L'homélie du dimanche (prochain)

  • Accueil
  • > Recherche : homme inconnu

16 janvier 2022

Fixer les yeux sur le Christ

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Fixer les yeux sur le Christ

Homélie du 3° Dimanche du temps ordinaire / Année C
23/01/2022

Cf. également :
L’Aujourd’hui de Dieu dans nos vies
Faire corps
Saules pleureurs
L’événement sera notre maître intérieur
Accomplir, pas abolir

Plus d’écran, moins de regard

Un TGV ordinaire. Une cinquantaine de voyageurs dans la rame. Il y règne un silence humain incompréhensible pour un non-occidental. Chacun a les yeux rivés sur son écran : smartphone, tablette, PC portable. Personne n’adresse la parole à son voisin, ni à personne. On fait Paris-Marseille sans lever les yeux vers autre chose que le contrôleur ou le panneau de la gare étape. Et puis on part en étant incapable de reconnaître son voisin de siège si on le croise à nouveau sur le quai…
Les Français de moins de 50 ans passent plus d’une heure par jour devant l’écran de leur smartphone. Ils le défouraillent compulsivement des dizaines de fois par jour.

Répartition des possesseurs de téléphone mobile en France en 2017, selon l’âge et la durée d’utilisation par jour

Répartition des possesseurs de téléphone mobile en France en 2017

https://fr.statista.com/statistiques/690016/temps-passe-telephone-mobile-smartphone-age-france/

À cela s’ajoute les heures devant l’écran de télévision, de l’ordinateur etc. Le résultat de cette démultiplication de miroirs narcissiques est étrange : il semble que plus il y a d’écran, moins il y a de regard ! Qui prend le temps de dévisager une face inconnue plutôt que de jouer à Angry Birds ? Qui s’abstrait du reflet de sa propre image sur son écran pour se tourner vers l’autre ?
Car c’est bien là le bénéfice majeur du regard : nous détourner de nous-même pour accepter la présence de l’autre. Ne pas regarder quelqu’un en face, ne pas lui exposer son visage, c’est refuser la relation. Le voile islamique est en ce sens profondément a-relationnel : comment établir une relation avec l’autre si je ne peux pas l’en-visager ?

L’évangile de ce dimanche (Lc 1,1-4; 4,14-21) mentionne incidemment cette puissance du regard lorsqu’il décrit la foule en attente, suspendue aux lèvres de Jésus après sa lecture de la Torah, dans la synagogue de Nazareth : « tous avaient les yeux fixés sur lui ». Après un passage aussi brûlant que celui du livre d’Isaïe annonçant le jubilé messianique, on devine l’attente, la soif de l’assemblée envers Jésus : que va-t-il annoncer ? est-ce de lui dont parle le texte ? que peut-on espérer de lui ?

Origène nous invitait à lever les yeux nous aussi vers le Christ :
Fixer les yeux sur le Christ dans Communauté spirituelle jesus%20lit%20a%20la%20synagogue« Après avoir lu ces paroles, Jésus referma le livre, le rendit au servant et s’assit. Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui (Lc 4,20) ».
« En ce moment aussi, dans notre synagogue, c’est-à-dire dans notre assemblée, vous pouvez, si vous le voulez, fixer les yeux sur le Sauveur. Car, lorsque vous tenez le regard le plus profond de votre cœur attaché à la contemplation de la sagesse, de la vérité et du Fils unique de Dieu, vos yeux sont fixés sur Jésus. Bienheureuse assemblée dont l’Écriture atteste que tous avaient les yeux fixés sur lui ! Comme je voudrais que cette assemblée mérite un témoignage semblable, que tous, catéchumènes, fidèles, femmes, hommes et enfants, regardent Jésus avec les yeux non du corps, mais de l’âme ! Lorsque, en effet, vous tournerez vers lui votre regard, sa lumière et sa contemplation rendront vos visages plus lumineux, et vous pourrez dire : Sur nous, Seigneur, la lumière de ton visage a laissé ton empreinte (cf. Ps 4,7), toi à qui appartiennent la gloire et la puissance pour les siècles des siècles. Amen ». Origène (+ 253), Homélie 32, 1-3.6

Fixer les yeux sur quelqu’un, c’est vraiment se concentrer sur qui il est, sur son identité telle qu’elle transparaît à travers les traits de son visage, de tout son corps. C’est parfois pour le reconnaître, comme la servante qui scrute le visage de Pierre se chauffant devant le brasero dans la cour du grand prêtre pendant l’interrogatoire de Jésus (Lc 22,56). C’est peut-être pour contempler ce visage habité d’une telle intensité qu’on vient y boire comme à une source. C’est le plus souvent pour essayer de déchiffrer le message vivant qu’est le regard de l’autre, son visage, pour établir un contact qui appelle une relation.

À Nazareth, l’assemblée de la synagogue a les yeux fixés sur Jésus après sa lecture. En exerçant ainsi son regard, elle creuse son désir de voir l’actualisation que Jésus va faire de cette parole. Elle agrandit sa soif d’en recevoir l’interprétation pour s’en nourrir, maintenant. Elle élargit le manque qui la pousse à espérer.

Nous qui venons d’entendre les lectures de la liturgie, nous en sommes à ce point où nous tournons les yeux vers le Christ pour lui demander : qu’y a-t-il pour moi/pour nous dans ces textes ? Comment peuvent-ils devenir Parole de Dieu pour moi/pour nous aujourd’hui ?
La messe nous donne Christ à regarder intensément, sous les deux formes de la Bible et de l’eucharistie notamment.

 

Fixer le Christ dans les yeux de l’Écriture

14eme-dimanche-2020-2-1200x791 Christ dans Communauté spirituelleAprès les deux lectures et le psaume, le prêtre (diacre) soulève le lectionnaire et invite l’assemblée : « acclamons la parole de Dieu ! ». Elle répond : « louange à toi seigneur Jésus ! », en regardant le livre tendu à bout de bras par le prêtre.
Nous sommes donc invités à fixer nos yeux sur l’Écriture, en proclamant que ces textes nous parlent (ils deviennent parole), et nous parlent du Christ, Verbe de Dieu (parole, logos) ayant pris chair de notre chair. Dès lors, scruter intensément les Écritures c’est  contempler le visage du Christ. En sens inverse, impossible de prétendre connaître le Christ sans lire attentivement l’Écriture ! « Ignorer les Écritures, c’est ignorer le Christ »  (saint Jérôme).

La plupart des temples protestants sont d’une austérité redoutable : pas de vitraux, pas de tableaux ni d’icônes, pas de statues ni de sculptures. Mais ils comportent toujours une Bible ouverte qui trône sur la table de la Cène ou sur la chaire de prédication. Lire, étudier la Bible est le premier moyen privilégié pour fixer les yeux sur le Christ. Quelques versets chaque jour, une lecture continue de temps en temps, une étude biblique ou une prédication : la posologie est simple et s’adapte à chacun ! Respecter cette ordonnance biblique permet de ne pas perdre de vue le Christ tout au long de sa journée, de ses années, de sa vie.

 

Fixer le Christ dans les yeux de l’eucharistie

%C3%A9l%C3%A9vation-CIRIC-200x300 regardMon institutrice de CM1 – une vieille fille légèrement acariâtre – m’a légué un cadeau inestimable. Elle nous avait appris à regarder fixement l’hostie au moment où elle est élevée après la consécration. Déjà c’était osé, puisque les gens pieux inclinaient la tête pour ne pas voir, avec une ostentatoire humilité qui les ployait à genoux les yeux contre le sol. Il fallait au contraire être debout, ressuscité, et dévisager le plus intensément possible ce « pain de misère ». Pour y confesser le Christ, notre institutrice nous invitait à redire à ce moment-là les mots de l’apôtre Thomas constatant les plaies du Ressuscité : « mon Seigneur et mon Dieu ! » Depuis le CM1, cette habitude m’a aidé à tenir debout dans l’adversité, à confesser Dieu présent dans la misère des mauvais jours comme dans la beauté des élévations les plus sublimes. L’adoration eucharistique n’est jamais que le prolongement de ce regard intense face à l’hostie consacrée élevée au plus haut.
« Il m’avise et je l’avise » : le mot du paysan au curé d’Ars pour décrire sa prière devant le tabernacle est si juste ! Car le regard là encore est d’abord un passif : je suis regardé par le Christ avant que de porter les yeux sur lui. De ce croisement « d’avisements » jaillit une parole de salut comme à Nazareth, un dialogue intérieur comme Marie de Béthanie aux pieds de Jésus, les yeux levés vers lui (cf. Ps 123,1).

 

Évangéliser la pulsion scopique

Le judaïsme privilégie l’ouïe. Il n’a pas tort ! La prière la plus importante commence par « Shema Israël… » : « Écoute Israël ! » (Dt 6,4). Il s’agit d’abord d’écouter, de veiller dans la nuit comme Samuel en alerte pour ne pas manquer la parole de l’autre : « parle Seigneur, ton serviteur écoute » (1S 3,9).
Pourquoi mettre l’ouïe en avant et non la vue ? Parce que les cultes païens environnants pullulaient de statut d’idoles, de déesses et de grigris à accrocher partout en guise de protection imaginaire. Les idoles sont à voir. YHWH est à entendre. « Dieu, nul ne l’a jamais vu » (Jn 1,18). On peut donc se méfier légitimement de ce vieux rêve humain de façonner un veau d’or selon sa projection du moment pour se prosterner devant ce qu’il voit.

media

Avec Freud, on peut également se méfier de notre tendance à capter l’autre par la vue pour en jouir selon notre imaginaire. Ce que Freud appelait la pulsion scopique : il y a dans le regard une impulsion, un désir de convoitise, de possession, de domination, dont les « voyeurs » sont le pur produit [1].

