L'homélie du dimanche (prochain)

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9 novembre 2025

L’oecuménisme du sang

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

L’œcuménisme du sang


Homélie pour le 33° Dimanche du temps ordinaire / Année C
16/11/25

Cf. également :
Répliquer aux bourreaux
Il n’en restera pas pierre sur pierre
Nourriture contre travail ?
« Même pas peur »…
La « réserve eschatologique »
Ordinaire ou mortelle, la persécution
Conjuguer le bonheur au présent
Conjuguer le « oui » et le « non » de Dieu à notre monde
L’effet saumon

1. Les martyrs du XXI° siècle

L'oecuménisme du sang dans Communauté spirituelle meyer

Index Mondial de Persécution des Chrétiens 2025
https://www.portesouvertes.fr/persecution-des-chretiens

Période d’étude de l’Index 2025 : du 1er octobre 2023 au 30 septembre 2024


Voilà une carte dramatiquement impressionnante. L’association Portes ouvertes recense depuis des années les nombreuses persécutions dont sont victimes les chrétiens de par le monde. On constate sans surprise que les pays dangereux pour la foi chrétienne sont les pays communistes (Corée-du-Nord, Chine), islamistes (Somalie, Yémen, Pakistan, Libye…), hindous (Inde) ou bouddhistes (Myanmar). Sur une année, Portes ouvertes a recensé 4476 chrétiens tués en raison de leur identité religieuse.

Le Christ ne s’était pas trompé lorsqu’il annonçait ce dimanche à ses disciples qChiffres_Index_2025 martyre dans Communauté spirituelleue le suivre ne serait pas une partie de plaisir (Lc 21,5-19) : « On portera la main sur vous et l’on vous persécutera ; on vous livrera aux synagogues et aux prisons, on vous fera comparaître devant des rois et des gouverneurs, à cause de mon nom. Cela vous amènera à rendre témoignage. […] Vous serez livrés même par vos parents, vos frères, votre famille et vos amis, et ils feront mettre à mort certains d’entre vous. Vous serez détestés de tous, à cause de mon nom ».

Depuis Tertullien, nous avons bien que « le sang des martyrs est semence de chrétiens », mais quand même… Le prix à payer pour oser professer notre foi, librement et publiquement, est très lourd.
« Entouré de cette immense nuée de témoins » (He 12,1), nous sommes appelés ce dimanche à retrouver la dimension confessante de notre foi, avec tous les risques que cela peut nous faire encourir.

Icône des 21 martyrs de la Libye

Le pape François a salué le témoignage courageux des 21 chrétiens coptes orthodoxes tués par l’ISIS en 2015, les qualifiant de « saints de tous les chrétiens ».

2. L’œcuménisme du sang
Pourtant, les martyrs qui aujourd’hui encore préfèrent mourir plutôt que de renier leur foi nous rendent un précieux service : ils nous encouragent à résister au mal, ils anticipent une réconciliation des Églises dans l’eucharistie la plus vraie et la plus commune à tous les baptisés, le sang versé, la vie offerte, par amour de la vérité.

Le pape Léon XIV a célébré ce qu’il appelle l’œcuménisme du sang en réunissant le dimanche 14/09/25 – jour de la fête de la Croix glorieuse – dans la basilique Saint-Paul-hors-les-murs de Rome des représentants de 24 Églises, (orthodoxes, coptes, luthériens, méthodistes, baptistes etc.) pour une prière commune.

« Aujourd’hui encore, a-t-il dit, de nombreux frères et sœurs, à cause de leur témoignage de foi dans des situations difficiles et hostiles, portent la même croix du Seigneur : comme Lui, ils sont persécutés, condamnés, tués. (…) Oui, leur espérance est désarmée. Ils ont témoigné de leur foi sans jamais recourir à la force ni à la violence, mais en embrassant la faible et douce force de l’Évangile ».

« Comme nous l’avons reconnu lors du récent Synode [sur la synodalité, dont la dernière assemblée s’est réunie en octobre 2024], l’œcuménisme du sang unit les chrétiens de différentes appartenances qui donnent ensemble leur vie pour la foi en Jésus-Christ. Le témoignage de leur martyre est plus éloquent que toute parole : l’unité vient de la Croix du Seigneur ».

C’est en réalité une intuition très ancienne. Cette expression d’« œcuménisme du sang » avait été popularisée par le pape François, qui l’avait appliquée aux 21 Coptes exécutés par Daesh en Libye en 2015. « C’est la première fois que des martyrs appartenant à une autre Église non en communion avec Rome sont inscrits dans le martyrologe romain », rappelle une source vaticane. Mais l’intuition remonte plus loin : Paul VI, en 1964, avait déjà évoqué l’unité scellée par le sang des martyrs ougandais, anglicans et catholiques, tués ensemble en 1886. Le décret conciliaire Unitatis Redintegratio parlait lui aussi du « sang d’autres Églises » comme d’un ferment d’unité. Et Jean-Paul II avait réuni lors du Grand jubilé de l’an 2000, au Colisée, une commémoration des martyrs du XXᵉ siècle, victimes du nazisme et du communisme.

« Il est nécessaire que les catholiques reconnaissent avec joie et apprécient les valeurs réellement chrétiennes qui ont leur source au commun patrimoine et qui se trouvent chez nos frères séparés. Il est juste et salutaire de reconnaître les richesses du Christ et sa puissance agissante dans la vie de ceux qui témoignent pour le Christ parfois jusqu’à l’effusion du sang car, Dieu est toujours admirable et doit être admiré dans ses œuvres » (Unitatis Redintegratio n°5).

logo-oecumenisme oecuménisme
Le XX° siècle n’est-il pas un temps de grand témoignage, qui va « jusqu’à l’effusion du sang » ? Ce témoignage ne concerne-t-il pas aussi les différentes Églises et Communautés ecclésiales, qui tirent leur nom du Christ, crucifié et ressuscité ? Ce témoignage commun de sainteté, comme fidélité à l’unique Seigneur, est un potentiel œcuménique extraordinairement riche de grâce » (Ut Unum Sint n°47)

« Selon un point de vue théocentrique, nous avons déjà, nous chrétiens, un Martyrologe commun. Il comprend aussi les martyrs de notre siècle, plus nombreux qu’on ne pourrait le penser, et il montre, en profondeur, que Dieu entretient chez les baptisés la communion dans l’exigence suprême de la foi, manifestée par le sacrifice de la vie. Si l’on peut mourir pour la foi, cela prouve que l’on peut arriver au but lorsqu’il s’agit d’autres formes de la même exigence. J’ai déjà constaté, avec joie, que la communion est maintenue, imparfaite mais réelle, et qu’elle grandit à divers niveaux de la vie ecclésiale. J’estime qu’elle est déjà parfaite en ce que nous considérons tous comme le sommet de la vie de grâce, la martyria jusqu’à la mort, la communion la plus vraie avec le Christ qui répand son sang et qui, dans ce sacrifice, rend proches ceux qui jadis étaient loin (cf. Ep 2,13). Si, pour toutes les Communautés chrétiennes, les martyrs sont la preuve de la puissance de la grâce, ils ne sont toutefois pas les seuls à témoigner de cette puissance » (Ut Unum Sint n°84).

La Bible TOB - Traduction œcuménique de la Bible

La Bible TOB – Traduction œcuménique de la Bible

Dans la foulée du concile Vatican II, nous avons vu plusieurs dimensions de l’œcuménisme se déployer rapidement, en un demi-siècle : l’œcuménisme biblique (la traduction œcuménique de la Bible = la TOB), l’œcuménisme théologique (les accords sur la justification par la foi, les propositions du groupe des Dombes etc.), l’œcuménisme sacramentel (reconnaissance d’un seul baptême, le BEM etc.), l’œcuménisme de charité (Paul VI et Athénagoras, levée des excommunications mutuelles, diaconie en commun etc.), l’œcuménisme de prière (les groupes charismatiques) etc.
Depuis le début de ce siècle, toutes ces avancées œcuméniques semblent marquer le pas. Il n’y a plus d’accords majeurs en vue ; l’exercice du ministère pétrinien ne semble pas bouger ; la guerre en Ukraine divise les Églises ; l’attitude à adopter envers les LGBT également etc. Alors, il nous est bon de reprendre conscience de cet œcuménisme du sang qui ne cesse d’irriguer nos Églises depuis les premières persécutions romaines.

