec une grande facilité, et se vérifie en lui ce que dit encore saint Paul : ?n’ayant rien, il possède tout.’ (2 Co 6,10) 

Une telle béatitude provient d’une totale pauvreté d’esprit.

 

Cette nuit obscure est une influence de Dieu en l’âme qui la purge de ses ignorances et imperfections… influence que les contemplatifs appellent contemplation infuse ou théologie mystique. Dieu y enseigne l’âme en secret et l’instruit en perfection d’amour, sans qu’elle fasse rien ni ne sache ce qu’elle est.

C’est une sagesse de Dieu amoureuse… qui la purge, l’illumine et la prépare à l’union d’amour.

« C’est pourquoi Denys et d’autres théologiens mystiques appellent cette contemplation infuse : ’rayon de ténèbre’. » 

 

Et les strophes des poèmes de saint Jean de la Croix sur la « nuit obscure » développent cela avec le goût du paradoxe et de l’union des contraires qui caractérisent la mystique authentique :

1. Par une nuit obscure,
enflammée d’un amour plein d’ardeur,
ô l’heureuse aventure,
j’allai sans être vue,
sortant de ma maison apaisée.

2. Dans l’obscure et très sûre,
par l’échelle secrète, déguisée,
ô l’heureuse aventure,
dans l’obscure, en cachette,
ma maison désormais apaisée.
51D0NVG7GFL._SL500_AA300_ bonheur dans Communauté spirituelle
3. Dans cette nuit heureuse,
en secret, car nul ne me voyait,
ni moi ne voyais rien,
sans autre lueur ni guide
que celle qui en mon c?ur brûlait.

 

Ou encore :

J’entrai mais je ne sus où,
et je restai sans savoir,
au-delà de toute science.

 

1. Je ne sus pas où j’entrai,
mais lorsque je me vis là,
ne sachant pas où j’étais,
je compris de grandes choses.
Ce qu’ai senti ne dirai,
car je restai sans savoir,
au-delà de toute science.

 

Au-delà de toute science

Au-delà de toute science, le bonheur est illucide : heureux les pauvres

Étonnante convergence : de Jésus à Raphaël Enthoven en passant par saint Jean de la Croix, nos béatitudes de Toussaint nous invitent, non pas à chercher à être heureux, mais à accueillir la révélation d’un bonheur inconnu !

Car vouloir être heureux, c’est se condamner à ne l’être jamais.

Le but de la foi au Christ n’est pas de devenir heureux. Le bonheur est plutôt une « divine surprise » révélée eu cours en cours de route comme une conséquence gratuite, non voulue, ignorée.

D’où le caractère « illucide » de cet état paradoxal, noyé dans un « nuage d’inconnaissance » qui est pourtant le signe de la vraie science…

 

- Est lucide (lux, lucis = lumière en latin) celui qui grâce à la lumière regarde le monde. Élucider une affaire, c’est faire la lumière sur elle en braquant dessus le projecteur de la vérité. Il faut sortir du rêve pour devenir lucide, en étant réveillé.

- Est illucide celui qui ne cherche pas à savoir, parce que, de l’intérieur, il est uni à ce qui 573_600 illucidele brûle.

Van Gogh est un peintre illucide (comme tous les peintres de génie !) lorsqu’il ne fait qu’un avec sa toile…

 

La tradition spirituelle chrétienne regorge d’harmoniques à ce thème. Pensez à la « joie parfaite » de St François d’Assise, où le disciple battu et transi de froid est mis à la porte du couvent : « ô frère Léon, écris qu’en cela est la joie parfaite ». Pensez à la célèbre réplique de Jeanne d’Arc à qui son juge demande si elle est en état de grâce : « si je n’y suis pas, Dieu m’y mette ; si j’y suis, Dieu m’y garde », autrement dit : je ne sais pas si je suis ou non en état de grâce, et cela ne m’appartient pas. Disant cela, elle vivait de cet état qu’elle confessait ignorer?

 

 

La jauge joie

Ainsi en est-il du bonheur annoncé par le Christ. Contrairement aux marchands du bien-être, aux thérapeutes de l’épanouissement personnel, le Christ ne nous appelle pas à rechercher le bonheur (à la limite, il nous ferait plutôt peur avec ses avertissements sur la croix, le rejet, l’exclusion…). Il nous décrit ici dans les Béatitudes le portrait de l’homme-Dieu en huit traits majeurs, et nous donne un indicateur de progrès dans notre identification à lui : plus vous progresserez sur le chemin de la pauvreté, des pleurs, de la miséricorde, de la soif de justice etc… plus vous vous enfoncerez au coeur de la « vive flamme d’amour » où sans le savoir vous serez heureux.

La joie est d’avantage une jauge qu’un objectif?