La pulsion du regard est utile, car elle nous oblige malgré tout à découvrir qu’il y a un autre que nous-même. Elle prépare la sublimation lorsque nous renonçons à capter l’autre. Fixer intensément les yeux sur quelqu’un, c’est découvrir que je ne suis pas tout, que l’autre me manque. Hélas, ce manque nourrit également la convoitise, qui conduit à la domination et l’instrumentalisation de l’autre nié en tant qu’autre. L’histoire de Caïn voyant le sacrifice d’Abel accepté par Dieu et sautant sur lui pour le tuer nous avertit : la pulsion scopique n’est pas pure d’emblée. Elle est à évangéliser. À limiter et à sublimer, dira Freud. Fixer les yeux sur le Christ de l’Écriture et de l’eucharistie évangélise la force puissante et violente de notre regard, en l’éduquant à ne pas mettre la main sur l’autre lorsque nous le touchons des yeux.

La crise iconoclaste des VIII°-IX° siècles a été fort utile pour clarifier ce point. Face aux rigoristes qui voulaient garder l’intransigeance du judaïsme (et plus tard de l’islam) interdisant toute représentation divine (ou même humaine), le concile de Nicée de 787 a plaidé pour que les représentations du visage du Christ nous réconcilient avec notre regard sur l’autre. Les icônes orientales expriment au plus haut point – en parallèle pourrait-on dire avec l’adoration eucharistique occidentale – la conviction des compagnons de Jésus : nous laisser regarder par lui convertit notre regard sur les autres, sur le monde. Il est possible, à partir de la beauté relative du visage de l’autre, de percevoir la beauté sans limites du visage du Christ. De manière symétrique, il est possible, à partir de la contemplation du Christ (dans l’Écriture et l’eucharistie notamment) les yeux dans les yeux, de dévisager autrement ceux qui nous entourent, avec respect et vérité, dans une quête de communion et non de domination.

 

christ-mendiant

Fixer le Christ dans les yeux

Nous sommes dans la synagogue de Nazareth. Le Christ vient de rouler le parchemin dans lequel il a lu l’oracle d’Isaïe. Ces mots continuent de danser entre lui et nous, et son visage en acquiert une profondeur, une intensité inconnue.
Suspendons le temps pour nous accrocher à ses lèvres, plonger dans ses yeux, pour boire à son regard, dans l’attente de l’aujourd’hui qu’il nous révèle : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre ».
Fixons intensément les yeux sur le Christ, par l’Écriture et l’eucharistie, par les événements, par la beauté et le drame de ce monde, par la musique et le silence, par le souffle et la béance…

 


[1]. La pulsion scopique est définie par Sigmund Freud comme le plaisir de posséder l’autre par le regard. Il s’agit d’une pulsion sexuelle indépendante des zones érogènes où l’individu s’empare de l’autre comme objet de plaisir qu’il soumet à son regard contrôlant. «Manifestation sexuelle spontanée » chez l’enfant, elle est essentielle car originaire aussi d’autres pulsions – la pulsion de savoir ou encore la sublimation. La scopophilie désigne plus exactement la prise de plaisir en regardant quelqu’un d’autre. La personne observée ne serait perçue que comme un simple objet, que le scopophile aurait l’impression de « contrôler » en le regardant.

 

Lectures de la messe

1ère lecture : « Tout le peuple écoutait la lecture de la Loi » (Ne 8, 2-4a.5-6.8-10)
Lecture du livre de Néhémie
En ces jours-là, le prêtre Esdras apporta le livre de la Loi en présence de l’assemblée, composée des hommes, des femmes, et de tous les enfants en âge de comprendre. C’était le premier jour du septième mois. Esdras, tourné vers la place de la porte des Eaux, fit la lecture dans le livre, depuis le lever du jour jusqu’à midi, en présence des hommes, des femmes, et de tous les enfants en âge de comprendre : tout le peuple écoutait la lecture de la Loi. Le scribe Esdras se tenait sur une tribune de bois, construite tout exprès. Esdras ouvrit le livre ; tout le peuple le voyait, car il dominait l’assemblée. Quand il ouvrit le livre, tout le monde se mit debout. Alors Esdras bénit le Seigneur, le Dieu très grand, et tout le peuple, levant les mains, répondit : « Amen ! Amen ! » Puis ils s’inclinèrent et se prosternèrent devant le Seigneur, le visage contre terre. Esdras lisait un passage dans le livre de la loi de Dieu, puis les Lévites traduisaient, donnaient le sens, et l’on pouvait comprendre.
 Néhémie le gouverneur, Esdras qui était prêtre et scribe, et les Lévites qui donnaient les explications, dirent à tout le peuple : « Ce jour est consacré au Seigneur votre Dieu ! Ne prenez pas le deuil, ne pleurez pas ! » Car ils pleuraient tous en entendant les paroles de la Loi. Esdras leur dit encore : « Allez, mangez des viandes savoureuses, buvez des boissons aromatisées, et envoyez une part à celui qui n’a rien de prêt. Car ce jour est consacré à notre Dieu ! Ne vous affligez pas : la joie du Seigneur est votre rempart ! »

 

Psaume : Ps 18 (19), 8, 9, 10, 15
R/ Tes paroles, Seigneur, sont esprit et elles sont vie. (cf. Jn 6, 63c)

La loi du Seigneur est parfaite,
qui redonne vie ;
la charte du Seigneur est sûre,
qui rend sages les simples.

Les préceptes du Seigneur sont droits,
ils réjouissent le cœur ;
le commandement du Seigneur est limpide,
il clarifie le regard.

La crainte qu’il inspire est pure,
elle est là pour toujours ;
les décisions du Seigneur sont justes
et vraiment équitables.

Accueille les paroles de ma bouche,
le murmure de mon cœur ;
qu’ils parviennent devant toi,
Seigneur, mon rocher, mon défenseur !

 

2ème lecture : « Vous êtes corps du Christ et, chacun pour votre part, vous êtes membres de ce corps » (1 Co 12, 12-30)
Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens
Frères, prenons une comparaison : notre corps ne fait qu’un, il a pourtant plusieurs membres ; et tous les membres, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul corps. Il en est ainsi pour le Christ. C’est dans un unique Esprit, en effet, que nous tous, Juifs ou païens, esclaves ou hommes libres, nous avons été baptisés pour former un seul corps. Tous, nous avons été désaltérés par un unique Esprit. Le corps humain se compose non pas d’un seul, mais de plusieurs membres.
Le pied aurait beau dire : « Je ne suis pas la main, donc je ne fais pas partie du corps », il fait cependant partie du corps. L’oreille aurait beau dire : « Je ne suis pas l’œil, donc je ne fais pas partie du corps », elle fait cependant partie du corps. Si, dans le corps, il n’y avait que les yeux, comment pourrait-on entendre ? S’il n’y avait que les oreilles, comment pourrait-on sentir les odeurs ? Mais, dans le corps, Dieu a disposé les différents membres comme il l’a voulu. S’il n’y avait en tout qu’un seul membre, comment cela ferait-il un corps ? En fait, il y a plusieurs membres, et un seul corps. L’œil ne peut pas dire à la main : « Je n’ai pas besoin de toi » ; la tête ne peut pas dire aux pieds : « Je n’ai pas besoin de vous ». Bien plus, les parties du corps qui paraissent les plus délicates sont indispensables. Et celles qui passent pour moins honorables, ce sont elles que nous traitons avec plus d’honneur ; celles qui sont moins décentes, nous les traitons plus décemment ; pour celles qui sont décentes, ce n’est pas nécessaire. Mais en organisant le corps, Dieu a accordé plus d’honneur à ce qui en est dépourvu. Il a voulu ainsi qu’il n’y ait pas de division dans le corps, mais que les différents membres aient tous le souci les uns des autres. Si un seul membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance ; si un membre est à l’honneur, tous partagent sa joie.
Or, vous êtes corps du Christ et, chacun pour votre part, vous êtes membres de ce corps.
Parmi ceux que Dieu a placés ainsi dans l’Église, il y a premièrement des apôtres, deuxièmement des prophètes, troisièmement ceux qui ont charge d’enseigner ; ensuite, il y a les miracles, puis les dons de guérison, d’assistance, de gouvernement, le don de parler diverses langues mystérieuses. Tout le monde évidemment n’est pas apôtre, tout le monde n’est pas prophète, ni chargé d’enseigner ; tout le monde n’a pas à faire des miracles, à guérir, à dire des paroles mystérieuses, ou à les interpréter.

 

Evangile : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture » (Lc 1, 1-4 ; 4, 14-21)
Acclamation : Alléluia. Alléluia.
Le Seigneur m’a envoyé, porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération. Alléluia. (Lc 4, 18cd)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
Beaucoup ont entrepris de composer un récit des événements qui se sont accomplis parmi nous, d’après ce que nous ont transmis ceux qui, dès le commencement, furent témoins oculaires et serviteurs de la Parole. C’est pourquoi j’ai décidé, moi aussi, après avoir recueilli avec précision des informations concernant tout ce qui s’est passé depuis le début, d’écrire pour toi, excellent Théophile, un exposé suivi, afin que tu te rendes bien compte de la solidité des enseignements que tu as entendus. En ce temps-là, lorsque Jésus, dans la puissance de l’Esprit, revint en Galilée, sa renommée se répandit dans toute la région. Il enseignait dans les synagogues, et tout le monde faisait son éloge. Il vint à Nazareth, où il avait été élevé. Selon son habitude, il entra dans la synagogue le jour du sabbat, et il se leva pour faire la lecture. On lui remit le livre du prophète Isaïe. Il ouvrit le livre et trouva le passage où il est écrit : L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur. Jésus referma le livre, le rendit au servant et s’assit. Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui. Alors il se mit à leur dire : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre »
Patrick BRAUD

Mots-clés : ,

17 octobre 2021

Le courage aveugle de Bartimée

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Le courage aveugle de Bartimée

30° Dimanche du Temps Ordinaire / Année B
24/10/2021

Cf. également :

Comme l’oued au désert
Les larmes du changement
Bartimée et Jésus : les deux fois deux fils

L’Église, obstacle et chemin

Le courage aveugle de Bartimée dans Communauté spirituelle M02204020567-largePar bien des aspects, l’institution Église est si décevante, si infidèle au message qu’elle transmet ! Elle tarde à se réformer (ministères féminins, exercice de l’autorité, cléricalisme, accueil des divorcés remariés etc.). Elle bruisse des mesquineries, jalousies et ambitions trop humaines qu’on croise trop souvent en politique ou ailleurs. Elle a trop longtemps cautionné des scandales qui éclatent maintenant au grand jour. Elle en devient presque un obstacle pour ceux qui cherchent sincèrement un sens à leur existence.