Rappelez-vous : la véritable eucharistie est de s’offrir soi-même, par amour. C’est ce que signifient les reliques des martyrs placées dans les autels consacrés : communier au corps et au sang du Christ, c’est recevoir de lui la force et le courage de livrer notre corps et de verser notre sang, par lui, avec lui et en lui.

L’œcuménisme du sang est le témoignage commun que nous assumons à la face des peuples : quelques soient nos différences – voire nos divergences – entre confessions chrétiennes, ce qui nous unit dans le sacrifice ultime est plus grand que ce qui nous sépare encore.

Sommes-nous conscients en France que le témoignage (martyria = martyr en grec) rendu au Christ peut, sinon nous exposer à la mort, du moins nous attirer beaucoup d’ennuis ?

3. Vous n’avez pas encore résisté jusqu’au sang
Lorsque les chrétiens d’un pays ne gênent plus, lorsqu’ils se fondent dans la masse, lorsqu’ils oublient d’être le sel de la Se démarquer d'une foulesociété, lorsqu’ils se conforment à tout ce qui se pratique autour d’eux, c’est alors qu’ils sont en grand danger ! La sagesse populaire ne dit-elle pas que seuls les poissons morts descendent le courant ? Ou bien que celui qui épouse son temps se retrouve très vite veuf ?

Le martyre chez nous sera rarement l’assassinat (Père Hamel), mais plutôt la disqualification, la mise à l’écart, la dérision à cause de nos convictions. La persécution ne passera pas par la prison (quoique…) mais plutôt par les accusations d’être trop réactionnaires ou trop révolutionnaires, trop décalés, pas en phase avec les grandes évolutions sociétales majoritaires.

Prenez par exemple le débat autour de l’avortement : il est difficile – voire impensable – de faire entendre dans les médias une autre voix que la doctrine officielle, selon laquelle l’IVG serait un progrès majeur de l’Occident, un Droit de l’homme, désormais gravé dans le marbre de la Constitution. Et malheur à qui oserait contester ! Il serait taxé de fasciste, d’obscurantiste, de machiste, de rétrograde, et son propos sera criminalisé.
Pourtant, comment nous taire [1] ?
Au nom de la raison tout d’abord : il y a désormais 1 naissance sur 4 qui n’aboutit pas en France. Le pays compte désormais plus de décès que de naissances chaque année. Mais cela n’inquiète personne. Le taux d’IVG par naissance est de 0,33 ; une femme sur deux en moyenne pratiquera un IVG au cours de sa vie. Comment ne pas s’alarmer ? Et comment justifier rationnellement que le délai légal pour l’IVG soit si différent en Europe d’un pays à l’autre : 10 semaines au Portugal, 16 en France, 24 aux Pays-Bas ? ! Éliminer un fœtus de 10 semaines de grossesse serait-il plus éthique qu’à 24 semaines ? Car il est impossible de dater l’apparition de l’humain dans le développement de l’embryon. Le seuil qui autorise l’IVG avant et l’interdit après est purement politique. Et il y a encore bien d’autres problématiques à développer dans ce débat (démographiques, économiques, spirituelles…).
À côté de ces arguments rationnels, les chrétiens témoignent bien sûr de leur conception de la vie telle que la lumière du Christ leur fait comprendre l’aventure humaine.



Si nous n’avons plus le courage de résister à « la culture de mort » (Jean-Paul II), la culture majoritaire banalisant l’IVG ou la glorifiant, nous devenons des déserteurs préférant notre tranquillité à nos convictions.


Relisez la Lettre à Diognète (II° siècle) : le témoignage des premiers chrétiens – qui ne voulaient pas le chaos – était d’abord éthique. Ils se conforment le plus souvent aux usages établis. Mais
« ils placent sous les yeux de tous l’étonnant spectacle de leur vie toute angélique et à peine croyable.
Ils habitent leur cités comme étrangers, ils prennent part à tout comme citoyens, ils souffrent tout comme voyageurs. Pour eux, toute région étrangère est une patrie, et toute patrie ici-bas est une région étrangère. Comme les autres, ils se marient, comme les autres, ils ont des enfants, seulement ils ne les abandonnent pas. Ils ont tous une même table, mais pas le même lit. Ils vivent dans la chair et non selon la chair. Ils habitent la terre et leur conversation est dans le ciel. Soumis aux lois établies, ils sont par leurs vies, supérieurs à ces lois. Ils aiment tous les hommes et tous les hommes les persécutent. Sans les connaître, on les condamne. Mis à mort, ils naissent à la vie. Pauvres, ils font des riches. Manquant de tout, ils surabondent. L’opprobre dont on les couvre devient pour eux une source de gloire ; la calomnie qui les déchire dévoile leur innocence. La bouche qui les outrage se voit forcée de les bénir, les injures appellent ensuite les éloges. Irréprochables, ils sont punis comme criminels et au milieu des tourments ils sont dans la joie comme des hommes qui vont à la vie. Les Juifs les regardent comme des étrangers et leur font la guerre. Les Grecs les persécutent, mais ces ennemis si acharnés ne pourraient dire la cause de leur haine ».

Le second témoignage qu’ils rendaient devant tous était liturgique : ils refusaient d’adorer l’empereur, ils dénonçaient toute idolâtrie et préféraient être livrés aux fauves de l’arène plutôt que de faire semblant d’honorer César comme un dieu.

Voilà la double résistance qui est attendue de nous : éthique, théologique.
Si nous cédons sur les exigences qu’implique notre foi, nous serons foulés aux pieds comme le sel devenu sans saveur…
Notre dénonciation de l’IVG nous classera à droite pour certains. Notre défense de l’étranger à gauche pour d’autres. De même pour notre contestation de l’idolâtrie des puissances d’argent, ou le refus de la marchandisation du corps humain (GPA, prostitution), ou la promotion de la paix plutôt que de la guerre, ou la critique des théories du genre etc.
Peu importe les étiquettes qu’ils nous colleront !
L’essentiel est de témoigner fidèlement, jusqu’au bout, dans le respect et le service de tous, en aimant nos ennemis quoi qu’il arrive. Comme l’écrivait l’auteur de la lettre aux hébreux : « Vous n’avez pas encore résisté jusqu’au sang dans votre lutte contre le péché » (He 12,4).

4. Remonter à la source, comme les saumons
La métaphore la plus parlante au sujet de cette posture chrétienne à contre-courant de beaucoup d’opinions majoritaires est sans doute celle des saumons.
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Vous avez sûrement déjà vu ces images magnifiques de saumons argentés quittant le vivier de l’océan pour remonter les fleuves et rivières, jaillissant hors de l’eau, survolant les barrages, les roches et autres obstacles naturels, bravant les griffes des ours dans lesquels beaucoup vont finir. Ils retournent chez eux (homing), à la source, là où ils sont nés, pour à leur tour donner la vie. C’est un vrai travail, épuisant, dangereux, que de remonter ainsi le courant sur des kilomètres. Beaucoup mourront épuisés avant la fin, ou happés par un grizzli, ou échoués sur un rocher.
Mais aller en sens inverse du flux est un impératif porteur de vie.

Les baptisés sont ces saumons d’eau vive !
On se souvient que le symbole de poissons les désigne sur les murs de catacombes des trois premiers siècles (ICTUS). Ces poissons-baptisés « ne se modèlent pas sur le monde présent » (Rm 12,2) et entreprennent comme les saumons leur homing, leur remontée  à la source. La source, c’est l’Écriture, la prière, la Tradition vivante, qui leur permet de ne pas épouser l’air du temps, d’oser être différents, quitte à être minoritaires.