Si vous cherchez votre bonheur en dehors de cette vive flamme, vous croirez être heureux, mais cela vous filera entre les doigts plus sûrement que le sable des plages.

 

La non-possession du bonheur

Paradoxe évangélique à ne pas évacuer : ne pas chercher à être heureux libère des idoles, Toussaint Toussaintet un autre bonheur est donné alors, de façon mystérieuse, au coeur de la « nuit obscure » (de la pauvreté, des larmes, la soif de justice…).

 

C’est lorsque vous renoncerez à vouloir le bonheur que vous pourrez l’accueillir et en vivre vraiment, sans le posséder, sans même le savoir…

 

Les saints que nous fêtons aujourd’hui ne se retournent pas sur leur bonheur : immergés dans la louange, ils exultent de joie sans « savoir », sans posséder leur joie.

 

Que l’Esprit de sainteté nous donne d’anticiper avec eux la non-possession de notre bonheur !

 

 

Dans « Rémi sans famille », le Maître VITALIS initie Rémi à ne pas chercher à savoir s’il est heureux ou pas… :

 

 

1ère lecture : La foule immense des rachetés (Ap 7, 2-4.9-14)

Lecture de l’Apocalypse de saint Jean

Moi, Jean, j’ai vu un ange qui montait du côté où le soleil se lève, avec le sceau qui imprime la marque du Dieu vivant ; d’une voix forte, il cria aux quatre anges qui avaient reçu le pouvoir de dévaster la terre et la mer :
« Ne dévastez pas la terre, ni la mer, ni les arbres,avant que nous ayons marqué du sceaule front des serviteurs de notre Dieu. »
Et j’entendis le nombre de ceux qui étaient marqués du sceau : ils étaient cent quarante-quatre mille, de toutes les tribus des fils d’Israël.
Après cela, j’ai vu une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, races, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant le Trône et devant l’Agneau, en vêtements blancs, avec des palmes à la main.
Et ils proclamaient d’une voix forte : « Le salut est donné par notre Dieu, lui qui siège sur le Trône, et par l’Agneau ! »
Tous les anges qui se tenaient en cercle autour du Trône, autour des Anciens et des quatre Vivants, se prosternèrent devant le Trône, la face contre terre, pour adorer Dieu.
Et ils disaient : « Amen !Louange, gloire, sagesse et action de grâce, honneur, puissance et forceà notre Dieu, pour les siècles des siècles ! Amen ! »
L’un des Anciens prit alors la parole et me dit : « Tous ces gens vêtus de blanc, qui sont-ils, et d’où viennent-ils ? »
Je lui répondis : « C’est toi qui le sais, mon seigneur. » Il reprit : « Ils viennent de la grande épreuve ; ils ont lavé leurs vêtements,ils les ont purifiés dans le sang de l’Agneau. »

Psaume : 23, 1-2, 3-4ab, 5-6

R/ Voici le peuple immense de ceux qui t’ont cherché.

Au Seigneur, le monde et sa richesse,
la terre et tous ses habitants !
C’est lui qui l’a fondée sur les mers
et la garde inébranlable sur les flots. 

Qui peut gravir la montagne du Seigneur
et se tenir dans le lieu saint ?
L’homme au coeur pur, aux mains innocentes,
qui ne livre pas son âme aux idoles.

Il obtient, du Seigneur, la bénédiction,
et de Dieu son Sauveur, la justice.
Voici le peuple de ceux qui le cherchent !
qui recherchent la face de Dieu !

2ème lecture : Nous sommes enfants de Dieu et nous lui serons semblables (1 Jn 3, 1-3)

Mes bien-aimés, voyez comme il est grand, l’amour dont le Père nous a comblés : il a voulu que nous soyons appelés enfants de Dieu – et nous le sommes. Voilà pourquoi le monde ne peut pas nous connaître : puisqu’il n’a pas découvert Dieu.
Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons ne paraît pas encore clairement. Nous le savons : lorsque le Fils de Dieu paraîtra, nous serons semblables à lui parce que nous le verrons tel qu’il est.
Et tout homme qui fonde sur lui une telle espérance se rend pur comme lui-même est pur.

Evangile : Les Béatitudes (Mt 5, 1-12a)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Quand Jésus vit toute la foule qui le suivait, il gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent.
Alors, ouvrant la bouche, il se mit à les instruire. Il disait :
« Heureux les pauvres de coeur : le Royaume des cieux est à eux !
Heureux les doux : ils obtiendront la terre promise !
Heureux ceux qui pleurent : ils seront consolés !
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice : ils seront rassasiés !
Heureux les miséricordieux : ils obtiendront miséricorde !
Heureux les coeurs purs : ils verront Dieu !
Heureux les artisans de paix : ils seront appelés fils de Dieu !
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice : le Royaume des cieux est à eux !
Heureux serez-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi.
Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux ! »
Patrick BRAUD 

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