Ainsi les gens qui rabrouent Bartimée en marge de la foule qui suivait Jésus de Jéricho à Jérusalem. Ils menacent sérieusement ce mendiant aveugle de s’en prendre à lui s’il ne cesse pas de crier vers Jésus.

Tout en étant obstacle, l’Église demeure cependant un chemin vers Dieu. D’abord parce qu’elle porte en elle le trésor de l’Évangile et continue à proclamer ce message, quitte à ce qu’il la condamne. Ensuite, parce qu’il y a toujours des membres de cette Église – pas forcément les clercs ou les figures connues – qui serviront de relais à l’appel du Christ : « confiance, lève-toi, il t’appelle ».
Comme souvent la traduction liturgique de notre passage (Mc 10, 46-52) est plus ou moins fidèle à l’original du texte grec, qui serait plutôt :
Ils appelèrent l’aveugle en lui disant: « Prends courage (Θάρσει !), lève-toi (ἐγείρω), il t’appelle ». L’aveugle jeta son manteau et, se levant d’un bond (ἀναπηδήσας), vint vers Jésus.

Tantôt obstacle, tantôt chemin, l’Église est cette foule remplie de contradictions qui s’obstine néanmoins à suivre Jésus sur sa route pour monter avec lui de Jérusalem (‘ville de la Lune’, païenne et changeante) à Jérusalem (‘ville de la paix’ et de la plénitude).

Comment pouvons-nous être chemin les uns pour les autres ?
Explorons pour cela les 3 verbes transmis par la foule à Bartimée : prends courage / lève-toi / il t’appelle.

 

Prends courage !

Le déclin du courageLe terme grec θαρσω (tharseo = prendre courage) est employé 7 fois seulement dans la Bible, et le Nouveau Testament uniquement. Outre pour Bartimée, Marc le met sur les lèvres de Jésus pour rassurer ses disciples qui le voient marcher sur les flots : « Tous, en effet, l’avaient vu et ils étaient bouleversés. Mais aussitôt Jésus parla avec eux et leur dit : ‘Courage ! c’est moi ; n’ayez pas peur !’ » (Mc 6, 50 ; cf. Mt 14,27).

Chez Mathieu, c’est un encouragement à changer de vie adressé au paralytique (« Et voici qu’on lui présenta un paralysé, couché sur une civière. Voyant leur foi, Jésus dit au paralysé : ‘Courage, mon enfant, tes péchés sont pardonnés’ » – Mt 9, 2) et à la femme hémorroïsse (« Jésus se retourna et, la voyant, lui dit : ‘Courage, ma fille ! Ta foi t’a sauvée.’ Et, à l’heure même, la femme fut sauvée » – Mt 9, 22).

Chez Jean, c’est encore un encouragement, mais cette fois pour affronter les persécutions et les menaces qui s’abattent sur les premiers chrétiens : « Je vous ai parlé ainsi, afin qu’en moi vous ayez la paix. Dans le monde, vous avez à souffrir, mais courage ! Moi, je suis vainqueur du monde » (Jn 16, 33).

Paul entend une voix intérieure le conforter dans cette même attitude de courage face à la prison et la décapitation qui l’attendent à Rome : « La nuit suivante, le Seigneur vint auprès de Paul et lui dit : ‘Courage ! Le témoignage que tu m’as rendu à Jérusalem, il faut que tu le rendes aussi à Rome’ » (Ac 23, 11).

La foule autour de Bartimée cesse donc d’être un obstacle lorsqu’elle l’invite au courage pour changer de vie, en passant d’aveugle à voyant, de mendiant à disciple, d’assis à debout.

Nous aussi, nous sommes chemin vers Dieu les uns pour les autres lorsque nous nous arrêtons pour nous encourager mutuellement dans les passages que nous avons à assumer. Ce qui nous demande de suspendre notre jugement sur ce qui nous dérange chez les autres, à l’inverse des gens qui voulaient violemment faire taire le gêneur sur le bas-côté. Bartimée était un mendiant marginal, handicapé, bruyant. Quels sont les Bartimée d’aujourd’hui ? Ils  crient vers le Christ à leur façon : provocations, outrances, blasphèmes, aveuglements, mœurs décalées… Au lieu de vouloir les faire taire, nous ferions Église si nous les encouragions, littéralement, c’est-à-dire s’ils trouvaient en nous des paroles de bienveillance, sans jugement, qui valorisent et reconnaissent la soif intérieure qui les habite.

La foule devient Église lorsqu’elle devient un groupe où l’on s’encourage, où l’on trouve du courage pour avancer. Et il en faut du courage quand on est aveugle pour fendre la foule jusqu’à Jésus ! Essayez un peu, ne serait-ce qu’en vous bandant les yeux, d’aller vers quelqu’un qui vous appelle,  sans rien voir dans une pièce inconnue… !

Au sein d’une paroisse, nous deviendrons un puits de courage si nous savons nous écouter chacun dans les combats qui sont les nôtres : guérir de ce qui nous paralyse comme l’homme sur le brancard, stopper la perte du désir comme l’hémorroïsse, affronter l’adversité et nos adversaires comme Paul et les premiers chrétiens.

Ici, c’est le courage face à la cécité que la foule-Église transmet à Bartimée : ‘tu as raison de ne pas te résigner ; prend le risque de changer radicalement : ne reste pas assis sur le côté alors que nous marchons vers Jérusalem !’

 

Lève-toi !

Harold Copping, Jesus Heals Blind Bartimaeus, 1920Les verbes que Marc emploie ici sont bien connus dans le Nouveau Testament : γείρω (egeiró) = se lever, et νστημι (anistemi) = se lever d’un bond.

C’est typiquement le vocabulaire de la résurrection : se lever d’entre les morts, ressusciter (cf. Mc 5,42 ; 9,9-10.31 ; 10,34 ; 12,25 ; 16,9 etc.). D’ailleurs, Marc vient juste de le mettre sur les lèvres de Jésus annonçant sa Passion, ce qui effraie les disciples manquant de courage : « Voici que nous montons à Jérusalem (d’où l’importance pour Bartimée de les suivre dans cette montée vers Jérusalem). Le Fils de l’homme sera livré aux grands prêtres et aux scribes ; ils le condamneront à mort, ils le livreront aux nations païennes, qui se moqueront de lui, cracheront sur lui, le flagelleront et le tueront, et trois jours après, il ressuscitera (ναστήσεται, anastēsetai) » (Mc 10, 33 34).

Les gens qui voulaient effacer Bartimée de la scène sont heureusement remplacés – sur ordre de Jésus - par ceux qui au contraire lui disent : ‘lève-toi !’ On peut y entendre comme un écho de l’invitation du Bien-aimé du Cantique des cantiques à sa Bien-aimée : « Lève-toi, mon amie, ma toute belle, et viens… Vois, l’hiver s’en est allé, les pluies ont cessé, elles se sont enfuies. Sur la terre apparaissent les fleurs, le temps des chansons est venu et la voix de la tourterelle s’entend sur notre terre. Le figuier a formé ses premiers fruits, la vigne fleurie exhale sa bonne odeur. Lève-toi, mon amie, ma gracieuse, et viens… » (Ct 2, 10 13).
Nous devenons Église lorsque nous nous encourageons mutuellement ainsi à nous lever, à nous relever de nos chagrins, de nos épreuves, de nos rechutes, de nos morts physiques et spirituelles.

Pour Bartimée, se lever demande un courage peu banal. Car, aveugle, désorienté à côté de cette foule dangereuse, comment faire pour tenir debout sans se cogner et chuter ? Comment aller vers Jésus sans savoir où il est ? Mais Bartimée n’hésite pas, sans doute en se laissant guider par ceux qui l’encourageaient. Comme son manteau le gêne dans ce mouvement rapide, il le jette pour que rien ne soit obstacle à sa marche vers le Christ. Et voilà comment le manteau de Bartimée est devenu le symbole de tout ce qu’il nous faut abandonner pour devenir chrétien…

La foule qui était obstacle est devenue guide, le manteau qui gênait le relèvement est abandonné sur le bord de la route.

Inviter et aider l’autre à ressusciter dès maintenant, aujourd’hui, est au cœur de la vie fraternelle en Église. ‘Lève-toi ! Sors de tes préjugés en venant lire la Bible avec nous, car ignorer les Écritures c’est ignorer le Christ (saint Jérôme). Quitte des addictions, avec la force que te donnera la prière en commun. Fais le deuil que tu dois faire pour vivre, en te tournant avec nous vers la Pâque du Christ. Débusque les idoles qui prennent la place du seul vrai Dieu dans ton agenda, ta consommation, ton épargne, tes loisirs’.

Tout le contraire de l’assistanat ! À l’image de Pierre et Jean face à l’impotent de la Belle Porte du Temple de Jérusalem : « De l’argent et de l’or, je n’en ai pas ; mais ce que j’ai, je te le donne : au nom de Jésus Christ le Nazaréen, lève-toi et marche ! » (Ac 3, 6).