Nous ne sommes pas des prophètes de malheur, toujours insatisfaits. Nous sommes les témoins d’un monde nouveau qui ne demande qu’à faire irruption dans notre présent.
Les saumons qui remontent à la source témoignent tranquillement que le don et la gratuité ont toute leur place dans une économie de marché ouverte ; que le respect de la vie humaine dès sa conception est une bénédiction pour tous ; que l’espérance dans un au-delà de la mort ré-ordonne les vraies priorités d’une existence etc.

« Résiste. Suis ton cœur qui insiste. Ce monde n’est pas le tien, viens, bats-toi, insiste et persiste. Résiste ! », chantait autrefois France Gall sur les paroles de Michel Berger.
En pratiquant leur homing à la manière des saumons, les baptisés retrouvent le courage de cette résistance à tous les conformismes d’aujourd’hui.
Alors, foin des feuilles mortes flottant dans l’air du temps et autres poissons morts dérivant au gré du courant, faisons notre homing out : osons « ne pas nous modeler sur le monde présent », au nom de notre espérance.

_____________________

[1] Cf. http://lhomeliedudimanche.unblog.fr/2025/01/17/ivg-les-50-ans-de-la-loi-veil/  et
http://lhomeliedudimanche.unblog.fr/2024/03/04/1-ivg-pour-3-naissances-en-france/



LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Pour vous, le Soleil de justice se lèvera » (Ml 3, 19-20a)

Lecture du livre du prophète Malachie
Voici que vient le jour du Seigneur, brûlant comme la fournaise. Tous les arrogants, tous ceux qui commettent l’impiété, seront de la paille. Le jour qui vient les consumera, – dit le Seigneur de l’univers –, il ne leur laissera ni racine ni branche. Mais pour vous qui craignez mon nom, le Soleil de justice se lèvera : il apportera la guérison dans son rayonnement.

PSAUME
(Ps 97 (98), 5-6, 7-8, 9)
R/ Il vient, le Seigneur, gouverner les peuples avec droiture. (cf. Ps 97, 9)

Jouez pour le Seigneur sur la cithare, sur la cithare et tous les instruments ;
au son de la trompette et du cor, acclamez votre roi, le Seigneur !

Que résonnent la mer et sa richesse, le monde et tous ses habitants ;
que les fleuves battent des mains, que les montagnes chantent leur joie.

Acclamez le Seigneur, car il vient pour gouverner la terre,
pour gouverner le monde avec justice et les peuples avec droiture !
 
DEUXIÈME LECTURE
« Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus » (2 Th 3, 7-12)

Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Thessaloniciens
Frères, vous savez bien, vous, ce qu’il faut faire pour nous imiter. Nous n’avons pas vécu parmi vous de façon désordonnée ; et le pain que nous avons mangé, nous ne l’avons pas reçu gratuitement. Au contraire, dans la peine et la fatigue, nuit et jour, nous avons travaillé pour n’être à la charge d’aucun d’entre vous. Bien sûr, nous avons le droit d’être à charge, mais nous avons voulu être pour vous un modèle à imiter. Et quand nous étions chez vous, nous vous donnions cet ordre : si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus. Or, nous apprenons que certains d’entre vous mènent une vie déréglée, affairés sans rien faire. À ceux-là, nous adressons dans le Seigneur Jésus Christ cet ordre et cet appel : qu’ils travaillent dans le calme pour manger le pain qu’ils auront gagné.

ÉVANGILE
« C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie » (Lc 21, 5-19)
Alléluia. Alléluia. Redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche. Alléluia. (Lc 21, 28)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ce temps-là, comme certains disciples de Jésus parlaient du Temple, des belles pierres et des ex-voto qui le décoraient, Jésus leur déclara : « Ce que vous contemplez, des jours viendront où il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit ». Ils lui demandèrent : « Maître, quand cela arrivera-t-il ? Et quel sera le signe que cela est sur le point d’arriver ? » Jésus répondit : « Prenez garde de ne pas vous laisser égarer, car beaucoup viendront sous mon nom, et diront : ‘C’est moi’, ou encore : ‘Le moment est tout proche.’ Ne marchez pas derrière eux ! Quand vous entendrez parler de guerres et de désordres, ne soyez pas terrifiés : il faut que cela arrive d’abord, mais ce ne sera pas aussitôt la fin ». Alors Jésus ajouta : « On se dressera nation contre nation, royaume contre royaume. Il y aura de grands tremblements de terre et, en divers lieux, des famines et des épidémies ; des phénomènes effrayants surviendront, et de grands signes venus du ciel.
Mais avant tout cela, on portera la main sur vous et l’on vous persécutera ; on vous livrera aux synagogues et aux prisons, on vous fera comparaître devant des rois et des gouverneurs, à cause de mon nom. Cela vous amènera à rendre témoignage. Mettez-vous donc dans l’esprit que vous n’avez pas à vous préoccuper de votre défense. C’est moi qui vous donnerai un langage et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront ni résister ni s’opposer. Vous serez livrés même par vos parents, vos frères, votre famille et vos amis, et ils feront mettre à mort certains d’entre vous. Vous serez détestés de tous, à cause de mon nom. Mais pas un cheveu de votre tête ne sera perdu. C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie ».
Patrick BRAUD

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2 novembre 2025

Purifiez votre temple intérieur

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Purifiez votre temple intérieur

Homélie pour la Fête de la 
Dédicace de la Basilique du Latran / Année C
Dimanche 09/11/25

Cf. également :
Le principe de gratuité
Incendie de Notre Dame de Paris : « Le sanctuaire, c’est vous »
Le vrai sanctuaire, c’est vous
Êtes-vous plutôt colère ou compassion ?
Assumer notre colère
Le Temple, la veuve, et la colère

1. Une scène très cinématographique
Jesus of Montreal
Jésus de Montréal est un film qui mérite d’être redécouvert (Prix du jury au Festival de Cannes 1989). On y suit le parcours de Daniel, jeune auteur et acteur du théâtre canadien, qui renouvelle un poussiéreux spectacle paroissial sur la Passion du Christ, digne des patronages du début du XX° siècle. Un jour, il accompagne une amie, actrice de la troupe jouant la Passion, à une audition pour tourner dans un clip publicitaire (il faut bien vivre !). Les producteurs lui demandent de se déshabiller en public pour soi-disant mieux juger de son talent. Daniel pique alors une colère violente, et casse les caméras, renverse les tables des producteurs, pour partir en emmenant son amie loin de cette profanation commerciale.
Vous avez bien sûr reconnu une actualisation – osée certes, mais pertinente – de notre épisode des marchands du Temple (Jn 2,13-22 [1]). Jésus chasse de la maison de son Père ceux qui en font un lieu de trafic, et annonce que le vrai Temple sera son corps ressuscité. La « purification » du Temple implique donc le refus de la prostitution du corps humain, profané lorsqu’on le prostitue à toutes les puissances d’argent.
 
On retrouve une actualisation similaire dans le célèbre opéra-rock d’Andrew Lloyd Weber : Jésus-Christ Superstar (1970), toujours joué à Londres ! On y voit Jésus pénétrant dans le Temple transformé en salle des marchés financiers comme à Wall Street, avec des écrans partout où défilent le cours des actions et les taux de change des devises. Il y a également des jeux d’argent, des ventes d’armes, de drogues, de la prostitution etc. La colère de Jésus est là encore violente, « à tout casser » ! Et dans une montée vocale suraiguë, il chante : « Get out ! » jusqu’à expulsion des vendeurs.


 
Impossible de filmer une vie de Jésus, quel que soit le parti pris du réalisateur, sans y inclure cette scène spectaculaire du fouet expulsant les trafiquants du Temple de Jérusalem !
 
2. La pureté et le trafic
Quand on parle de « purification », pureté, on pense majoritairement à la pureté rituelle des grandes religions : l’obsession des ablutions dans l’islam, les règles de pureté sexuelle dans le judaïsme (surtout envers les femmes !), les manies maladives autour de la pureté liturgique (linges, habits, nettoyages, objets…) dans toutes les religions etc.