Tout le contraire d’une fausse compassion complice ! À l’image de l’Abbé Pierre qui rencontre à l’été 49 un ex-bagnard qui a tenté de se suicider. « Moi, je n’ai rien à te donner, lui dit l’abbé Pierre. Toi, tu n’as rien à perdre puisque tu veux mourir. Alors, donne-moi ton aide pour aider les autres. » Georges sera le premier compagnon d’un havre d’accueil qu’à Pâques 1950 l’abbé Pierre baptise « Emmaüs », en référence à l’Évangile (Lc 24). Georges se souviendra : « Ce qui me manquait, ce n’était pas seulement de quoi vivre, c’était aussi des raisons de vivre. »

D’obstacle nous devenons chemin si nous savons nous encourager mutuellement à nous lever d’entre les morts, à ressusciter au présent en trouvant nos raisons de vivre et d’aimer.

 

Il t’appelle !

Répondre à l'appel du ChristMarc emploie le verbe φωνω (phoneo) 3 fois dans notre passage. C’est donc le signe qu’il a une grande importance, et que cela caractérise pour lui la nature même de ce qui constitue l’Église : faire circuler l’appel du Christ en le relayant.

Jésus demande en effet qu’on appelle l’aveugle, ce que fait la foule-Église, en son nom propre et au nom du Christ : « Jésus s’arrête et dit : ‘Appelez-le.’ On appelle donc l’aveugle, et on lui dit : ‘Confiance, lève-toi ; il t’appelle‘ » (Mc 10, 49).

C’est d’ailleurs l’étymologie même du mot Église en grec : ekklesia vient de ek-kaleo = appeler au-dehors. Par nature, l’Église est le rassemblement de ceux qui acceptent de sortir de chez eux pour répondre à l’appel du Christ.

Ce n’est pas un club où l’on se choisit. Ce n’est pas un parti où l’on cherche le pouvoir. Ce n’est pas même une communauté qui voudrait tout partager. Non : c’est une assemblée d’appelés  par un Autre qu’eux-mêmes. La cloche de l’église de nos villages en est un beau symbole : lorsqu’elle sonne, chacun sort de chez lui, arrête son travail, ses occupations, pour se laisser rassembler à l’Église. Et dans cette réponse à l’appel qui constitue l’Église nous ne choisissons pas nos voisins de banc ! Dieu appelle qui il veut ; ce n’est pas à nous de faire le tri. Ce n’est pas à nous de diviser l’assemblée par des petits clans où nous aimerions retrouver ceux qui nous ressemblent.

Le Christ appelle. L’Église est cette portion d’humanité qui accepte de se laisser rassembler en répondant à cet appel.

Nous sommes chemin et non obstacle si nous savons répercuter cet appel largement autour de nous. Avec une préférence pour ceux que personne n’appelle, et qui restent là, Bartimée mendiant immobile aux marges de la société…

Appeler sans se décourager… Souvenons-nous que dans l’Évangile de Marc, la dernière parole de Jésus en croix est pour appeler son Père : « Et à la neuvième heure, Jésus cria d’une voix forte : ‘Éloï, Éloï, lama sabbactani ?’, ce qui se traduit : ‘Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?’ L’ayant entendu, quelques-uns de ceux qui étaient là disaient : ‘Voilà qu’il appelle le prophète Élie !’ » (Mc 15, 34 35).

Appelés par Dieu, nous l’appelons en retour, dans la joie comme dans la détresse. Crier vers Dieu sans se lasser avec Job et Bartimée, lui murmurer notre soif de son amour avec les psaumes, lui demander son Esprit de sagesse avec Salomon, l’appeler au secours avec le crucifié : notre vocation est également d’appeler Dieu avec Bartimée qui crie « fils de David, aie pitié de moi » de plus belle à chaque fois qu’on veut le faire taire.

Nous encourager mutuellement, faire circuler entre nous l’appel à se lever pour vivre : l’Église sera un peu mieux l’Église du Christ si nous apprenons à pratiquer ce coaching spirituel où la bienveillance l’emporte sur le jugement, le courage sur la résignation, l’ouverture sur le repli…

 

 

Lectures de la messe

Première lecture
« L’aveugle et le boiteux, je les fais revenir » (Jr 31, 7-9)

Lecture du livre du prophète Jérémie

Ainsi parle le Seigneur : Poussez des cris de joie pour Jacob, acclamez la première des nations ! Faites résonner vos louanges et criez tous : « Seigneur, sauve ton peuple, le reste d’Israël ! » Voici que je les fais revenir du pays du nord, que je les rassemble des confins de la terre ; parmi eux, tous ensemble, l’aveugle et le boiteux, la femme enceinte et la jeune accouchée : c’est une grande assemblée qui revient. Ils avancent dans les pleurs et les supplications, je les mène, je les conduis vers les cours d’eau par un droit chemin où ils ne trébucheront pas. Car je suis un père pour Israël, Éphraïm est mon fils aîné.

Psaume
(Ps 125 (126), 1-2ab, 2cd-3, 4-5, 6)
R/ Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous : nous étions en grande fête !
(Ps 125, 3)

Quand le Seigneur ramena les captifs à Sion,
nous étions comme en rêve !
Alors notre bouche était pleine de rires,
nous poussions des cris de joie.

Alors on disait parmi les nations :
« Quelles merveilles fait pour eux le Seigneur ! »
Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous :
nous étions en grande fête !

Ramène, Seigneur, nos captifs,
comme les torrents au désert.
Qui sème dans les larmes
moissonne dans la joie.

Il s’en va, il s’en va en pleurant,
il jette la semence ;
il s’en vient, il s’en vient dans la joie,
il rapporte les gerbes.

Deuxième lecture
« Tu es prêtre de l’ordre de Melkisédek pour l’éternité » (He 5, 1-6)

Lecture de la lettre aux Hébreux

Tout grand prêtre est pris parmi les hommes ; il est établi pour intervenir en faveur des hommes dans leurs relations avec Dieu ; il doit offrir des dons et des sacrifices pour les péchés. Il est capable de compréhension envers ceux qui commettent des fautes par ignorance ou par égarement, car il est, lui aussi, rempli de faiblesse ; et, à cause de cette faiblesse, il doit offrir des sacrifices pour ses propres péchés comme pour ceux du peuple. On ne s’attribue pas cet honneur à soi-même, on est appelé par Dieu, comme Aaron.
Il en est bien ainsi pour le Christ : il ne s’est pas donné à lui-même la gloire de devenir grand prêtre ; il l’a reçue de Dieu, qui lui a dit : Tu es mon Fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré, car il lui dit aussi dans un autre psaume : Tu es prêtre de l’ordre de Melkisédek pour l’éternité.

Évangile
« Rabbouni, que je retrouve la vue » (Mc 10, 46b-52) Alléluia. Alléluia.

Notre Sauveur, le Christ Jésus, a détruit la mort, il a fait resplendir la vie par l’Évangile. Alléluia. (2 Tm 1, 10)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, tandis que Jésus sortait de Jéricho avec ses disciples et une foule nombreuse, le fils de Timée, Bartimée, un aveugle qui mendiait, était assis au bord du chemin. Quand il entendit que c’était Jésus de Nazareth, il se mit à crier : « Fils de David, Jésus, prends pitié de moi ! » Beaucoup de gens le rabrouaient pour le faire taire, mais il criait de plus belle : « Fils de David, prends pitié de moi ! » Jésus s’arrête et dit : « Appelez-le. » On appelle donc l’aveugle, et on lui dit : « Confiance, lève-toi ; il t’appelle. » L’aveugle jeta son manteau, bondit et courut vers Jésus. Prenant la parole, Jésus lui dit : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » L’aveugle lui dit : « Rabbouni, que je retrouve la vue ! » Et Jésus lui dit : « Va, ta foi t’a sauvé. » Aussitôt l’homme retrouva la vue, et il suivait Jésus sur le chemin.
Patrick BRAUD

Mots-clés : , , , ,

22 août 2021

Le pur et l’impur en christianisme

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Le pur et l’impur en christianisme

22° Dimanche du Temps Ordinaire / Année B
29/08/2021

Cf. également :

La coutume sans la vérité est une vieille erreur
Toucher les tsitsits de Jésus
Quel type de pratiquant êtes-vous ?
Signes extérieurs de religion
L’événement sera notre maître intérieur
De la santé au salut en passant par la foi

Le pur et l’impur en christianisme dans Communauté spirituelle 342472_0-674x405Un musulman qui se prépare entrer dans la mosquée sait-il qu’il reproduit le geste de Moïse devant le buisson ardent en enlevant ses chaussures ? Lui a-t-on appris qu’il reproduit les gestes des prêtres juifs (les cohens) lorsqu’il se lave les mains, les pieds et le visage avant d’entrer (cf. Dt 30, 147-21 ; 40, 30-32) ? Pourrait-il expliquer à un occidental que ces ablutions ne sont pas des règles d’hygiène, mais des rituels symboliques de pureté religieuse ?
Comme souvent, l’islam pratique un retour au judaïsme, en annulant la formidable libération que Jésus a pourtant formellement initiée en ne se lavant pas les mains avant de passer à table, et en défendant ses disciples qui s’affranchissaient comme lui de ces « traditions humaines » datées. L’Évangile de notre dimanche  (Mc 7, 1-23) est en effet très clair :
« En ce temps-là, les pharisiens et quelques scribes, venus de Jérusalem, se réunissent auprès de Jésus, et voient quelques-uns de ses disciples prendre leur repas avec des mains impures, c’est-à-dire non lavées. – Les pharisiens en effet, comme tous les Juifs, se lavent toujours soigneusement les mains avant de manger, par attachement à la tradition des anciens ; et au retour du marché, ils ne mangent pas avant de s’être aspergés d’eau, et ils sont attachés encore par tradition à beaucoup d’autres pratiques : lavage de coupes, de carafes et de plats. Alors les pharisiens et les scribes demandèrent à Jésus : « Pourquoi tes disciples ne suivent-ils pas la tradition des anciens ? Ils prennent leurs repas avec des mains impures. » Jésus leur répondit : « Isaïe a bien prophétisé à votre sujet, hypocrites, ainsi qu’il est écrit : Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. C’est en vain qu’ils me rendent un culte ; les doctrines qu’ils enseignent ne sont que des préceptes humains. Vous aussi, vous laissez de côté le commandement de Dieu, pour vous attacher à la tradition des hommes. Appelant de nouveau la foule, il lui disait : « Écoutez-moi tous, et comprenez bien. Rien de ce qui est extérieur à l’homme et qui entre en lui ne peut le rendre impur. Mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui rend l’homme impur ».

Depuis cette parole fondatrice sur le pur et l’impur, les chrétiens n’ont plus à multiplier les gestes extérieurs de nettoyage, lavage, purification en tous genres qui étaient devenus envahissants, et stigmatisaient ceux qui ne les appliquaient pas scrupuleusement, ‘comme il faut le faire’, la plupart du temps sans savoir pourquoi il faut le faire ainsi (à part les savants).

 

Pourquoi se laver les mains avant de passer à table ?

Soyons justes : les pharisiens aimaient Dieu de tout leur cœur, et cherchaient ce qui correspondait le mieux à sa sainteté. L’intuition d’origine est belle : sanctifier chaque moment de la vie quotidienne en y apposant le sceau de la foi en YHWH grâce à des gestes simples et concrets qui permettent de rester dans l’Alliance avec Lui. On a déjà évoqué par exemple la richesse symbolique des tsitsits, ces franges portées en permanence la journée par les hommes à leurs vêtements pour ne pas perdre de vue les 613 commandements de la Torah. Il suffit de lire le Lévitique, le livre des Nombres et le Deutéronome pour accumuler un nombre impressionnant de prescriptions à observer pour sacrifier un animal, pour faire la prière, pour ne pas manger n’importe quelle viande n’importe comment, pour se purifier le matin, le soir, avant ou après avoir fait telle chose, touché tel objet etc.

La Loi mosaïque expliquait ce qui pouvait rendre impur, notamment les écoulements corporels (règles, sperme etc. cf. Lv 15), la lèpre (Lv 13) ou le contact avec les cadavres d’humains ou d’animaux (Nb 19,13-16). Elle donnait aussi des instructions sur la façon de se purifier : en faisant des sacrifices, en se lavant ou en faisant des aspersions (Lv 11-15 ; Nb 19) etc. Les rabbins interprétaient chaque détail de ces lois. Un ouvrage rapporte que chaque cause d’impureté était soumise à un examen : quelles circonstances pouvaient entraîner l’impureté, comment et dans quelle mesure elle pouvait se transmettre à d’autres, quels ustensiles ou objets étaient susceptibles ou pas de devenir impurs et enfin, par quels moyens ou rites il fallait se purifier. Ils se livraient à de grandes discussions pour décider quel récipient devait être utilisé pour ce rituel, quel type d’eau convenait, qui devait la verser et quelle surface des mains devait être couverte par l’eau. Les sages d’Israël réfléchissant sur toutes ses obligations très concrètes, y ont vu un sens caché plus important encore. Pour le lavage des mains qui nous occupe ce dimanche, laissons une tradition juive nous en développer une signification symbolique :

 ablution dans Communauté spirituelle« Néanmoins, des différences existent également. La première est la façon de verser l’eau. Le matin, au lever, on se lave trois fois chaque main, en alternance. On prend le récipient de la main droite, on le fait passer dans la main gauche, on verse de l’eau sur la main droite, puis sur la gauche. On refait, au total, trois fois ce même geste. Avant le repas, on lave aussi trois fois chaque main, mais sans alternance. On prend alors le récipient dans la main droite, on le passe dans la main gauche, on lave la main droite trois fois de suite, puis trois fois la gauche. Pendant que les mains sont encore mouillées, l’une est frottée contre l’autre. Enfin, on lève les deux mains et l’on dit la bénédiction.

L’élévation des sentiments est possible de deux façons. La première, le lavage des mains du matin, a pour but de se défaire de l’esprit d’impureté qui découle de l’obscurité, inhérente aux comportements du monde. Les mains sont alors lavées par alternance, étape par étape. L’élévation est progressive et concerne, tour à tour, chaque sentiment, jusqu’à ce qu’elles parviennent toutes à la perfection.

La seconde façon est le lavage des mains qui précède le repas. Celui-ci est réalisé d’un seul trait, car il n’a pas pour but de se libérer du mal, mais plutôt de sanctifier les émotions. L’ordre établi doit alors être respecté. Puis, on frotte les mains l’une contre l’autre, afin de souligner l’interdépendance des sentiments, car, dans le domaine de la sainteté, toutes doivent être parfaitement unies. C’est, par exemple, le cas de l’amour et de la crainte. N’avoir que l’une ou l’autre est insuffisant. Toutes à la fois doivent être gouvernées par la compréhension. Dès lors, elles s’unissent et agissent conjointement pour concourir au meilleur résultat. C’est de cette façon que l’homme parvient à la perfection » [1].

On le voit : le lavage des mains n’a rien d’une règle d’hygiène !

Ignace Semmelweis: l'homme qui avait compris l'importance pour les médecins de SE LAVER LES MAINSRappelons d’ailleurs que ce n’est qu’au XIX° siècle qu’on a mis en évidence le rôle prophylactique du lavage des mains. On le doit à Ignace Philippe Semmelweis, médecin obstétricien hongrois. Il démontra l’utilité du lavage des mains après la dissection d’un cadavre, avant d’effectuer un accouchement. Il démontra également que le lavage des mains diminuait le nombre des décès causés par la fièvre puerpérale des femmes après l’accouchement. Jusqu’alors les médecins accoucheurs essayaient en vain de comprendre d’où venaient les fièvres puerpérales en faisant de nombreuses autopsies. Ce fut un coup terrible pour ceux qui furent finalement convaincus par les idées de Semmelweis : il s’avérait qu’eux-mêmes transmettaient involontairement la maladie.

Les occidentaux très matérialistes voudraient ramener les ablutions rituelles et interdits alimentaires juifs ou musulmans à de simples précautions sanitaires (inconnues de l‘époque). On ne mange pas de porc à l’époque – disent-ils – pour des raisons de mauvaise conservation de la viande et de risques de contamination. Mais alors, pourquoi interdire le lapin ou le homard ? l’escargot ou le chameau ? le mélange du lait et de la viande ? En fait, le principe de la cacherout n’est pas hygiénique mais théologique : respecter la séparation entre les ordres du vivant, car Dieu crée par séparation (cf. le livre de la Genèse). Les animaux qui transgressent cette séparation sont impurs, car ils contribuent en quelque sorte à la dé-création du monde en ne respectant pas les différences. Ainsi ceux qui ont le sabot fendu mais qui ne sont pas des ruminants alors qu’ils devraient l’être (Lv 11,28) : le porc, le chameau… ou les poissons sans écailles : mollusques, anguilles etc.

On retrouve ici le sens du mot saint, kaddosh en hébreu, qui veut dire séparé. Être saint, c’est être séparé des autres qui ne le sont pas. D’ailleurs les pharisiens eux-mêmes se voulaient séparés, selon l’étymologie de leur nom. Et leurs successeurs actuels, les ultra religieux hassidim, se regroupent dans des quartiers à part à Jérusalem car le contact avec les autres – impurs – pourrait les souiller.

Les rites d’ablution sont une frontière qui sépare le pur de l’impur, les saints des pécheurs, et fait passer du profane au sacré. La contestation par Jésus de la pureté légale est cohérente avec sa critique radicale du sacré par séparation. Dans la foi chrétienne, rien n’est sacré parce que tout est à consacrer.

 

Jésus abolit la frontière entre pur et impur, sacré et profane

acceptation-des-migrants-avec-la-fronti%C3%A8re-ouverte-60281094 ipmpuretéJésus a contesté radicalement cette conception de la sainteté par la seule séparation, pour la compléter par l’indispensable communion. Lui, le Saint de Dieu, est venu faire corps avec les pécheurs, depuis le baptême du Jourdain au milieu de la file des pénitents jusqu’au supplice de la croix faisant de lui un criminel et un maudit. Pour Jésus, être saint n’est pas être séparé mais être avec, en communion. C’est la sainteté d’amour de la Trinité, communion des Trois Personnes divines, à laquelle il nous offre de participer gratuitement.

Pour en revenir au lavage des mains avant le repas, le souci n’est donc pas hygiénique mais symbolique. À tel point que les sages d’Israël préconisent de se laver les ongles et les mains s’ils sont sales avant de pratiquer le rituel de l’ablution à table ! Il faut avoir les mains propres pour pouvoir faire l’ablution rituelle. C’est donc que le but de l’ablution n’est pas sanitaire, mais religieux. La tradition juive citée plus haut l’interprète en termes de modération des sentiments (dont l’appétit à table est une figure) grâce à l’intelligence, à la raison qui doivent tempérer l’avidité des désirs et des sentiments.