 
Purifiez votre temple intérieur dans Communauté spirituelleOr ce n’est absolument pas de cela dont il est question dans cette « purification » du Temple ! Il s’agit non pas de sexualité mais d’argent ; non pas de rites mais de commerce ; non pas de liturgie mais de grâce.
Aujourd’hui, Jésus chasse (κβλλω, ekballo en grec = jeter dehors vs synballo = mettre ensemble, symbole) les trafiquants. Demain, c’est lui qui reconnaîtra en l’aveugle né l’expulsé  qui lui ressemble : « Ils lui répondirent : Tu es né tout entier dans le péché, et tu nous enseignes ! Et ils le chassèrent (ekballo). Jésus apprit qu’ils l’avaient chassé (ekballo); et, l’ayant rencontré, il lui dit: Crois-tu au Fils de Dieu ? » (Jn 9,34-35). Il accueillera ce paria comme il accueille tous ceux qui viennent à lui : « Tous ceux que le Père me donne viendront à moi, et je ne mettrai (ekballo) pas dehors celui qui vient à moi » (Jn 6,37). Alors qu’il expulse le Prince de ce monde, comme il expulse les marchands : « Maintenant a lieu le jugement de ce monde ; maintenant le prince de ce monde sera jeté (ekballo) dehors » (Jn 12,31).
 
C’est donc que marchander, trafiquer, négocier avec Dieu relève d’un carton rouge immédiat : la grâce ne s’achète pas, la pureté ne se mérite pas, le rite ne sauve pas s’il est sans éthique.
 
L’accusation de trafic renvoie à la profanation du corps de Jésus, et donc à la profanation du corps humain : le business de la prostitution est une défiguration du vrai Temple de Dieu en chacun. Isaïe dénonçait la prostitution de la ville de Tyr, que le commerce mondialisé rendait idolâtre : « Au bout des soixante-dix ans, Tyr sera visitée par le Seigneur. Elle retournera à ses profits, et se prostituera (elle sera un lieu de trafic, ekballo) avec tous les royaumes du monde sur la face de la terre. » (Is 23,17) (cf. Ez 27,3).
Kohanim-on-the-Altar-300x219 Eckhart dans Communauté spirituelleLes prophètes et les psaumes ne cessent d’inviter à l’intériorisation des sacrifices : ce ne sont plus des animaux qu’il faut offrir, mais soi-même, « cœur brisé et broyé » : « Si j’offre un sacrifice, tu n’en veux pas, tu n’acceptes pas d’holocauste. Le sacrifice qui plaît à Dieu, c’est un esprit brisé ; tu ne repousses pas, ô mon Dieu, un cœur brisé et broyé » (Ps 51,18-19). Ils annoncent que cette purification un jour sera totale : « Il n’y aura plus de marchand dans la Maison du Seigneur de l’univers, en ce jour-là » (Za 14,21).
Jésus accomplit pleinement l’attente des prophètes : le vrai Temple, c’est son corps, dont nous sommes les membres. C’est « en esprit et en vérité » que nous adorons le Père, et non plus sur le mont Garizim ni dans le Temple de Jérusalem (Jn 7,21–23).
 
Le véritable sanctuaire est intérieur. Les pierres de Notre-Dame de Paris ne seront jamais plus précieuses que le corps humain. Comme l’écrivait Paul dans notre deuxième lecture : « Le sanctuaire de Dieu est saint, et ce sanctuaire c’est vous ».
C’est vous ! Pas les pierres ! Pas même le tabernacle ! Le vrai sanctuaire est l’intimité de chacun, en qui Dieu demeure : le royaume de Dieu est là, présent au milieu de vous (Lc 17,21).
 « Ne savez-vous pas que vous êtes un sanctuaire de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? » (1Co 3,16)
 « Je vous exhorte donc, frères, par la tendresse de Dieu, à lui présenter votre corps – votre personne tout entière –, en sacrifice vivant, saint, capable de plaire à Dieu : c’est là, pour vous, la juste manière de lui rendre un culte » (Rm 12,1).
 
Ne réduisons jamais la purification du Temple à des questions de sexualité, de rites, de liturgie. La vraie pureté, c’est d’éliminer toute trace de trafic dans notre relation à Dieu…
 
3. Maître Eckhart et la marchandisation de la religion
S’il est une voix qui a tonné contre l’introduction du trafic dans la religion chrétienne, c’est bien celle de Maître Eckhart (1260-1328) et des mystiques rhénans avec lui !

Il n’est pas tendre envers les dévots de son temps, qui multipliaient les gestes de piété ostentatoires, les mortifications, les aumônes publiques etc. pour « gagner » leur salut [2] :

6_9782351186268_1_75 marchandsTous ceux-là sont des marchands qui se gardent des grosses fautes et seraient volontiers de bonnes personnes et font leurs œuvres pour l’amour de Dieu, jeûnent, veillent, prient, et quoi encore, font des bonnes œuvres de toute espèce et pourtant les font dans l’intention que Notre-Seigneur leur donne quelque chose en échange ou leur fasse ce qui leur agréable.
Tous ces gens-là sont des marchands !

Tout à fait dans le sens vulgaire du mot. Car ils veulent donner l’un en échange de l’autre, veulent ainsi faire des affaires avec Notre-Seigneur : et ils se trompent dans ce marché. Car tout ce qu’ils ont et peuvent accomplir, ils le donnent en vertu de Dieu. C’est pourquoi Dieu ne saurait être redevable à leur égard de rien du tout ni en dons ni en actions, à moins qu’il ne veuille le faire gratuitement de bon gré. Car ce qu’ils sont-ils le sont par Dieu et ce qu’ils ont ils le tiennent de Dieu et non d’eux-mêmes. Mais ensuite Dieu ne leur est redevable de rien non plus pour ce qu’ils donnent et accomplissent, il peut tout au plus leur donner quelque chose volontairement — par grâce ; mais non pas en considération de leurs actions ou de leurs dons. Car à vrai dire ils ne donnent pas du leur et n’agissent pas non plus par eux-mêmes. Comme l’a dit le Christ : « Sans moi vous ne pouvez rien faire. »
Ce sont de méchants fous ceux qui veulent ainsi faire les marchands avec Notre-Seigneur, ils entendent bien peu de choses, si ce n’est rien, à la vérité ! C’est pourquoi Dieu les jeta et les chassa hors du temple.
 
Nous devons nous aussi chasser en nous les marchands intérieurs qui nous empêchent de vivre de la même gratuité que celle qui anime l’amour divin :

marchand+du+temple-222 TempleC’est alors que les marchands sont chassés : quand nous devenons conscients de la vérité. Elle n’a nul besoin de la gent commerçante. Dieu ne cherche pas son avantage. Dans toutes ses œuvres il est libre et dégagé et les accomplit par pur amour. C’est aussi ce que fait l’homme qui est devenu un avec Dieu : lui aussi se tient libre et dégagé dans toutes ses œuvres et les accomplit par amour, sans un pourquoi, pour la seule gloire de Dieu et n’y cherche pas son avantage. C’est Dieu qui fait cela en lui !

Je souligne qu’aussi longtemps que l’homme cherche quoi que ce soit avec ses œuvres, qu’il désire que dieu lui donne quoi que ce soit, maintenant ou un jour, il est pareil à ces marchands ! Si tu veux une bonne fois t’affranchir de tous ces trafics de commerçants, fais tout ce que tu peux en bonnes œuvres, honnêtement, à l’unique louange de Dieu : et n’en sois pas moins dégagé de tout cela comme quand tu n’existais pas. Tu ne dois rien vouloir avoir en échange ! Quand tu agis dans de telles dispositions, tes œuvres sont inspirées et divines. Ce n’est que quand l’homme n’a que Dieu dans le cœur que les négociants sont vraiment chassés du temple.
 