Les passages de l’Écriture qui font allusion à un lavage des mains l’interprètent en termes d’innocence : « Tous les anciens de cette ville qui se sont approchés de la victime se laveront les mains au-dessus de la génisse dont la nuque a été brisée dans le torrent. Et ils déclareront : ‘Nos mains n’ont pas répandu le sang de cet homme’… » (Dt 21, 6 9). Un psaume mentionne ce geste pour aller à l’autel : « Je lave mes mains en signe d’innocence pour approcher de ton autel, Seigneur » (Ps 26, 6). Depuis la destruction du Temple de Jérusalem, la table familiale est considérée comme le petit autel de substitution, si bien que les rites du Temple ont été transposés dans l’univers familial juif. Pilate refera devant la foule juive ce geste si parlant pour elle, afin de témoigner de son innocence : « Pilate, voyant que ses efforts ne servaient à rien, sinon à augmenter le tumulte, prit de l’eau et se lava les mains devant la foule, en disant : ‘Je suis innocent du sang de cet homme : cela vous regarde !’ » (Mt 27, 24)

L’univers musulman n’a fait que reprendre les traditions juives bien connue du temps de Mahomet. Mais l’islam, en tant que judaïsme universel, annule hélas au passage la révolution que Jésus a accomplie entretemps  sur le pur et l’impur…

 

Que conclure de tout cela pour nous aujourd’hui ?

D’abord que nous sommes libérés de l’obsession rituelle du pur ou de l’impur, de ce qui est péché ou non (comme le disent les musulmans) dans l’habillement, la cuisine, les aliments, les gestes soi-disant à faire ou à ne pas faire. Tout cela n’est que « traditions humaines », respectables certes à une époque donnée, mais obsolètes à l’époque d’après ! On peut très bien se laver les mains avant de passer à table par souci hygiénique. Mais on peut très bien également ne pas se les laver (si elles sont déjà propres) avant de passer à table, et cela ne nous rend pas impurs pour autant !

L’enseignement le plus important de Jésus n’est pas cette relativisation des coutumes trop humaines, mais l’attention qu’il nous invite à porter sur l’intérieur de nous-même, plutôt que sur l’extérieur (les choses à faire ou ne pas faire). « Rien de ce qui sort de l’homme ne le rend impur. C’est de l’intérieur… » Cette déclaration reste révolutionnaire, pour toutes les mentalités religieuses attachées aux rites, aux ablutions, aux interdits alimentaires etc. Nous ne sommes pas des fétichistes de la pureté ! L’impureté n’est pas dans la viande de porc, mais lorsque l’homme se conduit comme un porc. Elle n’est pas dans des mains sales à table, mais dans des gens qui se salissent les mains par la corruption, la cupidité, la malhonnêteté, les activités mafieuses etc. Jésus s’appuyait sur Isaïe pour rappeler que rien ne sert d’honorer Dieu par gestes extérieurs si l’intérieur n’est pas d’abord tourné vers lui : « Ce peuple s’approche de moi en me glorifiant de la bouche et des lèvres, alors que son cœur est loin de moi, parce que la crainte qu’ils ont de moi n’est que précepte enseigné par les hommes » (Is 29, 13). Jacques rappelle cette exigence de la conversion intérieure et non pas extérieure : « Approchez-vous de Dieu, et lui s’approchera de vous. Pécheurs, enlevez la souillure de vos mains ; esprits doubles, purifiez vos cœurs » (Jc 4, 8).

Voilà pourquoi nous sommes libérés des prescriptions juives et musulmanes sur la nourriture (cacherout, halal), sur les vêtements (kippa, voile), sur la pureté rituelle (ablutions).

Pas besoin de se déchausser, ni de se laver les mains, le visage ou les pieds pour entrer dans l’église : il vaut mieux laver son cœur (c’est le rôle du rite pénitentiels au début de la messe), purifier sa relation à autrui (c’est le sens du geste de paix), et communier à l’unique sainteté de Dieu (c’est le rôle de la communion eucharistique) au lieu de vouloir se séparer des pécheurs (que nous sommes !).

Le christianisme n’est pas une religion du pur et de l’impur, à la différence du judaïsme et de l’islam (et de bien d’autres). Nous prônons la communion et non la séparation. Cherchons à transformer ce qui sort de notre bouche, notre cœur, notre intelligence, et non à adopter des habits, une nourriture ou des pratiques rituelles n’agissant que sur l’extérieur, magique et fétichiste.

Rien de ce qui entre dans l’homme ne peut le rendre impur. C’est de l’intérieur de nous-mêmes que sort ce qui peut nous rendre impur.

Où en suis-je de mon propre rapport au pur et à l’impur ?

 


 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Vous n’ajouterez rien à ce que je vous ordonne… vous garderez les commandements du Seigneur » (Dt 4, 1-2.6-8)

Lecture du livre du Deutéronome

Moïse disait au peuple : « Maintenant, Israël, écoute les décrets et les ordonnances que je vous enseigne pour que vous les mettiez en pratique. Ainsi vous vivrez, vous entrerez, pour en prendre possession, dans le pays que vous donne le Seigneur, le Dieu de vos pères. Vous n’ajouterez rien à ce que je vous ordonne, et vous n’y enlèverez rien, mais vous garderez les commandements du Seigneur votre Dieu tels que je vous les prescris. Vous les garderez, vous les mettrez en pratique ; ils seront votre sagesse et votre intelligence aux yeux de tous les peuples. Quand ceux-ci entendront parler de tous ces décrets, ils s’écrieront : ‘Il n’y a pas un peuple sage et intelligent comme cette grande nation !’ Quelle est en effet la grande nation dont les dieux soient aussi proches que le Seigneur notre Dieu est proche de nous chaque fois que nous l’invoquons ? Et quelle est la grande nation dont les décrets et les ordonnances soient aussi justes que toute cette Loi que je vous donne aujourd’hui ? »

PSAUME
(Ps 14 (15), 2-3a, 3bc-4ab, 4d-5)
R/ Seigneur, qui séjournera sous ta tente ? (Ps 14, 1a)

Celui qui se conduit parfaitement,
qui agit avec justice
et dit la vérité selon son cœur.
Il met un frein à sa langue.

Il ne fait pas de tort à son frère
et n’outrage pas son prochain.
À ses yeux, le réprouvé est méprisable
mais il honore les fidèles du Seigneur.

Il ne reprend pas sa parole.
Il prête son argent sans intérêt,
n’accepte rien qui nuise à l’innocent.
Qui fait ainsi demeure inébranlable.

DEUXIÈME LECTURE
« Mettez la Parole en pratique » (Jc 1, 17-18.21b-22.27)

Lecture de la lettre de saint Jacques

Mes frères bien-aimés, les présents les meilleurs, les dons parfaits, proviennent tous d’en haut, ils descendent d’auprès du Père des lumières, lui qui n’est pas, comme les astres, sujet au mouvement périodique ni aux éclipses. Il a voulu nous engendrer par sa parole de vérité, pour faire de nous comme les prémices de toutes ses créatures. Accueillez dans la douceur la Parole semée en vous ; c’est elle qui peut sauver vos âmes. Mettez la Parole en pratique, ne vous contentez pas de l’écouter : ce serait vous faire illusion. Devant Dieu notre Père, un comportement religieux pur et sans souillure, c’est de visiter les orphelins et les veuves dans leur détresse, et de se garder sans tache au milieu du monde.

 

ÉVANGILE
« Vous laissez de côté le commandement de Dieu, pour vous attacher à la tradition des hommes » (Mc 7, 1-8.14-15.21-23)
Alléluia. Alléluia.Le Père a voulu nous engendrer par sa parole de vérité, pour faire de nous comme les prémices de toutes ses créatures. Alléluia. (Jc 1, 18)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, les pharisiens et quelques scribes, venus de Jérusalem, se réunissent auprès de Jésus, et voient quelques-uns de ses disciples prendre leur repas avec des mains impures, c’est-à-dire non lavées. – Les pharisiens en effet, comme tous les Juifs, se lavent toujours soigneusement les mains avant de manger, par attachement à la tradition des anciens ; et au retour du marché, ils ne mangent pas avant de s’être aspergés d’eau, et ils sont attachés encore par tradition à beaucoup d’autres pratiques : lavage de coupes, de carafes et de plats. Alors les pharisiens et les scribes demandèrent à Jésus : « Pourquoi tes disciples ne suivent-ils pas la tradition des anciens ? Ils prennent leurs repas avec des mains impures. » Jésus leur répondit : « Isaïe a bien prophétisé à votre sujet, hypocrites, ainsi qu’il est écrit : Ce peuple m’honore des lèvres,mais son cœur est loin de moi.C’est en vain qu’ils me rendent un culte ; les doctrines qu’ils enseignent ne sont que des préceptes humains. Vous aussi, vous laissez de côté le commandement de Dieu, pour vous attacher à la tradition des hommes. »
Appelant de nouveau la foule, il lui disait : « Écoutez-moi tous, et comprenez bien. Rien de ce qui est extérieur à l’homme et qui entre en lui ne peut le rendre impur. Mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui rend l’homme impur. »
 Il disait encore à ses disciples, à l’écart de la foule : « C’est du dedans, du cœur de l’homme, que sortent les pensées perverses : inconduites, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure. Tout ce mal vient du dedans, et rend l’homme impur. »
.Patrick Braud

Mots-clés : , , , , ,

25 juillet 2021

Exorciser la peur du lendemain

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Exorciser la peur du lendemain

Homélie pour le 18° Dimanche du Temps Ordinaire / Année B
01/08/2021

Cf. également :

Faire ou croire ?
La capacité d’étonnement

Éveiller à d’autres appétits
« Laisse faire » : éloge du non-agir
La soumission consentie

Fin du mois, fin du monde

Exorciser la peur du lendemain dans Communauté spirituelle Peur-de-manquer-275x400Rappelez-vous mars 2020 et le début du confinement : les rayons des supermarchés ont été dévalisés en quelques heures de leurs produits de base. Farine, huile, pâtes, riz : tout disparaissait à vue d’œil. Jusqu’au papier toilette, devenu denrée rare ! À croire que les familles françaises stockaient en prévision d’une pénurie mondiale. Et le pire est que cette folle demande en excès a créé quelques pénuries le temps d’ajuster la production à ces consommateurs angoissés. Nos grands-parents nous avaient raconté la période de rationnement d’après-guerre : les tickets pour obtenir de la nourriture au compte-gouttes, les files interminables devant les boulangeries, les rayons où il ne restait qu’une ou deux misérables boîtes de conserve. D’ailleurs, dans beaucoup de familles, les générations suivantes continuent de stocker, par réflexe. Chez moi, ma mère avait toujours un placard rempli de farine, huile, sucre, riz : ‘on ne sait jamais’.