Faisons nôtre la prière de Maître Eckhart, pour entreprendre avec courage et persévérance ce long travail de purification intérieure :
Puisse Jésus venir aussi en nous pour chasser et expulser tout ce qui défigure notre corps et notre âme, en sorte que nous devenions un avec lui, ici-bas sur terre et là-haut dans le royaume du ciel, qu’à cela Dieu nous aide éternellement ! Amen.

_____________________

[1]. Il existe une chronologie différente entre Jean et les synoptiques concernant le moment de la purification du Temple. Jean situe cet événement au début du ministère de Jésus tandis que les autres le placent à la fin.

[2]. Sermon 1, Intravit Jesus in templum et coepit eicere vendentes et ementes, sur Mt 21,12

 
Dédicace de la Basilique du Latran

Lectures de la messe

Première lecture (Ez 47, 1-2.8-9.12)
En ces jours-là, au cours d’une vision reçue du Seigneur, l’homme me fit revenir à l’entrée de la Maison, et voici : sous le seuil de la Maison, de l’eau jaillissait vers l’orient, puisque la façade de la Maison était du côté de l’orient. L’eau descendait de dessous le côté droit de la Maison, au sud de l’autel. L’homme me fit sortir par la porte du nord et me fit faire le tour par l’extérieur, jusqu’à la porte qui fait face à l’orient, et là encore l’eau coulait du côté droit. Il me dit : « Cette eau coule vers la région de l’orient, elle descend dans la vallée du Jourdain, et se déverse dans la mer Morte, dont elle assainit les eaux. En tout lieu où parviendra le torrent, tous les animaux pourront vivre et foisonner. Le poisson sera très abondant, car cette eau assainit tout ce qu’elle pénètre, et la vie apparaît en tout lieu où arrive le torrent. Au bord du torrent, sur les deux rives, toutes sortes d’arbres fruitiers pousseront ; leur feuillage ne se flétrira pas et leurs fruits ne manqueront pas. Chaque mois ils porteront des fruits nouveaux, car cette eau vient du sanctuaire. Les fruits seront une nourriture, et les feuilles un remède. »

Psaume (Ps 45 (46), 2-3, 5-6, 8-9a.10a)

Dieu est pour nous refuge et force,
secours dans la détresse, toujours offert.
Nous serons sans crainte si la terre est secouée,
si les montagnes s’effondrent au creux de la mer.

Le Fleuve, ses bras réjouissent la ville de Dieu,
la plus sainte des demeures du Très-Haut.
Dieu s’y tient : elle est inébranlable ;
quand renaît le matin, Dieu la secourt.

Il est avec nous, le Seigneur de l’univers ;
citadelle pour nous, le Dieu de Jacob !
Venez et voyez les actes du Seigneur,
Il détruit la guerre jusqu’au bout du monde.

Deuxième lecture (1 Co 3, 9c-11.16-17)
Frères, vous êtes une maison que Dieu construit. Selon la grâce que Dieu m’a donnée, moi, comme un bon architecte, j’ai posé la pierre de fondation. Un autre construit dessus. Mais que chacun prenne garde à la façon dont il contribue à la construction. La pierre de fondation, personne ne peut en poser d’autre que celle qui s’y trouve : Jésus Christ. Ne savez-vous pas que vous êtes un sanctuaire de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? Si quelqu’un détruit le sanctuaire de Dieu, cet homme, Dieu le détruira, car le sanctuaire de Dieu est saint, et ce sanctuaire, c’est vous.

Évangile (Jn 2, 13-22)
Comme la Pâque juive était proche, Jésus monta à Jérusalem. Dans le Temple, il trouva installés les marchands de bœufs, de brebis et de colombes, et les changeurs. Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du Temple, ainsi que les brebis et les bœufs ; il jeta par terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs, et dit aux marchands de colombes : « Enlevez cela d’ici. Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce. » Ses disciples se rappelèrent qu’il est écrit : L’amour de ta maison fera mon tourment. Des Juifs l’interpellèrent : « Quel signe peux-tu nous donner pour agir ainsi ? » Jésus leur répondit : « Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai. » Les Juifs lui répliquèrent : « Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce sanctuaire, et toi, en trois jours tu le relèverais ! » Mais lui parlait du sanctuaire de son corps. Aussi, quand il se réveilla d’entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu’il avait dit cela ; ils crurent à l’Écriture et à la parole que Jésus avait dite.

Patrick BRAUD

 

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26 octobre 2025

Avez-vous le culte des morts ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Avez-vous le culte des morts ?


Homélie pour la
Commémoration de tous les fidèles défunts / Année C Dimanche 02/11/25

Cf. également :
Toussaint : j’irai prier sur vos tombes…
Toussaint : Heureux ceux qui pleurent !
Toussaint : un avenir urbain et unitaire
Toussaint : la mort comme un poème
Toussaint alluvionnaire
Les cimetières de la Toussaint
Tous un : la Toussaint, le cimetière, et l’Église…
Toussaint d’en-haut, Toussaint d’en-bas
Toussaint : le bonheur illucide
Ton absence…
La mort, et après ?
Le train de la vie

Puisque le 2 novembre tombe un dimanche cette année, profitons-en pour faire un focus sur notre rapport aux morts, et à la mort. Un récent sondage IFOP-Famille chrétienne peut nous y aider [1].

 

Avez-vous le culte des morts ? dans Communauté spirituelleOn y apprend que les Français se répartissent en trois parts quasi égales entre ceux qui croient en une vie après la mort, ceux qui n’y croient pas, et ceux qui ne savent pas.


C’est la trace d’une influence encore très forte des affirmations de la foi chrétienne sur les questions de l’au-delà. Comparés aux 5% à 10% de pratiquants réguliers, les 32% qui croient en une vie après la mort constituent un cercle bien plus large, ce qui souligne la responsabilité des chrétiens pour continuer à nourrir cet héritage si vivace. Sans compter que les agnostiques – « je ne sais pas » – sont souvent bien plus proches des croyants qu’ils ne le pensent eux-mêmes. Sur le fil du rasoir, il suffit d’un décès, d’une maladie, d’un accompagnement fraternel pendant un deuil etc. pour que la balance penche d’un côté ou d’un autre…

 

 défunts dans Communauté spirituelleL’image est encore plus nette quand on demande quelle relation nous entretenons avec nos proches défunts : il n’y a qu’un français sur quatre qui répond : « aucune ». Les autres vont encore au cimetière – et les innombrables tombes fleuries de la Toussaint en témoignent –, allument une bougie pour eux, ressentent encore leur présence, leur bienveillance.

La communion des saints est peut-être l’article le plus populaire, le plus partagé du Credo !


Ce sentiment de solidarité à travers la mort est affectif, mémoriel, psychologique, symbolique. Il a pour les chrétiens une haute valeur spirituelle, car il affirme que « l’amour est fort comme la mort » (Ct 8,6) et que la communion entre les êtres est plus puissante que la séparation ou l’absence.

 

 mortPar contre, les représentations de l’au-delà traduisent une perte de l’ancrage de l’héritage chrétien. Seuls 7% espèrent « voir Dieu » après leur mort, alors que 40% n’attendent rien, et que les autres oscillent entre « tunnel de lumière » façon New Age et réincarnation façon bouddhiste (à la sauce occidentale !), ou au mieux les retrouvailles avec ses proches (ce qui est très « horizontal »).


Le défi se situe bien là, dans les images, les discours, le contenu théologique de notre espérance : il est urgent de reparler de l’au-delà, en des termes que notre culture et notre sensibilité pourront comprendre, et auxquels nous pourrons adhérer sans avoir à emprunter ailleurs…

 

 

En guise de bonus pour ce 2 novembre, voici quelques extraits d’une homélie qu’Ambroise de Milan (339-397) a prononcée pour l’anniversaire de la mort de son frère.

Elle a impressionné l’auditoire de la cathédrale de Milan. À nous d’en faire autant !

Le chrétien et la mortNous voyons que la mort est un avantage, et la vie un tourment, si bien que Paul a pu dire : Pour moi, vivre c’est le Christ, et mourir est un avantage. Qu’est-ce que le Christ ? Rien d’autre que la mort du corps, et l’esprit qui donne la vie. Aussi mourons avec lui pour vivre avec lui. Nous devons chaque jour nous habituer et nous affectionner à la mort afin que notre âme apprenne, par cette séparation, à se détacher des désirs matériels. Notre âme établie dans les hauteurs, où les sensualités terrestres ne peuvent accéder pour l’engluer, accueillera l’image de la mort pour ne pas encourir le châtiment de la mort. En effet la loi de la chair est en lutte contre la loi de l’âme et cherche à l’entraîner dans l’erreur.  Mais quel est le remède ? Qui me délivrera de ce corps de mort ? — La grâce de Dieu, par Jésus Christ, notre Seigneur.

Nous avons le médecin, adoptons le remède. Notre remède, c’est la grâce du Christ, et le corps de mort, c’est notre corps. Alors, soyons étrangers au corps pour ne pas être étrangers au Christ. Si nous sommes dans le corps, ne suivons pas ce qui vient du corps ; n’abandonnons pas les droits de la nature, mais préférons les dons de la grâce.

Qu’ajouter à cela? Le monde a été racheté par la mort d’un seul. Car le Christ aurait pu ne pas mourir, s’il l’avait voulu. Mais il n’a pas jugé qu’il fallait fuir la mort comme inutile, car il ne pouvait mieux nous sauver que par sa mort. C’est pourquoi sa mort donne la vie à tous. Nous portons la marque de sa mort, nous annonçons sa mort par notre prière, nous proclamons sa mort par notre sacrifice. Sa mort est une victoire, sa mort est un mystère, le monde célèbre sa mort chaque année.

Que dire encore de cette mort, puisque l’exemple d’un Dieu nous prouve que la mort seule a recherché l’immortalité et que la mort s’est rachetée elle-même ? Il ne faut pas s’attrister de la mort, puisqu’elle produit le salut de tous, il ne faut pas fuir la mort que le Fils de Dieu n’a pas dédaignée et n’a pas voulu fuir.

La mort n’était pas naturelle, mais elle l’est devenue ; car, au commencement, Dieu n’a pas créé la mort : il nous l’a donnée comme un remède.  L’homme, condamné pour sa désobéissance à un travail continuel et à une désolation insupportable, menait une vie devenue misérable. Il fallait mettre fin à ses malheurs, pour que la mort lui rende ce que sa vie avait perdu. L’immortalité serait un fardeau plutôt qu’un profit, sans le souffle de la grâce.

L’âme a donc le pouvoir de quitter le labyrinthe de cette vie et la fange de ce corps, et de tendre vers l’assemblée du ciel, bien qu’il soit réservé aux saints d’y parvenir ; elle peut chanter la louange de Dieu dont le texte prophétique nous apprend qu’elle est chantée par des musiciens : Grandes et merveilleuses sont tes œuvres. Seigneur, Dieu tout-puissant: justes et véritables sont tes chemins. Roi des nations. Qui ne te craindrait, Seigneur, et ne glorifierait ton nom ? Car toi seul es saint. Toutes les nations viendront se prosterner devant toi. Et l’âme peut voir tes noces, Jésus, où ton épouse est conduite de la terre jusqu’aux cieux, sous les acclamations joyeuses de tous — car vers toi vient toute chair — ton épouse qui n’est plus exposée aux dangers du monde, mais unie à ton Esprit.

C’est ce que le saint roi David a souhaité, plus que toute autre chose, pour lui-même, c’est ce qu’il a voulu voir et contempler : La seule chose que je demande au Seigneur, la seule que je cherche, c’est d’habiter la maison du Seigneur tous les jours de ma vie, et de découvrir la douceur du Seigneur.

___________________________


[1]
. Sondage Ifop pour Famille Chrétienne : Les Français et la vie après la mort, Septembre 2024,
Cf.  https://www.ifop.com/publication/les-francais-et-la-vie-apres-la-mort/

 

Lectures de la messe
Première lecture (Sg 3, 1-6.9)

 

Les âmes des justes sont dans la main de Dieu ; aucun tourment n’a de prise sur eux. Aux yeux de l’insensé, ils ont paru mourir ; leur départ est compris comme un malheur, et leur éloignement, comme une fin : mais ils sont dans la paix. Au regard des hommes, ils ont subi un châtiment, mais l’espérance de l’immortalité les comblait. Après de faibles peines, de grands bienfaits les attendent, car Dieu les a mis à l’épreuve et trouvés dignes de lui. Comme l’or au creuset, il les a éprouvés ; comme une offrande parfaite, il les accueille. Au temps de sa visite, ils resplendiront : comme l’étincelle qui court sur la paille, ils avancent. Ils jugeront les nations, ils auront pouvoir sur les peuples, et le Seigneur régnera sur eux pour les siècles. Qui met en lui sa foi comprendra la vérité ; ceux qui sont fidèles resteront, dans l’amour, près de lui. Pour ses amis, grâce et miséricorde : il visitera ses élus. – Parole du Seigneur.  

 

Psaume (26 (27), 1, 4, 7-9a, 13-14)

 

Le Seigneur est ma lumière et mon salut ; de qui aurais-je crainte ? 

Le Seigneur est le rempart de ma vie ; devant qui tremblerais-je ? 

J’ai demandé une chose au Seigneur, la seule que je cherche : 

habiter la maison du Seigneur tous les jours de ma vie, 

pour admirer le Seigneur dans sa beauté et m’attacher à son temple. 

 

Écoute, Seigneur, je t’appelle ! Pitié ! Réponds-moi ! 

Mon cœur m’a redit ta parole : « Cherchez ma face. » 

C’est ta face, Seigneur, que je cherche : ne me cache pas ta face. 

Mais j’en suis sûr, je verrai les bontés du Seigneur sur la terre des vivants. 

« Espère le Seigneur, sois fort et prends courage ; espère le Seigneur. »  

 

Deuxième lecture (1 Co 15, 51-57)

Frères, c’est un mystère que je vous annonce : nous ne mourrons pas tous, mais tous nous serons transformés, et cela en un instant, en un clin d’œil, quand, à la fin, la trompette retentira. Car elle retentira, et les morts ressusciteront, impérissables, et nous, nous serons transformés. Il faut en effet que cet être périssable que nous sommes revête ce qui est impérissable ; il faut que cet être mortel revête l’immortalité. Et quand cet être périssable aura revêtu ce qui est impérissable, quand cet être mortel aura revêtu l’immortalité, alors se réalisera la parole de l’Écriture : La mort a été engloutie dans la victoire. Ô Mort, où est ta victoire ? Ô Mort, où est-il, ton aiguillon ? L’aiguillon de la mort, c’est le péché ; ce qui donne force au péché, c’est la Loi. Rendons grâce à Dieu qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus Christ. 

 

Évangile (Jean 6, 37-40)

En ce temps-là, Jésus disait aux foules : « Tous ceux que me donne le Père viendront jusqu’à moi ; et celui qui vient à moi, je ne vais pas le jeter dehors. Car je suis descendu du ciel pour faire non pas ma volonté, mais la volonté de Celui qui m’a envoyé. Or, telle est la volonté de Celui qui m’a envoyé : que je ne perde aucun de ceux qu’il m’a donnés, mais que je les ressuscite au dernier jour. Telle est la volonté de mon Père : que celui qui voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. » 

Patrick BRAUD

 

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19 octobre 2025

La tentation du mépris

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

La tentation du mépris


Homélie pour le 30° dimanche du Temps ordinaire / Année C
 26/10/25
 
 Cf. également :

Pharisien lucide, publicain illucide ?
D’Anubis à saint Michel 
Dans les petits papiers de Dieu
Simul peccator et justus : de l’intérêt d’être pécheur et de le savoir
« J’ai renoncé au comparatif »
Cendres : soyons des justes illucides
Toussaint : le bonheur illucide
La croissance illucide
Divine surprise
La docte ignorance

 

1. Votre dernier mépris, c’était pour qui ?

La tentation du mépris dans Communauté spirituelle 250px-PSM_V36_D704_Facial_expression_of_contemptRappelez-vous : cette légère moue, ce petit rictus, cette commissure aux lèvres, ce détour du regard pour ne pas voir… Lorsque le visage se durcit et que les yeux deviennent froids, accusateurs ; lorsqu’un geste de la main suffit à repousser un intrus dont on ne veut pas…

Peu de personnes pourraient avouer – surtout devant d’autres – qu’elles ont récemment ressenti et exprimé du mépris envers quelqu’un. En toute bonne conscience, nous nous identifions rarement au pharisien de la parabole de ce dimanche (Lc 18,9-14), persuadé que les autres sont injustes, méprisables. Pourtant, la gêne éprouvée en passant près d’un mendiant malodorant, d’un migrant baragouinant son mauvais français, ou le jugement ‘in petto’ devant tel comportement public, tel étalage de richesses, telle réussite imméritée nous font passer par toutes les couleurs du mépris : de la dénégation ou dégoût, du désaveu au jugement sévère, de l’étonnement au sarcasme, de l’ironie à la condamnation.