Cette peur de manquer est aussi vieille que l’humanité, que la vie elle-même. L’épisode de la manne que nous lisons ce dimanche (Ex 16, 2-4.12-15) et que l’Évangile de Jean reprend à sa manière (Jn 6, 24-35) en est la trace. Les esclaves hébreux en fuite dans le désert inconnu ont faim et soif. La peur de mourir au milieu de ces rochers brûlants les désespère. Alors, lorsque tombe du ciel la manne inattendue, ils veulent faire des provisions, ‘au cas où’. Et c’est bien légitime. L’interdiction de YHWH n’en est que plus étonnante : pourquoi empêcher d’en ramasser pour le lendemain ? La sanction naturelle pour ceux qui transgressent cette interdiction est tout aussi impressionnante : la manne amassée pourrit dans les paniers de ceux qui voudraient la stocker en prévision des ‘jours sans’.

Comment ne pas nous reconnaître dans cette réaction instinctive des hébreux : peur de manquer, angoisse du lendemain ?

Souvenez-vous des Gilets jaunes en France : sur les ronds-points, ils ferraillaient avec les écologistes sur les urgences de l’action politique. Les uns parlaient de fin du monde, les autres de fin du mois. L’angoisse écolo de la décennie d’après, nourrie par des rapports et des études de collapsologie effrayante, se heurtait à la peur de manquer très concrète de familles modestes où faire manger les enfants et boucler les fins de mois devenait la préoccupation majeure, lancinante et épuisante. Ces deux peurs sont aujourd’hui encore des moteurs importants de l’action politique. Les Français ont épargné des milliards pendant le confinement, suivant sans le savoir ce réflexe des hébreux au désert : mettre le plus possible de côté en prévision des jours mauvais. Joseph, fils de Jacob, avait pourtant été loué pour sa sagesse dans le même livre de l’Exode : il avait su remplir les greniers de blé de l’Égypte au temps des 7 années de vaches grasses pour faire face ensuite aux 7 années de disette les temps de vaches maigres. La sagesse de Jacob auprès de Pharaon a permis à l’Égypte de traverser 7 années de famine. La loi de Moïse a permis aux hébreux dans le désert de traverser 7 fois 7 années d’exode. Pourquoi la sagesse de Jacob au palais de Pharaon autrefois est-elle maintenant condamnée par YHWH au désert ?

Discours de la servitude volontaireAvant de tenter de répondre, regardons de plus près l’angoisse des hébreux : elle est à la fois physique et symbolique. Physique, car elle porte sur un besoin alimentaire en bas de la pyramide de Maslow : manger pour survivre. Symbolique, car la peur de manquer traduit également un déficit de reconnaissance. Les boulimiques par exemple reportent sur la nourriture une recherche de satiété qui s’enracine ailleurs. Le manque affectif caractérise l’être humain dès la séparation d’avec sa mère : il va chercher à recréer l’unité perdue à travers ses liens à autrui, et l’angoisse le saisira s’il a l’impression que l’autre ne répond pas à son désir. Ainsi Caïn avec Dieu contre Abel : il convoite la reconnaissance symbolique qu’Abel obtient auprès de YHWH qui accepte son sacrifice rituel et pas celui de Caïn. De même les hébreux au désert : ils n’ont pas faim que de manne, ils désirent également la variété, la richesse des plats mangés en Égypte : « Nous nous rappelons encore le poisson que nous mangions pour rien en Égypte, et les concombres, les melons, les poireaux, les oignons et l’ail ! Maintenant notre gorge est desséchée ; nous ne voyons jamais rien que de la manne ! » (Nb 11, 5 6) Voilà de quoi alimenter la servitude volontaire si bien décrite par La Boétie : préférer l’esclavage repu à la liberté exigeante.

Renoncer à la convoitise

 angoisse dans Communauté spirituelleLa manne est tellement répétitive et son goût est si peu enthousiasmant qu’ils veulent et réclament autre chose. YHWH leur donnera alors les cailles, qui volent par nuage dans le désert du Sinaï et sont faciles à prendre au sol. Mais il va marquer le coup, et les punira d’avoir cédé à leur convoitise : « La viande était encore entre leurs dents, ils n’avaient pas fini de la mâcher que déjà la colère du Seigneur s’enflammait contre le peuple et qu’il frappait le peuple ; il le frappa d’un très grand coup. On appela donc ce lieu Qibroth-ha-Taawa (c’est-à-dire : Tombeaux-de-la-convoitise) car c’est là qu’on enterra la foule de ceux qui avaient été pris de convoitise » (Nb 11, 33 34).

La convoitise en effet n’est jamais loin de la peur de manquer. Elles se nourrissent l’une de l’autre. L’enjeu de la manne quotidienne est alors d’éduquer cette horde d’esclaves en fuite à ne pas céder à la convoitise. ‘Apprends à ne pas céder à ton désir d’accumulation, et tu maîtriseras la violence tapie à la porte de ton cœur, cette violence que la convoitise engendre et attise’. Pour que nos déserts deviennent les tombeaux de notre convoitise (selon Nb 11), il nous faut apprendre à renoncer à l’accumulation, en faisant confiance à celui qui nous guide.

Avec la violence, la convoitise engendre également l’injustice. Mais ceux qui ramassent la manne sont surpris de constater que chacun en collecte finalement exactement ce qu’il lui faut : « Les fils d’Israël firent ainsi : certains en recueillirent beaucoup, d’autres peu. Celui qui en avait ramassé beaucoup n’eut rien de trop ; celui qui en avait ramassé peu ne manqua de rien. Ainsi, chacun en avait recueilli autant qu’il pouvait en manger » (Ex 16, 17 18). Les premières communautés chrétiennes reprendront ce principe de distribution du bien commun : à chacun selon ses besoins. « Ils apportaient le montant de la vente pour le déposer aux pieds des Apôtres ; puis on le distribuait en fonction des besoins de chacun. » (Ac 4, 35)

Jésus a éprouvé ce double manque et affronté l’angoisse humaine qui en résulte, pour l’exorciser. Il a eu faim au désert et a refusé la satiété facile que lui proposait le diable. Il a manqué d’air et vécu la terrible angoisse de la lente asphyxie du supplice de la croix, besoin de respirer bien plus vital que le pain. Il a ressenti l’abandon des hommes lors de sa Passion, et pire encore l’abandon de Dieu, pourtant son Père. À Gethsémani, c’est l’angoisse du manque de reconnaissance qui l’a épouvanté ; sur la croix elle l’a fait crier : « Eloï, Eloï, lama sabachthani ? » Face à cette terrifiante angoisse, son combat intérieur a finalement nourri sa confiance – malgré tout – en l’amour de Dieu le guidant jour après jour : « que ta volonté soit faite et non la mienne » (Lc 22,42).

 

Apprendre la convivialité

800px-Tissot_The_Gathering_of_the_Manna_%28color%29 DemainLa deuxième raison de l’interdiction de stocker la manne apparaît alors en filigrane : le souci de la survie physique ne doit pas occulter l’aspiration à une vie plus grande que la nourriture. Ce que nous cherchons est bien plus que de la manne. Nous avons faim de reconnaissance plus que de marmites de viande. Nous avons soif de communion plus que de citernes débordantes. Plus tard, les prêtres du Temple de Jérusalem se souviendront de l’interdit du stockage de la manne en le transposant aux sacrifices d’animaux accomplis au Temple : « Quant à la chair de la victime offerte en sacrifice d’action de grâce et sacrifice de paix, elle sera mangée le jour même où elle est présentée ; on n’en gardera rien pour le lendemain matin. » (Lv 7, 15). Et les commentaires insistent sur l’obligation de communion, de convivialité liée à cet interdit de stocker la viande du sacrifice pour le lendemain :

C’est pour faire connaître le miracle ! Car celui qui apporte l’offrande de rémunération, voyant qu’elle ne peut se consommer que le jour même et la nuit suivante, il invitera ses proches et ses amis à manger et se réjouir avec lui. Ils s’interrogeront alors sur la raison de cette offrande et il leur racontera les miracles et les prodiges dont Hachem l’a gratifié. On en viendra à louer Hachem devant un public important et en présence de sages. Alors que si cette offrande était consommée comme les autres propitiatoires, en deux jours et une nuit, le propriétaire de l’offrande n’aurait invité personne […]. En revanche, voyant la quantité considérable de viande et de pain chez lui, sachant qu’il n’aura la possibilité de les consommer qu’en l’espace d’un jour et d’une nuit, il sera contraint d’inviter un grand nombre de proches pour en manger, par crainte de devenir objet de risée et de ridicule, lorsqu’on le verra brûler une telle quantité de son offrande, et que l’on comprendra qu’il n’avait convié ni famille ni amis [1].