 

Le mépris est meurtrier.

Il empêche le pharisien de fraterniser avec le publicain. Il sépare ceux qui se croient « justes » des « injustes ». Pour les pauvres, les petits, les sans-défense, le mépris des puissants se traduit toujours par plus de misère, plus de domination, et des procès en tous genres. Le mépris inverse est tout aussi dangereux : lorsque les pauvres méprisent les riches, la violence armée n’est pas loin. Car le mépris nourrit la haine, si bien que chaque révolution nourrit sa Terreur présentée comme un « juste » renversement des choses.

 

2 Le mépris dans la Bible

125926158 juste dans Communauté spirituelleNotre parabole montre le malheur dont le pharisien s’entoure lui-même en méprisant les pécheurs publics. Le mot employé par Luc est le verbe grec ξουθενω (= exoutheneo) : mépriser. Il ne l’emploie que deux fois dans son Évangile : ici dans cette parabole (« à l’adresse de certains qui étaient convaincus d’être justes et qui méprisaient les autres »), et ensuite lors du procès de Jésus, lorsqu’il comparaît devant Hérode : « Hérode, ainsi que ses soldats, le traita avec mépris et se moqua de lui : il le revêtit d’un manteau de couleur éclatante et le renvoya à Pilate » (Lc 23,11). Le rapprochement des deux occurrences est saisissant : le pécheur dont le juif pieux se moque est bien Jésus ; l’inculpé lamentable qu’on traîne devant Hérode devient l’objet de son mépris. D’où la dérision dont il revêt ce soi-disant prétendant au trône royal : l’habit rouge vermeil, comme une caricature méchante ; les moqueries, comme des lanières de fouet destinées à faire rire la foule et l’entraîner elle aussi au mépris, à la dérision. Bientôt, ces mots méprisants se changeront en coups de fouet bien réels, puis en crachats, en insultes, et finalement en clous plantés dans les poignets et les chevilles…

 

Luc réutilise ensuite – volontairement – le même verbe ξουθενω pour caractériser la Passion de Jésus : « Ce Jésus est la pierre méprisée de vous, les bâtisseurs, mais devenue la pierre d’angle » (Ac 4,11).

En étant ainsi identifié aux méprisés les plus vils de l’Empire romain par le supplice infamant de la croix, Jésus plonge au plus bas de notre humanité – jusqu’aux enfers mêmes – pour aller chercher et sauver ceux qui se croyaient perdus, condamnés par les hommes, oubliés de Dieu.

 

Image de dessin animé d'une mouette Mépris ou Mascot Pelican avec les bras croisés - 15889367Cette interprétation de la Passion du Christ comme tragédie du mépris aurait dû vacciner les premiers chrétiens contre un tel ressentiment. Hélas, dès les communautés de Jérusalem et de Rome, Paul est témoin que les baptisés sont capables de se mépriser mutuellement. Ceux  par exemple qui observaient les interdits alimentaires de la cacherout juive avaient tendance à juger sévèrement ceux qui ne le faisaient pas. Paul intervient vigoureusement pour stopper ce mépris des « bienfaisants » : « Que celui qui mange ne méprise pas celui qui ne mange pas, et que celui qui ne mange pas ne juge pas celui qui mange, car Dieu l’a accueilli, lui aussi » (Rm 14,3).

Et il rappelle à tous la commune humanité qui unit le pharisien au publicain, le juif au païen, le croyant attaché aux traditions à celui qui se sent libre : « Alors toi, pourquoi juger ton frère ? Toi, pourquoi mépriser ton frère ? Tous, en effet, nous comparaîtrons devant le tribunal de Dieu » (Rm 14,10).

Plus encore, à Corinthe – ville où le canal de l’isthme rassemble dockers, prostituées et populace en tous genres près du port – Paul est obligé de rappeler que, depuis Jésus méprisé par tous, Dieu choisit « ce qui est d’origine modeste, méprisé dans le monde, ce qui n’est pas. Voilà ce que Dieu a choisi, pour réduire à rien ce qui est » (1Co 1,28). « Nous, nous sommes fous à cause du Christ, et vous, vous êtes raisonnables dans le Christ ; nous sommes faibles, et vous êtes forts ; vous êtes à l’honneur, et nous, dans le mépris » (1Co 4,10).

Jacques quant à lui s’étonne qu’en plus du malheur d’être démunis, les pauvres soient sévèrement jugés par les baptisés de Jérusalem : « Mais vous, vous méprisez le pauvre. Or n’est-ce pas les riches qui vous oppriment, et vous traînent devant les tribunaux ? » (Jc 2,6).

 

Rousseur et cécité : la divine embauche ! Dans l’Ancien Testament, on se souvient que le jeune David était méprisé parce qu’il était roux (et en ce temps-là, cela sentait le diabolique, comme les albinos ou les difformes !) : « Lorsqu’il le vit, il le regarda avec mépris car c’était un jeune garçon ; il était roux… » (1S 17,42). C’est pourtant lui – le roux devant qui on se détourne – que YHWH choisit pour être son Messie !

Outre sa rousseur, David a eu l’impudence de danser de joie devant l’arche d’alliance lorsqu’il la fit entrer dans Jérusalem. Spectacle choquant : un roi à demi-nu virevoltant en public pour célébrer YHWH !

« Or, comme l’arche du Seigneur entrait dans la Cité de David, Mikal, fille de Saül, se pencha par la fenêtre : elle vit le roi David qui sautait et tournoyait devant le Seigneur. Dans son cœur, elle le méprisa » (2S 6,16 ; cf. 1Ch 15,29).

Cela aurait dû vacciner David contre le mépris envers autrui ! Hélas… Il n’a pas hésité envoyer le mari de la belle Bethsabée au front, en première ligne de la guerre, pour qu’il soit tué et qu’il puisse prendre sa femme tant convoitée. En méprisant la vie d’un rival amoureux, David a méprisé YHWH lui-même : « Pourquoi donc as-tu méprisé le Seigneur en faisant ce qui est mal à ses yeux ? Tu as frappé par l’épée Ourias le Hittite ; sa femme, tu l’as prise pour femme ; lui, tu l’as fait périr par l’épée des fils d’Ammone. Désormais, l’épée ne s’écartera plus jamais de ta maison, parce que tu m’as méprisé et que tu as pris la femme d’Ourias le Hittite pour qu’elle devienne ta femme » (2S 12,9-10).

David-Dancing-before-the-Lord mépris

Décidément, nous n’apprenons pas grand-chose en traversant les malheurs qui nous frappent, puisque nous sommes capables comme David de condamner après avoir était sauvés, de mépriser après avoir été choisis… !

 

Job sur son fumier à Jean FouquetLes longues complaintes de Job souffrant du mépris général à cause de soi-disant châtiments  divins qui s’abattent sur lui sont célèbres. Tout semble sourire aux injustes, alors que les malchanceux sont mis à l’écart : « Au malchanceux, le mépris ! pense l’homme heureux. Un coup de plus à ceux dont le pied chancelle ! » (Jb 12,5). « Même les garnements ont pour moi du mépris ; si je me lève, ils parlent contre moi » (Jb 19,18).