Et Jésus avertit les riches que leurs greniers remplis à ras bord ne leur garantissent pas la vraie vie, au contraire ! « Puis il se dit : ‘Voici ce que je vais faire : je vais démolir mes greniers, j’en construirai de plus grands et j’y mettrai tout mon blé et tous mes biens. Alors je me dirai à moi-même : Te voilà donc avec de nombreux biens à ta disposition, pour de nombreuses années. Repose-toi, mange, bois, jouis de l’existence.’ Mais Dieu lui dit : ‘Tu es fou : cette nuit même, on va te redemander ta vie. Et ce que tu auras accumulé, qui l’aura ?’ Voilà ce qui arrive à celui qui amasse pour lui-même, au lieu d’être riche en vue de Dieu.’ » (Lc 12, 18 22)

 

Avoir faim d’autre chose

fr-con-279-Se-nourrir-de-Dieu-par-sa-Parole exodeRenoncer à la convoitise, apprendre la convivialité… Une troisième raison qui pousse à ne pas conserver la manne reçue est de découvrir la vraie faim qui est la nôtre : « Il t’a fait passer par la pauvreté, il t’a fait sentir la faim, et il t’a donné à manger la manne – cette nourriture que ni toi ni tes pères n’aviez connue – pour que tu saches que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui vient de la bouche du Seigneur » (Dt 8, 3). Plus nous stockons et accumulons, plus nous croyons être invulnérables, indépendants, n’ayant pas besoin de l’aide des autres. Nos biens entassés nous coupent peu à peu de la relation à autrui, et à Dieu le premier. Comme le dit crûment saint Jacques : « Et vous autres, maintenant, les riches ! Pleurez, lamentez-vous sur les malheurs qui vous attendent. Vos richesses sont pourries, vos vêtements sont mangés des mites, votre or et votre argent sont rouillés. Cette rouille sera un témoignage contre vous, elle dévorera votre chair comme un feu. Vous avez amassé des richesses, alors que nous sommes dans les derniers jours ! » (Jc 5, 1 3).

Accumulation et convoitise se conjuguent pour engendrer injustice et violence.

 

Se laisser guider par la confiance

Une quatrième raison de l’interdiction de l’accumulation de la manne réside dans l’attitude de confiance quotidienne qu’elle développe. Puisque je ne peux faire de réserves, je découvre qu’il me suffit de faire confiance jour après jour, de me laisser guider. « Dieu y pourvoira », disait déjà Abraham à son fils inquiet de l’animal pour le sacrifice. Jésus ne nous a-t-il pas appris à demander notre pain quotidien, et pas un stock de boulangerie ? « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour ». L’expression grecque exacte employée par Mathieu et Luc pour cette demande du pain qui reprend celle de la manne est :
τὸν (le) ἄρτον (pain) ἡμῶν τὸν (de nous) ἐπιούσιον (suffisant) δὸς (donne) ἡμῖν (nous) σήμερον (aujourd’hui) (Mt 6,11)
Ce qui signifie littéralement : « donne-nous aujourd’hui le pain qui suffit à notre subsistance ». Pas plus, ni moins. Ce qui veut dire que le but de notre prière va plus loin : « que ta volonté soit faite ». Comme le dit Jésus : « cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste vous sera donné par surcroît ». Le pain du Notre Père est bien la manne du désert de l’Exode… Le pain eucharistique lui aussi est fait pour être consommé intégralement à chaque eucharistie : on ne conserve quelques hosties que pour les porter ensuite aux malades, aux absents, pas pour stocker du surplus ni en reprendre ! Comme les Juifs conservaient une jarre de manne dans le tabernacle du Saint des Saints, non pour accumuler, mais pour témoigner de la sollicitude de YHWH pour son peuple.  Même l’adorations eucharistique respecte l’interdit du désert : ne pas abuser de la grâce en croyant l’accumuler pour soi…

Dans son Apocalypse, Jean promet que les chrétiens qui tiendront bon dans l’épreuve de la persécution seront soutenus pas une nourriture spirituelle semblable à la manne : « Au vainqueur je donnerai de la manne cachée… » (Ap 2, 17)

manna manne
On retrouve là le sens de la Providence tel que l’invoquait Jésus : non pas une résignation fataliste (Mektoub !), ni une superstition magique dans l’intervention divine surnaturelle, mais une confiance à toute épreuve, comptant sur Dieu en nous plus que sur nos propres forces et ressources accumulées au-dehors. « Et au sujet des vêtements, pourquoi se faire tant de souci ? Observez comment poussent les lis des champs : ils ne travaillent pas, ils ne filent pas.  Or je vous dis que Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n’était pas habillé comme l’un d’entre eux » (Mt 6, 28 29)

La pauvreté volontaire de Jésus s’enracine dans sa confiance absolue en son Père, qui le délivre de la peur du manque, qui exorcise l’angoisse du lendemain : « Ne vous faites pas de souci pour demain : demain aura souci de lui-même ; à chaque jour suffit sa peine » (Mt 6, 34). Chercher la volonté de Dieu jour après jour, faire confiance à sa parole, se laisser guider par son amour : voilà notre véritable exode, où la manne ne nous manquera pas si nous ne refermons pas la main sur le don reçu jour après jour.

Résumons-nous : l’interdiction d’accumuler la manne nous est salutaire pour au moins 4 raisons : renoncer à la convoitise, apprendre la convivialité, se nourrir de parole plus que de pain, se laisser guider par la confiance.

Ne dites pas qu’aucun de ces quatre objectifs ne vous concerne…

Quels sont vos stocks de manne, et où sont-ils ?

 


LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Du ciel, je vais faire pleuvoir du pain pour vous » (Ex 16, 2-4.12-15)

Lecture du livre de l’Exode

En ces jours-là, dans le désert, toute la communauté des fils d’Israël récriminait contre Moïse et son frère Aaron. Les fils d’Israël leur dirent : « Ah ! Il aurait mieux valu mourir de la main du Seigneur, au pays d’Égypte, quand nous étions assis près des marmites de viande, quand nous mangions du pain à satiété ! Vous nous avez fait sortir dans ce désert pour faire mourir de faim tout ce peuple assemblé ! » Le Seigneur dit à Moïse : « Voici que, du ciel, je vais faire pleuvoir du pain pour vous. Le peuple sortira pour recueillir chaque jour sa ration quotidienne, et ainsi je vais le mettre à l’épreuve : je verrai s’il marchera, ou non, selon ma loi. J’ai entendu les récriminations des fils d’Israël. Tu leur diras : ‘Au coucher du soleil, vous mangerez de la viande et, le lendemain matin, vous aurez du pain à satiété. Alors vous saurez que moi, le Seigneur, je suis votre Dieu.’ »
Le soir même, surgit un vol de cailles qui recouvrirent le camp ; et, le lendemain matin, il y avait une couche de rosée autour du camp. Lorsque la couche de rosée s’évapora, il y avait, à la surface du désert, une fine croûte, quelque chose de fin comme du givre, sur le sol. Quand ils virent cela, les fils d’Israël se dirent l’un à l’autre : « Mann hou ? » (ce qui veut dire : Qu’est-ce que c’est ?), car ils ne savaient pas ce que c’était. Moïse leur dit : « C’est le pain que le Seigneur vous donne à manger. »

 

PSAUME
(Ps 77 (78), 3.4ac, 23-24, 25.52a.54a)
R/ Le Seigneur donne le pain du ciel ! (cf. 77, 24b)

Nous avons entendu et nous savons
ce que nos pères nous ont raconté :
et nous le redirons à l’âge qui vient,
les titres de gloire du Seigneur.

Il commande aux nuées là-haut,
il ouvre les écluses du ciel :
pour les nourrir il fait pleuvoir la manne,
il leur donne le froment du ciel.

Chacun se nourrit du pain des Forts,
il les pourvoit de vivres à satiété.
Tel un berger, il conduit son peuple.
Il le fait entrer dans son domaine sacré.

 

DEUXIÈME LECTURE
« Revêtez-vous de l’homme nouveau, créé selon Dieu » (Ep 4, 17.20-24)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens

Frères, je vous le dis, j’en témoigne dans le Seigneur : vous ne devez plus vous conduire comme les païens qui se laissent guider par le néant de leur pensée. Mais vous, ce n’est pas ainsi que l’on vous a appris à connaître le Christ, si du moins l’annonce et l’enseignement que vous avez reçus à son sujet s’accordent à la vérité qui est en Jésus. Il s’agit de vous défaire de votre conduite d’autrefois, c’est-à-dire de l’homme ancien corrompu par les convoitises qui l’entraînent dans l’erreur. Laissez-vous renouveler par la transformation spirituelle de votre pensée. Revêtez-vous de l’homme nouveau, créé, selon Dieu, dans la justice et la sainteté conformes à la vérité.

ÉVANGILE
« Celui qui vient à moi n’aura jamais faim, celui qui croit en moi n’aura jamais soif » (Jn 6, 24-35)
Alléluia. Alléluia. L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Alléluia. (Mt 4, 4b)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

En ce temps-là, quand la foule vit que Jésus n’était pas là, ni ses disciples, les gens montèrent dans les barques et se dirigèrent vers Capharnaüm à la recherche de Jésus. L’ayant trouvé sur l’autre rive, ils lui dirent : « Rabbi, quand es-tu arrivé ici ? » Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : vous me cherchez, non parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez mangé de ces pains et que vous avez été rassasiés. Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’homme, lui que Dieu, le Père, a marqué de son sceau. » Ils lui dirent alors : « Que devons-nous faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? » Jésus leur répondit : « L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé. » Ils lui dirent alors : « Quel signe vas-tu accomplir pour que nous puissions le voir, et te croire ? Quelle œuvre vas-tu faire ? Au désert, nos pères ont mangé la manne ; comme dit l’Écriture : Il leur a donné à manger le pain venu du ciel. » Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : ce n’est pas Moïse qui vous a donné le pain venu du ciel ; c’est mon Père qui vous donne le vrai pain venu du ciel. Car le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde. » Ils lui dirent alors : « Seigneur, donne-nous toujours de ce pain-là. » Jésus leur répondit : « Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura jamais soif. »
.Patrick Braud

Mots-clés : , , ,
1...56789...28