Jésus apparaîtra pour les chrétiens comme le nouveau Job, qui a tenu bon dans l’épreuve du mépris, et que YHWH a relevé du fumier, des insultes et du dégoût en lui donnant la résurrection à partager à tous.

 

Les psaumes font écho à la plainte de Job, à la Passion du Christ ridiculisé sur le gibet : « Et moi, je suis un ver, pas un homme, méprisé par les gens, rejeté par le peuple » (Ps 22,7).

« Pitié pour nous, Seigneur, pitié pour nous : notre âme est rassasiée de mépris. C’en est trop, nous sommes rassasiés du rire des satisfaits, du mépris des orgueilleux ! » (Ps 123,3-4).

« Épargne-moi l’insulte et le mépris : je garde tes exigences. » (Ps 119,22).

 

Ce rapide tour d’horizon biblique suffit à mettre le mépris au cœur de la Passion-Résurrection de Jésus : l’humiliation, la dérision, la condamnation religieuse, la négation de son humanité ont conduit le Nazaréen à sa chute, à son élimination, avec l’approbation des foules.

 

3. Soigner les causes profondes du mépris

Comment expliquer qu’on en arrive là, aujourd’hui comme hier ?

Comment empêcher cette vague meurtrière de mépris de déferler en nous et autour de nous ?

Le pharisien de la parabole nous donne quelques pistes, quelques indices sur les causes : il est « convaincu d’être juste », c’est pourquoi « il méprise les autres ».

Convaincu d’être juste : voilà le drame des révolutionnaires, des bien-pensants, des gens très religieux, des tièdes évitant les excès…

Pas facile de marier convictions fortes et respect de ceux qui ne pensent pas pareil !

68138061 pharisienLe problème surgit quand le juste veut savoir s’il est juste : au lieu de demeurer – illucide – dans la confiance en son Seigneur, il cherche alors dans ses œuvres la confirmation de son statut de privilégié. Il croit qu’il peut faire son salut, qu’il peut mériter la grâce, qu’il est juste grâce à ses bonnes actions. Et donc ceux qui ne produisent pas des œuvres semblables sont sûrement écartés du salut, de la grâce. À force de vouloir posséder son statut de juste, il finit par le perdre…

Il vaudrait mieux pour lui accepter de ne pas savoir – illucide – à la manière de Jeanne d’Arc à qui on demandait si elle était en état de grâce :

« Si je n’y suis pas, Dieu m’y mette. Si j’y suis, Dieu m’y garde ».

Autrement dit : ce n’est pas à moi de savoir si je suis juste ou pas. Je l’ignore, et c’est très bien ainsi.

 

Cette docte ignorance s’applique alors à autrui : qui suis-je pour dire que l’autre est injuste ou pas ? Il vaut mieux laisser ce jugement en suspens, et confier à Dieu le soin de gérer tout cela !

 

Ne pas vouloir savoir si je suis juste est donc le chemin pour me libérer de la tentation du mépris. Car je renoncerai alors au comparatif, confiant autrui à Celui qui seul sonde les reins et les cœurs (Ps 7,10).

Mépriser, c’est rabaisser, comparer, introduire une échelle de valeurs, subordonner. Si je renonce à m’évaluer, je ferai de même pour le publicain si peu fréquentable.

 

Le salut (être « juste ») est illucide : celui qui veut en prendre conscience et possession le laissera couler entre ses doigts !

Le salut n’est pas de mieux faire/être/penser que l’autre, mais ensemble de se confier à l’amour gratuit d’un Dieu qui ne raisonne pas comme les humains.

 

La prochaine fois qu’une marque de dégoût ou un durcissement du regard trahira votre exposition à la tentation du mépris, souvenez-vous du publicain au Temple, et plus encore du condamné affublé d’un tissu rouge pour le désigner à la dérision des gens ordinaires…

 

« He was despised and rejected of men.. » : il était méprisé, rejeté de tous…
Extrait du Messie de Haëndel, version Gospel (« Young Messiah »)

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE

« La prière du pauvre traverse les nuées » (Si 35, 15b-17.20-22a)

 

Lecture du livre de Ben Sira le Sage

Le Seigneur est un juge qui se montre impartial envers les personnes. Il ne défavorise pas le pauvre, il écoute la prière de l’opprimé. Il ne méprise pas la supplication de l’orphelin, ni la plainte répétée de la veuve. Celui dont le service est agréable à Dieu sera bien accueilli, sa supplication parviendra jusqu’au ciel. La prière du pauvre traverse les nuées ; tant qu’elle n’a pas atteint son but, il demeure inconsolable. Il persévère tant que le Très-Haut n’a pas jeté les yeux sur lui, ni prononcé la sentence en faveur des justes et rendu justice.

 

PSAUME

(Ps 33 (34), 2-3, 16.18, 19.23)
R/ Un pauvre crie ; le Seigneur entend. (Ps 33, 7a)

 

Je bénirai le Seigneur en tout temps,
sa louange sans cesse à mes lèvres.
Je me glorifierai dans le Seigneur :
que les pauvres m’entendent et soient en fête !

 

Le Seigneur regarde les justes,
il écoute, attentif à leurs cris.
Le Seigneur entend ceux qui l’appellent :
de toutes leurs angoisses, il les délivre.

 

Il est proche du cœur brisé,
il sauve l’esprit abattu.
Le Seigneur rachètera ses serviteurs :
pas de châtiment pour qui trouve en lui son refuge.

 

DEUXIÈME LECTURE

« Je n’ai plus qu’à recevoir la couronne de la justice » (2 Tm 4, 6-8.16-18)

 

Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre à Timothée

Bien-aimé, je suis déjà offert en sacrifice, le moment de mon départ est venu. J’ai mené le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi. Je n’ai plus qu’à recevoir la couronne de la justice : le Seigneur, le juste juge, me la remettra en ce jour-là, et non seulement à moi, mais aussi à tous ceux qui auront désiré avec amour sa Manifestation glorieuse. La première fois que j’ai présenté ma défense, personne ne m’a soutenu : tous m’ont abandonné. Que cela ne soit pas retenu contre eux. Le Seigneur, lui, m’a assisté. Il m’a rempli de force pour que, par moi, la proclamation de l’Évangile s’accomplisse jusqu’au bout et que toutes les nations l’entendent. J’ai été arraché à la gueule du lion ; le Seigneur m’arrachera encore à tout ce qu’on fait pour me nuire. Il me sauvera et me fera entrer dans son Royaume céleste. À lui la gloire pour les siècles des siècles. Amen.

 

ÉVANGILE

« Le publicain redescendit dans sa maison ; c’est lui qui était devenu juste, plutôt que le pharisien » (Lc 18, 9-14)
Alléluia. Alléluia. Dans le Christ, Dieu réconciliait le monde avec lui : il a mis dans notre bouche la parole de la réconciliation. Alléluia. (cf. 2 Co 5, 19)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là, à l’adresse de certains qui étaient convaincus d’être justes et qui méprisaient les autres, Jésus dit la parabole que voici : « Deux hommes montèrent au Temple pour prier. L’un était pharisien, et l’autre, publicain (c’est-à-dire un collecteur d’impôts). Le pharisien se tenait debout et priait en lui-même : ‘Mon Dieu, je te rends grâce parce que je ne suis pas comme les autres hommes – ils sont voleurs, injustes, adultères –, ou encore comme ce publicain. Je jeûne deux fois par semaine et je verse le dixième de tout ce que je gagne.’ Le publicain, lui, se tenait à distance et n’osait même pas lever les yeux vers le ciel ; mais il se frappait la poitrine, en disant : ‘Mon Dieu, montre-toi favorable au pécheur que je suis !’ Je vous le déclare : quand ce dernier redescendit dans sa maison, c’est lui qui était devenu un homme juste, plutôt que l’autre. Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé ».

Patrick BRAUD

 

 

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